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SEPTEMBRE/OCTOBRE 2013 VOLUME 43 N°005 ceTTe MaISON eST Là POUR LeS dROITS hUMaINS

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SEPTEMBrE/OCTOBrE 2013 VOLUME 43 N°005

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dans cenumÉro du Fil

© amnesty international ltdwww.amnesty.orgindex : nWs 21/005/2013issn : 1472-443Xailrc-Fr pour la version française47, rue de paradis - 75010 parisimprimé sur papier recyclébanbury litho - oxon - royaume-uni.

tous droits de reproduction réservés.cette publication ne peut faire l’objet,en tout ou en partie, d’aucune formede reproduction, d’archivage oude transmission, quels que soientles moyens utilisés (électroniques,mécaniques, par photocopie, parenregistrement ou autres), sansl’accord préalable des éditeurs.

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Photo de couverture : © nikola ivanovski

en couVerture« Même les rats chez moi sont inquiets » : les habitants desbidonvilles du Kenya sont chassés de chez eux sans préavis.Découvrez ce qui se passe et signez notre pétition pour y mettreun terme. paGe 4

le Jour oÙ les BulldoZers sont arriVÉsLes expulsions forcées et les démolitions détruisent des milliersde vies au Nigeria. Au début de l’année, ce fléau s'est abattu surles habitants de Badia-Est, dans l’État de Lagos. paGe 8

un sacrÉ rouBlardAprès le coup d’État de 1973 au Chili, l’ambassadeur Frode Nilsen adîné avec les plus hauts responsables de la dictature militaire. Dansleur dos, il a fait passer des opposants clandestinement en Norvège.Quarante ans après, il a rencontré l’un d’entre eux. paGe 10

les uniVersitÉs iraniennes BÂillonnÉesLe gouvernement purge ses universités de toute penséeindépendante. Découvrez ce qui se passe et envoyez un appelen faveur de Zia, un étudiant condamné à 10 ans de prison à l'issued’un procès inique. paGe 12

mon militantisme : la petite rÉVolutionnaireDans notre nouvelle rubrique, la chercheuse d’Amnesty surl’Afghanistan explique que ce sont la guerre et les deuils qui l’ontamenée à militer pour les droits humains. paGe 13

sri lanKa : dites la VÉritÉDes militants d’Amnesty en Nouvelle-Zélande expliquent pourquoi ilsfont pression sur leur gouvernement pour qu’il demande au SriLanka de répondre des violations commises dans le pays. paGe 14

priVÉs d’oXYGèneCoup de projecteur sur six nouvelles lois adoptées par le présidentVladimir Poutine qui asphyxient la population en réprimant aussibien les batailles de boules de neige que les droits des homosexuels.paGe 16

« imaGineZ : Vous Êtes dans une cellule et VousattendeZ d’Être pendu »Selwyn Strachan a passé 1 715 jours dans le couloir de la mort àla Grenade. Découvrez comment il est devenu un fervent défenseurde l’abolition de la peine de mort et signez notre pétition. paGe 20

recevoir le Fille Fil peut être téléchargé à cetteadresse :www.amnesty.org/en/stayinformed/enewsletters/the-wire

les particuliers peuvent recevoir6 numéros annuels du Fil pour16 £/25 $/19 €. pour les institutions,le tarif est de 25 £, 38 $ ou 29 €. les sections et structures d’amnestyinternational peuvent acquérir desexemplaires à prix réduit. contactez-nous par [email protected] ou partéléphone : + 44 207 413 5814/5507.

pour rejoindre amnesty internationalrendez-vous surhttp://www.amnesty.org/en/join

appels mondiauXÉcrire une lettre, changer unevie – toutes les informationsnécessaires pour agir en faveurde personnes dont les droitshumains sont menacés. paGe 22

ÉGalement dans ce numÉronotre actualitÉ et desnouvelles d’Égypte en premièreliGne (paGes 2-3), de BonnesnouVelles (paGe 25) ; par quoiseront remplacés en 2015 lesObjectifs du millénaire pour ledéveloppement ? (paGe 24) ;Amnesty Pologne incite lesjeunes à militer pour les droitshumains (paGe 18).

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BienVenue dans le Fil de septemBre-octoBre

le militantisme est contagieux. lorsqu'une personne a le courage deprendre position, elle en incite d’autres à suivre son exemple.

le coup d’État du 11 septembre 1973 au chili et les actes de torture, lesdisparitions, les homicides et la vague de répression qui ont suivi ont poussédes gens à se mobiliser en faveur des droits humains dans le monde entier.

parmi eux se trouvait un diplomate norvégien qui s’est servi discrètementde ses pouvoirs officiels pour faire sortir clandestinement du pays et mettreen sécurité des chiliens, au nez et à la barbe du régime militaire.

Quarante ans plus tard, nous lui avons organisé des retrouvailles avec unhomme qui a pu grâce à lui échapper aux geôles de pinochet. une fois ensécurité, cet ancien prisonnier a rendu ce même service à d’autres. il a eneffet rejoint les rangs d’amnesty et milite depuis en faveur des droitshumains. lisez leur histoire édifiante en page 10.

ce numéro du Fil s’intéresse également aux expulsions forcées en afrique(p. 4 à 9). Vous pouvez aider à mettre fin à cette crise silencieuse. signeznotre pétition, pour commencer. puis envoyez une lettre en faveur d’unepersonne en danger (p. 22 et 23). cela peut changer une vie et inciterd’autres personnes à se mobiliser, elles aussi.

lisez le Fil en ligne ainsi que nos blogs liVeWire à l’adresselivewire.amnesty.org/fr/.

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Des militants d'Amnesty envoient unSOS à l'Europe depuis l'île grecque deLesvos, en juillet 2013. Selon destémoignages, les garde-côtes et la policedes frontières grecs repoussentrégulièrement les réfugiés et les migrantsqui tentent d'entrer en Europe par la merÉgée et le fleuve Evros. Signez notre pétition pour mettre fin à ces refoulements sommaires qui mettent des viesen danger, sur bit.ly/stop-pushbacks

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Amnesty Norvège –gardez le rythmeL’auteur-compositeur-interprète JarleBernhoft a soutenu la campagned’Amnesty contre la peine de mort enenregistrant un « rythme de base » inspirédes pulsations du cœur humain. Pourl’aider à « garder le rythme » jusqu’à ladisparition de la peine de mort, envoyezvotre propre musique, danse ou vidéo viaVine ou Instagram.

rendez-vous sur www.keepthebeatalive.no et faites passer le mot sur Twitter en utilisant #keepthebeatalive

Un nouveau site Webpour les militants chinois Notre tout nouveau site Web en chinoisfoisonne d'enquêtes, d'articles et de blogssur nos actions militantes et noscampagnes mondiales. Il est actuellementbloqué par les censeurs de l’État chinoismais il constituera une source importanted’informations sur les droits humains pourles sinophones du monde entier.

rendez-vous sur zh.amnesty.org

Expulsions forcées –cinq mesures simplesAmnesty et l’ONG de défense des droitshumains Witness ont réalisé ensembleune brève vidéo satirique rappelant auxÉtats ce qu’ils ne doivent pas fairelorsqu’ils expulsent des gens.

Visionnez-la sur bit.ly/end-FEs à partir du 23 septembre. Découvrez également notre article et notre photoreportage sur les

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Merci d’avoir fait bougerles choses !Un grand MERCI aux quelque100 000 militants qui ont signé notrepétition « Ici et maintenant, droitshumains pour les Roms ! ». Nous avonseu l’honneur de la remettre en juin àViviane Reding, commissaire européenneà la Justice, aux Droits fondamentaux età la Citoyenneté, à Bruxelles, enBelgique. La pétition demandait àl’Union européenne de mettre un termeaux discriminations généralisées àl’encontre des Roms en Europe.

Lisez notre blog et visionnez notre vidéo sur bit.ly/roma-thank-you

(«Merci pour votre soutien ! Merci àAmnesty International, de plus en plus de gens prennent conscience des

problèmes dont souffre notre pays.Lioubov Kovaliova, Bélarus, juin 2013. L’histoire de son fils, Vlad, exécuté en avril 2011 à l’issue d’un procès inique, est parue dans le FIL de mars-avril. )

Sierra Leone – pétition enfaveur d’un programmede soins gratuitsEn avril, nous avons remis au présidentsierra-léonais une pétition signée parplus de 11 000 personnes dans135 pays, qui exhorte son gouvernementà donner un cadre juridique auprogramme de soins gratuits FHCI (FreeHealth Care Initiative). L’objectif est decombattre la corruption et les erreurs degestion grâce à une responsabilisationaccrue et de faire en sorte que lesfemmes et les filles obtiennent réparationquand leurs droits sont bafoués.

Pour en savoir plus, rendez-vous surbit.ly/FHCI-sierra-leone

Nouvelles de l’action et des campagnes d’Amnesty InternationalActualitéNotre

expulsions forcées au Kenya (page 4) et au Nigeria (page 9)

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notre actualitÉ

3le Fil [ sept/oct 2013 ]

Pendant que les autorités restaientles bras croisés, des militantsportaient secours aux femmesvictimes d’agressions sexuelles surla fameuse place Tahrir, au Caire.

Par Diana Eltahawy, chercheusesur l’Égypte à AmnestyInternational

En juin et juillet, quand des millions de manifestants sontdescendus dans les rues en Égypte, un grand nombre de femmeset de filles ont été agressées sexuellement par des foules sur laplace Tahrir au Caire et dans ses environs.

Pendant que les autorités restaient les bras croisés, desmilitants et des bénévoles de l’Opération contre les agressions etle harcèlement sexuels (OpAntiSH), ainsi que les Gardes du corpsde la place Tahrir, un autre groupe égyptien de lutte contre leharcèlement sexuel, ont porté secours aux femmes agressées.Leurs lignes téléphoniques sonnaient jusqu’au petit matin.

Ils y étaient préparés, car le phénomène n’est pas nouveau.Les témoignages font apparaître un scénario terrifiant, maintenantbien connu. Des dizaines, voire des centaines d’hommes, armésde bâtons et de lames, entre autres, encerclent leurs victimes, leurarrachent leurs vêtements et leurs voiles, dégrafent leurspantalons et leur tripotent les seins et les fesses.

Le 30 juin, 46 cas d’agressions sexuelles avec violence ont étérecensés par les militants de l’OpAntiSH. Le lendemain, 17 autrescas ont été signalés ; parmi les victimes figuraient des femmesâgées et des fillettes dont les plus jeunes n’avaient que 7 ans.Nous avons su par la suite que 170 agressions avaient étésignalées entre le 30 juin et le 3 juillet.

Ceux qui intervenaient pour faire cesser ces violencesprenaient des risques importants. Beaucoup de bénévoles ont étéfrappés et agressés. Selon les informations reçues, l’un d’eux asouffert d’une commotion cérébrale provoquée par un coupviolent à la tête, et d’autres ont dû recevoir des points de suture.

En début d’année, le Premier ministre s’est empressé decondamner ces agressions, promettant une nouvelle loi. Mi-juin, leConseil national des femmes a envoyé au président et au Premierministre une proposition de loi sur la violence contre les femmes.Mais rien ne semble avoir changé.

Les actes sont plus éloquents que tous les discours. En mars,sept victimes d’agressions sexuelles commises lors desmanifestations de la place Tahrir en novembre 2012 et janvier2013 ont porté plainte auprès du parquet égyptien. Des enquêtesont été ouvertes, mais elles n’avancent pas et, à ce jour, personnen'a eu à répondre de ces agissements.

Un avocat qui travaille sur ce dossier a indiqué à AmnestyInternational qu'un magistrat du parquet avait qualifié cette affairede « non prioritaire » par rapport aux autres « crimes plus graves »dont il était en charge.

Cette attitude méprisante ne fait que renforcer la mentalité dediscrimination profondément ancrée dans la société, qui rend lesfemmes responsables de ces agressions et met leur vie en danger.Quels que soient les événements à venir en Égypte, la route versl’égalité est encore longue.

Lisez le blog LIVEWIrE de Diana à l’adresse bit.ly/Egypt-assaults

En première ligneLa longue route del’Égypte vers l’égalité

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Semaine d’action enfaveur de Juan AlmonteJuan Almonte Herrera a disparu le28 septembre 2009 en Républiquedominicaine. Quatre ans après, safamille ignore toujours ce qui lui estarrivé. Joignez-vous à notre action desolidarité en sa faveur en vous prenanten photo avec un portrait de Juan dansvotre ville et postez le cliché sur Tumblr.Nous ajouterons vos images à notreexposition qui aura lieu à Saint-Domingue le 28 septembre.

rendez-vous sur http://where-is-juan-almonte.tumblr.com/ et participez à notre appel en sa faveur en page 22

Les enfants d'Ismoil Bachajonov, mort des suitesde tortures infligées en détention à Douchanbé,au Tadjikistan, en 2011. Sa famille mènecampagne pour obtenir justice. Son épouse,Savriniso Gulova, élève seule leurs enfants. Ellenous a dit trouver du réconfort dans les paroles deson fils aîné : «Ne t'inquiète pas, maman, quand jeserai grand je prendrai soin de toi, de mon petitfrère et de ma petite sœur. »

Pour en savoir plus, rendez-vous sur bit.ly/return-to-torture

Journée mondialede l’habitat le7 octobre 2013D’ici à 2030, 3 milliards de personnes, soit 40 %de la population mondiale,

auront besoin d’un logement.

Cela veut dire qu'il faudraitconstruire d'ici là 96 150 logements

chaque jour soit4 000 par heure.

Source : ONU-Habitat

courrierVous souhaitezque vosopinions etcommentairessoient publiéssur cette page ?Adressez uncourriel à[email protected]

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KenYa

les haBitants des BidonVilles du KenYa sont chassÉs de cheZ euXsans prÉaVis ou ViVent dans la peur permanente d’une eXpulsion. le Fil se penche sur certaines des causes des eXpulsions ForcÉeset sur les moYens d’intensiFier la pression pour Y mettre Fin.

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eXpulsions ForcÉes

5le Fil [ sept/oct 2013 ]

jetées à la rue. Nous n’oublierons pas de lui rappelerces paroles.

halte auX eXpulsions ForcÉesAmnesty fait campagne pour mettre fin aux expulsionsforcées à travers le monde. Au Kenya, nousdemandons aux autorités d’accorder à tous leshabitants de City Carton un accès à une indemnitépour les violations qu’ils ont subies, et de leurproposer une solution de relogement décente. Nousles exhortons également à consulter les habitants deDeep Sea et à empêcher les expulsions contraires auxdroits humains.

Avec nos partenaires locaux, nous appelons aussila nouvelle ministre kenyane de la Propriété, del’Habitat et de la Ville, Charity Ngilu, à adopter sansdélai une loi interdisant les expulsions forcées.

Et le 7 octobre – Journée mondiale de l’habitatdes Nations unies – nous rappellerons aux États quetout le monde a droit à un logement convenable. Nouspublierons les résultats des recherches en cours surCity Carton et Deep Sea. Parce que ces deux quartierssont une bonne illustration des scénarios d’expulsionobservés à travers le Kenya et l’ensemble de l’Afrique(voir notre photoreportage au Nigeria en pages 8 et 9).

aGisseZAidez-nous à mettre un terme aux expulsions forcées au Kenya. Signez notre pétition à partir du 23 septembre et visionnez notre diaporama à l’adresse amnesty.org/endforcedevictions

c aroline Allan a vécu à City Carton, un quartierinformel – ou bidonville – de Nairobi, au Kenya,pendant 30 ans. Elle y avait construit une

maison, où elle vivait avec ses cinq enfants et sonfrère aîné. Couturière, elle confectionnait desvêtements pour les gens du quartier.

Vers 4 heures du matin, le 10 mai 2013, la famillea été réveillée brusquement par des jeunes hommesarmés de pieds-de-biche, de machettes et de masses.« J’ai couru, a-t-elle raconté plus tard à Amnesty. Monfrère était malade. Quand ils sont arrivés, il est tombé.Je l’ai aidé à se relever, et on a couru. Je n’ai rien pusauver – ils ont brûlé ma machine à coudre. »

Quelque 400 habitations ont été détruites enl’espace de deux jours. Beaucoup d’habitants ontrelaté plus tard que les hommes en questiondémolissaient les maisons, les pillaient et frappaientles gens. Tout cela sous les yeux de quelque170 policiers qui ont pris une part active auxexpulsions en bouclant le quartier, en tirant des coupsde feu à balles réelles et en faisant usage de gazlacrymogènes pour dissuader les habitantsd’approcher.

Beaucoup de gens ont trouvé refuge auprèsd’amis et de parents. Ceux qui n’avaient nulle part oùaller vivent désormais dans des abris fabriqués avecdu bambou, des bâches en plastique et des cartons,le long d’une piste voisine. Ils n’ont plus de toilettes,ont difficilement accès à l’eau et risquent d’êtreinondés quand il pleut.

Caroline et ses voisins n’ont reçu aucun préavisd’expulsion – ils avaient simplement entendu desrumeurs dans un bar, la veille au soir. Aujourd’hui, ilsse mobilisent pour faire valoir leurs droits, notammentleur droit à réparation.

le loGement est un droit humainLa Constitution kenyane reconnaît le droit à unlogement convenable. L’expulsion forcée restepourtant une méthode couramment utilisée pourévacuer un terrain à Nairobi. Faute de loi l’interdisant

clairement, d’autres personnes à travers le Kenyarisquent de se retrouver dans la même situation queCaroline et ses voisins.

Une expulsion est dite forcée et constitue uneatteinte aux droits humains si elle n’est pas conformeà une procédure légale. Le droit relatif aux droitshumains prévoit des garanties spécifiques, tellesqu’une véritable consultation, l’examen des solutionspossibles et un délai de préavis suffisant. Lesexpulsions ne doivent pas avoir lieu de nuit ou parmauvais temps et personne ne doit être laissé à la rue.

« mÊme les rats sont inQuiets »Les projets de développement urbain sont l’une descauses principales des expulsions forcées. Deep Seaest un autre bidonville de Nairobi qui compte près de12 000 habitants, dans le secteur huppé deWestlands. Il existe toujours, en dépit des nombreusestentatives d’expulsions.

Il est aujourd’hui à nouveau menacé en raison duprojet Missing Links, un chantier de constructiond’axes routiers financé par l’Union européenne. L’unede ces routes traversera Deep Sea, ce qui risqued’entraîner l’expulsion de 3 000 habitants.

Nous avons demandé à un homme s’il étaitinquiet. « Inquiet ? a-t-il répondu. Même les rats chezmoi sont inquiets. Si nous n’avons rien à manger, euxn’auront rien non plus. »

Mais Deep Sea contre-attaque, réunissant unmillier de volontaires des bidonvilles de Nairobi pourformer l'Équipe de réaction rapide, laquelle collaboreétroitement avec Amnesty Kenya pour s’élever contreles expulsions forcées et venir en aide aux habitantsconcernés (lisez le récit de John Kamau en page 6).

des milliers de lettres de soutienDes gens du monde entier les soutiennent. Leschercheurs d’Amnesty ont récemment rencontré legouverneur du comté de Nairobi, Evans Kidero. Celui-ci a reconnu que son bureau avait reçu des milliers delettres et de courriels de protestation.

Nous pensons que c’est grâce à ces lettres –envoyées à la suite de la publication de notre Actionurgente sur l’expulsion de City Carton – que legouverneur a accepté de nous rencontrer.

Evans Kidero a expliqué qu’il avait chargé desreprésentants d’enquêter sur ce qui s’était passé et detrouver des solutions pour les personnes qui ont été

nQuiets»

BIDONVILLES ET EXPULSIONS FOrCÉES

n Plus d’un milliard de personnes vivent dansdes quartiers informels ou des bidonvilles àtravers le monde.n Dans les villes africaines au sud du Sahara,75 % de la population vit dans un bidonville.n À l’horizon 2025, la majorité des Africainsvivront en ville et non plus dans des villages.n Les expulsions forcées sont une violation gravedu droit au logement.

Sources : Conseil des droits de l’homme des Nations unies, ONU Habitat

Une femme assise dans les décombres du quartierde City Carton. Près de 400 logements de ce quartierinformel de Nairobi, la capitale kenyane, ont étédétruits lors de l'opération d'expulsions forcées du10 mai 2013. Des habitants se sont retrouvés sans abriet sans ressources.

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6le Fil [ sept/oct 2013 ]

John Kamau (en photo ci-dessus) tient un petit hôteldans le bidonville de Deep Sea. Il a six enfants.

« J’ai rejoint une association du village appeléel’Équipe de réaction rapide. Nous échangeons desidées sur les moyens de nous opposer à la destructionde nos habitations car, dans tous les villages deNairobi, des gens sont obligés de partir à cause de ceproblème.

« Nous ne nous fions pas aux rumeurs. Nousnous téléphonons, nous tissons un réseau dans cevillage et d’autres pour découvrir la vérité et trouvercomment lancer une campagne.

« Nous avons commencé par voir des gens quipassaient et prenaient des photos dans la rue.Certains faisaient penser à des géomètres. Ilsn’entraient pas dans les bureaux de l’administrationlocale et n’étaient pas accompagnés par les anciens

du village ou un responsable. Donc, nous noussommes dit qu’il se tramait quelque chose à notreinsu. Nous avons découvert qu’ils avaient des projetsqui ne pouvaient aboutir que si nous n’étions pasconsultés.

« S’ils viennent démolir ici, à Deep Sea, mafamille et moi serons concernés au premier chef,parce que je n’ai nulle part où aller. Mes enfantsdevront quitter l’école et se mettront à faire desbêtises, et ce sera un problème, même pour l'État.

« Nous avons l'impression de ne pas être traitéscomme des êtres humains. Nous sommes traitéscomme des animaux. Je voudrais que les autoritésétablissent leurs stratégies dans le cadre de laConstitution afin qu’elles nous traitent comme descitoyens kenyans et nous proposent des logementsdans de bons quartiers où nous pourrons vivre. »

« leur proJet ne pouVait aBoutir Que s’ils ne nous consultaient pas »

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7le Fil [ sept/oct 2013 ]

l’union Fait

c omment réagiriez-vous si vousétiez obligé de quitter votremaison ? « Je me sentirais

vraiment abandonné », répond un jeunehomme, le regard planté dans l’objectifde la caméra.

Ce jeune homme prenait part à unevidéo réalisée par le réseau Jeunesd’Amnesty Mali à l’occasion de laJournée internationale des Roms, le6 avril. Des militants d’Amnesty ontégalement organisé une grandemanifestation à Bamako, la capitale duMali, aux côtés de plus de130 associations locales.

L’objectif était de sensibiliser lesgens aux expulsions forcées de Romsdans les pays européens. Mais qu’est-ce qui a pu pousser des militantsmaliens à défendre les droits depersonnes vivant à des milliers dekilomètres ?

Après tout, le Mali a déjàsuffisamment de problèmes. Début2012, un conflit armé a éclaté dans lenord, suivi d’un coup d’État dans lesud. L’état d’urgence n'a été levé qu’enjuillet de cette année.

« La solidarité internationale,répond simplement Fofana Salif,coordinateur Campagnes etmobilisation à Amnesty Mali. Il y a unegrande similitude entre ce qui arriveaux Roms en Europe et ce qui se passeau Mali, explique-t-il.

« Venir en aide aux Roms estl’occasion pour les associations localesde s’atteler au problème ici aussi. »

Amnesty Mali a été créé en 1991 etcompte aujourd’hui plus de3 000 membres. Depuis 2011, lesmilitants ont organisé trois grandesmanifestations publiques sur les droitsdes Roms.

« Chacune d’elles a attiré plus de2 000 personnes et nous sommesmême passés à la télévision nationale,se félicite Fofana. Quand les gens d’iciont vu ce qui arrivait aux Roms, ils enont été très attristés et se sont sentisobligés de les soutenir.

« Nous avons également sensibiliséla presse à ce qui se passe en Europe.Ils n’arrivaient pas à croire qu’il puisse yavoir de la ségrégation dans desétablissements scolaires européens. Etles expulsions forcées collectives enFrance, ils trouvaient cela incroyable. »

Cette méthode a produitd’excellents résultats. Amnesty Mali afourni 1 113 signatures sur les quelque94 500 que comptait la pétitioninternationale Ici et maintenant, droitshumains pour les Roms !, remise à lacommissaire européenne VivianeReding en juillet.

Elle produit également des effets auniveau local : « Nous avons reçu uneréponse de notre Premier ministre,annonçant qu’il examinerait leproblème au Mali, relate Fofana.

« Le ministre de la Justice aencouragé tout le monde, y compris lesRoms, à se battre pour leurs droits.

« Et le représentant du ministre duLogement a reconnu que ce qui arrivaitaux Roms se produisait également auMali, et qu’il fallait se montrersolidaires. »

Visionnez la vidéo d’Amnesty Mali à l’adresse bit.ly/Mali-solidarity

Qu’est-ce Qui a pu pousser des militantsmaliens à dÉFendre les droits des roms ViVanten europe ?

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Des militants au Mali protestent contreles expulsions forcées et la ségrégationauxquelles sont en butte les Roms enItalie, en 2012.

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Les habitants de Badia-Est n’oublieront jamais le jour où les bulldozers sontarrivés. Le samedi 23 février 2013, ils ont assisté à la démolition de leurs maisonset de leurs commerces dans l’État de Lagos, au Nigeria. Ils n’ont même pas étéautorisés à récupérer leurs vêtements et leurs effets personnels.

Au moins 266 maisons et commerces de ce quartier informel – ou bidonville –ont été rasés. Près de 2 237 foyers et 9 000 personnes ont été touchés. La zone aété rasée pour accueillir un nouvel ensemble immobilier où les personnes qui ontperdu leur maison n’auront vraisemblablement pas les moyens d’habiter.

Les expulsions et les démolitions de grande ampleur ont détruit la vie demilliers de personnes au Nigeria. Le plus souvent, les autorités ne leur ont proposéaucune indemnisation ni solution de relogement.

Amnesty demande l’arrêt de toutes les expulsions collectives au Nigeria jusqu’àce que l'État adopte une loi interdisant les expulsions forcées.

le Jour oÙ les BulldoZerssont arriVÉs

L’épouse de Paul attendait des triplés. Elle était enceinte de huit mois lorsque leurmaison a été démolie, le 23 février. Selon Paul, elle s’est évanouie sous le choc et aaccouché avant terme. Elle vit désormais avec leurs quatre fils dans la pièce uniquehabitée par ses parents et d’autres proches. Elle a des problèmes de santé. Paul, quia 38 ans et travaille comme transporteur, dort sous un pont. « Je vais voir ma femmeet mes enfants de temps en temps, mais j’ai honte d’aller là-bas sans argent. Si j’enavais, j’aurais loué un appartement, parce que les bébés ont besoin de moi », a-t-ilconfié.

Ci-dessus : Friday Ogunyemi dans l’abrioù il vit depuis la démolition de samaison. « Ils m’ont chassé de chez moiavec ma fille de cinq ans et mon fils detrois ans. Les policiers ont dit qu’ils noustireraient dessus si nous rentrions dansla maison. Avant la démolition, j’avaisune maison que j’avais construite et uneautre que j’avais héritée de mon père.J’étais propriétaire de toilettespubliques, je louais des chambres. Avecle loyer, je pouvais nourrir mes enfants etles envoyer à l’école. Ils ont ruiné mavie, ils l’ont fichue en l’air. Ils noustraitent comme si nous n’étions pas desNigérians. C’est nous qui avons voté poureux, mais voilà qu’ils détruisent la viedes pauvres. »

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aGisseZ Pour actualiser vos informations sur la campagne et en savoir plus, rendez-vous sur facebook.com/ainigeria

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« ILS ONT RUINÉ MA VIE, ILS L’ONT FICHUE EN L’AIR. » FrIDAY OGUNYEMI

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À gauche : Bimbo Osobe, 55 ans, a perdu sa maison etsa source de revenus le 23 février et dort désormaisdehors, sous une moustiquaire. Elle se bat pour obtenirdes réparations pour tout ce que les habitants ontperdu. « Ils ne nous ont absolument pas prévenus. Ils sontarrivés avec des masses, et tous les policiers étaientarmés. Je louais des chambres chez moi ; j’avais deuxboutiques où je vendais des boissons. Vous savez ceque c’est de perdre un enfant pour une mère ? C’est ceque j’ai ressenti ce jour-là. Quand il pleut, j’attends quela pluie s’arrête, et quand la pluie s’arrête, je vaischercher de l’eau chaude ou du thé. Mes enfants nevivent plus avec moi ; j’en ai envoyé trois dans le nordet un à Agbara. Je ne veux pas que mes enfantssubissent la souffrance que j’endure actuellement. »

Un bulldozer démolit des habitations à Badia-Est, le 23 février 2013.

Ci-dessous : Un policier brandit ungourdin pendant le démantèlement.Selon les témoignages d’habitantsrencontrés par Amnesty, despoliciers lourdement armés ontencadré le démantèlement et rouéde coups plusieurs personnes quitentaient de résister.

Bimbo Osobe et d’autreshabitants de Badia-Ests’adressent aux médiaslors d’une manifestationdevant les bureaux dugouverneur de l’État deLagos (25 février 2013).

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chili

10le Fil [ sept/oct 2013 ]

o slo, Norvège, 25 juin 2013 : C’est l’un de cesmoments où le temps semble s’arrêter. Unerencontre entre deux hommes dont les vies se

sont croisées dans des circonstances dramatiques,voilà près de 40 ans.

« Vous m’avez aidé à fuir le Chili », dit VictorHormazabal, 67 ans, en serrant doucement la mainde Frode Nilsen.

L’ancien diplomate, bientôt nonagénaire, retientses larmes lorsqu’il comprend que Victor est l’un descentaines de Chiliens qu’il a aidés à fuir lestortionnaires et les bourreaux du général AugustoPinochet après le coup d’État de 1973.

Connu pour le vif intérêt qu’il témoignait àchacune des personnes auxquelles il est venu enaide, Frode est visiblement attristé de ne pas sesouvenir du cas particulier de Victor.

Mais Victor, lui, se souvient. Du moindre détail decette opération de sauvetage, dans laquelle Frode ajoué un rôle clé.

Valdivia, Chili, novembre 1973 : « Qu’est-ce quevous savez sur les armes ? », interroge une voixfurieuse. Derrière le bandeau qu’il a sur les yeux,Victor reconnaît son tortionnaire. C’est le lieutenantqui a mené son premier interrogatoire, lorsqu’il a étéarrêté, plusieurs semaines auparavant. Il fait tomberles six balles de son revolver sur la table, en remetune dans le barillet et pointe le canon sur la tête deVictor.

« Où sont les armes ? », reprend-il. « Je n’en saisrien », répond Victor. Le pharmacien de 27 ans,membre du Parti socialiste et responsable de lasection locale du syndicat du personnel hospitalier,

un sacrÉrouBlard

n’a pas connaissance d’un prétendu projetd’enlèvement visant des familles de militaires afind’obtenir des armes et de monter un contre-coupd’État.

Bruit du barillet. Chambre vide. « Où sont lesarmes ? », hurle le tortionnaire. « Je n’en sais rien »,répète Victor. Bruit du barillet. Chambre vide. Àquatre reprises, le barillet tourne. Puis sontortionnaire s’interrompt subitement.

« Au début, on a peur. Puis on ne pense plus qu’àla survie. On arrive à un point où le corps peut toutencaisser », relate Victor. Il a toujours de légèresmarques sur le front, aux endroits où ses bourreauxplaçaient les électrodes.

Oslo, septembre 1973 : « Les Chiliens fêtent lecoup d’État comme les Norvégiens ont fêté le 8 mai1945 [le dernier jour de l’occupation de la Norvègepar les nazis] », rapporte August Fleischer, alorsambassadeur de Norvège au Chili. Il est soulagé qu’ily ait à nouveau du fuel domestique dans la capitale,Santiago.

Le Premier ministre norvégien, Trygve Bratteli,est furieux. Alors que d’autres ambassades ontouvert leurs portes aux réfugiés, August Fleischerrefuse. La situation est embarrassante pour legouvernement travailliste.

Frode Nilsen, diplomate chevronné, est dépêchéau Chili en qualité d’émissaire spécial chargé desquestions d’asile, avec pour mission d’apporter uneaide politique aux victimes de persécutions. Ayantpassé trois ans dans l’Espagne du général FranciscoFranco, il parle espagnol et a déjà porté secours à desopposants.

après le coup d’État de 1973 au chili, l’amBassadeur Frodenilsen dîne aVec les plus hauts responsaBles de la dictaturemilitaire. dans leur dos, il Fait passer des opposantsclandestinement en norVèGe. par marianne alFsen et FeliX media

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chili

11le Fil [ sept/oct 2013 ]

« On m’a donné une grande latitude », se souvientFrode, laissant entendre qu’il a contourné la plupartdes règles de la diplomatie pour mener à bien samission. « J’avais le ministre des Affaires étrangèresde mon côté, mais je veillais à ne pas risquer d’êtreexpulsé. Si l’on m’avait forcé à quitter le pays, jen’aurais plus pu aider personne. Je me suis doncarrangé pour nouer des liens avec les bonnespersonnes, celles qui prennent les décisions »,raconte-t-il.

Il dîne même avec le général Augusto Pinochet etson épouse, Lucía Hiriart. Au cours du repas, il al’audace de demander directement à Pinochet del’aider sur une affaire. « Plus tard, lors d’une réceptiondiplomatique, Pinochet m’a fait signe d’approcher et adéclaré aux gens qui se trouvaient à côté de lui :“Messieurs, voici l’homme qui veut sauver lemonde”. »

« Quand mon père s’adresse à vous, vous avezl’impression qu’il n’est là que pour vous. Vous sentezque vous comptez. C’est pour ça que les gens l’ontécouté, c’est comme ça qu’il a gagné le soutien desgens qui avaient du pouvoir », explique sa fille, RandiElisabeth Nilsen.

« Chaque personne a de la valeur. Il ne fautjamais l’oublier, insiste Frode. J’étais un sacréroublard », ajoute-t-il en riant.

De novembre 1973 à septembre 1974, il a obtenuun quota de 100 réfugiés autorisés à gagner laNorvège. Il examinait méticuleusement chacun desdossiers qui lui étaient soumis par un réseau decontacts. « J’ai choisi ceux qui avaient le plus besoinde notre aide », explique Frode Nilsen.

En détournant l’attention des sentinelles en factionà l’entrée de l’ambassade ou en se liant d’amitié avecelles, il fait entrer et sortir furtivement des gens. Ilsuffit parfois qu’une voiture franchisse assezlentement les grilles de l’ambassade pour permettre àdes personnes dissimulées à l’extérieur de courirderrière, accroupies, sous le nez des sentinelles, et dese mettre ainsi en sécurité sans bruit.

« Mon premier secrétaire se débrouillait commeun chef dans le réseau de ruelles », se souvientFrode. Ils parvenaient ainsi, raconte-t-il, à conduiredes opposants à l’aéroport et à les embarquer sur desvols Scandinavian Airlines à destination d’Oslo.

En 1975, Frode Nilsen retourne au Chili en qualitéd’ambassadeur, un poste qu’il occupera à nouveau de1988 à 1992. Il peut alors mettre à profit un décretdisposant que certains prisonniers politiques peuventêtre libérés s’ils obtiennent un visa pour un autrepays.

Prison de Santiago, 1975 : « Vos amisnorvégiens me tarabustent pour que je vous fassesortir », explique l’homme guindé et tiré à quatreépingles assis face à Victor. « Mais je ne connaispersonne en Norvège ? » Il se creuse la tête. Qui estce Frode Nilsen qui prétend pouvoir l’aider à sortir

de prison ? Où il a parfois été obligé de boire l’eaudes toilettes et de manger du pain moisi oublié dansles cellules ?

Les « amis » de Victor en question appartiennentau Groupe 6 d’Amnesty à Oslo, qui l’a adopté comme« son » prisonnier d’opinion. L’évêque de Valdivia areçu ensuite une lettre lui demandant s’il peut fairequelque chose pour éviter la peine capitale à Victor.Après sept semaines d’angoisse, sa peine a étécommuée en prison à perpétuité et il a retrouvé lesommeil.

« J’étais sceptique, mais j’ai décidé de faireconfiance à Frode. Il avait l’air de se préoccupersincèrement de mon cas », se souvient Victor.

Par deux fois, Pinochet rejette sa demanded’autorisation de déplacement. Plus tard, Victorapprend que Mónica Madariaga – alors ministre de laJustice du Chili, cousine de Pinochet et auteure de latristement célèbre loi d’amnistie de 1978, qui metencore nombre de partisans du régime à l’abri despoursuites – a glissé sa requête dans une pile decourriers que Pinochet a signés sans y accorder plusd’attention.

Frode confirme que Mónica Madariaga était bienl’un de ses contacts les plus précieux. « Je suisparvenu à la convaincre de m’aider, raconte-t-il. Lesoutien que j’ai reçu d’Amnesty a également étéinestimable. Quand je négociais, c’était bien que marequête ait l’appui d’Amnesty. »

En mars 1977, Victor Hormazabal a atterri à Oslo.Dans sa poche, il avait les noms de ses soutiensnorvégiens, parmi lesquels le chef du Groupe Ljand’Amnesty à Oslo, Carl Halse. Il a aidé Victor àdécrocher un emploi à l’école de sciences vétérinairesde Norvège, où il a travaillé jusqu’à son départ à laretraite, il y a peu. Il reste un membre actif d’AmnestyNorvège.

Oslo, 1982 : Victor n’en croit pas ses yeux. Lalettre dit que Ramona Albornoz de Carril, « sa »prisonnière d’opinion d’Argentine, a été relâchée.Voilà quatre ans que son groupe local d’Amnesty faitcampagne pour sa libération. Donner quelque choseen retour, cela fait du bien.

En haut : Frode Nilsen, ancien ambassadeur deNorvège au Chili.En bas à gauche : Victor Hormazabal.À droite : Le général Augusto Pinochet en 1987.En bas à droite : C’est l’un de ces moments où le tempssemble s’arrêter. Une rencontre entre deux hommesdont les vies se sont croisées dans des circonstancesdramatiques, voilà près de 40 ans. Frode Nilsen, ancienambassadeur de Norvège au Chili, réalise que VictorHormazabal fait partie des nombreuses personnes qu’ila aidées à échapper à Augusto Pinochet dans lesannées 1970.

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12le Fil [ sept/oct 2013 ]

É tudiant en ingénierie, Zayed Ziaoddin Nabavi,surnommé Zia, purge une peine de 10 ans deprison en Iran. Dans la plupart des pays, ses

« crimes » ne seraient pas qualifiés d’infractions. Maisson histoire est emblématique de celle des nombreuxétudiants militants pris dans l’étau de l’appareilrépressif iranien.

Zia a été arrêté en juin 2009 après avoir participéà une grande manifestation organisée à la suite desrésultats contestés de l’élection présidentielle. Il a étéfrappé pendant son interrogatoire, puis condamné auterme d’un procès fondamentalement inique.

Depuis sa prison, il a composé un poème adresséau juge. En voici un extrait : « L’étrange sentence, quevous m’infligez… la justice et l’équité piétinées. »

« il n’Y a plus de place pour larÉsistance »Les tentatives d’étouffement de la dissidence dansl’enseignement supérieur se sont multipliées aprèsl’élection de Mahmoud Ahmadinejad à la présidencedu pays en 2005. Son gouvernement a fait un usagecroissant de mesures radicales permettant auxuniversités de suspendre et renvoyer des étudiantspour leurs activités militantes ou leurs croyances.

Sa réélection controversée en 2009 a déclenchédes manifestations de grande ampleur. Les forces de

sécurité ont fait des descentes dans les universités etles foyers d’étudiants à travers le pays, tuant au moinssept étudiants et procédant à des arrestationsmassives. Des dizaines de publications etd’associations étudiantes ont également été interdites.

Ancien étudiant à l’université de Téhéran, SaharRezazadeh a résumé la situation en ces termes : « Iln’y a plus de place pour la résistance dans lesuniversités. »

les liBertÉs des uniVersitairesmuselÉesLes autorités s'en prennent également auxuniversitaires dont les opinions sont jugées« suspectes ». Les universités ont renvoyé, mis à laretraite forcée et intimidé des dizaines d’enseignants.Beaucoup ont été arrêtés et poursuivis en justice.

Cette tendance s’est intensifiée au cours des30 dernières années, avec l’exclusion ou le renvoi demilliers d’étudiants. Ils appartenaient à des minorités,étaient devenus militants ou avaient exprimé des« opinions inacceptables ».

Beaucoup sont victimes de la détermination desautorités à « islamiser » l’enseignement supérieur.Cette politique s’est traduite par des suppressions decours, la séparation des étudiants et des étudiantes,l’exclusion des femmes de certaines matières, et pardes sanctions visant notamment les femmes quidérogent aux stricts codes vestimentaires et deconduite.

des « aVeuX » arrachÉs sous latortureBeaucoup d’étudiants ont été torturés et condamnéspour des « infractions » floues lourdementsanctionnées.

Étudiant à l’université Amir Kabir de Téhéran,Ehsan Mansouri a été condamné à 22 mois de prisonà la suite de son arrestation en 2007. Il a raconté avoirété torturé pendant 13 jours jusqu’à ce qu’il « avoue ».Devant la cour, il a voulu se plaindre auprès du juge :

« Je lui ai dit que je voulais poursuivre les servicesde renseignement parce que j’avais été torturé. Il m’arétorqué qu’il m’enverrait à l’isolement si je troublaisl’ordre dans la salle d’audience. »

Militante des droits des femmes et membre de laplus grande association étudiante d’Iran, BeharehHedayat purge actuellement une peine de 10 ans de

les uniVersitÉsiraniennes BÂillonnÉes

« les universités sont la voix du peuple,et c’est pourquoi ils essaient de lesréduire au silence », a déclarérécemment un étudiant iranien à deschercheurs d’amnesty en turquie.comme tant d’autres étudiants, il aété contraint à l’exil pour échapperaux persécutions et pour ne pas setrouver exclu de l’enseignementsupérieur. leurs histoires témoignentde la purge des universités par l’Étatiranien, qui veut y éliminer toutepensée indépendante et toutedissidence.

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mon militantisme

13le Fil [ sept/oct 2013 ]

J e suis née à Hérat, en Afghanistan, peu après lecoup d’État de juillet 1973. Mon père, qui avait étégouverneur dans le gouvernement afghan avant le

régime communiste, m’appelait « ma petiterévolutionnaire ».

Je me souviens que ma mère portait desminijupes et nous emmenait au cinéma. Ma tanteallait à l’université et faisait seule le voyage en busentre Kaboul et Hérat. Tous les vendredis, nousfaisions de grands pique-niques.

Le malheur s’est abattu sur l’Afghanistan après larévolution de Saur, en 1978. Nous nous sommescachés dans la cave, mais nous entendions le bruitdes armes. Les communistes ont jeté mes frères enprison et sont venus chercher mon père à deuxreprises.

En 1982, la vie est devenue très dure pour mafamille. Les écoles étaient attaquées, les enseignantsabattus et les étudiants empoisonnés. Souvent, monpère nous annonçait que des amis à lui avaient« disparu », avaient été tués, ou avaient fui. La peurétait omniprésente, et c’était extrêmement dur pourmon père.

Il nous a installés à Kaboul quand j’avais neuf ans.Mais il y est mort du cancer. Notre vie a changé. Monfrère, qui avait 16 ans, a été enrôlé de force dansl’armée. Mes frères aînés ont fui le pays.

J’ai pu finir ma scolarité et je suis allée àl’université de Kaboul étudier le journalisme, mais laguerre civile a éclaté en 1992. L’université s’esttransformée en champ de bataille. Les différentesfactions moudjahidin se disputaient le pouvoir etpilonnaient les zones habitées. Notre maison a ététouchée par un tir de roquette qui a tué mon plusjeune frère. Vous pouviez être pris pour cible pourn’importe quel motif, voire sans aucune raison.

Je me suis mariée, j’ai eu ma fille et je suis partiepour le Pakistan. J’y ai trouvé un travail où j’ai fait dureportage sur l’Afghanistan.

En 2002, nous sommes retournés à Kaboul aprèsla chute du régime taliban.

La ville n’était plus qu’un tas de ruines. Les talibansétaient partis, mais les gens avaient toujours peur.

Amnesty International venait d’ouvrir un bureau àKaboul. J’ai déposé une candidature et obtenu unposte. Puis, en 2008, on m’a proposé de devenirchargée de recherches sur l’Afghanistan à Londrespour Amnesty, et nous y sommes partis avec monmari et mes trois enfants.

Je voudrais travailler pour la Cour pénaleinternationale et l’amener à envisager d’ouvrir uneenquête sur les crimes de guerre commis enAfghanistan afin que leurs auteurs, quel que soit lerégime sous lequel ils ont agi depuis 1978, soienttraduits en justice. Tant que ces gens-là graviterontdans les cercles du pouvoir, rien ne changera enAfghanistan.

Extrait de If I can be a voice, exposition réalisée par la British AfghanWomen’s Society et Amnesty International royaume-Uni. rendez-vous surbritishafghanwomen.org.

Ci-dessus : Horia à Téhéran, en Iran, à l’occasion d’unevisite à sa sœur, qui y était réfugiée en 1991.

chargée de recherches sur l’afghanistan à amnesty,horia mosadiq a figuré récemment dans une expositionde photographies sur les femmes afghanes au royaume-uni. elle a expliqué au Fil que c’est la guerre et la perted’êtres chers qui l’ont amenée au militantisme.

prison, notamment pour « outrage au président » et« collusion en vue de porter atteinte à la sécuriténationale ».

En avril 2012, elle disait sa tristesse d’êtreincarcérée dans une lettre ouverte : « Vous voyez votrevie qui vous passe à côté. »

Lauréat du Prix des étudiants norvégiens pour lapaix en 2013, Majid Tavakkoli a été arrêté endécembre 2009 après avoir pris la parole lors d’unrassemblement étudiant pacifique. Le lendemain, uneagence de presse officielle publiait une photo de luiportant des vêtements de femme, manifestement pourl’humilier.

Près de 450 hommes ont répliqué en postant surInternet des photos d’eux arborant des voiles defemme, certains brandissant des pancartes surlesquelles était inscrit « Nous sommes Majid »(regardez-les à l’adresse bit.ly/We-Are-Majid). Majid aété condamné à neuf ans de prison et s’est vuinterdire de quitter l’Iran ou de poursuivre ses études.

À l’approche de la rentrée universitaire, nousappelons les autorités nouvellement élues d’Iran àprotéger les droits des étudiants et des professeursd’université et à obliger les membres des forces desécurité qui commettent des violations des droitshumains à rendre des comptes.

aGisseZAidez-nous à obtenir la libération de Zia Nabavi : toutes les informations nécessaires se trouvent dans l’Appel mondial ensa faveur en page 23.

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À gauche en haut : Behareh Hedayat, membre de laCampagne pour l'égalité organisée en Iran.En bas : Majid TavakkoliCi-dessus : Zia Nabavi

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sri lanKa

14le Fil [ sept/oct 2013 ]

l ouisa Palairet s’estime heureuse de pouvoir veniren aide à d’autres personnes en toute sécurité,depuis sa maison de Hawke’s Bay, en Nouvelle-

Zélande, sans avoir à redouter des persécutions.Elle a commencé à militer en 1978, année de son

adhésion à un groupe local d’Amnesty International.En 2013, le groupe s’est attelé au cas de PrageethEknaligoda, un journaliste et détracteur dugouvernement qui a disparu le 24 janvier 2010.

« Son épouse Sandya a énormément de courage,a confié Louisa. Nous avons la possibilité d’ajouter nosvoix à la sienne et à de nombreuses autres de par lemonde, sans courir de risques pour notre sécurité. »

Quoiqu’elle s’indigne de voir qu’un pays affichantun aussi triste bilan en matière de droits humains quele Sri Lanka ait pu être autorisé à accueillir la réuniondes dirigeants du Commonwealth en novembre,Louisa estime que l’on peut tourner l’événement ànotre avantage.

« Amnesty doit y voir une occasion de mettre enavant la question des droits humains et de faire unpeu de battage, a-t-elle poursuivi.

« Il faut harceler le gouvernement de la Nouvelle-Zélande pour qu’il presse le gouvernement du SriLanka de dire la vérité. »

chanceuX d’Être encore en VieNirupa George avait quatre ans quand sa famille et elleont quitté le Sri Lanka, en 1983, fuyant les pogroms quiont causé la mort de centaines de Tamouls et qui, auxyeux de beaucoup, ont marqué le début de la guerrecivile. « Nous avons la chance d’en avoir réchappé etd’être toujours en vie », a déclaré Nirupa.

Elle vit aujourd’hui à Auckland, où elle est avocatepour les réfugiés depuis deux ans, mais elle continuede suivre de près la situation au Sri Lanka.

sri lanKadites la VÉritÉ

« Il faut continuer à parler du Sri Lanka. Dèsl’instant où l’on arrêtera, la question sera enterrée. »

Un sujet de préoccupation pressant est la réuniondu Commonwealth à venir. Nirupa soutient fermementqu’elle ne devrait pas avoir lieu au Sri Lanka en raisondes atrocités qui y ont été et sont encore commises.

« En acceptant de se rendre à une réunion là-bas,les gouvernements montrent qu’ils sont prêts à fermerles yeux sur ces atrocités, a-t-elle souligné.

« Les gouvernements étrangers doivent sepositionner. S'ils ne le font pas, ils laissent entendreque l’on peut commettre des violations des droitshumains, des crimes de guerre, des crimes contrel’humanité – sans avoir à rendre de comptes. »

Un avis partagé par Rahwa Adhanom, uneétudiante d’Auckland qui est arrivée en Nouvelle-Zélande du Soudan avec sa famille éthiopienne en1998. « Cela ferait un tort considérable aux droitshumains qu’une réunion de cette importance ait lieudans un pays à l’histoire glaçante, avec ungouvernement qui continue de s’en laver les mains »,a-t-elle commenté.

une lettre à la reineC’est la projection, en juin, du film No Fire Zone deCallum Macrae à Auckland, qui a convaincu RichardGreen, membre d’Amnesty de longue date, de passerà l’action. Ce film, qui met en évidence les violationscommises à la fin de la guerre au Sri Lanka, l’atellement révolté qu’il a immédiatement pris la plume.

à l’heure oÙ le sri lanKa se prÉpare à accueillir une rÉuniondes diriGeants du commonWealth, des sYmpathisantsd'amnestY Font pression sur leurs GouVernements dans lemonde entier pour Qu'ils demandent à ce paYs de rendre descomptes sur les Violations prÉsentes et passÉes. desmilitants d’amnestY nouVelle-ZÉlande eXpliQuent pourQuoicette dÉmarche est importante à leurs YeuX.

Louisa Palairet et Tony Johnson, membres d’AmnestyInternational à Hawke’s Bay, compulsent un dossier surle journaliste sri-lankais Prageeth Eknaligoda, portédisparu.

« Ce serait incroyable de pouvoir dire unjour que le Sri Lanka est un pays où TOUSles citoyens ont la garantie que leursdroits fondamentaux sont respectés,sont libres d’exprimer publiquementleurs inquiétudes, sont autorisés àparticiper à l’élection démocratique deleurs dirigeants et peuvent attendretransparence et justice de la part de leurgouvernement. »Himali McInnes 

« Nous écrirons aux autorités du SriLanka et sensibiliserons l’opinion àl’histoire de Prageeth. Nous mettrons letemps qu’il faudra, jusqu’à ce que nousobtenions une réponse sincère. » Louisa Palairet

Himali et son époux, Ian McInnes, à pied d’œuvre auSri Lanka, en 2007.

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© Warren Buckland Hawke’s Bay Today

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15le Fil [ sept/oct 2013 ]

« Je savais qu’il y avait eu des atrocités au SriLanka, a-t-il relaté, mais les attaques évidentes surdes civils et des hôpitaux sont tout bonnementabominables. Aucun dirigeant impliqué dans de tellesviolations ne devrait échapper à la justice. »

Dans ses courriers, Richard incitait tous lesdirigeants – y compris la reine Elizabeth II, chef duCommonwealth – à visionner le film et à réclamerl’ouverture d’une enquête internationale exhaustive etimpartiale sur les crimes commis par les deux partiesau conflit.

Il encourage tous les gens à suivre son exemple età écrire à leurs responsables politiques locaux pourleur faire savoir que ce sujet mérite leur attention.

« Je suis rentré assez secoué après laprojection du film et je me suis dit qu’ilfallait tout de suite que j’écrive unelettre à mon député et aux dirigeants detous nos partis politiques – et j’ai aussiinclus la reine. » richard Green

Nirupa George (deuxième en partant de la gauche) encompagnie de quelques enseignants de l’associationPoonga, qui vient en aide aux migrants tamouls, àAuckland, en Nouvelle-Zélande.

« Si le Sri Lanka accueille la réunion duCommonwealth, cela entachera laréputation de ce sommet historique » rahwa Adhanom

des aspirations communesHimali McInnes n’avait qu’un an quand elle a quitté leSri Lanka. Elle vit en Nouvelle-Zélande depuis 20 ansmais se rend régulièrement au Sri Lanka, où elletravaillait pour les Nations unies lorsque la guerre abrusquement pris fin.

Sa principale inquiétude est que la populationtamoule du pays ne bénéficie pas des mêmes droitsque la majorité cingalaise dont elle fait partie. « LesTamouls vivent au Sri Lanka depuis 2 000 ans ; ilssont Sri-Lankais et rien d’autre, a-t-elle déclaré. J’aitravaillé dans le nord-est du pays et j’ai vu de mesyeux le calvaire que vivaient de nombreux civilstamouls. J’ai souvent été frappée par nos aspirationscommunes : le fait que nous voulons tous une viemeilleure pour nous-mêmes et nos familles. »

Le souhait de Himali pour le Sri Lanka, qui estaussi celui de tant de militants à qui nous avons parlélà-bas, est clair : « Ce serait incroyable de pouvoir direun jour que le Sri Lanka est un pays où TOUS lescitoyens ont la garantie que leurs droits fondamentauxsont respectés, sont libres d’exprimer publiquementleurs inquiétudes, sont autorisés à participer àl’élection démocratique de leurs dirigeants et peuvent

attendre transparence et justice de la part de leurgouvernement. »

La réunion du Commonwealth pourrait permettrede faire un pas dans cette direction si les dirigeantsprennent position en exhortant le Sri Lanka à dire lavérité sur les violations qu'il s’est jusqu’à présentsoigneusement appliqué à dissimuler.

Rahwa Adhanom recueille des signatures pour unepétition d’Amnesty, à Auckland, en 2012.

Richard Green et son épouse, Jeanette Miller, recevantun prix récompensant leur travail exceptionnel enfaveur des droits humains, à l’occasion de la réunionannuelle d’Amnesty Nouvelle-Zélande, en 2012.

« La communauté internationale doit sepositionner. Si elle ne le fait pas, ellelaisse entendre que l’on peut violer lesdroits humains sans avoir à rendre decomptes. » Nirupa George

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16le Fil [ sept/oct 2013 ]

russie © REUTERS/Alexander Demianchuk

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liBertÉ d’eXpression

17le Fil [ sept/oct 2013 ]

: priVÉs d’oXYGènedes vagues de protestation ontaccompagné le retour deVladimir poutine au poste deprésident de la Fédération derussie en mars 2012. depuis,le parlement a adoptétellement de nouvelles loisréduisant les libertés civilesque certains le surnommentdésormais « l’imprimantefolle ». le Fil se penche sur sixde ces lois qui entravent laliberté des citoyens de seréunir et d’exprimer leursopinions.

Beaucoup de hauts responsables russes sontsensibles aux critiques et accusent souventleurs détracteurs de diffamation. Cetteinfraction est passible de lourdes peines.L’ancien président Dimitri Medvedev avaitdépénalisé la diffamation mais le présidentPoutine est revenu sur cette décision peuaprès, en juillet 2012. C’est une lourdemenace qui pèse sur les personnes quicritiquent les représentants du gouvernement,qui peuvent décider de les poursuivre pourdiffamation.

Le marquage au fer rouge des ONG en tant qu’« agents de l’étranger » a été aggravé parune nouvelle loi sur la trahison etl’espionnage, adoptée en novembre 2012.Celle-ci donne une définition très large de latrahison et ouvre la voie à des interprétationsarbitraires de la part des autorités.Le risque que des poursuites soient engagéesen vertu de cette loi est très réel, étant donnéque certains hauts fonctionnaires, dont leprésident Poutine lui-même, continuentd’alléguer que les ONG russes de défense desdroits humains servent les intérêts depuissances étrangères.

La législation sur les rassemblements publics,déjà sévère, a été modifiée en juin 2012.C’était la première d’une série d’atteintes auxlibertés civiles observées l’année dernière. Cetamendement relevait nettement le plafond dela peine maximale encourue pour la violationde cette législation. Les contestatairespeuvent désormais se voir infliger une amendeallant jusqu’à 9 600 dollars des États unis.Les autorités ont également créé une nouvelleinfraction : « présence ou circulation collectivesimultanée de personnes dans l’espacepublic. »Certains l’ont plus tard tournée en dérision endéposant officiellement des demandes dedérogation « pour fêter un anniversaire ».Pour ridicule qu’elle soit, cette nouvellelégislation a déjà été utilisée par la police deSaint-Pétersbourg afin de disperser des jeunesqui faisaient une bataille de boules de neigeainsi qu’un rassemblement express pour unebataille de polochons.

La police antiémeute marche en ranglors d'une manifestation contre VladimirPoutine à Saint-Pétersbourg, en Russie,le 15 septembre 2012.

Finies les Batailles de Boules de neiGe

Une loi de juillet 2012 exige des ONG qu'elless'enregistrent en tant qu’« agents del’étranger » si elles reçoivent des fondsd’autres pays et participent à des « activitéspolitiques », ce qui est vague. Ce textestigmatise les ONG et les défenseurs desdroits humains. Une ONG qui ne s’enregistrepas s’expose à de lourdes amendes, sesactivités sont suspendues et ses responsablesencourent des peines de prison.Les bureaux d’Amnesty à Moscou et d’autresONG internationales ont été inspectés enmars. Les cibles les plus fréquentes sont lesONG de défense des droits humains quicritiquent haut et fort les autorités russes,mais des clubs de pêche et des associationsde défense de l’environnement ont égalementété officiellement enjoints de s’enregistrer entant qu’« agents de l’étranger ».

les onG QualiFiÉesd’« aGents de l’ÉtranGer »

accusations arBitrairesde trahison etd’espionnaGe

menaces de poursuitespour diFFamation

Une autre loi signée par Vladimir Poutine enjuin de cette année a été qualifiéed’homophobe par Amnesty. Elle interdit auxparticuliers et aux associations de « faire lapropagande des relations sexuelles nontraditionnelles auprès des mineurs » et de« promouvoir l’égale valeur, dans la société,des relations sexuelles traditionnelles et nontraditionnelles ».Toute personne, y compris étrangère, vue entrain d’enfreindre cette loi encourt uneamende pouvant monter jusqu’à 3 000 dollarsdes États unis. Les citoyens étrangers risquentl’arrestation et l’expulsion. Les actes dediscrimination, de harcèlement et d’agressionvisant les lesbiennes, les gays et lespersonnes bisexuelles, transgenres etintersexuées (LGBTI) se sont multipliés enrussie ces derniers temps, et desmanifestations pacifiques de LGBTI ont étédispersées.En juillet, quatre ressortissants néerlandaisont été brièvement placés en détention envertu de cette loi pour avoir réalisé desinterviews filmées de gays et de lesbiennes.

En mars 2012, trois membres du groupe punkféministe Pussy riot ont été arrêtées pour« houliganisme motivé par la hainereligieuse » après avoir interprété unechanson engagée dans une cathédrale deMoscou. Le 17 août, elles ont été condamnéesà deux ans de prison.Plus de 50 000 russes ont signé une lettre desoutien sur Internet en leur faveur. Pourautant, un sondage d’opinion a montré que laplupart des russes voyaient dans laprestation des Pussy riot une forme dehouliganisme et de profanation.Le droit international relatif aux droitshumains est pourtant clair : la libertéd’expression s’étend à l’expression pacifiquede sa personnalité, même si elle est jugéechoquante ou de mauvais goût.En réaction à l’affaire des Pussy riot, et dansun but dissuasif, un nouveau projet de loi aété adopté en septembre 2012 qui érige eninfraction « l’insulte aux croyances et auxsentiments religieux, la profanation d’objetsreligieux et sacrés, de lieux de culte et dedroits religieux ». Le texte est entré en vigueuren juin 2013.L’artiste sibérien Artem Loskoutov, qui a peintune Vierge à l’enfant, où tous les deux portentdes cagoules à la manière des Pussy riot,risque d’être poursuivi en vertu de cette loi.S’il est traduit en justice et reconnu coupable,il pourrait encourir de lourdes amendes, voireune peine de prison.

les pussY riot« BlasphÉmatoires »

lÉGalisation del’homophoBie

aGisseZLe 7 octobre verra le départ de la flamme desJeux olympiques d’hiver, qui auront lieu en russie, et l’anniversaire du président Poutine. Aidez-nous à marquer cette journée en signant notre pétition réclamant l'abrogation de ces lois répressives et davantage d’oxygène pour le peuple russe. rendez-vous à l’adresse bit.ly/room-to-breathe.

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Éducation auX droits humains

18le Fil [ sept/oct 2013 ]

anna KouliKoVsKa raconte au Fil comment,à Force de dÉBats et de nuits Blanches,amnestY poloGne a trouVÉ de nouVeauXmoYens d’inciter les Jeunes à militer pourles droits humains.

une petite rÉVolutionpar les chemins de traVerse n ous avons lancé le projet Éducation pour la dignité humaine

(E4HD) en 2010 avec de nombreux doutes. Le but était assezsimple : sensibiliser et inciter les jeunes à lutter contre les

violations des droits humains, facteurs de pauvreté. Mais, pour ce faire, nous avons dû utiliser un nouvel outil : la

méthode participative. Séduisante en apparence, elle était aussi trèsdéroutante et très différente de la manière dont nous avions menénos projets de sensibilisation aux droits humains jusque-là.

Au début, nous avions des doutes, nous débattions, et il nousest même arrivé de passer des nuits blanches. C’était comme si l’onvous disait : « Quittez l’autoroute et prenez ce chemin de traverse àla place. » Il fallait remonter loin en arrière, aux fondamentaux de lasensibilisation, laisser derrière nous nos vieilles méthodes et nosvieux manuels, et repartir de zéro en nous fondant sur lesexpériences individuelles.

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Éducation auX droits humains

19le Fil [ sept/oct 2013 ]

crÉer des passerellesNotre action s’est articulée autour de deux axes : poser desquestions et trouver un langage commun pour sensibiliser les jeunesà la question de la pauvreté. Nous avons revu entièrement notrematériel éducatif et demandé à des groupes de jeunes de différentspays ce qu’ils pensaient de la dignité, de la pauvreté et des droitshumains.

Quand nous avons démarré les séances de formation locales,nous n’avons pas utilisé de programme ou de matériel prédéfinis.C’étaient les expériences, les connaissances et l’engagement desparticipants qui nous guidaient. Nous n’étions plus ni desformateurs, ni des enseignants, mais des animateurs essayant decréer des passerelles entre des expériences personnelles dans leshémisphères nord et sud.

Plus nous pratiquions la méthode participative, mieux nous lacomprenions. Et les résultats sont arrivés. « Grâce aux ateliers, je mesuis rendu compte que, si je voulais faire quelque chose pour lesautres, il fallait que je m’investisse dans la vie publique. Et, surtout,que je devais commencer par moi-même », a confié Natalia, uneélève de 15 ans.

Mateusz, un enseignant de 29 ans, nous a raconté : « Lanouvelle méthode m’a permis de redynamiser mes séances deformation. J’ai l’impression de pouvoir recommencer à enseigner àl’école. »

Un volet important du projet a été la conception du portail enligne RespectMyRights.org. Inspiré des réseaux sociaux, c’est unexcellent moyen pour les jeunes du monde entier d’entrer encontact, d’apprendre et de passer à l’action.

des partenariats stimulantsLa conclusion de partenariats autour du projet était essentielle etnous avons entamé une collaboration étroite avec des confrèresd’Amnesty en Afrique du Sud et en Sierra Leone. Des déplacementsen Afrique ont été l’occasion de voir que la méthode participativepouvait être employée dans le monde entier.

Par exemple, nous avons vu des pièces de théâtre dans desbidonvilles sur des problèmes concrets liés à la pauvreté, commel’accès à l’éducation. En montrant que des solutions fondées sur les

droits humains sont possibles, ces pièces peuvent inciter les gens àdevenir des acteurs du changement dans leur entourage. Elles nousont d’ailleurs inspirés, nous aussi.

une petite rÉVolutionTrois ans plus tard, le projet a eu des retombées considérables : enPologne, on a dénombré 74 écoles partenaires, 20 012 jeunesparticipants, 542 séances de formation dans les établissementsscolaires, 792 « démultiplicateurs » formés pour guider leurs pairs et224 manifestations.

Le plus beau résultat a été la reconnaissance de la méthodeparticipative comme un moyen efficace de développer Amnestydans sa globalité. Elle est désormais reprise dans l’ensemble de nosactions, dont le militantisme, la planification et l’évaluation.

Nous pouvons aujourd’hui regarder dans le rétroviseur et direque le chemin de traverse valait la peine d’être emprunté, parce quecette façon de travailler a révolutionné notre approche de tout ceque nous faisons.

Ci-dessus : Des élèvesparticipent à la campagnecontre les expulsions forcéesen Afrique. Ils joignent leursmains pour représenter destoits de maisons. Pologne,mars 2012.À gauche : Spectacle organisépour un atelier d'éducationaux droits humains àFreetown, en Sierra Leone, en2011.À droite : « L'éducation est undroit humain et droits humains= moins de pauvreté » : desélèves en Pologne participentà la semaine d'actionmondiale pour l'éducation, ennovembre 2012.

le proJet Éducation pour la diGnitÉ humaine

n incite les jeunes à découvrir comment les violations des droitshumains font sombrer les gens dans la pauvreté et comment lemilitantisme et le respect des droits humains permettent de luttercontre celle-ci ;n utilise la méthode participative, une manière pertinente, durableet modulable d’aborder l’éducation aux droits humains ;n s'appuie sur trois manuels d’éducation aux droits humains(disponibles à l’adresse http://goo.gl/EtHQ5) et une plate-formed’apprentissage interactive : www.respectMyrights.org ;n a jusqu’à présent été mis en œuvre par Amnesty dans les payssuivants : Afrique du Sud, Burkina Faso, Ghana, Italie, Kenya,Malaisie, Maroc, Népal, Philippines, Pologne, Sierra Leone, Slovénie,et Zimbabwe ;n a formé 5 155 éducateurs et enregistré la participation de35 537 jeunes jusqu’à présent.

Pour en savoir plus ou participer à votre tour, envoyez un courriel à [email protected]

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peine de mort

20le Fil [ sept/oct 2013 ]

pourquoi êtes-vous opposé à la peine demort ?Des innocents peuvent être – et ont été – condamnésà mort et exécutés.

J’ai été détenu dans le couloir de la mort à la prisonde Richmond Hill, à la Grenade, de 1986 à 1991.En décembre 1986, j’ai été déclaré coupable de11 chefs d’accusation pour homicide et condamné àmort par pendaison avec 13 autres personnes, quiétaient comme moi d’anciens responsables dugouvernement ou de l’armée. Amnesty a qualifiénotre procès de « manifestement etfondamentalement inique ». La peine capitale étaitobligatoire à l’époque et nos condamnations ont étéconfirmées le 12 juillet 1991.

J’ai passé 1 715 jours dans le couloir de la mort etles 31 derniers jours ont été les plus durs. Lesautorités pénitentiaires ont monté la potence dansles 72 heures qui ont suivi la décision du 12 juillet.La potence n’était pas loin de nos cellules.Imaginez : vous êtes dans votre cellule, vous attendezd’être pendu, et vous entendez les coups de marteau

surViVre au couloir de la mort

incessants des ouvriers qui travaillent fébrilement àl’installation de la potence.

Les derniers jours, nous avons appris que les cinqpremiers d’entre nous allaient être préparés pour lapotence. Un des cinq est venu dans ma cellule pourme dire quelques mots d’adieux. Je me souviens trèsbien lui avoir dit : « Tiens bon, même si c’est la fin. »J’étais encore persuadé que quelqu’un interviendraitpour empêcher notre exécution.

À l’issue d’une campagne internationale énergique, àlaquelle ont participé Amnesty et d’autresorganisations de la Grenade et d’ailleurs, nous avonsété graciés et condamnés à la prison à perpétuité,alors que la perpétuité n’était pas prévue par lalégislation grenadienne.

Qu’est-ce que le nouveau réseau Greatercaribbean for life, qui milite contre la peinede mort, représente à vos yeux ? Il a fait du bon travail dans des conditions difficiles.N’oubliez pas qu’il intervient dans une région oùaucun des pays anglophones n’a encore aboli la

peine de mort. Par ailleurs, 27% des homicidescommis dans le monde se produisent ici, alors quenous ne représentons que 8,5% de la populationmondiale.

Le réseau (facebook.com/GCFLife) est une excellentetribune pour échanger des informations et des idéesafin de faire avancer la cause abolitionniste. Certainsabolitionnistes très impliqués et déterminés yparticipent, et j’ai énormément de respect pour eux,comme Camelo Campus Cruz, de la Coalitionportoricaine contre la peine de mort, ou LeelaRamdeen, de la Commission catholique pour lajustice sociale, à Trinité-et-Tobago.

Quels sont vos motifs d’inquiétude au sujetde la peine de mort à la Grenade ?Nous avons l’impression que rien ne bouge. Même sinous sommes abolitionnistes dans la pratique depuis35 ans, nous n’avons pas voté les résolutions desNations unies appelant à un moratoire surl’application de la peine de mort. C’est assezparadoxal.

La peine capitale n’est plus obligatoire [la loidisposait que les personnes qui avaient commiscertains crimes, comme un homicide, étaientobligatoirement condamnées à mort, même en casde circonstances atténuantes]. Les bases nécessairesà l’abolition définitive de la peine capitale à laGrenade sont donc en place. Il ne manque que lavolonté politique et une communication adéquate surle sujet.

« imaGineZ : Vous Êtesdans une cellule etVous attendeZ d’Êtrependu »

selWYn strachan a passÉ 1 715 Jours dans le couloir de lamort à la Grenade, aVant d’Être Finalement relÂchÉ en 2009,au terme de 26 ans de prison. il a racontÉ au Fil pourQuoicette eXpÉrience a Fait de lui un FerVent partisan del’aBolition de la peine capitale dans son paYs et à traVers lescaraïBes.

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peine de mort

21le Fil [ sept/oct 2013 ]

Que faites-vous pour faire évoluer lesmentalités au sujet de la peine de mort ?Je me donne énormément de mal pour sensibiliserles médias. C’est un travail de longue haleine.

Si l’opinion est largement favorable à la peine demort ici, c’est parce que le volet éducatif de lacampagne n’est pas encore totalement opérationnel.Or, c’est un élément essentiel. Mais les piètresconditions sociales et économiques dans lesquellesvivent encore les habitants des Caraïbes jouentégalement un rôle capital.

Néanmoins, je crois que le vent commencelentement à tourner. Ces 10 dernières années, lestribunaux ont pris des décisions historiques : dansl’affaire Pratt et Morgan, en Jamaïque, et dansl’affaire Hughes et Spence, à Sainte-Lucie. Ces deuxaffaires ont restreint les possibilités de recours à lapeine capitale, même si elles ne l’ont pas abolie.C'est un pas dans la bonne direction.

Quels ont été les effets sur votre vie et survotre action militante du soutien d’amnestypar le passé et de la campagne en courspour l’abolition de la peine capitale ?Le soutien d’Amnesty a joué un rôle considérablepour moi, compte tenu du fait que j’ai étéemprisonné pendant 26 ans, dont presque cinq dansle couloir de la mort.

Dans mon cas, Amnesty n’a jamais vacillé dans sacampagne inlassable contre la peine de mort.L’organisation a réclamé ma libération et celle demes codétenus du couloir de la mort car nous étions

incarcérés depuis des années à la suite d’un procèsn’ayant pas respecté les normes reconnuesinternationalement en matière de droits humains.Le rôle d’Amnesty dans mon sauvetage a grandementcontribué à mon engagement actuel contre la peinede mort.

avez-vous un message à faire passer auxdétenus condamnés à mort et aux militantsqui œuvrent pour qu’il n’y ait plusd’exécutions nulle part dans le monde ?Oui, mon message tient en peu de mots. À ceuxd’entre vous qui sont dans le couloir de la mort :gardez la foi, ne perdez pas espoir, la Coalitionmondiale contre la peine de mort(www.worldcoalition.org/fr/index) est à l’œuvre pourvous sauver la vie.

Et aux militants qui œuvrent pour qu’il n’y ait plusd’exécutions nulle part dans le monde : poursuivezvotre action remarquable et courageuse. Continuez àvous sacrifier pour les autres. Ce faisant, vousappliquez de manière concrète et constructive ceslogan fort : ARRÊTEZ LE CRIME, PAS LA VIE !

la peine de mort dans les caraïBesanGlophones

La peine capitale est maintenue dans la législationde tous les pays anglophones des Caraïbes :Antigua-et-Barbuda, les Bahamas, la Barbade, leBelize, la Dominique, la Guyane, la Grenade, laJamaïque, Sainte-Lucie, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-les-Grenadines et Trinité-et-Tobago.

La peine capitale est dans la plupart des casprononcée pour meurtre et appliquée par pendaison.La trahison et le terrorisme sont des infractionspassibles de la peine capitale dans certains pays.

La Grenade n’a procédé à aucune exécution depuis1978 et est considérée comme un pays abolitionnistedans la pratique.

Pour les personnes déclarées coupables d’homicide àla Barbade et à Trinité-et-Tobago ou de trahison à laBarbade, la seule sentence possible est la mort (lapeine de mort est obligatoirement prononcée).

La dernière exécution qui a eu lieu dans la régionest celle de Charles Laplace, pendu à Saint-Kitts-et-Nevis en 2008.

aGisseZLa Journée mondiale contre la peine de mort a lieu le 10 octobre. Signez notre pétition à l’adresse www.amnesty.org/fr/death-penalty

Selwyn Strachan lors d'une visite à AmnestyInternational à Londres, au Royaume-Uni, en 2010.

© Amnesty International

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Amnesty lance des appels mondiaux en faveurde personnes qui sont en danger ou ont subi desatteintes aux droits humains. Vous trouvez dansle texte de chaque appel tous les élémentsnécessaires pour exiger un changement ouexprimer votre soutien.

appelsmondiauX

AGISSEZ POUr LES PErSONNESEN DANGEr

22le Fil [ sept/oct 2013 ]

condamnÉ à mort Pavel Selioun, âgé de 23 ans, a été condamné à mortle 12 juin par le tribunal régional de Hrodna, auBélarus, pour le meurtre de sa femme et de son amant,en août 2012. Son avocat a déposé auprès de la Coursuprême un recours qui sera examiné le 17 septembre2013. Il est actuellement incarcéré à Minsk, la capitaledu pays, dans un centre de détention pour condamnésà mort.

Étudiant à l’université d’État du Bélarus, PavelSelioun n’avait jamais été condamné. Il a déclaré avoircommis ces crimes sous l’empire de ses émotions, parjalousie.

Le Bélarus est le seul pays d’Europe qui procèdeencore à des exécutions. En 2012, au moins troishommes y ont été exécutés. À la connaissanced’Amnesty International, trois condamnations à morty ont été prononcées depuis le début de 2013. Lescondamnés à mort ne sont informés de leur exécutionque quelques instants avant l'application de lasentence. Ils sont abattus d’une balle dans la nuque ;parfois, une seule balle ne suffit pas. Le corps n’estpas rendu à la famille, qui n’est souvent informée del’exécution qu’après celle-ci, et le lieu d’inhumationest tenu secret, ce qui ne fait qu’accroître la douleurdes proches.

Veuillez écrire au président Alexandre Loukachenko en bélarussien, en russe, en anglais ou dans votre propre langue pour lui demander de commuer la peine de Pavel Selioun ainsi que celles de tous les autres condamnés à mort au Bélarus. Demandez-lui

d’instaurer immédiatement un moratoire sur le recours à la peine capitale. Adressez vos appels à :

President Alyaksandr LukashenkaAdministratsia Prezidenta Respubliki Belarusul.Karla Marksa 38Minsk 220016Bélarus

Fax : +375 17 226 06 10/ +375 17 222 38 72Courriel : [email protected] d’appel : Dear Mr President, /Monsieur le Président,

sri lanKa raGihar manoharan

Justice pour lesÉtudiants assassinÉsragihar Manoharan, 20 ans, fait partie des cinqétudiants tamouls tués par les forces de sécurité sri-lankaises à Trincomalee le 2 janvier 2006.

Les étudiants bavardaient sur le front de merquand les passagers d’un rickshaw motorisé ont lancésur eux une grenade, blessant au moins trois d’entreeux. Entre 10 et 15 policiers en uniforme, appartenantsemble-t-il à la Force d’intervention spéciale, uneunité antiterroriste de la police, ont alors surgi. Ils ontfait monter les étudiants blessés dans leur jeep et lesont frappés à coups de crosse avant de les jeter sur laroute où, selon un témoin, ils ont été abattus.

Les forces de sécurité ont d’abord soutenu queles cinq étudiants avaient été tués par la grenade. Or,une autopsie a permis d’établir qu’ils avaient étéabattus à bout portant, d’une balle dans la tête pourtrois d’entre eux.

L’arrestation, selon des informations récentes, de12 membres de la Force d’intervention spéciale dansle cadre de cette affaire ne présume en rien du sérieuxde l’enquête. Les 12 mêmes hommes avaient étéarrêtés en 2006 puis relâchés peu après, faute depreuves semble-t-il. Aucun haut gradé ne figure parmiles policiers arrêtés. Afin que soient établies lesresponsabilités réelles dans cette affaire, AmnestyInternational espère que, en cas de preuvessuffisantes, toute personne soupçonnée d’avoirordonné ces meurtres sera traduite en justice, quelque soit son rang.

Veuillez écrire au président du Sri Lanka pour lui demander de veiller à ce qu’une enquête

indépendante et efficace soit ouverte sur l’assassinat de Ragihar Manoharan et des quatre autres étudiants, et à ce que les responsables présumés soient traduits en justice. Rappelez-lui que la famille de Ragihar Manoharan mérite de connaître la vérité sur son sort. Adressez vos appels à :

President Mahinda RajapaksaPresidential Secretariat Colombo 1 Sri Lanka

Fax : 0094 11 244 6657Courriel : [email protected] /[email protected] d’appel : Your Excellency, /Monsieur le Président,

Miriam López, une mère de quatreenfants qui a été torturée par dessoldats mexicains, est en droitd’obtenir justice. Sultani Acıbuca, unegrand-mère, risque d'être jetée enprison parce qu'elle a publiquementappelé à la paix en Turquie. AbubakarUmarr Bunu, âgé de 15 ans, estmaintenu en détention au Nigeria alors

même qu'un tribunal a ordonné saremise en liberté en janvier. Ce ne sontlà que quelques-unes des personnesqui ont besoin de votre aide.

Voulez-vous vous joindre auxcentaines de milliers de gens à traversle monde qui vont écrire une lettre enleur faveur ?

Voulez-vous leur envoyer unmessage de solidarité ? Pour participerà Écrire pour les droits du 6 au16 décembre ou pour organiser uneaction de rédaction de lettres,contactez le bureau d'AmnestyInternational dans votre pays ou soyezà l'affût des informationscomplémentaires que nous publieronsdans le prochain numéro du FIL.

Pour trouver le bureau d'Amnesty International dans votre pays rendez-vous sur http://www.amnesty.org/fr

Écrirepour lesdroits dÉcemBre2013

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BÉlaruspaVel selioun

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appels mondiauX

23le Fil [ sept/oct 2013 ]

torturÉ et condamnÉ à mort

Ahmad Amr Abd al Qadir Muhammad, unPalestinien né en Irak, a été arrêté à Bagdad le21 juillet 2006 et détenu au secret pendant plus d’unan. Selon les informations reçues par AmnestyInternational, il a été contraint sous la torture à« avouer » appartenir à un groupe armé et avoirprojeté de poser des bombes. Il a été condamné à mortle 17 mai 2011, au titre de la Loi antiterroriste de2005.

Les avocats d'Ahmad Amr Abd al QadirMuhammad ont indiqué que les témoins, parmilesquels des policiers, ont donné des informationscontradictoires. Le jugement précise qu'il est revenusur ses « aveux » devant le tribunal et qu'un examenmédicolégal mené en août 2008 avait conclu qu'ilprésentait des cicatrices sur le corps.

Toutefois, la cour s'est explicitement appuyée,entre autres éléments, sur ses « aveux » pour lecondamner à mort, indiquant qu’ils étaient dignes defoi car faits à une date beaucoup plus proche du crimeque ses déclarations ultérieures devant les juges.Aucune enquête exhaustive et indépendante ne sembleavoir été menée sur les allégations de torture d'AhmadAmr Abd al Qadir Muhammad.

Sa condamnation à mort a été confirmée parla Cour de cassation. Il est détenu dans le quartierdes condamnés à mort de Camp Justice, à Bagdad.

Veuillez écrire au président Jalal Talabani pour l'exhorter à commuer sans délai la peine capitale prononcée contre Ahmad Amr Abd al Qadir

Muhammad. Demandez qu'une enquête approfondie soit rapidement menée par un organe indépendant sur ses allégations de torture et que les responsablesprésumés soient déférés à la justice. Exhortez également les autorités à accorder à Ahmad Amr Abd al Qadir Muhammad un nouveau procès conforme aux normes d'équité des procès et excluant le recours à la peine de mort. Adressez vos appels à :

President of the Republic of IraqJalal TalabaniConvention Centre (Qasr al-Ma’aridh) BaghdadIrak

Courriel : [email protected] d’appel : Your Excellency, /Monsieur le Président,

entraVes à la dÉFensedes droits humainsDoyen des ONG de défense des droits humains enÉthiopie, le Conseil éthiopien des droits humains(EHrCO) voit son action fortement entravée par desdispositions législatives répressives depuis 2009.

Créé en 1991, l’EHrCO surveille les violations desdroits humains, rassemble des informations et mènedes actions de plaidoyer et d’éducation à ces droits.

En janvier 2009 le gouvernement a adopté la Loisur les sociétés et associations caritatives. Cette loi,qui vise officiellement à réglementer les activités de lasociété civile, entrave gravement l’action, l’adminis-tration et le financement des organisations de défensedes droits humains, notamment en interdisant queplus de 10 % de leur financement provienne de l’étranger. Ces mesures ont eu de très graves consé -quences sur ces organisations.

Du fait de cette loi, les comptes bancaires del’EHrCO ont été gelés en décembre 2009. L’EHrCO aainsi subi une perte de près de 566 000 dollars desÉtats-Unis et été contraint de fermer neuf de ses12 bureaux et de supprimer plus de 50 postes.

Cette loi interdit aussi aux ONG d’allouer plus de30 % de leur budget aux « activités administratives »,qui pourraient inclure la réunion d’informations surles violations des droits humains, l’offre d’uneassistance juridique gratuite, les actions de plaidoyeret d’autres activités essentielles.

Elle a également créé une Agence des sociétéset associations caritatives dotée de pouvoirs discré-tionnaires étendus sur les ONG. L’Agence peut notam-

ment obliger les ONG à divulguer des informationstelles que des témoignages de victimes et de témoinsde violations, qui se retrouvent ainsi en danger.

Depuis de nombreuses années, les autoritéséthiopiennes se montrent hostiles aux activités del’EHrCO. Des membres de son personnel ont étéharcelés, menacés, agressés et arrêtés.Veuillez écrire aux autorités pour leur demanderde débloquer immédiatement les comptes bancaires de l’EHRCO et de modifier la Loi sur lessociétés et associations caritatives afin de supprimer les restrictions qui pèsent sur les organisations de défense des droits humains. Adressez vos appels à :

Prime Minister Hailemariam DesalegnP.O. Box 1031Addis AbabaÉthiopieFax : +251 11 155 20 20 / +251 11 551 4300/ +251 11 551 1244Formule d’appel : Dear Prime Minister, /Monsieur le Premier Ministre,

iransaYed Ziaoddin naBaVi

prisonnier d’opinioncondamnÉ à 10 ans derÉclusion Sayed Ziaoddin Nabavi, un étudiant, purgeactuellement une peine de 10 ans de réclusion à laprison de Karoun, dans des conditions déplorables, pourdiverses « atteintes » à la sécurité nationale. Or, ils’agit d’un prisonnier d’opinion dont le seul crime estd’avoir exercé pacifiquement ses droits à la libertéd’expression et d’association. Il purge sa peine en « exilintérieur », c’est-à-dire loin de sa famille, qui peutdifficilement lui rendre visite. Il aurait été frappépendant ses interrogatoires et à son arrivée à la prison.

Membre du Conseil consultatif sur le droit àl’éducation, fondé en 2009 par des étudiants quis’étaient vu interdire de poursuivre leurs études enraison de leurs activités politiques ou de leurscroyances, Sayed Ziaoddin Nabavi a été arrêté en juin2009 après avoir pris part à des manifestations à lasuite de l’élection présidentielle.

Sa condamnation est pour partie liée à sesrelations présumées avec une organisation interdite,l’Organisation des moudjahidin du peuple d’Iran(OMPI), peut-être parce que certains de ses prochesont des liens avec des membres de l’OMPI. Il nie toutesles charges retenues contre lui.

Sayed Ziaoddin Nabavi risque aujourd’hui uneprolongation de sa peine, car il a été inculpé pour avoirrédigé une lettre ouverte au sujet d’un détenucondamné à mort.Veuillez écrire aux autorités iraniennes pour leur demander de libérer Sayed Ziaoddin Nabavi immédiatement et sans condition, car il s’agit d’un

prisonnier d’opinion. Exhortez-les à le transférer dans une prison moins éloignée de chez lui en attendant sa libération et à faire en sorte qu’il soit à l’abri de la torture et d’autres mauvais traitements. Demandez également qu’une enquête exhaustive et impartiale soit ouverte sur ses allégations de mauvais traitements en détention et que les responsables résumés rendent des comptes. Adressez vos appels à :

Head of the JudiciaryAyatollah Sadegh LarijaniEdareh koll Ravabet Omoumi va TashrifatGhoveh GazaayehPelak 4, Bon Bast Azizi 1Balatar az tagato PastoorKhiyaban ValiAsrTehran,IranCourriel : [email protected] (objet : « FAOAyatollah Larijani »)Formule d’appel : Your Excellency, /Excellence,

Éthiopie conseil Éthiopien des droits humains (ehrco)

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iraK ahmad amr aBd al Qadir muhammad

rÉpuBliQue dominicaine Juan almonte herrera

portÉ disparuLe 28 septembre 2009, Juan Almonte Herrera– membre du Comité dominicain des droits humains –a été enlevé par quatre hommes armés à Saint-Domingue, en république dominicaine. Des témoinsauraient reconnu des agents de l’unité de la policenationale chargée de lutter contre les enlèvements.

Lorsqu’une décision de justice a ordonné salibération début octobre, la police a nié le placementen détention de Juan Almonte et l'a déclaré fugitif etrecherché dans le cadre d’une affaire d'enlèvement àNagua.

En octobre 2009, deux corps carbonisés nonidentifiés ont été retrouvés dans une voiture à Saint-Domingue. L’un a été identifié comme étant JuanAlmonte par sa sœur. Or, les autorités ont dit à lafamille que les résultats des tests ADN étaientnégatifs.

Quatre ans plus tard, la famille et les avocats deJuan Almonte n’en savent toujours pas plus. Ils ontdécidé de porter l’affaire devant la Commissioninteraméricaine des droits de l’homme. Ils sontdéterminés à obtenir justice mais n’ont à ce jour reçuaucune réponse officielle au sujet de sa disparition,en dépit des trois plaintes déposées auprès desautorités judiciaires. Deux autres suspects dansl’affaire de l’enlèvement de Nagua pour lequel JuanAlmonte était recherché sont morts le 10 octobre 2009,alors qu’ils se trouvaient aux mains de la police.Veuillez écrire aux autorités pour les exhorter à révéler ce qu’il est advenu de Juan Almonte Herrera. S’il est en détention, demandez qu’il soit remis en liberté immédiatement ou inculpé d’une

infraction prévue par la loi. Si ce n’est pas le cas, exhortez-les à ouvrir une enquête exhaustive, impartiale et indépendante sur sa disparition forcée, à en rendre les résultats publics et àdéférer les responsables présumés à la justice. Adressez vos appels à :

Francisco Domínguez BrítoProcurador GeneralProcuraduría General de la RepúblicaAve. Av. Jiménez Moya esq. Juan VenturaSimónPalacio de JusticiaCentro de los Heroes Constanza, Maimón yEstero HondoSanto DomingoRépublique dominicaine

Fax : +1 809-532-2584Courriel : [email protected] d’appel : Señor Procurador General, /Monsieur le Procureur général,

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24le Fil [ sept/oct 2013 ]

oBJectiFs du millÉnaire pour le dÉVeloppement

en l’an 2000, une petite fille voyait lejour dans le plus grand paysd’Amérique du Sud, le Brésil. Nous

l’avons inventée pour les besoins decette histoire, mais sa vie est à l’imagede celle de millions d’autres enfants àtravers le monde. Appelons-la Maria.

Pendant qu’elle dormait dans les brasde sa mère, dans un hôpital urbaindélabré, les dirigeants du mondetrinquaient à l’ONU. Pour la première foisde l’histoire, ils venaient de tomberd’accord sur un programme concret, lesObjectifs du millénaire pour ledéveloppement (OMD), visant à améliorerla vie des personnes pauvres dans desdomaines tels que la santé, l’éducation etl’égalité des genres. Des personnescomme Maria et sa mère, Rosa.

Rosa était tombée enceinte à 15 ansde son premier petit ami, João. On ne

leur avait pas dit grand-chose de lacontraception, et ils n’osaient pas poserde questions.

La chance était avec eux : lagrossesse et l’accouchement se sont bienpassés. Cette même année, environ80 mères sur 1000 sont mortes au Brésilavant, pendant ou après la naissance deleur enfant.

seules à la marGeDans la favela – bidonville – Maria étaitentourée de sa famille et de ses voisinset amis. Elle était placée dans unecrèche gratuite pendant que Rosatravaillait. La famille mangeaitgénéralement à sa faim et Maria n’a passouffert de malnutrition, contrairement àtant d’autres bébés de son âge.

Mais, quand la famille a été expulséede force de sa maison, le petit monde de

Maria s’est écroulé. Ils sont partis avec cequ’ils pouvaient porter, n’ayant étéprévenus que quelques heures avant queles bulldozers ne rasent leur maison pourfaire place à une nouvelle route.

Depuis, Maria a beaucoup déménagé.Elle a souvent eu soif, parce qu’il n’y avaitjamais suffisamment d’eau potable. Ils ontperdu le contact avec leurs amis et leurfamille, et se sont souvent sentis seuls.

Maria était entrée à l’école primaire,comme la plupart des petits Brésiliens, etadorait apprendre. Mais il lui était difficilede rester dans la même école.Déménager impliquait de repartir à zérodans un nouvel établissement, et ellen’aimait pas cela. Comme elle ne pouvaitpas toujours se laver, elle se sentait sale etcraignait d’être brimée. Il arrivait queRosa ne puisse pas lui payer sonuniforme ou ses fournitures scolaires.

le XXie siècle est celui oÙ nous sommes censÉs relÉGuer la pauVretÉ au passÉ. à l’heure oÙ dÉmarrent les pourparlers Qui dÉtermineront ce Qui remplacera lesoBJectiFs du millÉnaire pour le dÉVeloppement lorsQu’ils arriVeront à eXpiration en2015, nous nous intÉressons auX rÉpercussions Qu’ils ont pu aVoir sur la Vie d’uneFillette BrÉsilienne depuis leur adoption.

le droit à un aVenir meilleur

Si le salaire minimum a été multipliépar deux au Brésil depuis la naissance deMaria, les prix des denrées alimentairesont également fortement augmenté. Rosaa du mal à assurer leur subsistance, Joãoétant parti.

Aujourd’hui, Maria s’apprête à fêter son13e anniversaire. Elle s’intéresse auxgarçons et songe à trouver du travail. Rosalui répète que l’éducation est son seul espoirsi elle veut sortir de la misère. Les chancesqu’elle poursuive ses études s’améliorent :près de la moitié des 15- 17 ans sontaujourd’hui scolarisés au Brésil – alors qu’ilsn’étaient que 18% en 1992.

des Vies et des aVenirsmenacÉsRosa craint également que Maria nepuisse pas disposer librement de soncorps. Des millions de filles comme ellene reçoivent aucune éducationsexuelle. Beaucoup tombent enceintessans l’avoir désiré, faute d’informationet d’accès à la contraception, ou à lasuite de violences sexuelles. Le recoursà des méthodes d’avortement risquéesmet leur vie en danger.

© REUTERS/Stefano Rellandini

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BonnesnouVelles

25le Fil [ sept/oct 2013 ]

Bonnes nouVelles

Une jeune fille dans le bidonville deManguinhos, à Rio de Janeiro, au Brésil.

Et aujourd’hui, un nouveau projet deloi brésilien prévoit de sanctionnerpénalement les femmes et les filles quiont recours à l’avortement, et depoursuivre les professionnels de santé quile pratiquent. Si le Congrès approuvecette loi, la vie et l’avenir des jeunesfemmes seront menacés.

le droit à un aVenirmeilleurSixième économie du monde, le Brésilconnaît aujourd’hui ce qui est souventconsidéré comme une success storysur la scène internationale. Or, si desprogrès ont été accomplis, les inégalitésrestent profondes. Treize ans aprèsl’adoption des OMD, les filles commeMaria – dont beaucoup sont d’origineafricaine – figurent toujours parmi lespersonnes les plus vulnérables de laplanète.

Le Brésil a adhéré à des traitésjuridiquement contraignants qui protègentles droits économiques, sociaux etculturels des citoyens, comme le droit àun logement décent, à l’eau, à lanourriture, à l’éducation et à la santé.Mais, pour l’heure, la plupart des citoyensordinaires ne savent pas commentobtenir justice.

Le Brésil n’ayant toujours pas adhéréà un mécanisme international habilité àrecevoir des plaintes (le Protocolefacultatif au Pacte international relatif auxdroits économiques, sociaux et culturels),les Brésiliens sont dans l’incapacité dedemander justice auprès des Nationsunies si leur gouvernement bafoue leursdroits.

À partir de maintenant, et jusqu’auprochain sommet des dirigeants dumonde, en 2015, nous militerons pourque les droits humains soient au centredu Programme de développement pourl’après 2015 et des nouveaux OMD.

C’est à nous de rappeler auxdirigeants de ce monde que des enfantscomme Maria ont droit à un avenirmeilleur.

aGisseZContactez votre bureau local d’Amnesty pourdécouvrir ce que fait votre gouvernement et rendez-vous sur www.facebook.com/demanddignityglobal pour suivre les mises à jour de la campagne

une indemnisation pourBhupendraBhupendra Malla Thakuri, un travailleurmigrant népalais devenu infirme à lasuite d’un accident du travail survenuau Qatar, est rentré chez lui après avoirobtenu une indemnisation.

En juin 2011, Bhupendra a faillimourir d’une hémorragie après avoir étérenversé par un camion de vidange(voir en page 2 du FIL de juin-juillet2013). À sa sortie de l’hôpital, sonemployeur a essayé de le renvoyer chezlui pour éviter d’avoir à payer sontraitement médical. Face au refus deBhupendra, l’entreprise a suspendu leversement de son salaire et déclaréqu’il ne serait indemnisé que s’il signaitune déclaration mensongère affirmantqu’il avait perçu son salaire.

Bhupendra a déposé une plaintemais n’a touché aucun salaire pendanttoute la durée de la procédure, si bienqu’il a été contraint d’emprunter pourpayer ses médicaments, sa rééducationet sa nourriture. Il n’avait pas d’avocat.Au terme de deux années de combat, letribunal a obligé son employeur à luiverser une indemnisation. Malgré cela,l’entreprise a refusé de lui rendre sonpasseport, et il lui a fallu attendre unmois de plus avant de pouvoir rentrerchez lui.

BEATrIZ rEMErCIE CEUX QUIL’ONT SOUTENUE, ELLE A rEçULE TrAITEMENT MÉDICAL QUI LUIA SAUVÉ LA VIEAprès plusieurs mois de campagne,Beatriz, une jeune mère salvadoriennede 22 ans, enceinte, a enfin reçu, enjuin, le traitement médical d’urgencedont elle avait besoin. Souffrant d’uncertain nombre de problèmes de santé,elle serait sans doute morte si elle avaitmené sa grossesse à son terme. Enoutre, il est apparu que son fœtussouffrait d’une malformation grave ducerveau et n’aurait pas survécu plus dequelques heures après la naissance.

Son histoire a suscité un émoiconsidérable à travers le monde et incitéau moins 23 sections à faire campagneen sa faveur, notamment avec unepétition qui a totalisé 80 000 signatures,des actions sur Twitter, une action enligne qui a réuni plus de3 500 signatures en moins de 24 heures,et des manifestations devant un certainnombre d’ambassades du Salvador.Toutes ces actions ont mis les autoritéssous pression et donné au cas de Beatrizun retentissement international.

Voici la lettre qu’a adressée Beatrizà tous ceux qui l’ont soutenue :

San Salvador, le 10 juin 2013

Mes amis du Colectivo Feminista etdu reste du monde, je souhaiteraisvous remercier de m’avoir soutenuedurant tout ce temps. Sans vous, jecrois que je n’aurais pas supporté monséjour à l’hôpital.

Je voudrais également vousremercier pour toutes les actions quevous avez entreprises pour ma vie.Cette situation a été très difficile et,sans votre soutien, je n’aurais pas étécapable de tenir jusqu’au bout.J’espère que mon exemple servira, afinque d’autres femmes n’aient pas àendurer ce que j’ai enduré.

Et je suis très heureuse car je vaismaintenant être auprès de mon fils etde ma famille.

C’est tout ce que je voulais dire, etje vous laisse sur ces mots deremerciements.

Bien cordialement,Beatriz

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« chaQuepersonne a dela Valeur. il neFaut Jamaisl’ouBlier. »

l’ancien amBassadeur de norVèGe auchili Frode nilsen, Qui a aidÉ descentaines de personnes à Échapperau terriBle rÉGime du GÉnÉralpinochet dans les annÉes 1970. Voir paGe 10.