CHANTELLE SHAW -...

145

Transcript of CHANTELLE SHAW -...

Page 1: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce
Page 2: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

CHANTELLE SHAW

Captifs

d’un secret

Cruellement blessée, Eden s’est juré de ne jamais revoir Rafe

Santini, le coureur automobile dont elle a été la maîtresse, mais

qui l’a rejetée en croyant qu’elle le trompait avec son propre

frère. Or, voilà que le destin la remet en présence de celui

qu’elle a aimé avec passion et qui, contre toute attente, semble

décidé à la séduire de nouveau. Heureusement, Eden n’est plus

la jeune femme naïve et sans défense d’autrefois. Non

seulement elle est plus mûre et bien déterminée à se défendre

contre la famille Santini qui l’a toujours détestée, mais elle est

persuadée qu’elle saura résister au désir qu’elle ressent pour

Rafe, en dépit de tout. Du moins l’espère-t-elle…

Page 3: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

CHANTELLE SHAW

Captifs d’un secret

COLLECTION AZUR

éditions Harlequin

Page 4: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Si vous achetez ce livre privé de tout ou partie de sa couverture,

nous vous signalons qu’il est en vente irrégulière. Il est considéré

comme « invendu » et l’éditeur comme l’auteur n’ont reçu aucun

paiement pour ce livre « détérioré ».

Cet ouvrage a été publié en langue anglaise

sous le titre :

HIS PRIVATE MISTRESS

Traduction française de

MARIE-PIERRE MALFAIT

HARLEQUIN®

est une marque déposée du Groupe Harlequin

et Azur® est une marque déposée d’Harlequin S. A.

Toute représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit,

constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du

Code pénal-

© 2006, Chantelle Shaw. © 2008, Traduction française : Harlequin S. A.

83-85, boulevard Vincent-Auriol, 75013 PARIS – Tél. : 01 42 16 63 63 Service Lectrices – Tél. : 0145 82 47 47.

ISBN 978-2-2808-3972-3 – ISSN 0993-4448

Page 5: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

1.

— … et, pour clore notre bulletin d’informations locales, le

personnel et les patients de Greenacres ont reçu hier une visite

tout à fait inattendue. Le champion de Formule 1 Rafael

Santini est arrivé en hélicoptère au centre de rééducation de

Wellworth. Après avoir pris le temps d’échanger quelques

mots avec tout ce petit monde, l’Italien a remis un chèque

substantiel au directeur de l’établissement, Jean Collins. Ce

dernier nous a avoué qu’il régnait une effervescence sans

pareille dans les couloirs de Greenacres…

Le journaliste parlait d’un ton goguenard.

— … la gent féminine devait être particulièrement

enthousiaste si l’on en juge par la réputation de Rafael Santini,

aussi légendaire sur les circuits que dans les soirées

mondaines ! A propos, Kate, avant de nous parler du temps,

que pensez-vous de Rafe Santini ?

— Cet homme est à tomber par terre, tout simplement,

Brian ! Nul doute qu’il ensoleillerait ma journée si je l’avais

auprès de moi, ce qui ne sera hélas pas le cas de la météo du…

Eden éteignit le poste d’un geste sec, irritée par la voix

sirupeuse de la présentatrice. Une longue file de voitures

s’allongeait devant elle… Ses doigts tambourinèrent

impatiemment sur le volant. Comme par magie, un chantier

avait surgi sur la route dans la nuit, ralentissant la circulation.

Elle allait être en retard et elle détestait ça. C’était là, bien sûr,

la seule raison de sa nervosité.

Enfin, elle arriva.

Ses talons claquèrent sur les dalles de marbre du hall

d’entrée. Un rapide coup d’œil au miroir suffit à la rassurer :

Page 6: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

elle semblait tout à fait maîtresse d’elle-même, élégamment

vêtue d’un tailleur-pantalon crème, ses cheveux blonds noués

en une longue tresse qui flottait dans son dos. Pourtant…

pourtant, son cœur battait à coups désordonnés et son estomac

se tordait douloureusement. C’était ridicule !

A l’accueil – pourquoi n’y avait-elle pas songé plus tôt ? –

le dispositif de sécurité était renforcé et elle fouilla fébrilement

dans son sac à la recherche de sa carte de presse. L’agent de

sécurité l’observa avec attention avant de l’autoriser à entrer.

L’hôtel s’était transformé en véritable forteresse, remarqua

Eden en s’immobilisant devant un deuxième agent de sécurité.

— Vous êtes en retard, souligna ce dernier avec un fort

accent italien. La conférence de presse a commencé.

— Je ne ferai pas de bruit, ne vous inquiétez pas. Personne

ne remarquera mon arrivée, assura-t-elle en priant pour que ce

soit vrai.

Elle n’avait aucune envie d’attirer l’attention sur elle, cet

homme pouvait lui faire confiance ! Si elle ne s’était pas

retrouvée coincée dans les embouteillages, elle serait déjà

installée tout au fond de la pièce, perdue dans la foule des

journalistes venus en masse pour l’occasion.

Car la salle de conférence était pleine à craquer – ce qui, en

soi, n’avait rien d’étonnant, Rafael Santini donnait très peu

d’interviews. Il entretenait avec les médias une relation

tumultueuse : friands d’anecdotes croustillantes sur sa vie

privée, les journalistes franchissaient souvent des limites qu’il

considérait comme inviolables. Depuis le terrible accident de

son frère Gianni trois ans plus tôt, et les rumeurs véhiculées

parles médias qui tenaient Rafe responsable du drame, ses

sentiments à l’égard des paparazzi s’étaient mués en haine

pathologique. Son statut de champion du monde de Formule 1

l’obligeait malgré tout à faire quelques déclarations à la presse,

mais c’étaient chaque fois de brèves apparitions et des propos

lapidaires qu’il livrait aux journalistes. Fabrizzio Santini avait

sans nul doute déployé des trésors de persuasion pour

convaincre son fils aîné de tenir une conférence de presse ce

jour-là.

Page 7: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Tête baissée, Eden se glissa jusqu’à la dernière place libre,

tout au fond de la grande salle. Une fois installée, perdue au

milieu de ses confrères, elle osa enfin lever les yeux vers

l’estrade. Elle s’était préparée à ce moment toute la matinée.

Toute la matinée ? Non, cela faisait des jours qu’elle y pensait,

qu’elle ne songeait même qu’à ça : elle allait revoir Rafe.

Pourtant, cela n’atténua en rien le choc qu’elle reçut lorsqu’elle

posa les yeux sur son visage. Il était toujours aussi beau…

peut-être même plus beau que dans son souvenir.

Le souffle coupé, elle détourna le regard.

Rafael Santini semblait s’ennuyer à mourir. Ses traits

volontaires reflétaient un intérêt poli mais contraint. La

perfection de son ossature, son nez droit et ses yeux de jais

couronnés d’épais sourcils bruns attiraient le regard admiratif

de toutes les femmes présentes dans l’assistance…

Malgré la distance, Eden décela sans peine les signes de

l’impatience grandissante de Rafael Santini : la légère

crispation de sa mâchoire carrée, ses longs doigts mats qui

jouaient avec un stylo… et son sourire étincelant qui n’éclairait

pas son regard. Elle le vit se raidir brusquement, comme un

animal aux aguets, et ses yeux noirs se voilèrent comme il

scrutait le fond de la salle. Il était parfaitement impossible qu’il

ait eu connaissance de sa présence ici, songea Eden en se

recroquevillant davantage sur sa chaise. Certes, il savait qu’elle

était journaliste, originaire de Wellworth, de surcroît. N’était-

ce pas ici même qu’ils s’étaient rencontrés, tous les deux ? Il

devait aussi se douter qu’elle gardait des liens étroits avec le

centre de rééducation auquel il venait de remettre un don

généreux, mais il était fort improbable qu’il la crût capable de

venir assister à sa conférence de presse. Non, la tension qui

semblait émaner de lui n’était que le fruit de son imagination.

D’un autre côté… n’avait-il pas toujours eu une sorte de

sixième sens qui l’alertait chaque fois qu’elle pénétrait dans un

endroit où il se trouvait déjà ? A ce souvenir, un frisson

parcourut la jeune femme. Elle ne voulait pas se souvenir de

leur complicité, de ces petites choses inexplicables qui les

unissaient, tous les deux. Elle préférait de loin garder à la

Page 8: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

mémoire l’amant impénétrable et distant qui la comblait au lit,

mais ne lui donnait rien au plan émotionnel. C’était

précisément pour cette raison qu’elle avait décidé de mettre un

terme à leur liaison… Mais, là encore, Rafe l’avait prise de

vitesse. Le cœur d’Eden se serra douloureusement au souvenir

de l’humiliation qu’il lui avait fait subir en la congédiant sans

autre forme de procès.

Au prix d’un effort, elle se concentra sur ce qui se passait

autour d’elle. Dans les premiers rangs, une journaliste

interrogea Rafe sur ses chances de remporter le Grand Prix de

Silverstone qui se tenait le surlendemain ; ce dernier se détendit

légèrement. Le sourire charmeur qu’il adressa à son

interlocutrice bouleversa Eden.

— Je n’ai pas l’habitude de spéculer sur mes chances de

gagner ou non, répondit-il avec l’arrogance désinvolte qui le

caractérisait. J’ai l’intention de gagner. Ma voiture est au

maximum de ses performances et moi aussi, ajouta-t-il d’une

voix rauque, avant de gratifier la jeune journaliste d’un clin

d’œil entendu.

Des rires amusés parcoururent l’assistance. On ne l’avait

pas baptisé l’Etalon Italien par hasard – ses nombreuses

aventures se retrouvaient régulièrement à la une de la presse à

sensation. L’estomac chaviré, Eden attrapa nerveusement son

carnet de notes.

Des informations d’ordre général, agrémentées de quelques

détails qu’elle aurait glanés grâce aux questions posées par ses

confrères – et ses consœurs, bien sûr –, voilà ce qu’elle

remettrait à Cliff. Il était hors de question qu’elle tente

d’arracher à Rafael Santini une interview exclusive. Si elle

avait par le passé succombé à son charme de latin lover, cette

époque était définitivement révolue.

Peut-être, mais Cliff Harley, son ami d’enfance et le

rédacteur en chef de la Wellworth Gazette, espérait un article

de fond sur le charismatique pilote italien.

— Je t’en prie, Eden, oublie ta modestie et fonce ! Tu es

une journaliste brillante, réputée dans tout le pays pour les

reportages que tu as rapportés d’Afrique au péril de ta vie, avait

Page 9: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

souligné Cliff. S’il y a bien une personne ici qui peut rédiger

un article croustillant sur Rafael Santini, c’est toi !

— Il déteste les journalistes. Crois-moi, ce n’est pas son

genre d’accorder des interviews exclusives. S’il a accepté de

donner une conférence de presse, je suppose que c’est

uniquement pour annoncer le rachat de l’usine d’Oxford par le

groupe Santini. Il pouvait difficilement faire autrement, après

la série de scandales qui a éclaboussé l’écurie du même nom au

cours de ces dernières années.

— Oui, mais tu as l’immense privilège de connaître

l’homme intimement, avait répliqué Cliff avec un sourire

goguenard.

A ces mots, Eden avait rougi comme une écolière. Oui,

c’était exact, elle connaissait Rafe sur le bout des doigts, elle

avait exploré chaque centimètre carré de son corps… A tel

point qu’aujourd’hui encore, alors que quatre années s’étaient

écoulées, elle visualisait sans mal ses larges épaules, son torse

puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement

fuselées, sa peau douce et cuivrée.

— Mon… amitié avec Rafe est morte depuis bien

longtemps, répliqua-t-elle d’un ton guindé, feignant d’ignorer

la moue moqueuse qu’il avait esquissée lorsqu’elle avait

prononcé le mot « amitié ».

En toute objectivité, Cliff avait raison : elle n’avait jamais

été l’amie de Rafael Santini. Sa maîtresse, oui,

incontestablement ; une compagne qu’il prenait et délaissait à

sa guise, au gré de ses envies et de son emploi du temps.

C’était une relation purement chamelle qu’ils avaient

entretenue, dénuée de tout sentiment.

— Ecoute, Eden, j’ai vraiment besoin d’un article qui capte

l’intérêt du lecteur, insista Cliff. Je veux savoir ce qui l’amène

à repousser sans cesse les limites, ce qu’il ressent juste avant le

départ d’une course. Je veux un papier qui dévoile l’homme

derrière la légende…

— Tu veux surtout savoir avec qui il couche en ce moment,

coupa Eden d’un ton caustique.

Page 10: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Cinq ans plus tôt, alors qu’il étaient de jeunes journalistes

fraîchement diplômés, elle et Cliff étaient entrés ensemble à la

Gazette. Mais leurs chemins s’étaient très vite éloignés.

Enraciné à Wellworth, Cliff avait épousé son amour de lycée

puis gravi les échelons du journal local jusqu’à décrocher le

poste de rédacteur en chef. De son côté, Eden avait rapidement

gagné une réputation de tête brûlée au sein de la profession.

Correspondante étrangère en Côte d’Ivoire où la situation

politique menaçait régulièrement de sombrer dans le chaos, elle

forçait le respect et l’admiration de ses pairs pour ses articles

de fond qu’elle rédigeait souvent au péril de sa vie. Après trois

années de travail acharné dans cette zone à risque, la jeune

femme avait éprouvé le besoin de faire une pause.

Elle avait promis à ses parents qu’elle se contenterait

désormais de se prélasser dans le jardin de leur cottage. Mais,

au bout d’un mois d’inactivité totale, elle ne tenait plus en

place. Ce fut avec un immense soulagement qu’elle avait

accepté la proposition de Cliff : rejoindre l’équipe éditoriale de

la Gazette.

— Désolée, mais je ne donnerai pas dans le sensationnel,

avait-elle conclu d’un ton ferme avant de quitter le bureau de

son ami. S’il y a bien une leçon que je retiens de mon année

passée avec Rafe, c’est qu’il n’y a rien de plus terrible que de

se retrouver à la une des journaux à scandale avec tout un tas

d’horreurs écrites sur ton compte…

Avec un soupir, Eden s’agita nerveusement sur sa chaise.

Elle était ici pour rédiger un article, songea-t-elle en s’efforçant

de se ressaisir. Pour mieux s’en convaincre, elle griffonna la

déclaration de Rafe qui venait de confirmer son intention de

continuer la formule 1. On chuchotait dans les milieux avertis

que Fabrizzio Santini connaissait depuis quelque temps de

sérieux problèmes de santé. L’accident qui avait cloué Gianni,

son fils cadet, dans un fauteuil roulant l’avait déjà sérieusement

ébranlé et on racontait qu’il s’apprêtait à laisser à Rafael les

rênes de la Santini Corporation. Pour sa part, Eden n’y avait

jamais cru. Rafe ne renoncerait pas de sitôt aux courses

automobiles. Cette soif de vitesse et d’excitation, ce besoin de

Page 11: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

se mesurer aux autres étaient inscrits dans ses gènes et avaient

fait de lui le champion du monde de Formule 1, titre qu’il

détenait depuis plusieurs années.

Rafe était unique en son genre. Il était habité d’une énergie

incroyable qui le poussait à prendre des risques insensés qu’il

avait jusqu’alors toujours réussi à maîtriser. C’était un modèle

pour de nombreux jeunes pilotes, y compris pour son frère

cadet, Gianni. La rivalité qui existait entre eux s’était hélas

amplifiée au fil du temps, conduisant finalement au dramatique

accident de Gianni.

Il régnait une chaleur étouffante dans la salle de conférence.

En sueur, le voisin d’Eden tenta de coincer son carnet de notes

et son gobelet de café dans une main pour s’essuyer le front de

l’autre. Dans son élan, une giclée du breuvage brûlant aspergea

le pantalon d’Eden.

— Oh… oh, je suis désolé, murmura-t-il tandis qu’elle se

levait à moitié en étouffant un petit cri.

— Oui, c’est à vous… la jeune femme au dernier rang,

annonça l’agent de Rafe du haut de l’estrade.

Un long silence accueillit ses paroles.

— Allez-y, bon sang, murmura un autre journaliste à

l’adresse d’Eden qui se rassit précipitamment, les joues en feu.

— Je n’ai pas de question, chuchota-t-elle.

— Eh bien, trouvez-en une avant que Santini ne s’énerve et

ne mette un terme prématuré à l’interview. Il n’est pas

spécialement patient, tout le monde le sait.

Consciente des regards intrigués braqués sur elle et du

silence pesant qui s’éternisait, Eden prit une longue inspiration

et posa la première question qui lui vint à l’esprit.

— Monsieur Santini, l’intérêt tout particulier que vous

portez au centre de rééducation de Wellworth est-il directement

lié au parcours médical de votre frère, après son dramatique

accident au Grand Prix de Hongrie ?

Des murmures s’élevèrent, d’autres têtes se tournèrent vers

elle et Eden se cala tout au fond de sa chaise, croisant les doigts

pour que Rafe n’ait pas reconnu sa voix, qu’elle avait pris soin

de moduler. Quatre années s’étaient écoulées… Avec un peu

Page 12: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

de chance, il répondrait brièvement à sa question et passerait à

la suivante.

— Bravo, vous avez tout gagné, maugréa son voisin. Vous

n’avez pas entendu ce qu’a dit l’agent de Santini tout à

l’heure ? C’était pourtant clair : Rafe refuse de répondre à toute

question touchant à sa vie privée et plus particulièrement au

drame qui a frappé son frère.

— Je suis arrivée en retard, se défendit la jeune femme,

mortifiée. Je n’étais pas au courant

Sur l’estrade, Rafe s’était penché vers son agent. Les deux

hommes échangèrent quelques mots puis l’agent leva les yeux

en direction d’Eden.

— M. Santini aimerait que vous répétiez votre question,

mais d’abord, levez-vous et présentez-vous, je vous prie.

Prise de panique, Eden songea un instant à s’éclipser par

l’issue de secours. Hélas, tous les regards convergeaient à

présent sur elle et elle n’avait pas d’autre choix que d’obéir. La

salle était grande, après tout, Rafe ne la reconnaîtrait peut-être

pas d’où il se tenait Lorsqu’elle trouva enfin la force de lever

les yeux, la salle lui parut déserte et il n’y avait plus que Rafe.

Rafe, qui la considérait avec insolence, qui la déshabillait

de son regard sombre et pénétrant Leurs yeux se rencontrèrent

enfin et elle se sentit très vulnérable, à sa merci, comme s’il

avait réussi à capturer son âme, ses pensées les plus intimes.

Tout à coup, il détourna le regard et elle tressaillit en y décelant

urne trace de mépris.

— Eden Lawrence, de la Wellworth Gazette, déclara-t-elle

d’une voix rauque.

A quoi bon mentir ? Rafe l’avait reconnue, cela ne faisait

aucun doute.

— Je désirais savoir si le soutien financier de M. Santini à

l’établissement de Greenacres était directement lié à l’accident

de son frère.

Au bord du vertige, les joues brûlantes, elle s’agrippa au

dossier de la chaise, tandis que Rafe reportait son attention sur

elle, le regard dur, glacial.

Page 13: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— M. Santini fait des donations à de nombreuses

associations caritatives en dehors de Greenacres, répliqua d’un

ton sec l’agent de Rafe. Nous pensions avoir été clairs en

commençant cette interview, mademoiselle : M. Santini ne

répondra pas aux questions touchant à sa vie privée.

Eden s’apprêtait à se rasseoir lorsqu’une voix qu’elle aurait

reconnue entre mille la coupa net dans son élan.

— Mademoiselle Lawrence, je suis très flatté par l’intérêt

que vous semblez porter à ma vie privée, et vous avez raison,

mes motivations concernant le centre de rééducation sont

d’ordre tout à fait… personnel.

Hypnotisée par son regard noir, Eden resta debout sans mot

dire, parfaitement immobile. Des murmures interrogateurs

coururent dans les rangs.

— Eden Lawrence… c’est elle qui travaillait pour un grand

quotidien, non ? Si mes souvenirs sont bons, elle s’est

retrouvée coincée au beau milieu d’un coup d’Etat en Afrique

il y a deux ou trois ans.

— Oui, c’est vrai… D’ailleurs, elle n’avait pas eu une

liaison avec Santini avant de s’expatrier ?

Il fallait absolument qu’elle trouve le moyen de partir d’ici

au plus vite, la situation devenait insupportable. A l’instant où

Eden formulait cette pensée, deux agents de sécurité se

matérialisèrent à ses côtés.

— Si vous voulez bien nous suivre, mademoiselle…

C’était plus un ordre qu’une invitation et Eden s’exécuta

sans mot dire, la tête haute. Jamais encore elle n’avait subi

pareille humiliation dans le cadre professionnel. Pourquoi,

mais pourquoi avait-elle accepté cette mission ?

Pourquoi ? répéta une petite voix narquoise… N’était-ce

pas pour s’assurer qu’elle était définitivement guérie de

l’attraction que Rafe avait exercée sur elle quelques années

plus tôt ? Eh bien, c’était un beau fiasco ! songea-t-elle en

traversant le hall d’entrée.

A peine eut-elle pris la direction de la porte d’entrée qu’une

main s’abattit sur son bras. Sans mot dire, les deux colosses

l’entraînèrent vers un ascenseur.

Page 14: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Vous permettez ? lança-t-elle d’un toi glacial. Votre

mission est accomplie, me semble-t-il. J’aimerais rentrer chez

moi, maintenant

Le plus imposant des deux agents la toisa d’un air

condescendant.

— Le signor Santini vous prie de bien vouloir l’attendre

dans sa suite.

— Il est hors de question que je me plie à ses volontés !

Ils étaient arrivés au dernier étage et la porte de l’ascenseur

coulissa sans bruit. Les deux hommes s’effacèrent pour la

laisser passer, mais Eden croisa les bras sur sa poitrine et les

foudroya du regard à tour de rôle.

— Dites au… signor Santini que je n’ai aucune envie de le

voir.

— Pardon ? fit le colosse en haussant les épaules avec une

désinvolture exaspérante.

— Dites au signor Santini…

— Pourquoi ne lui dites-vous pas vous-même ?

Eden n’avait pas remarqué que l’autre ascenseur était

arrivé.

Comme par magie, Rafe apparut dans le couloir, grand,

imposant, séduisant en diable. Le cœur d’Eden tressaillit

étrangement tandis qu’elle tendait la main vers le bouton de

fermeture de la porte – une sorte d’instinct de survie, sans

doute.

Un élégant mocassin en cuir empêcha la porte de se fermer

complètement.

En apercevant le sourire de prédateur qui éclairait le visage

hâlé de Rafe, Eden recula jusqu’au fond de l’ascenseur.

— Tiens, tiens, mais c’est Eden Lawrence, murmura Rafe

avec un fort accent italien. Quelle drôle de surprise…

Un couple de personnes âgées s’immobilisa derrière lui et

Rafe les gratifia d’un sourire chaleureux.

— Sors de là, Eden, tu retardes ces pauvres gens, susurra-t-

il d’un ton mielleux.

Page 15: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Rafe avait toujours eu le don de charmer son entourage, se

rappela Eden en quittant son refuge à contrecœur, aussitôt

encadrée par les deux gardes du corps zélés.

A peine la porte de l’ascenseur refermée, elle se tourna vers

lui, furieuse.

— Dis à tes molosses de me laisser tranquille, d’accord ?

Ils m’ont suffisamment humiliée en me chassant de la

conférence de presse !

Rafe darda son regard noir sur les deux agents de sécurité et

s’adressa à eux dans sa langue maternelle.

— Tu exagères, Eden, déclara-t-il finalement en reportant

son attention sur elle Paolo et Romano m’assurent qu’ils t’ont

traitée avec le plus grand respect.

Tout en parlant, il avait ouvert la porte de sa suite et il lui fit

un petit signe pour l’inviter à entrer. Eden releva le menton

d’un air déterminé.

— Je veux rentrer chez moi, tout de suite.

Rafe haussa les sourcils.

— N’est-ce pas pour me voir que tu es venue jusqu’ici

aujourd’hui ?

Eden laissa échapper un rire sans joie.

— Je vois que tu n’as rien perdu de ton arrogance, Rafe. Si

tu veux tout savoir, je suis ici en ma qualité de journaliste et

uniquement parce que Cliff Harley m’a demandé d’écrire un

article sur toi.

— Je vois, murmura Rafe. Comme tu es là, laisse-moi au

moins t’inviter à prendre un verre. On dirait que tu as…

Il marqua une pause et haussa les sourcils d’un air

moqueur.

— … très chaud, tout à coup. Et ton pantalon est taché, au

cas où tu ne t’en serais pas aperçue.

En rougissant de plus belle, Eden baissa précipitamment les

yeux sur son pantalon et découvrit une grande auréole de café

qui couvrait presque toute sa cuisse.

— C’est du café, expliqua-t-elle d’une voix mal assurée. Un

cadeau de mon idiot de voisin. S’il n’avait pas été aussi

Page 16: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

maladroit, tu ne te serais même pas rendu compte de ma

présence.

— Je savais que tu étais dans la salle, objecta Rafe en

l’invitant à s’asseoir dans un des fauteuils en cuir qui

meublaient le salon. Que désires-tu boire ? Du vin, un jus de

fruit, une tasse de thé ?

— Un jus d’orange fera l’affaire, merci, répondit Eden,

désireuse de quitter cet endroit le plus rapidement possible.

Comment as-tu su que j’étais là ?

— J’ai senti ta présence, répondit-il simplement. Si tu ne

t’étais pas levée, j’aurais scruté l’assistance et j’aurais bien fini

par te trouver.

Un silence pesant s’abattit sur la pièce. Mal à l’aise, Eden

feignit de s’absorber dans la contemplation du tapis aux

arabesques compliquées. Mais comment ignorer son cœur qui

battait à coups redoublés dans sa poitrine ? Rafe était toujours

aussi séduisant – plus séduisant peut-être que dans son

souvenir – et il lui avait tellement manqué ! Presque malgré

elle, son regard glissait sur lui, sur son menton volontaire et les

contours parfaitement dessinés de son visage, avant de

s’attarder sur la courbe de sa bouche, infiniment sensuelle.

— Tu devrais vérifier que le café ne t’a pas brûlée, fit Rafe

en lui tendant un verre de jus d’orange. Tu trouveras un

peignoir dans la salle de bains : mets-le pendant que j’envoie

ton pantalon au pressing.

— Ça va aller, je te remercie, répondit Eden, paniquée à la

simple idée de devoir passer plus de cinq minutes en

compagnie de Rafe.

— Si tu ne t’en occupes pas tout de suite, la tache risque de

s’incruster et ton pantalon sera fichu.

— J’en achèterai un autre, la belle affaire ! Je t’en prie,

Rafe, enchaîna-t-elle comme il ouvrait la bouche pour insister.

Cela fait quatre ans que nous ne nous sommes pas vus : sache

que je n’ai pas la moindre intention de me déshabiller en ta

présence.

Page 17: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Ah oui, vraiment ? Il fut un temps où tu ne faisais pas

tant d’histoires, me semble-t-il, répliqua-t-il en s’installant

confortablement dans le fauteuil en face d’elle.

Eden retint son souffle, tiraillée par des sentiments

contradictoires. Le charisme qu’il dégageait exerçait toujours le

même effet sur elle : elle se sentait comme prise au piège par

son charme naturel, son regard sombre, pénétrant, son sourire

enjôleur. Heureusement, l’ironie grinçante de ses propos

l’emplit d’indignation et elle releva le menton.

— Cette époque est révolue depuis longtemps, Rafe. J’étais

alors jeune et naïve… mais tu t’es vite chargé de me

débarrasser de mon innocence, n’est-ce pas ?

Les souvenirs affluaient en même temps que les mots

lancés d’un ton accusateur. Il avait suffi d’un seul regard pour

qu’elle tombe dans ses bras…

— Je n’avais pas la moindre chance face au grand Rafael

Santini, conclut-elle avec amertume.

— Tu étais une élève plus que zélée, répliqua-t-il,

imperturbable. Tellement avide d’apprendre que tu n’as pas pu

t’empêcher d’aller voir ce que valait mon frère.

La cruauté de ses paroles transperça le cœur d’Eden.

— C’est faux…

— Je vous ai vus de mes propres yeux, coupa Rafe en se

levant d’un mouvement souple. Gianni et toi, tendrement

enlacés. Essaierais-tu de me faire croire que j’ai été victime

d’une hallucination ?

— Absolument pas, répondit Eden avec un calme feint.

Pourquoi perdrais-je mon temps ? Tu as refusé de n’écouter il y

a quatre ans, je ne vois pas pourquoi il en serait autrement

aujourd’hui.

Soumise à son charme, à l’irrésistible magnétisme qu’il

dégageait, elle avait alors cruellement manqué d’assurance. En

l’espace de quelques minutes, Rafe l’avait jugée et condamnée

sans appel, sans lui laisser la moindre chance de se défendre.

— Ecouter quoi, à la fin ? Je t’ai surprise à demi nue dans

les bras de mon frère, et ce serait à moi de faire amende

honorable, c’est ça ?

Page 18: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Une fois encore, Rafe déversait sa colère sur elle. Ses yeux

noirs lançaient des éclairs et il la toisait avec mépris. Au prix

d’un effort surhumain, Eden refoula sa propre indignation. Elle

n’avait pas envie de guerroyer, pas envie de rouvrir des plaies

encore douloureuses.

Sur un dernier regard lourd de reproches, Rafe tourna les

talons et se mit à arpenter la pièce d’un pas rageur. Lorsqu’il

passa la main dans son épaisse chevelure d’un noir de jais,

Eden retint son souffle. Elle se souvenait encore de la texture

soyeuse de ses cheveux, du plaisir qu’elle prenait à caresser sa

nuque où bouclaient quelques mèches rebelles. Assez ! cria-t-

elle in petto en détournant précipitamment les yeux.

— C’était il y a longtemps, murmura-t-elle en s’efforçant

de calmer le courroux de Rafe, l’Italien au sang chaud. L’eau a

coulé sous les ponts depuis, et j’ai beaucoup mûri.

Même si, en cet instant précis, elle se sentait aussi jeune et

immature qu’au jour de leur rencontre, cinq ans plus tôt. Une

rencontre qui avait également eu lieu dans un hôtel… A la

différence que, ce jour-là, c’était elle qui l’avait provoquée,

n’hésitant pas à grimper le long d’une gouttière jusqu’au

balconnet de sa suite pour se glisser subrepticement par

l’entrebâillement de la fenêtre et atterrir à ses pieds dans un

saut peu élégant.

A ce souvenir, un sourire effleura ses lèvres.

— Qu’y a-t-il de si drôle ? demanda Rafe en la dévisageant

d’un air perplexe.

Eden déglutit avec peine, troublée par le timbre de sa voix,

suave et langoureuse. Encore plus caressante que dans son

souvenir…

— Je me rappelais juste les circonstances de notre première

entrevue. Ta chambre était au premier étage, j’ai grimpé le long

d’une gouttière puis je me suis accrochée au lierre qui tapissait

la façade pour pouvoir te rencontrer.

— Ma chambre était au deuxième étage, corrigea Rafe en

fronçant les sourcils et je n’ai jamais pu chasser de mon esprit

cette image terrible : toi, gisant sur le gravier de la cour… si tu

avais fait une chute fatale.

Page 19: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Eden ravala les larmes qui perlaient à ses paupières.

Pourquoi diable parlait-il comme si elle occupait une place à

part dans son cœur alors qu’elle avait reçu la preuve irréfutable

qu’il n’éprouvait aucun sentiment pour elle ?

— Je préfère ne pas savoir ce que tu as pensé de moi ce

jour-là, chuchota-t-elle en secouant la tête, rattrapée par le flot

de ses souvenirs.

Après cette arrivée impromptue tout à fait fantaisiste,

Rafael Santini l’avait aidée à se relever et elle s’était retrouvée

face au champion du monde de Formule 1, cet homme qu’elle

désirait tant rencontrer pour lui exposer une requête d’un genre

très personnel… Mais à peine avait-elle croisé son regard noir,

infiniment troublant, qu’elle s’était retrouvée sans voix, bien

incapable de dissimuler le tumulte d’émotions qu’il déclenchait

en elle. Elle était instantanément tombée sous le charme de sa

beauté ténébreuse, de sa virilité à fleur de peau.

Il faut dire qu’à vingt-huit ans Rafael était alors au sommet

de sa forme physique, ce qui l’avait sans nul doute beaucoup

aidé à remporter le titre de champion du monde pour la

troisième année consécutive. Le pilote italien était également

doté d’un esprit de compétition exacerbé, quasi obsessionnel, et

d’une détermination farouche qui lui avait valu d’être hissé très

jeune au rang de héros national.

Tout aussi légendaire que ses prouesses sportives, sa vie

privée faisait régulièrement la une des journaux et des

magazines people, avides de détails croustillants concernant ses

liaisons sulfureuses. En bref, tout réussissait à Rafael Santini et

la jeune, l’innocente Eden n’avait pas eu la moindre chance de

résister à son charme latin.

— Je t’ai trouvée très belle.

La douceur de sa voix l’arracha à ses souvenirs et elle leva

les veux sur lui, le souffle court tandis que son cœur

s’emballait.

— Tu ne ressemblais à aucune des femmes que j’avais

connues jusqu’alors, reprit-il. Tu étais douce, timide mais

animée en même temps d’une volonté de fer que rien ni

personne n’aurait pu contrer. Tu as risqué ta vie en grimpant

Page 20: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

jusqu’à ma chambre, tout ça pour me jeter à la figure que tu

n’étais pas une admiratrice, que tu tenais à me rencontrer

uniquement pour ton frère.

Eden cacha son embarras derrière un sourire.

— C’était pourtant la vérité, renchérit-elle avec ferveur.

Simon faisait probablement partie de tes fans les plus fidèles et

j’avais promis de lui rapporter un autographe, au moins ça, à

défaut de réussir à te convaincre d’assister à la journée « Portes

ouvertes » du centre de rééducation.

— Pourtant, tu as bel et bien réussi, fit observer Rafe et elle

hocha la tête, submergée par un nouveau flot de souvenirs.

Avec un pincement au cœur, elle revit l’expression de son

jeune frère, à la fois stupéfait et ravi, à l’instant où son idole, le

champion le plus adulé du monde, avait franchi le seuil de la

grande salle commune. A la surprise d’Eden, Rafe avait passé

tout l’après-midi à bavarder et plaisanter avec les enfants et les

adolescents du centre qui partageaient tous le triste point

commun d’être cloués sur un fauteuil roulant Simon avait parlé

de cette incroyable visite des mois durant, et d’autres posters

étaient allés rejoindre ceux qui tapissaient déjà les murs de sa

chambre à coucher – des posters qu’Eden admirait en secret

dès que l’occasion se présentait.

A seize ans, Simon avait passé la moitié de sa vie dans un

fauteuil roulant ; il n’avait que huit ans quand il s’était brisé la

colonne vertébrale en tombant d’un arbre. Privé de l’usage de

ses jambes, il avait compensé son handicap en parlant

beaucoup, en riant et en plaisantant, en apportant de la gaieté à

tous ceux qui le côtoyaient…

Eden sentit les larmes lui monter aux yeux.

— Simon se trouve toujours à Greenacres ? demanda Rafe.

Je ne l’ai pas vu tout à l’heure.

Eden secoua la tête, ravalant à grand-peine la boule qui lui

nouait la gorge.

— Non… Simon est mort d’une crise cardiaque quelques

mois après notre… après que j’ai…

— Après que tu m’as trompé avec mon propre frère,

compléta Rafe d’un ton abrupt, et l’amertume qui perçait dans

Page 21: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

sa voix lui chavira le cœur. Sa disparition a dû être

extrêmement douloureuse pour vous tous… et en particulier

pour ta mère. Je me souviens à quel point toute sa vie tournait

autour de Simon.

Eden acquiesça.

— C’est en partie le décès de Simon qui a poussé mon père

à accepter le poste de pasteur qu’on lui proposait en Afrique. Il

pensait que se mettre au service des autres les aiderait à

surmonter cette épreuve.

Elle baissa les yeux, luttant désespérément contre le flot de

larmes qui lui brûlait les paupières. Lorsque, enfin, elle releva

la tête, elle fut touchée par la compassion quelle lut dans le

regard de Rafe.

— Je sais à quel point c’est douloureux, dit-il posément.

J’ai moi-même perdu un frère.

— La mort de Gianni m’a profondément bouleversée,

murmura Eden. L’accident… ce fut dramatique. J’ai compati

de tout cœur avec vous deux.

— A tel point que tu ne t’es même pas donné la peine de

prendre de ses nouvelles, railla Rafe, les yeux étincelant d’une

sourde colère. Madré de Dio, Eden ! Tu avais pourtant été très

proche de lui, me semble-t-il. Et malgré tout, tu n’as pas daigné

te manifester pendant tout ce temps. Pas le moindre signe de

vie, pas même une petite carte !

— C’est faux, protesta Eden à mi-voix. J’ai voulu lui rendre

visite à l’hôpital. J’ai pris un avion pour l’Italie dès que j’ai su

ce qui était arrivé à Gianni.

Un mélange de rancœur et d’incrédulité se lut dans le

regard de Rafe.

— Tu mens. Tous les journaux ont insisté sur la gravité de

ses blessures, tous ont signalé qu’il ne pourrait plus jamais

remarcher. Tu étais bien placée pour savoir quel genre de

cauchemar il traversait, d’autant que tu l’avais déjà vécu avec

ton propre frère. La vérité, c’est que tu n’as pas eu le cran de te

manifester quand tu as appris que Gianni était paralysé.

Page 22: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

De nouveau, le mépris teintait sa voix et ses yeux noirs

avaient retrouvé leur froideur, leur dureté impitoyable.

L’injustice de son accusation lui fit mal.

— Puisque je te dis que je suis venue à l’hôpital, insista-t-

elle en se penchant légèrement vers lui comme pour mieux le

convaincre. J’ai vu ton père qui m’a dit de…

Sa voix se brisa comme l’entrevue avec Fabrizzio Santini

lui revenait à la mémoire. Ce dernier n’avait pas mâché ses

mots pour lui signifier que sa visite était tout à fait inopportune.

— Peu importe ce qu’il a dit, reprit-elle dans un souffle.

Toujours est-il qu’il m’a fait comprendre que ni Gianni ni toi –

surtout toi, a-t-il dit – n’apprécieriez ma présence.

— Mon père ne nous a jamais dit qu’il t’avait vue à

l’hôpital, déclara Rafe avec un tel mélange de fureur et de

suspicion dans la voix qu’elle préféra rendre les armes.

— J’imagine qu’il avait ses raisons.

— Que veux-tu dire par là ?

— Que je ne suis pas une menteuse ! Je me suis rendue à

l’hôpital dans l’espoir de vous voir tous les deux, Gianni et toi.

Je pensais que tu aurais envie de parler un peu, ajouta-t-elle

d’une voix sourde en se remémorant les cruelles accusations de

certains journalistes qui n’avaient pas hésité à tenir Rafe pour

responsable de l’accident dont son frère avait été victime.

— Tu croyais vraiment que j’allais me confier à toi après

tout ce qui s’était passé ? Dio ! En plus du reste, tu es

journaliste, bon sang !

Au ton de sa voix, il aurait tout aussi bien pu l’accuser

d’être une tueuse en série ! D’un autre côté, les médias avaient

été nombreux à relayer cette odieuse rumeur selon laquelle

Rafe aurait délibérément causé l’accident de son jeune frère :

ils avaient écrit tant d’ignominies sur lui qu’elle comprenait

sans peine la haine qu’il vouait désormais à l’ensemble de la

profession.

— J’étais venue en amie, pas en journaliste, répliqua-t-elle

sans se démonter. Mais apparemment je m’étais trompée, tu

n’avais pas besoin de moi.

Page 23: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Le silence retomba un silence chargé d’électricité. Eden

posa son verre sur la table basse. Le moment était venu de

prendre congé. Elle se leva, ramassa son sac à main. Au

moment où elle s’apprêtait à tourner les talons, une porte

s’ouvrit et une jeune femme fit son apparition.

— Rafe, chéri, c’est toi, enfin ! Tu en as encore pour

longtemps ? Je t’ai attendu toute la matinée, conclut-elle avec

une moue boudeuse.

La pose était maniérée, mais la jeune femme était d’une

beauté éblouissante, évidemment. Rafe avait toujours eu

l’embarras du choix en matière de jolies femmes et sa

réputation de Casanova le poursuivait aux quatre coins du

monde. La porte ouverte donnait sur un grand lit aux draps

défaits et la bouteille de Champagne qui reposait dans un seau

à glace était la preuve indubitable que Rafe dormait toujours

aussi peu.

Des souvenirs qu’Eden croyait à jamais ensevelis

remontèrent à la surface, témoins d’un temps révolu où elle

passait ses journées au bord de la piscine turquoise d’un palace,

s’efforçant de tourner les pages d’un roman alors qu’elle

attendait le retour de Rafe. Les nuits, en revanche, étaient

totalement différentes. Il était un amant fougueux et insatiable

et lorsqu’elle se trouvait entre ses bras, goûtant à des plaisirs

insoupçonnés, elle oubliait presque ses longues journées

solitaires et son amour-propre malmené.

— Rafe !

Une certaine impatience perçait dans la voix de la jeune

femme dont l’accent trahissait les origines Scandinaves.

— Je suis occupé, Misa. Laisse-nous tranquilles, s’il te

plaît.

Rejetant sa blonde crinière d’un mouvement de tête agacé,

la jeune femme retourna dans la chambre et claqua la porte

derrière elle.

— Ne change surtout pas ton programme pour moi, fit Eden

d’un ton doucereux. Je dois partir, j’ai un rendez-vous. Il s’agit

de ta dernière attachée de presse, c’est ça ?

Page 24: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

C’était le poste que Rafe lui avait attribué pour justifier sa

présence au sein de l’écurie Santini. Le titre pompeux n’était

qu’un leurre, Eden n’avait jamais été que la maîtresse de Rafe,

et rien d’autre. De toute évidence, les habitudes de ce dernier

n’avaient pas changé depuis leur rupture.

D’un pas vif, elle se dirigea vers la porte. Mais Rafe fut

plus rapide qu’elle : leurs doigts se frôlèrent sur la poignée et

ce fut comme une décharge d’électricité pour Eden qui

s’empressa de lâcher prise.

— Déjeune avec moi…

Les mots semblaient s’être échappés d’eux-mêmes de la

bouche de Rafe. Une expression tourmentée voilait son beau

visage, tandis qu’il la contemplait d’un air sombre,

indéchiffrable. Légèrement musqué, le parfum de son eau de

toilette l’enveloppa et une onde de chaleur la parcourut,

éveillant tous ses sens. Son cœur battait à coups sourds dans sa

poitrine, si fort qu’elle craignit qu’il ne l’entende. Mais le

regard de Rafe était rivé sur sa bouche et elle devina soudain

qu’il avait très envie de l’embrasser.

Inconsciemment, elle passa sa langue sur ses lèvres et elle

vit Rafe se raidir. Le silence s’étira, de plus en plus tendu.

L’espace d’un fol instant, elle imagina la caresse impérieuse de

sa bouche sur la sienne, la fougue de son baiser… Non ! Son

amour-propre se rebella : elle n’avait pas le droit de se laisser

manipuler ainsi, de nouveau. Dans un regain de détermination,

elle détourna les yeux.

— Non, je te remercie. Je viens de te dire que j’avais un

rendez-vous.

— Annule-le.

Son arrogance ne fit qu’attiser la colère qui sourdait en elle.

— Aurais-tu oublié que nous ne sommes pas seuls ?

répliqua-t-elle en lançant un regard en direction de la chambre

à coucher. Quoi qu’il en soit, je ne suis pas libre et il ne s’agit

pas d’un rendez-vous professionnel. Je déjeune avec un ami.

Rafe haussa les sourcils.

— Qui est-ce ?

Eden le foudroya du regard.

Page 25: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Ça ne te regarde pas, mais puisque je n’ai rien à cacher,

il s’appelle Neville Monkton. Il dirige une agence immobilière

à Wellworth.

— Et possède également une somptueuse demeure

modestement baptisée Monkton Hall, ajouta Rafe d’un ton

sarcastique.

— Comment le sais-tu ?

— Je sais beaucoup de choses, éluda-t-il en haussant les

épaules. Est-ce pour cela qu’il te plaît, Eden ? Tu te verrais

bien en châtelaine, n’est-ce pas ?

Il s’interrompit un court instant avant d’assener le coup

final :

— A-t-il un frère, ce Neville Monkton ? Si c’est le cas, je

ferais peut-être bien de le mettre en garde…

Ivre de rage, Eden leva la main, mais Rafe lui saisit le

poignet avant qu’elle ait le temps de le gifler.

— On dirait que tu as pris de l’assurance, cara… Mais, en

vérité, tu n’as jamais été cette jeune fille douce et candide qui

avait réussi à me séduire, n’est-ce pas ?

— J’étais une pauvre idiote, oui, surtout quand il était

question de toi, Rafe. Je te vouais une confiance aveugle, mais

tu avais d’autres intentions, beaucoup plus machiavéliques. Ça

t’arrangeait bien de croire que j’entretenais une liaison secrète

avec Gianni… C’est pour cette raison que tu n’as jamais voulu

écouter mes explications.

Elle marqua une pause, prit une courte inspiration et ouvrit

la porte.

— J’étais jeune, terriblement naïve et tu as pris un malin

plaisir à piétiner mon ego, mais ça ne se reproduira pas, Dieu

merci. J’ai grandi, Rafe, j’ai enfin compris qui tu étais vraiment

et, si tu veux la vérité, tu ne m’impressionnes plus, mais plus

du tout !

Page 26: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

2.

Rafe parcourut du regard le vaste salon de réception. Le

sourire qu’il adressait aux nombreux convives qui tentaient

d’attirer son attention dissimulait mal son impatience. Eden

n’était toujours pas arrivée. Peut-être n’avait-elle pas

l’intention d’assister à la soirée qu’il donnait pour célébrer la

fin du Grand Prix de Grande-Bretagne… Son assistante avait

pourtant pris le soin d’envoyer une invitation à tous les

journalistes de la presse locale. Oui, c’était peut-être ça : l’idée

de venir partager avec lui sa dernière victoire lui répugnait,

purement et simplement, songea-t-il, submergé par une vague

de colère. Son orgueil masculin avait été blessé lorsqu’elle

avait déclaré d’un ton froid et indifférent qu’il ne

l’impressionnait plus… « mais plus du tout ». Dio, jamais

encore on ne lui avait parlé ainsi !

Mais à quoi s’attendait-il au juste ? Qu’elle lui fût

reconnaissante de bien vouloir lui adresser la parole après ce

qui s’était passé quelques années plus tôt ?

Inutile de le nier, il n’avait jamais réussi à l’oublier, toutes

ses tentatives pour la rayer de sa mémoire étaient restées

vaines. Son apparition à la conférence de presse l’avait pris de

court. Pourtant, il savait qu’elle était rentrée à Wellworth et

qu’elle exerçait son métier pour le compte du journal local,

mais il n’avait pas songé un seul instant qu’elle aurait l’audace

d’assister elle-même à la conférence. Il avait oublié à quel

point elle était belle – pas complètement oublié, il serait faux

de le prétendre. Disons qu’il s’était efforcé d’enfouir dans un

coin reculé de sa mémoire sa peau diaphane et satinée, ses yeux

de la couleur d’un ciel d’été et sa bouche charnue, appétissante

Page 27: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

comme un fruit mûr. Aujourd’hui encore, il sentait la douceur

de ses lèvres, il se délectait de leur saveur… mais chaque fois

qu’il fermait les yeux, il la voyait dans les bras de Gianni.

— Rafe, est-ce qu’on est vraiment obligés de rester plantés

là toute la soirée ? minauda Misa en l’enveloppant d’une

œillade aguicheuse qui le laissa de marbre.

Tout juste âgée de trois mois, leur liaison arrivait déjà son

terme. Les larmes et les crises d’hystérie éclateraient dès qu’il

annoncerait sa décision de rompre, mais le calme reviendrait

vite avec un généreux cadeau d’adieu, songea-t-il avec

cynisme.

— Je suis très bien ici, répliqua-t-il d’un ton froid tandis

que son regard glissait une fois encore vers la porte d’entrée.

Mais je ne te retiens pas si tu as envie de partir.

— Je ne comprends vraiment pas pourquoi tu as tenu à

organiser la soirée dans ce trou perdu, maugréa Misa. Il n’y a

même pas de boutiques dignes de ce nom !

Consciente de la froide indifférence de Rafe, la jeune

femme s’accrocha à son bras et rejeta en arrière sa longue

chevelure blonde, de telle sorte que sa pulpeuse poitrine

manqua s’échapper du petit bout de tissu qui lui servait de

robe. Peine perdue. Le regard de Rafe restait rivé à la jeune

femme qui venait d’arriver.

Eden était d’une sobriété exemplaire dans une longue robe

de soirée bleu nuit qui épousait presque pudiquement les

courbes sensuelles de sa poitrine et de ses hanches. Fendue

d’un côté, la robe révélait une longue jambe finement galbée et,

lorsqu’elle se retourna, Rafe retint de justesse une exclamation

surprise. Si devant le col rond ne laissait rien voir de ses atours,

le décolleté plongeait dans son dos, dévoilant sa peau nacrée,

absolument parfaite.

Elégance, sophistication extrême… Eden avait grandi, il

était bien obligé de le reconnaître… Au même instant, une

onde de désir le parcourut, tellement intense qu’elle en fut

douloureuse.

Eden était l’amante la plus sensuelle, la plus généreuse

qu’il ait jamais connue.

Page 28: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Comme mus par une volonté propre, ses pieds le portèrent

vers elle, mais il s’immobilisa rapidement : Neville Monkton,

cet idiot d’agent immobilier, l’avait coiffé au poteau. Ravalant

sa frustration, il tourna les talons et se dirigea vers les

mannequins embauchés par les différentes écuries. Elles, au

moins, se pâmeraient à ses pieds et Eden ne saurait jamais qu’il

l’avait attendue avec une impatience mal dissimulée. S’il

décidait de renouer avec elle, ce serait selon ses propres

termes : il était hors de question qu’il perde de nouveau le

contrôle !

— Eden, je suis ravi de te voir ici, tu es resplendissante.

— Merci, murmura la jeune femme à l’adresse de Neville

Monkton, qui était tout sourire.

L’admiration qu’elle lut dans ses yeux la rassura et elle se

sentit aussitôt plus à l’aise. Car elle n’était pas venue ici de son

plein gré. Elle ne se souvenait que trop bien des soirées

opulentes que Rafe donnait après chaque grand prix et elle

n’avait aucune envie de se replonger dans cette ambiance. Mais

Cliff l’avait implorée d’y aller et elle n’avait pas eu le cœur de

lui refuser ce service.

— Je ne peux pas m’absenter, tu comprends, Jenny va

accoucher d’un moment à l’autre, avait-il argué d’un ton

désolé. Quelques lignes sur la soirée concluront à merveille ton

article… surtout si tu arrives à décrocher une interview de

Santini.

— Je ne te promets rien, avait marmonné Eden en se

remémorant la discussion qu’elle avait eue avec Rafael

Santini : une discussion d’ordre privé, qui n’intéressait

personne d’autre qu’eux.

La soirée était exactement comme elle l’avait imaginée :

pleine de splendides créatures qui dévoilaient leurs charmes

avec le plus grand naturel. Rafe, lui, demeurait invisible et elle

n’avait pas l’intention de partir à sa recherche. Fini le temps où

elle le suivait à la trace comme un peut chien avide de caresses.

Page 29: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Forte de ses résolutions, elle gratifia Neville d’un sourire

éclatant.

— Si j’avais su que tu venais, je serais passé te prendre, lui

dit ce dernier en l’entraînant vers le bar.

— Je me suis décidée au dernier moment. Jenny avait des

contractions et Cliff ne voulait pas la laisser seule. Mais je n’ai

pas pris ma voiture, je suis venue en taxi.

— Parfait. Je te raccompagnerai chez toi.

Neville était adorable, songea Eden en prenant une gorgée

de chardonnay frappé. C’était un homme simple et attentionné,

deux qualités qu’elle traquerait lorsqu’elle se sentirait prête à

s’investir dans une relation durable. Une chose était sûre, elle

ne succomberait plus jamais aux Italiens ; si sexy et fougueux

fussent-ils ! Elle n’avait que faire d’un homme qui l’entraînait

toutes les nuits dans un royaume de plaisir et de volupté.

Inéluctable, la chute était beaucoup trop douloureuse. Il lui

avait fallu quatre ans pour retrouver un semblant d’équilibre.

— Eh bien, c’est absolument grandiose, dit Neville en

contemplant le buffet copieusement garni, dressé au fond de la

salle. Il faut dire que Santini a les moyens, il doit être à la tête

d’une petite fortune depuis le temps qu’il court. Tu ne l’as pas

côtoyé, toi, à une certaine époque ?

— Si, assez brièvement, il y a quelques années.

— Il avait un frère, n’est-ce pas ? Un certain Gianni, si je

ne me trompe… Je me souviens des circonstances tragiques de

sa mort. Au dire des journalistes, il n’arrivait pas à accepter sa

paralysie et il s’est suicidé. Ça a dû être un traumatisme

effroyable pour Rafael Santini. D’autant que, si mes souvenirs

sont bons, on l’avait soupçonné un moment d’avoir lui-même

causé l’accident de son frère…

Eden frissonna. Aussitôt, elle sut avec certitude que Rafe

n’était pas loin. Chaque fibre de son corps était en alerte…

Prise de panique elle ferma les yeux. Elle n’avait pas envie

d’éprouver de nouveau tout ce qu’elle ressentait autrefois en

présence de Rafe : c’était fini, terminé. Il était hors de question

qu’elle le laisse anéantir sa sérénité si chèrement acquise.

Page 30: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Il ne faut pas croire tout ce qu’on lit dans la presse à

scandale, rétorqua-t-elle froidement Rafe n’était pas

responsable de l’accident de Gianni, l’enquête l’a prouvé.

— Ils entretenaient pourtant des rapports de rivalité très

forts, n’est-ce pas ? insista Neville. On a même raconté qu’ils

étaient fachés au moment de l’accident.

— Rafe et Gianni étaient frères mais aussi amis, contra

Eden. C’est tout ce que je peux dire.

Elle ne révélerait certainement pas qu’en plus de la rivalité

exacerbée qui les opposait sur les circuits il existait entre eux

un amour profond, inaltérable, qui avait poussé Rafe à croire ce

que lui racontait son frère, au détriment de sa version à elle.

Allons, c’était du passé, se répéta-t-elle in petto, luttant de

nouveau contre de douloureux souvenirs. Comme un flash, elle

revit le visage de Rafe, durci par la colère, et elle entendit ses

mots, secs et chargés de mépris. « Ce n’est pas une petite

intrigante comme toi qui nous roulera dans la farine, mon frère

et moi ! » Sous le choc, Eden avait à peine cherché à se

défendre. Comment croire que Gianni avait inventé ce tissu de

mensonges pour l’éloigner définitivement de son frère ?

Après coup, alors qu’elle était dans l’avion qui la ramenait

en Angleterre, elle était arrivée à des conclusions aussi pénibles

que décevantes. Elle s’était persuadée qu’avant même que

Gianni ne colporte toutes ces ignominies sur elle Rafe avait

déjà pris la décision de rompre. L’occasion était trop belle, il

avait sauté dessus.

— Veux-tu manger quelque chose ? demanda Neville en

l’entraînant vers le buffet.

Eden secoua la tête, l’estomac noué.

— Va te servir, murmura-t-elle. Il fait trop chaud pour moi,

je sors sur la terrasse un petit moment.

Elle pivota sur ses talons et retint son souffle en apercevant

un petit groupe de convives à quelques pas de là, au centre

duquel se tenait Rafe. Ce n’étaient pas seulement sa haute taille

et sa carrure imposante qui retenaient l’attention, mais son air

autoritaire, le charisme qui émanait de lui et son inébranlable

arrogance. Il charmait tout à la fois les hommes et les femmes,

Page 31: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

mais ces dernières le couvaient des yeux et buvaient ses

paroles. Soudain, il jeta un coup d’œil vers Eden et celle-ci

s’empourpra en décelant la lueur amusée qui brillait dans son

regard. Le message était clair, inutile de feindre l’ignorance :

comme lorsqu’ils étaient amants, Rafe avait senti qu’elle

l’observait.

Elle baissa précipitamment les yeux comme il la saluait

d’un léger signe de tête. Tournant les talons, elle se dirigea vers

la terrasse.

Une brise légère caressa sa peau. Elle inspira

profondément : les roses et les fleurs de chèvrefeuille

exhalaient leur parfum sucré. C’était un pur délice et elle se

détendit un peu… jusqu’à ce qu’une voix familière ne la fasse

sursauter.

— Tu es seule, Eden ? Où est passé ton chevalier servant ?

lança Rafe d’un ton sarcastique.

Comment pouvait-on être aussi sexy, songea Eden en

s’efforçant de maîtriser les battements affolés de son cœur. Sa

chemise de soie noire mettait en valeur sa carrure athlétique, et

l’échancrure révélait un triangle de peau mate. Un frisson

parcourut la jeune femme et elle fronça les sourcils, contrariée

par sa propre faiblesse. Pourquoi son corps, le traître,

réagissait-il ainsi après tout ce temps ?

— Si c’est de Neville dont tu veux parler, il est à l’intérieur

et je ne peux guère le qualifier de chevalier servant. C’est un

ami, c’est tout.

— Un ami qui possède une superbe demeure, murmura

Rafe. Tu es sûre que l’idée de devenir châtelaine ne te dit rien,

Eden ?

— Tes allusions finissent par être vexantes. Ce ne sont pas

tes affaires, que je sache, conclut-elle en reculant d’un pas

parce que la proximité de Rafe devenait tout à coup gênante.

Pour un homme de sa stature, il évoluait avec la grâce et la

souplesse d’un félin, silencieux, menaçant, prêt à bondir sur sa

proie. Elle risqua un regard vers lui et le regretta aussitôt.

Plus vivement encore que ce matin, elle éprouvait la

curieuse sensation d’être en face de son âme sœur. Non ! Rafe

Page 32: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

n’avait jamais tenu ce rôle dans sa vie. Tout au plus avait-il été

un amant aussi généreux qu’insatiable. Pourtant, à cet instant

précis, dans la pénombre de la terrasse, son regard semblait

exercer sur elle un étrange pouvoir. L’éclat de la lune se

reflétait dans ses prunelles noires et c’était comme s’il

l’appelait, comme s’il l’invitait à le rejoindre.

— Alors raconte-moi un peu, cara, reprit-il d’une voix

caressante qui la fit de nouveau frissonner, si tu n’es pas

rentrée à Wellworth dans l’espoir d’épingler un mari fortuné,

que fais-tu ici ? Ton expérience africaine a fait de toi une

journaliste renommée : pourquoi te contenter d’un petit job

sans grand intérêt pour le journal du coin ?

— Parce que j’ai besoin de faire une pause, reconnut Eden

sans ciller. Les trois dernières années ont été assez…

mouvementées.

Et s’étaient terminées le jour où elle avait marché sur une

mine antipersonnel, un accident qui avait failli lui coûter sa

jambe gauche – une information qu’elle se garda bien de

révéler à Rafe…

Elle avait regagné l’Angleterre tout de suite après la fin

brutale de leur relation, bien décidée à se jeter à corps perdu

dans le travail. Par chance, elle avait aussitôt été engagée

comme reporter dans un grand quotidien. Jeune, célibataire,

libre comme l’air, elle aurait dû profiter de Londres et de sa vie

trépidante, mais Rafe lui manquait cruellement et son chagrin

l’étouffait de jour en jour, d’autant plus que la vie amoureuse

de ce dernier se trouvait régulièrement étalée à la une des

journaux à sensation. Aussi avait-elle décidé de rendre visite à

ses parents en Afrique, espérant que la distance géographique

l’aiderait à l’oublier.

Elle ignorait alors que ce voyage marquerait un tournant

décisif dans sa vie.

La misère qu’elle avait découverte là-bas l’avait

bouleversée, avant même le coup d’Etat militaire qui avait

plongé le pays dans un climat de violence inouïe où chacun ne

pensait plus qu’à sa propre survie. Plus tard, lorsque le pays

avait retrouvé un semblant de paix, Eden avait décidé de

Page 33: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

prolonger son séjour, tellement émue par la détresse des gens

qu’elle avait rencontrés qu’elle s’était efforcée de les aider à

repartir de zéro. Son cœur se serrait encore chaque fois qu’elle

pensait à eux. Et les allusions cyniques de Rafe à son sujet n’en

étaient que plus cruelles.

Elle recula d’un pas, désireuse de prendre, ses distances.

Rafe étouffa un juron.

— J’ai lu tes articles et j’ai vu tous les documentaires que

tu as réalisés, dit-il d’une voix rauque, se remémorant le

terrible sentiment d’impuissance et la peur incontrôlable qui

l’avaient alors submergé. Comment as-tu pu prendre de tels

risques au quotidien ? Si tu avais été avec moi, je t’aurais

interdit d’aller là-bas.

Eden laissa échapper un rire amer.

— C’est toi qui as décidé de rompre, Rafe.

— J’avais de bonnes raisons, me semble-t-il : tu me

trompais avec mon propre frère ! J’avoue que je suis tombé des

nues quand j’ai vu le reportage que tu avais tourné dans la

clandestinité, un an plus tard, dans ce pays en guerre. Etait-ce

une manière pour toi de te laver de tes péchés ?

— Tu es ignoble, lâcha Eden en se détournant, aveuglée par

un flot de larmes qu’elle voulait à tout prix dissimuler.

Elle avait pleuré pour Rafe, mais c’était fini, terminé. Rien

de ce qu’il dirait ne la blesserait plus désormais.

Rafe se força à desserrer les poings puis il posa les mains à

plat sur le muret qui bordait la terrasse, résistant à grand-peine

à l’envie de la prendre par les épaules pour lui faire entendre

raison. Comme des milliers d’autres personnes, il avait lu les

articles relatant à grand renfort de détails les violentes

échauffourées interethniques qui avaient éclaté dans cette

région d’Afrique de l’Ouest. Et il avait tremblé de peur en

apprenant qu’Eden se trouvait dans la zone des combats,

qu’elle avait été enlevée pendant plusieurs jours par des

factions armées et qu’elle continuait malgré tout à

communiquer secrètement ses articles afin d’alerter le monde

entier de la gravité de la situation.

Page 34: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Lorsque Eden se tourna vers lui et qu’il aperçut ses yeux

étincelants de larmes, il se maudit pour son agressivité. Ainsi,

l’assurance Qu’elle affichait n’était qu’une façade, elle avait

conservé cette part de vulnérabilité qui le touchait tant à

l’époque… Il dut lutter pour ne pas l’attirer contre lui et la

serrer dans ses bras.

— J’en ai assez de tes accusations ! Tu n’as jamais voulu

m’écouter, n’est-ce pas, Rafe ? Tu as toujours été tellement sûr

de loi, tellement certain d’avoir raison. Mais je me moque bien

de ce que tu penses, je n’ai rien à me reprocher. Je connais la

vérité et Gianni la connaissait aussi.

Le visage de Rafe s’était assombri, remarqua Eden, et son

regard trahissait une profonde tristesse. Une bouffée de

compassion la submergea : à l’évidence, il souffrait encore

beaucoup de la disparition de son frère cadet.

— Et si j’étais prêt à t’écouter maintenant ? demanda-t-il

dans un murmure. Gianni n’est plus là pour nous éclairer,

hélas, mais toi, tu…

— C’est trop tard, coupa Eden. Quatre ans se sont écoulés

depuis notre rupture, autant dire une éternité. Si tu éprouves un

sentiment de culpabilité à retardement, tant pis pour toi, tu

apprendras à vivre avec.

Elle releva le menton, fière de lui montrer qu’elle n’était

plus la jeune femme docile et soumise qu’il avait connue

autrefois. Elle avait mis beaucoup de temps à reconstruire son

amour-propre, c’était chose faite à présent, et elle était bien

décidée à se protéger. Même si, tout au fond d’elle, elle se

savait encore amoureuse de Rafe…

Après un long silence, ce dernier haussa les épaules tandis

qu’un sourire moqueur étirait ses lèvres.

— On dirait que le gentil chaton s’est transformé en

tigresse… Je ne te connaissais pas aussi belliqueuse, cara.

— Tu as bien profité de ma candeur, il me semble ! Tu

savais parfaitement que je te vouais une admiration béate.

J’avais l’impression de vivre un rêve éveillé : était-il possible

que Rafael Santini, le célèbre pilote de course, s’intéresse

vraiment à une petite provinciale comme moi ? J’aurais tout

Page 35: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

donné pour te rendre heureux, Rafe… Je suppose que c’est ce

qui te plaisait chez moi.

— C’est surtout ton désir qui me rendait fou, déclara-t-il en

faisant glisser ses doigts sur la joue de la jeune femme, puis le

long de son cou, pour s’arrêter là où son pouls battait

fébrilement.

Eden tressaillit. Il était tellement beau… et le temps qui

passe, hélas, n’avait pas réussi à effacer le souvenir de sa

bouche si sensuelle sur la sienne. Un nouveau frisson la

traversa. Non, elle ne craquerait pas… elle n’avait pas parcouru

tout ce chemin pour… D’un geste sec, elle le repoussa.

— On s’entendait bien au lit, c’est vrai, admit-elle avec une

assurance feinte. Mais soyons objectifs, Rafe, notre relation

était purement physique : il n’y a jamais rien eu d’autre entre

nous.

Les prunelles sombres de Rafe étincelèrent d’un dangereux

éclat.

— Ne sois pas trop sévère, cara. Peut-être devrions-nous

nous accorder une autre chance.

Eden secoua la tête, sous le choc. Il ne parlait pas

sérieusement ! Pire encore, malgré tout le chagrin qu’il lui

avait causé, elle était presque tentée d’accepter son incroyable

proposition. « Tu perds la tête, ma pauvre fille », se reprit-elle

en s’écartant brusquement avant de commettre une folie,

comme se jeter dans les bras de Rafe.

— Jamais de la vie ! décréta-t-elle.

Comme il eût été jouissif de lui faire ravaler ses paroles, de

l’attirer contre lui et de capturer sa bouche si sensuelle dans un

baiser avide ! pensa Rafe. Elle ne lui opposerait qu’une infime

résistance, il le savait avec certitude. L’espèce de chimie qui

avait toujours existé entre eux s’avérait plus vivace que jamais.

Elle lui avait manqué, terriblement admit-il à contrecœur.

Pourtant il l’avait presque haïe. Il s’était répété à l’envi qu’elle

n’était qu’une séductrice cupide prête à tout pour parvenir à ses

fins et, malgré tout, il se réveillait encore tous les matins, à

l’aube, en tendant la main pour l’attirer contre lui. Mais elle

n’était pas là et une vive douleur lui transperçait le cœur.

Page 36: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Par pure curiosité, lança-t-elle en s’immobilisant devant

la porte-fenêtre de la salle de bal, puis-je savoir ce que tu es

venu faire à Wellworth ? Le Bembridge est un bel hôtel, j’en

conviens, mais il en existe d’autres tout aussi luxueux et bien

plus proches de Silverstone.

— Si je te répondais que je suis venu ici spécialement pour

toi, serais-tu surprise ?

Eden laissa échapper un petit rire.

— Plutôt incrédule. Tu m’as couverte d’insultes la dernière

fois que nous nous sommes vus : je ne vois vraiment pas

pourquoi tu aurais eu envie de me revoir, tout à coup.

— Peut-être parce que tu m’as manqué, cara mia, tout

simplement, murmura-t-il en l’enveloppant d’un regard

caressant qui la lit frémir.

— Permets-moi d’en douter, Rafe. Mais quelles que soient

tes raisons, sache que je ne suis pas intéressée. Demain, tu ne

seras plus là et tu peux bien aller au diable, je m’en moque.

Eden lui tourna le dos et rejoignit Neville Monkton qui

fronça les sourcils en remarquant sa pâleur.

— Tout va bien ? Je m’apprêtais justement à partir à ta

recherche.

— Désolée. J’ai très mal à la tête, mentit-elle, pressée de

quitter cette soirée où elle n’aurait pas dû mettre les pieds. Je

vais appeler un taxi.

— Ne dis pas de bêtises, je te ramène chez toi. Je n’ai pas

envie de m’attarder moi non plus.

*

* *

— J’ai fait une excellente affaire aujourd’hui, déclara

Neville avec entrain comme ils s’engageaient sur l’étroit

chemin qui menait au cottage des parents d’Eden. Tu connais

la Dower House, tout au bout du village ? Des promoteurs l’ont

rachetée l’an dernier et l’ont entièrement restaurée. Je l’ai dans

mon fichier de locations depuis deux mois et j’ai enfin trouvé

un locataire.

Page 37: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Eden esquissa un pâle sourire. Son mal de tête était devenu

réalité, mais elle fit un effort pour paraître intéressée.

— Oh… et qui désire la louer ? Un couple avec des enfants,

j’imagine… Cette demeure est tellement grande.

Neville secoua la tête.

— En fait, c’est une entreprise qui nous a contactés. Ils

veulent la mettre à la disposition des cadres qui viendront en

voyage d’affaires dans la région. Vu le loyer qu’ils ont accepté

de payer, ils pourraient bien y installer un cirque que je ne

m’en offusquerais pas le moins du monde ! Au fait, comment

s’est passé ton entretien avec Rafe Santini ? demanda-t-il en

coupant le moteur. Vous êtes restés un bon bout de temps

ensemble, sur la terrasse. As-tu obtenu des informations

intéressantes ?

— Je n’ai rien appris de vraiment nouveau, répondit Eden

en sortant de la voiture.

Une constatation s’imposait pourtant à elle, mais c’était

aussi troublant que confidentiel. Malgré sa détermination à ne

pas céder au charme de Rafe, malgré sa certitude d’être armée

pour pouvoir l’affronter sereinement, leur entrevue l’avait

bouleversée. Avec une aisance déconcertante, Rafe avait

piétiné toutes les barrières qu’elle avait soigneusement érigées

autour de son cœur encore fragile.

Et il lui faudrait encore beaucoup de temps pour les

reconstruire.

Page 38: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

3.

Eden regarda s’éloigner le camion de déménagement avant

de rentier dans le cottage vide. Elle avait passé deux journées

éreintantes, totalement absorbée par l’organisation du

déménagement de ses parents. Dieu merci, tout était terminé et

le camion se dirigeait à présent vers l’Ecosse, chargé de

meubles et de cartons.

Il ne lui restait plus qu’à rassembler ses propres affaires

avant de s’installer dans l’appartement que Neville lui avait

déniché. Alors que ses parents cherchaient une maison aux

alentours d’Edimbourg, désireux de se rapprocher de la grand-

mère d’Eden, la jeune femme s’était chargée de la vente de leur

cottage. Et lorsque l’acquéreur avait insisté pour prendre

possession de son bien dès le début du mois de juillet, elle

n’avait eu d’autre choix que de préparer dans la précipitation

son propre déménagement.

L’appartement qu’elle s’apprêtait à investir se trouvait dans

une toute nouvelle résidence, à la périphérie du village. Elle

aurait certes préféré trouver quelque chose dans le centre du

joli bourg de l’Oxfordshire, mais les logements s’y arrachaient

à prix d’or. Une autre possibilité s’offrait bien sûr à elle : elle

aurait pu s’installer à Londres et chercher un poste mieux

rémunéré, forte de l’expérience unique qu’elle avait acquise en

Afrique, au cœur des combats. Mais après cette incroyable

aventure humaine, Eden se sentait vidée, tant au plan physique

que psychologique.

Et puis, elle était attachée à Wellworth. C’était ici qu’elle

avait grandi et elle conservait de merveilleux souvenirs de son

enfance, une enfance joyeuse et sereine qui l’avait mal

Page 39: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

préparée à affronter les réalités du monde extérieur. Qui ne

l’avait certainement pas préparée à vivre auprès de Rafe

Santini…, songea-t-elle sombrement en se servant une tasse de

thé. Il avait fait irruption dans sa vie à la manière d’un

tourbillon et elle avait instantanément succombé à son charme,

sans songer au lendemain. Rafe était si différent des jeunes

gens qui avaient jusqu’alors croisé son chemin – oh, ils

n’étaient pas nombreux et son expérience se limitait à deux ou

trois amourettes éphémères.

Rafe l’avait à la fois étonnée et enchantée en faisant son

apparition lors de la journée « Portes ouvertes » qu’avait

organisée le centre où séjournait son frère Simon. Il l’avait

séduite par son humour, sa générosité et sa compassion, et elle

avait quitté l’établissement le cœur en fête, déjà amoureuse.

Jamais pourtant elle n’aurait imaginé, pas même dans ses rêves

les plus fous, que Rafe frapperait le soir même à la porte du

presbytère pour l’inviter à dîner…

Elle soupira. Parviendrait-elle un jour à se débarrasser de

ces souvenirs qui continuaient à la hanter ? Au fond, il serait

peut-être préférable qu’elle quitte Wellworth, définitivement, et

parte à Londres où rien ne lui rappellerait les jours heureux

qu’elle avait connus avec Rafe. A quoi bon se souvenir de la

première fois qu’il lui avait fait l’amour ? De son étonnement

et de sa douceur quand il avait découvert cruelle était encore

vierge ? Du sourire satisfait, ensorceleur qui s’était dessiné sur

ses lèvres lorsqu’il avait murmuré qu’elle lui appartenait, à lui

seul et à aucun autre ?

Pourquoi continuait-il à la tourmenter jour et nuit, jusque

dans ses rêves ? Avec un nouveau soupir exaspéré, elle attrapa

sa tasse et quittai la pièce d’un pas rageur avant de percuter

quelque chose de grand et de solide…

— Rafe ! s’exclama-t-elle. Puis-je savoir ce que tu fais ici ?

Comment as-tu réussi à entrer ?

Furieuse, elle le foudroyait du regard.

— La porte était ouverte. Tu devrais faire attention, cara,

on entre chez toi comme dans un moulin. Par les temps qui

courent…

Page 40: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— J’aurais préféré voir Jack l’Eventreur, si tu veux la

vérité. Que me vaut l’honneur de ta visite ? Je te croyais déjà à

l’autre bout du monde.

Contre toute attente, il esquissa un sourire.

— Le Grand Prix du Canada n’a lieu que dans deux

semaines : j’avais envie de m’attarder un peu à Wellworth,

expliqua-t-il avec une désinvolture exaspérante.

— Je me demande bien pourquoi. Ce n’est pas vraiment

Monte-Carlo, ici. Il n’y a rien de bien excitant à faire.

— Tu te sous-estimes, cara.

— Pour l’amour du ciel, Rafe, épargne-moi tes belles

paroles ! répliqua Eden en tournant les talons.

Sans même l’inviter à la suivre, elle regagna le salon et se

percha sur le rebord de la fenêtre, le seul endroit où l’on

pouvait encore s’asseoir.

— Dio ! Que s’est-il passé ici ? Tu as été cambriolée ?

Depuis le seuil, Rafe examinait la pièce vide d’un air

perplexe.

Son regard s’attarda sur le papier peint déchiré, masqué

quelques heures plus tôt par un élégant sofa en cuir.

— Je comprends mieux pourquoi tu as des vues sur le riche

propriétaire du coin, ajouta-t-il, sarcastique.

— Mes parents viennent tout juste de vendre le cottage et je

suis sur le point d’emménager dans un nouvel appartement,

riposta Eden. Comme je te l’ai déjà dit, Neville est un ami et je

n’ai aucune envie de m’investir dans une relation avec qui que

ce soit. Tu ne connais pas le proverbe : « Chat échaudé craint

l’eau froide » ? A cause de toi, Rafe, je ne ferai plus jamais

confiance à un homme de ma vie.

— Confiance ! répéta Raté d’un ton cinglant, les traits

soudain durcis par la colère. Tu oses me parler de confiance

alors que tu as piétiné allègrement celle que je t’accordais ! Tu

m’as brisé le cœur, tu entends ? Je t’ai tout donné, y compris

ma confiance, oui, et tu m’as tout jeté à la figure !

Disparu, envolé, le Rafael Santini urbain et charmeur qui

posait de bonne grâce devant les objectifs des photographes à

l’issue des grands prix, songea Eden en frissonnant. Dans le

Page 41: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

salon vide se tenait un homme en colère, un bel Italien au

tempérament de feu. Ses éclats l’avaient toujours fascinée,

d’autant qu’ils s’éteignaient rapidement, cédant la place à des

accès de passion d’une intensité irrésistible.

— Dis-moi, Eden, comment aurais-tu réagi si tu m’avais

surpris au bord de la piscine, à demi nu dans les bras d’une

autre femme ? Pour couronner le tout, c’était mon frère que tu

embrassais, un homme en qui j’avais une confiance aveugle…

alors, qu’aurais-tu fait dans la même situation ?

— Je t’aurais écouté, murmura Eden.

Jamais encore elle n’avait considéré la situation sous cet

angle-là… En toute honnêteté, si elle avait surpris Rafe dans

les bras d’une autre, elle aurait pris ses jambes à son cou et

aurait cherché à panser seule ses plaies et son orgueil blessé.

— Mais je t’ai écoutée, assura Rafe avec véhémence.

Pour être tout à fait franc, la vue d’Eden en Bikini, lovée

dans les bras de son frère, l’avait tellement bouleversé qu’il

n’avait entendu que le fracas de son cœur qui se brisait en mille

morceaux.

— J’ai écouté ton silence pendant que Gianni m’expliquait

comment tu l’avais aguiché, jusqu’à ce qu’il n’ait plus la force

de résister à tes avances.

— Et, bien sûr, tu l’as cru, répliqua Eden d’un ton posé.

— C’était mon frère ! tonna Rafe en arpentant la pièce vide

d’un pas rageur. Pourquoi m’aurait-il menti ?

— Je ne sais pas.

Et personne ne le saurait jamais. En se donnant la mort,

Gianni avait emporté avec lui les obscures motivations qui

l’avaient poussé à briser le couple que formaient Eden et son

frère. Oh, elle ne lui en voulait pas : il n’était pas le seul

responsable de leur rupture. Leur couple s’était fragilisé, Rafe

donnait des signes de lassitude, il cherchait une bonne raison

de la congédier… A moins qu’il n’ait eu l’intention de la

garder comme maîtresse après son mariage avec la fille d’un

riche aristocrate italien…

— A quoi bon ressasser le passé ? murmura Eden, agacée

que Rafe se pose en victime alors que c’était lui qui l’avait

Page 42: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

trahie, lui qui lui avait brisé le cœur, si brutalement qu’elle en

souffrait encore.

Rafe aspira une grande bouffée d’air et passa la main dans

ses cheveux, un petit geste qui trahissait sa nervosité.

— Je suis ici pour t’offrir mon pardon, déclara-t-il avec

raideur.

Devant l’absurdité de la situation, Eden faillit éclater de

rire. Décidément, c’était le monde à l’envers !

— Quelle générosité de ta part ! railla-t-elle d’un ton

glacial. Je te remercie, mais je n’en veux pas.

— Comment ?

L’air offusqué de Rare aurait presque été comique si

l’atmosphère n’avait pas été aussi tendue.

— Ecoute, Eden, j’ai enfin réalisé à quel point ce que nous

partagions tous les deux était précieux et je suis prêt à me

battre pour que nous repartions sur de nouvelles bases. Je suis

même disposé à effacer de ma mémoire ce qui s’est passé avec

Gianni. Tout ce qui compte à présent, c’est que nous puissions

nous accorder une autre chance.

— C’est trop tard, Rafe ! Je n’ai que faire de ton pardon. Je

n’ai rien à me reprocher, je n’ai pas d’excuses à te présenter.

La seule personne qui devrait s’excuser ici, c’est toi !

poursuivit-elle en se levant d’un bond, le regard noir. Oui, c’est

toi le traître, et personne d’autre ! A présent, pars, laisse-moi

tranquille ! Va retrouva Mitzy ou Misty, peu importe le nom de

ta dernière attachée de presse, et fiche-moi la paix !

Pendant quelques instants, Rafe demeura bouche bée,

visiblement surpris par son emportement. Elle était tellement

plus docile, à l’époque de leur idylle, songea Eden se forçant à

soutenir son regard perçant.

Au bout de quelque instants, il esquissa un sourire entendu.

— J’ai rompu avec Misa. Tu n’as aucune raison d’être

jalouse, cara.

Eden inspira profondément. Ce n’était pas le moment de

perdre son sang-froid.

— Ta femme sera certainement ravie de l’apprendre. Pour

ma part, je m’en moque. Et sache que je préférerais vendre

Page 43: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

mon âme au diable plutôt que de tenter de nouveau quelque

chose avec toi.

Sa voix avait légèrement tremblé sur les derniers mots et

elle baissa les yeux, luttant de toutes ses forces contre

l’émotion qui menaçait de la submerger.

— Ma femme ? répéta Rafe d’un ton perplexe. Qu’entends-

tu par là, au juste ? Madré de Dio ! A ma connaissance, je ne

suis pas marié.

Il la retint sans ménagement par le bras comme elle essayait

de s’éloigner.

— Alors, qu’est-il advenu de Valentina de Domenici, la

femme que tu projetais d’épouser ? Je suis au courant, Rafe,

inutile de t’emmêler dans des explications stupides. C’est ton

père qui avait arrangé votre union, il y a des années de cela, et

tu envisageais secrètement de me garder comme maîtresse une

fois que le mariage aurait eu lieu. C’était un plan tout à fait

méprisable et le temps n’a rien fait pour apaiser mon

amertume, enchaîna-t-elle en tentant de se libérer de son

étreinte. Lâche-moi, Rafe, tu me fais mal.

— Tu ne sais rien du tout, gronda-t-il en resserrant ses

doigts autour de son poignet. Qu’est-ce que c’est que cette

histoire Eden ? Essaierais-tu de me faire porter le chapeau ?

Désolé, cara, mais ça ne marchera pas. Dio ! Combien de fois

t’ai-je surprise en train de flirter avec Gianni ? Mais jamais je

n’aurais imaginé que tu parviendrais à le faire craquer !

— Tu me fais mal, Rafe…

Il la libéra et étouffa un juron dans sa langue maternelle en

apercevant la trace rouge qui encerclait le poignet délicat de la

jeune femme.

— J’aurais dû écouter mon père, marmonna-t-il d’un air

sombre. Il m’avait pourtant mis en garde à ton sujet.

— Ça ne m’étonne pas, il ne m’a jamais aimée. Je n’étais

pas assez bien pour toi, à ses yeux.

— C’est ridicule, fit Rafe en détournant le regard.

Eden exhala un soupir. Pourquoi s’obstinait-elle à livrer une

bataille qu’elle savait perdue d’avance ? Tout au long de

l’année qu’elle avait passée auprès de Rafe, Fabrizzio Santini

Page 44: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

avait pris un malin plaisir à ignorer son existence. Plus tard,

lorsqu’elle était arrivée d’urgence à l’hôpital après l’accident

de Gianni, Fabrizzio lui avait signifié en termes clairs et

abrupts que sa présence n’était souhaitée par aucun des

membres de la famille Santini. Elle n’avait été qu’une passade

dans la vie de Rafe, un simple coup de tête, avait-il souligné

avec cruauté, que son fils s’était empressé d’oublier.

Une grande fatigue la submergea soudain. Elle ne pouvait

en vouloir à personne si ses sentiments pour Rafe n’étaient pas

morts.

— Ça ne sert à rien de ressasser tout ça, répéta-t-elle avec

calme. Disons simplement que nous avons passé du bon temps

ensemble.

— C’était si bon que tu n’as jamais réussi à oublier.

Souple comme un félin, Rafe s’était avancé vers elle : il

était à présent tellement proche qu’elle dut basculer la tête en

arrière pour rencontrer son regard. A son grand désarroi, ce

qu’elle lut dans ses yeux la fit frissonner.

— Décidément, ton arrogance me surprendra toujours,

répliqua-t-elle d’une voix rauque qu’elle eût préféré plus

assurée.

— Ce n’est pas de l’arrogance, c’est la simple vérité, pour

nous deux. Car je ne t’ai pas oubliée, moi non plus. Notre

histoire occupera toujours une place spéciale dans mon cœur.

Non, elle ne se laisserait pas prendre au piège de ces belles

paroles prononcées d’une voix caressante. Non !

— C’était purement sexuel, déclara-t-elle d’un ton sec,

agacée par le petit sourire entendu qui jouait sur les lèvres de

Rafe. Et des dizaines d’autres femmes m’ont succédé depuis, je

ne suis pas dupe. Tu as toujours eu l’embarras du choix parmi

tes admiratrices, et elles sont nombreuses, n’est-ce pas ?

— Aucune d’entre elles ne t’arrive à la cheville, répliqua-t-

il, visiblement amusé. Tu ne me crois pas ?

Le sourire qui jouait sur ses lèvres s’effaça soudain et Eden

eut à peine le temps de voir son regard se voiler : dans un

mouvement fluide, Rafe la prit dans ses bras et captura sa

bouche avec une fougue qui la fit frémir. Il n’y avait aucune

Page 45: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

douceur, aucune hésitation dans son baiser, c’était plutôt un

assaut sensuel, presque brutal, intense et brûlant – un assaut

qu’elle fut incapable de repousser.

Eden ferma les yeux, grisée par le plaisir. Elle touchait au

bonheur après une longue et difficile traversée du désert…

Comment avait-elle réussi à vivre sans lui ? La caresse de sa

langue qui tentait de franchir le barrage de ses lèvres fit voler

en éclats ses dernières velléités de résistance et, lorsqu’elle

céda, Rafe émit un gémissement sourd. Il enfonça ses doigts

dans ses cheveux pour la maintenir à sa merci et, de l’autre

main, caressa lentement les courbes de son corps frémissant.

Lorsque ses doigts s’arrêtèrent sur sa poitrine, Eden s’arqua

contre lui et noua ses mains sur sa nuque. Un soupir s’échappa

de ses lèvres. C’était tellement bon, après tout ce temps !

Pourtant, quand Rafe souleva son T-shirt, elle se figea. La

patience n’avait jamais été son point fort et, dans le feu de la

passion, il ne s’embarrassait ni des boutons ni des fermetures

Eclair, mais préférait tira et parfois même déchirer. A ce

souvenir, la réalité reprit brusquement ses droits : elle était

dans les bras de Rafe, le seul endroit au monde où elle s’était

juré ne jamais retourner !

Comme s’il avait senti ses réticences, ce dernier releva la

tête. Son regard était dur, glacial. Mortifiée, elle se laissa faire

lorsqu’il dénoua ses mains et s’écarta d’elle, un sourire

moqueur aux lèvres.

— Tu n’as jamais pu me résister bien longtemps…

Eden pivota sur ses talons, aveuglée par des larmes de rage.

Rafe avait raison : elle faisait preuve d’une faiblesse

consternante. Dans sa précipitation, elle heurta le rebord de la

fenêtre et se mordit la lèvre pour retenir un cri de douleur.

— Va-t’en, ordonna-t-elle en se dirigeant vers l’escalier.

Pars vite avant que j’appelle la police. Je n’ai que faire de ton

pardon, Rafe, et malgré ce que tu semblés croire, toi le grand

séducteur à qui aucune femme ne résiste, tu ne m’intéresses

pas.

Page 46: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Par quoi dois-je commencer ? La bonne ou la mauvaise

nouvelle ? demanda Neville sans préambule le lendemain

matin, lorsque Eden le rejoignit à l’agence immobilière.

Après une nuit plutôt agitée et peuplée de cauchemars,

Eden n’avait pas besoin de soucis supplémentaires. Elle fronça

les sourcils en entendant les paroles de Neville.

— Commence par la mauvaise.

— L’appartement de la résidence Cob Tree n’est plus à

louer.

— Mais le contrat était presque signé ! protesta Eden, prise

de panique. Je dois quitter le cottage ce week-end.

— Je sais. Les propriétaires ont téléphoné ce matin pour

m’informer qu’ils avaient reçu une proposition d’achat qu’ils

ne pouvaient refuser.

— Oh non…, murmura Eden en se passant une main sur le

front d’un geste las. Comment vais-je faire ? Cliff et Jenny ont

bien proposé de m’héberger, mais maintenant que le bébé est

né, j’aurais trop peur de les gêner.

— J’ai une proposition à te faire, annonça alors Neville.

Eden le considéra d’un air interrogateur.

— Tu m’as trouvé autre chose, c’est ça ? Toujours à

Wellworth ?

— Au cœur même du village… il s’agit de la Dower

House, sans aucun doute la plus jolie demeure de Wellworth.

— Avec un loyer en rapport, j’imagine, objecta Eden. Et

puis je croyais que tu avais déjà trouvé de nouveaux locataires.

— C’est vrai, poursuivit Neville, mais l’entreprise qui a

signé le bail m’a demandé de chercher une personne qui se

chargerait de l’intendance de la maison. J’ai parlé au directeur

général tout à l’heure. Un certain Hank Molloy. L’entreprise

qu’il dirige fait partie d’un conglomérat international et la

maison servira de pied-à-terre à leurs cadres de passage en

Angleterre. M. Molloy m’a confié qu’il souhaitait faire venir à

la fin de l’été ses petits-enfants qui habitent le Texas, et il y

aura certainement du monde pendant les fêtes de Noël. Mais à

part ça, la maison sera vide. C’est pour cette raison qu’il

Page 47: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

aimerait que quelqu’un l’habite à temps plein pour en prendre

soin et se charger de quelques tâches domestiques.

— Mais j’ai déjà du travail, Neville… En plus, je suis nulle

en cuisine.

— Tu n’aurais pas à cuisiner, rassure-toi : il faudrait juste

t’occuper du linge et prendre contact avec l’entreprise de

nettoyage avant l’arrivée de chaque famille. Rien de très

prenant, comme tu vois. Personnellement, je pense que ce

serait la solution parfaite, pour toi comme pour moi. Hank

Molloy est un monsieur très exigeant, tu comprends, du genre

qui souhaite que tout soit fait dans les plus brefs délais, c’est-à-

dire la veille… Et quand je lui ai dit que j’avais déjà quelqu’un

en tête pour tenir ce poste, il m’a aussitôt envoyé un contrat par

fax.

— Si je comprends bien, je serais employée par l’entreprise

de ce M. Molloy, c’est ça ?

— Tout à fait. Le contrat me semble correct. Le seul petit

hic, c’est qu’il te faudra donner trois mois de préavis quand tu

décideras de déménager.

— Ce n’est pas un problème : je ne projette pas de partir sur

un coup de tête, assura Eden. Tout de même, ça me semble trop

beau pour être vrai. J’espère qu’il n’y a pas de piège…

— Attends, je vais te passer M. Molloy, fit Neville en

composant un numéro de téléphone. Il sera plus à même que

moi de répondre à tes questions.

Cinq minutes plus tard, Eden raccrochait, pleinement

rassurée.

— Tu es un ange, fit-elle en gratifiant Neville d’un sourire

chaleureux. Je ne sais pas comment te remercier.

— Pour commencer, tu n’as qu’à accepter l’invitation à

dîner de ton agent immobilier préféré, fit-il d’un ton taquin.

Eden hésita. Elle appréciait la compagnie de Neville, son

humour et sa gentillesse, mais elle ne voulait surtout pas lui

donner de faux espoirs. D’un autre côté, il ne s’agissait que

d’un simple dîner, et, depuis que Rafe avait resurgi sans crier

gare, elle avait besoin de s’occuper l’esprit pour éviter de trop

Page 48: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

penser à lui. Un dîner avec Neville constituerait une excellente

distraction.

La Dower House était une élégante bâtisse du XVIIIe siècle,

classée aux Monuments historiques, qui se dressait

majestueusement dans un parc paysage de plusieurs hectares.

Ses six pièces spacieuses avaient été entièrement restaurées et

décorées dans un style mélangeant habilement le rustique et le

raffinement moderne. A peine franchi le seuil, Eden eut le coup

de cœur pour cette demeure. Ce poste de gardienne était une

aubaine incroyable, songea-t-elle en gravissant les marches de

l’imposant escalier pour gagner la jolie chambre à coucher

qu’elle avait choisie.

La nuit était chaude et moite. L’orage avait menacé

d’éclater toute la journée et, quand elle ouvrit la fenêtre de sa

chambre, l’atmosphère lui parut plus lourde encore. Elle

n’avait guère eu de moment de répit ces jours passés, entre le

déménagement de ses parents et son installation ici : elle était

épuisée et, pourtant, elle n’était pas pressée d’aller se

coucher… Car c’était précisément lorsqu’elle n’avait plus rien

à faire que ses pensées retournaient invariablement vers Rafe et

les moments magiques qu’ils avaient partagés, tous les deux.

C’était hélas une illusion, une simple chimère, songea-t-elle

avec amertume. Aveuglée par ses sentiments, elle avait vu en

Rafe son âme sœur, cette « moitié » que tout le monde

recherche, parfois désespérément. Et cette conviction naïve

avait volé en éclats le soir où il les avait surpris au bord de la

piscine, Gianni et elle.

« Oublie-le ! », murmura-t-elle en allant se coucher. De son

côté, Rafe avait très certainement tourné la page et, en cet

instant précis, il devait se trouver à l’autre bout du monde, dans

les bras de sa blonde Suédoise… ou de sa remplaçante. Malgré

elle, l’aiguillon de la jalousie lui transperça le cœur. Avec un

soupir las, elle tendit la main vers la boîte d’antalgiques que le

chirurgien lui avait prescrits : pour couronner le tout, sa jambe

lui faisait mal. D’ordinaire, elle supportait assez bien la

Page 49: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

douleur, mais ce soir-là, elle désirait plus que tout sombrer

dans l’oubli d’une bonne nuit de sommeil.

Quelques heures plus tard, Eden ouvrit les yeux, à l’instant

même où un éclair illuminait la pièce. Le tonnerre grondait au

loin, sourdement. En proie à une angoisse incontrôlable, elle

resta allongée dans le noir, à l’affût du petit bruit qui l’avait

tirée de son sommeil.

Y avait-il quelqu’un dans la maison ou bien était-elle

encore victime de son imagination ? Au même instant, le bruit

mat de la porte d’entrée résonna à ses oreilles.

Le cœur battant, Eden se leva.

Elle ne réussirait pas à se rendormir tant qu’elle n’aurait pas

élucidé ce mystère. Elle retint son souffle en arrivant en haut de

l’escalier : un rai de lumière filtrait sous la porte du salon.

Agrippant la balustrade d’une main moite, elle descendit

l’escalier sur la pointe des pieds. Dans la panique, elle n’avait

pas pensé à prendre son téléphone portable. Il ne lui restait

donc qu’une solution : s’enfuir par la porte d’entrée et courir

demander de l’aide – en pyjama, sous la pluie battante. Elle

était arrivée en bas de l’escalier lorsque la porte du salon

s’ouvrit brusquement. Etouffant un cri de stupeur, elle attrapa

l’objet le plus proche.

— Je sais qu’il n’y a pas d’heure pour faire des bouquets,

mais tout de même, railla une voix qu’elle aurait reconnue

entre mille. Puis-je savoir ce que tu fabriques, cara ?

— Ce que je fabrique, moi ?

Pendant quelques instants, les mots lui manquèrent. Puis

elle reposa le grand vase sur la console de l’entrée. Elle se

sentait parfaitement ridicule, mais ce sentiment, mêlé malgré

tout à une bonne dose de soulagement, céda rapidement la

place à la colère. Elle se tourna vers Rafe, l’air menaçant.

— Tu ne t’en es peut-être pas rendu compte, mais il s’en est

fallu d’un cheveu pour que ce vase ne se fracasse sur ta tête.

Au ton de sa voix, Rafe comprit qu’elle ne plaisantait pas.

Ses pommettes étaient roses, ses longs cheveux blonds

Page 50: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

flottaient librement sur ses épaules et son pyjama en épaisse

cotonnade avait bien du mal à masquer les courbes de sa

silhouette. Perdu dans nu contemplation, il sentit monter en lui

une vague de désir et de tendresse mêlés.

— Serait-ce devenu une habitude d’entrer chez moi sans y

avoir été invité ? reprit-elle en relevant le menton. Et d’abord,

comment es-tu entré ? Ne me dis pas que la porte était ouverte

parce que je suis sûre de l’avoir fermée à clé avant de monter

me coucher.

Pour toute réponse, il secoua un trousseau de clés sous son

nez. Les yeux d’Eden s’arrondirent de surprise.

— Pardon de te détromper, je suis ici chez moi, déclara

Rafe d’un ton doucereux.

— Ah oui ? Et depuis quand t’appelles-tu Hank Molloy ?

— Hank est le directeur général d’une filiale de la Santini

Corporation. Il s’est occupé de la location de la maison pour

moi. Si j’ai bien compris, tu es ma gouvernante… Bienvenue à

la maison.

« Mesquin » ne suffisait pas à qualifier la conduite de Rafe,

pensa Eden avec fureur. « Machiavélique » eût été plus juste.

Depuis le début, sans savoir pourquoi, elle soupçonnait un

piège. Eh bien, elle ne s’était pas trompée, le piège se tenait

devant elle, en chair et en os ! Rafe la considérait d’un air

franchement amusé, et il était plus viril, plus séduisant que

jamais dans son jean noir et un blouson en cuir qui accentuait

son imposante stature et son magnétisme naturel. Eden dut

faire appel à toute sa détermination pour résister à l’appel de

ses sens.

— J’espère que tu as de bonnes raisons pour expliquer ton

acte frauduleux ! Car c’est bien de ça dont il s’agit : tu as usé

de moyens détournés pour me pousser à signer ce contrat.

Un sourire entendu flotta sur les lèvres de Rafe.

— J’en ai plusieurs, en effet.

— Parfait, je t’écoute.

— Je crois qu’une démonstration pratique serait plus

efficace. Vif comme l’éclair, il s’approcha délie, la saisit par la

nuque et emprisonna ses lèvres. Enivrée par l’odeur musquée

Page 51: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

de son eau de toilette, Eden ferma les yeux. Comment lui

résister alors que déjà, une vague de désir montait en elle. La

chaleur de Rafe l’enveloppait tandis qu’il l’attirait contre lui.

Elle posa ses mains tremblantes sur son torse puissant et sentit

que son cœur battait à grands coups sourds.

Il l’embrassa à perdre haleine, jusqu’à ce que ses lèvres

s’ouvrent, jusqu’à ce qu’elle chancelle dans ses bras,

complètement offerte. Alors seulement, il s’écarta. Il continua

d’effleurer sa bouche d’une caresse aérienne, comme pour

mieux savourer le gout de sa victoire.

— Pourquoi me harcèles-tu ainsi ? murmura-t-elle lorsqu’il

relâcha son étreinte quelques secondes plus tard. Qu’attends-tu

de moi ?

La réponse était pourtant simple, songea Rafe en la

regardant croiser les bras sur sa poitrine dans un geste de

défense. Mais elle n’était pas encore prête à l’entendre. Son air

fragile et le frémissement de ses lèvres attisèrent le sentiment

de culpabilité qui couvait en lui. Peut-être devrait-il la laisser

tranquille, disparaître de sa vie une fois pour toutes et

s’efforcer d’oublier la complicité qu’ils avaient jadis partagée,

le bonheur qu’ils avaient connu ensemble… Mais n’était-ce

pas précisément ce qu’il avait essayé de faire durant ces quatre

années ? En vain ?

— Je ne suis pas en train de te harceler, cara mia. Il se

trouve que tu es chez moi, que tu dors dans mon lit – au sens

figuré du terme, bien sûr, s’empressa-t-il d’ajouter comme elle

ouvrait la bouche pour protester.

— Penses-tu sincèrement que je vais croire à une simple

coïncidence ? lança-t-elle d’un ton mordant.

Il haussa les épaules.

— Non, bien sûr. J’ai fait des pieds et des mains pour

organiser tout ça et je n’étais même pas sûr que ton cher ami

l’agent immobilier te proposerait le poste de gardienne. Il

aurait tout aussi bien pu le confier à sa vieille chouette de

secrétaire. Auquel cas je me serais montré beaucoup moins

chaleureux…

Page 52: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Ses yeux noirs pétillaient de malice et Eden fut soudain

partagée entre l’envie de le gifler et celle de fondre en larmes.

Elle avait oublié combien il aimait la taquiner, elle avait oublié

son sens de l’humour et tous les fous rires qu’ils avaient

partagés… et elle n’avait aucune envie de s’en souvenir !

— Gloria est la remplaçante rêvée, c’est une excellente

idée, déclara-t-elle d’un ton glacial. Inutile de te préciser que je

n’ai pas l’intention de vivre sous le même toit que toi.

Sans lui laisser le temps de répondre, elle tourna les talons

et monta l’escalier quatre à quatre pour gagner sa chambre où

elle s’empara de sa valise. Elle était en train d’y empiler ses

vêtements lorsque Rafe s’encadra dans l’embrasure de la porte.

Feignant de ne pas le voir, elle continua de remplir sa valise

puis entreprit de la boucler avec des gestes fébriles.

— Sais-tu qu’il pleut dehors ? demanda Rafe d’une voix

ironique.

— C’est le cadet de mes soucis.

L’orage s’était rapproché, le tonnerre grondait bruyamment

tandis que des trombes d’eau battaient les carreaux des

fenêtres.

— Je préférerais affronter un ouragan plutôt que de rester

une minute de plus en ta compagnie !

Il lui bloquait le passage, grand, solide comme un roc. Elle

tenta pourtant de le repousser en plaquant ses mains sur son

torse, pressée de fuir avant de commettre une bêtise – le

supplier de l’embrasser encore, par exemple.

— Quel mot ne comprends-tu pas dans : « Je n’ai aucune

envie de donner une autre chance à notre histoire » ? s’écria-t-

elle, excédée.

— Tous, répondit Rafe dans un souffle.

Cette fois, ses lèvres furent douces et tendres, son baiser si

plein de délicatesse qu’Eden sentit glisser des larmes sur ses

joues.

Rafe prit son visage entre ses mains et se figea lorsqu’il

sentit des larmes couler le long de ses doigts. Mais il

n’interrompit pas leur baiser, au contraire : ses caresses se

Page 53: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

firent plus ardentes, plus passionnées et Eden ne put

s’empêcher d’y répondre.

Lorsqu’il s’écarta quelques minutes plus tard, elle recula

d’un pas, ai proie à un troublant mélange de désir et de

confusion. Comment était-il possible qu’un simple baiser la

bouleverse à ce point ? Et, surtout » où diable était passé son

amour-propre ?

— Laisse-moi partir, supplia-t-elle d’une voix étranglée.

Rafe esquissa un bref sourire.

— C’est moi qui vais partir, ne t’inquiète pas. Je prends

l’avion pour le Grand Prix du Canada demain : je retournerai

ensuite en Italie, avant de m’envoler pour Bahreïn. Le contrat

que tu as signé stipule que tu dois donner un préavis de trois

mois avant de quitter la maison, lui rappela-t-il. Ce week-end,

le dirigeant d’une de mes filiales est attendu à Oxford où il doit

superviser la reprise de l’usine que le groupe Santini vient de

racheter. Bruno, son épouse et leurs quatre enfants se

réjouissent d’avance à l’idée de séjourner dans une authentique

demeure anglaise et ils sont ravis de pouvoir compter sur toi.

Le ton calme de sa voix ne cachait pas sa détermination à

voir les choses se dérouler exactement comme il l’avait prévu.

— Neville trouvera quelqu’un d’autre, objecta Eden en

serrant nerveusement la poignée de sa valise. Je n’aime pas

qu’on me manipule, Rafe. Tu y réussissais peut-être très bien

avant, mais cette époque est terminée, le charme est

définitivement rompu. Je ne suis plus la pauvre idiote qui

accourait au moindre claquement de doigts !

La mâchoire de Rafe se contracta.

— Où comptes-tu aller ?

— Je trouverai un appartement, ne t’inquiète pas pour moi.

Si celui que j’avais repéré n’avait pas été vendu

précipitamment, je ne serais pas ici ce soir.

Elle s’interrompit comme une idée lui traversait l’esprit.

Une idée aussi odieuse qu’incroyable…

— Ne me dis pas que l’appartement de la résidence Cob

Tree… Non, tu n’aurais tout de même pas fait ça !

Rafe esquissa une moue faussement penaude.

Page 54: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— C’est un joli petit investissement… même si la situation

géographique laisse à désirer.

— Tu es d’une mesquinerie affligeante, Rafe ! Mais je ne

me laisserai pas faire, cette fois. D’ailleurs, pourquoi te

donnes-tu tout ce mal ? Est-ce par esprit de vengeance, pour

me punir d’un péché que je n’ai pas commis ?

Il la dominait de toute sa hauteur, et les traits de son beau

visage s’étaient soudain crispés de colère. En homme habitué à

ce qu’on lui obéisse, Rafe Santini supportait mal

l’insoumission…

— Si je me donne tout ce mal, Eden, c’est parce que je suis

convaincu que nous avons vécu quelque chose de beau, de

précieux, et qu’il serait dommage de ne pas retenter l’aventure.

Et peu importe si mes méthodes ne sont pas très loyales, je

ferai tout pour parvenir à mes fins, conclut-il.

— Mais que veux-tu ?

— Te ramener dans mon lit, parce que c’est ta place.

L’espace d’un instant, un instant de pure folie, Eden

hésita… La proposition de Rafe était tentante, à quoi bon le

nier ? Dieu merci, les brumes qui enveloppaient son cerveau se

dissipèrent d’un coup et elle secoua la tête.

— Je ne t’appartiens pas, Rafe. Il y a bien longtemps que tu

m’as rendu ma liberté et je n’ai aucune intention de revenir en

arrière.

Page 55: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

4.

La bonne odeur de café frais qui s’échappait de la cuisine

signala à Eden que son indésirable visiteur n’était pas encore

parti. A sa grande surprise, alors qu’elle avait cru ne pas

pouvoir fermer l’œil tant que Rafe séjournerait sous le même

toit, elle s’était réveillée en sursaut dans sa chambre inondée de

soleil. Sa montre avait confirmé ses craintes. Il était 10 heures

passées !

— Buon giorno, cara, lança Rafe avec nonchalance en

abaissant son journal pour l’envelopper d’un regard

appréciateur.

Eden ferma les yeux, submergée par un flot de souvenirs.

Elle avait toujours aimé l’ambiance des petits déjeuners qu’ils

prenaient autrefois dans la grande cuisine de sa villa, nichée au

bord du lac de Côme. Malgré son immense fortune, Rafe était

un homme simple qui savait apprécier à leur juste valeur les

petits plaisirs de tous les jours, loin du grand cirque médiatique

de la Formule 1. Pendant quelques semaines idylliques, les

nuits passionnées avaient succédé aux journées de farniente, et

l’étroite complicité qui les unissait l’avait rendue pleinement

heureuse.

Comment ce bel édifice s’était-il écroulé de manière aussi

spectaculaire ? Comment Rafe avait-il pu se laisser influencer

par les mensonges de son frère cadet ? La réponse était

pourtant d’une cruelle simplicité : il ne lui avait jamais fait

confiance. Ses liens familiaux avaient aisément triomphé d’une

liaison qui lui importait peu, au fond.

Page 56: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Je croyais que tu étais censé partir, fit-elle observer d’un

ton accusateur, exaspérée par l’effet dévastateur qu’il avait

encore sur elle.

Il arqua les sourcils d’un air perplexe.

— Tu n’étais pas aussi soupe au lait quand tu passais la nuit

dans mes bras… Il faut dire que l’abstinence sexuelle a une

fâcheuse tendance à altérer l’humeur. Veux-tu que je remédie à

ça ? ajouta-t-il d’un air faussement candide qui lui valut une

œillade assassine.

— La seule chose qui me soulagerait, ce serait que tu

quittes cette maison en promettant de ne jamais y remettre les

pieds.

Tout en parlant, elle brancha la bouilloire électrique et

ouvrit le placard qui abritait une drôle de théière en forme de

grenouille.

— Je vois que ta fascination pour les créatures visqueuses

est restée intacte.

A ces mots, Eden le gratifia d’un regard entendu.

— Je ne parierais pas là-dessus : figure-toi qu’il y a belle

lurette que tu ne me fascines plus, Rafe.

Il éclata de rire, ce qui ne l’aida pas à recouvrer son sang-

froid.

— Je peux t’assurer que je ne suis pas visqueux, cara mia.

Viens me toucher, tu verras.

Une fois encore, il fut plus rapide qu’elle et elle poussa un

petit cri offusqué lorsqu’elle se retrouva sur ses genoux,

prisonnière de ses bras puissants.

— Laisse-moi tranquille, Rafe, murmura-t-elle tandis

qu’une onde de chaleur l’envahissait. D’accord, d’accord, tu as

gagné : tu n’as rien de visqueux… Les grenouilles non plus,

d’ailleurs.

Elle parlait d’une voix entrecoupée, troublée par la preuve

tangible du désir de Rafe tout contre elle.

— Ce sont de jolies petites bestioles que j’aime toujours

autant…

— Ce qui explique sans doute pourquoi, alors que tout le

monde m’avait couvert de luxueux cadeaux après que j’ai

Page 57: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

remporté le titre de champion du monde pour la quatrième fois

consécutive, tu m’aies offert une grenouille en plastique vert

pomme qui couinait quand on appuyait dessus.

A ce souvenir, les joues d’Eden s’empourprèrent et Rafe

retint de justesse un soupir de bonheur.

Quand il avait posé les yeux sur elle le jour de la

conférence de presse, il avait été frappé par son allure

sophistiquée et par l’assurance qui se dégageait d’elle. Mais en

cet instant précis, simplement vêtue d’un jean délavé et d’un T-

shirt, avec ses longs cheveux blonds en bataille autour de son

visage encore ensommeillé, elle ressemblait à la jeune, à

l’innocente Eden qui continuait à hanter ses rêves. Et il comprit

alors qu’elle n’était pas aussi sûre d’elle qu’elle aurait aimé le

faire croire, ni aussi insensible au courant de pure sensualité

qui circulait entre eux, toujours aussi intensément.

Dans un élan déterminé, elle glissa de ses genoux et le

parfum frais, légèrement citronné, de son opulente chevelure

lui serra le cœur.

— C’était idiot de t’offrir ça, je sais, marmonna-t-elle, mais

qu’aurais-je bien pu offrir à un homme qui avait déjà tout ?

Pourtant, il n’avait pas la chose qu’il désirait le plus au

monde, songea Rafe, en proie à de troublantes émotions.

Quelle serait sa réaction s’il lui disait qu’il entamait chaque

nouvelle course avec un amphibien couineur enfoui dans la

poche de sa combinaison ignifugée ?

— Quand es-tu censé partir ? reprit Eden sans transition. Et

quand doivent arriver ton cadre et sa famille ? J’aurais aimé

être prévenue quelques jours à l’avance.

— J’ai essayé d’appeler à plusieurs reprises, hier, pour te

prévenir de mon arrivée, répliqua Rafe, piqué au vif. Tu devais

être occupée ou sortie.

— J’ai dîné avec Neville, si tu veux tout savoir. Nous

sommes rentrés un peu tard, c’est vrai.

— Tu l’as reçu ici ? C’est très imprudent de ta part, cara…

Que cela ne se reproduise pas.

— Pardon ? De quel droit m’interdirais-ru de voir mes

amis ? Et puis tes allusions sont immondes. Neville et moi

Page 58: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

avons bu un café, en tout bien tout honneur. Ça n’a plus aucun

sens à présent, mais j’avais envie de le remercier de m’avoir

proposé ce logement. Si j’avais su que tu te cachais derrière

tout ça, je me serais abstenue.

— Surtout, veille bien à ne pas le remercier trop

chaleureusement, fit Rafe d’un air sombre.

— Je fais ce que je veux, que cela te plaise ou mon !

s’indigna Eden en le foudroyant du regard, les poings plantés

sur les hanches.

— Pas sous mon toit, cara mia, c’est un conseil que je te

donne.

Quel toupet… quelle arrogance ! Eden n’en croyait pas ses

oreilles !

— Très bien, je démissionne. Je déménage mes affaires

aujourd’hui et il ne te restera plus qu’à trouver une autre

gouvernante !

A son grand désarroi, Rafe se contenta de hausser les

épaules.

— C’est dommage pour ton ami… Sa réputation

professionnelle risque d’en prendre un coup si le bruit court

qu’il n’est pas capable d’embaucher du personnel qualifié pour

les nombreuses maisons de campagne qu’il met en location.

— Je te déteste, lâcha Eden, à court d’arguments pertinents.

Tu ne supportes pas que la situation t’échappe, n’est-ce pas ?

— Disons plutôt que je fais en sorte d’atteindre mes

objectifs, rectifia-t-il avec un demi-sourire. Et je réussis

toujours, tu devrais le savoir, cara.

Avec une désinvolture irritante, il plia son journal et

referma son attaché-case, parfaitement indifférent à son

indignation.

— En principe, Bruno doit arriver mardi avec sa femme et

leurs enfants. Il sait que tu es journaliste et que tu travailles la

journée, ne t’inquiète pas. Je compte toutefois sur toi pour te

lever plus tôt le matin et prendre un peu plus soin de ton

apparence avant de descendre.

Eden inspira profondément, au bord de l’explosion.

Page 59: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

En voyant l’heure tardive, elle s’était habillée à la hâte sans

même prendre le temps d’enfiler un soutien-gorge, détail que

soulignait avec insolence son T-shirt rétréci par les lavages en

machine. L’atmosphère s’alourdit encore lorsque Rafe baissa

les yeux sur ses seins ronds et haut perchés. Instantanément,

ses tétons se durcirent et elle ne put s’empêcher de frissonner.

— Tu as froid, cara ? demanda-t-il d’un ton ironique.

Rougissante, elle croisa les bras sur sa poitrine. Lui portait

un costume gris anthracite, très certainement coupé sur mesure,

assorti à une chemise d’une blancheur immaculée et une

cravate de soie. Ainsi vêtu, il ressemblait davantage au super

P.-D.G. d’une multinationale qu’à un pilote de course – un rôle

qu’il était bien obligé d’assumer depuis que l’état de santé de

son père s’était dégradé.

— Passons un marché, d’accord ? Je monte enfiler une

tenue plus décente pendant que toi, tu… disparais !

Le rire de Rafe la poursuivit jusqu’en haut de l’escalier et

Eden prit un malin plaisir à claquer bruyamment la porte de sa

chambre.

La maison était déserte quand elle redescendit un moment

plus tard. Tant mieux… oui, tant mieux ! Il était grand temps

de se concentrer sur l’avenir et Rafe n’en faisait pas partie. Elle

traversa le hall d’entrée et s’immobilisa soudain. Bon sang, elle

avait oublié de fermer la fenêtre de la salle à manger, il ne lui

restait plus qu’à y retourner.

Quel dommage qu’elle ne puisse profiter plus longtemps de

ce cadre enchanteur, songea-t-elle en promenant un dernier

regard sur la pièce joliment décorée.

Elle était sur le point de fermer la porte-fenêtre qui donnait

sur la terrasse lorsqu’un léger mouvement retint son attention.

Rafe se tenait près de la mare qui agrémentait le jardin : les

bras croisés sur sa poitrine, la tête haute, il semblait perdu dans

ses pensées. Elle put l’observer à loisir, le dévorer des yeux

sans qu’il se rendît compte du regard qui pesait sur lui.

Page 60: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

A cet instant précis, il lui parut plus vieux que son âge.

Quatre années s’étaient écoulées depuis leur rupture et la vie

d’un champion de Formule 1 était extrêmement éprouvante,

tant au plan physique que psychologique. Elle se souvenait

encore de l’incroyable pression que Rafe subissait avant

chaque course. Son père, Fabrizzio, avait été dans sa jeunesse

un brillant ingénieur et son mariage avec la fille d’un grand

constructeur automobile lui avait donné les moyens financiers

de créer une gamme de luxueuses voitures de sport, devenues

depuis l’un des fleurons de l’industrie italienne. Et, lorsque

Rafe avait remporté son premier titre de champion du monde,

au volant d’une voiture spécialement mise au point par son

père, la marque Santini était aussitôt allée rejoindre les plus

grands noms de la Formule 1, tels Ferrari et Renault. Depuis

cette date mémorable, le renom et la prospérité de la Santini

Corporation reposaient sur les épaules du golden boy italien.

Bon gré mal gré, Rafe était devenu un véritable héros national

pour qui la notion même d’échec n’existait pas. D’où une

pression permanente, usante.

On se sentait bien seul quand on était tout en haut, avait-il

un jour confié à Eden, alors que celle-ci promenait le regard sur

la foule d’admirateurs venus célébrer sa nouvelle victoire, et

qu’elle s’était gentiment moquée de lui A l’époque, elle avait

cru à une plaisanterie, mais à présent elle comprenait ce qu’il

avait voulu dire et un sentiment de culpabilité s’empara d’elle.

Peut-être les choses auraient-elles été différentes si elle s’était

montrée plus attentive ?

Rafe releva brusquement la tête et capta son regard A son

grand désarroi, elle lut une profonde tristesse dans ses yeux

noirs.

— D’où t’est venue l’idée que j’étais sur le point d’épouser

Valentina ? demanda-t-il sans préambule, quand il l’eut rejoint.

Eden haussa les épaules, feignant d’admirer un massif de

marguerites.

— C’est Gianni qui me l’a dit.

— Gianni ! Je ne te crois pas.

Page 61: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— C’est pourtant la vérité. Le fameux soir où tu nous as

trouvés tous les deux près de la piscine et que tu en es arrivé à

des conclusions absurdes… Eh bien, Gianni venait de

m’expliquer que la famille Santini s’était entendue avec les

Domenici, et que tu avais la ferme intention d’épouser

Valentina pour contenter ton père.

— Je ne suis pas sa marionnette, répliqua Rafe d’un ton

rageur, et nous sommes au XXIe siècle. L’époque des mariages

de convenance est révolue !

— Irais-tu jusqu’à nier d’avoir abordé la question avec

Fabrizzio ?

— On en a parlé, c’est vrai, admit-il avec un petit

haussement d’épaules. L’idée plaisait à mon père, mais il savait

qu’il n’y avait aucune chance pour que cela se produise.

— Pourtant, Gianni m’a tout raconté ! s’écria Eden d’une

voix tremblante.

C’était la première fois que Rafe se donnait la peine

d’écouter ses explications, mais l’incrédulité teintée de mépris

qui se lisait dans ses yeux ne lui facilitait guère la tâche.

— Il m’a dit que la médiatisation de notre liaison faisait

partie du plan que tu avais soigneusement imaginé… Le

moment venu, la nouvelle de notre rupture aurait fait la une de

tous les journaux, et Valentina et sa famille se seraient frotté

les mains. Bien sûr, tu m’aurais gardé comme maîtresse… Le

seul petit détail que tu avais omis, c’est que je n’aurais jamais

accepté ce marché ignoble !

La mâchoire de Rafe se durcit, mais sa voix se fit sirupeuse

lorsqu’il demanda :

— Et Gianni t’aurait raconté tout ça ? Mon frère disparu qui

ne peut plus se défendre contre tes accusations ? Reconnais que

c’est bien pratique, n’est-ce pas ?

— Pourquoi mentirais-je ? éluda Eden, gagnée par une

sourde colère. Gianni ne m’aurait probablement rien dit si je ne

l’avais pas questionné. Cela faisait plusieurs semaines que je te

sentais froid et distant : j’avais l’impression que tu commençais

à te lasser de moi. Alors j’ai interrogé Gianni jusqu’à ce qu’il

m’avoue tes plans machiavéliques… Et il essayait seulement

Page 62: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

de me consoler lorsque tu nous as surpris tous les deux. Ce

n’était rien d’autre que ça, même s’il a prétendu ensuite que

nous avions une liaison secrète.

— C’est donc ça, ta version des faits ? fit Rafe d’un ton

sarcastique, éteignant du même coup la faible lueur d’espoir

qui s’était mise à briller tout au fond du cœur d’Eden. Est-ce

vraiment là tout ce que tu as à dire pour ta défense, cara ?

— Tu veux la vérité, Rafe ? répliqua-t-elle, cette fois avec

un calme glaçant. La vérité, c’est que tu es un traître, un type

sans foi ni loi qui espérait faire un beau mariage avec la fille

d’un riche aristocrate, tout en gardant une maîtresse pour ton

bon plaisir. A quoi bon ressasser le passé, de toute façon ? Tu

t’es fait ton opinion sur moi il y a quatre ans et tu n’auras

jamais le courage de reconnaître que tu as eu tort.

— Enfin, Eden je vous ai surpris… Et puis, tu as toujours

eu un faible pour Gianni je vous voyais souvent plaisanter

ensemble.

— Parce que c’était le seul membre de ta famille qui était

gentil avec moi, argua Eden, sur la défensive. Ton père n’a

jamais caché le mépris qu’il me vouait et les autres me fuyaient

comme la peste. Quant à moi, je n’avais d’yeux que pour toi…

Et c’était encore le cas. Rafe était le seul homme qu’elle ait

jamais aimé. C’était aussi lui qui, sans le savoir l’avait ensuite

poussée à se mettre en danger durant trois années : elle n’avait

trouvé que cette solution pour éviter de penser à lui et aux

moments heureux qu’ils avaient partagés.

— Si tu veux, la vérité, reprit-elle avec amertume, je trouve

que tu ne manques pas de toupet de m’accuser d’infidélité alors

que pas une semaine ne se passe sans que tu t’affiches au bras

d’une nouvelle conquête.

Elle se raidit en le voyant s’approcher d’elle.

— J’ai eu quelques maîtresses, c’est vrai, reconnut-il en

haussant les épaules tandis qu’une main glacée étreignait le

cœur d’Eden. Mais je te suis resté fidèle tout au long de notre

histoire. Je ne convoitais personne d’autre, moi.

En proie à une vive émotion, elle tourna les talons et se hâta

vers les quelques marches qui menaient à la terrasse. Soudain,

Page 63: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

une main ferme s’abattit sur son épaule et la voix de Rafe

résonna à ses oreilles, empreinte de gravité.

— Aucune autre femme n’a compté pour moi, Eden. J’ai

toujours rêvé de te retrouver.

— Arrête tes bêtises, murmura la jeune femme, hypnotisée

par le regard pénétrant de son compagnon.

Il inclina la tête vers elle jusqu’à ce qu’elle sente son

souffle sur ses lèvres.

— C’est pourtant la vérité, murmura-t-il avant de réclamer

sa bouche dans un baiser fiévreux.

Luttant de toutes ses forces pour ne pas succomber à l’onde

de chaleur insidieuse qui montait en elle, Eden martela le torse

de Rafe de ses poings serrés. Loin de se laisser impressionner,

ce dernier la plaqua contre lui et, enfouissant une main dans la

masse opulente de ses cheveux, la saisit par la nuque pour

mieux contrôler leur étreinte. Mais lorsque du bout de la langue

il dessina le contour de ses lèvres, elle les tint fermement

serrées, s’efforçant de l’imaginer avec une autre femme.

Insupportable, cette simple pensée la poussa à redoubler

d’efforts pour tenter de se libérer. Mais c’était compter sans

l’obstination de son compagnon. Il la connaissait tellement

bien… Même après tout ce temps, il semblait se souvenir de

tous ses points sensibles, de toutes les caresses qui la grisaient

de plaisir. Incapable de résister plus longtemps, elle desserra

les poings et noua ses mains sur sa nuque, savourant sans

retenue l’épaisseur soyeuse de ses cheveux entre ses doigts. Le

baiser de Rare se fit alors plus exigeant et elle entrouvrit ses

lèvres dans un petit gémissement tandis qu’il resserrait encore

son étreinte.

Le désir flambait entre eux, telle une torche vive.

— Il ne s’est pas passé une seule nuit sans que je rêve de te

faire l’amour, déclara-t-il d’une voix rauque en s’écartant

légèrement pour la prendre dans ses bras et l’allonger

délicatement dans l’herbe fraîche.

Juste au-dessus d’eux, les branches formaient urne voûte

végétale aux entrelacs compliqués, à travers laquelle on

apercevait le ciel d’un bleu limpide et intense. L’odeur sucrée

Page 64: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

de l’herbe se mêlait à celle de l’eau de toilette de Rafe, et Eden

ferma les yeux pour mieux s’abandonnera ce moment magique.

Il avait été son premier et son unique amant… Et, enfin, ils

étaient de nouveau réunis. Quand il reprit sa bouche, ce fut

avec une grande douceur, cette fois, comme s’il avait senti

qu’elle avait baissé les armes, qu’elle ne lutterait plus contre le

désir qui les embrasait.

Prestement, il releva le T-shirt de la jeune femme et

contempla d’un air avide ses seins frémissants.

Parcourue d’un long frisson, Eden ne put retenir un petit cri

de plaisir lorsqu’il effleura de sa langue son téton turgescent. Il

la titilla d’abord avec des caresses aériennes, des petits baisers

aussi légers que des ailes de papillon jusqu’à ce que, n’y tenant

plus, elle plante ses ongles dans ses épaules et l’oblige à des

caresses plus audacieuses, divinement érotiques. Elle se

cambra alors contre lui et ils ondulèrent ensemble, retrouvant

d’instinct le rythme langoureux de leurs étreintes passées.

Ce ne fut que lorsqu’il défit fébrilement le bouton de son

jean et qu’il entreprit de le faire glisser sur ses hanches que la

réalité reprit brutalement ses droits. Si elle ne réagissait pas

tout de suite, Rafe ne tarderait pas à découvrir les horribles

cicatrices sur sa jambe blessée. Mon dieu… avait-elle perdu la

tête pour s’offrir à lui dans ce genre d’endroit, juste avant qu’il

ne s’envole à l’autre bout du monde ?

Rafe la sentit se raidir. Visiblement dérouté, il suspendit ses

caresses pour sonder son regard.

— Non…, articula-t-elle en le repoussant sans

ménagement, non… je n’ai pas envie de ça.

Il roula sur le dos en laissant échapper un rire teinté

d’ironie.

— Excuse-moi, cara, je n’avais pas remarqué… Sais-tu

seulement ce que tu veux ? enchaîna-t-il en dardant sur elle un

regard dur tandis qu’elle rajustait fébrilement ses vêtements.

— Pas toi, en tout cas.

— Est-ce pour cette raison que tu t’apprêtais à fuir comme

une voleuse ?

Eden se sentit rougir sous son regard perçant.

Page 65: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Je te croyais déjà parti. Et puis, je ne m’enfuyais pas : vu

les circonstances, il m’est impossible de rester ici, je pensais

que tu l’aurais compris.

Sans la quitter des yeux, il roula sur le côté et appuya

nonchalamment sa tête dans le creux de sa main.

— Et si c’était moi qui te demandais de rester ?

— Donne-moi une seule bonne raison pour que j’accepte.

— Si tu restais, nous pourrions donner un second souffle à

une histoire que ni toi ni moi n’avons réussi à oublier, suggéra-

t-il très calmement.

Eden secoua la tête.

— Nous avons déjà envisagé la question, il me semble, et je

croyais avoir été claire : je refuse d’entamer quoi que ce soit

avec un homme qui ne me fait pas confiance. Je ne t’ai jamais

menti.

Elle avait parlé avec tant de véhémence que le cœur de Rafe

se serra douloureusement.

— Ce qui signifie que Gianni, mon jeune frère en qui

j’avais entière confiance, m’aurait menti, lui, murmura-t-il.

Eden se sentit bouleversée par ses paroles.

— Ce n’est pas moi qui ai provoqué son accident, ajouta-t-

il sans transition.

— Je sais, dit-elle en posant une main sur bras.

L’expression torturée qui voilait son visage mat l’emplissait

d’une tristesse infinie. Elle aurait tant aimé pouvoir le

consoler ! Mais, indifférent à ce qui l’entourait, il semblait

perdu dans ses souvenirs.

— Je l’aimais et la rivalité qui existait entre nous n’était pas

aussi intense que ce que tout le monde semblait croire. C’est ce

que je pensais, en tout cas. Mais, au Grand Prix de Hongrie,

j’ai réalisé à quel point Gianni tenait à me battre… j’aurais pu

le laisser passer, j’avais même l’intention de le faire. Au lieu de

ça, il a pris des risques totalement inconsidérés en abordant le

virage beaucoup trop vite. L’image de sa voiture violemment

projetée contre les barrières de sécurité ne me quittera jamais.

Page 66: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Sans la regarder, il se releva. Le regard rivé sur un point

invisible, la tête haute, il se dirigea vers la maison. Eden lui

emboîta le pas.

— Cette nuit-là, alors que j’étais à son chevet dans le

service de réanimation et qu’il gisait là, inconscient, relié à tout

un tas de machines, je me suis juré que rien ni personne ne

viendrait jamais plus se mettre entre nous et que je réglerai

définitivement la querelle qui nous avait séparés, lui et moi.

— A quel propos vous étiez-vous disputés ? risqua Eden à

mi-voix. Etait-ce à cause de moi ?

Rafe acquiesça d’un signe de tête.

— Je comprends mieux pourquoi tu me détestes. En fait,

c’est moi qui ai causé son accident, indirectement.

— Non, c’était lui le responsable, objecta Rafe d’un ton

ferme. Il m’a fallu trois ans pour l’accepter. Il a pris des risques

énormes et en a payé le prix. Malheureusement, il n’a jamais

accepté sa paralysie… Je me sentais terriblement coupable…

J’ai vécu l’enfer après notre rupture, Eden, mais mes

souffrances n’étaient rien par rapport à ce qu’il traversait. Au

bout du compte, je n’ai même pas réussi à le sauver… Il a

préféré se donner la mort.

Pour la première fois, Eden comprit pleinement à quel point

ces dernières années avaient été éprouvantes pour Rafe. Il avait

reçu un choc énorme en la trouvant dans les bras de son frère,

et c’était probablement pour cela qu’il avait choisi de croire

Gianni. Quant à elle, blessée dans son amour-propre, elle

n’avait pas trouvé les mots justes pour se défendre… Ensuite,

tout s’était enchaîné, l’accident de Gianni, ses blessures

physiques et ses souffrances morales. Incapable de lui venir en

aide, Rafe avait dû se contenter de lui accorder sa confiance et

de le soutenir.

— Je dois partir, mon avion m’attend, maugréa-t-il en

traversant le salon à grandes enjambées.

Il s’arrêta quelques instants dans le hall d’entrée pour

enfiler sa veste et récupérer sa mallette.

— Où comptes-tu t’installer ? Chez Neville Monkton ?

Page 67: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Non ! Il n’y a absolument rien entre nous… En fait, je

ne sais pas encore ce que je vais faire, admit-elle, en pleine

confusion.

Déjà, Rafe poursuivait son chemin. Il jeta sa mallette à

l’arrière de sa voiture de sport et se glissa au volant. Il se passa

pourtant quelques instants avant que le moteur ne se mette à

vrombir, et Eden se rappela toutes les fois où elle s’était tenue

en bordure des circuits, la peur au ventre, pendant que les

bolides défilaient sous ses yeux à une vitesse vertigineuse.

— Rafe !

Sur le point de franchir la grille, il s’arrêta net et baissa la

vitre pendant qu’elle se hâtait de le rejoindre.

— Que se passe-t-il, cara ?

Comme il était beau, avec son teint mat et ses cheveux de

jais qui brillaient comme de la soie dans la clarté matinale !

Mais c’était sa bouche qui la fascinait, cette bouche sensuelle

qui lui avait tant de fois donné du plaisir…

— Sois prudent, murmura-t-elle en se penchant vers lui, de

telle sorte que leurs deux visages ne furent plus qu’à quelques

centimètres.

Son sourire irrésistible lui coupa le souffle.

— Je te promets d’être prudent si tu me promets de rester

ici.

Sans lui laisser le temps de répondre, il enfouit une main

dans ses cheveux, l’attira vers lui et prit possession de ses

lèvres. Empreint d’une grande tendresse, son baiser émut Eden

aux larmes. Et lorsque ses lèvres se firent plus exigeantes, elle

ferma les yeux pour mieux savourer les délicieuses sensations

qui la submergeaient.

— Marché conclu ?

Incapable d’émettre le moindre son, elle le fixait d’un air

perdu.

La partie était loin d’être gagnée, songea Rafe en

l’enveloppant d’un dernier regard. Mais il était bien décidé à la

jouer jusqu’au bout…

Page 68: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

5.

— Tout bien considéré, vous vous êtes plutôt bien remise

de l’intervention, déclara le chirurgien en examinant les

dernières radios de sa jambe blessée. Vous devrez

probablement garder les broches toute votre vie car ce sont

elles qui maintiennent l’os en place, mais tout se consolide bien

et les cicatrices sont déjà en train de s’estomper.

Aux yeux d’Eden, les traces violettes qui couraient le long

de sa cuisse étaient encore beaucoup trop visibles, mais le Dr

Hillier avait l’air si enthousiaste qu’elle s’abstint de le

contredire. Elle avait beaucoup de chance d’être encore en vie.

Par rapport à toutes les victimes de mines antipersonnel qu’elle

avait rencontrées en Afrique et qu’on avait dû amputer, elle

s’estimait heureuse de ne garder que des cicatrices de sa

mésaventure.

— Pendant que vous vous rhabillez, je demande à ma

secrétaire de vous fixer un rendez-vous dans six mois.

Le médecin fronça soudain les sourcils en entendant des

éclate de voix dans le hall de réception.

— Encore un patient qui voudrait passer avant tout le

monde, plaisanta-t-il.

Au même instant, sa secrétaire s’écriait :

— Vous n’avez pas le droit d’entrer sans y avoir été…

L’éminent chirurgien ouvrit la porte de la salle d’examen pour

intervenir.

— Ça alors ! s’écria-t-il. Rafael Santini… Puis-je savoir ce

que vous faites ici ?

Excellente question, songea Eden en se rhabillant à la hâte.

Un petit coup d’œil par-dessus le paravent lui confirma la

Page 69: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

présence de Rafe, plus imposant, plus ténébreux… et plus

furieux que jamais.

— Eden, où es-tu ? Que fiches-tu ici, bon sang ? demanda-

t-il d’un ton péremptoire.

Le cœur battant, elle quitta le refuge du paravent et

rencontra son regard. Deux semaines s’étaient écoulées depuis

leur dernière entrevue… autant dire une éternité.

— Je me rhabille, répondit-elle avec un calme qu’elle était

loin d’éprouver.

— Arrête de tourner autour du-pot et dis-moi ce que tu fais

ici.

Devant sa détermination, la jeune femme capitula tout en le

gratifiant d’une œillade indignée.

— J’avais rendez-vous avec le Dr Hillier, le chirurgien qui

a opéré ma jambe. Qu’est-ce qui te prend de débarquer ici sans

crier gare ? Et d’abord, qui t’a dit que j’étais là ?

Tout en parlant, elle sortir de la salle d’examen à grandes

enjambées. Rafe lui emboîta le pas.

— C’est ton ami l’agent immobilier qui a vendu la mèche.

Il n’y avait personne à Dower House quand je suis arrivé tout à

l’heure, ajouta-t-il d’un ton accusateur. Je savais que Bruno

était rentré à Milan avec sa famille mais je m’attendais à…

enfin, j’espérais que tu serais là.

Dans la petite salle d’attente, tous les regards étaient

braqués sur eux, ce qui n’était guère surprenant, compte tenu

du charisme de Rafe, Eden laissa échapper un soupir agacé.

— Peux-tu parler moins fort, s’il te plaît ? Tu n’étais pas

censé rentrer avant demain soir et, même si j’avais été au

courant de ton changement d’emploi du temps, je n’aurais

certainement pas annulé ce rendez-vous que j’avais pris des

mois plus tôt.

— Qu’est-ce qui t’arrive ? demanda-t-il en la détaillant de

la tête aux pieds, totalement indifférent aux regards curieux

autour d’eux.

Eden fronça les sourcils.

— Rien du tout… si ce n’est que ton irruption me contrarie

profondément. Je trouve ça très déplacé, si tu veux tout savoir.

Page 70: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Rafe marmonna un chapelet de mots dans sa langue

maternelle – certainement pas des formules de politesse…

— Pourquoi es-tu venue consulter ce chirurgien et qu’est-il

arrivé à ta jambe ? demanda-t-il en détachant chaque syllabe,

comme s’il s’adressait à une simple d’esprit.

Il lui avait tellement manqué ! songea Eden malgré elle.

Loin de lui, elle avait presque oublié cette incroyable vitalité

que lui insufflait sa simple présence.

— Je me suis blessé la jambe lors d’une de mes missions en

Afrique, expliqua-t-elle, partagée entre l’amusement et

l’irritation. C’était un accident.

Mais il continuait à lui bloquer le passage, visiblement peu

satisfait par ses explications.

— Un accident de voiture ?

— Non… une explosion, murmura-t-elle. J’ai marché sur

une mine antipersonnel – enfin, pas tout à fait dessus puisque je

suis toujours en vie. Disons que la mine a explosé alors que

j’étais à côté et… et j’ai failli perdre une jambe.

A ces mots, Rafe parut lui aussi sur le point d’exploser. Au

prix d’un effort visible, il parvint à se contenir puis ouvrit à

toute volée la porte du cabinet.

— Et c’est ce chirurgien qui t’a opérée ? Je veux le voir, je

veux qu’il me donne tous les détails de l’intervention que tu as

subie.

— Enfin, Rafe, c’est impossible… Le Dr Hillier est un

homme très occupé, il ne te recevra pas sans rendez-vous !

protesta Eden.

Mais Rafe avait déjà fermé la porte derrière lui, sourd à ses

objections.

— Il est terrible, n’est-ce pas ? lança Eden à la secrétaire

qui n’avait rien perdu de la scène.

— Je le trouve fantastique, répondit la femme d’un certain

âge avec un sourire qui lui donna aussitôt un air moins revêche.

Il sait ce qu’il veut, au moins.

— C’est le moins qu’on puisse dire, murmura Eden avant

de se diriger vers la machine à café qui se trouvait dans le hall

voisin.

Page 71: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Quand elle revint dans la salle d’attente dix minutes plus

tard, elle trouva Rafe nonchalamment appuyé contre le

comptoir de la réception, bavardant joyeusement avec un

aréopage d’infirmières, toutes béates d’admiration. En jean

délavé et blouson de cuir noir, il dégageait un charme brut,

irrésistible, devait reconnaître Eden, submergée par une

bouffée de jalousie.

Dès qu’il l’aperçut, Rafe se redressa et marcha à sa

rencontre.

— Tu es prête ?

— Moi, oui… mais je ne suis pas sûre que tu puisses te

libérer aussi facilement.

Le sourire qu’il lui adressa fit fondre sa colère et, avant

même qu’elle ait le temps de se ressaisir, il prit son visage en

coupe et captura ses lèvres dans un langoureux baiser. Sous le

choc, elle ne songea pas un instant à résister à la pression de sa

bouche sur la sienne – sa bouche si douce, si chaude… si

sensuelle. Eden ferma les yeux, s’abandonnant sans retenue

aux sensations exquises qu’il faisait naître en elle.

— Partons d’ici, cara. Nous nous donnons en spectacle.

— A qui la faute ? Je n’arrive pas à croire que tu aies fait

ça.

— Quoi donc ? Que je t’aie embrassée ? fit Rafe d’un ton

faussement innocent.

Eden le foudroya du regard avant de s’éloigner à grands pas

vers la sortie.

— Je n’arrive pas à croire que tu aies déboulé dans le

bureau du Dr Hillier sans prévenir… A deux reprises, qui plus

est ! Il n’a pas dû beaucoup apprécier ton intrusion

intempestive…

— Figure-toi qu’il s’est montré très compréhensif, au

contraire. Il m’a même montré les radios de ta jambe quand il a

su que tu étais d’accord.

Page 72: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Mais c’est faux ! protesta Eden avant d’exhaler un

soupir agacé. Rafe, vas-tu enfin me dire ce que tu es venu faire

ici ?

— Pourquoi ne pas m’avoir parlé de ton accident ?

Rafe scrutait avec attention et gravité les traits délicats du

ravissant visage d’Eden, comme pour se convaincre qu’elle

était en effet complètement remise de ses blessures.

Eden haussa les épaules, mais elle était néanmoins touchée

par l’inquiétude qui perçait dans la voix rauque de Rafe. Elle

s’était bien remise de la lourde intervention qu’elle avait subie,

mieux même que ce qu’elle avait cru au début. A quoi bon

remuer les horribles souvenirs de cette explosion qui continuait

à la hanter dans son sommeil ?

— Pourquoi te soucies-tu de ma santé, tout à coup ? C’était

bien le cadet de tes soucis il y a quatre ans, non ?

Rafe étouffa un juron.

— Tu as frôlé la mort, bon sang ! Le Dr Hillier m’a avoué

que ton état était resté critique pendant plusieurs jours.

— Eh bien tu vois, je suis vivante et en pleine forme. Tu

n’as aucune raison de t’inquiéter pour moi.

Contrairement à ce qu’elle prétendait, elle n’était pas tout à

fait en pleine forme, songea Rafe. Si ses blessures physiques

étaient en bonne voie de guérison, le choc psychologique

qu’elle avait subi la tourmentait encore, elle ne pouvait le nier.

Que croyait-elle ? Qu’il n’avait pas remarqué les ombres qui

voilaient son regard clair de temps à autre ? L’image de son

corps inerte, ensanglanté, s’imposa soudain à lui et son

estomac se noua douloureusement.

— Si tu vas si bien que ça, pourquoi boites-tu ? demanda-t-

il d’un ton abrupt pressé de couper court à ses émotions.

— Ma jambe me fait un peu mal aujourd’hui, ce qui n’est

guère étonnant étant donné qu’on l’a manipulée et examinée

toute la matinée. Je vais me reposer dans le train, conclut-elle.

Rafe fronça les sourcils.

— Tu plaisantes, j’espère ? Je te raccompagne à Wellworth,

que cela te plaise ou non. Tu ne croyais tout de même pas que

j’allais me contenter de te déposer à la gare ?

Page 73: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Pour être franche, je ne m’attendais pas à te voir ce

matin, marmonna Eden en apercevant sa voiture de sport garée

en double file.

— On aurait pu en profiter pour faire les boutiques, reprit

Rafe, feignant d’ignorer sa mauvaise humeur. Mais ce n’est

peut-être pas une bonne idée si ta jambe te fait souffrir.

— Je te répète que je vais bien, ne t’en fais pas pour moi.

Cela dit, il est hors de question que je fasse les magasins avec

toi, enchaîna-t-elle sous le regard intrigué de quelques passants.

Tu ne peux pas faire un pas sans que quelqu’un te reconnaisse,

Rafe, et je n’ai aucune envie que notre virée sur Oxford Street

s’étale demain à la une de tous les journaux à scandale ! Tout

le monde croira que nous sommes de nouveau ensemble, ce qui

est loin d’être le cas.

L’expression désemparée de Rafe faillit lui arracher un

sourire. La jeune femme douce et fragile qu’il avait connue

quatre ans plus tôt avait changé et l’assurance qu’elle affichait

désormais semblait beaucoup le surprendre. Tant mieux !

— Et comme ça ? C’est mieux ? demanda-t-il en chaussant

une paire de lunettes de soleil.

— Super ! Tu ressembles à un mafioso !

— Aurais-tu honte de te montrer en ma compagnie ?

— Bien sûr que non, enfin ! Simplement, je n’ai aucune

envie qu’on me prenne pour le dernier trophée de ton tableau

de chasse.

— Personne ne t’a jamais considérée ainsi, protesta Rafe.

— Arrête ! Tous les membres de l’écurie Santini savaient

que mon job d’attachée de presse n’était qu’une couverture et

que j’étais ta maîtresse… Et ton père prenait un malin plaisir à

informer ceux qui ne se seraient aperçus de rien. A ses yeux, je

n’ai jamais été rien d’autre qu’une sale petite intrigante.

Rafe s’immobilisa près de sa voiture, tira sur la

contravention qu’un agent de police avait glissée sous l’essuie-

glace et enfouit le papier dans sa poche sans y accorder la

moindre attention.

— Comment peux-tu dire une chose pareille ?

Page 74: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Parce que c’est ce qu’il m’a dit, mot pour mot, répondit

Eden d’un air buté.

D’un geste impatient, Rafe passa une main dans sa

chevelure brune.

— Je ne te crois pas.

— Nous y revoilà ! s’écria la jeune femme. C’est toujours

la même rengaine, n’est-ce pas ? C’est pourtant la vérité, Rafe.

Je ne t’ai jamais menti, ni au sujet de Gianni, ni au sujet de ton

père, ni sur quoi que ce soit d’autre. Et j’en ai assez de devoir

me justifier sans cesse. Ton père me méprisait, ce n’était un

secret pour personne. Tout ce qu’il souhaitait, c’était que tu

épouses la belle aristocrate italienne qu’il avait choisie pour toi.

Peut-être même est-ce lui qui a poussé Gianni à me raconter

toutes ces histoires sur elle, qui sait ?

— Pourquoi aurait-il fait ça ? explosa Rafe.

Eden recula d’un pas.

— Peut-être parce qu’il ne supportait plus de nous voir

ensemble ?

Contre toute attente, Rafe rejeta la tête en arrière et laissa

échapper un rire sonore.

— Dans ce cas, il s’est donné du mal pour rien : tu avais

déjà d’autres plans en tête, n’est-ce pas ? Deux frères valaient

mieux qu’un, à tes yeux. Pour moi, hélas, la situation reste

limpide : nous avons rompu parce que je t’ai surprise dans les

bras de mon frère, c’est tout !

Ravalant à grand-peine les larmes qui lui brûlaient les yeux,

Eden se força à affronter son regard.

— Parfait, si ça te plaît de croire ça, vas-y, continue. De

toute façon, tu es trop têtu pour regarder les choses

objectivement Sache tout de même que si nous avons rompu,

c’est parce que tu ne m’accordais pas la moindre confiance. A

présent, c’est réciproque… et certaines choses ne renaissent

jamais de leurs cendres.

Sans lui laisser le temps de répliquer, elle tourna les talons.

Un bus venait de s’arrêter quelques mètres plus loin et elle se

mit à courir, sautant à son bord au moment où les portes se

refermaient.

Page 75: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Où allez-vous, mademoiselle ?

Imperturbable, le chauffeur attendait sa réponse, tandis

qu’elle essuyait les larmes qui baignaient son visage.

— King’s Cross.

— Vous vous êtes trompée de bus : celui-ci va à Marble

Arch.

Marble Arch ou Tombouctou, qu’importe du moment

qu’elle mettait de la distance entre Rafe et elle, songea-t-elle en

payant son ticket.

Elle alla s’asseoir et posa un regard absent vers la vitre.

Soudain, une voix grave la fit sursauter.

— Où allons-nous, comme ça ? Je croyais que tu ne tenais

pas à ce qu’on nous voie ensemble, tous les deux.

Sous le regard stupéfait d’Eden, Rafe se glissa à côté d’elle.

Comment diable avait-il réussi à attraper le bus alors qu’elle-

même avait bien failli le rater ? Cet homme était décidément

insupportable !

— C’est exact, répondit-elle avec raideur. Aussi te prierai-

je de bien vouloir me laisser tranquille.

— Crois-tu vraiment que je vais te laisser faire le tour de

Londres seule… et contrariée qui plus est ? demanda-t-il avec

une douceur qui la bouleversa.

Elle détourna les yeux de peur de se laisser piéger par son

regard pénétrant.

— Je ne sais pas, Rafe. Cela fait quatre ans que nous ne

nous sommes pas vus, pourquoi te préoccupes-tu de mon bien-

être, tout à coup ? D’autant que si je suis contrariée, c’est ta

faute !

— Il y a quelque chose entre nous…, commença-t-il.

Mais Eden, en proie à une nouvelle bouffée de colère, lui

coupa la parole.

— C’est faux, Rafe, il n’y a plus rien entre nous ! Tu as tout

gâché en préférant croire ce que te racontaient les autres au lieu

de m’écouter, moi ! N’essaie pas de te justifier, enchaîna-t-elle

comme il ouvrait la bouche pour protester, c’est trop tard. Je ne

veux plus parler du passé.

Page 76: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Parfait. Dans ce cas, concentrons-nous sur le présent,

déclara-t-il sans se démonter. Nous n’avons qu’à repartir de

zéro et faire connaissance comme deux quidams qui viennent

de se rencontrer. Bonjour, je m’appelle Rafael Santini, je suis

pilote de course.

Toutes les têtes se tournèrent vers eux et Eden secoua la

tête, retenant à grand-peine un sourire.

— Tu ne seras jamais un quidam, Rafe, murmura-t-elle,

électrisée par le contact de sa main chaude qui se refermait sur

la sienne.

— Toi non plus, cara, toi non plus…

Il lui tenait encore la main quand ils descendirent du bus un

moment plus tard pour déambuler dans les allées de Hyde Park.

Elle aurait dû se libérer, insister pour qu’il la laisse tranquille,

mais en toute objectivité elle ne désirait rien de plus au monde

que sa compagnie. Comme elle aurait aimé accepter sa

proposition de repartir sur de nouvelles bases ! Hélas, il y avait

trop de rancœur entre eux, trop de soupçons, de non-dits et

d’émotions contradictoires. Et la seule personne qui aurait pu la

racheter aux yeux de Rafe, la seule qui aurait pu prouver son

innocence avait préféré se donner la mort, emportant avec elle

ses douloureux secrets.

— Alors, raconte-moi : comment s’est passé le séjour de

Bruno et sa petite famille ? demanda Rafe comme ils

longeaient la rive du Serpentine, qui ressemblait à un large

ruban de satin argenté sous le cid d’été.

— Très bien. Ils forment un beau couple et leurs enfants

sont adorables.

Elle esquissa un sourire en se remémorant la joyeuse

agitation qui avait régné dans la grande maison pendant deux

semaines. Elle s’était même surprise à entier l’épouse de Bruno

– ce dernier était visiblement transi d’amour pour sa femme et

ses enfants. Si les choses s’étaient passées différemment, Rafe

et elle auraient-ils pu construire le même genre de bonheur ? A

vingt-sept ans, elle éprouvait de plus en plus le besoin de

materner, à tel point qu’une bouffée d’allégresse l’avait

Page 77: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

submergée chaque fois qu’elle avait pris le bébé des Martinelli

dans ses bras.

Rafe désirait-il des enfants, lui aussi ? Ils n’avaient jamais

abordé la question et elle s’était bien gardée de lui avouer ses

rêves secrets, à l’époque, de peur de le faire fuir à toutes

jambes… En plus d’être l’actuel champion du monde de

Formule 1, Rafe était aussi un séducteur invétéré et elle avait

beaucoup de mal à l’imaginer « casé », en époux comblé et

père de famille attentif au bonheur de sa progéniture. Si, dans

un moment de pure folie, elle acceptait de donner une seconde

chance à leur histoire, elle devrait de nouveau se plier au train

de vie particulier que lui imposait son activité professionnelle.

Malgré ses lunettes de soleil – ou peut-être précisément à

cause d’elles –, Rafe fut reconnu et interpellé plusieurs fois par

des fans prêts à tout pour obtenir un autographe de leur idole.

— Je n’y peux rien, maugréa-t-il à l’adresse d’Eden, qui le

regardait d’un œil réprobateur apposer sa signature sur le T-

shirt d’une ravissante brune. La Formule 1 est un sport à la

mode depuis quelque temps.

— Ce n’est pas la Formule 1 qui les intéresse, c’est toi,

corrigeât-elle, agacée par ses propres réactions.

Pourtant, elle n’avait aucune raison d’être jalouse…,

songea-t-elle avec dépit, puisque Rafe ne comptait plus pour

elle !

Il jeta un coup d’œil en direction de la baraque de bois où

on louait des barques.

— Viens, nous ne risquons pas d’être dérangés au beau

milieu du lac, sauf peut-être par les canards, lança-t-il en

l’entraînant par la main, sourd à ses protestations.

— Je n’ai aucune envie de faire un tour en barque avec

toi… Tu n’as qu’à choisir quelqu’un d’autre, ce n’est pas le

choix qui manque, il me semble !

— Madré de Dio ! C’est incroyable ce que tu peux être

têtue, répliqua Rafe en l’installant de force dans une barque.

Dans un même mouvement, il ôta son blouson et le jeta

sans ménagement au fond de l’embarcation. Sur le point de

protester encore, Eden referma la bouche, subjuguée par le

Page 78: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

spectacle qu’il lui offrait. Son T-shirt noir épousait comme une

seconde peau son torse et son ventre musclés… Il possédait un

corps magnifique, songea-t-elle en admirant ses épaules

puissantes et le renflement de ses avant-bras tandis qu’il ramait

énergiquement vers le centre du lac.

Rafe était le seul homme qu’elle ait jamais désiré, et le seul

qu’elle désirerait jamais. A cette pensée, sa vie lui apparut

soudain comme un désert immense… mais avait-elle d’autres

choix ?

Il régnait un calme surprenant sur le lac, au point qu’on

avait du mal à se croire au cœur de Londres. Le bruit de la

circulation n’était plus qu’un lointain bourdonnement. Eden

rejeta la tête en arrière et contempla le ciel limpide.

— Voilà qui est mieux, fit Rafe d’un ton satisfait Détends-

toi, cara, c’est mauvais pour la santé d’être stressée.

— C’est toi qui me stresses, répliqua Eden, ce qui lui valut

un sourire insolent.

— Moi, tu me rends vivant, et je ne m’en plains pas. Peut-

être pourrions-nous trouver un moyen de nous relaxer

ensemble, qu’en penses-tu ?

Eden n’avait jamais su résister au charme de Rafe. Sa voix

caressante l’enivrait, son magnétisme l’emplissait d’une douce

euphorie. En proie à un mélange de sensations qu’elle

connaissait bien, elle baissa les yeux sur sa bouche et frissonna

longuement.

— Vas-y, fais-le, murmura Rafe en lâchant les rames pour

se pencher vers elle.

Les joues en feu, Eden feignit de ne pas comprendre.

— Pardon ?

— Embrasse-moi. Tu en meurs d’envie, ne dis pas le

contraire.

La jeune femme n’hésita que brièvement. Puis, poussée par

le désir qui bouillonnait en elle, elle s’agenouilla devant lui,

posa une main sur son épaule et, attirant lentement son visage

vers le sien, elle prit possession de sa bouche avec une

délicatesse infinie. Rafe se laissa faire, prenant uniquement ce

qu’elle voulait bien lui donner. Eden s’enhardit alors, ses lèvres

Page 79: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

se firent plus pressantes et elle traça du bout de la langue les

contours fermes de sa bouche.

Subjugué, Rafe eut beaucoup de mal à garder son sang-

froid. Eden était tellement belle, tellement sensuelle… Il brûlait

d’envie de l’allonger sur le fond de la barque et de lui faire

l’amour passionnément là, en plein jour, au beau milieu du lac.

« Ne précipite pas les choses, lui conseilla une petite voix qui

transperça les brumes de son esprit enfiévré. Un pas après

l’autre, sans se presser. » Il y avait trop de souffrance, trop

d’amertume de part et d’autre pour risquer de tout gâcher en

allant trop vite.

Au prix d’un effort surhumain, il se détacha d’elle et croisa

son regard clair, voilé par le désir.

Un instant désorientée, Eden reprit sa place et passa une

main tremblante sur ses lèvres. Fallait-il qu’elle soit stupide

pour tomber de nouveau dans les bras de ce séducteur

invétéré ? Et pourtant, n’était-ce pas l’unique endroit où elle

souhaitait se trouver ?

— Ça te dirait de voir la nouvelle comédie musicale qui se

joue au Palladium ? demanda Rate à brûle-pourpoint, après

qu’ils eurent regagné la terre ferme.

— J’adorerais, mais ça fait des mois que tous les billets

sont vendus.

— Il se trouve que j’en ai deux pour ce soir, avec en prime

un dîner dans un excellent restaurant que je connais bien, juste

avant la représentation.

— Je ne suis pas habillée pour la circonstance.

Rafe haussa les épaules.

— S’il n’y a que ça, je t’offrirai une tenue adéquate.

Eden secoua la tête.

— Je m’achèterai quelque chose et, si ça ne te plaît pas, je

rentre en train à Wellworth.

Elle s’était arrêtée et le toisait d’un air belliqueux, les bras

croisés sur sa poitrine.

Rafe eut du mal à retenir un sourire. D’où sortait ce

caractère obstiné qu’il n’avait jamais décelé au cours de

l’année qu’ils avaient passée ensemble ? Etait-ce son propre

Page 80: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

tempérament fougueux qui l’avait alors empêchée de

s’exprimer librement ? Toujours est-il que ce mélange

d’assurance et de provocation qu’elle affichait désormais lui

plaisait beaucoup…

— Il y a un petit détail auquel tu n’as pas songé, déclara

Eden en sortant d’une boutique, un peu plus tard.

Tout à l’heure, elle avait purement et simplement ordonné à

Rafe de l’attendre dehors après qu’il eut essayé d’orienter son

choix vers des robes microscopiques. Elle ne pouvait plus se

permettre de porter ce genre de tenue avec ses horribles

cicatrices… Mais ça, Rafe ne le savait pas.

— Où vais-je pouvoir me changer ? continua-t-elle, en

proie à une soudaine bouffée d’appréhension.

Rafe la gratifia d’un sourire angélique.

— J’ai réservé une chambre d’hôtel. Aurais-tu oublié que je

pense toujours à tout, cara ?

— Annule la réservation. Il est hors de question que nous

partagions une chambre d’hôtel.

— Tu ne me fais vraiment pas confiance, n’est-ce pas ?

murmura-t-il avec une pointe de réprobation dans la voix.

Eden déposa son sac dans le coffre de la voiture et croisa

son regard.

— C’est tout à fait ça, répondit-elle posément. C’est toi qui

m’as laissée tomber, Rafe, et non l’inverse, alors ne t’avise

surtout pas de me faire porter le chapeau. Il fut un temps où je

te faisais aveuglément confiance : je ne commettrai pas deux

fois la même erreur.

Le trajet jusqu’à l’hôtel se déroula dans un silence tendu.

Comme elle l’avait prévu, Rafe avait choisi l’un des palaces les

plus luxueux de la capitale : leur suite était immense, décorée

avec un raffinement extrême. Dès leur arrivée, Rafe avait

disparu dans la chambre et elle entendait à présent l’eau qui

ruisselait dans la salle de bains attenante.

Page 81: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

A la vue du lit immense, tendu de soie damassée, elle faillit

prendre ses jambes à son cou. Ce n’était pas l’angoisse qui la

submergeait, mais plutôt une excitation incontrôlable qui

l’effrayait plus que tout.

Quelques minutes plus tard, Rafe émergea de la salle de

bains, une serviette de toilette nouée autour de la taille.

L’imagination d’Eden s’emballa aussitôt. Ses cheveux humides

étaient lissés en arrière, quelques gouttes d’eau brillaient dans

la toison brune qui recouvrait son torse. Une envie intense,

presque primitive, l’assaillit.

— Tu as besoin de quelque chose, cara ?

Les joues en feu, elle se força à détacher les yeux de son

corps d’athlète.

— De… de me changer.

Rafe arqua les sourcils d’un air ironique.

— Ta chambre est de l’autre côté du salon, mais je serais

ravi de partager la mienne avec toi si tu insistes.

— Tu aurais pu me le dire avant ! s’écria Eden, furieuse.

Etait-ce réellement un soupçon de déception qui se mêlait à

sa colère ? songea-t-elle, désemparée.

— J’ai décidé qu’il était inutile de perdre mon temps à

tenter de changer la piètre opinion que tu as de moi, répliqua

Rafe, imperturbable. Cela dit, cara, tu devrais savoir que je ne

suis pas le genre d’homme à trainer de force les femmes dans

mon lit. J’ai très envie de toi, c’est vrai, mais j’attendrai que tu

viennes à moi. Alors, cesse d’afficher ces airs de vierge

effarouchée, ça ne sert à rien. Oh, une dernière chose : arrête

également de me regarder comme ça…

— Comme quoi ? articula Eden, de plus en plus mal à

l’aise.

Un sourire narquois joua sur les lèvres de son compagnon.

— Comme si tu brûlais d’envie que je te déshabille

fébrilement, que je t’allonge sur le lit, que j’explore avec ma

bouche ton corps tremblant de désir, que j’écarte tes jolies

cuisses laiteuses et que je m’enfonce en toi pour t’entraîner

jusqu’au sommet de l’extase.

Page 82: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Tu te trompes, Rafe, je n’ai pas du tout envie de ça !

protesta Eden d’un ton qui manquait de conviction.

Les pupilles de Rafe se rétrécirent dangereusement. La

tension qui régnait entre eux était presque tangible, et ses

paroles avaient fait jaillir dans son esprit des images d’un

érotisme puissant, délicieusement tentateur…

— Ce qui ne fait que confirmer mon opinion, murmura

Rafe, sarcastique. Tu mens comme tu respires, cara.

Page 83: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

6.

Coupée dans une mousseline de soie couleur pêche, la robe

qu’avait choisie Eden mettait en valeur chaque courbe de sa

silhouette longiligne. Le bustier épousait divinement sa poitrine

ronde tandis que la jupe longue dissimulait ses jambes. Et ce

contraste rendait l’ensemble terriblement sexy, bien plus

qu’elle ne l’avait imaginé dans la cabine d’essayage de la

boutique, songea Eden en contemplant son reflet dans le miroir

en pied de sa salle de bains.

Une longue fente dévoilait sa jambe intacte, finement

galbée. En observant ce détail raffiné, Eden fut saisie d’une

sourde angoisse. Comment aurait réagi Rafe en découvrant

l’étendue de ses blessures, lui qui n’avait jamais caché son goût

pour ses jambes fuselées ? Sa dernière réplique lui revint alors

à l’esprit et elle haussa les épaules, résolue à afficher le même

détachement que lui. Rafe ne verrait jamais ses cicatrices.

C’était aussi simple que ça.

Dans un regain de détermination, elle inspira profondément

et alla ouvrir la porte du salon.

Perdu dans la contemplation de la rue, Rafe pivotai sur ses

talons en entendant la porte s’ouvrir. Il retint son souffle.

Éblouissante… c’était le seul qualificatif capable de décrire

l’apparition qui venait de pénétrer dans la pièce. Une vague de

désir ô combien familière le submergea tandis qu’il admirait sa

silhouette moulée dans une longue robe de soie. Elle avait

rassemblé ses cheveux dans un chignon souple d’où

s’échappaient quelques boucles dorées.

Sensuelle, sexy en diable et terriblement nerveuse, songea-

t-il en remarquant le pouls qui tressautait frénétiquement à la

Page 84: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

naissance de son cou. Cette femme lui appartenait, c’était une

évidence, et, malgré leur passé tumultueux, il avait la ferme

intention de la reconquérir, même si cela s’avérait plus difficile

que ce qu’il avait eu la prétention de croire !

Sa douce « rose anglaise » s’était parée de cruelles épines,

pensa-t-il encore en réprimant un sourire. Elle était sur ses

gardes, froide et distante en apparence. Heureusement, son

corps envoyait des signaux très différents, lui. L’onde

sensuelle, puissante, irrésistible, qui avait jailli entre eux dès

leur première rencontre, n’avait rien perdu de son intensité.

— Cette robe te va à merveille, déclara-t-il dans l’espoir de

détendre un peu l’atmosphère. Tu as toujours été la plus belle

femme du monde à mes yeux.

Eden déglutit avec peine.

— Merci. As-tu jamais songé à porter des lunettes de vue ?

Son sourire aurait fait fondre un iceberg, songea-t-elle en

soupirant.

Comment rester de marbre quand il la regardait avec ce

mélange de tendresse et de chaleur ?

— Le taxi qui va nous conduire au théâtre doit arriver d’un

instant à l’autre. J’ai pensé que nous pourrions dîner après le

spectacle, qu’en dis-tu, cara ?

Eden acquiesça, troublée par son charme latin qu’accentuait

encore son smoking à la coupe impeccable.

Un coup discret fut frappé à la porte. L’instant d’après, un

valet de chambre entrait dans la pièce, poussant devant lui une

table roulante. Une bouteille de Champagne dans un seau à

glace côtoyait deux flûtes en cristal et un ravissant bouquet de

roses crème. Rafe choisit une fleur aux pétales veloutés.

— J’ai pensé que cela te ferait plaisir de porter une rose en

boutonnière, murmura-t-il en contemplant d’un air appréciateur

ses épaules dénudées. Mais je ne vois pas où l’accrocher.

Il était trop près d’elle, tout à coup, trop vivant, trop attirant

pour qu’elle puisse résister longtemps à son sex-appeal. Prise

de panique, Eden lui prit la rose des mains.

— On peut la glisser là, juste devant, bredouilla-t-elle en

tentant d’enfoncer la rose dans le décolleté de sa robe.

Page 85: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Devant sa fébrilité, Rafe se rapprocha encore et, reprenant

la fleur, la fixa de telle sorte que le délicat bouton alla se nicher

au creux de ses seins.

— Cette rose ne connaît pas sa chance, murmura-t-il d’un

ton taquin.

Eden ne put s’empêcher de sourire. Après tout, pourquoi ne

pas profiter de l’instant présent ? Il serait toujours temps

d’aviser plus tard, après le spectacle, lorsqu’ils se

retrouveraient tous les deux dans cette suite luxueuse…

Interprétée par des acteurs de renommée internationale, la

comédie musicale fut à la hauteur des critiques dithyrambiques

qu’elle avait reçues dès la première représentation. Eden

profita pleinement de l’époustouflant spectacle puis, durant le

dîner qui suivit, Rafe l’amusa beaucoup en lui racontant

quelques anecdotes insolites qui avaient eu lieu sur les circuits.

Elle redécouvrait enfin l’homme dont elle était tombée

amoureuse cinq ans plus tôt.

Drôle, plein d’esprit, attentionné, il prit soin de ne pas

évoquer le passé, au grand soulagement d’Eden qui ne désirait

rien d’autre que se concentrer sur le présent. Le passé était

synonyme de désillusions et de chagrin, l’avenir se plaçait sous

le signe de l’incertitude, mais l’instant présent, lui, était riche

d’émotions et de menus bonheurs : elle recevait en tout cas

toute l’attention de Rafe et comptait bien savourer cette

agréable parenthèse.

Il était déjà tard lorsque la limousine vint les chercher au

restaurant pour les ramener à l’hôtel. S’enfonçant avec délice

dans les sièges en cuir moelleux, Eden ferma les yeux. Le

sommeil la ravit sans qu’elle s’en rende compte et sa tête

dodelina bientôt contre l’épaule de Rafe. La voix grave de ce

dernier la réveilla en sursaut et elle cligna des yeux comme son

visage apparaissait dans son champ de vision, si proche qu’elle

distinguait les ridules qui marquaient le coin de ses yeux. Etait-

elle encore en train de rêver ? Dans son rêve, Rafe avait déposé

sur ses lèvres un baiser aussi léger, aussi doux qu’une plume…

Page 86: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Ils étaient arrivés à destination. Elle était épuisée, sa jambe

lui faisait mal, mais elle fit un effort pour ne rien laisser

paraître en gravissant les quelques marches qui conduisaient

aux lourdes portes d’entrée.

— Tu es fatiguée, cara, la journée a été longue. Il est grand

temps d’aller te coucher.

« Oui, mais dans ton lit », chuchota une voix coquine dans

un coin de son esprit ensommeillé.

Elle laissa échapper un petit cri lorsque Rafe la souleva

dans ses bras.

— Repose-moi ! Tout le monde nous regarde…, protesta-t-

elle en s’accrochant malgré tout à ses épaules.

Son rire rauque résonna contre son oreille.

— Le portier et la réceptionniste, voilà tout ce que nous

avons comme public ! Tu as mal à la jambe… ne dis pas le

contraire, tu pouvais à peine monter les marches, ajouta-t-il

gravement en montant dans l’ascenseur.

Il ne la libéra que lorsqu’ils eurent regagné leur suite. Avec

une précaution infinie, il la déposa sur le canapé du salon.

— Auras-tu la force de te déshabiller ? demanda-t-il d’un

ton plein de sollicitude.

Eden baissa les yeux tandis qu’un flot de sang envahissait

son visage. « Non, tu vas devoir t’en charger… Déshabille-moi

en prenant tout ton temps », lui souffla la même petite voix

provocante. Dieu merci, elle se ressaisit.

— Ça va aller, je te remercie.

— Veux-tu boire un dernier verre ?

Il se dirigea vers le bar et Eden le suivit des yeux, fascinée

par sa grâce féline. Une onde de chaleur la parcourut et elle

secoua la tête, effrayée par l’intensité de ses réactions.

— Je préférerais un café bien serré, s’il te plaît. Ça

m’aidera à garder la tête froide, ajouta-t-elle à mi-voix.

A ces mots, Rare lui coula un regard de biais.

— Je n’ai aucune intention de te sauter dessus, rassure-toi.

Je n’entreprends jamais rien sans y avoir été invité.

Eden ne répondit pas tout de suite. S’il savait… C’étaient

ses propres réactions qui l’effrayaient !

Page 87: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Je ferais mieux d’aller me coucher tout de suite,

murmura-t-elle, pressée d’échapper à son magnétisme.

Dans sa précipitation, elle trébucha et serait tombée si deux

bras puissants ne l’avaient pas retenue.

— Doucement... rien ne presse, voyons.

Eden se débattit.

— Je veux aller me coucher !

— Pourquoi ? demanda Rafe en la fixant avec attention.

Que fuis-tu comme ça ?

Au prix d’un effort, Eden soutint son regard sans ciller.

— Toi !

L’atmosphère se chargea d’électricité, le cœur d’Eden

s’emballa mais, comme hypnotisée, elle continua à le fixer.

— Je vois…

Son regard était voilé, son visage impénétrable. Empreint

d’indifférence, le ton de sa voix la fit tressaillir, mais les bras

qui l’enlacèrent tenaient un autre discours, plus passionné

celui-là. Elle poussa un petit cri lorsqu’il la plaqua contre lui et

qu’elle se heurta à la preuve tangible de son désir.

— Si tu veux mon avis, nous souffrons tous les deux du

même mal, murmura-t-il en inclinant son visage vers le sien.

Sa bouche était chaude et ferme, terriblement tentatrice.

— Nous n’avons jamais eu besoin de mots pour nous

comprendre, cara, ajouta-t-il et comme elle allait protester, il la

réduisit au silence en capturant sa bouche d’une caresse

impérieuse.

La colère qui bouillonnait en elle fut instantanément

remplacée par un désir d’une intensité inouïe. A quoi bon

résister à un appel aussi vibrant ? songea-t-elle comme il la

soulevait dans ses bras. Cédant aux sensations enivrantes qui

naissaient en elle, elle se blottit contre lui.

— De quoi avons-nous besoin quand nous avons déjà tout

ça ? murmura-t-il en se laissant tomber sur le canapé.

Sans relâcher son étreinte, il l’installa sur ses genoux et

déposa une pluie de baisers le long de sa gorge, jusqu’à la

naissance de ses seins.

— Tu es si belle, cara mia, et tu m’as tellement manqué.

Page 88: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Il réclama de nouveau ses lèvres dans un baiser qui la fit

trembler de tout son corps.

Sans même qu’elle s’en aperçoive, il fit glisser la fermeture

Eclair de sa robe et roula le bustier sur ses hanches avec des

gestes experts. Ce fut l’air frais sur ses seins qui l’arracha à sa

torpeur, mais avant qu’elle ait pu émettre le moindre son, Rafe

se pencha et happa entre ses lèvres un téton durci par le désir.

Une onde de chaleur la parcourut et elle s’arqua contre lui, ivre

de plaisir.

— Tes seins ont toujours été incroyablement sensibles,

murmura-t-il d’une voix sourde avant de capturer l’autre téton.

Elle émit un long gémissement lorsque sa langue titilla cette

zone particulièrement érogène, Rafe avait raison. Puis elle

entreprit de déboutonner sa chemise et promena avec bonheur

les mains sur son torse puissant. Elle eut même la satisfaction

de sentir son cœur battre à coups précipités sous ses doigts

tremblants. Elle se raidit brièvement lorsque Rafe glissa la

main dans la fente de sa jupe. Percevant sa réticence, il

suspendit son geste et embrassa ses lèvres avec une douceur

infinie. Finalement, elle rendit les armes et soupira d’aise

lorsque ses doigts voletèrent sur l’élastique de ses bas,

remontèrent le long de ses cuisses et écartèrent enfin la soie

fine de son string.

Cela faisait si longtemps, songea-t-elle confusément,

submergée par une vague de plaisir.

— Tu vois, cara, c’est ainsi que nous communiquons le

mieux, tous les deux. Tu as envie de moi… ton corps ne ment

pas, n’est-ce pas ?

Tout en parlant, Rafe explorait délicatement les replis doux

et moites de sa féminité. Son parfum fleuri, légèrement vanillé,

lui monta à la tête et il enfouit son visage dans le creux de son

cou, humant avec délice son odeur enivrante. Comme il avait

envie de plonger en elle, de se laisser emprisonner par elle !

Mais la prudence était de rigueur s’il ne voulait pas

l’effaroucher.

Eden était une jeune femme infiniment sensuelle qui ne

demandait qu’à jouir de tous les plaisirs que lui offrait la vie.

Page 89: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Sans doute avait-elle eu des amants au cours des quatre années

passées… A cette pensée, son cœur chavira. Eden lui

appartenait, à lui et à personne d’autre et il était bien décidé à

le lui prouver ! Mieux que quiconque, il savait comment lui

donner du plaisir… Un gémissement de pure satisfaction lui

échappa lorsqu’il la sentit se contracter autour de ses doigts

audacieux. Elle haletait, tout son corps frémissait, et l’intensité

de son orgasme le prit au dépourvu. Peut-être n’y avait-il pas

eu tant d’hommes que ça depuis leur rupture… Au fond, peu

lui importait : dorénavant, il serait le seul à lui faire l’amour, le

seul à la transporter vers les cimes du plaisir.

Ses petits gémissements attisaient son excitation et il se

promit de renouveler cette exquise expérience un peu plus tard

dans la nuit.

Lorsque Eden reprit contact avec la réalité, elle était

allongée sur le canapé, sa robe baissée jusqu’à la taille. Mille

frissons couraient encore sur sa peau exposée au regard

admiratif de Rafe.

— Tu n’imagines pas combien de fois j’ai rêvé de toi qui

enroulais tes longues jambes autour de ma taille, cara,

murmura-t-il.

Ces quelques mots suffirent à briser le charme. Tout en

parlant, il fit glisser sa main le long de sa jambe intacte et saisit

entre ses doigts la jarretière de son bas. Eden se figea tandis

que le désir cédait le pas à la panique. A l’évidence, Rafe avait

l’intention de la débarrasser de ses bas, impatient de dévoiler

les longues jambes qu’il admirait tant à l’époque. Elle ne

supporterait pas de voir la répulsion s’inscrire sur son visage

lorsqu’il découvrirait les cicatrices qui zébraient sa jambe

blessée.

— Non, Rafe, je t’en prie, dit-elle en repoussant sa main

avec fermeté.

Elle se redressa et s’efforça de rajuster sa robe. L’espace

d’un instant, le visage de Rafe s’assombrit puis un sourire étira

ses lèvres. Il lui tendit la main pour l’aider à se lever.

— Tu as raison, cara. Moi non plus, je n’ai pas envie de te

faire l’amour à la sauvette sur un canapé d’hôtel après toutes

Page 90: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

ces années de séparation. J’ai plutôt envie de te faire l’amour

toute la nuit dans un grand lit confortable… avant de m’envoler

pour le Portugal demain, avec toi.

— Pour le Portugal ? répéta Eden en le considérant d’un air

perdu. Il est hors de question que je te suive au Portugal.

Mais Rafe l’entraînait déjà en direction de sa chambre à

coucher, feignant d’ignorer la contrariété qui obscurcissait ses

traits délicats.

Il exhala un soupir lorsqu’elle retira sa main de la sienne.

— C’est un peu précipité, j’en conviens, mais il se trouve

que les deux prochains rallyes se suivent de près : c’est d’abord

le Portugal puis le Grand Prix de Monza, en Italie. Je suis

désolé, cara, mais je me débrouillerai pour passer le plus de

temps possible avec toi, c’est promis.

Avec son assurance coutumière, il la saisit par le menton et

planta un bref baiser sur ses lèvres.

— Rafe, je n’irai nulle part avec toi… et surtout pas dans

ton lit.

Au prix d’un ultime effort, elle s’écarta de lui et il la

contempla un long moment sans mot dire. Lorsqu’il reprit la

parole, ce fut d’un ton à la fois posé et ferme.

— Je ne comprends pas, cara. Tu sais sans doute que je me

suis engagé à courir tous les grands prix de cette saison.

Comment pourrons-nous entretenir une relation suivie si tu

refuses de me suivre dans mes déplacements ? A moins que tu

ne préfères que ce soit moi qui vienne te voir en Angleterre dès

que j’en aurai l’occasion ?

— Je ne préfère rien du tout. Mais toi, comment peux-tu

imaginer que tu puisses resurgir dans ma vie et exiger de moi

que je la réorganise entièrement en fonction de toi ?

— Il semblerait que je me sois mépris sur tes réactions,

rétorqua Rafe, piqué au vif. A en juger par ton ardeur, j’ai

pensé que tu étais prête à tenter l’aventure une nouvelle fois.

Au lieu de quoi, tu recherchais juste un moment de plaisir sans

lendemain.

— Je ne recherchais rien du tout… c’est toi qui as

commencé…

Page 91: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Sois honnête, Eden. Pourquoi n’admets-tu pas

simplement ton désir ? Il n’y a aucune honte à ça, tu sais. Je le

comprends parfaitement, en tout cas.

— Tu souhaites vraiment que nous repartions sur de

nouvelles bases, toi et moi ? intervint Eden, de plus en plus

excédée par la désinvolture qu’il affichait. Tu ne cesseras donc

jamais de m’étonner. Car rien n’a changé. Il te semble toujours

aussi naturel que ce soit moi qui fasse tous les compromis, moi

qui te suive docilement aux quatre coins du monde… moi qui

essuie les commentaires railleurs de la presse à sensation et le

mépris de ton père !

— Mon père est un homme bien, je ne te permets pas de

ternir sa réputation avec des accusations gratuites, fit Rafe d’un

ton cinglant. Nous avons vécu heureux tous les deux, Eden, et

notre relation n’était pas que sexuelle… Nous pourrions

retenter quelque chose, cara, je crois sincèrement que cela en

vaut la peine, mais ça ne sera pas possible tant que tu

continueras à mettre en cause l’intégrité de l’homme que je

respecte le plus au monde. Je ne serais pas là où en j’en suis

aujourd’hui sans lui.

Sa voix était chargée d’émotion.

— Je m’efforce de faire preuve d’objectivité, tu sais,

j’essaie de me persuader que c’est Gianni qui m’a mené en

bateau il y a quatre ans, mais ce n’est pas si facile que ça. Je

l’aimais de tout mon cœur et, pourtant, j’ai été incapable de lui

donner la force de continuer à vivre… Alors je t’en prie, cesse

de t’attaquer à ma famille.

Eden releva le menton.

— Puis-je savoir ce que tu suggères, au juste ? Que

partagions-nous, en dehors d’une relation chamelle plutôt…

dynamique ?

— C’était bien plus que ça ! insista-t-il.

— Regarde la vérité en face, Rafe : la plupart du temps,

j’étais seule et je m’ennuyais à mourir. Je passais mes journées

à attendre ton retour et je me sentais si mal à l’aise, si étrangère

à ton monde que j’avais l’impression de ne plus être moi-

même. Je m’accrochais à toi comme un naufragé à une bouée,

Page 92: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

je vivais dans la crainte permanente de me faire évincer par une

de ces créatures de rêve qui se bousculent pour t’approcher à

chacune de tes victoires. Je ne veux pas redevenir cette pauvre

fille naïve, Rafe, et malgré ce que tu sembles croire, je n’ai

plus envie de toi.

Un silence pesant s’abattit sur eux. Le visage sombre, les

lèvres crispées en un pli dur, Rafe s’approcha d’elle.

— Dans ce cas, je ferais mieux de t’accompagner jusqu’à ta

chambre.

— Je peux me débrouiller toute seule, merci.

— Dio ! Arrête de discuter, tu veux ? Le Dr Hillier m’a dit

qu’il t’avait prescrit des antalgiques : je crois que tu ferais bien

de les prendre, ajouta Rafe en remarquant les cernes qui

soulignaient ses yeux.

— C’est juste de la fatigue… et une bonne dose de stress,

répliqua Eden en le gratifiant d’un regard entendu.

— Où sont tes médicaments ? insista-t-il, feignant de ne pas

l’avoir entendue. Dans ton sac à main ou dans ta trousse de

toilette ?

Comme elle ne répondait pas, il se dirigea vers la porte.

— Je te donne deux minutes pour aller te coucher et je

reviendrai avec un verre d’eau. Si tu n’es pas prête, je serai

obligé de te déshabiller… Et qui sait où cela nous conduira,

n’est-ce pas, cara ?

Eden venait d’ôter ses chaussures. En entendant le rire

moqueur de Rafe, elle se baissa vivement, ramassa une sandale

et la lança dans sa direction A sa grande déception, elle

manqua sa cible.

— Vas-tu me dire où tu as péché ce fichu caractère ?

demanda-t-il, les yeux brillant d’amusement, ce qui lui valut

une œillade assassine de la part d’Eden.

— L’année que j’ai passée auprès de toi aurait poussé au

meurtre le plus doux des saints. Tu as été un maître exemplaire.

— Je suis ravi de te l’entendre dire, cara, même si je doute

que nous songions aux mêmes domaines d’enseignement !

Page 93: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

A quoi bon se mesurer à lui ? Il avait toujours le dernier

mot, songea Eden en se déshabillant à la hâte. Puis elle se

glissa entre les draps avant son retour.

— Et maintenant, que se passe-t-il ? demanda-t-elle d’une

voix mal assurée après avoir avalé ses médicaments sous l’œil

attentif de Rafe.

— Je retourne dans ma chambre et toi, tu dors sur tes deux

oreilles avec la certitude que je ne viendrai pas perturber tes

rêves.

Si seulement c’était aussi simple ! Cela faisait quatre ans

qu’il la tourmentait jusque dans son sommeil… Pourquoi en

serait-il autrement ce soir-là ?

— Je voulais dire… en ce qui nous concerne, précisa-t-elle,

de plus en plus mal à l’aise. Je pense vraiment ce que je t’ai dit,

Rafe : nous n’avons aucun avenir ensemble. Je quitterai Dower

House dès que possible.

Son haussement d’épaules désinvolte lui déchira le cœur.

Ainsi, c’était la fin… Rafe était à bout de patience – ce qui, au

fond, n’avait rien de surprenant : après tout, c’était elle qui

l’avait provoqué puis rejeté ce soir… Et pourtant, l’idée de le

voir disparaître de sa vie une seconde fois – la dernière, très

certainement – l’emplissait d’effroi.

— Il n’y a rien qui presse, dit-il. Je ne serai pas là cet été,

mais j’ai signé un bail d’un an. Mon chauffeur te reconduira à

Wellworth dès que tu seras prête, demain matin. Je prends

l’avion très tôt et je ferai en sorte de ne pas te réveiller.

Eden se contenta de hocher la tête, en proie à des

sentiments contradictoires. Qu’il parte, vite, avant qu’elle se

jette dans ses bras et lui promette d’être sa maîtresse jusqu’à ce

qu’il ne veuille plus d’elle ! Son amour-propre était sa seule

armure contre l’attrait irrésistible qu’il exerçait sur elle et elle

leva le menton, résolue à ne rien montrer de ses émotions.

— Il s’agit donc d’un au revoir.

Un sourire insolent se dessina sur les lèvres de son

compagnon.

— Provisoire, cara, provisoire, murmura-t-il en approchant

à pas lents. Combien de temps devrai-je attendre avant que tu

Page 94: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

te lasses de ton grand lit vide ? Car tu reviendras vers moi,

Eden, j’en suis persuadé. Ta nature passionnée finira bien par

prendre le dessus. Pour être franc, j’attends avec impatience le

jour où tu viendras me supplier de te reprendre, cara mia. Tu

me supplieras parce que ta place est ici, près de moi.

Sans lui laisser le temps de réagir, il se pencha vers elle et

le cri de protestation qui s’échappa de ses lèvres fut vite étouffé

par sa bouche avide et exigeante. Elle le détestait ! Oui, elle

détestait son arrogance, sa désinvolture et son assurance

imperturbables !

Mais avant qu’elle ait recouvré assez de calme pour le lui

dire, il avait disparu.

Page 95: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

7.

En franchissant la grille de Dower House, Eden eut

l’impression de retrouver une vieille amie. Elle leva les yeux et

contempla la grande façade tapissée de lierre qu’elle trouvait si

jolie. Hélas, elle ne pouvait y rester plus longtemps : elle ne

pouvait envisager un quelconque avenir auprès de Rafe…

Elle remit sans attendre une lettre de préavis à Neville et lui

demanda de la tenir informée des offres de location

susceptibles de l’intéresser. Heureusement, son ami se montra

d’une discrétion exemplaire et ne lui posa aucune question sur

sa décision.

De nombreuses animations rythmaient l’été à Wellworth et

les reportages s’enchaînèrent, laissant à peine le temps de

souffler à Eden. Mais après trois années passées à décrire la

sécheresse et la famine qui frappaient les régions d’Afrique

qu’elle avait parcourues, Eden avait beaucoup de mal à

s’enthousiasmer sincèrement pour la vie locale.

En toute objectivité, rien ne l’intéressait vraiment depuis

qu’elle avait revu Rafe. Elle mangeait à peine et plusieurs de

ses amis s’inquiétaient à son sujet. Etait-elle malade ? Oui,

malade d’amour, songea-t-elle sombrement… pour la

deuxième fois en quatre ans.

Résolue à éviter à tout prix la retransmission du Grand Prix

du Portugal, elle passa la journée du dimanche en compagnie

de Cliff, de Jenny et de leur bébé. N’avait-elle pas beaucoup de

chance ? Elle était entourée d’amis formidables et habitait l’un

des plus beaux villages d’Angleterre. Oui, la vie était douce et

tellement plus simple sans Rafe !

Page 96: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Un peu plus tard dans la soirée, pourtant, elle se surprit à

zapper d’une chaîne à l’autre, passant sans transition d’une

comédie sentimentale à une émission sportive relatant les

principaux événements du jour.

Rafe était en pôle position quand le départ fut donné, et

Eden retrouva le mélange d’angoisse et d’excitation qui la

submergeait chaque fois que sa voiture se détachait du groupe à

une vitesse vertigineuse.

Incapable de tenir en place, elle alla dans la cuisine.

Mais soudain, en entendant le cri du commentateur, elle

lâcha la brique de jus d’orange qu’elle venait de prendre dans

le frigo et se rua vers l’écran de télévision.

— … Santini ne fait plus partie de la course. Rafe Santini,

cinq fois champion du monde, est sorti de la piste lors du

Grand Prix du Portugal et, au vu des images qui me

parviennent, il serait tout à fait miraculeux qu’il sorte vivant de

sa voiture.

— Non, je vous en prie, non, murmura Eden, abasourdie.

Les secours obstruaient son champ de vision mais, d’après

les remarques du commentateur, il paraissait tout à fait

impossible qu’il fût sorti indemne du tas de tôle froissée

qu’était devenue sa voiture. Une pensée la traversa soudain :

l’émission rediffusait les moments forts de la journée… le

Grand Prix avait eu lieu quelques heures plus tôt… Rafe n’était

peut-être plus de ce monde et elle n’en savait rien !

— Rafe, je t’en supplie, sors de cette voiture, murmura-t-

elle, le cœur battant à coups redoublés.

Tout à coup, sous son regard ébahi, la foule des officiels

s’écarta et le caméraman fit un gros plan sur Rafe qui

s’extirpait péniblement de la coque de protection déployée

autour du siège du pilote. Des secouristes se précipitèrent pour

l’aider à quitter la piste.

Submergée par l’émotion, Eden tomba alors à genoux

devant l’écran. Le visage de Rafe était masqué par son casque,

seuls ses yeux étaient visibles, mais lorsqu’elle tendit la main

pour effleurer son image, elle eut l’impression que son regard

Page 97: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

plongeait jusqu’au tréfonds de son être. Les larmes jaillirent,

des sanglots s’échappèrent de ses lèvres tremblantes.

Elle ne pouvait pas vivre sans lui, c’était une certitude à

présent. Etait-ce vraiment son destin, aimer un homme qui ne

la considérerait jamais que comme sa maîtresse, qui ne lui

rendrait jamais l’amour qu’elle lui portait ? Saurait-elle se

contenter de ce genre de relation ?

Le Grand Prix d’Italie se tenait à Monza et les routes qui

menaient au circuit étaient déjà encombrées, bien avant le

début de la course. Petra, la secrétaire particulière de Rafe –

une femme qui aurait mérité d’être canonisée pour sa patience

infinie – avait accédé à la demande d’Eden sans poser la

moindre question. Le lendemain de leur conversation

téléphonique, elle avait reçu une entrée VIP ainsi que les

horaires des vols qui lui permettraient d’arriver à l’heure sur le

circuit de Monza.

La balle était à présent dans son camp, songea Eden, en

proie à une angoisse grandissante. Elle devait avoir perdu la

raison pour se jeter ainsi dans la gueule du loup. Rafe allait

sans doute se moquer d’elle, mais tant pis, c’était un risque à

prendre. Depuis l’accident, elle avait compris que vivre sans lui

n’avait aucun sens.

A l’entrée du circuit, une hôtesse l’entraîna directement

vers la tribune VIP où gravitait déjà une foule d’élégantes. La

gorge nouée, Eden baissa les yeux sur le tailleur-pantalon bleu

acier qui lui avait coûté une petite fortune. Elle ne regrettait pas

son achat : le pantalon mettait en valeur ses longues jambes

tandis que la veste cintrée accentuait sa taille délicate. C’était

une tenue sobre et élégante, ponctuée d’une touche féminine

très sensuelle : ourlé de dentelle, le caraco de soie qu’elle

portait sous la veste agrémentait discrètement le creux de son

décolleté. Sa chevelure blonde était rassemblée en un chignon

souple.

Page 98: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Elle prit une longue inspiration et promena son regard

alentour. Quelques instants plus tard, elle reconnut Alonso,

l’un des mécaniciens de l’écurie Santini.

Alonso parlait à peine anglais et elle n’était pas sûre qu’il se

souviendrait d’elle après tout ce temps. Elle se dirigea

néanmoins vers lui. Un large sourire éclaira le visage tanné du

mécanicien lorsqu’il l’aperçut.

— Bonjour, Alonso, commença-t-elle d’un ton mal assuré.

Je suis venue voir Rafe.

— Suivez-moi. Il est sur la grille de départ.

Juste avant le signal de départ, les responsables de la course

et les VIP avaient coutume de venir saluer les pilotes sur la

piste. Monza revêtait pour Rafe un caractère emblématique. Ici,

il était chez lui et des milliers d’admirateurs venaient des

quatre coins du pays pour l’encourager et acclamer une victoire

qu’il se devait de remporter. L’ambiance était électrique.

Vêtu d’une combinaison blanche ornée des logos de ses

nombreux sponsors. Rare était appuyé contre sa voiture,

casquette vissée sur la tête. Il semblait en pleine forme, bronzé,

les yeux brillants tandis qu’il plaisantait avec les journalistes.

Un petit groupe de superbes créatures en Bikini l’entourait,

arborant toutes une écharpe ornée de la marque qu’elles

représentaient.

— O.K., Rafe, prends Cindy par la taille et toi, Cindy,

blottis-toi contre lui, chérie… Voilà, comme ça : pose une main

sur son torse… Superbe, on en fait encore une !

Un peu à l’écart du groupe se tenait le seul homme qu’Eden

aurait souhaité ne pas rencontrer ce jour-là. Fabrizzio Santini.

D’origine sicilienne, il était plus petit que son fils, mais il

possédait la même carrure et la même mâchoire volontaire.

— Hé, boss ! s’écria Alonso avec entrain.

Rafe tourna la tête et se raidit lorsqu’il aperçut la jeune

femme.

— La signorina Eden est de retour parmi nous.

— Vraiment ? murmura Rafe en croisant les bras sur son

torse tandis que son regard glissait sur elle avec une lenteur

Page 99: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

délibérée. Pour une surprise, c’est une surprise. Que me vaut

l’honneur de ta venue, Eden ?

Son attitude désinvolte ne suffisait pas à cacher la tension et

l’agressivité qui émanaient de lui : son regard noir était dur et

froid comme la pierre.

— J’avais besoin de te voir, répondit-elle simplement.

Tous les visages étaient tournés vers elle à présent

Rassemblés autour de Rafe, les mannequins se mirent à

glousser. Le soleil dardait implacablement ses rayons sur la

piste luisante, quadrillée par les responsables de la course. Elle

le pressentait, sa fierté ne sortirait pas indemne de cette scène

presque surréaliste.

— Tu m’as dit l’autre jour que tu donnerais cher pour me

voir ramper à tes pieds, reprit-elle bravement en ne regardant

que lui. Eh bien, me voilà.

Les ricanements redoublèrent Quelques journalistes la

prirent en photo, mais elle continua à les ignorer. Rafe se

dégagea sans ménagement de l’étreinte de Cindy et ordonna

d’un ton impatient :

— Ça suffit, les photos.

Puis il se détacha du groupe, fit quelques pas et

s’immobilisa brièvement pour lancer une œillade contrariée en

direction d’Eden.

— Tu viens avec moi, oui ou non ?

Tel un automate, elle lui emboîta le pas, sans même

remarquer le regard intrigué de Fabrizzio Santini.

Quelques minutes plus tard, Rafe refermait sur eux la porte

de sa caravane personnelle.

— A quel jeu joues-tu, Eden ? maugréa-t-il en prenant

appui contre la cloison. Il y a deux semaines, tu me rejetais en

clamant que tu ne voulais plus jamais avoir affaire à moi…

Peux-tu m’expliquer ce brusque revirement ?

— Tu me manques, avoua-t-elle d’un trait.

Rafe laissa échapper un petit rire incrédule. Puis,

s’emparant d’une bouteille d’eau minérale qu’il déboucha avec

adresse, il se mit à arpenter la caravane d’un pas nerveux.

— Pourquoi te croirais-je ?

Page 100: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Parce que c’est la vérité.

N’écoutant que son cœur, elle alla se poster juste devant lui.

— Je ne désire rien d’autre que ça, reprit-elle dans un

murmure avant de se hisser sur la pointe des pieds pour

réclamer ses lèvres avec une assurance qu’elle était loin de

ressentir.

Il sentait tellement bon… Une fois encore, le parfum épicé

de son eau de toilette la bouleversa. Durant ce qui lui parut

durer une éternité, Rafe ne manifesta aucune réaction : il resta

parfaitement immobile, les poings serrés le long de son corps,

les lèvres serrées. Feignant d’ignorer le désespoir qui montait

en elle, Eden se fit plus audacieuse. Du bout de la langue, elle

explora les contours de sa bouche. Avait-elle mal interprété les

signaux qu’il lui avait envoyés ? Il ne la désirait plus, c’était

évident, et dans quelques secondes, il la repousserait avec

mépris…

Mais à l’instant où elle s’apprêtait à reconnaître sa défaite,

il émit un gémissement sourd, l’enlaça d’un geste possessif et

la plaqua contre lui. Eden crut défaillir de soulagement : elle se

laissa aller dans ses bras et savoura sans retenue les caresses

exigeantes de sa langue.

Elle était faite pour cet homme et, malgré toutes ces années

de séparation, il était le seul qu’elle désirerait jamais.

— Cette fois, je ne tolérerai aucune dérobade, aucun

revirement de dernière minute, la prévint-il lorsqu’il releva la

tête, quelques instants plus tard. J’ai tellement envie de toi que

je pourrais te faire l’amour ici, tout de suite, juste avant ce

fichu Grand Prix…

Il se tut pour prendre une longue inspiration et Eden ne

résista pas à l’envie de caresser sa joue.

— Mais évidemment, le temps presse, comme d’habitude.

Nous n’avons jamais eu de temps pour nous.

— Nous allons y remédier, promit-elle, rassurée par la

ferveur de son ton. Je serai là après la course. Je t’attendrai.

Il marmonna quelques mots en italien puis captura de

nouveau ses lèvres tandis que ses mains couraient fébrilement

le long de son corps. Sans même qu’elle s’en aperçoive, il

Page 101: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

déboutonna sa veste et émit un gémissement de plaisir en

promenant une main sur sa poitrine, libre de tout carcan, à

peine protégée par la fine soie de son caraco.

— Cara mia, je te désire tellement que je suis au bord de

l’explosion, murmura-t-il d’une voix rauque.

Un long frisson parcourut Eden lorsqu’il saisit entre le

pouce et l’index son téton gonflé de désir.

— Je serai là, dit-elle dans un souffle contre ses lèvres.

Un coup discret frappé à la porte la fit sursauter. Etouffant

un juron, Rafe s’écarta.

— Qu’est-ce qui t’a décidée à venir ? demanda-t-il en

coiffant sa casquette.

— J’ai vu ce qui t’est arrivé au Grand Prix du Portugal.

Eden ferma brièvement les yeux, revivant en pensée les

terribles instants qui avaient suivi le drame, juste avant que

Rafe ne s’extirpe de la carcasse de sa voiture.

— J’en suis sorti indemne, cara… Juste quelques petits

bleus, rien de plus.

— Je sais. J’ai appelé Petra pour prendre de tes nouvelles.

Mais je n’aurais plus eu que mes yeux pour pleurer s’il t’était

arrivé quelque chose. Tu m’as proposé de repartir de zéro, de

tout recommencer…

Elle hésita un instant avant de reprendre dans un murmure :

— J’en ai très envie, moi aussi. J’en ai assez de vivre dans

le passé et de m’inquiéter pour l’avenir. J’ignore combien de

temps nous resterons ensemble, mais très franchement, c’est le

cadet de mes soucis. J’ai envie de toi maintenant, tout de suite.

A ces mots, Rafe esquissa le sourire insolent qu’elle aimait

tant.

— Je suis un peu occupé pour le moment, cara mia.

Pourras-tu patienter jusqu’à ce soir ?

La villa Mimosa était située à une demi-heure de route de

Milan, dans un petit village installé au bord du lac de Côme.

Sur le devant de la demeure, la chambre du maître de maison

offrait une vue spectaculaire sur les eaux miroitantes du lac,

Page 102: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

tandis que les pièces situées à l’arrière de la bâtisse donnaient

sur un magnifique jardin agrémenté d’une piscine.

Pourtant proche de la ville et de son activité bourdonnante,

la villa était un véritable havre de paix et, en la retrouvant,

Eden eut l’étrange impression de replonger dans le passé.

Un flot de souvenirs mitigés l’assaillit lorsqu’elle franchit

le seuil de la vaste chambre à coucher. Dans cette pièce, elle

avait connu le paradis et l’enfer… Au fil des douze mois

qu’elle avait passés avec Rafe, elle s’était familiarisée avec la

maison au point de s’y sentir un peu comme chez elle. Ils n’y

avaient pourtant vécu que peu de temps, juste quelques

semaines précieuses à la fin de la saison des courses, mais elle

avait pleinement savouré le bonheur de partager avec Rafe cet

endroit intime, tellement personnel.

La pièce n’avait pas changé. Elle retrouva même la

collection de grenouilles en pâte de verre que Rafe lui avait

offerte. Avec un pincement au cœur, elle s’empara de l’une

d’elles. C’étaient des bibelots sans valeur, un peu kitsch, mais

elle était tombée sous le charme dès qu’elle les avait aperçus

sur un marché aux puces espagnol, et Rafe lui avait fait un

plaisir immense en les lui offrant. Ces batraciens semblaient

totalement déplacés dans cette pièce au décor élégant et

pourtant, pour une raison qui lui échappait, Rafe les avait

laissés sur l’étagère où elle avait choisi de les installer. Pensait-

il à elle lorsqu’il les regardait ?

Avec un soupir, elle contempla son reflet dans le miroir de

la coiffeuse. Elle avait acheté ce négligé de soie noire dans un

seul et unique dessein : séduire Rafe. Et le résultat était à la

hauteur de ses espérances : la créature qui lui faisait face

respirait la sensualité… mais une angoisse indicible lui nouait

l’estomac.

Il était minuit passé lorsqu’ils avaient quitté la soirée

clôturant le Grand Prix de Monza. Vainqueur de la course,

Rafe avait été sollicité de toutes parts. Eden avait bien essayé

de fuir les feux de la rampe, mais à son grand étonnement Rafe

l’avait gardée à son côté toute la soirée, attisant encore

davantage la curiosité des journalistes.

Page 103: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Ils étaient seuls à présent. Comme s’il avait perçu la

nervosité qui l’habitait lorsqu’ils avaient franchi le seuil de la

villa, Rafe lui avait proposé d’aller prendre une douche et elle

avait accepté sans se faire prier, trop heureuse de souffler un

peu.

— As-tu trouvé tout ce qu’il te fallait dans la salle de

bains ? Elle fît volte-face, submergée par une nouvelle vague

de panique, et rencontra le regard de Rafe, indéchiffrable.

— Oui, merci.

Il se dirigea à pas lents vers la table où se tenait un seau à

Champagne et s’empara de la bouteille. S’efforçant de

maîtriser les battements désordonnés de son cœur, Eden se

perdit dans la contemplation de ses puissantes épaules.

L’échancrure de sa chemise blanche révélait un triangle de

peau mate. Etait-ce un effet de son imagination ou était-il

réellement plus séduisant qu’avant ? Son corps paraissait plus

délié, plus musclé aussi, et la détermination qu’elle lut dans ses

yeux la fît tressaillir. Le message était d’une clarté limpide : il

lui ferait l’amour ce soir-là, il était trop tard pour faire machine

arrière, et cette simple pensée l’emplit d’un mélange de

nervosité et d’excitation.

Rafe fit sauter le bouchon de la bouteille de Champagne, et

ce petit bruit sourd fit sursauter Eden comme une biche

apeurée. A la vérité, il se sentait tendu, lui aussi. Dio ! Elle

était belle à damner un saint, songea-t-il en lui tendant une

flûte. Il avait passé la journée à fantasmer sur son corps de

déesse : les rondeurs de sa poitrine et ses longues jambes au

galbe parfait qu’elle s’obstinait à cacher sous un pantalon.

Quant au négligé qu’elle avait revêtu au sortir de la douche, il

brûlait déjà de dénouer les rubans qui le fermaient…

Il avait l’intention de procéder lentement, désireux de

savourer chaque instant de la nuit qui s’offrait à eux. Mais le

désir le tenaillait et il dut faire un effort surhumain pour résister

à l’envie de lui arracher son déshabillé de soie pour lui faire

l’amour sur-le-champ.

Page 104: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Je crois qu’un toast s’impose, murmura-t-il, les yeux

rivés sur son visage expressif. A nous, Eden… aussi longtemps

que durera notre histoire.

Ses paroles firent à Eden l’effet d’une douche froide et elle

but d’abord une gorgée de Champagne avant de répéter dans un

souffle :

— Aussi longtemps qu’elle durera.

Elle n’eut pas le temps d’ajouter le moindre mot : Rafe

l’avait rejointe et sa bouche captura la sienne, avide et

possessive. Très vite, leurs langues se mêlèrent dans une danse

langoureuse. Rafe la plaqua contre lui comme pour mieux lui

faire sentir la force de son désir et elle se laissa emporter par la

vague de volupté qui la submergea.

Ivre de sensations, elle ferma les yeux lorsque Rafe déposa

un sillon de baisers brûlants dans le creux de ses seins. Les

rubans de son déshabillé cédèrent comme par enchantement, et

il prit sa poitrine frémissante dans ses mains.

— J’ai envie de toi tout de suite, cara, je ne peux plus

attendre.

Un délicieux vertige s’empara d’elle lorsqu’il la souleva

dans ses bras pour la poser sur le grand lit. Entre ses paupières

mi-closes, elle le vit ôter sa chemise avant de s’allonger sur

elle. Elle le désirait aussi, oui, elle le désirait avec une force qui

la laissait pantelante, qui effaçait tout autour d’eux, au point

qu’elle ne se rendit même pas compte que Rafe l’avait

débarrassée du négligé de soie qu’elle avait choisi avec tant de

soin. Voilé par le désir, son regard noir glissa le long de son

corps d’albâtre.

— Madré de Dio !

Eden ferma les yeux, brusquement rappelée à la réalité. La

voix de Rafe, empreinte de stupeur, était suffisamment

blessante, elle ne voulait pas voir le dégoût qui s’inscrivait sans

nul doute sur son visage.

— Je t’avais prévenu que mes cicatrices n’étaient pas belles

à voir…

Page 105: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Le silence se prolongea, plus éprouvant encore que les

mots. Mortifiée, elle ouvrit les yeux et affronta son regard

empreint de stupeur.

— Ne te sens pas obligé de… je veux dire, je comprendrais

parfaitement que tu n’aies plus envie de moi, articula-t-elle

d’une voix étranglée.

Le visage de Rafe s’assombrit.

— Pourquoi n’aurais-je plus envie de toi ?

Eden se tortilla nerveusement pour tenter de ramener le

négligé sur ses jambes.

— Crois-tu vraiment que ceci, reprit-il en suivant ses

cicatrices du bout des doigts, réussirait à éteindre mon désir

pour toi ?

— Le chirurgien m’a dit qu’elles s’estomperaient un peu

avec le temps, mais ma jambe est abîmée et tu… tu n’as jamais

caché ton attirance pour les jolies jambes, conclut-elle dans un

murmure.

— Pour tes jolies jambes, corrigea Rafe avec une

véhémence qui la surprit. Et elles sont toujours aussi belles à

mes yeux.

Il y eut un bref silence puis il reprit en fronçant les

sourcils :

— Est-ce pour cela que tu m’as repoussé l’autre soir, à

Londres ?

Eden hocha la tête.

— Je redoutais ta réaction. J’avais tellement peur de ne plus

être à ton goût…

Sous le regard éberlué de la jeune femme, Rafe s’agenouilla

à côté d’elle. Puis, il déposa une pluie de baisers sur sa cuisse.

— Arrête, je t’en prie, implora-t-elle en frémissant.

Il chercha son regard.

— Est-ce que je te fais mal ?

— Non… mais elles ne sont vraiment pas belles à voir.

— Elles font partie de toi désormais. Et je te désire, tout

entière. Si j’ai eu l’air choqué, c’est parce que je…

Rafe s’interrompit, cherchant ses mots.

Page 106: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Parce que j’ai eu mal pour toi, reprit-il. Je ne supporte

pas l’idée que tu aies pu souffrir, seule, à des milliers de

kilomètres d’ici. Je n’étais même pas là pour te porter

secours…

Sans attendre sa réaction, il se pencha de nouveau sur sa

jambe blessée. Cette fois, Eden réussit à se détendre tandis

qu’il l’embrassait avec une douceur infinie. Et lorsqu’il parvint

tout en haut de sa cuisse, à cet endroit tendre et si sensible, elle

retint son souffle, submergée par une nouvelle vague de désir.

— Tu resteras toujours la plus belle femme du monde à mes

yeux, cara, susurra-t-il en glissant ses doigts sous la fine

dentelle de sa culotte.

Un doux mélange de soulagement et de joie monta en elle,

balayant les derniers vestiges de ses inhibitions, et elle souleva

ses hanches pour se débarrasser au plus vite du triangle de

dentelle.

Rafe la contempla un long moment en silence. Laiteuse et

douce comme du satin, sa peau contrastait divinement avec la

soie noire des draps…

— C’est long, quatre ans, cara mia. As-tu connu beaucoup

d’hommes depuis moi ?

— Est-ce si important que ça ? fit Eden, troublée par la

vulnérabilité qui émanait de lui, tout à coup.

Il secoua la tête en soupirant.

— Non, ru as raison. Tu es dans mon lit aujourd’hui et c’est

tout ce qui compte.

Il se pencha vers elle et elle sourit contre ses lèvres.

— Tu es le seul homme de ma vie, Rafe, le seul que j’aie

jamais désiré.

— Le seul que tu connaîtras jamais, renchérit-il. Promets-

moi de rester avec moi, Eden, aussi longtemps que j’aurai

envie de toi.

Brûlantes et audacieuses, ses mains se mirent à courir sur le

corps d’Eden, survolèrent son ventre et allèrent se nicher entre

ses cuisses. Elle était prête à le recevoir. Glissant une main

sous ses fesses, Rafe la souleva légèrement et écarta ses

jambes. Puis il la pénétra lentement, désireux de savourer

Page 107: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

chaque instant de ce moment magique. Mais la vagué de plaisir

qui déferla sur lui presque instantanément le prit de court et il

s’immobilisa, sur le point d’exploser. Appuyant son front

couvert de sueur contre celui d’Eden, il murmura d’une voix

rauque :

— Je ne voudrais surtout pas te faire mal, cara.

Mais Eden ondula lascivement contre lui.

— Continue, je t’en prie…, murmura-t-elle.

Oubliant alors ses bonnes résolutions, Rafe s’enfonça en

elle avec plus de détermination.

Eden s’accrocha à ses épaules, submergée à son tour par un

flot de sensations grisantes. C’était tellement bon de le sentir

en elle – elle avait presque oublié à quel point c’était exquis…

Paupières closes, elle secoua la tête et s’arqua vers lui, appelant

de tout son corps la délivrance promise.

— Rafe ! cria-t-elle d’une voix entrecoupée lorsque le

premier spasme la traversa de part en part, bientôt suivi par

d’autres, toujours plus intenses, plus délicieux.

En la sentant se contracter autour de lui, Rafe émit un long

gémissement. En une fraction de seconde, il rejoignit Eden au

sommet de l’extase et ils tremblèrent ensemble, corps emmêlés,

lèvres soudées.

— Tu as promis de rester aussi longtemps que j’aurai envie

de toi, murmura-t-il un moment plus tard, alors que les frissons

cédaient peu à peu la place à une exquise langueur.

— Oui… c’est vrai.

Un sourire rêveur se dessina sur les lèvres de Rafe.

— Alors tu t’es engagée pour longtemps, très longtemps…

peut-être même pour la vie.

— Je resterai auprès de toi aussi longtemps si tu le

souhaites, chuchota-t-elle.

Le sourire de Rafe s’évanouit et son regard s’assombrit

lorsqu’il emprisonna ses lèvres dans un baiser fougueux.

Page 108: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

8.

Le jardin de la villa Mimosa comprenait une piscine

magnifique, Eden avait eu tout le loisir de l’admirer ces jours

passés. Le soleil avait brillé sans interruption, on n’aurait pu

rêver de plus bel été.

Ce matin-là, Sophia, la gouvernante, était affairée dans la

cuisine et Eden, confortablement installée au bord de la

piscine, s’efforçait de se plonger dans le livre qu’elle avait

choisi – un roman qu’elle désirait lire depuis déjà plusieurs

mois. Objectivement, elle avait tout pour être heureuse… Ou

presque, railla une petite voix qu’elle aurait préféré ignorer.

Car Rafe n’était pas là.

Il rentrait le soir, bien sûr. Et elle ne pouvait certainement

pas lui reprocher son manque d’ardeur lorsqu’ils se

retrouvaient tous les deux dans le grand lit, à la nuit tombée. Il

lui faisait l’amour avec une fougue inépuisable, comme s’il

souhaitait rattraper les quatre années qu’ils avaient vécues

chacun de leur côté.

Il la réveillait parfois aux premières lueurs de l’aube, d’une

manière tout à fait délicieuse : très délicatement, il promenait

ses lèvres chaudes sur son corps endormi. Encore gorgé de

plaisir, son épiderme se couvrait alors de mille frissons et elle

souriait dans un demi-sommeil, prête à l’accueillir en elle.

Mais lorsqu’elle se réveillait plus tard dans la matinée, le lit

était toujours vide.

Rafe avait un emploi du temps très chargé, elle le savait

bien. Entre les grands prix qui se succédaient à un rythme

régulier, il travaillait en collaboration étroite avec les

ingénieurs de l’écurie Santini afin d’améliorer les

Page 109: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

performances de sa voiture. Et il tenait également les rênes de

l’empire familial depuis les ennuis de santé de son père.

Eden était consciente de ses nombreuses responsabilités.

Pourtant, la petite voix moqueuse venait régulièrement la

narguer… Au fond, rien n’avait changé, prétendait-elle : leur

relation était purement sexuelle, Rafe ne lui portait aucun

sentiment véritable… Un soupçon d’affection, tout au plus.

Mais aucune trace d’amour.

En le voyant approcher à l’heure du déjeuner, Eden sentit

son cœur se serrer. Dans son pantalon et sa chemise en lin

clairs, avec ses lunettes de soleil et sa Rollex en or au poignet,

il avait tout du richissime séducteur qui croque la vie à pleines

dents.

— Buon giorno, cara, murmura-t-il en se penchant vers elle

pour la gratifier d’un long baiser. Qu’as-tu fait de beau ce

matin ?

— J’ai nagé, j’ai lu, j’ai nagé encore…, répondit-elle d’un

ton faussement léger. L’exercice et les bains de soleil font un

bien fou à ma jambe. J’ai l’impression que les cicatrices se sont

un peu estompées.

Rafe s’installa au bout de sa chaise longue et promena

délicatement ses doigts sur sa jambe meurtrie.

— Tant mieux. Mais je te l’ai déjà dit, si ces cicatrices te

posent un problème, je peux t’obtenir un rendez-vous avec le

meilleur chirurgien esthétique du pays.

— C’est ce que tu veux ? demanda-t-elle.

Il ôta ses lunettes de soleil et chercha son regard.

— Franchement… non. Ces cicatrices font partie de toi,

elles témoignent de ton audace, de ton courage admirable. A

mes yeux, tu es parfaite, cara, conclut-il avec une ferveur

touchante.

A travers ses larmes, elle le regarda embrasser délicatement

ses cuisses. Puis ses lèvres remontèrent vers son ventre. Elle

retint son souffle lorsqu’il plongea sa langue dans le creux de

son nombril. Ses caresses se firent plus gourmandes, plus

érotiques et elle s’agita nerveusement quand il entreprit de

Page 110: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

dénouer les liens de son haut de maillot de bain. L’instant

d’après, ses seins apparurent, gonflés de désir.

— Sophia a l’intention de servir le repas sur la terrasse,

murmura-t-elle d’un ton distrait tandis qu’il posait ses longs

doigts mats sur sa peau nacrée.

— Je lui ai dit d’attendre un peu, répliqua-t-il d’une voix

sourde, teintée d’amusement.

— Mais j’ai faim, moi, protesta-t-elle en esquissant un petit

sourire provocant. Pas toi ?

— Je suis affamé, cara…

Il pressa ses seins l’un contre l’autre puis, inclinant

légèrement son visage, dessina du bout de la langue de grands

cercles autour de chaque aréole.

— J’ai faim de toi, Eden.

Consumée par le désir, elle se pressa contre lui.

— Oui Rafe… ne me fais pas attendre.

Chauds et audacieux, ses doigts coururent sur ses hanches

puis trouvèrent le cœur brûlant de sa féminité à travers la fine

étoffe de son maillot de bain. Ce fut un simple effleurement,

mais déjà une onde électrique la parcourut : elle avait tellement

envie de le sentir en elle ! Mais il restait là à l’observer, le

regard voilé par le désir, un demi-sourire aux lèvres.

— Soulève tes hanches, ordonna-t-il soudain d’une voix

rauque.

Elle obéit sans se faire prier. Avec une lenteur calculée,

Rafe fit glisser son Bikini le long de ses jambes qu’il écarta

sans ménagement. Alors seulement il se leva et entreprit de se

déshabiller, sans se presser, le regard rivé au sien. Eden se

mordit la lèvre… cette attente relevait de la torture. Une torture

tout à fait exquise… Au bout le ce qui lui parut durer une

éternité, il s’allongea sur elle et la pénétra d’un mouvement à la

fois fluide et déterminé. Et lorsqu’il fit mine de la délaisser,

elle cria son prénom et planta ses ongles dans ses épaules,

habitée d’un désir primitif, l’obligeant à revenir en elle, encore

et encore.

Incapable de contrôler le plaisir qui montait en elle, elle

rejeta la tête en arrière et fixa le ciel d’un air béat. Les vagues

Page 111: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

se succédèrent le ciel lui sembla encore plus bleu, plus limpide.

Dans un ultime frisson, elle se contracta autour de lui et cria de

nouveau son prénom, au bord du vertige. L’espace d’un instant,

Rafe s’immobilisa au-dessus d’elle, le front moite, comme il

faisait un effort visible pour repousser les limites du plaisir.

Mais à peine eut-elle recouvré ses esprits qu’il revint à l’assaut,

plus rapide, plus fougueux. Enfin, il goûta l’extase à son tour et

l’entraîna encore avec lui dans un tourbillon de volupté.

La sonnerie de son téléphone portable brisa le doux silence

qui s’était installé entre eux alors qu’ils reprenaient leur

souffle, tendrement enlacés. Rafe l’ignora quelques instants et

Eden s’en réjouissait lorsque, étouffant un juron, il se redressa

et saisit l’appareil.

— Papa.

S’ensuivit une longue tirade dans sa langue maternelle.

Eden réprima à grand-peine un soupir impatient. Fabrizzio

sollicitait l’attention de son fils à toute heure du jour et de la

nuit, sans se soucier le moins du monde de son emploi du

temps.

Elle se leva, enfila un peignoir et se dirigea vers la maison

baignée d’une agréable fraîcheur. Une douche, un repas sur le

pouce et un après-midi consacré à… oh, elle trouverait bien

quelque chose à faire. A la demande de son père, Rafe

s’empresserait certainement de passer au siège de l’entreprise

Santini.

Rafe l’attendait dans la chambre à coucher quand elle

émergea de la salle de bains, les cheveux enveloppés dans une

serviette de toilette.

— Je suis désolé. Mon père…

— Tu n’as pas à te justifier. Je sais qu’il est souffrant et que

tu es toi-même très occupé.

— Pas tant que ça, d’habitude, murmura Rafe.

Sourcils froncés, il se tourna vers la fenêtre. Pour la

première fois de sa vie, l’exigence de son père le contrariait. En

fait, tout ce qui l’éloignait d’Eden l’agaçait, et même les heures

Page 112: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

qu’il consacrait aux essais entre les grands prix lui

apparaissaient désormais comme une corvée. Les accusations

qu’Eden avait portées contre son père résonnaient de temps en

temps dans sa tête. D’après elle, Fabrizzio s’était montré

insultant et lui vouait un profond mépris… Au début, ses

insinuations l’avaient révolté, il en convenait. L’idée que son

père ait cherché à détruire leur couple avec l’aide de son frère

Gianni lui semblait tout à fait inconcevable. Elle s’était

trompée, avait-il fini par se convaincre. Jeune et timide, elle

avait probablement mal interprété les propos de Fabrizzio, elle

avait imaginé son antipathie. Après tout, son père ne lui avait

jamais manqué de respect… Certes, il ne l’avait pas accueillie

à bras ouverts et n’avait jamais caché son souhait de voir son

fils aîné épouser une Italienne pure souche… telle Valentina de

Domenici, par exemple. De là à se montrer insultant…

— J’ai quelques jours de répit avant le Grand Prix

d’Indianapolis, déclara-t-il en la regardant s’habiller. Nous

pourrions en profiter pour faire un tour à Venise, qu’en penses-

tu ?

— Ce serait merveilleux, mais… tu n’as rien prévu, c’est

sûr ? Ton père…

— Il peut très bien se débrouiller sans moi quelques jours.

Il y a quatre ans, j’ai commis l’erreur de ne pas passer

suffisamment de temps avec toi. Je ne ferai pas deux fois la

même bêtise. Cela dit, ajouta-t-il avec un petit sourire penaud,

je vais devoir m’absenter cet après-midi

— J’ai un bon bouquin, ne t’inquiète pas, répliqua Eden,

tout excitée à l’idée de passer des journées et des nuits entières

seule avec Rafe.

— Pourquoi n’en profites-tu pas pour sortir un peu ? Va

faire les boutiques… Milan est réputée dans le monde entier

pour ses enseignes luxueuses. A ma connaissance, les femmes

adorent courir les magasins, je me trompe ?

Un sourire mutin éclaira le visage d’Eden.

— N’as-tu pas dit que tu m’aimais parce que je n’étais pas

comme les autres ? Ton argent ne m’intéresse pas, Rafe,

ajouta-t-elle plus sérieusement en s’approchant de lui.

Page 113: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Elle noua les mains sur sa nuque.

— C’est toi et toi seul qui m’intéresses.

Venise méritait bien sa réputation : c’était la ville la plus

romantique du monde, cela ne faisait aucun doute, songea Eden

en s’étirant entre les draps froissés du grand lit à baldaquin.

Rafe l’avait entraînée dans une folle exploration de la ville

sillonnée d’un incroyable labyrinthe de canaux. Aux journées

riches en découvertes culturelles succédaient des nuits

voluptueuses et passionnées. A cette pensée, un sourire béat

joua sur ses lèvres. Elle roula sur le côté, tendit la main. Son

sourire s’évanouit. Rafe n’était plus là.

Une légère brise souleva le rideau et elle l’aperçut, assis sur

le balcon où ils prenaient chaque matin leur petit déjeuner.

— Tu es très matinal, aujourd’hui, murmura-t-elle en le

rejoignant.

Elle glissa les mains sur ses épaules. Rafe en saisit une qu’il

porta à ses lèvres. Le silence se prolongea quelques instants

avant qu’il prenne la parole d’une voix empreinte de gravité.

— Je réfléchissais. Oui, je pensais à toi et à Gianni, à tout

ce qui s’était passé.

Eden se raidit.

— Je croyais que nous avions décidé de vivre dans le

présent… Quoiqu’il en soit, il n’y a jamais rien eu entre Gianni

et moi. Je n’étais pas en train de l’embrasser le fameux soir où

tu nous as surpris près de la piscine, je n’ai…

— Je te crois, cara, coupa Rafe. J’aurais dû savoir que tu

n’étais pas du genre à mentir. Tu es la personne la plus

transparente que j’aie jamais rencontrée. Tu serais bien

incapable de faire des cachotteries, ton esprit est limpide.

A ces mots, Eden rougit violemment. Lisait-il vraiment en

elle comme dans un livre ouvert ? Car il y avait bien une chose

qu’elle désirait lui cacher et cette chose-là, c’était l’amour

profond qu’elle lui portait depuis toujours.

— Pardonne-moi, reprit Rafe en se levant.

Il la prit dans ses bras et caressa doucement ses cheveux.

Page 114: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Je ne sais pas pourquoi Gianni voulait nous séparer…

J’imagine qu’il était fou amoureux de toi, que ses sentiments

étaient si forts qu’il était prêt à sacrifier le lien qui nous unissait

tous les deux pour vivre pleinement sa passion.

Il marqua une pause. Légères comme des ailes de papillon,

ses lèvres voletèrent sur le front d’Eden puis le long de sa joue

avant de s’immobiliser tout près de sa bouche.

— Nous avons perdu quatre ans. A cause de lui, je me suis

séparé de ce que j’avais de plus cher au monde : toi. J’ai refusé

de t’écouter, j’ai préféré lui faire confiance… Malgré cela, je

ne peux pas lui en vouloir. Madré de Dio, Eden, malgré tout le

mal qu’il nous a fait, j’aimerais qu’il soit encore parmi nous…

Il me manque terriblement.

— Je sais, articula Eden en le serrant contre elle. Tu sais, je

n’éprouve aucune haine envers Gianni et je trouve parfaitement

normal qu’il reste présent dans ton cœur. C’était ton frère, vous

étiez très proches l’un de l’autre.

Rafe hocha la tête. Une expression tourmentée voilait son

beau visage.

— C’est vrai, mais… pourquoi a-t-il détruit ce qui faisait

mon bonheur… Pourquoi a-t-il tout fait pour m’éloigner de

toi ? Il savait pourtant à quel point tu comptais pour moi…

Eden resserra son étreinte, bouleversée par l’émotion qui

perçait dans la voix de Rafe.

— N’y pense plus, c’est fini maintenant, murmura-t-elle

contre son cou. Nous nous sommes retrouvés, n’est-ce pas ?

Gianni nous a quittés en emportant ses secrets : laissons-le

reposer en paix.

Rafe chercha ses lèvres. Son baiser était empreint d’une

grande tendresse, d’une douceur infinie. Dans un soupir, Eden

s’accrocha à ses larges épaules, tandis qu’il la soulevait pour la

porter jusqu’à la chambre à coucher.

— Je trouve excellente ton idée de se concentrer sur le

présent plutôt que sur le passé, déclara-t-il d’un ton espiègle en

la déposant sur le lit défait.

Page 115: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Rafe lui annonça la nouvelle pendant le trajet du retour,

alors que son jet privé commençait sa descente sur l’aéroport

de Milan. Il avait passé les trois quarts du vol au téléphone et,

bien qu’elle ne comprît pas grand-chose à la conversation,

Eden avait perçu son mécontentement au ton de sa voix. La

parenthèse idyllique qu’ils venaient de vivre était terminée : la

réalité frappait déjà à la porte.

— J’organise un dîner à la villa ce soir. Ce sera un repas

sans prétention pour quelques-uns de mes associés.

Eden le dévisagea avec étonnement.

— Quelques-uns ? Puis-je savoir combien, au juste ?

Il haussa les épaules.

— Une vingtaine. Ne t’inquiète pas, cara, Sophia s’occupe

de tout. Si tu tiens vraiment à lui faciliter la tâche, ne t’aventure

pas dans la cuisine, c’est tout ajouta-t-il avec humour.

— Merci, c’est gentil, maugréa Eden, piquée au vif. Tu

aurais pu me prévenir, tout de même.

Rafe soupira.

— Je n’étais pas au courant moi-même. Mon père me l’a

annoncé tout à l’heure au téléphone : il a lancé les invitations

sans me demander mon avis.

C’était encore un coup de Fabrizzio, évidemment…

— Est-il coutumier du fait ? Je veux dire, es-tu vraiment

obligé de te tenir ainsi à sa disposition ? demanda Eden un

moment plus tard, alors qu’ils roulaient en direction de la villa

Mimosa.

A la vérité, c’était la première fois que son père, prenait ce

genre d’initiative, pensa Rafe, qui se tourna vers la vitre de la

limousine.

— Mon père ne s’est pas encore remis de son accident

cardiaque… Il n’est plus tout jeune, tu sais, répondit-il

sèchement, et il souhaite m’impliquer davantage dans les

affaires courantes de l’entreprise. Ma carrière de pilote prendra

forcément fin un jour et, maintenant que Gianni n’est plus là, je

suis son seul héritier.

Page 116: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Son téléphone sonna de nouveau, réclamant son attention

pendant le reste du trajet. Lorsqu’ils parvinrent à destination,

Rafe gratifia Eden d’un regard absent.

— Tu n’as aucun souci à te faire au sujet du dîner, cara.

Sophia a déjà tout organisé. Tu n’as qu’à profiter de la piscine

jusqu’à l’arrivée des invités, ça te va ?

— Non, justement, ça ne me va pas ! J’ai l’impression que

tu m’écartes délibérément de ta vie dès qu’il y a un peu de

monde autour de nous. J’aurais préféré que tu me demandes de

l’aide au lieu de m’envoyer à la piscine, comme si je ne savais

rien faire d’autre que lézarder au soleil !

Visiblement surpris par cet accès de colère, Rafe voulut

répliquer, mais son téléphone sonna au même instant Eden en

profita pour s’éloigner.

Eden nagea une bonne vingtaine de minutes avant de

recouvrer un semblant de calme. Puis, sans s’en apercevoir,

elle s’endormit sur sa chaise longue et se réveilla en sursaut. Il

était déjà 18 heures ! Les invités de Rafe arrivaient à 19 heures,

elle n’avait pas intérêt à traîner davantage… Elle gravit à la

hâte les quelques marches qui menaient à la villa. Après une

bonne douche, elle choisirait sa tenue avec un soin tout

particulier, bien décidée à être au mieux de sa forme ce soir-là.

En traversant le hall d’entrée, elle se rappela qu’elle avait

laissé son sac dans le salon et fit volte-face pour aller le

récupérer. A peine le seuil franchi, elle s’arrêta net tandis que

quatre visages étonnés se tournaient vers elle.

— Je… je suis désolée, bredouilla-t-elle, les joues en feu,

en s’efforçant désespérément de rabattre son paréo sur son

Bikini microscopique.

Rafe bondit sur ses pieds. Derrière lui, Fabrizzio et deux

autres hommes la contemplaient d’un air faussement

impassible.

— Eden, je croyais que tu étais en train de te préparer.

Page 117: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Pas encore, comme tu peux le constater, répliqua-t-elle

avec un petit sourire contrit. J’ai dû m’endormir au bord de la

piscine.

Fabrizzio Santini s’adossa à son fauteuil et la détailla des

pieds à la tête avec une lenteur insolente.

— Buona sera, Eden. Rafael m’a dit que vous séjourniez ici

quelque temps.

Il marqua une courte pause avant de reprendre dans un

murmure :

— J’espère que l’accident dont vous avez été victime ne

sera bientôt plus qu’un mauvais souvenir. Vos cicatrices sont

encore terriblement visibles.

La sollicitude qui perçait dans sa voix masquait mal son

hostilité. Eden tenta de dissimuler sa jambe blessée derrière

l’autre mais elle perdit l’équilibre et serait tombée si Rafe ne

l’avait pas rattrapée d’une main ferme.

« Un point pour vous, Fabrizzio », songea-t-elle

amèrement, indifférente au sourire faussement compatissant

que ce dernier lui adressa.

— Je file me préparer, murmura-t-elle à l’adresse de Rafe.

Sans attendre de réponse, elle s’éclipsa. Pourquoi n’avait-il

pas réagi à l’attaque mesquine de son père ? Pourquoi n’avait-il

pas pris sa défense ? Elle fulminait encore en sortant de la

douche, un quart d’heure plus tard. Où était passée la tendre

complicité qu’ils avaient partagée à Venise ?

Sa colère s’était un peu apaisée lorsqu’elle descendit

l’escalier un moment plus tard. Rafe l’attendait au pied des

marches et elle frémit en croisant son regard admiratif. Ainsi,

elle ne s’était pas trompée en choisissant sa tenue : une longue

robe blanche retenue par de fines bretelles qui dévoilait ses

épaules dorées et mettait divinement en valeur le reste de sa

silhouette élancée…

A sa grande surprise, le dîner ne fut pas l’épreuve qu’elle

avait redoutée. Rafe se fit un devoir de la présenter à chacun de

ses associés et à leurs épouses, et sa voix teintée de fierté l’aida

à se détendre.

Page 118: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Même Fabrizzio se montra étonnamment courtois à son

égard. Il demanda à tous les convives de parler anglais plutôt

qu’italien, par respect pour Eden – une attention que Rafe

apprécia tout particulièrement. A l’évidence, pensa-t-il, la

jeune femme s’était trompée et avait mal interprété l’attitude

du vieil homme, quatre ans plus tôt. Mais entre-temps, elle

avait mûri et acquis une assurance qui l’aiderait à mieux

comprendre ce patriarche au caractère bien trempé.

Fabrizzio et Gianni n’avaient fomenté aucun plan secret

dans l’espoir de la chasser de sa vie. Gianni avait menti, c’était

un fait qu’il devrait accepter sans jamais savoir pourquoi… A

sa décharge, son frère cadet avait essayé de faire amende

honorable – Rafe se souvenait encore d’une conversation qu’ils

avaient eue quelques mois avant que Gianni ne mette fin à ses

jours. « Eden a toujours été celle que tu croyais »… Les

paroles de Gianni résonnaient encore dans sa tête : c’était

presque un aveu de la part de son frère et, à

l’époque déjà, cette petite phrase sibylline n’avait fait que

renforcer son désir de retrouver la jeune femme, ne fût-ce que

pour enterrer une bonne fois pour toutes le passé et son lot de

rancœurs et de malentendus.

Il était presque minuit lorsque les derniers invités prirent

congé.

Eden regagna le salon, retira ses escarpins et se laissa

tomber sur le canapé avec un long soupir. Contre toute attente,

elle avait passé une excellente soirée. Un léger mouvement

attira son attention sur la terrasse et elle esquissa un sourire.

— Rafe, puis-je savoir ce que tu fabriques dehors ?

— Rafael est au téléphone, dans son bureau, répondit

Fabrizzio Santini en pénétrant dans la pièce.

Le sourire d’Eden disparut dès qu’elle lut le profond mépris

dans le regard du vieil homme.

— Je vois…

Fabrizzio laissa échapper un rire cynique.

— J’en doute, justement. Dites-moi, Eden, combien de

temps avez-vous l’intention de rester dans le lit de mon fils,

cette fois-ci ?

Page 119: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Laissez-moi tranquille, ordonna-t-elle en se levant pour

quitter la pièce. J’ignore ce que vous avez contre moi, mais par

respect pour Rafe, vous devriez taire votre ressentiment et

ravaler vos insultes.

La tête haute, elle passa à côté de lui, mais il la retint par le

poignet, si fermement qu’elle grimaça de douleur.

— Je n’ai pas l’intention de regarder mon fils se ridiculiser

pour une petite moins-que-rien, lâcha-t-il d’une voix dure. Je

croyais pourtant m’être définitivement débarrassé de vous il y a

quatre ans. Puisque cela n’a pas suffi, autant vous le dire

clairement : Rafael ne vous demandera jamais en mariage.

Eden réprima à grand-peine un rire sans joie. Ainsi, c’était

là sa plus grande angoisse : que son fils l’épouse ! S’il

connaissait la véritable nature de leur relation, il ne se ferait

aucun souci à ce sujet ! Il fallait à tout prix qu’elle le rassure,

qu’elle le persuade qu’il n’avait absolument rien à craindre

d’elle. Si elle prétendait n’avoir aucune envie de se marier,

peut-être la laisserait-il enfin tranquille… Peut-être pourraient-

ils enfin vivre leur histoire sereinement, jusqu’à ce que Rafe

décide de tourner la page…

— Si vous voulez tout savoir, je n’ai aucune intention

d’épouser votre fils, déclara-t-elle avec un aplomb qui lui valut

un regard stupéfait.

— Excusez-moi, j’ai du mal à croire que la fortune des

Santini vous laisse indifférente.

Eden haussa les épaules.

— Le prix est trop élevé à mes yeux. Je n’ai pas envie de

passer ma vie dans une vitrine, si luxueuse soit-elle, traquée par

des paparazzis. Personnellement, je me contenterais d’une jolie

maison en pleine campagne anglaise, entourée de quelques

hectares de terrain que je pourrais revendre en cas de besoin.

Fabrizzio la dévisageait de son regard perçant, comme pour

lire ses pensées. Eden frissonna légèrement mais ne cilla pas.

— Et vous espérez que Rafe vous offrira tout ça ?

— J’y travaille, en tout cas.

Page 120: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Je devrais peut-être prévenir mon fils que sa jolie rose

anglaise n’est qu’une manipulatrice vénale, prête atout pour

parvenir à ses fins, qu’en pensez-vous ?

A ces mots prononcés d’un ton lourd de mépris, Eden fut

prise de nausée. Mais elle releva la tête et se força à affronter

son regard.

— Vous n’avez absolument rien à craindre de moi, signor

Santini. La relation que j’entretiens avec votre fils est purement

sexuelle. Pour parler crûment, Rafe assouvit ses désirs et je

reçois des cadeaux en retour. Cela fait bien longtemps que je ne

crois plus à l’amour romantique… Quatre ans, pour être

précise.

— Si je comprends bien, il s’agit pour vous deux d’une

liaison sans importance, c’est ça ? insista Fabrizzio sans cesser

de la scruter. Pardonnez-moi, mais j’ai du mal à vous croire.

Vous étiez folle amoureuse de mon fils il y a quatre ans. Puis-

je savoir ce qui a changé depuis ?

— Moi, signor. J’ai grandi.

Après ce dernier mensonge, Eden battit en retraite avant

que les larmes ne coulent sur ses joues.

Eden ne parvenait pas à oublier les paroles de Fabrizzio,

son ton méprisant, son regard implacable. Qu’avait-elle fait

pour qu’il la déteste à ce point ?

Rafe ne l’avait toujours pas rejointe lorsqu’elle alla se

coucher. Sans doute profitait-il de ces derniers jours de répit

pour régler quelques affaires urgentes avant de s’envoler pour

Indianapolis où devait se dérouler le premier grand prix de la

saison. Comme elle aurait aimé qu’il fût là, auprès d’elle ! Elle

avait besoin de sa force et de sa chaleur, de ses caresses

passionnées qui lui réchaufferaient le cœur.

Vaincue par la fatigue, elle finit par s’endormir. Seule. Les

premières lueurs de l’aube irisaient l’horizon lorsque Rafe

pénétra sans bruit dans la pièce.

Page 121: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Posté au pied du lit, il contempla la silhouette endormie

d’Eden. Un mélange de tristesse et d’amertume assombrissait

son visage.

Page 122: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

9.

Une chaleur implacable régnait sur Indianapolis au mois

d’août. La voiture de Rafe n’était pas au maximum de ses

performances : il ne réussit pas à se placer en pôle position sur

la grille de départ. Lors de la course, dans un ultime effort pour

prendre la tête, il poussa le moteur à fond de ses capacités.

Pendant quelques minutes de pure terreur, Eden contempla,

impuissante, les flammes qui rougeoyaient à l’arrière du bolide.

Ce dernier s’immobilisa enfin et ce fut avec un soulagement

indicible qu’elle vit Rafe s’extirper de la carcasse en feu puis

s’éloigner de la piste.

— Tu as eu de la chance de ne pas partir en fumée avec ta

voiture, lui fit-elle remarquer après qu’ils eurent regagné leur

hôtel, quelques heures plus tard.

La chaleur accablante la rendait irritable.

— Les pilotes de Formule 1 ne brûlent plus dans leur

voiture, rétorqua-t-il en se dirigeant vers la salle de bains. Les

mesures de sécurité sont très strictes dans ce domaine.

— Arrête tes bêtises.

Elle lui emboîta le pas, bien décidée à capter son attention.

— Imagine un peu ce que je ressens, moi, quand ! je vois ta

voiture partir en fumée tout en sachant que tu es au volant !

Cela dit, je me demande bien pourquoi je m’inquiète tant pour

toi…

Elle se tut, hypnotisée malgré elle par la beauté de son

corps nu et cuivré, puissamment musclé. Une étincelle amusée

brilla dans le regard de Rafe lorsqu’il se tourna vers elle, les

poings plantés sur les hanches. Il savait exactement ce qu’elle

pensait.

Page 123: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Tu t’inquiètes pour moi, cara, vraiment ? Excuse-moi, je

n’avais pas remarqué.

De nouveau, ce mélange d’ironie et de dédain dans sa

voix… Depuis quelques jours, pour une raison qui lui

échappait, il ne lui parlait plus que sur ce ton. Sans attendre sa

réaction, il disparut dans la cabine de douche. Eden soupira, en

proie à une frustration grandissante.

— Tu es d’une humeur massacrante parce que tu n’as pas

remporté le Grand Prix, je sais. Mais je te sens distant depuis

que nous avons quitté l’Italie, ajouta-t-elle en haussant la voix

pour se faire entendre. Depuis le dîner que tu as donné

quelques jours avant notre départ, en fait… Qu’ai-je fait ce

soir-là qui t’a déplu sans que je m’en aperçoive ? As-tu eu

honte de moi, Rafe ?

Le ruissellement de la douche se tut. L’instant d’après, Rafe

fit son apparition et Eden retint son souffle, submergée par une

nouvelle vague de désir. Mais son expression contrariée la

ramena vite à la réalité.

— Bien sûr que non, je n’ai pas honte de toi, répondit-il

d’un ton sec en attrapant une serviette de bain. Comment peux-

tu penser une chose pareille ?

Eden haussa les épaules.

— Je ne sais pas… Peut-être parce que je ne m’habille pas

chez les grands couturiers et que je ne porte pas de bijoux,

contrairement aux épouses de tes associés.

— C’est ton choix et je le respecte. Après tout, c’est toi qui

as refusé de porter les boucles d’oreilles que je t’avais offertes.

J’ai également mis à ta disposition plusieurs cartes de crédit

pour que tu puisses t’acheter des vêtements, mais tu ne les as

toujours pas utilisées.

— Je sais. Je peux très bien subvenir à mes moyens toute

seule. Je t’ai déjà dit que ton argent ne m’intéressait pas, me

semble-t-il.

— C’est vrai, murmura-t-il d’un ton mielleux qui la fit

tressaillir. Ton côté économe est tout à fait admirable, cara. A

tel point qu’il m’arrive de me demander ce que tu espères tirer

de notre liaison… à part le plaisir physique, bien sûr.

Page 124: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Tu es odieux.

Elle l’avait suivi dans la chambre à coucher, mais elle

s’immobilisa brusquement, blessée par la cruauté de ses

propos. Il avait voulu lui faire mal, cela ne faisait aucun doute.

A cette pensée, une boule d’angoisse lui noua la gorge. S’était-

il lassé d’elle… déjà ? Etait-il en train de préparer la fin de leur

histoire ? Il ne lui avait pas fait l’amour depuis leur retour de

Venise…

— Y a-t-il quelqu’un d’autre ? demanda-t-elle, soudain

tenaillée par un doute affreux.

— Madré de Dio, quand trouverais-je le temps de voir une

autre femme ? Tu sembles oublier que tu as un appétit

insatiable, cara, murmura-t-il d’une voix suave qui la fit rougir

jusqu’aux oreilles. Tes ardeurs sont flatteuses, je l’avoue, mais

je te soupçonne parfois d’être poussée par des motivations bien

plus inavouables. Es-tu sûre de ne rien me cacher, Eden ?

Elle secoua la tête, perplexe.

— Excuse-moi, Rafe, je ne vois pas du tout où tu veux en

venir.

Il traversa la pièce d’un pas lent et vint se planter devant

elle, viril en diable avec sa serviette de bain nouée autour dies

hanches.

— Cela te reviendra forcément, murmura-t-il. En attendant,

je ne vois aucune objection à ce que tu assouvisses tes plus bas

instincts.

Cette étrange conversation rappelait vaguement quelque

chose à Eden, comme si son ton narquois véhiculait un

message codé qu’elle ne pouvait déchiffrer.

— Ce n’est pas très gentil de dire ça, balbutia-t-elle,

hypnotisée malgré elle par son regard ardent.

Son sourire provocant la fit frissonner.

— Je ne suis pas d’humeur gentille en ce moment, cara.

Avant qu’elle ait le temps de réagir, il enfouit une main

dans ses cheveux et la plaqua contre lui. Des gouttes d’eau

glissaient encore sur son torse et une bouffée de chaleur mêlée

à l’odeur épicée de son gel douche assaillit la jeune femme qui

s’accrocha à ses épaules, oubliant instantanément la colère et

Page 125: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

l’incompréhension qui l’habitaient encore quelques secondes

plus tôt.

— Occupons-nous de nos plus bas instincts, cara, tu veux ?

souffla-t-il dans son cou et elle ne put qu’acquiescer d’un petit

signe de tête, esclave de son désir.

Rafe la renversa sur le lit, la déshabilla prestement, dénoua

la serviette qui lui ceignait les hanches et, sans autre

préliminaire, la pénétra d’un puissant coup de reins.

Que lui arrivait-il ? se demanda-t-il soudain, honteux de

cette brutalité presque animale qui le possédait. Il était furieux

contre Eden, certes, mais tout de même… Il voulut se retirer,

mais elle le retint en nouant ses longues jambes autour de lui.

— Je t’en prie, Rafe, continue… fais-moi l’amour…

Un gémissement s’échappa de ses lèvres et il se glissa de

nouveau en elle en capturant sa bouche pour un baiser brûlant.

Le plaisir les emporta au même moment et ils crièrent à

l’unisson, parcourus de longs frissons. Mais quelques instants

plus tard, alors qu’Eden reprenait tout juste son souffle, Rafe se

leva. Sans mot dire, il se dirigea vers la salle de bains et claqua

la porte derrière lui. Alors, Eden enfouit son visage dans

l’oreiller et donna libre cours au chagrin qui lui serrait le cœur.

Dans l’avion qui les ramenait en Italie avec le reste de

l’écurie Santini, Rafe ne lui adressa pas le moindre mot,

préférant s’absorber dans une conversation animée avec le chef

mécanicien. Contre toute attente, Eden se réjouit de son

indifférence. Ils n’avaient plus rien à se dire tous les deux – à

part au revoir, bien sûr. Sans le formuler clairement, Rafe lui

avait fait comprendre que leur histoire touchait à sa fin.

L’avion venait d’entamer sa descente lorsqu’il la rejoignit.

Elle se raidit instinctivement Hélas, la chaleur de son corps, le

parfum subtilement poivré qu’il dégageait éveillèrent en elle un

flot d’exquises sensations.

— Comment vas-tu ? demanda-t-il d’une voix légèrement

rauque. Je me suis conduit comme un mufle hier soir et je…

Page 126: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Il s’interrompit se passa nerveusement la main dans les

cheveux. S’il n’avait pas été si sûr de lui, elle aurait juré qu’il

se sentait mal à l’aise.

— J’aimerais m’excuser.

— N’en fais pas trop, je t’en prie. Je ne sais que trop bien

combien il t’est difficile d’admettre que tu as eu tort.

— Moi, j’ai eu tort ? répéta-t-il d’un ton incrédule et

comme les têtes se tournaient vers eux, il enchaîna en baissant

la voix : il faut que nous parlions, Eden.

Un petit rire amer échappa à la jeune femme.

— C’est trop tard, Rafe. J’ignore ce que j’ai fait pour

mériter ta froideur, mais ne compte pas sur moi pour jouer aux

devinettes. Tu n’as pas voulu me dire ce qui te contrariait et

j’avoue qu’après ce qui s’est passé hier soir je m’en moque

compléteraient.

Rafe serra les dents et une expression tourmentée assombrit

son visage. Eden s’empressa de détourner le regard, refoulant à

grand-peine la compassion qui gonflait son cœur. Non, elle ne

tomberait pas deux fois dans le même piège !

Dans le hall de l’aéroport, une horde de journalistes les

attendaient et les flashes crépitèrent frénétiquement dès qu’ils

firent leur apparition. Rafe était habitué à ce genre d’accueil

lorsqu’il rentrait dans son pays natal où il faisait figure de

héros national.

Ce jour-là, pourtant, l’intérêt des paparazzis semblait

davantage concentré sur Eden.

D’un ton sec, Rafe lança des ordres à ses gardes du corps.

Puis, glissant un bras sur les épaules de la jeune femme, il serra

celle-ci contre lui et l’entraîna vers la sortie d’un pas pressé.

Guère intimidés, les photographes les escortèrent jusqu’aux

grandes portes vitrées, semblables à une meute de hyènes

affamées. Leurs méthodes lui déplaisaient profondément,

songea Eden, tandis qu’une main anonyme lui tendait un

journal à sensation. En baissant les yeux sur la première page,

elle crut défaillir. Une photo d’elle en Bikini, prise alors qu’elle

Page 127: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

se prélassait au bord de la piscine de leur hôtel, à Indianapolis,

s’étalait en pleine page : au premier plan, les cicatrices sur sa

jambe sautaient aux yeux.

Eden tourna la page d’une main tremblante. D’autres

clichés la montraient accrochée au bras de Rafe, souriant

béatement tandis qu’ils descendaient les marches de l’hôtel. La

photo qui la blessa le plus avait été prise à Venise : assise dans

une gondole, elle donnait l’impression de sourire à l’objectif

alors que c’était à Rafe qu’elle adressait ce sourire radieux.

Sous l’œil déformant de l’objectif, ce qui avait été l’un des

moments les plus romantiques de leur escapade devenait

artificiel et ridicule.

— Mon Dieu…, murmura-t-elle d’une voix étranglée.

Rafe lui arracha le journal des mains.

— Ne fais pas attention, ça n’a aucune importance.

— C’est important pour moi… Ces photos sont affreuses.

Je me sens… trahie. Comment ont-ils fait pour s’immiscer

ainsi dans notre intimité ? A croire qu’ils nous espionnent

vingt-quatre heures sur vingt-quatre !

— Les paparazzis sont partout, répondit sèchement Rafe

tandis qu’ils s’engouffraient dans la voiture. Ils font partie de

notre vie, c’est ainsi.

— Pas de la mienne, justement, objecta Eden en tentant de

comprendre quelques mots de l’article qui accompagnait les

clichés.

— C’est pourtant ça, la vie dans une vitrine luxueuse,

murmura-t-il d’un ton laconique.

Eden fronça les sourcils. Cette expression lui était

étrangement familière : où l’avait-elle entendue ?

— Comment ont-ils eu vent de notre séjour à Venise ?

demanda-t-elle en reportant son attention sur le journal.

Quelqu’un les a forcément mis sur la piste. La question est de

savoir qui d’autre était au courant, à part toi et moi. Quelqu’un

a essayé de m’humilier et c’est réussi. Qui d’autre était au

courant de notre escapade à Venise, Rafe ?

Ce dernier se rembrunit. Son père le savait, murmura une

petite voix qu’il s’efforça de taire. Cela ne pouvait être lui.

Page 128: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Non, c’était tout simplement impossible. Si Fabrizzio

n’appréciait pas Eden quatre ans plus tôt, les choses avaient

changé depuis. D’ailleurs, il s’était montré très courtois, très

chaleureux avec elle l’autre soir.

Ils étaient arrivés à la villa. Eden s’empressa de le rejoindre

sur les marches du perron.

— Tu en avais parlé à ton père ?

Il répondit d’un ton abrupt :

— Laisse mon père en dehors de ça, je te prie. Est-ce parce

que tu manques de confiance en toi que tu jalouses la

complicité qui nous lie ? Tout comme tu enviais le lien qui

nous unissait, Gianni et moi ?

— Non ! Le fait est que ton père me déteste. Il me l’a dit

clairement l’autre soir, après le dîner, ajouta-t-elle d’une voix

tremblante, glacée par le mépris qu’elle lisait dans le regard de

son compagnon.

— Serait-ce la conversation que j’ai surprise… lorsque tu

lui confiais que tu étais prête à vendre tes charmes en échange

d’une maison en Angleterre… la Dower House, je suppose ?

conclut-il d’une voix suave.

Sous le choc, Eden chancela. Rafe n’esquissa pas un geste

vers elle. Le visage parfaitement impassible, il se contenta de la

toiser froidement.

— Ce n’est pas du tout ce que tu crois, articula-t-elle en

ravalant un sanglot. Ton père a une peur bleue que tu me

demandes en mariage, lui qui aimerait tellement te voir marié à

une riche héritière. Je reste persuadée que c’est lui qui est à

l’origine des mensonges proférés par Gianni, il y a quatre ans,

lui qui a tout fait pour nous séparer. J’essayais juste de le

rassurer, de lui faire comprendre que je ne représentais pas une

menace sérieuse.

— Tu n’avais pas besoin d’aller aussi loin, cara, répliqua-t-

il d’un ton glacial. J’aurais très bien pu le lui dire moi-même.

Pas une seule fois je n’ai songé à te demander en mariage.

Page 129: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Assise à la table de la cuisine, Eden donna libre cours à ses

larmes. Lorsque ses sanglots s’apaisèrent, un martèlement

sourd frappait ses tempes. Rafe s’était enfermé dans son

bureau. La porte avait claqué d’un coup sec derrière lui,

comme un avertissement. De toute façon, elle n’avait pas

l’intention d’aller lui parler. A quoi bon ? Les bribes de

conversation qu’il avait surprises l’autre soir lui avaient suffi à

la condamner sans appel, sans même lui laisser une chance de

s’expliquer, de lui avouer ses sentiments.

La vérité était là, amère, douloureuse : Rafe n’éprouvait

rien pour elle. Sa famille – son père, surtout – comptait plus

que tout et rien de ce qu’elle aurait pu dire ne l’aurait touché. Il

vouait une admiration aveugle à Fabrizzio… A quoi bon

s’obstiner à essayer de lui ouvrir les yeux sur les travers de son

père ?

— Signorina…

Arrachée à ses sombres pensées, Eden leva les yeux sur

Sophia. A sa grande surprise, les joues de la gouvernante

étaient baignées de larmes.

— C’est ma faute, commença celle-ci d’une voix

tremblante.

C’est ma faute si les journalistes se sont acharnés sur vous,

répéta-t-elle dans son anglais approximatif.

— Pourquoi dites-vous ça, Sophia ?

La cuisinière baissa les yeux.

— Eh bien… je discutais avec le signor Santini l’autre

jour… Nous parlions de tout et de rien pendant que je préparais

à manger. Et il m’a demandé à quel moment vous aviez prévu

de partir à Venise…

S’efforçant d’ignorer les battements précipités de son cœur,

Eden posa une main rassurante sur le bras de l’employée de

maison.

— Merci de m’en avoir parlé, Sophia. Ne vous inquiétez

pas, je n’en parlerai à personne d’autre.

Ainsi, ses soupçons se confirmaient, songea-t-elle en

montant à l’étage pour aller se changer. Fabrizzio était bel et

Page 130: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

bien l’instigateur de l’article racoleur qui l’avait tant blessée.

Naturellement, Rafe ne la croirait jamais.

La journée s’écoula lentement. En elle, les bouffées de

tristesse succédaient aux accès de colère. L’histoire allait-elle

se répéter sans qu’elle tente une dernière fois de clarifier la

situation ? Non, son amour pour Rafe était trop grand, il fallait

à tout prix qu’elle préserve la tendre complicité, la passion

dévorante qui les unissaient.

Lorsqu’elle descendit dîner, Sophia l’informa que Rafe ne

se joindrait pas à elle. Il avait quitté la maison précipitamment

une demi-heure plus tôt, sans préciser l’heure de son retour.

Quand sonna minuit, épuisée mais forte de ses résolutions,

Eden attendait encore Rafe. A 1 heure du matin, rongée par

l’angoisse et la jalousie, elle descendit au rez-de-chaussée.

Peut-être trouverait-elle dans son bureau un indice sur l’endroit

où il se trouvait ? Le souffle coupé, elle s’immobilisa sur le

seuil de la pièce. Il était assis à son bureau : une expression

hagarde voilait son visage tandis que son regard noir semblait

étrangement vide.

— Tu as vu l’heure ? murmura-t-elle, partagée entre le

soulagement et l’étonnement.

— Tu parles comme une épouse bafouée. Aurais-tu oublié

ton rôle de maîtresse docile ? répliqua Rafe, cinglant.

A son grand désarroi, elle sentit ses joues s’empourprer.

— Tu as bu ?

Il s’empara de la bouteille de whisky à moitié vide, se versa

une généreuse rasade qu’il avala d’un trait avant de répondre

d’un ton cynique :

— Ça m’en a tout l’air, tu ne crois pas, cara ?

La voix de la raison lui commanda de ne pas répliquer,

d’aller se coucher et d’attendre le lendemain pour avoir la

discussion qu’elle avait répétée dans sa tête toute la soirée.

D’un autre côté, le proverbe ne conseillait-il pas de « battre le

fer tant qu’il est chaud » ?

— Il faut que je te parle et j’aimerais que tu m’écoutes,

pour une fois, déclara-t-elle en traversant la pièce pour aller se

poster devant son bureau. Cela ne va sans doute pas te plaire,

Page 131: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

mais j’ai la preuve que ton père est à l’origine de tous les

articles parus dans la presse à scandale. Je sais aussi que c’est

lui qui a poussé Gianni à te mentir dans le seul but de précipiter

notre rupture.

— Mon père est décidément un homme très affairé, fit Rafe

d’un ton doucereux.

Trop tard, Eden vit l’étincelle de rage qui embrasait son

regard. Vif comme l’éclair, il contourna son bureau et la saisit

par les épaules.

— Je devrais plutôt parler au passé, reprit-il en enfonçant

ses doigts dans sa chair. Mon père a été victime d’une crise

cardiaque en fin d’après-midi. Il est en réanimation à l’heure

où je te parle… Les médecins ne se prononcent pas encore sur

son état.

— Oh, mon Dieu… je suis désolée.

Abasourdie, Eden porta une main à ses lèvres tremblantes.

Quel terrible concours de circonstances !

La voix dure de Rafe brisa le silence pesant qui s’était

installé entre eux.

— Inutile de jouer la comédie, Eden. Nous savons tous les

deux à quel point tu détestes mon père. Il est en train de mourir

et tu ne trouves rien de mieux à faire que me monter contre lui.

C’est ignoble, ajouta-t-il, pâle de rage. Ne perds pas ton temps,

ce n’est plus la peine. Je t’ai laissé le bénéfice du doute en ce

qui concerne Gianni. Ne me demande pas la même chose pour

mon père.

Page 132: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

10.

Comment le soleil pouvait-il encore briller d’un tel éclat ?

songea Rafe en sortant sur la terrasse. Comment les

bougainvilliers pouvaient-ils afficher des couleurs aussi gaies ?

Sa vie était en train de basculer et la terre continuait de tourner

malgré tout.

La maison de ses parents avait toujours été sombre, mais ce

jour-là elle ressemblait plus que jamais à un mausolée…

C’était un véritable soulagement de fuir cette triste pénombre,

même si le soleil radieux lui paraissait presque insultant. Des

voix perçantes ponctuées de rires joyeux revinrent jusqu’à lui.

Les deux enfants de sa cousine Marisa jouaient dans le jardin

sous l’œil vigilant de leur nourrice. Aussitôt, les souvenirs de

sa propre enfance lui revinrent à la mémoire. Combien de fois

Gianni et lui s’étaient-ils affrontés dans des courses de vélo

effrénées qui se terminaient inévitablement dans la mare ? Il

crut entendre le rire sonore de l’homme qui les encourageait à

distance et les gloussements de son petit frère.

— Il Dio li benedice… Que Dieu te bénisse, Gianni, dit-il à

mi-voix.

— Rafe !

Il se raidit et ferma brièvement les yeux en entendant la

voix claire et mélodieuse qui l’interpellait : Eden ! Où qu’il fût,

où qu’il aille, elle était là aussi, douce, attentive et discrète,

apportant un peu de paix et de réconfort au clan Santini réuni

au grand complet dans la demeure familiale. Etonnamment,

une trêve fragile s’était installée entre eux depuis la crise

cardiaque de Fabrizzio. En apprenant la triste nouvelle, Eden

Page 133: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

avait insisté pour rester auprès de lui pendant que son père

s’accrochait à la vie.

— L’hôpital vient d’appeler. Il n’y a pas de changement

notoire, annonça-t-elle d’une voix douce en le rejoignant.

Son parfum sucré l’enveloppa et il se détendit légèrement.

— Tu devrais rentrer à la villa, dit-il. On devient dingue,

ici.

— Je veux rester ici avec toi… Je veux t’aider.

— Je dois retourner auprès de ma mère.

— Elle est avec le prêtre, en compagnie de ses sœurs. Et

elle veut que tu ailles te reposer un peu à la villa. Peut-être

même manger un morceau.

Elle était tellement belle…, songea Rafe en la contemplant

du coin de l’œil. Et si pleine de sollicitude qu’il sentit son cœur

chavirer.

— J’ai besoin de toi, murmura-t-il.

Les mots étaient sortis tout seuls, presque malgré lui. Rafe

était un homme fier et arrogant, quelqu’un qui n’avait peur de

rien, qui n’avait jamais eu besoin de personne jusqu’alors.

Touchée par son aveu, Eden le prit dans ses bras en

murmurant des paroles apaisantes.

Une heure plus tard, ils franchirent ensemble le seuil de la

villa Mimosa Sophia les attendait, le visage ravagé par les

larmes. Percevant la lassitude de Rafe, Eden entraîna la

gouvernante dans la cuisine où elle lui fit part des dernières

nouvelles. Puis elle lui demanda de préparer un repas léger.

— Je croyais que tu devais prendre une douche avant

d’aller te reposer un peu, lança-t-elle à l’adresse de Rafe qui se

dirigeait vers son bureau où le téléphone ne cessait de sonner.

— Je dois absolument m’entretenir avec certaines

personnes avant le Grand Prix de Monaco, argua Rafe.

Eden exhala un soupir impatient.

— Vu les circonstances, Petra peut très bien gérer tout ça,

tu ne crois pas ? Tu ferais mieux de te reposer.

A sa grande surprise, il lui emboîta le pas comme elle

montait à l’étage.

Page 134: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Pourquoi t’intéresses-tu tant à mon bien-être ?

grommela-t-il dans son dos.

Elle s’immobilisa devant la porte de la chambre qu’ils ne

partageaient plus et le considéra un long moment avant de

répondre :

— Pour être franche, je n’en sais rien. Mais c’est comme

ça.

— Je veux bien aller me coucher si tu viens avec moi.

La tentation d’oublier ses doutes et sa tristesse dans les bras

de Rafe était forte, presque irrésistible. Pourtant, elle ne céda

pas.

— Tu as besoin de te reposer. Je te rejoindrai plus tard.

Rafe dormit une bonne heure puis dîna avec Eden avant de

repartir à l’hôpital.

La journée du lendemain se déroula de la même manière.

En fin d’après-midi, le téléphone sonna et Eden écouta Rafe lui

annoncer d’une voix pleine de chagrin que Fabrizzio avait fait

une nouvelle attaque : le pronostic des médecins était plus que

réservé.

Atterrée, la jeune femme se força à aller se coucher. Il

fallait absolument qu’elle dorme un peu si elle voulait

continuer à soutenir Rafe. Elle se réveilla quelques heures plus

tard et chercha sa montre à tâtons. Il était 3 heures du matin. La

pâle clarté de la lune filtrait à travers les volets, zébrant le lit de

rais argentés. Lorsque ses yeux se furent accoutumés à la

pénombre, elle aperçut Rafe assis au bout du lit. Il avait le dos

courbé, l’inquiétude et la tristesse se lisaient sur son visage.

Bouleversée, elle alla s’agenouiller derrière lui et passa les bras

autour de son cou.

— Y a-t-il du nouveau ? demanda-t-elle dans un souffle, en

proie à une sourde angoisse.

Rafe hocha la tête.

— Les médecins ont constaté une légère amélioration. Mon

père est d’origine sicilienne, il ne partira pas sans s’être battu

de toutes ses forces.

Page 135: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

L’admiration, la tendresse qui perçaient dans sa voix la

touchèrent profondément et elle souhaita de tout son cœur, par

amour pour Rafe, que Fabrizzio puisse se remettre de cette

épreuve.

— Tant mieux, dit-elle simplement.

Rafe tourna la tête et captura ses lèvres dans un baiser

enfiévré.

— J’ai très envie de te faire l’amour, cara mia. Tu

n’imagines pas à quel point j’ai besoin de sentir la douceur de

ton corps… Je prendrai tout mon temps, cette fois, poursuivit-il

en la soulevant dans ses bras pour la porter jusqu’à sa chambre.

Je regrette tellement ce qui s’est passé à Indianapolis, je me

suis montré odieux avec toi alors que tu es restée à mon côté

depuis l’hospitalisation de mon père, patiente et compatissante.

Ta générosité me comble de bonheur, cara. Tu avais raison

l’autre jour, il faut que nous parlions, tous les deux.

Eden posa son index sur ses lèvres.

— Pas maintenant. Tu as dit un jour que nous

communiquions bien mieux sans paroles, tous les deux. Alors

laissons parler nos corps…

Il se débarrassa de son peignoir et dénoua les rubans qui

retenaient le déshabillé de soie d’Eden, recevant dans ses mains

avides sa poitrine déjà gonflée de désir. Le baiser qu’il lui

donna était empreint d’une grande humilité, d’une tendresse

infinie, comme s’il lui demandait pardon de ses erreurs

passées.

Il lui fit l’amour avec lenteur, l’entraînant dans une ronde

de caresses et de baisers d’un érotisme brûlant qui les mena

peu à peu dans un tourbillon de volupté où plus rien ne

comptait que leurs peaux électrisées, leurs bouches avides,

leurs mains audacieuses.

Le retour à la réalité fut lui aussi d’une exquise douceur.

Rafe resta allongé sur elle, la tête enfouie dans son cou. Jamais

encore Eden ne s’était sentie si proche de lui. Et elle sut avec

certitude qu’elle n’aimerait jamais personne aussi intensément.

Allait-elle trouver le courage de lui avouer ses sentiments ?

Aurait-elle la force de lui dire qu’elle n’avait jamais cessé de

Page 136: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

l’aimer, même pendant ces longues années de séparation ? Et

surtout… surtout, Rafe était-il prêt à entendre ce qu’elle brûlait

de lui confier ? Elle continua à lui caresser les cheveux,

parfaitement immobile. Tout à coup, elle sentit quelque chose

d’humide dans son cou. Les épaules de Rafe tressaillaient sous

ses mains. Enfin, il s’autorisait à donner libre cours à

l’angoisse qui le taraudait… N’était-ce pas un merveilleux

cadeau qu’il lui faisait là ?

A la surprise générale, l’état de santé de Fabrizzio Santini

s’améliora considérablement durant les jours qui suivirent. La

guérison n’était pas encore à l’ordre du jour, mais il n’était plus

en danger de mort et c’était là l’essentiel pour ses proches.

Le regard de Rafe s’éclaira de nouveau. Après la nuit

passionnée qu’ils avaient partagée, Eden avait espéré repartir

sur de nouvelles bases, mais curieusement Rafe semblait

encore réticent à l’idée de passer du temps seul avec elle – un

peu comme s’il regrettait d’avoir exprimé ses émotions. Il

n’avait pas cherché à lui faire l’amour depuis et ne lui avait pas

non plus proposé de réintégrer sa chambre. Par fierté, Eden

s’était bien gardée de faire le premier pas.

Hélas, la fierté s’avérait une bien triste compagne, admit-

elle après une nouvelle nuit passée à rêver de Rafe, à imaginer

ce qu’aurait pu être leur vie s’il l’avait aimée autant qu’elle

l’aimait. De son côté, il se montrait courtois et attentionné mais

étrangement distant, comme s’il avait fait le deuil de leur

couple et que sa décision était prise, irrémédiablement.

Le cœur lourd, Eden l’accompagna tout de même à

Monaco. Les journalistes l’attendaient à l’aéroport, curieux de

savoir si l’état de santé de son père aurait un impact sur ses

performances. Ces derniers avaient eu tort de s’inquiéter : Rafe

mena la course de bout en bout, alliant maîtrise et audace, ce

qui lui valut de franchir la ligne d’arrivée avec une avance

confortable sur ses concurrents.

Dans la tribune d’honneur, Eden se détendit enfin. C’était

sa vie, songea-t-elle en le regardant gravir les marches du

Page 137: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

podium, entouré d’une cour de créatures sublimes. Un sourire

triomphant aux lèvres, il déboucha une bouteille de

Champagne et aspergea la foule qui l’acclamait. Oui, c’était

bien cela, sa vie : celle d’un play-boy multimilliardaire adulé

par des dizaines de fans. Et, bien qu’elle l’aimât de tout son

cœur, l’idée de vivre dans son sillage en attendant qu’il la

congédie lui était devenue insupportable.

De retour à Milan, Rafe l’accompagna jusqu’à la limousine

qui les attendait à l’aéroport, mais il ne monta pas avec elle.

— Je vais directement à l’hôpital, expliqua-t-il devant son

air surpris. Il semblerait que Fabrizzio ait repris du poil de la

bête : il songe déjà à se remettre au travail.

— Tu veux que je vienne avec toi ?

Il secoua la tête.

— Pas aujourd’hui, non. J’ai besoin de le voir seul.

J’aimerais régler quelques détails avec lui, ajouta-t-il d’un ton

sans réplique.

Eden ravala les questions qui lui brûlaient les lèvres. A

présent que Fabrizzio allait mieux, sa présence était devenue

superflue, elle le sentait bien. Il ne lui restait plus qu’à prendre

les devants si elle souhaitait conserver une once de dignité.

En cette fin de mois de septembre, le soleil rasant

enveloppait les pierres meulières de la Dower House d’une

belle lumière dorée. Ses pâles rayons dansaient entre les

feuilles qui avaient commencé à se parer de roux, de jaunes et

d’orangés. C’est le jardin qu’elle regretterait le plus, songea

Eden en traversant la pelouse pour rentrer par la porte-fenêtre

du salon qu’elle ferma à clé. Pour la dernière fois. Neville

prendrait soin de la maison jusqu’à l’arrivée de ses nouveaux

propriétaires. Il lui avait laissé entendre que la vente était déjà

conclue et, bien qu’il lui ait assuré qu’elle pouvait prendre tout

son temps, elle sentait que le moment était venu de partir.

Le cœur serré, elle aperçut le taxi qui franchissait la grille.

Bizarrement, elle avait espéré jusqu’au bout que ce moment ne

se concrétiserait pas. Oui – à quoi bon le nier ? – elle avait rêvé

Page 138: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

que Rafe la rejoindrait sans crier gare et qu’il lui avouerait son

amour, comme dans les comédies sentimentales les plus

romantiques. Fallait-il qu’elle soit complètement idiote !

Durant le mois qu’elle avait passé ici, à Dower House, Rafe

avait parcouru le monde, en quête de son sixième titre de

champion du monde de Formule 1. Sa victoire au Japon,

décisive, l’avait propulsé au rang de meilleur pilote de la

décennie et sa photo avait fait la une de tous les journaux – un

sourire éblouissant aux lèvres, il brandissait fièrement son

trophée, flanqué d’une sublime créature blonde.

— Vous êtes prête, mademoiselle ? lança le chauffeur de

taxi d’un ton jovial Attendez, je vais mettre votre valise dans le

coffre.

— Je dois encore m’assurer que toutes les portes sont bien

fermées et j’arrive, murmura-t-elle, furieuse de céder au

sentimentalisme qui la poussait à faire un dernier tour de cette

maison qu’elle aimait tant.

Une demeure de cette taille se devait d’accueillir une vraie

famille, avec des enfants rieurs et espiègles qui joueraient à

cache-cache dans ses innombrables recoins… A cette pensée,

son cœur se serra de nouveau et elle se hâta de terminer ses

dernières vérifications.

Des voix lui parvinrent de la cour comme elle regagnait le

rez-de-chaussée et elle fronça les sourcils. Neville l’aurait

avertie si les nouveaux propriétaires avaient décidé

d’emménager ce jour-là… Intriguée, elle franchit la porte

d’entrée et retint son souffle. Une petite voiture de sport rouge

était garée dans l’allée et, sous son regard incrédule, Rafe et le

chauffeur de taxi étaient en train de se disputer sa valise.

— Voulez-vous que je la mette dans le coffre, oui ou non ?

demanda ce dernier lorsqu’il l’aperçut.

— Oui ! cria Eden en dévalant les marches du perron.

— Non ! Pas tout de suite, objecta Rafe.

Avec un haussement d’épaules résigné, le chauffeur de taxi

lâcha la valise et regagna son véhicule.

— Prévenez-moi quand vous serez décidés, marmonna-t-il

en allumant la radio.

Page 139: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— J’ai un train à prendre, protesta Eden. Que désires-tu,

Rafe ?

— Cinq minutes de ton temps, répondit-il en la fixant d’un

air si grave qu’elle sut qu’il était inutile de protester.

Ils entrèrent dans le salon.

— Je croyais que tu adorais cette maison, reprit-il. Ou du

moins as-tu dit à mon père que tu rêvais d’en avoir une comme

celle-ci.

Eden blêmit.

— Tu sais très bien pourquoi j’ai prétendu une chose

pareille.

— Tu voulais convaincre Fabrizzio que notre histoire était

sans importance, qu’elle ne déboucherait pas sur un mariage ?

— Oui.

— Parce que tu craignais qu’il essaie de nous séparer de

nouveau, comme il l’avait fait quatre ans plus tôt ? Avec l’aide

de Gianni, à l’époque, ajouta-t-il d’une voix empreinte

d’émotion.

— Je crois qu’il a agi ainsi parce qu’il pensait que c’était

mieux pour toi. Il rêvait de te voir épouser une riche héritière

italienne, certainement pas la fille d’un modeste pasteur

anglais, déclara Eden, désireuse d’adoucir la peine qui se lisait

dans se yeux.

Même après tout ce qui s’était passé, le voir souffrir lui

déchirait le cœur et elle imaginait à quel point cela devait être

déstabilisant d’admettre que ce père qu’il avait tant idéalisé

l’avait trahi.

— N’essaie pas de lui trouver des excuses, Eden. Nous

avons eu une longue discussion, mon père et moi… Il a

reconnu qu’il avait eu tort, qu’il n’aurait pas dû s’immiscer

dans nos affaires.

Eden hocha lentement la tête.

— Je vois, murmura-t-elle sans comprendre vraiment la

raison de sa venue. Mais il faut que je file, tu sais… alors si tu

n’as rien d’autre à me dire…

— Attends !

Page 140: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

Le Rafe qu’elle connaissait bien était de retour, péremptoire

et sûr de lui, les yeux étincelant d’un mélange de colère et de

frustration. Il passa une main fébrile dans son épaisse

chevelure.

— J’essaie de te présenter mes excuses, au cas où tu ne

l’aurais pas remarqué. Je t’ai blessée, j’en suis conscient, et

j’aimerais me faire pardonner. Tiens, ajouta-t-il en prenant

dans sa poche une enveloppe qu’il lui tendit. Peut-être

comprendras-tu mieux après avoir ouvert ça…

Eden le dévisagea d’un air perplexe avant d’ouvrir

l’enveloppe. Le cœur battant à se rompre, elle parcourut

rapidement les documents qui s’y trouvaient puis les glissa de

nouveau dans l’enveloppe et lui redonna le tout.

— C’est une gentille attention, admit-elle d’une voix

étranglée. Mais je ne peux pas accepter. Merci quand même.

— C’est le titre de propriété de Dower House. J’ai acheté

cette maison spécialement pour toi.

— J’ai compris, et je te répète que je ne peux pas accepter.

Tu n’as pas besoin de me dédommager, tu sais. Je suis venue à

toi de mon plein gré.

— Te dédommager… quelle idée saugrenue ! s’emporta

Rafe. Madré de Dio, tu es la femme la plus têtue que j’aie

jamais rencontrée !

Tout en parlant, il dardait sur elle un regard noir, offusqué.

Comme il était beau lorsque ses yeux lançaient des éclairs,

lorsque sa bouche tremblait de colère… et comme elle brûlait

d’envie de l’embrasser, cette bouche ! Malheureusement, leur

relation n’avait pas changé, Rafe n’était pas venu pour lui dire

qu’il l’aimait.

— Je n’ai pas acheté cette maison rien que pour toi, figure-

toi. Elle est pour nous, quand je viendrai en Angleterre.

C’était encore plus humiliant que ce qu’elle avait imaginé !

Ainsi, elle ferait office de « maîtresse assignée à

résidence » : elle s’occuperait de l’entretien de la maison en

attendant le bon plaisir de « monsieur »… C’était absolument

odieux ! Au prix d’un effort, elle releva la tête et affronta son

regard.

Page 141: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Désolée, Rafe, ta proposition ne m’intéresse pas. Il est

temps de se dire au revoir. Si je rate le train, j’arriverai trop

tard à l’aéroport.

— Je croyais que tu allais à Londres. Ton ami agent-

immobilier m’a dit que tu avais trouvé un emploi dans une

agence de presse, fit Rafe en lui emboîtant le pas.

— C’est exact. Mais ce n’est pas à Londres.

— Où est-ce alors ? Dans un autre pays d’Europe ?

— En Sierra Leone, répondit-elle tout à trac. L’agence m’a

chargée de rédiger une série d’articles de fond sur la situation

là-bas.

— Il est hors de question que je te laisse partir là-bas, cara.

C’est beaucoup trop dangereux.

— Je crois que tu es mal placé pour me donner des conseils

sur le caractère dangereux de mon métier…

Elle se tut un instant avant de reprendre, submergée par une

bouffée de colère :

— Tu es pilote de course, à la fin ! Ne me parle pas de

danger alors que je t’ai regardé tant de fois risquer ta vie au

volant de ces fichus engins, juste pour le plaisir !

— C’est justement l’autre chose que j’étais venu

t’annoncer. Je donne une conférence de presse demain pour

annoncer ma décision de me retirer de la compétition. Je tenais

à ce que tu sois la première informée.

Un long silence suivit sa déclaration. Finalement, Eden

reprit la parole avec calme.

— Bien… je suppose que tu vieillis, toi aussi.

Cette fois, Rafe explosa.

— Dio ! J’ai l’impression de tout faire de travers, avec toi !

J’achète la maison de tes rêves et tu me la jettes à la figure. Je

renonce à la compétition et tu t’en moques ! C’est incroyable !

Sans un mot, la jeune femme monta dans le taxi. Que

devait-il dire pour la faire réagir ? Une vague de panique le

submergea… Il était en train de vivre les instants les plus

importants de sa vie : il était hors de question qu’il baisse les

bras sans avoir tout tenté !

Page 142: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Dis-moi, cara, que dois-je faire pour que tu acceptes de

revenir avec moi ?

Il passa la tête par la vitre ouverte comme pour mieux lui

faire entendre raison. Eden ferma les yeux, en proie à un

désespoir indicible.

— Tu dois m’aimer, Rafe, murmura-t-elle, incapable de

retenir ses larmes, tu dois m’aimer autant que je t’aime.

Le chauffeur de taxi desserra le frein à main et passa la

première.

— C’est la seule chose qui m’aurait rendue heureuse, tu

sais… La seule chose que tu n’as jamais pu me donner.

La voiture s’éloigna. Les larmes lui brouillèrent la vue et

elle enfouit son visage dans ses mains pour tenter de se calmer.

Soudain, le chauffeur de taxi freina brusquement en étouffant

un juron.

— Espèce de chauffard ! s’écria-t-il en sortant de son

véhicule, furibard. Hé… mais je vous reconnais ! Vous êtes le

champion de Formule 1, c’est bien ça, hein ? Joli bolide…

A présent, l’homme regardait la voiture de sport d’un œil

admiratif.

— Prenez-la, elle est à vous.

Rafe lança les clés en direction du chauffeur abasourdi

avant de se glisser au volant du taxi.

— Je n’en ai plus besoin, reprit-il. Ce qu’il me faut

maintenant, c’est une grande voiture familiale, n’est-ce pas,

cara ?

— Rafe, peux-tu m’expliquer ce que tu fabriques ?

Sans se donner la peine de répondre, il fit demi-tour.

Quelques secondes plus tard, le taxi s’immobilisait de nouveau

dans la cour de graviers de Dower House.

— Laisse-moi, je t’en prie, gémit Eden.

Mais Rafe descendit de voiture, vint lui ouvrir la portière et

la souleva dans ses bras pour la porter dans la maison.

— Bien sûr que je t’aime, idiote ! s’écria-t-il en se dirigeant

d’un pas assuré vers l’escalier.

Devant la stupeur qui s’inscrivit sur le visage d’Eden, sa

frustration se dissipa d’un coup, cédant la place à une immense

Page 143: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

tendresse pour cette femme qu’il aimait plus que tout au

monde, cette femme sans laquelle sa vie n’aurait pas de sens.

— Ti amo, cara mia. Je crois que je vais devoir te donner

quelques leçons d’italien, murmura-t-il avec une grande

douceur. Je t’ai aimée dès notre première rencontre, tu sais, le

jour où tu as fait irruption dans ma chambre d’hôtel en

affirmant que tu n’étais pas une groupie, que je n’avais rien à

craindre. Et je n’ai jamais cessé de t’aimer depuis.

Eden sentit son regard s’embuer alors même qu’un fol

espoir gonflait son cœur.

— Tu as pourtant refusé de m’écouter, il y a quatre ans. Tu

m’as condamnée sans appel… tu m’as brisé le cœur, termina-t-

elle d’une voix à peine audible.

Il la posa par terre et la serra tout contre lui.

— Nos quatre années de séparation ont été un véritable

calvaire. Tu me manquais horriblement… D’un autre côté,

Gianni était grièvement blessé et je ne me sentais pas le droit

de l’abandonner. J’avais l’impression de le trahir en

recherchant le bonheur, tu comprends. Il ne s’est pas passé un

seul jour sans que je pense à toi, carissima, et dès que j’ai

appris que tu étais rentrée à Wellworth, j’ai imaginé un

prétexte pour te revoir.

— As-tu vraiment l’intention d’arrêter la compétition ?

demanda Eden, hésitant encore à croire à son bonheur. C’est la

chose la plus importante pour toi. Je ne voudrais surtout pas

que tu y renonces à cause de moi.

Le sourire qui se dessina sur les lèvres de Rafe l’emplit

d’allégresse.

— Tu es toute ma vie, cara. Je n’ai absolument pas

l’impression de sacrifier quoi que ce soit. En fait, je ne rêve

que d’une chose : vivre avec toi dans une grande maison qui

retentira bientôt de cris et de rires d’enfants.

A peine eut-il terminé sa phrase que ses lèvres capturèrent

les siennes. Ce fut un baiser à la fois passionné et exigeant,

empreint d’une grande tendresse. Un baiser qui persuada Eden

de la sincérité de Rafe. Si incroyable que cela puisse paraître,

cet homme exceptionnel l’aimait de tout son cœur !

Page 144: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Acceptes-tu de devenir ma femme ? murmura-t-il en

déposant une pluie de baisers le long de son cou, jusqu’au petit

creux si doux où battait frénétiquement son pouls.

Eden hésita.

— Ton père…

Saisissant son menton entre le pouce et l’index, Rafe la

força à rencontrer son regard pénétrant, débordant d’amour.

— Il sait que je désirais déjà t’épouser il y a quatre ans et

qu’aucune autre femme n’a conquis mon cœur depuis. Il sait

aussi que sa seule chance d’avoir des petits-enfants un jour

réside dans notre union. Fais-moi confiance, cara, il espère de

tout son cœur que tu diras oui.

Elle avait toujours aimé cette pièce, songea Eden en

promenant un regard ému sur la vaste chambre à coucher que

Rafe avait occupée lors de son unique nuit à Dower House.

Après son départ, elle avait dormi dans son lit dans l’espoir de

s’enivrer de son odeur…

Un sourire rêveur éclaira son visage lorsqu’il la déposa

délicatement sur le couvre-lit de soie.

— Et toi, qu’espères-tu ? Que je dise oui aussi ? chuchota-t-

elle tandis qu’il déboutonnait son corsage avec des gestes

fiévreux.

— Je n’espère pas, cara mia, j’en suis déjà persuadé,

répondit-il, retrouvant son arrogance naturelle. Comment

pourrait-il en être autrement ? Tu es ma moitié, la gardienne de

mon âme et je t’aime de tout mon être : Tu ferais mieux

d’accepter tout de suite si tu ne veux pas que je te poursuive de

mes assiduités jusqu’à ce que tu rendes les armes… Pourquoi

perdre du temps inutilement ? Nous en avons déjà perdu

suffisamment, tu ne crois pas ?

— Je ne perdrai pas mon temps à essayer d’argumenter, dit

Eden dans un souffle.

Elle se cambra contre lui, éperdue de bonheur.

— Je t’aime, Rafe.

Leurs regards se soudèrent et ils soupirèrent à l’unisson

lorsqu’un tourbillon de volupté les emporta, quelques instants

plus tard.

Page 145: CHANTELLE SHAW - e-monsitele-jardin-d-eve-azur.e-monsite.com/medias/files/captifs-d-un-secret.pdf · puissant et son ventre plat, ses cuisses magnifiquement fuselées, sa peau douce

— Je t’aime aussi, cara mia. Pour la vie.