Calame de Hipocrates a Galeno Article Reg 0035-2039 1984 Num 97 460 1378

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Claude Calame D'Hippocrate à Galien: trois recettes médicales sur Papyrus (P. Aberd. 10) In: Revue des Études Grecques, tome 97, fascicule 460-461, Janvier-juin 1984. pp. 206-213. Citer ce document / Cite this document : Calame Claude. D'Hippocrate à Galien: trois recettes médicales sur Papyrus (P. Aberd. 10). In: Revue des Études Grecques, tome 97, fascicule 460-461, Janvier-juin 1984. pp. 206-213. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reg_0035-2039_1984_num_97_460_1378

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  • Claude Calame

    D'Hippocrate Galien: trois recettes mdicales sur Papyrus (P.Aberd. 10)In: Revue des tudes Grecques, tome 97, fascicule 460-461, Janvier-juin 1984. pp. 206-213.

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    Calame Claude. D'Hippocrate Galien: trois recettes mdicales sur Papyrus (P. Aberd. 10). In: Revue des tudes Grecques,tome 97, fascicule 460-461, Janvier-juin 1984. pp. 206-213.

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reg_0035-2039_1984_num_97_460_1378

  • D'HIPPOCRATE A GALIEN :

    TROIS RECETTES MDICALES

    SUR PAPYRUS (P. ABERD. 10)

    Dans le domaine de la papyrologie mdicale, rares sont les documents dont le contenu ne se rattache pas la longue tradition de la mdecine hippocratique. Mme poui les papyrus les plus fragmentaires, il est possible de suivre le parcours de cette tradition et de replacer ainsi des donnes souvent trs lacunaires dans un contexte mdical prcis. C'est le cas par exemple des nombreux papyrus contenant des recettes mdicales et notamment celui du P. Aberd. 10 (2350 pack) qui donne des indications sur la composition de diffrents empltres. Son texte s'inscrit dans une tradition qui va du trait hippocratique Des plaies au trait de Galien De la composition des mdicaments par genres ; cette place intermdiaire requiert une approche qui fait recours autant l'analyse en diachronie qu' celle en synchronie. dit en 1907 par . . Winstedt de manire trs insatisfaisante, ce papyrus du ier s. ap. J.-C. a t repris trente ans plus tard par l'excellent papyrologue que fut E. G. Turner dans l'dition de la collection des papyrus de l'Universit d' Aberdeen (1). Voici la transcription que l'on peut en donner aprs une relecture du document photographique que contient le catalogue des papyrus d'Aberdeen :

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    (1) . . Winstedt, Some Greek and Latin Papyri in Aberdeen Museum , CQ 1, 1907, pp. 257-267 (p. 265) ; E. G. Turner, Catalogue of Greek and Latin Papyri and Ostraca in the Possession of the University of Aberdeen, Aberdeen 1939, p. 12 s.

  • 207 D HIPPOCRATE A GALIEN

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    20

    1 [] [ dub. Turner 2 expl. Turner vel .[ : Turner explicavi 6 suppl. Turner 7 dub. Turner, ] vel ] supplere possis 9 ] fort. post vacat spatium sine litterarum vestigiis 11 suppl. Turner [ fort. 13 supplevi sed ] etiam legi potest 14 S Turner [ Turner 15 suppl. Turner 17 ][ leg. Turner 18 ][ Turner

    A part quelques notes de dtail, les commentateurs de ces lignes tronques se sont borns relever la ressemblance de leur contenu avec certaines recettes mentionnes dans le trait dj cit de Galien (2). Or un examen plus dtaill d'une part des qualits attribues aux diffrentes substances cites dans le papyrus et d'autre part de l'agencement et de la combinaison de ces composants dans le document permet d'aller beaucoup plus loin.

    Le paradigme. Commenons, notamment avec l'aide de Dioscoride et du cinquime livre

    de son trait de pharmacologie, par l'analyse de chacun des lments mentionns dans le papyrus ; la comparaison avec les renseignements donns leur propos par Hippocrate permet d'ajouter cette analyse d'ordre paradigmatique quelques rflexions relevant de l'histoire. D'une manire ou d'une autre, par les proprits mdicales qui leur sont attribues par les auteurs cits, tous les ingrdients mentionns dans le papyrus conviennent la confection d'un empltre. En voici, dans l'ordre de leur apparition, les vertus essentielles.

    (2) Cf. E. T. Withington ap. Turner, op. cit., n. 1, p. 12 s. ; cf. aussi la note de V. Gazza, Prescrizioni mediche nei papyri dell'Egitto greco-romano , Aegyptus 35, 1955, pp. 86-110 (p. 91) qui, sans doute par erreur, date ce papyrus du ier s. av. J.-C.

  • 208 CLAUDE CALAME

    D'abord l'argile ocreuse (), probablement de Sinope, dont Dioscoride, 5, 111, dit qu'elle a un pouvoir cicatrisant et qu'on la mlange souvent prcisment aux empltres appliqus sur des blessures. Pline, NH 28, 241 et 35, 35, confirme ces qualits en prcisant qu'on l'applique sur des plaies (ulcra) (3). Galien quant lui, XIII, p. 785 s. Khn, cite un empltre, dit empltre de Halieus , qui est compos notamment de terre de Sinope ; cet empltre, dont la recette a t transmise par Hras, passait pour tre particulirement adapt aux plaies anciennes et qui ont de la peine se cicatriser (4). Ce type d'argile est enfin cit par Hippocrate, Ulc. 22 (VI, p. 426 Littr), pour des applications sur des brlures.

    Suit l'caill de cuivre (), mentionne probablement la 1. 6 et certainement la 1. 11 (5). Avec son pouvoir astringent, elle a la capacit de dsinfecter et de cicatriser les plaies (Diosc. 5, 89) et Pline, NH 34, 155, ajoute qu'elle entre dans la composition de l'empltre humide. L'caill de cuivre tait dj connue de l'auteur du trait Des plaies qui la cite parmi les substances que l'on applique sur une blessure pour l'empcher de suppurer : Hpc. Ulc. 13 (VI, 416), cf. aussi Ulc. 16 (VI, 418). D'autre part le rdacteur du trait hippocra- tique Des maladies des femmes la mentionne en disant qu'elle entre dans la composition d'applications conseilles pour la gurison d'ulcres de la matrice : Hpc. Mul. 1, 63 (VIII, 130). Quant Galien, XII, 223, il affirme que l'caill de cuivre est mieux mme de purifier la chair vif que l'caill de fer.

    Il fait peu de doute que la mentionne ensuite dans le papyrus doit tre identifie avec l'alun fissile ( : alun scaole ou alun de plume) (6). Dioscoride consacre un long dveloppement l'usage mdical de cet alun. Avec les qualits astringentes que lui prtaient les Anciens, l'alun tait utilis notamment contre les hmorragies et pour les soins des plaies infectes : cf. Diosc. 5, 122 ainsi que Cels. 5, 2, 2 et 5, 20, 3. C'est pourquoi Galien le cite dans la composition de toute une srie de recettes d'empltres (XIII, 526, 527, 536, 539, 540, 544, etc.). On notera de plus qu'en XIII, 529, Galien emploie, comme le papyrus, la forme abrge pour . En remontant enfin la tradition, on peut constater que l'alun en gnral est largement connu de l'auteur du trait Des plaies qui le conseille pour toute une srie de mdications destines soigner les blessures : voir Hpc. Ulc. 1 1 ss. (VI, 410 ss). Quant l'alun fendu ou fissile lui-mme, il est cit par l'auteur du trait Des maladies des femmes pour la fabrication d'un pessaire : Hpc. Mul. 1, 75 (VIII, 166) (7).

    (3) Sur ce minral, cf. D. Goltz, Studien zur Geschichte der Mineralnamen in Pharmazie, Chemie und Medizin von den Anfngen bis Paracelsus {Sudhoffs Archiv Beiheft 14), Wiesbaden 1972, p. 150 s.

    (4) Sur Hras, mdecin empirique, auteur au dbut du ier s. ap. J.-C. d'un trait de pharmacologie, cf. H. Gossen, RE VIII, 1 (1912), s.v. Heras (4) ; sur Halieus, cf. H. Gossen, RE VII, 2 (1912), s.v. Halieus (2).

    (5) Cf. Goltz, op. cit., n. 3, p. 135. (6) Cf. Goltz, op. cit., n. 3, p. 161. (7) On remarquera que l'alun est encore employ aujourd'hui comme

    astringent et comme antiseptique pour soigner les plaies : cf. R. Hazard, Prcis de thrapeutique et de pharmacologie, Paris 1953, p. 381.

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    La ligne 10 du papyrus porte la mention de l'asphalte. Son origine videmment orientale est bien connue de Dioscoride, 5, 99, qui, tout en citant sa valeur de substitut de l'huile pour les lampes, ne lui attribue cependant aucune vertu mdicale spcifique. En revanche Galien, XII, 375, affirme que l'asphalte de la Mer Morte est utilis comme agglutinant pour les blessures qui saignent et pour tout ce qui doit scher. D'autre part, le mme Galien, XIII, 555 ss., montre que l'asphalte entre dans la composition d'une srie de recettes d'empltres dites barbares (8). Enfin l'auteur du trait Des plaies n'en ignore pas l'usage puisqu'il prescrit contre les plaies dues des brlures une prparation d'asphalte, de rsine et de graisse de porc : Hpc. Ulc. 22 (VI, 428).

    A la ligne 12 apparat l'adjectif de myrte (). Avec leur pouvoir astringent, le fruit autant que les feuilles du myrte connaissaient dans l'Antiquit un large usage mdical et selon Dioscoride, 1, 155, le suc de cette plante aussi bien que ses feuilles, broyes, sont notamment employs pour soigner certaines plaies (voir aussi Plin. NH 23, 44). De manire plus prcise, Dioscoride ajoute que l'huile tire des feuilles du myrte, de mme qu'une dcoction faite partir de son fruit, est utilise pour la confection des empltres dits gras. Cet emploi de l'huile de myrte dans la composition des empltres est confirm par Galien, XIII, 525 (avec de la limaille d'airain ; cf. aussi Cels. 5, 19, 26), 674 (adjonction d'huile de myrte quand l'empltre est trop sec) et 687 ( cause de ses proprits astringentes pour donner l'empltre une certaine mallabilit). En ce qui concerne la tradition hippocratique, si l'huile de myrte proprement dite n'est mentionne que par l'auteur du trait Des maladies des femmes (Mul. 2, 206 ; VIII, 400), celui du Des plaies connat l'utilisation d'une dcoction olagineuse de racines de myrte [Ulc. 20 ; VI, 425).

    On trouve ensuite dans le papyrus la mention de la cadmie ou calamine (oxyde de zinc) (9). D'aprs Dioscoride, 5, 85, on emploie les diffrentes sortes de cette poudre, rcupre dans la chemine des fourneaux o l'on fond le bronze, pour la confection des empltres et celle des mdicaments cicatrisants. Cette fonction cicatrisante de la cadmie est confirme par Galien, XII, 220, qui ajoute qu'elle est propre combler les plaies purulentes (cf. aussi Gai. XIII, 660). Elle entre donc dans la composition de trs nombreux empltres : voir notamment Gai. XIII, 524 s. et 682 (10).

    A la ligne 15 apparat l'adjectif de pin ou plus exactement d'pica (). La matire dsigne ici par cet adjectif est certainement la rsine, objet dans l'Antiquit d'une trs large utilisation mdicale, en particulier pour la confection des empltres comme l'affirme Dioscoride, 1, 91 s. Galien, XIII, 589 ss., confirme cet emploi des diffrentes sortes de rsine dans la fabrication des empltres (cf. aussi XII, 113 s.). On retrouve naturellement la rsine dans la composition de nombreux mdicaments emollients et cicatrisants cits dans le Des plaies : Hpc. Ulc. 21 (VI, 424 s.).

    (8) Voir aussi Gai. XIII, 536 ; on verra encore l'utilisation dermatologique de l'asphalte recommande dans le papyrus de la PSI publie par A. Gerhard dans Frammento medico sulle proprit terapeutiche dell'asfalto , SFIC 12, 1935, pp. 93-94.

    (9) Cf. Goltz, op. cit., n. 3, p. 130 ss. (10) Sur l'utilisation actuelle de l'oxyde de zinc en dermatologie, cf. Hazard,

    op. cil., n. 7, p. 370.

    REG, XCVII, 1984/1, n 460-461. 14

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    Enfin la mention la ligne 17 de la cire n'a rien d'tonnant dans le contexte de la composition d'empltres. Sa valeur est vante par Galien., XII, 25, et on la trouve dans des recettes d'empltres emollients et cicatrisants cites aussi bien par cet auteur (cf. notamment XIII, 529 ss.) que par Hippocrate {Ulc. 21 ; VI, 426).

    Quelques dtails d' interpretation. L. 1 : Turner a voulu restituer dans cette ligne, de mme qu' la 1. 7, une

    forme du verbe . Ce verbe, dont l'usage est attest notamment chez Hippocrate, Epid. 2, 1 (V, 82) et 6, 1, 6 (V, 268), avec le sens probable de' ' tre hydropique ', aurait ici le sens reconstruit de ' humecter ' ou ' diluer '. Il faut cependant reconnatre qu'il existe d'autres possibilits de restitution partir des lettres lisibles. Les drivations tardives en - sont nombreuses et sur le modle de / (Hpc. Epid. 4, 7 ; V, 148), on peut s'imaginer l'existence de doublets tels que /, ' enduire ', ou / ' amollir '.

    L. 5 : il faut lire ] ; cet adjectif est employ par Dioscoride, 5, 95, prcisment dans le cadre de l'expos des qualits respectives des diffrents mtaux utiliss pour les soins mdicaux. Le substantif perdu dont cet adjectif est le qualificatif est certainement , ' les blessures ', comme chez Apollonius, Mir. 42. Dans le dveloppement qu'il consacre aux plaies et aux empltres qu'il convient de leur appliquer, Galien, XIII, 665, parle de et, propos de l'empltre de Halieus dj cit (XIII, 785 s.), il dit qu'il convient en particulier aux plaies . Il est donc possible de suivre cette dernire formulation et de restituer la 1. 9 les mots suivants : ] [.

    L. 6 : le signe d'abrviation correspond la mesure de l'once, une mesure largement utilise dans les recettes d'empltres donnes par Galien. Cette abrviation et son explicitation figurent dans la liste des mesures donne par le mme auteur dans son trait sur les units de mesure : XIX, 750.

    L. 13 : si cette ligne correspond bien au commencement de l'expos d'une nouvelle recette (cf. infra), il faut probablement lire ici les mots ] [ selon la formule que l'on retrouve plusieurs reprises chez Galien dans son dveloppement sur les empltres (cf. notamment XIII, 524 : et , et XIII, 682: ). Ces formules correspondent au nom de l'empltre dcrit dans les lignes qui suivent ; elles sont en effet rgulirement suivies de la liste des ingrdients constitutifs de l'empltre ainsi dsign (11).

    L. 14 : sur la mesure de la livre, qui correspond douze onces, et sur son abrviation graphique, on verra Gai. XIX, 750 et 752.

    L. 16 : la terminaison -] correspond certainement l'un des nombreux drivs adjectivaux en - qui, emprunts au latin, sont frquents dans la

    (11) Pour des parallles ces formules, cf. C. Praux, Les prescriptions mdicales des ostraca de la Bibliothque Bodlenne , CE 31, 1956, pp. 135-148 (p. 138 n. 3).

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    langue des papyrus (12). En ce qui concerne le domaine mdical, on notera qu'Oribase, fr. 102 BD, connat une pommade pour les yeux qui porte le nom de .

    Le syntagme.

    Toute la thorie dveloppe par Galien au dbut du quatrime livre de son trait De la composition des mdicaments par genres (XIII, 652 ss.) se fonde sur la fameuse opposition entre le sec et l'humide qui remonte, au-del de l'cole hippocratique et du trait De la nature de Vhomme, la physique d'Empdocle. Dans ce cadre, Galien est amen citer tous les composants qui ont des qualits dessiccatives et qui sont susceptibles de faire scher les plaies purulentes ; parmi elles, la cadmie (XIII, 659) et l'caill de cuivre (XIII, 663). Dans ce contexte, l'utilisation de l'eau aussi bien que l'emploi de l'huile doivent tre absolument carts ; on ne doit ni les appliquer directement, ni les mlanger avec les substances sches mentionnes > prcise Galien, XIII, 671 s. Ces recommandations ne sont pas nouvelles puisqu'elles remontent en fait au trait hippocratique Des plaies. L'auteur de ce trait inscrit ds les premires lignes ses rflexions sur les blessures dans la problmatique du sec et de l'humide ; dans ce cadre, il enjoint, lui aussi, de ne point humecter les plaies, si ce n'est avec du vin : Hpc. Ulc. 1 (VI, 400).

    En revanche, dans le chapitre prcdant ce dveloppement sur le contraste entre le sec et l'humide, Galien montre que la plaie, avant l'application de l'empltre, doit tre nettoye avec de la charpie sche et qu'aprs l'application, l'empltre doit tre recouvert d'un morceau de toile de lin et qu'il doit tre entour de charpie sur laquelle il convient d'appliquer une ponge imbibe d'eau ou de vin (XIII, 665 s.). Il s'agit l de la seule intervention de l'eau dans l'application d'un empltre cicatrisant. L'auteur du trait hippocratique Des plaies, en affirmant que l'huile doit tre carte des plaies rcentes et que toute plaie doit tre sche avant l'application d'une quelconque mdication, donne des recommandations analogues : Hpc. Ulc. 2 et 4 (VI, 404) (13). Il est donc probable que l'eau mentionne la ligne 2 du papyrus intervienne dans une explication concernant cette phase de la mdication.

    Mais l'examen de la construction narrative du trait De la composition des mdicaments par genres de Galien permet d'aller plus loin que cette remarque ponctuelle. En effet la forme des trs nombreuses recettes d'empltres donnes par Galien suit un schma presque toujours identique ; son syntagme est compos des lments suivants :

    a. mention du nom du type d'empltre concern selon la formule dj cite : ;

    b. au gnitif, mention des composants de l'empltre, avec en gnral l'indication de la quantit ncessaire ;

    c. indications sur la prparation par l'intermdiaire de verbes l'impratif.

    (12) Cf. O. Montevecchi, La papirologia, Torino 1973, p. 78. (13) A ce propos, cf. E. D. Phillips, Ancient Medicine, London 1973, p. 89.

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    On retrouve tous ces lments formant le syntagme d'une recette d'empltre dans les indications donnes par le papyrus et la comparaison du texte tudi avec la structure qui vient d'tre mentionne permet la dtermination de trois recettes diffrentes : A. 1. 5-8, B. 1. 9-12, C. 1. 13-17 (?). Cette division reoit une sorte de confirmation palographique dans la mesure o elle correspond en grande partie aux paragraphes indiqus dans le papyrus (lignes incompltes : 4, 8, 12 ?, 16 plutt que 17).

    Du point de vue de son contenu, la premire des prescriptions cites par le papyrus trouve peut-tre un parallle dans la recette d'empltre cicatrisant que Galien expose en XIII, 529 et qu'il attribue Andromaque le Jeune, le fils d'Andromaque, le mdecin de Nron (14). On y retrouve en effet l'caill de cuivre et l'alun qui sont tous deux mentionns dans le papyrus.

    La deuxime recette prsente des analogies frappantes avec une recette cite par Galien dans le mme passage et attribue Alcimion, un autre mdecin du Ier s. ap. J.-G. (15) : on y trouve l'asphalte, l'caill de cuivre (avec les mmes mesures : quatre drachmes) et l'essence de myrte. Ces ressemblances la fois structurales et de contenu pourraient induire conjecturer un ventuel [ la fin de la 1. 11 (16).

    Enfin la plupart des lments de la troisime recette la cadmie, l'caill (de cuivre), la rsine, l'essence de myrte et peut-tre la cire figurent dans une recette que Galien attribue aussi Andromaque (XIII, 682; voir aussi XIII, 524 avec des recettes transmises par Asclpiade et utilises par Lucius Gathgts) (17). Chez Galien, l'caill de cuivre est vrai dire remplace par la pyrite (le sulfate) de cuivre (). tant donn qu'en ce qui concerne la rsine, les mesures (trois livres) donnes par le papyrus et par Galien correspondent, sans doute la mesure de l'caill de cuivre doit-elle tre gale une livre comme dans la recette de Galien et non pas quatre livres comme le suppose Turner. Les traces restantes sur le papyrus autorisent d'ailleurs ces deux interprtations.

    Cette comparaison structurale permet donc de restituer au texte du papyrus non seulement son sens, mais aussi le schma de sa composition : une explication probable concernant l'application d'un empltre font suite trois recettes.

    (14) Andromaque le Jeune est l'auteur d'un trait de pharmacologie que Galien utilise dans ses deux traits sur la composition des remdes : cf. M. Wellmann, RE I (1894), s.v. Andromachos (18).

    (15) Cf. M. Wellmann, RE I (1894), s.v. Alkimios ; les traits de ce mdecin sont aussi largement utiliss par Galien.

    (16) II s'agit de la terre vitriolique (sulfate de fer et de cuivre) : Dsc. 5, 116 et Goltz, op. cit., n. 3, p. 156. On lui attribuait le mme pouvoir cicatrisant qu'au sulfate de cuivre. Cf. aussi Gai. XIII, 641 pour son utilisation dans la confection d'un empltre et Hpc. Ulc. 17 (VI, 422) pour son emploi dans une prparation cathrtique ; voir encore Hpc. Mul. 1, 103 (VIII, 224 s.).

    (17) 11 s'agit d'Asclpiade le Jeune, surnomm, de manire significative, le Pharmacien ! L'uvre d'Asclpiade s'inspire en partie de celle d'Andromaque : cf. M. Wellmann, RE II (1896), s.v. Asklepiades (43). Quant Lucius Cathgts, il est en fait le matre d'Asclpiade le Jeune : cf. E. Kind, RE XIII, 2 (1927), s.v. Lucius (7).

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    En outre l'analyse synchronique mene selon les axes du paradigme et du syntagme dbouche sur des rflexions se rfrant l'histoire : dans la mesure o Galien cite les sources des recettes qui prsentent des analogies avec les empltres dcrits dans le papyrus, les rapports structuraux se compltent de liens d'ordre historique. Le contact est en effet vident entre le texte d'un papyrus datant du ier s. ap. J.-G. et des recettes qui, reprises par Galien, sont toutes tires de traits de pharmacologie rdigs exactement la mme poque. Il y a fort parier que le P. Aberd. 10 constitue l'un des fragments d'un trait analogue, par exemple, celui d'Andromaque le Jeune.

    Par ailleurs, si, du point de vue du syntagme, le trait hippocratique Des plaies n'offre pas de parallle exact avec les empltres dcrits dont la composition est dcrite dans le papyrus (18), en revanche les qualits attribues aux ingrdients cits dans le document permettent de suivre la fois la continuit et le dveloppement d'une mdecine empirique dont l'cole hippocratique a t l'un des relais essentiels. En dpit des lacunes du document papyrologique, cette pense pharmacologique est d'autant plus stimulante un moment o les abus de la chimie et les gains financiers honts qu'elle permet nous font redcouvrir les vertus de la mdecine dite traditionnelle ; une mdecine dont les mdecins de Chine populaire par exemple ont su montrer qu'elle est parfaitement compatible et conciliable avec une application modre des connaissances et des concepts de la mdecine occidentale.

    Claude Calame.

    (18) On remarquera en revanche que les recettes de certains traits du Corpus Hippocratique sont souvent articules selon le mme schma : cf. D. Goltz, Studien zur altorienlalischen und yriechischen Heilkunde. Thrapie Arznei- bereitung Rezeptstruktur {Sudhoffs Archiv Beiheft 16), Wiesbaden 1974, pp. 109 et 173 ss.

    (*) Ce papyrus a t l'objet d'une tude l'occasion d'un sminaire de papyrologie donn l'Universit de Lausanne en 1980/81 dans le cadre de la prparation du IVe Colloque International Hippocratique (Lausanne, 21.-26. 9. 81) ; y participaient Mlle Bielmann et MM. Bratos, Charbonnet, Keller, Mottier, Nussbaumer et Varidel.

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