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    COMITE DE REDACTION :

    ivan verheyden, rdacteur en chefpatrick ferryn, secrtaire de rdactionjean-claude berck, robert dehon,jacques gossart, jacques victoor

    AVEC LA COLLABORATION DE :

    jean bianco, jacques dieu, jacques keyaerts,christine piens, dith pirson,albert szafarz, nicole torchet

    ECHANGES AVEC LES REVUES :

    bres (j.p. klautz et a. gabrielli, la haye)nouvelle cole (alain de benoist, paris)question de (louis pauwels, paris)

    MAQUETTE DE GERARD DEUQUET

    Au sommaire

    les mgalites du morbihan, Nicole Torchet . . . . . . . . .

    la recherche dun pass, Jacques Gossart . . . . . . . .

    lempreinte pythagoricienne, Robert Dehon . . . . . . . . .

    man-er-grah : point zro ?, Robert Dehon . . . . . . . . .

    radiocarbone contre diffusionnisme ou la dception qui venaitdu froid, Jacques Victoor . . . . . . . . . . . . . .

    conclusion : cerner une autre vrit, Ivan Verheyden . . . . . .

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    A la recherche

    De kadath

    De lavis unanime des auteurs un tant soit peu clairs, les mgalithes, cest quelque chose entrop , quelque chose quon a superpos la socit nolithique existante. Cela se ressent Carnacplus quailleurs. Trop cest trop. Les Bretons eux-mmes se montrent hostiles ce dferlement depierres. Ce nest pas eux. Cela ne les concerne pas.

    Carnac nest que partie des 50.000 monuments mgalithiques rpartis sur une douzaine de payseuropens (sans parler des autres continents). Rien que pour les grands alignements, o on estimeque les menhirs se succdaient tous les quatre mtres, le calcul montre quils devaient tre 4000 auGrand-Mnec, 2500 Kermario, 800 Kerlescan et 400 au Petit-Mnec. Ajoutez-y les autres pierresdresses, sans oublier celles qui gisent au fond du golfe du Morbihan, et pour une surface portable de mille kilomtres carrs, vous arriverez un chiffre dpassant largement les dix mille.

    Tout cela va vous tre prsent, exemples lappui. On vous montrera que les nolithiques ont faitusage des mgalithes bretons, sans en tre pour autant les protagonistes. On vous expliquera quil ya l un gigantesque quadrillage pour des observations astronomiques qui ne seront redcouvertesqu la Renaissance. On vous dmontrera enfin, que les monuments ne sont pas luvre d lves-paranoaques de conquistadores venus du Proche-Orient (selon le mot dAim Michel). Et quici, Carnac, ce ne sont sans doute pas quarante, mais bien quatre-vingts sicles qui nous contemplent ...Si les constructeurs, en choisissant la pierre, ont voulu crer une ternit palpable , ils peuvent sevanter davoir atteint leur objectif. Mais pourquoi cette gigantesque carte de visite ? Ce clin dil :quelle ncessit vis--vis du futur ?

    KADATH.

    Ce numro spcial de KADATH est ddi la mmoire de Zacharie Le Rouzic.

    Le tumulus de Saint-Michel Carnac : au moins 7000 ans dge

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    MYSTERIEUSE CELTIE

    Le tumulus de Saint-Michel.Le tumulus de Saint-Michel situ la sortie delagglomration de Carnac, est une vritable colli-ne ovale tronque par une plate-forme de 115 mde long sur 50 m de large. Slevant 10 m dehauteur, le tumulus prsente en coupe un revte-ment de pierres peu pais protgeant une impor-tante couche de vase qui recouvre elle-mme un

    galgal de forme elliptique. Lensemble fut tay

    lest et louest lors des fouilles. Enfin on creusa

    galement une galerie lintrieur. Le vnrableguide qui rjouit nagure des milliers de visiteurspar sa faconde a t remplac aujourdhui par unenregistreur qui commente la dcouverte et ladescription du tumulus. MM. Galles et Lefvresont les inventeurs du site en 1862. Leurs travauxdirigs au centre, leur permettent de dcouvrirdeux chambres dolmniques aux supports de pier-res sches ou de blocs couchs, entoures decoffres dont quelques-uns contenaient des osse-ments de bovids. De 1900 1906, Zacharie LeRouzic met au jour un dolmen enfoui sous la vase,dans la partie orientale. Ce dolmen est trs int-ressant du fait quil est antrieur aux autres. Il

    daterait de lpoque primaire du nolithique.

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    LES MEGALITHES DU MORBIHAN

    Nous aimerions le prciser ds le dpart : le prsent article na pas la prtention dtre un recensementdes mgalithes du Morbihan. Nous nous sommes borns, dans la partie descriptive, parler des sitesles plus clbres dune part, les plus reprsentatifs de nos thories dautre part. Cest ainsi que, ct

    des fameux alignements de Carnac et du Tumulus St-Michel, le lecteur trouvera une description dtailledes dolmens couloir de Man-Krioned, beaucoup moins connus pourtant. Nous navons pas plus rdi-g un guide touristique , qui ne prsenterait dautre intrt que celui dtre le petit dernier dunecollection impressionnante. Nous donnons bien sr des renseignements prcis quant lemplacementexact du site dcrit, mais nous ne nous attardons pas sur les mandres et dtours des sentiers campa-gnards quil vous faudra emprunter pour aller constater de visu, pas plus que nous ne renseignonsladresse du petit bistrot sympathique et local qui est laboutissement classique et inluctable de toutetude srieuse sur le terrain.

    Que celui qui, suffisamment averti, ne fera pas

    disparatre de son champ les simulacres(mgalithes) qui y sont dresss, soit trait com-me sacrilge et dclar anathme .

    (Capitulaire de Charlemagne,Aix-la-Chapelle, An 769).

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    Il semble que les constructeurs laient inclus danslensemble. Des vases, du silex, deux clochettesde bronze taient enterrs sous ce dolmen. Lacrypte centrale rvla lexistence dun matrielfabuleux : 39 haches en jadite et en fibrolite, 136pendeloques et grains de colliers en callas dont la couleur bleu-vert ravit le regard du silex,des perles divoire, de la poterie. Cet endroit paen na pas chapp la volont de christia-

    nisation et une chapelle ddie saint Michel cha-

    peaute cette minence. Il faut savoir quune desnombreuses lgendes qui courent autour de cemonument, veut que cet amas de pierres et deterre tait une pnitence donne par les confes-seurs. Cest donc la communaut pcheresse quicontribua toujours selon la lgende lrec-tion du tumulus. Au solstice dt, le premier desfeux de la Saint-Jean est allum sur la butte deSaint-Michel. Les btisseurs ne seraient-ils pas

    lorigine de cette tradition ?

    Le Mgalithique tel quon le parle.Le menhir (du breton men = pierre et hir =longue) est une pierre, taille ou non, dresseverticalement, affectant gnralement un as-

    pect plus ou moins fusiforme. Plusieurs men-hirs disposs en files parallles constituent unalignement. Plusieurs menhirs dlimitant unesurface constituent une enceinte ; une encein-te affectant une forme courbe prendra le nomparticulier de cromlech (on ne pourra doncparler, comme on le cite parfois du cromlechde Crucuno , mais du rectangle ou quadri-latre de Crucuno ). Enfin, le trilithe est com-pos de deux pierres dresses verticalement,sur lesquelles sappuie un linteau horizontal.Tenons et mortaises peuvent assurer len-semble la rigidit souhaite.Le dolmen (du breton dol = table et men =pierre) est un monument plus complexe, cons-titu de montants verticaux ou inclins, sup-portant une ou des tables horizontales. Outre

    le dolmen simple, caractris par le fait queses montants dlimitent une surface au solronde, rectangulaire ou polygonale, on dfinit : lalle couverte : il sagit dune suite demontants supportant des tables, formant uncouloir coud ou rectiligne, ferm une extr-mit. A ce couloir se greffent ventuellementune ou plusieurs chambres latrales. le dolmen couloir ou galerie : une cham-bre dolmnique est associe un couloir dac-cs en forme de V, de longueur variable,moins haut et moins large que la chambre. Lecouloir peut soit tre symtrique par rapport la chambre, soit tre le prolongement duneparoi de celle-ci ; dans ce dernier cas, len-semble du monument affecte la forme dun P. les dolmens et alles couvertes supports

    unilatraux : on connat de rares exemples dedolmens ou mme dalles couvertes dont laou les tables reposent en partie sur le sol, enpartie sur des montants. Il peut sagir, danscertains cas, de constructions demi ruines ;la plupart du temps cependant, la constructiona t voulue ainsi.Un certain nombre de prhistoriens estimentque les divers types de constructions dolmm-ques reprises ci-dessus constituent les phasesdune volution continue, savoir : dolmensimple dolmen couloir alle couverte.Signalons pour en terminer avec les construc-tions dolmniques, que bon nombre de celles-ci reclent des gravures dun type particulier,disposes gnralement sur les faces intrieu-res des montants et sur les faces infrieures

    des tables.Ltymologie des termes menhir et dolmen , donne ci-dessus, peut tre sujet-

    te controverse, puisque certains chercheursrejettent cette interprtation classique. Il sagitpensons-nous, plus dune question de formeque de fond. En ce qui concerne lorigine du

    mot cromlech, deux thories sopposent.Pour la majorit, cromlech signifie pierrecourbe (crom = courbe et lech = pierre). Elleest conforme la dfinition restrictive du cro-mlech que nous avons donne, qui ne sappli-que quaux enceintes courbes. A loppos, uneautre thorie englobe sous la dnomination decromlech toute enceinte mgalithique, quelleque soit sa forme. Dans cette optique, le pr-fixe crom na pas la signification de courbe,mais dsigne un dieu prceltique. Cromlech doit tre alors traduit par lieude Crom ou lieu ddi Crom . En ce quinous concerne, nous pensons que crom doittre pris dans son sens de courbe . Eneffet, lassimilation de ce prfixe au dieu pr-historique est incertaine et peu convaincante,

    car il nous parat curieux que cette divinit nesoit associe qu un seul type de mgalithe.Par contre, nous retiendrons le terme de lieu comme traduction du breton lech, no-tre traduction de cromlech tant alors lieu ou endroit courbe .

    Le tumulus. Que les dolmens aient t, lori-gine, recouverts ou non dun tumulus est affai-re dopinion... ou de formation. Il nen restepas moins que les tumulus sont une ralit, etquils se trouvent largement reprsents enBretagne. Et bien que le tumulus ne soit pasun mgalithe stricto sensu, cest sans hsita-tion que nous linsrons dans cette nomencla-ture, puisquil recouvre le plus souvent une oudes constructions dolmniques. Le tumulus

    varie en formes et en dimensions. On peutainsi opposer le gigantesque Mont-St-Michelau simple monticule dEr-Hroek par exemple.De base circulaire, elliptique ou ovale, les tu-mulus sont faits dun amoncellement de pier-res, appel galgal, ou cairn en anglais, recou-vrant une ou des constructions dolmniques.Certains tumulus prsentent cependant unearchitecture plus labore : le galgal interneest englob dans une couche de vase ou deterre : celle-ci son tour est recouverte dungalgal externe dpaisseur relativement faible.Le tumulus abrite, approximativement en soncentre, une ou des chambres dolmniques ;dautre part, des cercles ou des files de men-hirs peuvent tre compris dans la masse tu-mulaire. Souvent aussi, un mgalithe antrieur

    au tumulus est englob par celui-ci (comme auMont-St-Michel par exemple).

    N. T.

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    Les alignements (* p 22).La civilisation mgalithique sous la forme daligne-ments a une rputation mondiale Carnac. Cesalignements droulent actuellement leurs 2934

    menhirs sur 4 km environ, depuis le hameau duMnec au nord-ouest de Carnac jusquau MnecVihan (Petit-Mnec), au nord-est de Kerlescan.Mais ils devaient stendre sur plus de 8 km, deSainte-Barbe en Plouharnel jusqu la rivire deCrach. Les trois champs du Mnec, de Kermarioet de Kerlescan rassemblent les alignements lesmieux conservs. (1)Le Mnec et Kerlescan ont la particularit de nousprsenter louest un vaste cromlech semi-circulaire do senfuient plusieurs files. Le Mnecregroupe ainsi 70 pierres dans sa partie hmis-phrique et 1099 lments sur 11 ou 12 files 11selon tous les manuels darchologie et 12 selon

    Alexander Thom, qui fit le premier inventaire com-plet. La hauteur de ces menhirs varie progressive-ment de 4 m 0,60 m partir du cromlech. Cesite mesure 100 m de large sur 1020 m de long(ou 1167 m avec le cromlech) et la direction gn-rale fait un angle avec le nord gographique oscil-lant de 61 75. A Kerlescan, le menhir supposindicateur dun tertre allong se dresse ct delhmicycle qui rassemble 39 menhirs, tandis que555 se rpartissent en 13 files. Cet ensemblestend sur 880 m et 139 m. La hauteur varie de 4m 0,80 m. Lorientation de ce monument ne pr-sente pas lunit que lon peut observer au Mnec,en effet son axe varie de 95 36, laissant ainsisupposer que la construction connut plusieurs

    phases. Un deuxime cromlech de 43 menhirs sedroule galement au nord de lensemble, ainsidailleurs quune alle couverte enceinte rectan-gulaire malheureusement en trs mauvais tat.A Kermario le cromlech a compltement disparu,seules sont restes 10 files de 1029 menhirs on-dulant sur 1120 m de long et 100 m de large, avecune orientation gnrale de 61 57. Le plusgrand menhir mesure 6 m 40 et est couch, le

    plus petit toujours vaillant mesure 0,50 m. Au nordquelques grands menhirs couchs semblent atten-dre quon veuille bien les riger. Au sud, un dol-men galerie dpouill de son tumulus en eut-

    il jamais un ? monte la garde tout au bord de laroute qui sinue travers les alignements.Lhomme na pas toujours t bienveillant lgard de ces tmoins du pass. Cest ainsi que laroute nationale a coup la tte des alignements deKerzerho sur la commune dErdeven. Compos de1129 menhirs rpartis sur 10 lignes de 2105 m delong et 64 m de large, cet ensemble prsente entte et louest de la route un menhir cupules. Alest de ces alignements et perpendiculairementsavancent 23 menhirs dont deux dpassent 6 m.Ces 10 files sont dabord orientes 60, puis obli-quent 114 partir de Man-Bras, o se situentles vestiges dune enceinte carre, et les files

    sachvent en se confondant les unes les autres.

    Le Manio (* p 34).Si vous le voulez, nous allons retourner entre leshameaux de Kerlescan et Kermario. L se situe unpetit bois de pindes ; pour y accder nous laisse-rons la voiture lentre du chemin droite aprslhmicycle terminal de Kerlescan. Nous rejoin-drons pied le deuxime petit chemin gauche etpuis nous nous fierons aux indications qui nousconduisent non loin de l au Gant du Manio .Il sagit en fait dun menhir de 5 m 80 qui se dres-se sur un tertre artificiel. En 1922 ce site fut explo-r et une enceinte quadrilatre fut mise au jour. Adire vrai, il faut beaucoup dimagination pour voir

    que les petits menhirs fichs au sol sur la droitepeu avant le Gant font partie dune enceinte,mais mthode didactique : il en tait ainsi ! Em-ployons toujours la mme mthode pour vous direqu la base de ce grand menhir sont gravs cinqserpents se dressant sur leur queue. En fait, lorsde notre investigation, nous navons pu les dce-ler, ces gravures apparaissant sur la partie enter-re du monument. Lors de la dcouverte du site,cinq petites haches en pierre polie taient piquesen terre, ct du Gant.

    Man-er-Grah (butte de la fe) (* p 35)et Table des Marchands.

    Le menhir est lexpression la plus simple du mga-lithisme, et le plus clbre dentre eux est sans nuldoute le menhir de Man-er-Grah Locmariaquer.Ce gant mesurait 23 mtres. Il faut employerlimparfait pour parler de sa hauteur totale car ilest aujourdhui couch et bris en quatre mor-ceaux il manquerait un cinquime fragment, dit-on. Les quatre lments que lon peut observeractuellement mesurent 9 m 40, 5 m, 3 m et 2 m90. Le grand menhir bris aurait un poids de 347,5tonnes. Foudre, sisme, injonction des conciles,affouillement naturel ou humain, volont destructri-ce non humaine, furent successivement invoquspour expliquer sa chute. Si lorigine de cette brisu-

    re nest pas clairement explique cest sans doute

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    (1) On peut stonner, sur une vue arienne sur-tout, de ce que les alignements sont loin dtreparallles. Cest quil y a eu restauration...Vers la fin du sicle dernier, la Commissiondes Beaux-Arts libra des crdits cette fin, etconfia le travail un archologue amateurpassionn, Flix Gaillard, restaurateur Plou-harnel. Restaurateur-htelier, sentend ! Ilconsacra beaucoup de ses propres deniers relever des menhirs, mais le fit l o gisaientles blocs. Or, la plupart (au moins deux surtrois) taient plants dans le sol par la partie laplus effile. Ces pierres tant renverses, F-lix Gaillard les fit redresser sur lautre extrmi-t, plus solide ses yeux. Heureusement pourles archologues, les pierres ainsi restaures sont marques dune pastillerouge leur base. Pour prendre la relve deFlix Gaillard, on confia la mission

    lquipe des cantonniers de la ville dAuray.

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    cause de la position au sol des quatre lments.En effet, lorsque raisonnablement on suppose quele colosse tait rig sur sa base la plus large, onest en droit de stonner de constater que ll-

    ment suppos tre la base soit en oblique parrapport lalignement form par les trois autres.Aussi, lorsquen 1882, trois minents prhistoriensMM. Henri Martin, Lisch et de Mortillet, dcidrentavec enthousiasme daller redresser le gant, fu-rent-ils dcontenancs devant le problme queposait la rpartition au sol des quatre lments.(Voir les tentatives dexplication reprises en page35. Les travaux actuels dAlexander Thom ontdmontr, par superposition de photo directe du-ne base de fragment sur la photo inverse de labase suivante, que les sections saccolent parfai-tement). Et si le menhir de Man-er-Grah avait trig sur la base du plus petit de ses lments ?

    Folle supposition, direz-vous : mais vous qui lisezces lignes, ne vous tes-vous jamais demandsils ntaient pas fous ces constructeurs de mga-lithes ? Si le grand menhir tait rig sur sa pluspetite base, alors la position actuelle des lmentsbriss ne pose plus de problme. En se fracturant la suite don ne sait quelle force, la partie sup-rieure la plus large a pu choir en virant de 60.Dailleurs, ainsi pos, ce menhir nen est que plusfragile et sa destruction plus plausible. De toutefaon, il semble que celle-ci soit postrieure lpoque gallo-romaine selon les vestiges qui fu-rent retrouvs sous sa masse. Scymnus de Chio,gographe du Ier sicle avant J.-C. crivait danssa Description de la Grce : Les Celtes ont descoutumes grecques... A lextrmit de leur pays,se trouve une colonne appele colonne du Nord...elle se dresse en direction de la mer... les habi-tants des rgions voisines de cette colonne sontl e s d e r n i e r s C e l t e s e t l e sVentes. On a tout lieu de croire quil sagit l denotre grand menhir.Sans doute celui-ci tait-il destin signaler laprsence toute proche du dolmen appel la Tabledes Marchands. Cette appellation proviendrait dunom Dol Marchhand (table de lalle du cheval),dont les habitants de Locmariaquer affublaient ledolmen qui comporte la gravure dun cheval sur laface infrieure de la table. Ce dolmen couloir

    prsente une table horizontale et dix-sept sup-ports, que lon a recouverts afin de prserver lessignes gravs sur les faces intrieures de ce mo-nument. En fait, avant cette mesure de protectionprise en 1936, lensemble prsentait une tablehorizontale supporte par trois montants verticaux.Mais lorigine, un couloir trs allong auraitconduit par une entre basse une chambre net-tement plus haute quun homme, et lon peut ac-tuellement visiter le monument sous sa forme quelon considre originelle, cest--dire sous tumulus.A Iintrieur, sous la table de couverture, sont gra-vs une hache , une charrue , un cheval .Quant la magnifique pierre du fond qui supporte

    cette table, en forme dcu renvers, on peut y

    La Table des Marchands, avant, pendant et

    aprs restauration .

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    observer une curieuse reprsentation en reliefappele figure en marmite ou encore bouclierogival . Elle est borde dune sorte de bandelet-te, do sirradient en relief des demi-cercles su-

    perposs. A lintrieur de ce cadre se dressent surquatre rangs et de chaque ct dun axe vertical,des reliefs en forme de crosse. On en a dnombrune cinquantaine dans lesquels on a cru voir despis de bl. Ceux de gauche ont leur crosse diri-ge gauche, et ceux de droite se penchent versla droite. La partie centrale sparant ces deuxgroupes recle des signes au trac hsitant, lunde ceux-ci en forme de cercle et occupant la partiecentrale semble figurer le soleil. Lensemble futinterprt comme tant une marmite pleine dpis,une voile de bateau, une figuration de la desse-mre... rien ne vous empche de jouer les Prvertet de complter cet inventaire.

    Man - Lud.Toujours Locmariaquer, derrire la Table desMarchands, nous trouvons Man-Lud, la monta-gne de cendre. Elle se situe dans un hameau,bti une centaine de mtres du grand menhirbris. Le nom montagne de cendre sapplique une minence de terre qui recouvre presqueentirement un dolmen. 80 m de long, 5 m 50 dehaut, voil les dimensions de ce tertre dun ovaleallong qui comprend dans sa masse et lest,deux ranges de menhirs. Ce tumulus fut fouillpar R. Galles en 1863-64, puis par Zacharie LeRouzic en 1911. Ils dcouvrirent des crnes dechevaux sur cinq des menhirs que nous venonsde voir. On peut supposer quil sagit des restesdun sacrifice rituel lors de ldification de cettebutte sacre . Ce tumulus peut tre compar celui de Saint-Michel ; en effet un galgal central,ici de forme conique, est entour dune importantecouche de terre qui est elle-mme flanque duneparoi de pierres amasses. Au centre du cairn sedcoupe une crypte vote en encorbellement de2 m 25 de long. Des fragments de bois enfouissuperficiellement ont pu faire souponner lexis-tence dun plancher. Le dolmen quant lui, estsitu louest et tout fait la priphrie du tumu-lus. Il sagit dun dolmen couloir de constructionvraisemblablement antrieure lensemble. Cons-

    titu par vingt-deux supports soutenant cinq dal-les, ce dolmen comprend donc un couloir rectili-gne qui aboutit une chambre. Des gravures ap-paraissent sur plusieurs montants, notamment desfigures en peigne ou en bateau sur les deux sup-ports qui prcdent la chambre et sur la pierre dufond.

    Man - Rutual.Restons Locmariaquer pour y voir galement ledolmen de Man-Rutual, monument peu couru etpourtant dun volume imposant. Ce beau monu-ment fortement restaur, prsente tout de mmetrente supports bien conservs parmi la quarantai-

    ne qui le constituent. Ce dolmen aurait connu le

    sort de la plupart de ces monuments ; il auraitperdu son tumulus et en contre-partie on la bardde ciment par-ci par-l, ce qui a au moins le mritede contribuer sa conservation. Tout en longueur,

    il prsente un long vestibule, une anti-chambre etune vaste chambre terminale de plan circulaire.Lensemble mesure 16 m de long, la largeur variede 1 4 m. La hauteur va progressivement de lastation courbe lentre du couloir vers la stationdebout dans la chambre. Sous la dalle de couver-ture de la chambre dalle de 11 m 30 sur 4 m 40et pesant 75 tonnes ! se dessine une figure enmarmite, vrai dire difficile dceler.

    Le tumulus de Tumiac.Tumiac est connu dans la presqule de Rhuyssous le nom de butte de Csar , car la lgenderaconte que celui-ci en fit un point stratgique du-

    rant la bataille livre contre les Ventes. Le tumu-lus de Tumiac est un ouvrage qui simpose de loin la vue du promeneur : 15 mtres de haut, 260mtres de circonfrence la base. De forme circu-laire, son diamtre est de 55 mtres, et il est com-pos dun revtement superficiel de pierres souslequel une importante couche de vase recouvre ungalgal de forme conique o gt la chambre. Cettedernire est situe lest de lensemble, soit lalimite du galgal. Ce caveau de 4 m 80 de longrvle une origine btarde avec ses parois mi-dalles, mi-murailles. On y a retrouv des mor-ceaux de bois qui ont fait penser un plancher,tout comme Man-Lud. Lors des fouilles effec-tues par le docteur Fouquet en 1852, on dcou-vrit des haches en jadite et environ 250 perles oupendeloques en callais. Des dbris dos humainayant subi un dbut de calcination furent gale-ment mis au jour.

    Le tumulus de Man-er-Hroek.Dirigeons-nous vers la pointe de Kerpenhir. A unkilomtre aprs Locmariaquer, un chemin droitenous mnera 20 mtres de l au tumulus deMan-er-Hroek. Ici le tertre est elliptique et mesu-re 10 mtres de haut, il nest constitu que decailloux. Un escalier a t amnag dans la pier-raille afin de permettre au visiteur datteindre ledolmen form de piliers courts soutenant deux

    tables. Ces montants sont gravs de haches em-manches, de personnages styliss et de signesque vous renoncerez identifier. Certaines de cesgravures sinsrent dans un bouclier ogival. Cettechambre-dolmen fut creuse dans le sol et le fondfut dall. Le monument fut dcouvert en 1863 parR. Galles et Lefvre. Il recelait 106 haches enpierre polie, 49 perles et pendeloques en callas etun anneau-disque en jadite. A proximit du tumu-lus, dans le mur de clture droite, sont encastrsdes fragments de menhirs.

    Les Pierres- Plates (* p 27).Locmariaquer, La Mecque des tumulus et dol-

    mens, recle encore la prsence dune magnifique

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    alle couverte, celle des Pierres-Plates. Pour yaccder, il suffit de se rendre lextrmit de laroute qui longe le littoral, deux kilomtres louest de la pointe de Kerpenhir. Ce monument

    daterait de la seconde poque du nolithique.Dun genre spcial, il fait partie de ces dolmens couloir coud, que lon trouve gnralement aubord de la mer ou au bord dune rivire proximitde la mer. Une pierre leve de 2 m 50 slve, telun smaphore, devant et droite de lensemble.Cette alle coude de pierres comprend dans saconcavit un cabinet latral et son extrmit unechambre dlimite par une dalle transversale quirecoupe le long couloir. Cet ensemble incurv estrecouvert de dix dalles qui, par extraordinaire, sonttrs bien conserves. Une seule dalle a suffi pourrecouvrir la chambre du fond. Lalle couverte desPierres-Plates a la chance de comporter en ses

    flancs quelques gravures dignes dintrt. Aprs lecabinet latral, sur un support gauche, sont cise-ls deux yeux tout ronds dans un rseau delignes courbes, enroules sur elles-mmes. Cet-te figure nigmatique fit lobjet de comparaisonsselon notre vision des choses, cest ainsi quon larapproche dun poulpe, dun cerf-volant, dunvisage humain, etc... mais soyons honntes, cettegomtrie de courbes nous oblige croire au phnomne mgalithique , qui ne peut sinsrerdans notre systme de pense. En lisant cela,certains parleront dantiscience... et pourtant il estindubitable que nous sommes confronts unecivilisation dont la technologie et la pense nontrien de commun avec les ntres. Bref, ces gravu-res sont gnantes et nous contraignent rflchir,plus encore peut-tre que lrection des mgali-thes. Nous devons souligner galement que PierreMreaux-Tanguy voit dans cette alle coudeavec son cabinet latral, le plan en coupe dunehache ou herminette. Nous terminerons la visitede lintrieur des Pierres-Plates, par lexamen dunautre montant droite, o sont encore gravs une feuille avec ses nervures ou une cagethoracique avec son sternum et ses ctes . Pro-sasme de bon aloi... et rassurant.

    Gavrinis et Er-Lannik (* p 14).Lle de Gavrinis ou le de la chvre est si-

    tue dans le golfe du Morbihan, hauteur et lest de Locmariaquer. On y trouve un beau tumu-lus, dsign comme le plus beau monument m-galithique du monde, et qui est surtout clbre parses nombreuses gravures. Le tumulus lui-mme,form de pierres et de terre, est haut de huit m-tres : son diamtre est de 60 m environ, abritantun dolmen galerie. Le couloir, long de 13 m etlarge de 1 m 40 1 m 50, est pav de grossesdalles. De nombreuses gravures faisant penser des empreintes digitales, dautres reprsentant ceque nous appellerons des serpents, garnissent lesparois. La chambre dolmnique elle-mme estpresque carre (2 m 50 x 2 m 60) : sa hauteur est

    de 1 m 80. Huit montants supportent une seule

    table aux dimensions impressionnantes : 4 x 3 menviron. A gauche, des anneaux de granite sonttaills, tandis que sur la paroi du fond, on distin-gue une curieuse et grossire gravure reprsen-

    tant un personnage assis, forte tte et petitspieds. Tous les matriaux constituant ce dolmen galerie sont en granite, lexception de deux sup-ports en quartz. Dautre part, certains blocs degranite ont un grain tranger ce que lon trouvesur lle ; ceci laisse supposer quil y eut transport, partir du continent, dune partie des matriaux.

    Au sud de Gavrinis, llot dEr-Lannik possde uncromlech double : lensemble du monument, formde deux cromlechs tangents, affecte la forme dun8. Certains voient dans cette forme curieuse lesymbole de linfini ( ).Les travaux de fouille et derestauration Le Rouzic lui-mme a relev 49

    menhirs du premier cromlech, en 1926 ont per-mis la mise au jour dun mobilier si riche et si varique certains qualifient Er-Lannik datelier de ha-ches et de poteries. Nous nous permettons deretenir cette hypothse et la mettons en relationavec lexistence probable dartisans hautementspcialiss ds le palolithique suprieur ; nousavions dj abord le sujet propos de lcole depeinture de Limeuil (voir Lart prhistorique, cetinconnu dans KADATH n 9). Nous nomettronsbien sr pas de mentionner lhypothse selon la-quelle Er-Lannik serait un temple comparable Stonehenge, le mobilier dcouvert constituant desoffrandes. La prsence, au pied de certains men-hirs du deuxime cromlech, de foyers rituels contenant des cendres, des ossements et desdents danimaux, parat devoir confirmer cettethorie. Nous pourrions cependant admettre queces foyers navaient rien de rituel, mais taientles barbecues de lpoque. Et pourquoi pas ?Dernier point important en ce qui concerne Er-Lannik : les trois-quarts du monument sont sub-mergs par les flots mare haute, le cromlechn 1 quant lui est sous eau en permanence. Ilapparat ds lors, que laffaissement du golfe,depuis la construction du cromlech, a t de 7mtres au moins.

    Crucuno.

    Entre Erdeven et Ploemel, le hameau de Crucunorunit quelques maisons. Lune delles est atte-nante une relique de dolmen de belle allure. Cemonument du type dolmen couloir, a perdu sagalerie, seule subsiste la chambre. On peut certesdplorer que cet difice ne soit pas parvenu jus-qu nous dans son intgralit, mais nous pouvonsencore nanmoins admirer cette chambre magnifi-quement bien conserve, quoique crase par laproximit des maisons dhabitation. De plan carr,elle slve 1 m 75 du sol. Neuf supports sou-tiennent une norme dalle de 6 mtres sur 4 etpaisse de 1 m 20, constituant ainsi la chambre son origine, puis deux supports soutenant le reli-

    quat dune seconde dalle de couverture nous per-

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    mettent dimaginer la galerie qui accdait lachambre dcrite ci-avant. Nous nous loignonsdes quelques fermes de Crucuno et nous diri-geons vers le sud-est par un petit chemin qui des-cend ; nous croisons quelques volatiles, mres

    poules et poussins, puis nous arrivons Park erVinglas, 300 m du dolmen. Un lieu-dit dont unchamp droite du chemin comporte en son extr-mit un ensemble de 22 pierres disposes en rec-tangle que lon a appel le quadrilatre de Crucu-no. Ce rectangle mgalithique mesure 35 mtresde long sur 26 mtres de large. Mais sachez djque, lorsque vous irez voir le quadrilatre de Cru-cuno, vous serez du de ne pouvoir embrasserdu regard ces vingt-deux monolithes, car la bruy-re et les ronces les ont envahis et se sont haus-ses presque jusqu leur sommet qui slveentre deux et trois mtres du sol. La position dusite est actuellement conteste, car les quatrects du quadrilatre visent les points cardinaux etles diagonales voient les levers du soleil aux sols-tices, la suite dune restauration dont la fidlitest mise en doute par les sceptiques. De plus,concidence ou volont des constructeurs : unelongueur, une largeur et une diagonale forment untriangle rectangle dans le rapport 3 - 4 - 5, triangledit de Pythagore. Pourquoi ce plan bien prcis ?En tous cas, larchitecte avait effectu quelquesprgrinations dans le bassin oriental de la Mdi-terrane, ou alors Pythagore avait ramen enOrient le plan de Crucuno ? Restauration tendan-cieuse, disent certains. Peut-tre, mais ntait-ilpas plus simple de reconstituer le plan initial partir des menhirs couchs proximit de leurs

    trous, plutt que de crer ce magnifique ensemblegomtrique ?

    Le tumulus du Moustoir.Situ dans la rgion de Carnac, entre la D186 et laD119, droite du chemin, le tumulus du Moustoirest de conception identique celui de Saint-Michel. Il mesure 85 mtres de long sur 36 mtresde large et slve 5 mtres. Un revtement depierres trs rodes recouvre une importante cou-che de vase, laquelle dissimule un galgal de formeelliptique contenant un foyer, plusieurs pierresleves et quelques coffres. Une chambre de cons-truction antrieure est noye dans la couche de

    vase. Un menhir de deux mtres surmonte len-

    semble. Galles et Le Rouzic ont fouill ce tumulusrespectivement en 1864 et en 1927 ; des osse-ments humains, de la poterie, du charbon, desossements danimaux furent recueillis qui accrdi-

    trent la thse du tumulus-tombeau.

    Kriaval et Man-Krioned.Sur la N168 en direction dAuray, cent mtresaprs le carrefour avec la D186, vous laissez lavoiture droite sur le bord de la route et vous pre-nez un sentier qui vous conduit non loin de l undolmen malheureusement trs dlabr, mais deconstruction intressante puisquil sagit dun dol-men cabinets latraux. La galerie ne comporteplus que douze supports et une dalle de protec-tion. Quant aux cabinets latraux ou chambres ilen reste deux au nord de lensemble. Une de ceschambres est parvenue intacte jusqu nous avec

    quatre montants et une dalle couvrante : tandisque lautre, galement recouverte dune table, setient sur trois pierres. Le dbut dun troisime cabi-net au sud nous aide imaginer lensemble, perduactuellement sous une bruyre prolifique.Aprs Kriaval, revenez sur la grand-route quevous traversez pour monter la butte juste avant lecarrefour. Vous aurez la surprise, en haut desquelques marches, de dcouvrir trois dolmens.Trois dolmens peu banaux. En effet : devant vous gauche un dolmen avec ses montants, ses troisdalles de couverture, une entre dirige vers vous,seule une dalle de couverture manque vous per-mettant de faire une photo de lintrieur de la gale-rie ainsi forme. Puis toujours devant vous, mais droite et perpendiculaire au premier, un secondmonument est partiellement enfoui dans le sol,son entre donne au nord-est et le sol en est dal-l. Le troisime quant lui, sinscrit entirementdans la butte et se prsente votre extrme droi-te. Sa situation est parallle celle du premier.Vous descendez les degrs qui ont t amnagspour accder lintrieur, o vous pourrez admirer laide dune lampe de poche, des haches em-manches et autres gravures mal dfinies sur huitsupports. Ces trois monuments, situs des ni-veaux diffrents, semblent avoir t recouvertsentirement par cette minence qui est actuelle-ment coupe en deux par la route nationale dAu-

    ray Plouharnel. Vous subirez sans doute len-votement qui mane de cet endroit isol, et voustransportera quelques milliers dannes en arri-re : dolmens-tombeaux, monuments religieux... laquestion se pose avec une plus grande acuitencore Man-Krioned, qui se garde bien dedvoiler son mystre.

    Avec ou sans tumulus ?Les dolmens taient-ils sous tumulus ? Il est inuti-le davancer des certitudes qui ne font quengen-drer des polmiques et retardent plutt que defaire avancer la recherche archologique. Nest-ilpas prfrable de poser la question : certains dol-

    mens ntaient-ils pas sous tumulus ? Car sils

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    avaient tous t protgs par un tumulus ainsiquAdrien de Mortillet au dbut de ce sicle le pr-na, on peut se demander pourquoi certains sontentirement dcouverts et dautres point. Lro-sion, cause de ce dcalottement, aurait agi slecti-vement ? Certes non, les agents atmosphriquesnauraient exerc leur action que sur les tumulusconstitus exclusivement de terre, rpondent lesdisciples de M. de Mortillet, tandis que les minen-ces comprenant des cailloux sont parvenues jus-qu nous. Cette rponse est valable, par contrelaffirmation : Il existe plus de dolmens lairlibre quenfouis sous tumulus, ce qui confirme lathse du dolmen sans tumulus (Niel), contient lerductionnisme indispensable notre srnitdesprit ! Et puis lhomme a joint son action celledes agents naturels en utilisant pour son comptepersonnel les pierres ainsi entasses. Dans cecas, certains se demandent alors pourquoi lesdolmens rigs en rgions caillouteuses ont tdpouills de leur tumulus alors que le matriauconvoit gt sur le sol. Cest ainsi que dans lesCvennes et les Causses, comme partout ailleurs,beaucoup de dolmens sont lair libre et pourtantla pierre fait la prosprit de ces deux rgions.De plus, pourquoi lhomme se serait-il amus dpouiller certains tumulus jusquau dernier grain

    de sable ? Il est plausible que lhomme prlveune partie des matriaux mais pas systmatique-ment tout ce qui constitue le tumulus. On a aussisuppos que des dolmens primitivement dnudsavaient t recouverts une poque postrieure, cause du contenu qui aurait t dpos en plu-sieurs temps successifs, ainsi le dolmen du pic deRansas en Lozre. Il y a aussi les dolmens scan-dinaves et bretons, tels la Table des Marchands,qui comportent sur les faces extrieures des mon-tants ou des tables, des gravures qui auraientdonc t compltement dissimules par la chapetumulaire ? Pour pouvoir dfendre sans coup frirla thse du dolmen sans tumulus, il faut navoir vu

    que des dolmens lair libre, et puis il faut ntre

    jamais all Man-Krioned. En effet, commentsexpliquer, sinon en le passant sous silence, laprsence de ces trois dolmens dont lun est enti-rement dcouvert, lautre moiti recouvert, letroisime entirement enfoui et le tout sur uneminence qui na pas fait lobjet dune restaurationconnue ?

    Une rutilisation tardive.Selon lopinion la plus rpandue, les premiers m-galithes seraient apparus vers 4000 avant notrere en Armorique. (2) On suppose quun peuple,que nous appellerons constructeur de mgalithescar nous ignorons son nom, vint supplanter lesTeviec, bien avant larrive des Gaulois. Assezbizarrement, tout ce qui concerne ce peuple nousest parfaitement inconnu, seuls ces difices gigan-tesques nous sont rests sans aucun indice surleur destination, ni sur les moyens mis en uvrepour les difier. Nous savons seulement, en ce quiconcerne les cromlechs, quau premier sicleavant J.-C., soit trente sicles plus tard les habi-tants honorent Apollon plus que partout ailleurs...Une enceinte sacre lui est ddie dans lle ainsiquun magnifique temple circulaire, orn de richesoffrandes (Diodore de Sicile rapportant les dires

    dHcate au sujet de Stonehenge). Donc 3000ans aprs leur tablissement, les cromlechs ser-vaient de temples solaires ; mais les architectesde tels ensembles les avaient-ils conus en cesens ? De nos jours, on affirme souvent que cesdifices avaient eu un caractre sacr ds leurrection. Cette argumentation se base sur le faitque la religion chrtienne, religion intolrante, ainvesti un grand nombre de monuments mgalithi-

    Vue densemble de Man-Krioned : sous tumulus en partie seulement (dtail sur la page suivante).

    (2) Adoptons 4000 pour faciliter notre expos,

    bien que rien ne soit moins sr que cette date.

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    ques. Cela est vrai, mais noublions pas que peuavant lavnement du christianisme, ctaient lesCeltes qui honoraient leurs dieux dans ces temples . Il semble dautant plus certain que

    lide premire des btisseurs ntait pas dhono-rer une divinit, que les lieux divins sont tropnombreux et ont tous requis des moyens cyclo-pens. Songeons aux lieux saints du christianisme(Lourdes, Saint-Jacques de Compostelle, Jrusa-lem...) : ces monuments importants sont de loinplus dissmins dans lespace et ont ncessit

    des moyens la mesure de lhomme. Alors, pour-quoi ne pas admettre lexistence dune civilisationdiffrente de la ntre, avec sa technologie et sapense, telles que nous ne pouvons mme pas

    les concevoir ? Mais l, daucuns parleront dantis-cience, de progrs rebours ! Et ces monumentsmillnaires continueront de traverser les poques,en dpit des destructions naturelles et humaines.Non sans nous narguer, nous et notre science.

    NICOLE TORCHET

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    in Plante n 9 1963)(Aim Michel La plus vieille religion dEurope.

    Des tonnes poses en douceur.Un dtail jamais soulign jusquici, semble-t-il,oblige penser que les constructeurs de m-galithes possdaient une mthode permettantde manipuler les blocs gigantesques en dou-ceur : il sagit des pierres de calage des dol-mens. Un dolmen est fait dune ou plusieurstables poses sur des dalles verticales for-mant support. Or, trs souvent, la table nerepose pas directement sur les supports : unepetite pierre, grosse comme un livre de poche,a t dlicatement glisse entre les deux blocspour servir de coussin. Rien nest fascinantcomme ltude approfondie de ces petitescales. Leur signification technologique simpo-se lesprit, et cette signification est boulever-sante. La prsence de ces pierres de calagesous les dalles des dolmens signifie donc queces dalles ont t poses en douceur sur leurssupports. Lhypothse cent fois expose quel-les furent tires latralement et force surleurs supports pralablement enterrs expli-que tout, sauf la prsence de ces irrfutablespetites pierres. Elles sont l, et rien ne sertdimaginer des thories qui nen tiennent pascompte. Au dolmen de Kerman, par exemple,sur deux petites pierres de 15 centimtres dect et de 7 centimtres dpaisseur, reposetout le ct nord-ouest de la table, qui doitpeser environ sept tonnes. Il crve les yeuxquelles ont t places l par une main quiles tenait entre le pouce et lindex tandis quela dalle (par quels moyens, grands dieux ?)descendait lentement sur son socle (...). Lemoindre mouvement latral et arrach cespierres de calage. On a mme la preuve quele dispositif de descente verticale a parfoischapp au contrle des mystrieux ing-

    nieurs nolithiques : la Table des Mar-chands, la grande pierre sculpte du fond ason sommet clat, comme si la table taittombe trop brusquement. Au Man-Rutual,mme observation, confirme par un autredtail : la grande dalle sest rompue du ct delentre. Au Man-Lud, la grande dalle a tour-n de 90 degrs.Quelques semaines aprs mon arrive enBretagne, je rencontrai un spcialiste et luidemandai, en prenant garde de ne pas prci-ser ma pense, sil existait une tude syst-matique de ces petites pierres. Non, pas saconnaissance. Mon interlocuteur parut dabordintress : Une telle tude, dit-il, clairerait peut-treen effet quelques points techniques obscurs.

    Il faudrait donner cette ide un tudiantayant les moyens de se dplacer, etc.Tandis quil me parlait, son visage se tendait.Soudain, il me regarda de cet air ironique etsouponneux que nous connaissons bien,Bergier, Pauwels, moi et quelques autres. Dites-moi, que diable voulez-vous prouveravec vos pierres de calage ? Existent-elles ou non ? Sans doute. Mais y bien penser, leur dis-position montre quil a fallu, pour les placer,soulever la dalle et la reposer doucement. Ilest donc exclu que les constructeurs de mga-lithes y soient pour quelque chose. Ils ne syprenaient pas ainsi, et pour cause ! Commentauraient-ils pu le faire avec leurs moyens pri-mitifs ? Qui donc les a places l, ces pierres ? Quelque restaurateur. Le Rouzic par exem-ple. Il a d soulever avec un cric la dalle malquilibre et glisser une pierre en croyant bienfaire. Et dans les dolmens couverts, quand desmilliers de tonnes de pierres et de terre psentencore sur la table, Gavrinis, lle-Longue,au Man-er-Hroek, Saint-Michel, Kerca-do ? Prtendriez-vous quil y en a l aussi ? Voulez-vous venir les voir avec moi ? Monsieur, je nai pas de temps perdre.Cest absurde ! Eh oui ! Cest absurde et im-possible. Il faut donc dtourner les yeux.

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    Il convient, prsent que nous avons fait connais-sance avec les constructions mgalithiques duMorbihan, de les intgrer dans un contexte histori-que, dtablir des relations entre les mgalithes etlenvironnement gographique et culturel de cettepriode. On ne peut en effet ignorer que les dol-mens principalement ont livr un nombreux mobi-lier lithique, des cramiques, des ossements, desobjets en mtal,... pas plus quon ne doit laisser dect les divers agents naturels qui ont eu tantdimportance pour les hommes dalors. Vous au-rez loccasion de le remarquer en cours de lecture,cette intgration nest que trs partielle : on a cer-tes de bonnes notions de ce que pouvaient treces populations mso- et nolithiques qui laiss-rent de nombreuses traces de leur mode de vie.On peut estimer cependant que les relations direc-tes qui ont t tablies entre les constructionsmgalithiques et les vestiges des cultures du no-lithique qui y ont t dcouverts sont trop dfiniti-ves. Il est sans doute indispensable pour certainschercheurs de caser, vaille que vaille et en pous-sant l o accroche, le phnomne mgalithi-que dans un systme dvolution normal, tradition-nel et, pour tout dire, rassurant. Pour nous, le m-

    galithisme est un lment que nous ne parvenonspas encore placer au bon endroit, ni mme situer exactement. Quimporte ! Le mgalithe nenous drange pas : il nous intresse. Cest danscet esprit que cet article a t conu ; cest danscet esprit que je vous convie cette recherchedun pass.

    Petite histoire dune prhistoire.Si la prhistoire est une science relativement jeu-ne, les rudits des sicles passs nont pas man-qu de sintresser aux mgalithes. Leurs thoriesfont parfois sourire aujourdhui ; leurs crits nen

    restent pas moins intressants plus dun titre,

    spcialement en ce qui concerne les descriptionsde sites qui, depuis, ont disparu sous la piochedes terrassiers, ou les tumulus des restaurateurs.Dautre part, il serait impensable de ne pas rendrehommage Zacharie Le Rouzic, dont le nom estdsormais pass la postrit ; il nest pas unseul ouvrage traitant du mgalithisme breton quine le cite. Je me propose donc de dcrire dans lesgrandes lignes ce que furent les travaux de cespionniers.

    Cest ds le dbut du XVIIIme sicle que se ma-nifeste un certain intrt scientifique pour lesconstructions mgalithiques : outre de nombreu-ses descriptions, le Prsident de Robien fouillaquelques dolmens. Cest au XVIIIme sicle ga-lement que naquit la fameuse cole des celtoma-nes, encore dsigne sous le nom de leurs deuxpersonnalits les plus marquantes : Cambry et lecitoyen Coret autrement dit, la Tour dAuver-gne. Les celtomanes attribuaient la constructiondes mgalithes, pris dans leur sens le plus largedailleurs, aux populations celtiques. A lopposdes disciples de lcole de Cambry, le comte deCaylus (1692-1765) professait, dans son recueil

    d Antiquits gyptiennes, trusques, grecques,romaines et gauloises , que les mgalithestaient bien antrieurs aux Celtes. Cette ide allaitdailleurs tre dfendue par le Grand dAussy...mais sans grand succs immdiat : lorigine celti-que des mgalithes ne fut abandonne par le plusgrand nombre que quelque cinquante ans plustard.

    Le 29 mai 1826 tait fonde, Vannes, la SocitPolymathique du Morbihan, qui prit, par la suite,une large part dans ltude des mgalithes morbi-hannais. Les fouilles systmatiques commenc-rent en 1853, avec lexploration de Tumiac. Puis,

    entre 1860 et 1870, les constructions les plus c-

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    LE PASSE PRESENT

    A LA RECHERCHE DUN PASSE

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    lbres (le Mont St-Michel, le Man-Rutual, leMoustoir) furent leur tour tudies par MM.Galles, Lefvre, de Closmadeuc, pour compte dela Socit Polymathique du Morbihan. Le grand

    dpart tait donn : en 1873, lEcossais JamesMiln sinstalla Carnac, et y fonda le Muse. En1908, Dchelette, dans son Manuel dj cit,consacrait plusieurs chapitres aux problmes m-galithiques, et dveloppait sa fameuse thorie des leviers jointifs . Enfin, Zacharie Le Rouzic(1864-1939) poursuivit le travail commenc parJames Miln, fouillant et dcouvrant sans relche,faisant connatre au monde savant les trsors desmgalithes du Morbihan. Il sassocia bientt Louis Marsille.

    Le prmgalithisme.

    Jengloberai sous ce vocable toutes les culturesqui ont prcd le phnomne mgalithique. Cescultures ne sont certes pas directement lies ausujet qui nous proccupe ; cependant, les lignesqui suivent permettront au lecteur de mieux situercertains objets exposs dans les muses locaux.Du palolithique, on ne sait que trs peu.Quelques objets, quelques stations de lAcheulenet du Levalloisien, que je ne dcrirai pas, faute deplace. Le msolithique, par contre, est largementreprsent par le Tardenoisien. On a dcouvertplusieurs parties de squelettes se rattachant untype racial bien particulier dit de Tviec , carac-tris par une nette tendance la msocphalie,un menton saillant, un squelette peu robuste etune petite taille. Le Professeur Valois voit enlhomme de Tviec un descendant de lhomme deChancelade (type humain du palolithique sup-rieur qui est rapprocher des Eskimos). Il est int-ressant de remarquer que ce type de Tviec seretrouve nettement, encore de nos jours, dans largion du Morbihan. Pour rsumer les principalescaractristiques de la culture des Tardenoisiens,je dirai quils vivaient de chasse et de cueillette,mais surtout de pche, ainsi quen tmoignent lesKjkkenmddings (amas de dchets de cuisineconstitus principalement de coquillages). Lestombes tardenoisiennes taient recouvertes dundallage de pierre, parfois surmont dun mauso-

    le. Les cadavres, saupoudrs docre, taient as-sis ou recroquevills. Lindustrie lithique enfin estbase sur le microlithe, loppos de celle quelon trouve dans certaines stations plus continenta-les, caractrisant un facis industriel campignienlgrement antrieur.

    Mgalithique et nolithique.La priode que lon appelle, un peu arbitrairement,nolithique, est troitement associe au mgali-thisme. Appellation arbitraire, disais-je, car il seraitvain de chercher une frontire nette entre un m-solithique qui se prolonge et un nolithique nais-

    sant et balbutiant. Ce phnomne nest dailleurs

    pas une exception : jai eu loccasion de le men-tionner dj, au cours de prcdents articles sur laprhistoire. Je me refuse affirmer que ces noli-thiques dont je vais parler sont les constructeurs

    des monuments mgalithiques. Cette Ide nestpas rejeter, puisque nous navons pas de preuveformelle quelle est fausse ; les thses dvelop-pes dans les articles qui suivent (bases sur lestravaux dAlexander Thom et de Colin Renfrew,notamment) et mme une certaine objectivit queje pourrais appeler bon sens font distinguerces deux concepts trs diffrents que sont le m-galithisme dune part, la culture nolithique dautrepart. Une chose parat acquise cependant : lesnolithiques ont utilis les mgalithes comme mo-numents religieux ; quoi quen disent certainschercheurs, les ossements humains et danimauxse retrouvent dans les dolmens en assez grande

    quantit. Dautre part, il ne faut pas perdre de vueque la terre bretonne nest, en gnral, gure pro-pice la conservation des ossements : le fortpourcentage en phosphate de chaux contenudans le sol a d faire disparatre beaucoup desquelettes, particulirement certains endroits olon ne retrouve rien (ce qui nimplique pas nces-sairement que, ces endroits, il y avait quelquechose). Comment expliquer, si nous nadmettonspas lhypothse du mgalithe-tombeau, la dcou-verte dune cinquantaine de squelettes dans deuxdolmens situs Port-Blanc, un endroit o, com-me par hasard, le sol contient peu de phosphatede chaux ?

    Il semble dailleurs quune mme spulture aitservi plusieurs fois : les inhumations successivessont parfaitement mises en vidence dans plu-sieurs constructions dolmniques, o un dallagespare deux couches de spultures collectives.Parfois dailleurs, on a limpression quil sagissaitde vritables ossuaires. Pour prendre un exemplercent et significatif, quittons un instant le Morbi-han. Chacun se souvient de cette gigantesquetombe collective dcouverte la Chausse-Tirancourt, en Picardie. Ce mgalithe avait rvlla prsence de quelque trois cents squelettes en-tasss et enchevtrs dans un parfait dsordre,formant plusieurs couches successives. On peut

    donc penser, lorsquon examine lensemble desmgalithes-tombeaux, que la fonction funrairedes constructions mgalithiques au nolithique estdouble : dune part vritables spultures, collecti-ves certes, mais ordonnes, entoures dun cr-monial respectueux des rgles, dautre part os-suaires o taient entasss, sans grands mnage-ments, les cadavres des reprsentants dune clas-se infrieure (cest--dire, soit des ennemis, soitdes esclaves). Enfin, et toujours dans le mmeesprit dutilisations successives des constructionsmgalithiques comme tombeaux, on retrouve par-fois, dans ces monuments, des vestiges de civili-sations bien postrieures : squelettes de lnoli-

    thique, poteries hallstattiennes et monnaies romai-

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    nes. A titre dhypothse, je peux donc mettre envidence deux phases distinctes dans lhistoiredes mgalithes :

    1. ils sont construits par un peuple inconnu (qui nevient pas ncessairement du fond du cosmos etqui na pas obligatoirement atteint un niveau tech-nologique comparable au ntre), pour une raisonque nous ne connaissons pas encore ; les tudes extra-archologiques (astronomiques entreautres) entreprises rcemment nous permettentcependant dapprhender des solutions.

    2. des peuples nolithiques plus primitifs, ignorantlusage rel des mgalithes, y attachant peut-treune notion de superstition, ou trouvant simplementpareille construction pratique (ce que je ne croispas) y enterrent ou y entassent, la plupart dutemps leurs morts.

    Si nous savons relativement bien quelle poquevivait lhomme nolithique, nous navons parcontre aucune indication quant lge donneraux monuments eux-mmes. Jinclinerais cepen-dant penser quils sont antrieurs au nolithiquecar, si nolithiques et mgalithiques avaient tcontemporains, il est peu probable que ceux-ciauraient autoris ceux-l utiliser leurs construc-tions des fins funraires. Par contre, on conoitparfaitement bien que, lpoque nolithique,lusage premier du mgalithe nait plus t quunsouvenir vague et dform, entach de supersti-tions et de crainte. Cette ide, pour tre relative-ment logique, nen reste pas moins sujette dis-cussions infinies. Cependant, un argument favora-ble, mais non dcisif car portant sur deux exp-riences seulement, est la datation du contenudune chambre latrale du tumulus Saint-Michel,toujours effectue par la mthode du C-14 : lesrsultats donnent les dates de 7030 et 6650 avantJ.-C. Le problme est videmment de savoir silfaut prendre ces dates en considration. Les diffu-sionnistes, partisans du mirage de lOrient , nepeuvent videmment concder une telle ancienne-t un mgalithe europen, et ces rsultats aberrants sont dus, selon eux, une erreur demanipulation. Ntant pas diffusionniste, je ne voispas de raison dcarter ces dates a priori et leur

    accorde une valeur raisonnablement sceptique.

    Abordant pour la premire fois le problme duniveau marin, si fluctuant dans cette rgion, jeprcise que locan, aprs un maximum de r-gression en 18.000 avant J.-C. slanait las-saut des terres. Cette transgression, que lon ap-pelle la transgression flandrienne , ntait pasarrive son maximum en 4500, puisque T-viec ntait encore quune presqule. Cette mon-te se continue bien sr, plus ou moins rgulire-ment, au cours des millnaires qui suivent.

    On constate en tout cas que les flots navaient pas

    encore atteint le site dEr-Lannik (aujourdhui en

    grande partie submerg), en 3000 : le niveau delocan, au dbut du troisime millnaire, tait en-core de 5 m plus bas que le niveau actuel (Y. Rol-lando, Le gologie vannetaise ) Au deuximemillnaire, le niveau est 2 m, ilatteint le niveau 0 approximativement au dbut denotre re : enfin, son avance maximum se situe auVme sicle de notre re, environ +4 m. A partirde cette poque, la mer se retire lentement, pouratteindre son niveau actuel. Il ne faudrait cepen-dant pas croire, la lecture de ce trs sommairersum, que la monte des eaux ait t parfaite-ment rgulire : les petites rgressions, suiviesdune reprise de transgression, ont t frquentes.Je ninsisterai cependant pas sur ce point,secondaire ici. Enfin, et pour en terminer, il fautsignaler le rchauffement notable du climat : ll-vation de temprature amorce la fin du paloli-thique suprieur avait permis linstauration, au d-but du nolithique, dun climat humide, sans douteplus chaud quactuellement, favorable la culturedes crales en gnral, (et du bl en particulier),et lenvahissement progressif des forts.

    Le mobilier du nolithique.Au point o en sont les choses, il devient videm-ment difficile de dcrire la civilisation nolithiquede faon prcise. Je partirai du principe noncplus haut pour admettre que le mobilier mis aujour dans les monuments mgalithiques et prin-cipalement dans les constructions dolmniques,avec ou sans tumulus se rapporte ces cultu-res nolithiques qui utilisrent les mgalithes des fins diverses, trs diffrentes sans doute dupourquoi de leur rection. Dans les pages qui sui-vent, je dcrirai ce mobilier, savoir : loutillagelithique, les objets de parure, les cramiques et les

    objets en mtal.

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    LOUTILLAGE ET LES BIJOUXEN PIERREA ce point de vue, le nolithique est une continua-tion des poques prcdentes. On remarquera

    une volution lente dans la fabrication des objetsen pierre. Mais aux instruments et armes frustestels que grattoirs, pointes de flche pdoncule,haches plus ou moins bien polies, peroirs,... ilfaut opposer les haches magnifiques dcouvertesdans quelques grands tumulus. Je nen dcriraiquun exemplaire exceptionnel, qui est sans douteun des plus beaux objets prhistoriques quil maitt donn dadmirer. Cette grande hache, dcou-verte au Man-er-Hroek, est en jadite. Parfaite-ment polie, dune symtrie rigoureuse, artelatrale, elle possde un talon triangulaire effil,un tranchant de forme trs pure. Aucune tracedusure ne dfigure ce chef-duvre, ce qui laisse

    penser que, comme ses consurs, elle avaitune fonction unique dornement. Mais il y a plus : cette hache tait associ un anneau-disque dejadite galement. Je ne peux mempcher decomparer ces disques (car lexemplaire nest pasunique) aux fameux disques pchinois, tudis etdcrits par Henri Michel dans le n 13 deKADATH. Car les ressemblances sont grandesentre nos anneaux-disques bretons et les p lesplus anciens, dont lge est estim environ 1200

    avant J.-C., et qui ne prsentaient encore aucunegravure. La juxtaposition dunparchaque et dunanneau breton du Man-er-Hroek en dit long cesujet. Prcisons que lanneau-disque est gnrale-

    ment prsent comme un objet de parure, commeun bracelet pour tre prcis. On peut en conclureds lors (dcouverte capitale) que les nolithiquestaient masochistes : les bords intrieurs de cesbracelets devaient, avec leurs artes vives et tran-chantes, leur entailler les poignets au bout de trspeu de temps.

    LES OBJETS DE PARUREIls sont divers : pendentifs en pierre, galets enquartz formant collier, anneaux en schiste, maissurtout les bijoux en callas. Compte tenu, dune

    part, de limportance rgionale de cette matire,qui jouit dune grande faveur cette poque et,dautre part, du climat de mystre (habilementexploit par certains) qui lentoure, je crois utile defaire une petite mise au point ce sujet. Les bijouxen callas ou callate se prsentent, soit sousforme de colliers de perles discodales, cylindri-ques, ou en grains de mas (les plus courants),soit sous forme de pendeloques. On peut en admi-rer quelques beaux exemplaires aux muses de

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    Hache et anneaux-disques en jadite, provenant de Man-er-Hroek.

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    Carnac et de Vannes. Pierre gnralement vert-meraude, elle peut prendre une couleur blanc-gristre due une altration provoque par lesconditions denfouissement. La callas est un

    phosphate de cuivre-aluminium hydrat CuAI6, : [ (OH)2 PO4]4. 4H20 trs proche de laturquoise : turquoise et callas peuvent dailleurstre associes dans les mmes gisements. Lacallas tait connue de Pline le naturaliste, qui ladcrit comme suit : La callas est dun vert ple.On la trouve au del des Indes (...) au mont Cau-case (...). Elle est dune grosseur remarquable,mais pleine de trous et dimpurets. On trouvecette pierre dans des rochers inaccessibles etcouverts de glace ; elle y est leve en bosse peu prs comme un il et ne tient que lgrementaux rochers qui la produisent, en sorte quon diraitquelle ny est pas venue naturellement, mais

    quelle y a t attache.

    Il semble en tout cas que cette pierre ait t parti-culirement apprcie des btisseurs de mgali-thes du Morbihan, puisque 737 perles et 35 pen-deloques ont t dcouvertes ce jour dans lessites de la rgion, spcialement dans les grandstumulus (238 grains Tumiac, 126 au Mont St-Michel). Nen concluons cependant pas que leMorbihan avait lexclusivit de la pierre verte, quelon retrouve un peu partout en France. Le lieudextraction de la callas na pu tre dfini. Daprscertains auteurs, la pierre verte aurait pu tre loca-lise dans les gisements dtain bretons. Effective-ment, le gisement de Montebras, en Creuse, alivr de la turquoise de belle facture, verte, maistrs poreuse. Cette association callas-tain nestcependant quune hypothse sduisante et, entout cas, acceptable. Considrant que les gise-ments stannifres de Montebras ont t exploitsdepuis la plus haute Antiquit, on peut mme sup-poser que la callas du Morbihan a t transportede Creuse jusquen Bretagne, loccasion decontacts commerciaux entre ces deux rgions.Mais, dautre part, je prcise que, en ce quiconcerne la Bretagne, les dpts de bijoux encallas se rpartissent dans une zone gographi-que extrmement rduite, prs des rivages dugolfe du Morbihan. Au contraire, ce minral est

    presque totalement absent des contres avoisi-nantes. Ceci nous amne conclure quil devaitexister un gisement local, peut-tre tout simple-ment sur les roches alumineuses si nombreusesdans le Morbihan. Cette ide est dailleurs renfor-ce encore par la facture particulire de la majori-t des perles morbihannaises (en grain demas ). Quoi quil en soit, je ne pense pas que,en dehors dun intrt archologique normal , ilfaille attacher une importance particulire lem-ploi de callas pour la confection de parures : lesimple fait den disposer (que ce soit par le com-merce ou parce quil existait un gisement local),joint son aspect attrayant, dsignait tout naturel-

    lement la callas pour lusage qui en a t fait.

    LES CERAMIQUESCest toute lvolution de lart de la cramique(qui apparat grosso modo au dbut du nolithi-que), que lon peut dcouvrir par ltude du mo-

    bilier mis au jour dans les mgalithes. Les plusvieilles poteries du nolithique ancien sont deformes simples. Rapidement, cependant, la po-terie va sorner de motifs divers : chevrons, inci-sions, cannelures,... mais surtout de colliers quisemblent avoir t des parures trs recher-ches. Ces colliers pourraient tre mis en rela-tion avec le culte dune desse la fois guerri-re et funraire, dont jaurai loccasion de repar-ler dans le chapitre consacr aux gravures. En-fin, parmi les types principaux de poteries dunolithique proprement dit, je citerai encore lestrs caractristiques cramiques de type Er-Lannik. Citons Yannik Rollando : Leur forme

    est cylindrique, face suprieure annulaire, leplus souvent cupulaire (...) Sur les parois et lerebord suprieur, sinscrit le dcor en trianglesou en chevrons, moins frquemment les losan-ges, les lignes ondules, les cnes, plus rare-ment les demi-cercles (...) Les motifs sont trai-ts en gros pointills, imprims dans la pte.

    Enfin apparaissent, au Chalcolithique, les vasescampaniformes. Jai dj eu loccasion dabor-der le sujet lors de mon tude sur les construc-teurs ventuels de Stonehenge, le peuple auxvases-calices. Son passage en Bretagne, etplus spcialement dans la rgion du Morbihan,est attest par les nombreux vases campanifor-mes dcouverts dans les constructions dolmni-ques. Les poteries sont de couleur rouge ; ladcoration est faite de traits inciss laide dunpeigne, en bandes horizontales de type enzone , ou encore de motifs gomtriques, par-fois incrusts de peinture blanche. Enfin, quel-ques impressions de corde font penser uneinfluence (par ailleurs nettement plus marque,et pour cause, dans la rgion du bassin moyendu Rhin) des cultures aux vases cords, dorigi-ne plus continentale.

    LES OBJETS EN METALOutre ses vases-calices et certaines armes en

    silex (par exemple des pointes de flche), lepeuple aux gobelets apportait avec lui quelquesobjets en cuivre. On pense dailleurs gnrale-ment que cest lui qui introduisit la connaissan-ce du mtal en Europe. Cette ide serait dis-cuter, mais l nest pas notre propos. Ces ob-jets se retrouvent dans les monuments mgali-thiques, associs aux vases campaniformes. Cesont principalement des poignards plats, lasoie droite (Carnac, Locmariaquer), des alnes,des haches plates (Man-Krioned, Kerlescan).La relative facilit avec laquelle se travaille lorpeut nous faire croire quil fut le tout premiermtal utilis par lhomme. Il nest donc pas

    tonnant de trouver, dans les tombes individuel-

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    les du peuple aux gobelets, des objets en or.Ces mmes objets ont t dcouverts en assezgrande abondance dans le Morbihan. Ils sontmartels et non fondus et sont actuelle-

    ment dissmins dans de nombreux museseuropens : muse de la ville du Mans, museNational de St-Germain-en-Laye, British Mu-seum,... Certaines trs belles pices sont toute-fois visibles aux muses de Carnac et de Van-nes, mises au jour, pour la plupart, par ces deuxinfatigables chercheurs et dcouvreurs des m-galithes morbihannais que furent James Miln etson clbre lve, Zacharie Le Rouzic.

    Les gravures.Nous abordons l un des points les plus dlicatsde ltude des mgalithes. Ce problme est par

    ailleurs particulirement aigu lorsquil sagit desmgalithes morbihannais, qui prsentent certai-nement la plus grande varit de ces gravures.Je prciserai immdiatement que lon ne peuttre certain de la contemporanit de lensem-ble des gravures et des mgalithes correspon-dants Autrement dit, il est fort possible que cer-taines gravures soient postrieures lrectiondu support. Cette ide est rapprocher de notredmonstration propos du couteau mycniengrav sur un des monolithes de Stonehenge(voir KADATH n 4). A la limite, et pour prendreun exemple absurde mais significatif, il ne vien-drait lesprit de personne de croire que le mot gazelle grav sur le montant ogival de laTable des Marchands date du nolithique, sim-plement parce quil sy trouve. Cependant, ladisposition de certaines de ces gravures permetde croire que celles-l du moins sont contempo-raines de la construction du mgalithe. (Parexemple, une partie dun animai grav sur laface infrieure de la dalle de couverture de laTable des Marchands est cache par un dessupports, ce qui implique que la gravure a texcute avant la mise en place de la table : lesserpents gravs sur la partie enterre du Manioen sont un autre exemple.)

    Linterprtation des gravures mgalithiques a

    fait couler, dj, beaucoup dencres de toutescouleurs. Les hypothses les plus farfeluessopposent aux thories officiellement admises.En rgle gnrale, ces interprtations donnespar des visionnaires ou des humoristes delarchologie donnent un sens pratique aux gra-vures sur mgalithe. La dernire dentre elles (notre connaissance du moins, car les chosesvont vite dans ce domaine) est due MarcDem, dans son ouvrage Mgalithes et routessecrtes de luranium (cet ouvrage prsentecependant, je tiens le souligner, de bonnesides dans sa premire partie). Marc Dem don-ne aux gravures une fonction dorientation ; el-

    les sont donc comparables aux signes in-

    diens qui permettent de suivre une piste fo-restire. Par exemple, les crosses ou pisde bl indiquent quil faut tourner gauche ou droite aprs le monument, suivant que la cros-

    se sincurve dans lun ou lautre sens. Imagi-nons la perplexit des pistiers du nolithiqueface au montant ogival de la Table des Mar-chands, o les crosses de gauche sincurventvers la gauche, et les crosses de droite, vers ladroite. Faut-il aller tout droit ? Quant aux signesindiens gravs sur la partie enfouie des monu-ments, comme les serpents du Manio, ils de-vaient tre rservs quelque initi, muni desinstruments sacrs : la pelle et la pioche.

    Une tude comparative des diffrents types degravures nous amne trs vite les classersommairement en deux grandes familles. La

    premire regroupe tous les signes aismentidentifiables (bien quon puisse parfois discuterla nature mme du motif), quils aient ou non uncaractre symbolique, propos duquel je tiens avertir le lecteur de la prcarit des interprta-tions que je serai amen formuler. Jai dj euloccasion de signaler de nombreuses reprisesle danger de ces interprtations, bases forc-ment sur un certain nombre dides ayant ac-quis force de loi (entre autres leur caractremagico-religieux), et surtout sur une structurede pense qui nous est propre, mais qui ntaitpas forcment celle des peuples prhistoriques.La deuxime famille regroupe les signes nonidentifiables au premier examen. Ils ncessitentlemploi de mthodes de comparaison ayantpour but de regrouper, par ensembles, ces sym-boles et des gravures-mres dinterprtationplus facile.

    La premire famille comprend les serpents, lespersonnages styliss, les soleils et roues solai-res, les empreintes de pieds, les armes.Les serpents. Bien quon ne puisse mme pasaffirmer quil sagit bien l de serpents, on doitcependant admettre que cest trs probable-ment cet animal qui est reprsent en 1 pagesuivante : le renflement de la tte, londulation

    du corps laissent peu de place au doute. Cetype de gravure est relativement rare ; on luiaccorde gnralement un caractre funraire,mais il est curieux de constater que, dans cetteoptique des choses, le serpent soit pratique-ment le seul animal reprsent par les mgali-thiques, lexception de quelques quids no-tamment, et du poulpe dont je parlerai plusloin. Ranger le serpent parmi les dieux de cespopulations, ou simplement lui accorder unefonction religieuse, est en contradiction aveclexamen des croyances des populations primiti-ves (quelles soient prhistoriques ou actuelles),qui ont en gnral un panthon important, peu-

    pl dune foule de dieux zoomorphes.

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    Les personnages styliss. La gravure n 2 est unbel exemple de ce type reprsentant, premirevue, un personnage stylis lextrme : les bras sontlargement carts, les membres infrieurs nont pasde pieds. Parfois mme, les jambes ne sont pasclairement indiques, et la gravure se rsume unecroix surmonte dune boule figurant la tte.

    Les soleils et les roues solaires. Lexemple le plusfameux est, bien sr, le soleil grav sur le montantogival de la Table des Marchands, Locmaria-quer. Notons en passant que ce soleil nest plusque trs difficilement visible avec lclairage dontdispose le touriste moyen : une excellente copiedu montant et de ses gravures est heureusementexpose au muse de Carnac. Ce type de gravu-re, que nous continuerons identifier lastre dujour, faute de mieux, regroupe le soleil proprementdit (cercle ou point, do partent des rayons) et laroue solaire (fig. n 3), qui est un symbole trsrpandu dans toutes les civilisations de toutes lesparties du globe.

    Les empreintes de pieds. Si elles sont trs facile-

    ment identifiables (fig. n 4), ces gravures sont parcontre totalement inexplicables. On pourrait ven-tuellement les rapprocher des empreintes demains du palolithique. Il faut avouer cependantque cette dmarche pas plus que dautres dail-leurs ne nous mne nulle part. On serait pres-que tent de considrer ce type de gravure, parailleurs limit deux exemplaires, comme un bontour jou aux archologues.

    Les armes. Ce sont surtout des haches, parfoismunies dun manche (fig. n 5). Le symbole de lahache nest pas plus clairement dfini que les au-tres. On lassocie gnralement une desse

    funraire caractre forcment guerrier. Quoi quil

    en soit, il faut insister sur limportance de la hache,qui est non seulement reprsente sous forme degravures, mais qui est galement un objet courantdu mobilier mgalithique, ainsi que nous lavonsvu prcdemment. A la hache proprement dite, onassocie les crosses , ou pis de bl (fig.n 6), tels quils se prsentent dans la chambre dela Table des Marchands : ces crosses ne seraientalors que des manches de haches. Il parait difficilede considrer ce manche comme une reprsenta-tion purement figurative dun objet trs banal alorsque, manifestement, les gravures mgalithiquessinscrivent dans un ensemble symbolique trslabor. Dautre part, la fonction symbolique dunmanche de hache ntant pas pour moi une vi-dence, je proposerais plutt dinterprter cettefigure comme un pi de bl, symbole de lagri-culture et donc de la femme, traditionnellementcharge des travaux des champs dans les soci-ts primitives. Notons en passant que la femmena, dans mon interprtation, aucune fonctionsexuelle, mais quelle est plutt considrer com-me llment subalterne de la tribu. A loppos, lahache symbolisera le chasseur, cest--dire lhom-me, lindividu noble. Le symbolisme de la hacheemmanche devient alors vident : la runiondes deux lments (hache + pi de bl) est une

    reprsentation du couple, toujours considr biensr du point de vue de la condition sociale, et nonde la procration qui, assurant la prennit de latribu, donne au contraire la prdominance lafemme. Enfin, dans un tout autre ordre dide, jene peux passer sous silence la thorie de PierreMreaux-Tanguy, selon laquelle la hache emman-che serait une ascia ou herminette, symbole py-thagoricien (voir KADATH n 8). Cette hypothseoriginale est retenir, car elle a le mrite de sint-grer parfaitement dans un contexte pythagoriciencertain en ce qui concerne les proportions desconstructions mgalithiques. Par contre, elle expli-que mal lexistence de haches non emmanches.

    La deuxime famille qui, je le rappelle, regroupe

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    les figures non identifiables au premier examen,comprend des gravures gnralement qualifiesde scutiformes (en forme de bouclier - fig. 7, 8 et9), pectiniformes (en forme de peigne - fig. 10), en

    forme dempreintes digitales (fig. 11), jugiformes(en forme de joug - fig. 12). Les gravures scutifor-mes sont gnralement associes au culte dunedesse la fois guerrire et funraire. Ses attri-buts sont la hache, dont il a t question plushaut, et le collier (la prsence des colliers en cal-las tant du mme coup explique).

    Dans cette interprtation, la figure 7, par exem-ple, reprsenterait la desse, sous une formevidemment stylise, aux paules saillantes, la tte peine marque par un demi-cercle ; lescercles, lintrieur de la figure, sont censs

    symboliser les seins (multiplis, afin de mettreen vidence le caractre fminin de la figure).Nayant aucune autre thorie soumettre lasagacit du lecteur, je me garderai de rejeterdfinitivement une tentative dinterprtation quine me satisfait cependant absolument pas. Lagravure de Luffang est une des plus clbres dece type (fig. 9). Certains ont cru y voir, non unereprsentation de la desse, mais un poulpe(Keller). Pourquoi pas ? On peut cependant sedemander quoi correspondent les deux petitscercles qui font penser des yeux. A tout pren-dre, je verrais plutt l une reprsentation cari-caturale dun visage, dont les principaux l-ments sont bien visibles : le nez norme, lesyeux, les cheveux tombant de chaque ct de latte. La gravure n 10. en forme de peigne, peuttre interprte, soit comme un animal couchsur le dos, sans doute sacrifi aux dieux mgali-thiques (mais pourquoi avoir reprsent septpattes ?), soit comme un bateau charg deguerriers, chaque trait vertical reprsentant unhomme. A vrai dire, aucune explication satisfai-sante na, ce jour, t avance. Les emprein-tes digitales (fig. 11) qui se retrouvent essentiel-lement Gavrinis, peuvent, mon avis, treconsidres comme de simples motifs orne-mentaux. Ces empreintes digitales sont proba-blement drives de la spirale simple, prsente

    notamment New Grange. Il est dailleurs int-ressant de constater la haute antiquit de laspirale, qui se retrouve grave sur certains ob-jets magdalniens en bois de renne, mis au jourdans les grottes de Lourdes et dArudy. Enfin, lagravure jugiforme (fig. 12) reprsenterait unepaire de cornes, et pourrait tre mise en relationavec le culte des divinits cornues qui semble,au travers de la tradition, avoir eu un lien troitavec le mgalithisme (voir KADATH n 12, Les mtamorphoses de saint Cornly ). Cet-te thorie, suggre par Dchelette, me paratplus solidement fonde que lhypothse suivantlaquelle ce type de gravure serait une reprsen-

    tation dune barque ou dun bateau.

    On le voit, ltude et linterprtation des gravuresmgalithiques est chose fort complexe. Les pr-historiens les plus minents sy sont attaqus,mais aucun na encore russi laborer une tho-

    rie densemble satisfaisante. Quot capita tot sen-sus. On ne peut, dans ltat actuel de nos connais-sances, que constater le caractre symbolique deces signes qui, exception faite pour les spirales etles empreintes digitales, ont une signification rel-le. Sommes-nous en prsence dune forme primiti-ve dcriture ? On peut raisonnablement le penser.Dans cette optique, le travail de dchiffrementreste faire. Mais tout, ou presque, ne reste-t-ilpas faire dans le domaine des mgalithes ?

    JACQUES GOSSART

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    ARCHEOLOGIE PARALLELE

    Hors les mgalithes, rien dautre ne caractrisele mgalithisme .

    Denis Roche

    Limmense carneillou.Ainsi disait le chevalier de Frminville lors de savisite en Carnac. Et pour cause ! Les diffrentsalignements se situent dans un triangle form parles villes dEtel et Auray au nord, et Carnac com-me pointe sud. Dj avant notre sicle, diversestudes furent publies, jen prends comme exem-ple un des pionniers, lAnglais James Fergussonqui publia en 1878 son livre Les monuments

    mgalithiques de tous pays - leur ge, leur desti-nation . Les sites de Carnac y sont bien tudiset de nombreux plans et coupes tmoignent delattention de lauteur. Fergusson ne fut pas le seul sattacher aux sites mgalithiques, tant sen faut,mais les conclusions des diffrents auteurs decette poque suscitrent peu dintrt dans lessphres de larchologie et firent saliver de plusbelle les tenants de loccultisme. A partir des res-taurations de Le Rouzic, les choses changrent unpeu, malgr quaujourdhui encore on ne salue sontravail que sur le plan de leffort physique, oublianttrop facilement quil sauvegarda la prsence deces tmoins de lHistoire que sont les dolmens et

    les menhirs. Il faut attendre la deuxime moiti dece sicle pour que les recherches prennent untournant qui ressemble fort une chicane : il y arestauration, prservation, il y a tudes et conclu-sions. Sans doute trop rapides. Ds la publicationdes recherches concernant Stonehenge, une r-action va apparatre et les tudes au sujet de laBretagne mgalithique vont reprendre avec desides nouvelles, et il est remarquer que lastro-nomie va jouer un grand rle dans ces approchesneuves. Ne croyez pas que tout est expliqu, carles instances officielles restent sur des positionsqui, et cest trs relatif, ont fait leurs preuves : cespositions ressemblent plus des bastions qu

    des ttes de pont.

    En ce sens, larchologie prtend que le mgalithis-me est cultuel pour les menhirs, et funraire pour lesdolmens. Ce qui est dfendable quand on prend descas particuliers, ce qui est draisonnable dans sonensemble. Actuellement larchologie se borne lacontingence : cela a pu arriver ou non. Les champsde menhirs de Carnac sont alors exclus ou tombentdans le cultuel. Nous sommes en plein binaire, oui -non. Malgr tout, les archologues suspectaientquelques complications et tombrent rapidementdaccord, savoir que les constructions mgalithi-ques taient souvent axes sur des donnes astro-nomiques simples, entre autres lever et coucher aux

    solstices et quinoxes, ou les observations permet-tant de dterminer, par exemple, le temps des se-mailles, etc., etc. Les occultistes dacquiescer et desaluer le soleil levant. Notez bien que je ne veux pasici mlanger les scientifiques et la sainte-hilarit,mais tout simplement reprendre une hypothse debase qui fut formule, il y a dix-sept ans dj, parPauwels et Bergier : Contrairement ce quenpeut penser, la technique, dans bien des cas, ne suit`pas la science, elle la prcde. La technique fait. Lascience dmontre quil est impossible de faire. Puisles barrires dimpossibilits craquent. Nous ne pr-tendons pas, bien entendu, que la science est vaine.On verra quel prix nous attachons la science et de

    quels yeux merveills nous la voyons changer devisage... (Le Matin des Magiciens). Choc de civili-sations : la ntre et celle des mgalithiques.

    Il fallait donc voir les techniques de plus prs.Mais quelles techniques ? Certains se lancrentdans les possibilits de transport des monolithes :les rsultats sont maigres, la seule chose valableest la constatation de faits irrfutables, KADATHen a proposs maintes fois. Pour le reste, la mani-pulation de rocs de plusieurs tonnes demeure unproblme complet, ourl uniquement par des lu-cubrations, synonymes de carrure pour les uns etdextraterrestres pour les autres.

    En ce qui concerne lastronomie, la tournure est

    LEMPREINTE PYTHAGORICIENNE

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    avez le triangle DEF, F tant un des points for-mant un autre ensemble de triangles traant lazone charnire. Il va sans dire que DEF est py-thagoricien ! Et que le premier rang de menhirs

    nest plus parallle au dernier. Je ne vousconterai pas les ttonnements pour arriver dfinir les deux triangles marquant cette fameu-se zone charnire. Sachez seulement que FGHest pythagoricien et, surprise, que HIG ne lestplus. Cest que FG, qui est la perpendiculaireissue de F, sommet du triangle DEF, mesure 87m 6845 (ou 105,7332 YM ou 42,2932 toises), cequi revient dire que FG = DE 6 m 7451, lesdonnes utilises en DE ! (Car DE = AB lemme chiffre).

    La mme mthode fut employe pour le triangleFGH, en ce sens que FH = la moiti de FG, nous

    sommes toujours dans les normes pythagoricien-nes. Ce qui est particulirement trange, cest lechangement dtalon, car pour la deuxime partiede lalignement du Mnec, nous ne devrons passoustraire la valeur de base de 6 m 7451, maisbien la moiti, soit 3 m 3726. Voyons cela. FH estla moiti de FG ou 43 m 6845 : triangle toujourspythagoricien. Le triangle HIG ne lest pas du tout,car HI est une perpendiculaire issue de I vers H etnon le contraire. Comme auparavant, HI est FG6 m 7450. Etc., etc. Malgr tout, nous remarquonsque le point H conserve sa position puisquil estlangle droit qui dessine le prochain triangle HIJ. Etnous recommenons : perpendiculaire JK soitHI3 m 3726 (4,0667 YM ou 1,6267 toises), com-me je lai dit il sagit dune demi-diffrence . Onne peut que constater que les triangles JKL etLMN sont construits sur le mme principe. Si noussuivons le rang VIII de centre centre nouscomptons 1026 m ou 495 toises.

    Rsumons-nous. La premire partie de laligne-ment est construite sur une srie de triangles py-thagoriciens, la largeur de lalignement se calculesur les perpendiculaires issues des sommets destriangles. Ces perpendiculaires se raccourcissenten fonction de la soustraction de 3,2534 toises ou6 m 7450, cela jusqu la zone charnire ; en-suite les triangles conservent leur norme pythago-

    ricienne, mais la diminution seffectue sur base de1,6267 toises soit 3 m 3726, la moiti du modlede base. Si nous voulons tablir les grandes li-gnes de la mthode de construction du plan,plus prcisment de lalignement du Mnec, ilfaut partir du premier triangle ABD, le ct ADtant prolong jusquen H, jusqu la charnire. Unreport sur carte tablit que le premier rang demenhirs est orient sur 72 Est (ligne AH) ; si cel-le-ci est tire par-del la charnire, on saperoitquelle coupe !e IXe rang, sur la dernire perpen-diculaire NO. Concidence ultime ? Le premierrang, lorsquil change de cap, partir du point H,vise lazimut de 66 Est, cest--dire que HN s-

    carte de 6 de la prolongation de AH. Nous nom-

    merons AH laxe majeur, et HN laxe mineur,contribuant la construction de lalignement. Lesdeux normes paralllogrammes ABGF et HIONpeuvent donc sexpliquer ainsi mais nlucident

    pas le positionnement des deux oves, les cro-mlechs W et E. Jetons-y un coup dil.

    Des cromlechs en forme dove.

    Ds la parution de son livre Megalithic Sites inBritain , Alexander Thom ne prtendait pasque le triangle dit pythagoricien tait la panaceuniverselle du monde des pierres leves. Jaimerappeler ce paragraphe : Mais lhomme dumgalithique utilisait beaucoup de proches ap-plications du triangle pythagoricien. Par exem-ple, il employait le triangle 8-9-12, mais 82 + 92

    est 145 et 12 est 144. Lerreur dans lhypotnu-se est seulement de 1 pour 300, laquelle taitsans doute accepte, parce que le triangle telquil lutilisa, donnait, ainsi que nous le verrons,un primtre appropri au cercle sur lequel il sebasait. Quand il usait dune valeur de prcisionmdiocre, ce ntait pas parce quil pensaitquelle tait parfaite, mais bien parce quil yavait dautres conditions remplir. Jajouteraique ces conditions pouvaient tre dordre astro-nomique, entre autres !

    Thom catalogua trois grandes familles doves surbase de recherches approfondies sur plusieursdizaines de sites mgalithiques (voir dessins).1. Les cercles aplatis. La mthode A consiste tracer un cercle interrompu aux points C et G. Lediamtre sarticule sur un double triangle quilat-ral, trois autres arcs de cercle soulignent love. Lamthode B utilise un arc de cercle arrt au dia-mtre, la perpendiculaire ce diamtre facilite leprocessus, car lintersection au primtre dfinit lepoint A, duquel schappent deux droites qui sec-tionnent le diamtre en trois segments gaux qui,par la suite, engendrent trois arcs de cercle per-mettant de fermer love.2. Les oves proprement dites. Deux types do-ves soit le type I soit le Il : un chantillonnagede dix sites permit Thom de dgager cette

    nomenclature, chaque type atteint, peu dechoses prs, les normes pythagoriciennes lesplus pures. Dans le type I, un arc de cercle estdlimit par son diamtre qui sert dassise lacombinaison de deux triangles 3, 4 et 5 spou-sant par le grand ct ; lalliance des anglesopposs langle droit permet de dessiner lacourbe de love. Le type Il est plus particulierpuisquil sasseoit, non plus sur le diamtre ducercle, mais sur une fonction plus complexe.Cette fois les deux triangles sont accols parlhypotnuse : les axes des cts caractrisentdes lments sous forme de droites et darcs decercle.

    3. Les ellipses. Cette mthode est extrmement

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  • 7/28/2019 Carnac Kadath

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    simple, puisque Thom envisage la possibilit deles dessiner en utilisant des cordes. F1 et F2sont les points focaux disposs sur un diamtre,et permettent, par le jeu de cordes, dentraner

    la projection de la courbe.Cercles aplatis A et B, oves I et II, ellipses...vous jugerez par vous-mmes. De mme, jenprofite pour moucher le nez ceux qui prtendi-rent quAlexander Thom ne faisait que du touris-me en Bretagne, les rsultats en sont probants.A ces dtracteurs, je laisse les crperies et lesboles de cidre ! Lattitude de larchologie offi-cielle surtout celle des commissaires-priseurs est comparable au dialogue des hros dulivre de R. Hawkey et R. Bingham La cartesauvage : On peut esprer attnuer certains symptmes,mais je dois te prvenir que si nous y parvenons,

    cela ne fera quacclrer les progrs de la maladie.

    Parfait ! scria McElroy en riant. Dans cecas je prends le risque. Quand commenons-nous le traitement ?

    Retour par Kermario et Kerlescan.Kermario : 200 mtres du Mnec, 1029 men-hirs sur dix files. Ici encore, Thom a relev desespces de diverticules, composs de une oudeux ranges, cela du ct ouest de laligne-ment. La largeur moyenne est aussi de 100 m,sur 1120 de long. Kerlescan : toujours sur lamme ligne moyenne, lalignement est loigndenviron 500 mtres de celui de Kermario. Leschoses sont nanmoins plus compliques, carne subsistent que 594 menhirs, 555 rigs sur13 files, et 39 formant une espce dhmicycle.La longueur est de 880 mtres, sur 139 de lar-ge.

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    Cercle aplati, type B.Diviser le diamtre MN et trois parties gales enC et E ; C et E sont les centres pour les petitsarcs tel MF ; larc aplati est tir a partir d A.

    Cercle aplati, type A.Tracer un arc circulaire de 240 CMANG ; langleCOA est construit par deux triangles quilatrauxaccols, ainsi nous avons les 120 requis ; bis-secter OC en E ; E est le centre de larc CD ; larcaplat