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Rien de tel qu’un passage à la mou-linette du design contemporain pourrafraîchir sa réputation. Après le liègeet le Formica, le rotin tressé, qui jusqu’àprésent évoquait surtout les chaises denos grand-mères, profite, à son tour,de l’intérêt des créateurs et des éditeursen quête de supplément d’âme. Hermèsl’a élu pour deux nouvelles pièces desa collection de mobilier ; l’architected’intérieur India Mahdavi en fait un paravent, Autour du monde une sus-pension, Blomkal, une jeune marquemade in France, en orne ses miroirs,tout comme Joseph Dirand, qui signela décoration de Loulou, le nouveaurestaurant des Arts décoratifs, à Paris,tandis que le créateur Philippe Modell’interprète en trompe-l’œil sur ses papiers peints colorés.

« Cette vogue s’inscrit dans la pré-servation des savoir-faire traditionnelset leur réinterprétation actuelle »,

Miroir ANDRÉen contreplaqué de bouleau et rot in.Blomkal , 185 € .

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commente la tendanceuse Elizabeth Le-riche. Une démarche à laquelle la maisonHermès est particulièrement sensible.La collection Oria, présentée au dernierSalon international du meuble de Milan,s’inspire des chaises à l’assise en cannagecréées par le célèbre architecte espagnolRafael Moneo pour sa propre demeure,dans les années 1960. Quant au sofaSellier, signé par Noé Duchaufour-

Lawrance, il réserve le raffinement dece tressage à l’ancienne pour la paroid’un accoudoir où vient se loger unetablette d’appoint. « Depuis cinq ou sixans, on observe un véritable engouementpour cet artisanat, qui requiert unegrande habileté d’expérience », souligneLaurent Haond, directeur des collec-tions de mobilier chez Hermès. Il faitd’ailleurs partie de l’histoire de la marque

La table Rio deCHARLOTTEPERRIANDen chêne et rot in, estrééditée par Cassina,pr ix sur demande.

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puisque, au XIXe siècle, des voitures depromenade à cheval, dont la maison as-surait le harnachement et les selles,comportaient de petites parties en can-nage ou des motifs peints qui s’en ins-piraient. « Cette technique a le doubleavantage de la légèreté et de la résistance,conclut-il, ce qui permet aux pièces dedurer. Un vrai luxe aujourd’hui. »

Pour la créatrice libanaise Karen Che-kerdjian, qui a fait entièrement cannersa chaise longue Living Space III parun artisan des environs de Beyrouth,« le cannage, au-delà de ses qualités esthétiques, possède, et c’est sa force,une dimension culturelle. Il tire sonpouvoir d’évocation de son appartenanceà notre mémoire collective ». Cettepièce en édition limitée, exposée l’étédernier à l’Institut du monde arabe, estdestinée à de multiples usages : s’asseoir,poser et ranger des objets, séparer oustructurer l’espace… Egalement séduitepar le potentiel de ce savoir-faire, à lafois matière et motif, la designeuse IndiaMahdavi l’utilise, depuis plusieurs années,pour la décoration de maisons princi-palement en bord de mer. Elle a intégrédans ses collections de mobilier des armoires et des modules de rangementet, plus récemment, un paravent dontle cannage a été agrandi, formant delarges alvéoles, et réalisé en placage debois. « Ce motif, qui apporte beaucoupde chaleur, nous transporte tout de suiteailleurs », affirme-t-elle.

Comme le rappelle la canneuse Claire Moret,le cannage traditionnel,réalisé à la main, utilise en général six lanières de canne de rotin tresséessur un châssis en bois :deux horizontales, deux verticales et deuxdiagonales. Il prend de dixà quinze heures pour laseule assise d’une chaise.Le prix de ce travail estdonc bien plus élevé que celui du collage d’un cannage mécanique,fabriqué par une machine,vendu en rouleau et moinsrésistant à l’usage.www.traditioncannage06.fr

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Chez CARAVANE ,un divan revisi té.

De g. à dr. : les chaisesTHONET,KNOLLet HERMÈS .

Restaurant LOULOU ,au sein du musée des Arts Décorat i fs .

Et pour cause : cet artisanat, dontles origines remontent à plusieurs siècles, puisqu’on note déjà sa présencesur certains meubles sous Louis XIIIet Louis XIV, se révèle très présent enAsie du Sud-Est, en Inde et en Afriquedu Nord. Il a probablement été créépar les Anglais, qui rapportèrent auXVIIe siècle les premières cannes derotin des comptoirs coloniaux. Les âgesd’or des meubles cannés furent ensuitela Régence, le règne de Louis XV et lesecond Empire. Amateur de chaises deces deux dernières périodes, ChristianDior en possédait dans sa boutique del’avenue Montaigne et y asseyait ses in-vités lors des défilés. Un héritage qui asans doute contribué à relancer la ten-dance, puisque, en 1995, le sac LadyDior, offert par Bernadette Chirac àLady Di, lors de sa venue à Paris, reprendle motif mythique. Avant que celui-cin’essaime dans la ligne de maquillagedu couturier, puis dans celle de joaillerie,

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CARNET D’ADRESSES PAGE 101

Chaise longue Liv ingSpace I I I , en bois de Mahogany et rot in,KARENCHEKERDJIAN .

La designeuse INDIA MAHDAVIa créé ce paravent en 2015.

comme en témoigne la collection MyDior, toute en cannage d’or, lancée en2012 et toujours d’actualité.

Référence vintage à nouveau sous lesfeux de la rampe, la chaise Thonet N° 18,une des stars en bois courbé de la BelleEpoque, est aujourd’hui rééditée et pro-posée en plusieurs coloris. « La toutepremière, lancée en 1854, était la N° 14,raconte Valérie Lécuyer, responsabledes ventes de la marque pour la France.Michael Thonet, alors invité à la couraustro-hongroise, s’était vu confier lamission de créer un modèle léger etsolide pour les cafés et les restaurantsde Vienne. » Le succès de ce pilier debistrot ne s’est jamais démenti et, au-jourd’hui, les particuliers comme lesrestaurateurs privilégient encore le lookoriginel avec cannage, alors que l’assisecapitonnée est reconnue plus confor-table. « Notre cannage est réalisé avecdu rotin d’Indonésie, obtenu grâce àune plante nommée rotang, poursuitValérie Lécuyer. Nous la sélectionnonsavec la plus grande attention, car de saqualité dépend la solidité de l’assise. »Dans un autre esprit, la Cesca Chair de

Knoll, à la fameuse structure en tubesd’acier, fait, elle aussi, partie des best-sellers de la maison et n’a jamais cesséd’être produite depuis sa création parMarcel Breuer, en 1928. Côté nouveautés,Ikea propose un rocking-chair aux lignesépurées, baptisé Grönadal, et l’enseignede décoration Caravane revisite sondivan Princesse avec l’aide de la maisonDrucker pour intégrer un pourtour derotin tressé. « J’ai eu ce déclic en regar-dant une chaise à une terrasse de café »,raconte Véronique Piédeleu, directricede la marque, passionnée de vannerieet d’artisanat végétal.

Cette dimension « développementdurable » est incontestablement l’atoutde cette technique. « La demande enfibres végétales est très forte ces der-nières années », confirme LaurenceVauclair, directrice de la galerie dumême nom, spécialisée dans les meublesen rotin ancien. « Pour pouvoir conti-nuer à exploiter le rotin, les pays d’Asiedu Sud-Est, où il est généralement pro-duit, doivent protéger les forêts oùpoussent les palmiers lianes », préciseClaire Moret. Ancienne infirmière re-convertie en canneuse dans la régionde Nice, cet auteur d’un site très docu-menté sur son métier (voir l’encadré)reçoit majoritairement des demandespour la réfection du cannage de meublesanciens. Mais elle a aussi été contactéerécemment par une célèbre enseigneparisienne pour apporter son savoir-faire, en voie de disparition, à une sériede nouvelles pièces pour l’instant austade de prototypes.

« Face à la mondialisation et à l’in-dustrialisation, faire appel à des artisa-nats manuels permet de retrouver dusens et de laisser une empreinte humaineaux objets, qui prennent ainsi touteleur valeur », conclut Elizabeth Leriche.Une belle leçon d’avenir.! LOUISE PROTHERY

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