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AVERTISSEMENT

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ont été obtenues, même a posteriori. Lors de sa représentation la structure dereprésentation (théâtre, MJC, festival…) doit s’acquitter des droits d’auteur et latroupe doit produire le justificatif d’autorisation de jouer. Le non respect de cesrègles entraine des sanctions (financières entre autres) pour la troupe et pour la

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Merci de respecter les droits des auteurs afin que les troupes et le public puissenttoujours profiter de nouveaux textes.

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TROIS CHAMBRES A ZERO !

COMEDIE en 4 ACTES

de

Jean-Claude MARTINEAU

Date dépôt SACD : Juin 2007

PERSONNAGES

(La pièce nécessite 6 femmes, 4 hommes et 1 figurant en toute fin de pièce)

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Alice DURANDET - La soixantaine, institutrice à la retraite. Vit avec son mari Lucien dans unegrande et ancienne maison d'un quartier en pleine rénovation.

Lucien DURANDET - La soixantaine, retraité des Postes. Maniaque, hypochondriaque, bougon,passionné de philatélie, possède un timbre de grande valeur dont il est très fier.

Bernard PETIT - La quarantaine. C'est le maire de la commune, fonction qu'il exerce en plus de sontravail de mécanicien-garagiste C'est un ancien élève (cancre) d'Alice Durandet. Il prépare desprojets pour son prochain mandat électoral qu'il se croit sûr de gagner

THOMAS - 30 ans, secrétaire de mairie. Il accompagne le maire dans ses démarchesadministratives. Frustré de ne pas gravir les échelons de la fonction publique plus rapidement

Josette MERLAND - 30 ans, aide ménagère, vient plusieurs heures par jour faire le ménage. Elle n'apas sa langue dans sa poche et fait des calembours vaseux.

VERO - 20 ans, nièce de Josette. Jupe courte, cheveux colorés, percings, tatouages... Trèsdécontractée, tutoie tout le monde.

Caroline GAUMONT-TRUCHART - 20 ans, célibataire, « nunuche ». C'est une jeune fille aristo,de bonne famille, vêtue très vieille France: couettes, grosses lunettes, petit chapeau...

Fernand, le CLOCHARD - 40 ans, clochard recueilli par Alice pour occuper une des chambres de samaison. Mal rasé, mal vêtu, il ne sent pas très bon. Bourru, rustre et gouailleur. Son rôle sera tenupar un autre acteur.

Solange PETIT – La quarantaine. C'est la femme du maire. Maîtresse femme, jalouse comme unpou.

Roger DUTARIN – Age indifférent. Agent de police, pas très futé.

Aliénor GAUMONT-TRUCHART – La quarantaine. C'est la mère de Caroline. Aristo, vieilleFrance, maniérée. La réplique, adulte, de sa propre fille.

Gonzague GAUMONT-TRUCHART – Le mari de Aliénor. Même genre. Il n'apparaît qu'en toutefin de pièce pour une seule réplique. Son rôle peut être tenu par un autre acteur déjà sorti de scèneou supprimé si vous manquez d'acteur.

DECOR

L’action se déroule de nos jours, quelque part dans une petite ville de province.

Nous sommes dans une grande et ancienne maison et la pièce sert à la fois de salon et de salleà manger. Situé à gauche, au fond de la scène, un petit hall d'entrée communique avec la rue.

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A droite au fond de la scène, un escalier monte à l’étage et, sur le palier, trois portes font faceà la scène.

Le palier se poursuit dans les coulisses où se situent d'autres chambres.

En bas, sur le côté gauche, la porte de la chambre des Durandet.

En bas, sur le côté droit, la porte de la cuisine.

NB : Si la hauteur de la scène ne permet pas de faire un escalier, on peut faire ouvrir les deuxchambres, en bas, sur un côté de la scène et adapter les jeux de scène en fonction.

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ACTE I

Un salon-salle à manger, simple, propre, avec tout le confort. A l’ouverture du rideau, AliceDurandet est assise dans un fauteuil, dans la partie salon. Bernard Petit, le maire de la commune estdebout près d'elle et s'apprête à lui montrer un plan. Son secrétaire de mairie est assis sur le canapéet regarde un peu partout, distrait. Lucien, le mari d'Alice, est assis à la table de la salle à manger etclasse des timbres de collection dans un album. Il est hypocondriaque et a, devant lui, toute unepanoplie de médicaments.

ALICE (énergique) – Non non non et non !

BERNARD (insistant) – Mais enfin, madame Alice, laissez-moi au moins vous expliquer de quoiil retourne...

LUCIEN (à Alice, montrant le maire) – Il retourne... il retourne... il retourne d'où il vient et il arrêtede nous embêter avec ça, celui-là ! (Il avale nerveusement trois à quatre pilules.)

ALICE (avec évidence) – Mais on sait parfaitement de quoi tu parles Bernard. C'est la dixièmefois que tu viens nous voir pour nous acheter notre maison.

LUCIEN – Et on vous a déjà dit qu'on ne voulait pas ! Vous êtes quand même têtu !

BERNARD (se faisant persuasif) – Je pense que vous n'avez pas bien compris l'importance de madémarche et de tout l'intérêt qu'il y aurait à...

Josette Merland, l'aide ménagère, arrive avec sa table à repasser qu'elle installe près d'eux. Thomas,le secrétaire de mairie, lui donne un coup de main.

JOSETTE (le coupant, insidieusement) – Il y aurait de l'intérêt pour qui, monsieur le maire ?

BERNARD (à Alice après avoir lorgné Josette de travers) – Ne pourrions-nous pas continuer cettediscussion à huis clos, uniquement avec les personnes intéressées ? (Invitant Josette à sortir.)Mademoiselle Merland s'il vous plaît...

JOSETTE – Vous n'êtes peut être pas au courant monsieur le maire, mais je suis aide-ménagèreet je suis en service commandé moi, en ce moment.

BERNARD – Oui, eh bien, vous repasserez !

JOSETTE (montrant son fer à repasser) – Vous repasserez ! Il est marrant lui. Qu'est ce que je faisen ce moment, j'fais cuire de nouilles peut être ? (Elle ressort chercher le bac à linge.)

BERNARD – Je voulais dire...

ALICE (prenant la suite) - ... Qu'elle pouvait revenir une autre fois ? On avait bien compris, mais

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impossible mon pauvre Bernard ! Aujourd'hui vendredi elle est chez nous et lundi prochain, ellesera ailleurs. Ses horaires sont planifiés à l'avance.

BERNARD (cherchant à se débarrasser d'elle) – Elle pourrait peut être aller repasser dans la pièced'à côté ? (Retour de Josette.)

JOSETTE (avec évidence) – Il y fait bien trop sombre, je ferai du sale boulot. (Fière.) Il me faut dela lumière pour exploiter à fond mes talents de repasseuse.

BERNARD (rajoutant) – Et c'est pas la lumière que vous dégagez qui va vous éclairer beaucoup !

JOSETTE (ne se laissant pas démonter, remontant sa poitrine) – Je vous ferai remarquer que c'estsouvent dans les vitrines les moins éclairées qu'on trouve les plus beaux cadeaux ! Et toc !

THOMAS (béat d'admiration devant Josette) – C'est joli ce que vous venez de dire mademoiselleJosette, vous êtes une vraie poêtesse.

JOSETTE (faussement gênée) – Poêtesse, poêtesse, faut rien exagérer. (Un tantinet fière.) Ca mevient comme ça, sans réfléchir...

BERNARD – Sans réfléchir, ça ne m'étonne pas ! (Revenant à la charge et montrant le linge qu'ellerepasse.) Mais ça se repasse les yeux fermés des frusques pareilles !

JOSETTE (posant son fer, mains sur les hanches, scandalisée) – Vous voudriez que je repasse lescaleçons de monsieur Lucien en fermant les yeux ? Pour que je les brûle ? Mais ça va pas !

LUCIEN (réagissant fermement) – Inquisiteur ! Pirate ! Brûleur de caleçons ! Qu'est ce qu'ils vousont fait mes caleçons ? Pourquoi ils seraient traités différemment des serviettes de toilette, hein ?

BERNARD (embêté) – J'ai pas dit ça, mais enfin... les serviettes de toilette, en général, ont besoind'un bon repassage pour être adoucies... tandis que...

LUCIEN (énervé, au bord de la crise) – Tandis que quoi ? Que mes caleçons devraient être aussiraides et durs que du bois ? Et pourquoi j'aurais pas droit, moi aussi, à un peu de douceur dans cemonde de brutes !

ALICE – Calme-toi Lucien, tu vas encore faire une crise de spasmophilie. Prends une pilulejaune pour te détendre.

LUCIEN (tout chamboulé, se jetant sur sa boite de pilules) – Pourquoi il s'en prend à mes caleçons ? (Il est tout agité de tics nerveux.) Mes pilules jaunes...

THOMAS – Vous ne croyez pas, monsieur le maire, qu'on s'égare un peu en ce moment ? On estvenu pour parler ravalement de façade et nous voilà rendu dans les calebards de monsieur Lucien !

BERNARD (essayant de se raisonner) – Oui tu as raison. Bon, les choses étant ce caleçon...

LUCIEN (à Alice, toujours agité de tics) – Tu vois, il recommence, il recommence ! Il le fait exprèsrien que pour m'énerver.

BERNARD (se reprenant rapidement) – Je voulais dire... (Il détache bien les mots.) les choses étantce qu'elles sont... il serait sans doute préférable de tout reprendre au début. Je vous demande dem'accorder quelques instants et de ne pas m'interrompre s'il vous plaît.

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JOSETTE (en aparté) – Eh ben, si j'suis pas une lumière, j'en connais d'autres qui ne brillent paspar leur modestie ! Et nous voilà reparti pour un discours !

BERNARD (debout, très cérémonieux) – Comme je vous le disais, madame Alice, à quelques moisdes prochaines élections municipales, le conseil et moi même avons de grands projets pour lacommune dont les besoins, devant la courbe démographique croissante, se font cruellement sentir.(Fort, à Thomas, qui ne cesse de regarder Josette.) N'est ce pas Thomas ?

THOMAS (Thomas, sortant de sa rêverie, acquiesce d'un mouvement de tête.) - Cruellement sentir...Oui oui parfaitement monsieur le maire !

BERNARD - Nous avons donc décidé...

ALICE (l'interrompant doucement) – Attends Bernard... tu es en train de me dire qu'à quelquesmois des élections, vous venez, toi et tes conseillers, de réaliser brusquement que la communemanquait d'infrastructures ? (Moqueuse.) Vous n'avez fait le compte de vos concitoyens que lasemaine dernière peut être ?

JOSETTE (tout en faisant son repassage et riant bruyamment) – Vous vous êtes planté dans ledernier recensement ?

BERNARD (la regardant d'un oeil mauvais) – Bien sûr que non, mais il faut se projeter dans lefutur... toujours avoir une longueur d'avance... poser les bases des réalisations que nous pourronsmettre en oeuvre dès notre réélection...

ALICE (feignant l'étonnement) – Dès votre réélection ? Tu parais bien sûr de toi ! J'ai entendu direqu'il y avait une liste d'opposition, non ?

BERNARD (riant avec suffisance) – Oui oui, il paraît... Enfin, quand on sait qui est à la tête decette liste, il y a de quoi se marrer doucement.

ALICE – Ah oui, et qui est-ce ?

BERNARD (s'esclaffant) – Paul Tapon ! Votre cousin mademoiselle Merland !

JOSETTE (tout en repassant) – Eh ben moi, à votre place, je rirais moins, monsieur le maire !

BERNARD (même jeu) – Ah si, je ris, je ris ! Non mais, vous voyez Paul Tapon menant sacampagne électorale ? Sans parler qu'il ne connaît rien aux affaires communales, vous imaginez uninstant ses affiches sur les panneaux électoraux (Il cite.) : « Pour gagner démocratiquement,Tapon ! » Ou bien encore : « Pour les anciens, Tapon ! Contre l'insécurité, Tapon ! Contre lesimpôts, Tapon ! "» Ca ne fait quand même pas très sérieux. Il va nous taponner tous les murs de laville ! (Il éclate de rire et essaie d'entraîner Thomas avec lui.) N'est ce pas Thomas ?

THOMAS (riant à contre coeur) – Taponner tous les murs ! Ah ah ah, les calembours de monsieurle maire... sont... sont... heu comment dire... sont...

JOSETTE (posant son fer) – Sont pas terribles ! On pourrait en faire autant avec votre nom,monsieur Petit, vous savez (Elle cite également.) : « Pour une grande ville... Votez Petit ! » Ou bienaussi : « Petit... Un maire à la hauteur ! »Avouez que c'est pas terrible ! Ou pire encore : « VotezPetit... pas Tapon ! »

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THOMAS (qui éclate d'un rire franc) – Petipatapon, ça c'est marrant ! Alors là, il est bien cecalembour, il est mieux que le vôtre monsieur le maire... (Il s'arrête net devant les gros yeux du maire.)

ALICE – S'il a un bon programme électoral pour la commune, ses chances sont les mêmes queles tiennes.

BERNARD – Quel programme voulez-vous qu'il ait madame Durandet, hein, quel programmevoulez-vous qu'il ait ? Un homme qui ne s'est jamais intéressé aux problèmes de la commune, quioccupe son temps à critiquer les autres et qui fait passer ses intérêts personnels avant ceux de lacollectivité!

ALICE – Ca, c'est toi qui le dis. Et même si c'était vrai, il ne serait pas le seul dans ce cas.

JOSETTE (soupçonneuse) – C'est tellement vrai que tous les véhicules municipaux sont àl'entretien dans votre garage, monsieur le maire ! C'est à croire que c'est le royaume d'essieux debagnole vot' garage ! (Elle rit.)

BERNARD (réagissant rapidement pour se défendre) – C'est normal puisque c'est moi qui les aivendus à la commune !

JOSETTE – Ben tiens donc ! Où y a de la gêne, y a pas de plaisir ! (Soupçonneuse.) Vous n'êtesquand même pas le seul garagiste de la commune que je sache !

BERNARD (regardant tout le monde, à tour de rôle) – Attendez, qu'est ce qu'elle veut dire par là, lareine du vaporetto ?

ALICE – Je pense qu'elle veut dire que c'est étrange qu'il n'y ait pas eu différents appels d'offrepour l'achat de ces véhicules.

BERNARD (se défendant) – Mais on en a reçu plein ! Seulement je suis le seul à avoir adressémon devis dans les délais ! Qu'est ce que vous voulez que j'y fasse ?

THOMAS (brusquement soupçonneux) – C'est bizarre d'ailleurs que tous les autres soient arrivésen mairie deux jours après la date limite d'ouverture des plis !

JOSETTE – C'est vraiment pas de pot pour les autres candidats quand même !

BERNARD – Problèmes des Postes, oubli d'un facteur... que sais-je encore !

LUCIEN (se levant, en colère) – Je vous défends de vous attaquer aux postes ! J'ai été facteur toutema vie et jamais, vous m'entendez môssieu, jamais un facteur n'oublie une lettre. Ce sont des gensconsciencieux, les facteurs, môssieu ! (Portant la main à son coeur.) Ah, mes palpitations... moncoeur...

ALICE (le calmant) – Ne t'énerve pas Lucien, croque vite deux pilules blanches.

LUCIEN (se jetant sur sa boite de comprimés et en avalant trois ou quatre d'un coup) – Oui oui, lespilules blanches...

THOMAS (le regardant faire) – Avec toutes les pilules qu'il s'enfile, il ne va plus avoir faim àmidi !

BERNARD – Revenons aux choses sérieuses. (Il s'apprête à déplier son plan.) Voici donc le plan

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du futur aménagement du quartier que je viens vous soumettre...

ALICE (étonnée) – Le plan ? Quel plan ?

THOMAS (venant au secours du maire) – Une ébauche de plan monsieur le maire ! (A AliceDuarandet.) Une vague idée... une proposition... une suggestion... Que dis-je ? Le résultat d'uneréflexion commune...

BERNARD (n'osant pas déplier son plan et regardant son secrétaire) – Hein ? Le résultat d'uneréflexion ?... (Comprenant qu'il faut y aller en douceur.) Mais bien entendu, cela va de soi... (Revenantà Alice Durandet.) C'est un projet auquel nous avons mûrement réfléchi en commun et sur lequelj'aimerais connaître votre avis.

ALICE – Ah, tu réfléchis mûrement en commun toi, maintenant ? (Se remémorant.) C'estsûrement mieux pour toi parce que, d'aussi loin que remontent mes souvenirs d'institutrice, je ne merappelle pas t'avoir vu sortir quelque chose d'intelligent quand tu réfléchissais tout seul.

THOMAS (intéressé) – Vous avez fait l'école à Monsieur Petit ?

JOSETTE (intéressée elle aussi) – Non, c'est pas vrai ?!

BERNARD (un peu ennuyé) – On ne va peut être pas se raconter nos vies !

ALICE (au secrétaire, sans s'occuper de Bernard) – Ah mes pauvres enfants, ne m'en parlez pas ! Jene crois pas avoir connu de cancres pareils en quarante ans de métier !

THOMAS (de plus en plus intéressé, jetant un coup d'oeil amusé vers le maire) – Si, si parlez-en aucontraire, c'est toujours intéressant de connaître les gens avec qui on travaille!

BERNARD (voulant couper court) – Oui, mais là ça n'intéresse personne !

THOMAS – Ben si, moi ! Quand je pense que je suis votre secrétaire depuis si longtemps et quej'ignorais que Madame Durandet fut votre institutrice.

JOSETTE (posant son fer et s'appuyant sur sa table à repasser) - Alors ça c'est marrant !

BERNARD – C'est peut-être marrant mais ça ne sert à rien de parler de ce temps là. Ca nerajeunit pas Madame Alice et je sens que ça va lui donne un coup de blues, pas vrai ?

ALICE - Ah non non non, pas du tout, bien au contraire, ça me rajeunit ! (Rêveuse.) Ah, je merevoie dans ma classe... entre l'odeur de la craie et le tableau noir, en train de lire une dictée... (Sesouvenant.) Tu te souviens Bernard de la dictée sur le poulailler ?

LUCIEN (relevant la tête pour la première fois et riant d'un rire bruyant) – Oh oui ! Oh ce que j'ai purire quand tu me l'as racontée celle-là un soir.

THOMAS (sursautant, à Alice) – Il rit toujours comme ça ? On dirait un vieux canasson quicroque des noix !

BERNARD (faisant semblant de chercher) – La dictée... la dictée... non, je ne vois pas...

LUCIEN (riant toujours bruyamment) – Mais si voyons, les poules qui....

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BERNARD (lui coupant la parole, énervé) – Ben oui, oui, les poules du poulailler d'accord, mais jene me souviens plus... il y a si longtemps !

THOMAS (regardant Lucien qui continue à rire) – C'est pas possible, il s'est coincé des pilulesdans la gorge !

ALICE (l' aidant) – Bernard, tu n'as pas pu oublier ton interprétation du texte de cette dictée. Tousles élèves de ta classe s'en souviennent encore.

THOMAS (impatient) – C'était quoi, racontez...

BERNARD (voulant changer de conversation) – Donc, pour notre projet, j'ai cru bon de vousapporter ce premier plan qui vous permettra...

THOMAS – Après après, monsieur le maire ! La dictée d'abord.

JOSETTE (scandant) – La dictée ! La dictée ! La dictée !

BERNARD (complètement coincé) – Thomas, on n'est pas venu ici pour se rappeler des souvenirsd'enfance, mais pour travailler !

LUCIEN (rire bruyant) – Allez raconte, Alice.

THOMAS (sursautant au rire de Lucien) – Y m' fout les jetons à rire comme ça ! J'ai de la peine àm'y faire !

ALICE (retrouvant son ancien métier) – Je lisais donc la dictée et j'arrivais à la phrase suivante: « Les poules étaient sorties du poulailler dès qu'on leur avait ouvert la porte ».

LUCIEN (riant toujours de façon aussi bruyante) – Et lui, là, ce grand nigaud... il avait écrit... ilavait écrit...

THOMAS (impatient) – Qu'est ce qu'il avait écrit ?

ALICE – Sur sa copie, il avait écrit: « Les poules étaient sorties du poulailler, (Elle détache bienles syllabes.) des cons leur avaient ouvert la porte »

Ils éclatent tous de rire, à l'exception de Bernard, pas content.

THOMAS – Eh bien dites donc, monsieur le maire, vous ne risquiez pas de remporter ledictionnaire d'or à la dictée de Pivot !

JOSETTE (riant aux éclats) – Vous aviez déjà de sacrées aptitudes pour les calembours !

BERNARD (cherchant des excuses) – Il faut dire que Madame Durandet avait marqué un petittemps d'arrêt entre les deux mots... ça pouvait prêter à confusion. (Reprenant un peu d'assurance.)C'était un peu votre défaut ça, la prononciation...

ALICE (entrant dans son jeu) – Ah oui, tu trouves ? Comment expliquer alors tes exploits enlecture ? Là, tu avoueras que je n'y étais pour rien.

THOMAS (dont le regard va de l'un à l'autre) – Parce qu'en lecture également vous avez d'aussibelles perles à nous raconter ?

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BERNARD (s'énervant) – Je ne suis pas venu ici pour commenter mes copies d' il y a trente ans !Thomas, nous sommes en mission, le temps passe et nous n'avons toujours pas développé notreprojet à madame Durandet...

THOMAS – On n'est pas aux pièces monsieur le maire ! On a bien cinq minutes !(A MeDurandet.) Alors?

JOSETTE (impatiente, appuyée sur sa table à repasser, la tête entre les mains) – Oui, alors ?

ALICE (expliquant) – Je faisais lire un texte à l'ensemble de la classe et chaque élève lisait à sontour. Quand ce fut au tour de Bernard, je l'entends proclamer avec sa plus belle assurance: « Lesreligieuses se promenaient en priant dans le cloître de l'abeille »

LUCIEN (expliquant dans un rire bruyant) – Il avait lu abeille pour abbaye !

THOMAS (incrédule) – Non ?

LUCIEN – Si !

JOSETTE (incrédule elle aussi) – C'est pas possible !

THOMAS (outré) – Monsieur le maire !

BERNARD (cherchant à nouveau des excuses) – Vos exercices de lecture, c'était une vraie coursecontre la montre. C'était à qui lirait le plus de lignes en un minimum de temps. Alors forcément...

ALICE – C'est effectivement ce que j'ai pensé, moi aussi, quand j'ai entendu ça. (Aux autres.)Alors, pour en avoir le coeur net, je l'ai fait changer de texte en lui demandant de bien prendre sontemps... et là...(Elle laisse sa phrase en suspens.)

THOMAS (vivement intéressé) – Et là ?

JOSETTE (même jeu) – Oui là ?

LUCIEN (même jeu ) – Alors là !

BERNARD (revenant à la charge) – Ben là... faudrait prendre connaissance du plan maintenant.

A SUIVRE...

ACTE 2

Le lendemain matin. Même décor. Alice, perplexe, regarde Josette et Véro qui viennent d'arriver avecsacs et valises. Habillée court, cheveux de plusieurs couleurs, percings, tatouages, Véro mâche unchewing gum en attendant les présentations.

JOSETTE (à Alice) – J'vous présente ma nièce Véro ! (A Véro.) Madame Alice Durandet...

VERO (lui serrant la main en mâchonnant son chewing-gum) – Salut Alice, ça boum ? Ouahhh !C'est vachement grand chez toi ! (Elle se promène dans la pièce en regardant partout.)

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ALICE (à Josette, regardant Véro en souriant) – Ah oui vous aviez raison, c'est effectivement trèsspécial.

JOSETTE – J'vous avais prévenue ! Ca surprend un peu au début, mais on s'y fait très vite. Pasméchante pour deux sous remarquez, mais faut que ça se donne un genre !

ALICE (en riant) – J'ai comme l'impression qu'il va falloir doubler les doses de pilules à Lucien.Je comprends qu'avec son franc parler et son look, elle ait eu du mal à trouver une location dîtesdonc !

JOSETTE – C'est gentil à vous de bien vouloir l'héberger pendant quelques temps.. Et puiscomme ça monsieur le maire ne pourra plus dire que votre maison est inoccupée. Il n'osera peut êtrepas vous exproprier avec un locataire sous votre toit.

ALICE (rectifiant) – Avec deux locataires...

JOSETTE (étonnée) – Comment ça deux locataires ?

ALICE (toute excitée) – J'ai trouvé votre idée excellente hier alors, après votre départ, j'ai appeléquelques amies et l'une d'entre elles doit m'adresser une jeune fille ce matin. L'idéal serait d'entrouver deux ou trois autres pour les dernières chambres inoccupées. (On sonne à la porte d'entrée.)Tenez, c'est peut être elle...

Alice va ouvrir. Pendant ce temps, Lucien arrive de sa chambre, portant religieusement sur unplateau, son album de timbres, une boite contenant d'autres timbres en vrac et tous ses médicaments.Il referme la porte derrière lui et, en se retournant, il découvre Véro.

LUCIEN (lâchant le plateau en hurlant) – Ahhhhh ! (Tendant la main vers Véro.) Qu'est... qu'est...qu'est ce que c'est que ça ?

JOSETTE – Vous affolez pas monsieur Lucien ! C'est Véro, ma nièce...

LUCIEN (montrant ses cheveux) – Qu'est... qu'est... qu'est ce qui lui est arrivé ? Elle teste lespeintures chez Ripolin ? (Pleurnichard, se penchant pour ramasser ses timbres.) En tous cas, enattendant, j'ai plus qu'à ramasser tous mes timbres !

VERO (à sa tante, amusée) – Chez Ripolin ! Il est marrant lui ! Bouge pas Lucien, j'vais t'aider àles ramasser. (Elle se met à quatre pattes et commence le ramassage.) Suis moi, des fois que j'enoublierai...

LUCIEN (la suivant à quatre pattes, les yeux braqués sur son postérieur) – Non non, il vaut mieuxque vous me fessiez l'air (Se reprenant.)... heu... que vous me laissiez faire.

VERO – Y a pas de raison Lulu ! C'est de ma faute. (Josette s'y colle aussi.)

LUCIEN – Faut les prendre avec précaution surtout, ils sont fragiles.

VERO – Te bile pas Lulu, j'ai la technique ! (Elle mouille son doigt dans sa bouche et attrape lestimbres un à un sur le sol.)

LUCIEN (soudain affolé, cherchant partout) – Mon vermillon, j'ai perdu mon vermillon ! (Il serelève et tourne la tête de tous les côtés, vers le sol.)

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VERO – T'as perdu quoi ?

LUCIEN (paniqué) – Mon timbre... Mon vermillon !

VERO (se relevant à son tour et allant vers lui) – Y doit pas être bien loin, toutes les portes sontfermées. Comment qu'il est fait ton vermillon ?

LUCIEN (en pleine description, agité de tics nerveux) – C'est un petit timbre carré enveloppé dansune petite enveloppe transparente. Il représente une semeuse, il est couleur vermillon et il a uneimmense valeur. (Hurlant soudain.) Attention malheureuse vous marchez sur Paul Valéry !

VERO (relevant la jambe instinctivement et regardant par terre en riant) – Excuse moi Popaul, j' t'avais pas vu ! (Elle repose le pied un peu à côté.)

LUCIEN (hurlant à nouveau, agité de tics nerveux) – Vous le faîtes exprès ou quoi, maintenantvous êtes en train de piétiner le général de Gaulle !

VERO (levant l'autre jambe, s'amusant comme une folle) – Oh pardon Charles ! J'espère que je t'aipas froissé le képi ! (Elle se penche, mouille son doigt dans sa bouche, attrape les timbres et les donne àLucien.) Allez allez les garçons, fini la promenade, on retourne dans l'album à Lulu !

LUCIEN (les regardant attentivement sous toutes les coutures, catastrophé) – Eh bien voilà, PaulValéry a deux dents d' abîmées maintenant !

VERO (s'amusant comme une folle) – Oui mais il avait peut être déjà une carie avant ton Popaul !

JOSETTE (ramassant les autres timbres, amusée) – Alors là, on est en pleine comédie de molaire !Ou dans une tragédie de racine !

LUCIEN (regardant le deuxième timbre sous toutes les coutures, catastrophé) – Et le général deGaulle est tout ratatiné...

JOSETTE (se relevant et allant vers Lucien) – Eh ben ça va lui faire tout drôle dîtes donc, si degaule, le voilà devenu gardonnette ! (Lui donnant les timbres.) Ce serait y pas celui-là vot' vermillondes fois ?

LUCIEN (s'en emparant, oubliant le reste) – Ah mon vermillon ! Le voilà ! Mon trésor... mabeauté... ma richesse !

Il récupère tout son matériel et se tourne vers la porte d'entrée juste au moment où Alice introduitCaroline Gaumont Truchart. C'est une jeune fille très très vieux jeu, habillée vieille France, portantlunettes, couettes et petit chapeau.

ALICE – Je vous présente...

LUCIEN (lâchant le plateau en hurlant) – Ahhhhh ! (Tendant la main vers Caroline.) Qu'est...qu'est... qu'est ce que c'est que ça ?

ALICE – T'affole pas Lucien ! Je vous présente Caroline Gaumont-Truchart, notre nouvellelocataire. (Faisant les présentations.) Mon mari Lucien, qui est un peu nerveux, Josette, notre aideménagère et Véro, sa nièce, qui va également habiter ici. (Caroline salue tout le monde timidement.)

LUCIEN (à Alice, montrant la tenue de Caroline) – Elle chasse les oiseaux dans les cerisiers ?

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VERO (amusée, à Alice) – Il est marrant vot' Lulu ! Il m'imaginait faire de la peinture au pistolet,rapport à mes cheveux et voilà maintenant qu'il prend Caro pour un épouvantail ! (A Caroline,gentiment.) Faut dire aussi qu' t' as vraiment un look à faire peur aux étourneaux toi !

JOSETTE (en aparté) – C'est l'hôpital qui se moque de la Charité !

CAROLINE (bredouillant) – C'est mère qui choisit les vêtements pour moi...

VERO (interloquée) – Qui ça ?

CAROLINE (bredouillant) – Mère...

VERO (pliée de rire) – Oh pétard ! Comment que tu parles de ta vieille ! En tous cas dis donc,madame mère, elle t'a pas choisi de la haute couture !

CAROLINE (timidement) – Oui, ce n'est pas très reluisant n'est ce pas ?...

VERO (gentiment) – T'inquiète pas ma puce, de toute façon tout ce qui brille n'est pas Dior ! (Ellerit.)

LUCIEN (Pleurnichard, se penchant pour ramasser ses timbres.) – En attendant, tous mes timbressont encore par terre. (S'affolant de nouveau.) Mon vermillon, j'ai perdu mon vermillon !

VERO – Encore ! Quel récidiviste dîtes donc ! C'est un vrai p'tit vermisseau vot' vermillon !

ALICE – Arrête de trembler comme ça Lucien, on va te le retrouver.

Ils se mettent tous à sa recherche.

VERO (précisant) – Je vous précise que c'est un petit timbre carré enveloppé dans une enveloppetransparente. Il représente une semeuse, il est couleur vermillon et il a une immense valeur. Etattention où vous mettez les pieds parce que j'ai déjà pété deux dents à Paul Valéry et écrasé lesburnes du général de Gaulle !

JOSETTE (sur un ton de réprimande) – Véro ! Veux-tu bien surveiller ton langage et cesse detutoyer tout le monde ! Vous n'avez pas gardé les vaches ensemble, comme on dit !

VERO (riant) – Oh ben non et c'est bien dommage parce que j'aurais essayé de faire meuh laprochaine fois ! (Elle rit sous le regard faussement sévère de Josette.) J'peux pas m'en empêcher tataJosette, c'est dans ma nature !

ALICE (amusée) – Laissez la faire Josette, c'est bien la première fois qu'un rayon de lumière vientéclairer notre triste demeure.

VERO – Merci Alice ! (A sa tante.) Ah ben tu vois, j'suis un rayon de lumière et j'éclaire lesmaisons...

JOSETTE – C'est parce que tu es trop sous tension ! (Elles rient toutes les deux.)

VERO (à Caroline qui les regarde sans comprendre) – Elle est bonne la tantine, hein ? T'as pigél'astuce ?

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CAROLINE (timidement) – Quelle astuce ?

VERO (à Caroline qui, visiblement, n'y comprend rien) – Oh là là, t'es pas bien connectée on dirait !Mais t'inquiète pas, toi aussi t' éclaireras les tristes demeures quand on t'aura mis au courant.

ALICE (amusée) – Vous jouez subtilement avec les mots, je trouve ça exquis ! C'est à laquelle devous deux qui trouvera le plus d'exquis mots ? (Surprise, riant de sa trouvaille.) Allons bon, voilà queje m'y mets moi aussi !

LUCIEN (récupérant son timbre de valeur) – Ah, mon vermillon, le voilà ! Mon trésor...

VERO (prenant la suite) – Ma beauté... ma richesse !

ALICE (amusée, à Véro) – En cinq minutes, vous savez déjà tout du vocabulaire de Lucien.(Revenant à la réalité.) Eh bien maintenant, je vais vous montrer vos chambres mesdemoiselles, enespérant que vous vous plairez bien chez nous. C'est la fin de la semaine, vous avez tout le week-end pour vous installer. Ce n'est pas le grand luxe mais, si ça peut vous dépanner, sachez que ça merend aussi service.

Elles prennent leurs sacs et leurs valises et s'apprêtent à suivre Alice qui monte dans l'escalier. Onsonne à la porte d'entrée. Lucien récupère rapidement son matériel et retourne dans sa chambre enjetant un regard inquiet vers l'entrée.

JOSETTE (à Alice, se dirigeant vers la porte) – Je vais ouvrir, vous pouvez conduire les filles àleurs chambres.

Alice disparaît avec Véro et Caroline.

THOMAS (entrant précipitamment, suivi de Josette) – Faut que je vois madame Alice tout desuite ! (Affolé.) Figurez-vous que monsieur le maire a disparu...

JOSETTE – Comment ça disparu ?

THOMAS (expliquant avec force gestes) – Disparu, volatilisé ! Quand je suis arrivé à la mairie cematin, j'ai trouvé ce papier, écrit de sa main, posé sur son bureau. (Il lui donne le papier.)

JOSETTE (lisant) – Je ne peux plus supporter l'attitude des Durandet, je sais ce qu'il me reste àfaire...

THOMAS (exagérément triste) – Il n'a pas ouvert son courrier, sa voiture est restée sur le parkinget sa veste est au porte-manteau. Il a peut être eu un accident. Hier après midi, il se prenait pour unepoule, si ça se trouve il aura traversé la route sans regarder- vous savez ce que c'est une poule, ça neréfléchit pas beaucoup- et il se sera fait écraser. Quelqu'un lui aura volé dans les plumes...

JOSETTE (amusée) – A moins que le chauffard l'ait gardé pour se faire un pot au feu, moi jepense qu'on vous aurait rapporté le corps !

THOMAS (même jeu) – Ou alors, c'est en faisant Maya l'abeille ! Il aura suivi un essaim et il sesera englué dans une ruche...

JOSETTE (le coupant, en riant) – Ouais, mais là, à mon avis, il se sera fait virer dard dard ! (Ellemime des piqûres en série.)

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THOMAS (ne sachant plus) – Mais alors, où peut-il être ?

JOSETTE (le rassurant) – Vous inquiétez pas, il doit ruminer sa colère quelque part ! (Enjôleuse.)Mon petit Thomas, est ce que je peux vous confier un secret ?

THOMAS (fondant) – Confiez-moi tout ce que vous voulez mademoiselle Josette, je suis votrehumble serviteur.

JOSETTE (surprise et flattée) – Eh ben dîtes donc, c'est pas tous les jours qu'on me parle commeça ! Ca vous ennuierait pas de me le répéter encore une fois que j'essaie de m'y habituer.

THOMAS (même jeu) – Je suis votre humble serviteur... (Elle se pâme d'aise.) et quand je vous aivue hier, penchée sur votre table de repassage...

JOSETTE (le coupant en riant) – ...Vous vous êtes dit: « tiens, voilà une bonne à tous fers » ! (Ellerit en mimant le repassage.)

THOMAS (lyrique) – Votre doux visage m'est apparu à demi caché dans les brumes et la vapeurde votre vaporetto...

JOSETTE (riant) – Eh ben, la prochaine fois, venez donc avec un phare antibrouillard sur lefront, ce serait quand même dommage de me rater.

THOMAS (lentement) – Et vous plissiez... et vous plissiez... Ca n'en finissait pas...

JOSETTE (riant) – J'ai pas toujours envie de plisser vous savez ! (Fière.) Faudrait qu'une autrefois vous me voyiez dans le corps de balais...

THOMAS (stupéfait et admiratif) – Vous faîtes partie d'un corps de ballets mademoiselle Josette ?(Bredouillant.) En tu... en tu... en tutu ?

JOSETTE (interloquée) – En tutu ! Pour passer le balai brosse et la serpillière, j'aurais bonnemine ! C'est bien là que monsieur Lucien y me ferait une syncope pour de vrai. Non, j' fais corpsavec le balai ! Je glisse, je vole, vous verriez ça, c'est ma spécialité ! Faut pas être un manche pourse servir de ces ustensiles.

THOMAS (en adoration, langoureux) – Vous êtes une vraie fée du logis.

JOSETTE (plaisantant) – Sauf quand je suis à califourchon sur mon balai, là je ressemble plus àune sorcière qu'à une fée !

THOMAS (en adoration, langoureux) – Ah mademoiselle Josette...

JOSETTE (langoureuse elle aussi) – Ouuuiiii Thomas...

THOMAS (même jeu) – Je voulais vous dire...

JOSETTE (même jeu, attendant) – Ouuuuiii Thomas....

THOMAS (langoureux, ne trouvant pas ses mots) – Je voulais vous dire... je voulais vous dire(Revenant brusquement à la réalité, affolé.) Je voulais vous dire que le maire a disparu...

JOSETTE (sortant de son rêve) – Vous n'êtes pas très romantique ! Moi qui était en train de me

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laisser bercer en vous écoutant me réciter les flirts du mâle ! (Sérieuse.) Bon, que je vous explique lasituation Thomas. J'ai téléphoné au maire hier soir pour lui annoncer que les Durandet avaient louédeux de leurs chambres à des jeunes filles à partir de ce matin.(Etonnement de Thomas.)

Alice Durandet réapparaît sur le palier.

ALICE (amusée, à Josette) – Eh ben dîtes donc, on a vraiment le jour et la nuit là-haut ! Elles sonten train de comparer leurs nuisettes, ça vaut son pesant de nougat ! Il y en a une qui a quinze foisplus de tissu que l'autre et je vous laisse deviner laquelle. (Apercevant Thomas.) Thomas, mais quefaîtes-vous ici ce matin ?

THOMAS (affolé) – Je venais vous avertir que le maire a disparu.

ALICE (contente) – Ca c'est plutôt une bonne nouvelle.

THOMAS (incrédule) – C'est vrai ce que m'a dit mademoiselle Josette, que vous avez deuxlocataires ?

ALICE (toute excitée) – Ouuiii ! C'est une idée de Josette. L'idéal serait d'en trouver une troisièmepour la chambre du fond...

THOMAS (incrédule) – Et que vous avez raconté tout ça à monsieur le maire ?

ALICE (prise dans le jeu à fond) – Ouais ! On lui a tout balancé, hier soir, au téléphone.

THOMAS (inquiet) – Et qu'est ce qu'il a répondu ?

JOSETTE (à Alice) – Il a ricané en disant: « Ah ah, madame Alice se croit aux pays desmerveilles ? Elle rira peut être moins demain matin ! »

THOMAS (inquiet, reprenant la phrase) – Elle rira peut être moins demain... Si ça se trouve,orgueilleux comme il est, son honneur bafoué, il aura peut être fait une connerie...

ALICE (avec évidence) – C'est pas un scoop ! Des conneries, Bernard, il en a fait toute sa vie !Mais il est trop attaché aux biens matériels de ce bas monde pour en arriver à l'ultime bêtise !

THOMAS (encore hésitant) – Enfin quand même... le tan-tan, les abeilles, les cons qui ouvrent laporte et le robinet qui coule, ça fait beaucoup pour un seul homme dans une même journée, vous netrouvez pas ?

JOSETTE (le rassurant) – Il s'en remettra. Si ça se trouve, il est déjà revenu à la mairie.

THOMAS (bondissant vers la porte, tout content) – Vous avez peut être raison, je saute voir et jevous tiens au courant ! (Il sort.)

Comme au début de l'acte, Lucien arrive de sa chambre, portant religieusement sur un plateau, sonalbum de timbres, une boite contenant d'autres timbres en vrac et tous ses médicaments. Il referme laporte derrière lui et s'avance lentement et avec précaution vers la table.

ALICE (réfléchissant) – C'est curieux que ce garçon veuille nous aider.

JOSETTE (voulant expliquer) – Il a eu une apparition... un doux visage de femme au travers d'unnuage de brumes...

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ALICE (stupéfaite) – La vierge ?

JOSETTE (se regardant) – C'est peut être pas le terme qui convient, faut rien exagérer non plus !

On sonne à l'entrée. Lucien reprend précipitamment ses affaires et repart très vite dans sa chambre.Thomas entre précipitamment.

THOMAS (vivement à Alice) – Dîtes, vous m'avez bien dit que vous recherchiez un autre locatairerapidement ?

ALICE – Oui, pourquoi ? Vous êtes intéressé Thomas ?

THOMAS (penaud) – Non non, je loge toujours chez maman.

JOSETTE (le regardant avec gourmandise) – Mais on dirait que ça n'a jamais servi ça ! C'est queça m'a l'ait tout neuf ça, madame !

THOMAS (continuant) – En sortant de chez vous, j'ai croisé un clochard sur le trottoir et je mesuis dit que peut être... enfin... que ce serait peut être bien de...

JOSETTE (excitée par l'idée) – ... de l'héberger ici ? (Thomas acquiesce à grands coups de tête.) Envoilà une bonne idée ! Qu'en pensez-vous madame Alice ?

ALICE (sceptique) – J'en pense que, du coup, Lucien va être bon pour l'asile !

JOSETTE (voulant la convaincre) – Réfléchissez ! En logeant ce pauvre homme vous faîtes unebonne action. Vous imaginez l'impact social et humain que cela représente ? Comment voulez-vousqu'on vous vire après ça !

ALICE (convaincue) – Vous avez encore raison Josette. Avec vous, tout marche toujours droit.On se sent bien dans ses godasses, comme disent les jeunes. Comment je ferais sans vous...

JOSETTE (avec humour) – Si ça marche et que vous êtes bien dans vos godasses, faut surtout paschanger de Josette ! (Elle rit.)

Véro et Caroline qui étaient sur le palier, ont suivi la fin de la conversation.

VERO (admirative, à sa tante) – Super tata ! Alors là, ça c'est du calembour de grande pointure. (ACaroline.) T'as pigé ce coup ci ?

CAROLINE (paumée) – Pigé quoi ?

VERO (lui expliquant) – Changer de Josette... pour changer de chaussettes !

CAROLINE (de plus en plus paumée) – Josette... chaussette... non je ne vois pas...

VERO (déçue) – Ouhlà ! Il te manque quelques gigas sur ton disque dur toi, va falloir reformatertout ça et augmenter la puissance !

CAROLINE (bredouillant, confuse) – J'ai... j'ai... j'ai eu une éducation un peu spéciale. Père etmère sont très stricts sur les principes et les plaisanteries.

VERO (curieuse) – Eh, ils ont bien des prénoms, père et mère ?

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CAROLINE (bredouillant, confuse) – Oui... oui... bien sûr... Gonzague et Aliénor...

VERO (sincère) – Oh, t'as pas d' pot ma vieille ! Tu démarres avec un sacré handicap dans la vie !Eh, tu sais quoi ? Quand on parlera d'eux maintenant, on dira Gonze et Lili, ce sera plus cool !

CAROLINE (pas convaincue) – Tu crois ?

THOMAS (à Alice) – Bon alors, qu'est ce que je fais pour le clochard ?

ALICE (convaincue et excitée) – Rappelez-le vite et faîtes-le entrer.

Il sort rapidement, laissant la porte d'entrée ouverte. Lucien revient avec toutes ses affaires tandisque les filles descendent l'escalier et s'approchent de lui.

THOMAS (off) – Monsieur ! Monsieur ! Oui vous... Vous pouvez venir ici s'il vous plaît ?

FERNAND (voix gouailleuse off) – Qu'est ce que vous me voulez ?

A SUIVRE...

ACTE 3

Le rideau s'ouvre sur la fin de la scène de l'acte 2. Thomas est seul en scène et continue de scander leslogan plusieurs fois de suite.

THOMAS - Et une... et deux... et trois chambres à zéro !

On sonne à la porte d'entrée. Il s'arrête net, regarde autour de lui et se décide à aller ouvrir.

SOLANGE (voix off, très forte) – J'étais sûre de vous trouvez là ! (Apparaissant, autoritaire.) Alors,où est-il ?

THOMAS (tout craintif) – Qui ça ?

SOLANGE (en colère) – Le pape tiens pardi ! (Avançant vers lui qui recule.)

THOMAS (faussement soulagé) – Ah le pape ! Il est en voyage, au Brésil, je l'ai vu à la télé hiersoir, dans sa papamobile, qui faisait des bonjours à tout le monde... (Il fait des saluts de mains.)

SOLANGE (ahurie, pour elle même) – Mais qu'il est con, c'est pas possible ! (Avançant vers lui quirecule.) Vous vous foutez de ma gueule Thomas, c'est ça ?

THOMAS (la main sur le coeur, apeuré, reculant) – Ah non, madame Petit, je ne me permettraisjamais !

SOLANGE (au public) – Alors c'est encore pire que ce que je pensais ! C'est pas une couche qu'iltient, c'est un blindage ! (A Thomas.) Je ne vous parle de mon mari, abruti !

THOMAS (en pleine confusion) – Ne soyez pas si sévère avec lui, il n'est pas si abruti que ça votremari...

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SOLANGE (de nouveau au public) – Je l'étrangle tout de suite ou je fais durer le plaisir ? (Secalmant, à Thomas.) Mon petit Thomas, vous êtes bien le secrétaire de mon mari, n'est ce pas ?

THOMAS (hésitant) – Ben... oui...

SOLANGE (maîtrisant son calme) – Et vous êtes, bien sûr, tout dévoué à votre maire ?

THOMAS (aux anges) – Oh oui ! Maman est une femme tellement douce... tellement gentille...

SOLANGE (s'énervant) – Je ne vous parle pas de votre mère... je vous parle de votre maire !

THOMAS (la regardant bizarrement) – Vous êtes sûre que vous allez bien madame Petit ?

SOLANGE (se dominant) – Bon, eh bien on va s'y prendre autrement. (Le prenant brusquement aucollet, hurlant.) Où est mon mari ?

THOMAS (se faisant tout petit) – Je ne sais pas... je le cherche partout depuis ce matin...

SOLANGE (le tenant toujours au collet) – Et moi, depuis hier soir ! Où est-il Tomas ? Unsecrétaire de mairie est forcément au courant des moindres faits et gestes de son maire... (Elle luiserre la gorge à l'étouffer.) Vous allez me répondre oui ou non ?

THOMAS (suffoquant) – Aaaarrrk ! (Articulant avec peine.) Il était tout bizarre hier...

SOLANGE (le tenant toujours au collet) – Ah oui ? Et pourquoi il était tout bizarre ?

THOMAS (suffoquant) – Parce qu'on s'est mis à parler de ses poules...

SOLANGE (en pleine fureur) – De ses poules ? Ah le salaud ! Je m'en doutais, je le sentais, j'étais sûre qu'il me trompait !

THOMAS (suffoquant) – C'est... c'est pas ce que vous croyez...

SOLANGE (en pleine fureur) – Me faire ça à moi, une femme fidèle, innocente et fragile ! (Elleresserre son étreinte.) Vous étiez au courant qu'il y avait des poules dans sa vie et vous ne m'avez riendit. (Encore plus menaçante.) Mais alors, vous êtes complice de ses turpitudes ?

THOMAS (suffoquant de plus en plus) – Moi... mais... mais pas du tout... Ca s'est juste aggravéquand il a été question du tam-tam...

SOLANGE (en pleine fureur) – Du tam-tam ? Il me trompe avec des poules africaines !

THOMAS (suffoquant de plus en plus) – Non... non... Seulement on n'aurait pas dû parler de labaignoire qui fuit et des abeilles...

SOLANGE (le cramponnant toujours) – Une baignoire et des abeilles ? Des abeilles... quibutinent... comme lui ! N'en rajoutez pas, j'ai tout compris ! Son absence délibérée pour régler ladélicate affaire Durandet n'est qu'un vulgaire prétexte pour aller assouvir, dans quelque bauge, sesbas instincts lubriques. (Relâchant Thomas.) Je sais ce qu'il me reste à faire...

THOMAS (desserrant son col de chemise) – Allons bon, vous aussi ! Ne faîtes surtout pas debêtise madame Petit.

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SOLANGE (bras grands ouverts devant lui) – Si vous avez envie d'une blonde (ou d'une brune) nevous gênez pas, servez-vous Thomas, prenez...

THOMAS (pensant à une bière) – Non merci, sans façon. Je ne prends jamais rien entre les repas.

SOLANGE (lui enlevant brusquement sa veste) – Alors là, plus con, tu meurs !

THOMAS (essayant de remettre maladroitement sa veste pendant qu'elle s'attaque à la chemise, luilaissant sa cravate) – Mais qu'est ce que vous faîtes, voulez vous me laisser tranquille, je vaisattraper froid et j'ai les bronches fragiles... après, je vais faire que tousser...

SOLANGE (s'attaquant au tee-short) – Ah ah, Bernard Petit a pris sa femme pour une oie blancheet il s'offre des aventures avec des poules noires ! Eh bien, c'est ce qu'on va voir ! Oeil pour oeil,dent pour dent. A défaut d'un bel apollon au corps d'ébène, je prends ce que j'ai sous la main ! (Alorsqu'il essaie de se rhabiller à la hâte, elle l'attrape par la cravate et l'entraîne vers la table sur laquelle elles'assied.) Allez, viens par ici toi ! Prends-moi, je ferme les yeux !

THOMAS (tiré par la cravate, à moitié plié sur elle, affolé) – Que je vous prenne... là.... commeça.... tout de suite... sur la table ?

SOLANGE (moqueuse) – Tu veux peut être que j'aille te chercher des coussins ?

THOMAS (essayant de s'en sortir) – Ah non non, même avec des coussins, c'est pas possible;

SOLANGE (se redressant vexée) – Comment ça, c'est pas possible ? Monsieur fait la fine gueulesur la marchandise ?

THOMAS (les yeux braqués sur la table) – Non... mais j'peux pas... (Tout bas, en confidence.) avectous ces gens qui nous regardent...

SOLANGE (interloquée) – Des gens ? Où ça ?

THOMAS (indiquant le public du pouce, sans le regarder) – Là... (Montrant les timbres sur la table)Et puis, tous ces timbres autour de nous... j'ai l'impression que la France entière nous observe.(Annonçant tout bas.) Je vois même Jean Moulin, un héros de la résistance...

SOLANGE (le tirant par la cravate) – C'est ça ! Mais ne te sens pas obligé de résister autant quelui, t'as rien d'un héros !

THOMAS (se redressant et fouillant dans les timbres) – Il y a aussi Victor Hugo ! Il va nousprendre pour des misérables c'est sûr... Et Emile Zola...

SOLANGE (le tirant par la cravate) – Eh ben lui, avant qu'il te prenne pour une bête humaine...çava demander quelques jours !

THOMAS (se redressant et fouillant dans les timbres) – Même Paul Emile Victor est là ! Del'Artique, le voilà arrivé dans le bas rein ! Pourvu qu'il ne se chope pas un chaud et froid.

SOLANGE (le tirant à nouveau par la cravate) – On s'en fout ! Prends-moi Thomas, je suis commeun volcan en éruption.

THOMAS (se redressant de nouveau et cherchant dans les timbres) – Ce serait peut être bien queHaroun Tazieff voit ça alors... (Elle l'attire sur elle. Toute cette scène, depuis son début, ne doit en aucuncas tomber dans la vulgarité.)

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Fernand apparaît sur le palier des chambres, bougon.

FERNAND (arrivant) – Alors quand est ce qu'on graille ici ? Je commence à avoir la dalle ! (Ilaperçoit le couple en bas et reste stupéfait.)

THOMAS (se relevant) – Y a... y a... y a du monde là-haut...

SOLANGE (se relevant à son tour et apercevant Fernand) – Vous arrivez à pic, vous ! Asseyez-vous sur les marches et regardez bien. Vous me servirez de témoin.

FERNAND (éberlué) – Témoin de quoi ?

SOLANGE – De mon adultère !

FERNAND (outré) – Mais j'veux pas être témoin d'votre adultère, moi !

THOMAS (soulagé) – Y veut pas le monsieur...

SOLANGE – C'est quand même pas compliqué ce que je vous demande !

FERNAND (têtu) – C'est peut être pas compliqué mais j'veux pas ! (Il essaie de moraliser Solange.)Et puis c'est pas bien de tromper son mari. Qu'est ce qu'il vous a donc fait ce pauvre homme, hein ?

SOLANGE – Il est parti depuis hier soir butiner une poule africaine qui joue du tam-tam. dansune baignoire percée. Je ne sais pas ce qu'il vous faut de plus ! Le maire de la ville ! Un bel exemplepour ses administrés !

FERNAND (étonné) – Comment que vous savez ça ?

SOLANGE (désignant Thomas) – Thomas son secrétaire, m'a tout raconté et il va m'aider à mevenger de cet affront. (Elle le reprend par la cravate.)

FERNAND (brusquement) – Enfin jeune homme, ressaisissez-vous, vous ne pouvez quand mêmepas faire ça à votre maire !

THOMAS (réagissant) – Il a raison, maman ne serait pas contente si elle apprenait ça.

La porte de la chambre des Durandet s'ouvre et Josette paraît, essayant de faire sortir Lucien de satanière.

JOSETTE (sur le seuil, sans voir les autres) – Allons monsieur Lucien, un peu de courage ! (Ilpointe son nez à la porte,sans sortir complètement, tandis que Josette se retourne et découvre Thomas, torsenu et cravaté.) Thomas, qu'est ce que vous faîtes dans cette tenue ? (Il se rhabille à la hâte.) Et vousmadame Petit, assise sur les timbres de monsieur Lucien ?

Lucien sort rapidement de sa chambre pour aller protéger ses timbres, mais voyant Fernand sur lepalier, il rebrousse chemin et revient se cacher dans l'entrebâillement de la porte de sa chambre.

LUCIEN (a demi caché, bredouillant de colère) – Voulez-vous bien descendre de cette table tout desuite, vous êtes assise sur mon vermillon ! Un timbre de grande valeur... (Elle descend de la table.)

FERNAND (regagnant sa chambre) – J'préfère m'en aller, j'aime mieux pas voir ça !

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THOMAS (paumé dans ses fringues) – C'est pas ce que vous croyez mademoiselle Josette.

JOSETTE (en colère) – Ah oui ? Et qu'est ce qu'il faut croire exactement ?

SOLANGE (hypocritement) – Mon mari me trompe, mademoiselle Merland et Thomas seproposait gentiment de m'aider à venger mon honneur bafoué.

JOSETTE (en colère, à Solange) – En vous faisant faire des galipettes sur la collection de timbresde monsieur Lucien ? (Elle acquiesce de la tête.)

THOMAS (tout penaud, à Solange) – Mais j'ai rien proposé du tout moi, c'est vous qui m'avezdemandé de...

SOLANGE (le coupant, hypocritement) – Et voilà ! Mon mari me trompe et son remplaçant n'estmême pas capable d'assumer ses actes...

JOSETTE (outrée) – Et dire qu'il y a une heure, il prétendait être en adoration devant moi... Il mevoyait, comme une apparition, au travers de brumes célestes !

THOMAS (perdu) – Oui mais maintenant, c'est moi qui suis dans le brouillard !

JOSETTE et SOLANGE (ensemble, le regardant avec mépris) – Tous des salauds !

Une fumée sort sur le palier, venant des chambres. Personne ne s'en rend compte.

THOMAS (reniflant) – Ca sent le roussi !

JOSETTE (mains sur les hanches) – Vous ne croyez pas si bien dire !

SOLANGE (en rajoutant une louche) – C'est sûr que ça va chauffer pour vous mon vieux !

FERNAND (arrivant brusquement des chambres) – Au secours, au secours, il y a le feu dans machambre ! (Il descend en trombe.)

Lucien, complètement apeuré, se renferme à nouveau dans sa chambre.

JOSETTE (affolée) – Et les filles qui sont là haut !

THOMAS (Courageusement) - J'y vais ! (Il enlève sa chemise à peine boutonnée et montant l'escalierrapidement il disparaît dans la fumée du couloir.)

JOSETTE (étonnée) – Pourquoi il enlève sa liquette, on ne lui demande pas de se jeter à l'eau !

SOLANGE (admirative) – Il est con, mais il est courageux.

Véro et Caroline arrivent à leur tour en toussant. Véro tient une paire de ciseaux à la main et a,visiblement, commencé la transformation de Caroline Cette dernière n'a plus ses couettes (ou changementde coiffure) et ses cheveux sont peints de la même couleur que ceux de Véro. Elle n'a plus ses grosseschaussettes mais des collants fins et un pan de sa robe a été attaqué par les ciseaux de Véro.

JOSETTE (à Fernand) – Qu'est ce qui s'est passé ?

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FERNAND (visiblement chamboulé) – J'en sais rien, je crois que le feu a pris dans un rideau.

SOLANGE (reniflant autour de Fernand) – C'est curieux comme ça sent le poisson fumé ici !

JOSETTE (inquiète, regardant l'escalier) – Pourquoi il ne redescend pas ? J'espère qu'il n'a pas prisfeu...

SOLANGE (moqueuse) – Lui ? Risque pas de s'enflammer, il est complètement ignifugé cegarçon !

On l'entend tousser et taper pour éteindre l'incendie. Ils se rassemblent tous au pied de l'escalier.Lucien entrouvre sa porte mais n'ose pas entrer car Fernand se tient près de la table. La fuméediminue et Thomas réapparaît, le visage tout noir de suie, les cheveux droits debout sur la tête et iltire la langue.

VERO (riant en le montrant du doigt) – On dirait Einstein !

SOLANGE (vacharde) – Le quotient intellectuel en moins !

TOUS (impatient de savoir) – Alors ?

THOMAS (comme un zombie) – Tout est éteint, y a plus de danger...

La sonnette d'entrée retentit. Josette se précipite ouvrir et revient aussitôt accompagnée d'un agentde police.

AGENT (deux doigts à la casquette) – Messieurs dames ! Alors il paraît qu'il y a un débutd'incendie chez vous ? (Regardant autour de lui.) Ca ne m'étonne pas, dans des vieilles baraquescomme ça !

JOSETTE (étonnée) – Qui vous a prévenu ?

AGENT (prenant son carnet) – Un certain... Lucien.

Ils se retournent tous vers la porte de la chambre de Lucien qui se referme brusquement sur lui.

AGENT (prenant des notes) – Vous avez appelé les pompiers ?

THOMAS (intervenant innocemment) – Pourquoi faire monsieur l'agent, j'essayais juste lefonctionnement d'un nouveau barbecue.

AGENT (prenant des notes, sceptique) – Nouveau... barbecue... (Réagissant soudain.) Vous faîtesdes barbecues dans votre chambre, vous ? Et torse nu ?

THOMAS (même jeu) – C'est pour bronzer plus vite...

AGENT (le regardant bizarrement) – A la chaleur du charbon de bois ?

THOMAS (même jeu, innocemment) – Oui, c'est moins brutal que le soleil.

AGENT (montrant des rayures imaginaires sur son thorax) – Et vous n'avez pas peur d'être toutzébré, rapport à la grille du barbecue qui va retenir les rayons ?

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THOMAS (continuant son délire) – Non, parce que je me déplace beaucoup... autour... Et puis jetrouve ça plus sympathique, plus convivial...

AGENT (prenant toujours des notes) – Plus... convivial... (Pas convaincu.) C'est surtout original.

THOMAS (même jeu) – Et puis, s'il vient une averse, on est tout de suite à l'abri.

AGENT (convaincu) – Evidemment évidemment ! (Reniflant l'odeur émanant de Fernand)Attendez, laissez-moi deviner... Vous faisiez griller du poisson ?

THOMAS (même jeu, innocemment) – On ne peut rien vous cacher. Ah le flair du policier, çam'impressionne toujours !

AGENT (fier) – Je vous le fais pas dire. C'est grâce à ça que je suis chef (Se présentant.) AgentDutarin pour vous servir.

VERO (en aparté à Caroline) – Un nom prédestiné pour avoir du flair !

CAROLINE (ne comprenant pas) – Pourquoi ?

VERO (désolée, la regardant) – Bon, eh ben y a encore du boulot à faire chez toi !

AGENT (soupçonneux, avisant le visage noir de Thomas.) - Et le noir sur votre visage ?

THOMAS (même jeu) – Un retour de flamme à l'allumage...

AGENT (reprenant des notes lentement) – Retour de flamme... à... l'allumage. (Amusé.) Il estpratique votre engin, c'est un barbecue deux en un ! Il vous fait l'épilation complète du visage enmême temps que les brochettes ! (Soudain soupçonneux.) Mais pourquoi qu'un certain Lucien nous aappelé pour déclarer un incendie ?

JOSETTE (prenant le relais) – La tête, monsieur l'agent ! C'est le propriétaire de la maison mais ildéraille un peu par moment...

AGENT (reprenant des notes lentement) – Déraille un peu... par moment... Bon eh bien tout ça m'al'air parfaitement clair et je ne vais pas vous ennuyer plus longtemps. Bonnes grillades ! (Il s'arrêtesur le pas de la porte et renifle un coup.) Soyez prudents quand même, j'suis pas certain que votrepoisson soit très très frais ! Messieurs dames ! (Il sort.)

Thomas, dont les nerfs lâchent, descend l'escalier en titubant. Josette se précipite et le rattrape auvol.

THOMAS (à moitié dans les vaps) – Est ce que j'ai été bon ?

JOSETTE (admirative) – Vous avez été parfait Thomas. Non seulement vous avez maîtrisél'incendie, mais en plus, votre histoire a dissuadé l'agent Dutarin de faire une enquête.

Retour d'Alice avec son sac à provisions. Elle entre précipitamment et va directement vers les autres.

ALICE (inquiète) – Qu'est ce qui se passe, je viens de croiser un agent qui sort d'ici ? (ApercevantThomas.) Il s'est mis la tête dans le four de la gazinière ?

SOLANGE (expliquant) – Non, un début d'incendie dans la chambre de ce monsieur...

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Josette, avec une serviette humide, nettoie le visage de Thomas qui se laisse faire, comme un gamin.Elle lui renfile sa chemise et sa cravate.

THOMAS (bredouillant) – Court circuit sur la lampe de chevet je crois... embrasement desrideaux... Tout est noir là-haut...

FERNAND (s'apprêtant à remonter dans la chambre) – Je veux pas crècher dans une piaule quisent le cramé ! Je récupère mon sac et j'me tire

JOSETTE (ironique) – Vous voyez bien qu'on s'habitue vite au confort ! J'vous l'avais dit !

FERNAND (sur les premières marches) – Et puis, elle est dangereuse votre baraque. Je serai plusen sécurité sous les ponts.

VERO (moqueuse) – Quel trouillard !

FERNAND (redescendant) – Qu'est ce qu'elle a dit la Géronimo avec ses peintures de guerre ?

CAROLINE (au secours de Véro, cherchant ses mots) – Que vous êtes une lopette... unmicheteux... une couille molle! (Etonnée de ce qu'elle vient de dire.) Ohhhhh !

VERO (mi surprise, mi admirative) – Mais c'est bien ça ma grande ! J'vois que t'as du vocabulaireen réserve.

CAROLINE (rentrant la tête dans les épaules) – Oh, si Gonze et Lili m'entendaient...

ALICE (voyant que Fernand hésite) – Allez, récupérez votre sac, monsieur Fernand, et installez-vous dans la chambre du fond. Ce serait bien le diable qu'il y ait un deuxième incendie.

FERNAND (montant en grommelant) – On dira ce qu'on voudra mais y s'passe quand même deschoses bizarres ici. (Il disparaît sur le palier.)

Lucien, qui devait surveiller, derrière sa porte, le départ de Fernand, entre précipitamment, jette unregard vers l'escalier et se dirige vers la table. Il ramasse rapidement tous ses timbres, et sesmédicaments, et va retourner vers sa chambre sans un regard vers les autres. Il ne répond même pasà Josette qui lui parle.

JOSETTE (à Lucien ramassant ses affaires) – Eh monsieur Lucien, c'est les pompiers qu'il fautappeler quand ça brûle, pas la police... (Il n'écoute pas.) Parce que le Dutarin, s' il agite la lance àincendie aussi rapidement que son stylo, on aura le temps de crâmer dix fois ! (Il sort sans répondre.)

ALICE (étonnée) – Il a appelé la police ? (Josette acquiesce de la tête.)

CAROLINE (osant) – En tous cas, heureusement que Tom était là... (Elle s'étonne elle même.)VERO (décontractée en riant) – Sinon on vous inventait une nouvelle recette de poitrine grillée

toutes les deux !

THOMAS (remis de ses émotions) – Je retourne à la mairie voir si monsieur le maire est rentré.

SOLANGE (dont la colère revient) – Il vaudrait mieux pour lui ! Partez devant Thomas et dîtes-luique j'arrive ! (Thomas sort.) Madame Alice, mon mari me trompe...

ALICE (avec évidence) – Bien sûr, avec Marianne ! C'est pas nouveau, vous deviez vous en

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douter un peu, non ?

SOLANGE (de plus en plus en colère) – Elle s'appelle Marianne cette salope ! Et en plus, tout lemonde est au courant à ce que je vois !

LUCIEN (sortant précipitamment de sa chambre) – Au voleur, au voleur ! Mon vermillon adisparu ! On m'a volé mon timbre...

VERO (anticipant) – Son trésor, sa beauté, sa richesse...

LUCIEN (paniqué, agité de tics nerveux) – Ah, mon coeur... mon ventre... mes bras... mes jambes...et ma tête...

VERO (s'amusant) – Alouette alouette !

ALICE (le rassurant) – Ne t'affole pas Lucien, il est peut être tombé dans la chambre. Retournevoir s'il n'a pas glissé sous le lit. (Il repart, agité de ses tics.)

La sonnette d'entrée retentit. Josette se précipite ouvrir.

SOLANGE (compatissante) – Il va finir complètement timbré le pauvre !

JOSETTE (voix off) – Monsieur l'agent, encore vous ?

Retour de Josette accompagnée du même agent de police.

AGENT (son carnet de notes à la main) – Heureusement que j'étais pas rendu trop loin. Alors, vousvenez d'être victime d'un vol maintenant ?

ALICE (éberluée) – Euh oui... enfin non... C'est à dire qu'on n'est pas certain que... Mais commentsavez-vous ?

AGENT (consultant son carnet de notes) – Je cite le sieur Lucien: « Venez vite, on vient de mevoler un timbre de grande valeur » Ce serait pas le bronzé de la briquette qu'aurait allumé sonbarbecue avec, des fois ?

ALICE (paumée, à Josette) – Qu'est ce qu'il dit ?

JOSETTE (tout bas à Alice) – J'vous expliquerai. (A l'agent.) Monsieur l'agent, c'est encore uncoup de monsieur Lucien, vu qu'il n'a pas toute sa tête comme je vous le disais tout à l'heure...

AGENT (relisant ses notes) – « Venez vite, on vient de me voler... » C'est écrit sur mon calepin(Se donnant de l'importance.) On n'est plus dans les grillades là, mademoiselle, on parle de vol !

ALICE (voulant expliquer) – Mon mari l'a sûrement égaré, il le recherche actuellement.

LUCIEN (ressortant, paniqué, agité de tics nerveux) – Il n'est pas sous le lit... je ne le retrouve pas...on me l'a volé j'en suis sûr !

AGENT (le regardant s'agiter) – Vous êtes la victime ?

LUCIEN (toujours agité de tics nerveux) – Oui monsieur l'agent.

AGENT (autoritaire) – Nom, prénom, adresse, date de naissance, numéro de sécurité sociale, et

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que ça saute !

LUCIEN (de plus en plus agité de tics nerveux) – Lucien Durandet... (Bredouillant.) 22 rue desbleuets...

L'agent le regarde pendant qu'il décline son identité et commence à prendre les mêmes tics que lui.Ce petit jeu de scène peut être accentué ou allongé selon le succès qu'il obtiendra.

AGENT (essayant de prendre des notes) – Arrêtez de bouger bon sang, j'peux pas écrire !

LUCIEN (essayant de se calmer) – Je... je... je ne bouge pas... monsieur l'agent...

AGENT (faisant les mêmes gestes que Lucien) – Si, vous bougez ! Vous n'arrêtez pas de remuer vosbras et vos jambes et de secouer la tête dans tous les sens, alors moi ça me perturbe, voilà !

JOSETTE (intervenant) – A moins que ce soit madame Petit, en s'asseyant sur la table, qui se lesoit collé sur le... (Elle se montre le postérieur tandis que Solange, instinctivement se retourne.)

AGENT (refermant son calepin) – Dans ce cas, c'est pas du vol, c'est de l'affranchissement postal !Faut voir ça avec les PTT, c'est pas du ressort de la police.

LUCIEN (s'excitant de nouveau) – Faut vérifier tout de suite monsieur l'agent... c'est un timbre quivaut très cher !

SOLANGE (rabattant sa jupe contre ses jambes) – Ca va pas, non ?

JOSETTE (avec humour, à Lucien) – Si on le retrouve là-dessous, on pourra vraiment dire qu'ilcoûte la peau des fesses vot' timbre ! (Tout le monde rigole.)

AGENT (fermement) – Bon, on arrête de rigoler maintenant parce que Dutarin il n'a pas que ça àfaire ! Allez ouste, on vide ses poches sur la table tout de suite !

Fernand est revenu sur le palier et regarde tout le monde sans rien dire.

VERO (montrant ses vêtements) – J'ai pas de poches monsieur l'agent mais pour vous prouver moninnocence, je veux bien être fouillée. (Elle s'avance vers lui, provocante, en levant les bras.)

AGENT (se retroussant les manches en souriant de plaisir) – Votre coopération fait plaisir à voirmademoiselle. (Il avance les mains pour la fouiller.)

SOLANGE (l'arrêtant) – Mais moi aussi je suis innocente ! Pourquoi je serais pas fouillée lapremière ?

AGENT (autoritaire) – Les jeunes d'abord ! Chacun son tour ! (Se remontant la ceinture dupantalon.) Non mais...

FERNAND (sournoisement) – Vous avez raison monsieur l'agent, c'est sûrement pas une vieillequi a fait le coup. Perdez pas vot' temps à la fouiller. (Réaction outrée de Solange.) Tandis que lapetite martienne aux cheveux verts... ou sa copine, je serais pas étonné qu'elles y soient pourquelque chose...

VERO (ironique) – Vas-y, te gêne pas Colombo !

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AGENT (complètement séduit par Véro) – Pourquoi martienne ? Moi je trouve que ça vous va biencette coiffure... Votre copine aussi mais vous... vous avez quelque chose en plus... enfin... (Montrantla hauteur de sa mini-jupe.) en moins j'veux dire !

VERO (jouant les vamps) – Vous aimez ?

AGENT (complètement parti, oubliant son enquête) – Beaucoup ! Vous dégagez un je ne sais quoid'original qui a un charme fou...

VERO (jouant les vamps) – C'est vrai ? Votre interrogatoire est un vrai plaisir monsieur l'agent...

JOSETTE (avec humour) – Si on vous dérange, faut le dire !

AGENT (revenant à sa première idée) – Et si on reprenait notre fouille maintenant, hein, qu'enpensez-vous ?

FERNAND (brandissant une petite enveloppe dans laquelle se trouve le vermillon) – Ce serait pas çaque vous cherchez des fois ?

LUCIEN (s'excitant sans oser s'approcher ) – Mon vermillon !

ALICE (le récupérant, étonnée ) – Où l'avez-vous trouvé ?

FERNAND (en colère) – Dans mon sac ! Et j'voudrais bien connaître le salopard qui l'a caché làpour qu'on m'accuse du vol !

AGENT (déçu) – On ne fait plus de fouille alors ?

ALICE (avec évidence) – Ca ne me paraît pas vraiment utile maintenant qu'on a retrouvé letimbre. (Elle le redonne à Lucien qui s'en empare avidement.)

AGENT (montrant Solange) – On ne fouille même pas la vieille ?

SOLANGE (outrée) – La vieille ! Oh !

FERNAND (moqueur) – Vous êtes flic, pas archéologue !

SOLANGE (même jeu) – Oh le goujat !

FERNAND (en colère) – Vous feriez mieux d'arrêter le coupable ! Qu'attendez-vous pour utiliservos menottes ?

AGENT (jouant des mains, souriant, prêt à refouiller quelqu'un) – Mais je ne demande que ça, moi !

FERNAND (désabusé) – Eh ben, il fait vraiment dans la police de proximité celui-là ! (Bougon.)Notez au moins la plainte pour vol de monsieur Parkinson !

AGENT (reprenant son calepin) – Ah bon, il ne s'appelle pas Durandet ?

SOLANGE (le regardant avec commisération) – Et il a réussi à passer chef, eh ben dîtes donc !

ALICE (calmement) – Ce n'est pas nécessaire, nous ne déposons pas plainte monsieur l'agent.

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AGENT (geignard) – Oui mais alors là, c'est pas du jeu ! Comment voulez-vous qu'on fasse notretravail sérieusement nous si on ne peut plus arrêter les voleurs ?

ALICE (toujours calmement) – Je suis certaine qu'il s'agit d'un malentendu. Nous allons régler çaentre nous. (Elle le raccompagne à la porte.) Merci de votre intervention monsieur l'agent...

AGENT (réticent pour sortir) – Vous êtes sûre que ça va aller ?

ALICE (toujours calmement) – Mais oui, mais oui. Votre passage a rassuré tout le monde.Regardez comme tout le monde est heureux. (Ils se forcent tous à rire.)

AGENT (prenant congé) – Je suis bien content parce qu'il y en tellement qui disent que l'agent nefait pas le bonheur... Messieurs dames ! (Il sort.)

JOSETTE (mécontente) – Oh les filles, c'est quoi cette histoire de timbre ?

VERO (protestant) – Tata Josette ! Tu ne vas quand même pas croire qu'on a chouré le timbre...avec tout le mal que je me suis donné pour séduire Dutarin et occuper son esprit par ailleurs !

SOLANGE (prenant congé) – Je vous laisse régler ça en famille. Je saute à la mairie voir si lesatyre du tam-tam a donné signe de vie. (En colère.) Et même si j'y vais piano, je peux vous dire queça va le changer de musique ! (Elle sort.)

FERNAND (écoeuré) – Et vous n'essayez même pas de savoir qui vous a volé le timbre ? Quellaxisme ! Si un jour on vous retrouve découpés en rondelles tous les deux, faudra pas venir vousplaindre ! (Lucien frémit de peur.)

LUCIEN (complètement apeuré) – Alice, j'veux pas être découpé en rondelles... j'ai peur...

FERNAND (en rajoutant une louche) – C'est pourtant ce qui va vous arriver. En rondelles...comme du Justin Bridoux ! (Faisant le geste de la main.) Tchac, tchac, tchac, tchac...

JOSETTE (le grondant) – Vous avez fini de faire peur à monsieur Lucien !

ALICE (pleine de doutes) – Je me demande si on ne fait fausse route avec nos locations...

FERNAND (remontant vers sa chambre) – En tous cas moi, je ne reste pas une heure de plus dansvotre repaire de brigands ! On dira ce qu'on voudra, mais y s'passe quand même des choses bizarresici ! (Il disparaît sur le palier.)

JOSETTE (déboussolée) – C'est à n'y rien comprendre. Ce timbre qui se retrouve à l'étage commepar enchantement... (Désolée.) Je suis désolée pour tout ce remue ménage, madame Alice !

ALICE – Il fallait bien essayer quelque chose... mais vu la tournure des évènements, il me paraîtplus raisonnable d'abandonner.

VERO (résignée) – Bon ! Ben avant de vous quitter, j'vais quand même voir ce que je peux fairedu côté de la CGT.

LUCIEN (affolé) - Elle veut faire débarquer les syndicats chez nous maintenant !

VERO (gaiement) – Mais non Lulu ! (Lentement, en détachant bien la majuscule.) La CGT...Caroline Gaumont Truchart ! CGT quoi ! Je vais peut être finir ce que j'ai commencé quand même !

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On y va ma Caro ?

Véro s'approche de Caroline et, avec sa paire de ciseaux, fait semblant de tailler dans sa robe (quiaura été préalablement coupée et recollée avec des scratches). Elle enlève ainsi tout le bas de sa robequi devient une mini jupe et s'attaque ensuite au haut, découvrant un large décolleté. Elle lui enlèveses lunettes et Caroline apparaît alors, ravissante et sexy. Les autres la regardent faire, médusés,sans rien dire.

CAROLINE (se regardant, inquiète) – Tu ne crois pas que c'est un peu court ?

VERO (gaiement) – Tu rigoles ! Y a encore une sacrée marge.

CAROLINE (bras croisés sur sa poitrine) – J'ai l'impression d'avoir froid.

VERO (gaiement) – Normal, j'ai viré les trois quart de ta bâche ! (Aux autres.) Qu'est ce que vousen pensez, elle est chouette, non ? (Elles acquiescent en souriant.)

On sonne à la porte d'entrée. Lucien, apeuré se sauve vers sa chambre et s'enferme.

ALICE (allant ouvrir) – J'espère que c'est pas Dutarin qui revient...

JOSETTE (admirative, à Caroline) – Une vraie métamorphose ! La chenille est devenue papillon !

ALIENOR (voix off, très maniérée) – Je suis bien chez monsieur et madame Durandet ? Oui ?Formidable ! Je suis Aliénor Gaumont Truchart, la maman de Caroline.

CAROLINE (affolée) – C'est mère ! Si elle me voit, attifée comme ça, elle va devenir folle.Qu'est ce que je fais ? Où je vais ?

JOSETTE – Calme-toi et cache-toi derrière nous ! (Elle se planque derrière Josette et Véro.)

VERO (dans son dos) – Si tu veux mon avis, c'est le moment ou jamais d'affronter madame mère.

Alice introduit Aliénor. C'est une femme très très vieille France, habillée très strictement, un peucomme l'était sa fille. Elle ne voit pas les autres en entrant.

ALIENOR (entrant, très maniérée) – Je n'ai pu résister, chère madame Durandet, à l'envie de vousremercier d'avoir bien voulu héberger notre petite Caroline sous votre toit. Il est tellement difficilede nos jours de trouver des meublés où nos jeunes filles sont en sécurité, n'est ce pas ?

ALICE (faisant barrage entre elle et les filles) – Oui c'est bien vrai ! ALIENOR (toujours très maniérée) – Et puis, pour être honnête, je dois vous dire que je voulais

me rendre compte, par moi-même, de l'endroit où allait vivre notre petite fille. Elle est si sensible,vous comprenez, et moi si maternelle, qu'il est important, pour toutes deux, de nous trouver dans unclimat de pleine sécurité. D'ailleurs Gonzague... Gonzague, c'est mon mari... partage entièrementmon opinion.

Alice a de plus en plus de mal à faire écran car Aliénor ne cesse de bouger avec force manières.

ALICE (voulant la préparer au choc) – Je voulais vous dire, madame Gaumont Truchart quevotre...

ALIENOR (la coupant, très maniérée) – Aliénor... Appelez-moi Aliénor ! Pas de chichis entre

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nous !

ALICE (surprise) – Eh bien je voulais vous dire, Aliénor, que les enfants changent, et parfois plusvite que nous le voudrions... Il se peut que vous la trouviez, comment dire, quelque peu modifiée...

ALIENOR (riant avec manière) – Vous êtes trop drôle, nous ne nous sommes quittées qu'hiermatin tout de même.

ALICE (insistant) – Oui, j'entends bien mais vous savez, le progrès va à une vitesse de nos jours...

ALIENOR (qui vient de découvrir Véro, à côté de Josette) – Oh mon Dieu, qu'est ce que c'est quecette bête ? (Elles ne bougent pas, cachant Caroline.)

ALICE (agacée par les manières d'Aliénor) – En fait, il s'agit d'une jeune fille voyez-vous...

ALIENOR (tout bas à Alice) – Vous êtes sûre ? Quel drôle de genre ! Et comment se fait-il qu'ellesoit chez vous, elle s'est échappée d'un zoo... je veux dire... d'un asile ?

ALICE (courageusement, se jetant à l'eau) – Non, pas vraiment, c'est une de mes locataires.

ALIENOR (outrée) – Quoi ! Vous hébergez des individus pareils ? J'espère que ma petiteCaroline n'a pas été en contact avec elle !

ALICE (de plus en plus agacée) – Elle est vaccinée et même tatouée. Je vous rassure, elle n'est pascontagieuse. (Sourire malin.) Quoique...

Fernand réapparaît sur le palier, se grattant et grognant.

FERNAND (bougon) – Vous avez fini vos courses parce que j'casserais bien une petite croûte,moi, avant de partir ! Ca m 'remonterais la culotte après toutes ces émotions.

ALIENOR (horrifiée, tendant le bras) – Mais c'est un clochard qui sort de vos chambres !

ALICE (ne se retenant plus) – C'est Fernand, que nous hébergeons depuis ce matin. Eh oui, depuishier, je fais dans le social. Une punk, un clochard et une coincée !

ALIENOR (outrée) – Oh ! Mais je ne laisserai pas Caroline une minute de plus dans ce... danscette... dans cette garderie de bas étage !

FERNAND – Tout pareil que moi ! J'me tire aussi parce qu'en plus des incendies, y a des voleursdans cette baraque ! (Il reste appuyé sur la rampe du palier.)

A SUIVRE...

ACTE 4

Quelques heures viennent de s'écouler. A l'ouverture du rideau, Bernard, libéré de sa perruque, deson chapeau et de ses lunettes, est assis piteusement sur une chaise, près de la table, et n'en mène paslarge car Solange est debout derrière lui, mauvaise. Alice est assise sur une chaise, près de lui etLucien se tient derrière elle. Aliénor et Dutarin sont sur le canapé et commencent à retrouver leursesprits et leur calme. Josette et Caroline se tiennent près d'eux. Véro est assise sur les marches del'escalier tandis que Thomas va de l'un à l'autre.

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ALICE (à Josette) – Ils ont l'air d'aller mieux ?

JOSETTE (regardant la bouilloire vide qu'elle tient à la main) – Heureusement dîtes donc ! Ilsviennent de s'enfiler chacun un demi litre de tilleul-camomille-oranger ! C'est bien simple, il vousont liquidé tout votre stock de tisanes calmantes !

ALIENOR (encore agitée de légers soubresauts) – Ouahhhh ! Je ne m'étais jamais aussi bien sentieen forme, moi.

AGENT (même jeu qu' Aliénor) – Moi aussi ! J'avais l'impression d'avoir un tempérament decheval !

VERO – C'est le moins qu'on puisse dire.

SOLANGE (menaçante, à son mari) – Quand je vois dans quel état ils étaient tout à l'heure !Qu'est ce que tu leur as fait bouffer, hein ? (Elle lui tape sur la tête avec une revue.) Tu vas merépondre, dis !

BERNARD (se protégeant la tête) – Arrête, tu me fais mal.

SOLANGE (récidivant) – Tu crois tout de même pas que je te tape dessus pour te faire du bien !

BERNARD (minable) – Je vais t'expliquer... mais arrête de me cogner. (Voulant l'amadouer.)Solange... ma petite Soso...

SOLANGE (mains sur les hanches – La petite Soso, elle en a ras le bobol de son Nanar !

AGENT (se levant en titubant) – Vous voulez dire que cet individu a essayé de nous droguer ?

LUCIEN (le montrant du doigt, comme un gamin) – Oui et c'est le maire de la ville...

AGENT (se penchant pour mieux le voir) – Monsieur Petit, c'est pas possible ! Vous êtes drôlementbien déguisé, j'vous ai pas reconnu. (Cherchant autour de lui.) Ah j'y suis, c'est un gag ! C'est pour lacaméra invisible. (Il la cherche.) Où elle est ? Elle est drôlement bien cachée...

JOSETTE (en aparté) – Son intelligence aussi elle est bien cachée à celui-là ! (Accusatrice) C'estlui qui a mis le feu dans la chambre !

DUTARIN (regardant Thomas, étonné) – Ah bon ? C'était pas un barbecue alors ? (Thomasconfirme d'un mouvement de tête.) Oh mais c'est grave ça, c'est même très très grave. (Il reprend soncalepin.) Je raye barbecue et je note... incendie volontaire... (A Thomas en riant.) Je m'disais aussi...pour bronzer devant un barbecue...

JOSETTE (à Dutarin) – Il a mis le feu lui même aux rideaux et il est arrivé en criant à l'incendieet en critiquant la vétusté de l'installation électrique...

ALICE – Pour faire peur et décourager les locataires...

AGENT (menant son enquête) – Qu'avez-vous à répondre, monsieur le maire ? (Il ne répond pas.)

SOLANGE (lui tapant sur la tête avec sa revue) – Monsieur l'agent t'a posé une question !

AGENT (admiratif) – Ca c'est un interrogatoire musclé dîtes donc ! Nous, en général, avec les

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copains, on tape jamais sur la tête parce que ça laisse des marques. On vise plutôt...

BERNARD (minable) – Dutarin, mon petit Dutarin, vous me connaissez bien, vous n'allez tout demême pas croire...

SOLANGE (lui tapant sur la tête avec sa revue) – Il t'a posé une question, l'agent Dutarin !

BERNARD (se protégeant) – Solange... ma petite Soso...

SOLANGE (énervée) – Arrête de m'appeler Soso et réponds, Concon !

ALICE (doucement) – Bernard, c'est toi qui as mis le feu dans ta chambre ? (Il hoche doucement latête de haut en bas.)

LUCIEN (tremblant de colère) – Et mon timbre, voleur !

SOLANGE (outrée) – Le timbre aussi, c'était toi ? (Il confirme de la tête, honteusement.)

BERNARD (tout péteux) – Je l'ai pris sur la table pendant que vous étiez tous à attendre queThomas redescende des chambres...

CAROLINE (complétant) – Et vous l'avez ensuite emporté dans votre chambre en remontant...

VERO (poursuivant) – Et caché dans votre sac pour faire croire que c'était nous qui l'avionsdérobé...

JOSETTE – (achevant) – Afin qu'on les vire aussitôt et que le projet de location capote !

SOLANGE (le tapant) – Mais tu es abominable !

AGENT (s'interposant) – Arrêtez de frapper le suspect ou je vous confisque votre matraque ! Onva faire une bavure si ça continue comme ça !

SOLANGE (regardant sa revue) – Une bavure ? Avec Paris Match ? (Elle la soupèse )

AGENT (avec évidence) – Eh, le poids des mots... le choc des photos ! Faut en tenir compte !

ALICE (toujours doucement, à Bernard) – Et comme tes deux tentatives ont échouées, tu as crubon de récidiver en essayant de droguer l'un d'entres nous. C'est cela Bernard ?

LUCIEN (tremblant de colère) – Et d'appeler la police en se faisant passer pour moi...

BERNARD (de plus en plus péteux) – J'ai déposé la boite sur la table quand la petite vous montraitses grains de beauté et vous avez cru que c'était Lucien qui l'avait oublié en partant précipitamment.

CAROLINE – Et c'est maman qui a pris les comprimés...

VERO (poursuivant) – Suivie par monsieur l'agent et ça, c'était pas vraiment prévu.

ALIENOR (encore agitée de légers soubresauts) – J'en prendrai bien encore une petite tournée, lafaridondaine ! C'était tip top votre truc !

CAROLINE (à sa mère) – Tu as du retard à rattraper d'accord, mais doucement quand même !

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SOLANGE (le tapant de nouveau) – Mais te rends-tu compte que tu aurais pu les empoisonnertous les deux !

BERNARD (minimisant le risque) – C'était des amphétamines...

SOLANGE (éberluée) – Des amphétamines ? Et où les as-tu trouvées ?

BERNARD (honteusement) – C'est un copain... cycliste... qui me les a refilées.

ALIENOR (même jeu ) – Faudra que vous me donniez son adresse à votre copain.

CAROLINE (outrée) – Maman !

ALIENOR (décomplexée mais toujours maniérée ) – Pourquoi pas ma Caro ! Il faudra que j'en fassegoûter à Gonze, ça va lui faire un bien terrible, lui qui est aussi coincé qu'une vieille porte rouillée.

Ils la regardent tous, éberluées.

VERO (montrant l'agent qui prend des notes) – N'allez pas si vite, il n'arrive pas à suivre.

AGENT (se relisant péniblement) – Amphétamines... du copain... cycliste... (Professionnel.)Subséquemment, si je récapitule, il y a trois chefs d'accusation contre vous, monsieur le maire.Incendie volontaire, vol de pièce rare et trafic de produits dopants.

JOSETTE (à Bernard) – Eh ben, avec ça, vous n'êtes pas sorti de l'auberge !

AGENT (à Bernard) – Y a pas que de l'auberge qu'il n'est pas sorti quand ces messieurs damesauront porté plainte. (Se frottant les mains.) Pour une fois que je mets la main sur un gros bonnet, çame change des voleurs de mobylettes... (Tout fier.) Il va avoir de l'avancement Roger Dutarin !

THOMAS (qui a suivi la scène en silence, tristement) – Vous avez bien de la chance, vous ! C'estbien la première fois qu'il donne de l'avancement à quelqu 'un contre son gré.

BERNARD (apeuré) – Vous n'allez tout de même pas me mettre en taule... je suis le maire de lacommune... que vont dire les gens ?

LUCIEN (vengeur) – Bien fait ! Fallait y penser avant !

JOSETTE – Y a Paul Tapon qui est prêt à prendre votre relève.

A SUIVRE...

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