Cahiers du Cinema No. 63

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    CAHIERS

    D U C I N M A

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    JACK PALANCE fait une cration inoubliable dans ATTAQU (A t t a c k), le lilm de

    Robert Aldrich tire d une pice de Norman Brooks Pr ix de ]a Critique Italienne au

    Festival de Venise 1906 (Production T h e A s s o c i a t e s a n d A l d k i c h , distribue parles A r t i s t e s A s s o c i s ).

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    Cahiers du CinmaNOTRE COUVERTURE

    Geo rg es M arch a i e t S i m o n eS i g n o re t d an s LA MORT ENCE JARDIN, l e n o u v eau f i l me n E a s t m a n o o l o r d e L u i s B u -n u e l , s u r u n s cn a r i o d e l u i m m e , R a y m o n d Q u e n e a u e tLuis Alcor iza . Gabr ie l Arout ,d i a l o g u i s t e d u f i l m , v o u s en -t re t i en t , page 13 , des aven -t u r e s d e l q u i p e a u c u r d ela jungle mexicaine . (Copro -d u c t i o n f r an co m ex i ca i n e DIS-MAGE PRODUCC IONES TE

    PEYAC, d i s t r i b u e p a rCINEDIS.)

    N e m a n q u e z p a s d e p r e n d r e ,page 36,

    LE CONSEIL DES DIX

    OCTO BRE 1956. TOM E X I N o 63.

    S O M M A I R E

    Andr Bazin .................

    Josef von S ter n ber g ..

    Gabriel Arout ............

    Jean Domarchi ...........

    Fred Carson ................

    J. Dranger, C. Bitsch,A. Martin, L. Moullet ..............................

    Louis Marcorelles .......

    Eric Rohmer................

    Palmars vnitiens ...................................... 2

    Plus de lumire (I) ....................................... 5

    En travaillant avec Luis Bunuel ................ 1S

    Le fer dans la plaie ..................................... 18

    Becker et Lupin..... ......................................... 29

    Le Petit Journal du Cinma ..................... . 32

    En passant par KarlovyVary ................. . 52

    Les lecteurs des Cahiers et la politiquedes auteurs ................................................. 54

    T.-M. Ramachandran . Flash sur le cinma indien ........................ 59

    Les Films

    Eric Rohmer................ Le Roi des Montagnes (La Charge des .Tuniques bleues) ........................................ ..37

    Jean Domarchi ........... Lang le Constructeur (La Cinquime Vic-time) ................................................... .......... ..40

    Jacques Siclier............ Un film exprimental (Gervaise) ............ ..... 42

    Jean Domarchi ......... . Minnel le Magnifique (Brigadoon) .............44

    Charles Bitsch ............ Quine hourra ! (Ma Sur est du tonnerre) 47

    Jacques Siclier............. Les surprises du cabotinage (C'est arriv Aden) ......... ............................................... ..49

    JeanYves Gote ......... Saluer Melville ? (Bob le Flambeur) ......... ..5J

    Films sortis Paris du 28 aot au 11 septembre 61

    CAHIERS DU CINEMA, revue mensuel le du Cinma e t du Tlc inma,146, ChampsElyses, PARIS (8e) Elyses 0538 R d a c te u rs e n c h e f :

    Andr Bazin , Jacques Donio l valcroze e t Lo Duca,

    D ir e c te u r-g ra n t : L. Keigel.

    Tous droits rservs Copyright by les Editions de lEtoile.

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    PALMARS

    VNITIENS

    Palmars de la XVIIe Mostra Internationale dArt Cinmatographique

    1. Le Jury de la XVIIe Mostra Internationale d'Art Cinmatographique a l"honneur deprsenter son rapport sur les films choisis par la Coimission Artistique et remercie la Directionde l'occasion qui lui a t donne d'exprimer son jugement sur un choix d'uvres cinmatogra-phiques de si haut intrt. .

    2. Au cours des discussions qui se sont succd ces derniers jours, le Jury a t una-nime, dans une atmosphre extrmement cordiale, s'efforcer daboutir une dcision digne dela haute mission esthtique de la Mostra de Venise.

    3. Mme si le Jury se doit de reconnatre que dans deux ou trois cas son attente a tdue, il exprime sa satisfaction pour le niveau estimable des films qui lui ont t prsents etqui ont permis au public d'apprcier une fois de plus les innombrables possibilits de l 'art dufilm.

    4. Tenant rendre tout spcialement hommage la haute valeur spirituelle des films

    ja ponai s, le Ju ry se so uv ient qu 'i l do it l' une des plu s bell es motions de ce tte Mos tra ce rt ain esimages offertes par le grand metteur en scne Mizoguch, dans la dernire uvre de sa vie.

    5. Il formule des vux pour que les promesses contenues dans L'OGRE D'ATHENEStrouvent dans le cinma grec l 'occasion de s'panouir.

    6. Il n'est pas rest insensible au fait que la verve satyrique du CAPITAINE DE KOPENICK soutenue par la performance de l'acteur Heinz Rhmann, ait apport cette Mostra unde ses rares moments de gaiet.

    7. Il a pu apprcier dans la slection i tal ienne la grande beaut photographique dufilm IMPERO DEL SOLE et retrouver l'blouissante matrise d'interprtation de Anna Magncmi.

    9. 11 est heureux que le cinma amricain ai t pu tre reprsent par des personnali tscomme Nicholas Ray et Robert Aldrich, dont les noms se sont affirms dans les rcentes annes l 'avantgarde de la production de Hollywood.

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    9. Il a t galement trs intress par la passionnante originalit du film mexicain.TOREBO, qui par l'intgration de documents d'actualit renouvelle les perspectives du ralismecinmatographique.

    10. Il a eu le plaisir de saluer dans la GARNISON IMMORTELLE la fois la grande

    tradition plastique du cinma sovitique en la personne de l'oprateur Tiss et la dcouverted'un nouveau talent, en celle du ralisateur Agranenko, quoique le film ait surtout retenu sonattention par la simplicit profondment humaine de l'interprtation.

    11. Il exprime ensuite sa grande satisfaction l'gard du choix des deux films franais,qui ont particulirement contribu, par la qualit de la mise en scne et de l 'interprtation, auprestige artistique de la XVIIe Mostra Internationale d'Art Cinmatographique.

    12. Le Jury a t heureux de voir confirnt par CALABUCH et CALLE MAYOR les grandsprogrs du cinma espagnol.

    13. Finalement les deux films qui ont retenu lattention du Jury dans ses ultimes dlib-rations sont LA HARPE DE BIRMANIE et CALLE MAYOR, Il a admir que le ralisateur japa'nais ait su exprimer si remarquablement par la noblesse des images le conflit d'une vocationmtaphysique avec le douloureux appel des sentiments humains. Mais la matrise technique

    allie la sincrit morale de Juan Bardem ne l'ont pas moins impressionn.Cependant mme les exceptionnelles qualits de ces deux films ne lui ont pas paru suffi-

    samment dcisives. En consquence soucieux de ne donner cette anne la rcompense suprmequ' une oeuvre d'inspiration neuve et que les qualits esthtiques imposeraient indiscutable-ment comme un chefd'uvre, le Jury a dcid de ne pas attribuer pour 1956 le Lion d'or de laMostra de Venise,

    14. En revanche le Jury n'a eu que l'embarras du choix pour l 'attribution des CoupesVolp. Il n'a pas t du par les talents dj clbres et consacrs. Nanmoins sa dcisionunanime pour la meilleure interprtation masculine est alle Bourvil pour la fracheur etles contrastes de son rle dans la TRAVERSEE DE PARIS,

    Quant aux actrices tout en tenant rendre un hommage particulier l 'interprtation si sen-sible de Betsy Blair dans CALLE MAYOR, le Jury unanime voulant saluer l'panouissement d'uniriagnifique et vrai talent, attribue la Coupe Volpi pour la meilleure interprtation fminine

    Maria Schell dans GERVAISE.

    La grande presse s'est borne faire tat des deux coupes Volpi et de l'absence de Lion d'Or au Palmars de Venise. On l'excuse un peu de n'avoir tenu compte que du jugement en ngligeant les attendus. Ceuxci en font pourtant juridiquementpartie et les commentaires du jury peuvent bien aprs tout valoir ceux des journa-listes. La longueur de cette dclaration prliminaire lue par Luchno Visconti ne traduit pas d'ailleurs que l'embarras des jurs, elle tait implique par le nouveau rglement du Festival qui prvoyait que chacun des films prsents repartirait avec une mention explicite du jury justifiant sa slection. Il ne faut pas oublier en effet que dans les perspectives de la nouvelle formule le choix de la commission artis-tique constitue dj par luimme un palmars.

    Plutt qu'une suite de phrases aimables les jurs ont prfr proposer au publicun petit rapport organis qui aurait d'abord sur les mentions indpendantes l'avan-tage de marquer avec plus de souplesse les hirarchies et les nuances et qui per-mettrait au surplus en l'occurrence d'expliquer pourquoi et dans quel esprit le Lion d'Or n'tait pas attribu.

    Encore une fois cet expos des motifs ne prcde pas le Palmars, il en faitorganiquement et rglementairement partie. Nous le reproduisons donc intgrale-ment.

    Prcisons que le texte cidessus n'est pas la traduction 'du texte italien lu parVisconti au nom du Jury. C'est au contraire la version italienne qui fut traduite dufranais lequel fait donc office de version originale. Pour des raisons la fois iho

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    riques et pratiques le jury discuta en effet partir d'une premire rdaction en languefranaise. Ce processus explique les lgres diffrences qu'on pourrait relever entreI texte officiel cidessus et celui par exemple qui fut reproduit le lendemain dans le bulletin du Festival dit par les soins du FILM FRANAIS et de CINEMONDE.

    C'est qu'il s'agissait visiblement d'une retraduction en franais du discours italien.Un mot encore. Ren Clment remercia amrement au micro la FIPRESCI pour

    le Prix de la Critique Internationale qui avait permis d'entendre prononcer dans ce Festival le nom de Gervaise. Cette flche de Parthe tait malheureusement justifiepar le fait que les applaudissements ayant clat sur le nom de Maria Schell, Vis conti ne put prononcer ou faire entendre celui du film. Or on voudra bien faire au

    jury ce crdit qu'il n'avait pas par pur hasard pris soin de terminer ce discoursprcisment par un titre de film. Mais il eut d prvoir ce qui s'est produit et tourner sa phrase de telle sorte que le mot Gervaise prcdt celui de l'interprte ! On nesaurait penser tout !

    ' Andr BAZIN.

    Nous rappelons qu'ont t attribus galement :

    Le Prix de la Fdration Internationale de la Presse Cinmatographique Gervaisede Ren Clment et Colle Mayor de Juan Antonio Bardem,

    Le Prix de la Critique Italienne h Attack de Robert Aldrich. Le Prix de lOffice Catholique du cinma CalabucJi de Luis Garcia Berlanga. Le Prix de San Giorgio La Harpe de Birmanie de Kon Ichikawa.

    Nous avons demand quelques confrres leur palmars idal. Voici qui auraient dtre dcerns le Lion dOr et les deux Coupes Volp selon :

    Lindsay ANDERSON : La Harpe de Birmanie et Torero de Carlos Velo, Machiko Kyopour La Rue de la Honte, Luis Procuna pour Torero.

    Jannick ARBOIS : Attack, Betsy Blair pour Calle Mayor, Bourvil.

    R.M. ARLAUD1: Calle Mayor, Maria Schell. Franois Prier pour Gervaise. M. BENEDICK : Gervaise, Maria Schell, Jack Palance pour Attack. Maurice BESSY : Catabuch et La Traverse de Paris de Claude AutantLara, Maria

    Schell, Bourvil. Louis CHAUVET : pas de Lion dOr (un faible pour La Traverse de Paris et Cala-

    tnich), Maria Schell, Bourvil. Jean DOMARCHI : Derrire le Miroir de Nicholas Ray, Maria Schell, Jack Palance. Denis MARION : Calle Mayor, Maria Schell, Bourvil. Jacqueline MICHEL : Gervaise, Betsy Blair, Luis Procuna. G. MOSCOWITZ : Torero et Calabuch. Betsy Blair, Bourvil. France ROCHE : Attack, Betsy Blair, Franois Prier.

    JeanLouis TALLENAY : Torero, Betsy Blair, Bourvil

    Franois TRUFFAUT : Attack, Maria Schell, James Mason pour Derrire le Miroir.

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    PLUSDE

    LUMIRE

    parJosef von Sternberg

    Jose von Sternberg lpoque de Lsinge Bleu.

    Michel-Ange, alors qu 'il exposait l'un de ses amis 2e nombre de corrections etde retouches quil avait fait subir une statue, se vit rtorquer : Ce sont des baga-telles. C'est possible , rpondit Je sculpteur, mais rappelezvous que des bagatelles font la perfection et la perfection n'est pas une bagatelle .

    I Que la lumire soit, et la lumire fut ! Dieu lut le premier lectricien. Avant

    la lumiie tait le nant. La lumire fut le sommet de la cration. Puis, d'aprs la Bible, vint un sommet moins lev la crationde l'homme.

    Il y eut aussi Promthe qui droba une torche au chariot du soleil pour porterla lumire aux hommes, inversant ainsi, selon les Grecs, l'ordre de la cration bibli-que, Pour avoir vol la proprit des dieux, il fut enchan au Mont Caucase et sonfoie devint la proie des vautours (et, de'ce jour, les cameramen sont gens bilieux).

    La lumire est signe de feu, de chaleur, de vie. Sans lumire rien n'existe. Letombeau est le domaine des tnbres.

    NJ3.L.R. Plus de Lumire est extrait dun livre de Josef von Sternberg paratreprochainement.

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    Clive Brook et Evelyn Brent dans Vnderworid (Les Nuits de Chicago), 1927.

    Les derniers mots du grand pote allemand Gthe furent : Mehr Licht . Ilavait profondment pens la vie et en avait parl mieux que la plupart des hommes, mais quand ses yeux s'obscurcirent,, il ne trouva que deux mots pour exprimer toutesa pense : plus de lumire. Sans lumire rien n'existe.

    Lil=camra

    L'histoire de la lumire est l'histoire de la vie, et l'il humain fut la premirecamra. Il est conu comme un objectif, et l'image que nous voyons est renversecomme dans une camra mais redresse par le cerveau. Il fallut l'homme des millions d'annes pour inventer une surface sensible qui capte suffisamment vitel'effet de la lumire et quelques annes encore pour ajouter une image l'autre et

    transformer la persistance rtinienne en phnomne cinmatographique.De chaque objet, un moment privilgi, la lumire peut dvoiler la beaut dans toute sa splendeur. Et ceci nous conduit au domaine de l'artiste. La tche et le devoirde l'artiste ne sont pas tant de piger ce qu'il peut percevoir, mais ce qu'enrichissentson imagination et son adresse, quel que soit le sujet donn. Nous devons apprendre contempler et crer avec l'il et non pas avec la camra.

    La camra n'est qu'un accessoire et sert principalement cadrer, inclure ou exclure. A l'intrieur du cadre l'artiste organise ce qu'il dsire nous montrer audel du cadre, il place ce qu'il considre comme sans intrt pour nous.. Savoir se servir de la camra est important, mais il est plus important de savoir se servirde l'il. Sans lumire, nous ne pouvons ni voir ni photographier. Par consquent savoir ce que signifie la lumire est le premier pas vers la dcouverte de ce que signifie la photographie.

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    George Bancroft ( gauche) et Betty Compson dans The Do dis of New York (Les Damnsde lcan), 1928.

    Mystre et clart

    Toute lumire part d'un point o elle a le plus d'clat et s'gare dans une direc-tion jusqu' perdre toute sa force. Elle peut aller en droite ligne, contourner, s'infl-chir, se rflchir et transpercer; elle peut tre concentre ou disperse, attise ou teinte. O elle n'est plus, ce sont les tnbres, et o elle commmence se trouve sonfoyer. Le trajet des rayons de ce foyer central aux avantpostes des tnbres est la dramatique aventure de la lumire.

    L'ombre est mystre et la lumire clart. L'ombre cache, la lumire rvle (savoirquoi rvler, quoi cacher, et dans quelle mesure, tout le travail de l'artiste tientdans cette formule). Toute lumire apporte son ombre, et quand nous voyons une ombre, nous savons qu'il doit y avoir une lumire. L'ombre d'Alexandre le Grandse porta sur Diogne lorsque le conqurant demanda au. pauvre homme vivant dansun tonneau dJexprimer son plus cher dsir, et la rponse fut : Retire-toi de mon soleil. Cette rponse ne signifie pas que Diogne dsirait du soleil, puisqu'il essayait de parvenir l'enviable tat o l'on ne dsire plus rien, mais qu'il tait irrit parcette ombre qui n'avait pas de sens.

    Le soleil est la plus clatante lumire que nous connaissions. Il ne cesse jamaisde darder ses rayons. Lorsque la terre nous dtourne de lui, nous ne voyons les plantes que parce qu'il brille encore. Cette norme source de lumire ne tient jamaisen place et ses diverses positions s'appellent jour et nui, aurore et crpuscule. Entrela terre et le soleil se trouve l'atmosphre. L'atmosphre est un voile, une trame diffusante ; quand elle est trop tnue, le sole il devient destructif, quand elle est tropdense, il perd sa puissance. Une atmosphre dense amasse et faonne par les

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    Betty Compson et George Bancroft dans The Docks of NewYork.

    vents prend le nom de nuage et, lorsqu'un nuage intercepte le soleil, la terre devient terne. Le but de ce paragraphe n'est pas de rpter ce que tout enfant connat, maisrappeler que l'angle sous lequel arrive la lumire et le milieu qu'elle doit traverserdterminent, en grande partie, l'aspect d'un objet.

    La lumire a donc une source, une direction et un point o ses forces la trahis-sent et toute lumire projette une ombre. Si vous choississez n'importe quel objet et placez une lumire n'importe o, vous tes un photographe ; mais s i vous parvenez plonger l'objet dans le drame toujours changeant des rayons et des ombres, voustes peuttre un bon photographe. La chambre noire, la lentille et l'argent sensible

    ne sont que dtails.Plus vous utilisez de sources de lumires, plus vous devez tre comptent. Deslumires peuvent se complter ou se contrarier l'une l'autre ou remplir l'une et l'autre les mmes fonctions, ce qui est pire, car les rayons ne crent plus alors la beaut, mais la confusion. Quand vous apprenez la photographie, commencez avec une lumire ; si vous domptez cette unique lumire, toutes les autres le sont du mme coup.

    Une place au soleil

    Le cinmatographe commena par se servir d'une seule lumire, la lumire du soleil ; et il suivit le soleil jusqu'en Californie, o il brillait avec le plus d'clat et le plus d'assiduit et o il est maintenant le moins utilis. Cela semble paradoxal,

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    P h i l i p Ho lmes dans A n A m e r ic a n Tragedy, 1831.

    mais n'est pas sans motif. Les premiers studios furent abondamment vitrs pour per-mettre au soleil d'y pntrer. Ceux qui avaient bti ces maisons de verre secroyaient capables comme Josu de commander au soleil de s'arrter. Mais le soleil,indiffrent l'homme et ses problmes, poursuivait sa course, et, petit petit, les vitres furent couvertes de peinture noire et le soleil banni, pour cder la place un soleil cr par les mains de l'homme, qui pouvait se mouvoir ou s'arrter sur commande. Les premires lampes, au mercure, taient faibles et vacillantes, mais leur clat se stabilisa, leur puissance dcupla, jusqu' l'invention de l'arc lectrique qui reut cette fois le surnom de soleil . Sa puissance gale celle de millions

    de bougies allumes, ses effets aveuglants, donnrent l'inventeur la possibilit d'imiter la puissance du soleil, au photographe celle d'imiter ses effets.

    La leon des peintres

    H y a loin de l'imitation l'art, mme si Von imite la nature. Nous le savons tous d'une manire ou d'une autre. Lorsqu'une fleur artificielle orne le chapeau d'unejeune fille, celleci dira : Hein, ri a-t-elle pa s i'air d'tre vraie / , mais offrez cettemme donzelle une branche de cerisier en fleur et elle s'exclamera : Elle est aussibelle que si elle tait peinte .

    Les peintres nous ont appris comment voir et quoi regarder. Comme, il y a quelque temps, je dbattais cette question avec ErichMaria Remarque, il me dit :

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    The Case of Lena Smith, 1929.

    Chaque iois que je trouve un peintre en train de travailler au milieu d'un paysage merveilleux, je sais que c'est un mauvais peintre. Cela prouve que le peintre estjug sur d'autres critres que le choix de son sujet. Czanne aimait peindre despaysages banals, tt le matin, bien avant que les autres peintres aient pris leur petit

    djeuner, parce que la lumire arrivait alors sous un bon angle ; mais il aimait sur-tout peindre des pommes, une pendule, des vtements ou un crne : quelque chose d'immobile qu'il pouvait examiner et placer sous la lumire la plus favorable, lamieux contrlable.

    Les grands peintres, qui ont magnifiquement dit tout ce que la littrature avait nglig, ont fait remarquer avec une insistance loquente que le sujet, bien qu'il puisse rvler l'tat d'esprit du peintre, est secondaire par rapport au traitement.

    Ils ont peint tout ce qu'ils pouvaient voir et tout ce qu'ils pouvaient imaginer, sans se limiter au seul tre humain. Ils ont peint des voiliers, des montagnes, des nuages et des fleurs, mais aussi la carcasse d'un buf, et, quel que soit le sujet trait, nous avons appris dcouvrir la valeur qu'ils lui confraient condition bien sr d'avoir le souci de, pntrer leur univers. L'un nous enseigna voir les arbres, un autre l'intrieur d'une chambre, un troisime de la neige sale sur de vieilles masures, ils nous enseignrent trouver la beaut dans la crucifixion, dans unlavoir, dans une autopsie, dans une orgie et dans un corps laid, et dans un visage apparemment laid.

    Le pouvoir du peintre sur le corps et le visage de l'homme est, sans conteste, terrifiant. N'tant pas, comme nous, oblig de le faire se mouvoir, il peut modeler l'attitude, l'expression jusqu' complte satisfaction et ennoblir son sujet pour l'ter-nit. Lonard donne au sourire de sa Mona Lisa une impntrabilit qui peut durer aussi longtemps que notre vieille Terre. Renoir travaille les chairs jusqu' ce que, selon ses dires, elles soient assez tentantes pour lui donner l'envie d'y mordre. Rubens peint les femmes qu'il dsire treindre, Raphal cre les madones qu'il souhaiteadorer et MichelAnge taille dans la pierre, jette sur la toile les tres auxquels il aimerait ressembler, et tous les peintres peuplent leur univers de leurs proccupa

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    ThimderboU (La Rfle), 1930.

    tions majeures quand bien, mme il s'agirait du flanc d'un vieux mui peint palUlrillo ou d'un clown de Rouault et que cette proccupation majeure n'apparatraitpas instantanment.

    L'artiste loue ou glorifie, invente en toute libert quand il ne trouve rien, pro-

    teste ou dtruit ce qu'il dteste, mais il n'uvre jamais sans mobile.

    Le monde de la lumire

    Un artiste peut tre photographe et le photographe peut tre un artiste. Maisdans ce cas, on le juge comme tel et il doit se soumettre aux canons de l'art. N'tre que photographe n'implique pas forcment que l'on sache comment photographier.

    Ceux qui reproduisent purement et simplement ce qu'ils voient ont aussi leurutilit, et le cadrage, l'angle, le moment qu'ils choisissent pour appuyer sur ledclencheur sont galement rvlateurs ; eux aussi sont qualifis pour tre photo-graphes ; mais pour l'artiste le sujet n'est qu'un dtail : ce qu'il en pense, voil l'important.

    Le monde dans lequel l'artiste se meut est le monde de la lumire, uniquement le monde de la lumire. La lumire a profondment modifi l'imagination de tous les hommes, bien que certains y soient plus sensibles que d'autres. Et la lumire ne modifie pas seulement des hommes, mais des races entires, la qualit des paysages, la vie extrieure et secrte de tout une rgion.

    Mme les villes ont chacune leur lumire. La lumire de Paris et la lumire de Londres sont diffrentes, la lumire californienne n'a aucun rapport avec la lumire islandaise. Le beau ou le mauvais temps modifient aussi la lumire ' : qu'il pleuveou qu'il neige, elle se dcompose, se reflte. La lumire n'agit que lorsqu'elle frappe un objet, mais l'atmosphre n'estelle pas aussi en quelque sorte un solide ? Les pro-prits de la lumire sont bien visibles quand l'atmosphre se condense en brouillard, et, pour un il sensible, elles le sont autant dans l'atmosphre la plus tnue : l'air luimme peut tre incandescent.

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    Mme le plus ignorant des photographes est conscient de la lumire, bien qu'il puisse znal l'utiliser et que le rsultat soit dsastreux! Une fable raconte que, peu avant la naissance de Gutenberg, quelque niais construisit un htel de ville dans une petite bourgade drAllemagne et oublia de le pourvoir de fentres : ldessus, on cra une brigade de porteurs de seaux qui tentrent avec leurs rcipients de jeter de la lumire dans ce sombre btiment ; quand ils constatrent leur chec, ils se munirent de sacs, couprent les rayons du soleil avec des ciseaux, ficelrent les sacs etessayrent ensuite de vider la lumire l'intrieur de l'difice. Ces mthodes sont assez proches d la mthode habituellement utilise en photographie o lumire etespace sont mis en conserve et gchs en pure perte.

    Nous voyons en rapports de lumire et notre travail est reproduit en rapports de lumire ; il nous parle par ces rapports, bien qu'il soit souvent jug en rapports d'om-bre. Mais permettezmoi d'arrter une seconde ce discours sur la lumire et descendez avec moi dans le domaine de l'ombre dans les enfers de notre univers un peu spcial.

    Josef von STERNBERG.

    ( suivie.)

    (Tr adu i t de l ang la i s par C har les B i t sch . Rep rodui t avec l es au tor i sa t ions d e S i g h t a n d S o u n d e t d e J o s e f v o n S t e rn b e rg ) .

    Gary Cooper dans M o ro c c o ( C u r s B r l s ) , 1930.

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    EN

    TRAVAILLANTAVEC

    LUISBUNUEL

    parGabriel Arout

    Le revolver du starter semble avoir rem-plac pour Bunuel le portevoix de nosanctres.

    P O U R b ien des gens de ma gnration, prcisons, pour ceux dveloppement tardif, caril n'est pas tellement notre an mais lui tait un prcoce Bunuel a t un des Dieuxde notre jeunesse. Bunuel..., le Chien Andalou..., L'ge d'Or... On se le montrait aux terrassesde Montparnasse, comme on se montrait aussi Breton, Picasso, Aragon ou celle des * DeuxMagots Giraudoux et SaintExupry.

    Nous tions avides de grands hommes, de chefs de file, de ceux qui s'opposaient, quifaisaient une troue. Le vent d'Amrique n'avait pas encore pouss jusqu' nous le gotde la vedette publicitaire. Nous nous intressions davantage aux visages qu'aux potins.

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    On tait heureux de se trouver une table voisine d'un de ces groupes, dont chaquepersonnage tait quelqu'un, avait clair pour nous la vie d'une lumire personnelle ou indi-qu un chemin qui n'tait pas battu.

    Cn coutait avec curiosit la voix rauque de Bunuel, son rire qui retroussait demi une

    lvre malicieuse sur de grandes dents voraces, on le regardait rouler sur le monde ses grosyeux de camlon.

    Bref nous ne demandions qu' aimer et nous l 'aimions. Celte poque d'entre deux guerrestait l'poque des gnrosits, des curiosits, des espoirs, des tentations. Nous tions spars,comme au couteau, de toutes les gnrations prcdentes, tout ce que nous aimions tait nou-veau, rvolutionnaire, choquait ou dconcertait. Et pour voguer sur cette mer dmonte, nousavions grand besoin de capitaines courageux.

    Tout ceci estil trop long pour dire combien j'tais heureux, mu, de collaborer au filmLa Mort en ce Jardin sous la direction de Luis Bunuel ?

    N OTRE premire rencontre fut dcevante. Abruti p ar un voy age de trente heures, quitait mon premier vol, proccup surtout d'informer ma femme de mon arrive, et peuttredj saisi par cette angoisse de l 'altitude, qui durant quelques jours bouleverse l 'quilibre des

    voyageurs arrivant Mexico, je portais tour tour un regard vague sur les visages amisvenus m'accueillir l'arodrome, Simone Signoret, Michel Piccoli, Mage Pre et Fils, OscarDancigers ; je ne savais o donner de la tte.

    Bunuel me trouva sec et indiffrent. Ceci ne l 'empcha pas de m'accueillir ds le lende-main, avec son collaborateur habituel Luis Alcoriza, de la faon la plus affable et la pluschaleureuse.

    T* ROIS jours aprs nous partions, flanques de Fitzgerald le decoraeur, pour la jungle deCatemaco.

    Il y a dans la virilit des hommes un ct enfantin auquel les femmes, diton, sont trssensibles. J'y suis sensible galement.

    Chez Bunuel, cet antguerrier, cela se manifestait par un got prononc de la panoplie,

    de l 'quipement, du harnachement, des armes blanches comme des armes feu. Il fallait levoir, coiff de son casque colonial, le revolver la ceinture et machette au flanc, lourde-ment bott, sa chemise kaki chancre gnreusement sur une poitrine velue. Tel il partaitchaque jour pour ses reprages.

    Durant le voyage il nous avait littralement terroriss par la description minutieuse,voluptueuse mme, des innombrables prils que nous allions affronter. Prils insidieux. IIne s'agissait pas de se retrouver nez nez avec un tigre ou un rhinocros solitaire ou untroupeau d'lphants, non, l 'entendre, le moindre pas, la moindre gorge recelait un dangermortel, la moindre respiration risquait d'tre la dernire.

    Il se dlectait nous anantir l 'avance, nous fixant d'un il lucide el sans piti, ilnous prparait soigneusement La Mort en ce Jardin.

    < Monsieur Aro::J... et une lueur joyeusement froce pas sait dan s son regard... Jesais que vous tes >jn sportif, vous aimez nager... Le lac de Cat em ac o est trs beau, mal-heureusement... Ici dfHaient les innombrables microbes filtrants qui s'insinuaient dans les

    veines, les carrapatos qui se glissaient sous la peau, les tiques qui plongeaient avec aviditleur tte crochue dans notre chair, cette tte qu'il ne fallait aucun prix sparer de son corpsen essayant de l 'arracher sinon c'tait la gangrne assure... A u cours de mon derniervoyage ici, on m'a montr un homme amput de la jambe... cause des tiques... Les scor-pions pullulaient, les serpents, du goiacorral au boa, en passant par la vipre heurtante,sifflaient dans les herbes, les amibes foisonnaient dans ch aque goutte d'eau. * Regarde z cepauvre X.. . et vous n'aurez pas besoin qu'il vous parle de lac virulence des amibes et ldessus Bunuel sortait de sa poche revolver un flacon plat rempli de gin. C'tait l 'heure sacrede l'apritif, la plus belle heure du jour, celle qu'il fallait attendre, qu'il fallait mriter.

    Oh ! oui, mriter, ca r sur le p lan tra vail, Bunuel tait intraitable. Il fallait tre prt toute heure et en toutes circonstances ; six heures du matin au bord du lac, midi dans labrousse, au crpuscule dans sa chambre. Mais ces exigences avaient toujours un tel carac-tre d'amicale vidence que des questions de prsances ou de convenances personnellesauraient paru ridicules.

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    Michle Girardon et Georges Marchai, au cours dune pause, prennent un caf sansamibes avec Luis Bunuel.

    ryAILLEURS il nous surveillait jalousement. Il nous avait laisss regret, Alcoriza etmoi, seuls a Catemaco, tant luimme oblig de se transporter pour les premires prises devues du film Casamoloapan.

    Mas peine y tionsnous arrivs notre tour, quatre jours plus tard, qu'il dclarait,satisfait, non sans avoir examin d'un ceil inquisiteur nos visages ples : * Vous n'tes pas bronzs, je suis content, a veut dire que vous tes rests travailler au lieu de sacrifierau ski nautique... Mas je me demande ce que vous avez bien pu faire comme travail... *se corrigeaitil aussitt avec un grand rire.

    A CASA' JOLOAPAN, dans ce grand h tel ultramoderne, construit pres que entirement encubes dr verre, muni ies derniers perfectionnements techniques : rfrigrateurs, air condi-tionn, piscine eau courante, rien n e fonctionnait mme pas les douches, rien, sauf

    le machine automatique disque dont les jeunes gens indignes usaient avec gnrosit, sanspiti pour nos oreilles de l 'aube ... l 'aube. Un disque en particulier, trs affectionn desmlomanes locaux, dchirait spcialement les tympans de Bunuel, Ce disque Paca pelio ,pourquoi ne pas le nommer, lui {ut offert crmonieusement la fin du tournage par l 'quipetechnique mexicaine, qui ne manquait pas de malice.

    MAS c'est dans la jungle avoisinant le lac de Catemaco que fut tourne la majorit desextrieurs du film.

    Nous tions logs dans d'agrables bungalows aligns dans un grand jardin exotique,au bord du lac, A cent mtres autour, la iort touffue perte de vue. Dans le jardin, selivraient parfois des batailles nocturnes coup de mangues (pas encore mres). CharlesVanel, toujours gamin, et Michel Piccoli, encore loin de sa maturit, en taient les principauxinstigateurs. Mais il faut bien dire que la toute jeune et belle Michle Girardon leur tenaitla drage haute.

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    Georges Marchai et Simone Sgnoret dans La Mort en ce Jardin,de Luis Bunuel.

    U n e passion commun pour les btes sauvages servit de trait dunion pour de fort amicalesrelations entre Georges Marchai et moi. Rien n'chappait son il vigilant. C'est lui qui, engrand secret, nous conduisit un jour, Tulien Duprez et moi, vers un buisson pais o un longpetit bec pointait entre les feuilles. Quelques instants plus tard, la couveuse s'tant envole,il nous fit voir dans un nid plus petit qu'une bote d'allumettes, deux petites perles, les ufs

    de l'oiseauntouche. C'est lui aussi qui, d'un matre coup de pistolet, abattit un boa gobernador juch plus de dix mtres dans un arbre. Les jours de repos il pchait ou chassaitavec quelques camarades de l'quipe mexicaine, nous ravitaillant en. poissons exquis eten... curiosits.

    C * E fut ainsi qu'un jour il me fit homm age d 'un c ga vilan .

    C'tait un bel oiseau de proie, pas tout fait adulte mais portant tout son plumage. Ilavait t quelque peu bouscul lors de sa prise et durant le transport dans un sac au fondde la jeep. Peuttre d'ailleurs laitil dj bless avant sa capture. En tout cas il arriva enpiteux tat, tranant une aile sans force.

    Recueilli et soign assidment, il retrouva de l'nergie et le got de vivre, s 'amadouaquelque peu jusqu' supporter quelques caresses et aprs avoir , durant notre s/or, acca-par l 'attention des enfants et des adultes, retrouva notre dpart sa libert, tranant tou-

    jours une aile insuffi samm ent gur ie, mai s l'ceil fa ro uch e et dte rm in se fa ire re sp ect er se lo nla loi de la jungle.

    mX ANDIS que Simone Signoret explorait avec passion les inextricables bazars des petits pays

    environnants, un petit groupe amical, sous la direction de notre assistant Dossia Mage, parcouraiter jeep, par des chemins plus que cahoteux et mal aiss, travers ravins et torrents, des rgionsplus sauvages, parfois dsertiques, parfois luxuriantes et des villages indiens, dont les enfantsnus prenaient la jeep d'assaut avec une joyeuse intrpidit.

    D a n s sa pice Nina, Andr Roussin parle de cette heure mystrieuse o l'homme, brusque-ment, le front barr d'une ride < pense au Mexique l 'aventure, l'vasion...

    Eh bien, quoique la terre mexicaine nous et tous accueillis avec chaleur et amiti, c'est

    vers la France que se tournaient les regards de notre quipe des couples fidles.

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    Seul favoris, jai pu me faire rejoindre par ma femme, mais Simone Signoret attendait avecimpatien ce (ah ! la po ste mexicaine !} les lettres de Yves M ontand, Georges Ma rchai nous faisaitpart des exploits cyngtiques de Dany Robin, Michel Piccoli parlait d'une voix voile de EleonoreHirt et de sa petite fille. Dossia Mage assurait que la production manquait d'une secrtaire

    sa femme ; jusqu' la script qui tournait vers AixenProvence un regard nostalgique.Et comment en pouvaitil tre autrement, alors que nous tions sous la coupe de Bunuel lesubversif, mari fidle de longue date et pre de famille patriarcal.

    J' A I eu la joie de rester a uprs de Luis Bunuel tout au long de la ralisation du film. Et plusparticulirement le dernier mois de studio. Je manque de connaissances et de terminologie pourparler techniquement de tout ce qu'il m'a lait apprendre et comprendre en le regardant faire.Mais ce qui m'a surtout frapp chez lui, c'est cette scurit, cette certitude dans le choix, safaon de savoir et de vouloir.

    Cette certitude, on la retrouve aussi dans sa manire de parler le franais, qu'il possded'ailleurs fort bien, mas qui n'est tout de mme pas sa langue maternelle. Or Bunuel ne sesatisfait jamais d'un terme ou d'un sens peu prs. Chaque fois qu'il cherche nous fairetoucher du doigt une ide, il trouve toujours le mot prcis, juste, savoureux, exhaustif, qui lui

    vient avec le poids d'un monolithe. C'est ainsi que le vrai artiste fait comprendre et aimerce qu'il aime. .

    Gabriel AROUT.

    Principaux textes sur Luis Bunuel

    publis dans les Cahiers du Cinma

    N 2 : Le film justifie les moyens {Los. Olvidad&s), par Lo Duca.N 7 : Une fonction de constat, par Pierre Kast.

    A la recherche de Luis Bunuel, par Jean Grmillon, Jean Castanier, Eli Lotar,L. Vines et Pierre Prvert.Pardel la victime (Los Olvidados), par Jacques DoniolValcroze.

    N 8 : Lettre Pierre Kast, par Georges Sadoul.N 13 : La foi qui sauve (Subida al Cielo), par Jacques DoniolValcroze.N 20 : Soleils de Bunuel (Subida al Cielo et Suzana), par Michel Dorsday,N 28 : Dialogue (El Bruto), par Michel Dorsday.

    N 32 : Lettre de New York (Les Aventures de Robinson Cruso et El), par Herman G.Weinberg.N 36 : Entretien avec Luis Bunuel, par Andr Bazin et Jacques DoniolValcroze.N 37 : Du rvolutionnaire au moraliste [El), par Michel Dorsday.

    Postscriptum sur El, par Jacques DoniolValcroze.Billet I {Un Chien Andalou), par Jacques Audiberti.

    N 38 : Fiers comme des hommes (Les Aventures de Robinson Cruso), par JacquesDoniolValcroze.

    N 40 : Venise 1954 {Les Aventures de Robinson Cruso), par JeanJos Richer.N 41 : Lettre de New York (Les Hauts de Hurlevent), par Herman G. Weinberg.N 56 : A Mexico avec Bunuel, par Emmanuel Robls.N 59 : La Photo du Mois (La Mort en ce Jardin), par Jacques DoniolValcroze.

    60 : Seul le cristal... {Cela s'appelle VAurore), par Andr S. Labarthe.

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    LE FER DANS LA PLAIEpar

    Jean Domarchi

    Fautil brler Kafka ? On se souvient peuttre de l 'enqute mene par l 'hebdomadaireprogressiste Action (aujourd'hui dfunt) sur le rle nfaste de l 'auteur de la Mfamorphosedans la littrature contemporaine. On dnonait l 'envi son influence * dltre i, la signi-fication * petite bourgeoise et * contrervolutionnaire de son uvre, son nihilisme destruc-teur. Le procs qu'on lui intentait ne visait qu' le renvoyer {avec Dostoevsky et quelquesautres) dan s l 'enfer o doivent griller les < ennemis du peuple. Kafka, ce symbole de lapourriture bourgeoise devait mourir une seconde fois. Cela se passait, sauf erreur,il y a un peuplus de dix ans. L'autodaf a fait long feu, Kafka reste bien vivant et un grand vnementa bran l le monde : la dnonciation de la * tyrannie stalinienne pa r Khrouchtchev. Un person -nage nouveau vient de natre, bien plus passionnant que tous les hros de romans sovitiques,un monstre dont nous avions perdu l 'habitude depuis l 'antiquit, une sorte de Prote qui com-binerait la duplicit de Tibre, l 'humour noir de Nron, l'exhibitionnisme de Commode et lafrocit de Constantin. Oui, Staline c'tait bien cela et pourtant comme il tait bon de se pros-terner devant lui. On ne pouvait, non plus que le soleil, le regarder en face car il tait Dieusur terre, pre et pasteur des peuples. Il tait celui qui sait et dont la parole est loi. Fautil,parce qu'on vous l 'ordonne, renoncer adorer * les dlices du genre humain ? Autant deman-der un opiomane de renoncer sa drogue sans pravis. Staline tait pour les intellectuelscommunistes un admirable prtexte. Leurs consciences coupables trouvaient en lui un sauveur.On pouvait sous son gide se laver de cette dchance originelle, l'inutilit, et se muer, l'esprit

    apais, en bureaucrate corvable merci. Pourquoi se priveraton du plaisir d'expier unemaldiction essentielle ? Il ne s era pa s dit qu e sur un sirriple mot d'ordre il faille reno ncer cette volupt majeure, qui est la volont d'anantissement.

    Critiques marxiste et stalinienne

    Mais pourquoi cet exorde ? Que viennent faire Staline et Kafka dan s une revue telle quecelleci? l 'avais un moment pens que l 'offensive de dstalinisation ferait circuler un courantd'air frais dans les publications communistes et que les miasmes touffants et strilisants duconformisme se dissiperaient. J'avais pens que nos catholiques rebours {je veux dire lesintellectuels communistes) se convertiraient l'esprit critique et adopteraient l'gard des pro-duits de la civilisation bourgeoise une attitude plus conforme l 'esprit mme du matrialismedialectique et exempte donc de toute religiosit. Quel besoin est, quand on dispose d'une

    mthode de rflexion aussi efficace que le marxisme, de dnigrer et refuser tout ce qui n'est pasmarqu au sceau de la plus stricte orthodoxie ? Ne peuton se pay er le luxe de la srnit ? I]m'a fallu, hlas, dchanter. Loin d'aboutir un assouplissement idologique c'est, depuis lefameux discours de Khrouchtchev, un raidissement que nous assistons. Te n'en veux pourpreuve que l 'accession de Ga raud y au Bureau Politique du P. C. Fautil s'en tonner ? Je nocrois pas, car si l'esprit d'orthodoxie et dintolrance triomphe c'est qu'aucun des membres dol'intelligentsia stalinienne n'a pris le matrialisme historique et dialectique de Marx au srieux.Ce sont peuttre de parfai ts comm unistes et sremen t d'exc rable s marxistes. 11 ne suffit pa s d efaire une gnuflexion devant le portrait de Marx si l 'on mconnat l 'inspiration profonde quianime des uvres telles que Misre de fa Philosophie ou le CapifaJ. Je mets au dfi quiconquede me citer une seule critique d'art ou de cinma faite rellement d'un point de vue matria-liste dialectique. Je puis en revanche apporter la preuve de l 'esprit ractionnaire qui animenos staliniens, tout particulirement en matire de cinma o l 'absence radicale de rflexionmatrialiste dialectique se fait par trop sentir. Il ne suffit pas en effet de traner dans la boueun film amricain parce qu'amricain (en se payant le luxe une fois tous les dix ans d'une

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    Dans lune des dernires scnes du Grand Couteau, de Robert Aldi'ich, autour de lavedette Charlie Castle (Jack Palance) sont runis sa femme (da Lupino), son imprsario(Everett Sloane), le publicrelation Smiley Coy (Wendell Corey) et le producteur Stanley

    Hol (Rod Steiger).

    petite exception) pour faire uvre de critique marxiste. Pas davantage de porter aux nues ledernier Yves Allgre! ou Le Chanois, Moins encore d'exalter tous les films sovitiques parceque sovitiques.

    e prtends mme qu'il y a plus de chances d'tre fidle la vritable inspiration dumarxisme en adoptant l 'attitude inverse et prcisment, les derniers films des cinastes amri-cains que nous aimons m'en fournissent un trop bel exemple pour que je ne le saisisse au vol.Que l'on ne crie pas au paradoxe et surtout que lJon ne me taxe pas d'illogisme, J'ai encore unefois trop d'exemples prsents l 'esprit pour tre impressionn par les sarcasmes et les sourires

    de piti. Pour un marxiste, bien des films amricains sont pain, bni et s'ils n'existaient pas ilfaudrait les inventer. le demeure mme persuad que Marx aurait salu la Comtesse aux pieds nus comme il a salu en son temps La Comdie Humaine et que tel western dAnthony Mannne l 'aurait pas moins passionn que Les M yst r es de Paris d'Eugne Sue. Nos staliniens prf-rent eux brler le cinma amricain, comme ils avaient brl Kafka au nom de l'optimismeproltarien . Or Hawks, Mankewicz, Aldrich, Welles, Hitchcock, Minnelli, Lang sont bien plusreprsentatifs des contradictions du systme capitaliste que ne le sont Biberman ou chez nousPaqu in ou Ailgret. C'est cela que je m'efforcerai de m ontrer dan s le cours de cet article, maisil me faut auparavant dmonter le mcanisme de la critique cinmatographique stalinienne.

    Les critiques staliniens utilisent un schma ne varietur, bas sur les trois postulats sui-vants :

    1 Je posfujaf < man ichen : est bien ce qui est sovitique, mal ce qui est amricain. Jenote toutefois une entorse dlibre ce postulat : le cinma franais, bien que bourgeois, adroit toutes les co mplaisances ;

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    Le Cuirass Potemkine, de S.M. Eisenstein.

    2 le postulat sociologique : e seul critre valable dapprciation d'un film est son contenusociai. Est bon ce qui exalte le travail et les luttes de la classe ouvrire, ce qui dcrit (sur lerode attendri ou ducateur) sa vie quotidienne. Est bon aussi ce qui dnonce la pourriture dela classe possdante. Est mauvais tout le reste (id est : est tax de formalisme au nom duralisme rvolutionnaire). On dterminera donc la valeur d'un film en fonction de son contenu declasse ;

    3 le postulat politique (le plus important) : est bon tout ce qui correspond la lignepolitique du parti, mauvais tout ce qui s'en carte ou l'ignore. Le jugement esthtique est doncsubordonn un simple critre d'opportunit tactique, d'o la mise lindex d'un film qui ne

    contribuera pas aider le Parti dans sa tche de lutte contre la bourgeoisie et d'ducation dola classe ouvrire.

    Optimisme, ralisme, moralisme, opportunit, voil donc les quatre articles de la critiquestalinienne. Il est trop facile de montrer l'incohrence de ce nouvel * art potique . Contradic-tion d'abord entre le postulat I et le postulat II. Faire tout coup l'loge d'un film sovitiquec'est renoncer un point de vue de classe, puisque certains films de l 're stalienne faisaientl 'apologie des gnraux tsaristes au nom de l 'idal patriotique et ridiculisaient la France et laRvolution Franaise (je pense un certain Souvaiov de dtestable mmoire). Condamner d'autrepart un film amricain par principe, c'est s'interdire d'en dterminer le contenu de classe qui,pour tre implicite, n'en existe pas moins. Mais n'anticipons pas. Il y a, de plus, contradictionentre le postulat II et le postulat III, car le ralisme rvolutionnaire de tel film peut ne pasconcider du tout avec les objectifs politiques du moment. Il n'y a en tout cas aucune ncessitqu'il en soit ainsi. En l'tat actuel des choses, je ne vois aucune possibilit : a) de dmontrerle bienfond de ces postulats autrement que su r la base d'un e acceptation ave ugle ; b) d'obir l 'un d'entre eux sans ipso facto droger aux deux autres.

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    Le Lapin, aquarelle dAlbert Durer.

    Ralisme rvolutionnaire

    Ce qui est trs grave en effet, ce n'est pas d'adhrer un impratif critique quelconque,c'est de se condamner l 'incohrence perptuelle. II serait bon d'autre part, puisque l'on sarclame d'un point de vue esthtique de classe, de dfinir une fois pour toute la classe sociale.Or Marx luimme q, comme on sait, hsit entre une division bipartite des classes (capitalisteset proltaires) et une division tripartite (capitalistes, proltaires et propritaires fonciers). Iln'est pas possible, si l 'on n'a pas une ide claire et distincte de la classe sociale, de raisonnersrieusement en termes de contenu de classe. D'o les difficults qui se prsentent toutes lesfois que l'on essaie de dfinir le ralisme rvolutionnaire. La dfinition la plus frquente de ca

    concept central de l'esthtique marxiste ne brille pas par sa prcision. Serait conforme au ralisnte rvolutionnaire toute uvre qui dcrirait les luttes d'un proltariat contre les exploiteursfodaux ou capitalistes. Et l'on cite juste titre les chefsd'uvre d'Eisensten et de Poudovkine...pour mieux ridiculiser ensuite le cinma amricain.

    Je crains bien qu'il n'y ait la base de tout ceci une quivoque grave. La dnominationmme de ralisme rvolutionnaire est contradictoire car le ralisme suppose prcisment uneobjectivit dans la manire de voir et de dcrire que la rvolution exclut. Un artiste rvolution-naire choisif la cause du proltariat et renonce la srnit lucide du narrateur raliste. S'ilrussit son uvre (film, tableau, pome, peu importe) celleci prend place de plein droit dansle genre pique. Or, depuis quand aton vu une uvre pique se rclamer du ralisme autre-ment que par la prcision du dtail ? On est frapp de la rigueur clinique avec laquelle Homredcrit les blessures des combattants de l'Iliade. Aton le droit pour autant de qualifier Homrede raliste ? Il ne l 'est pas p lus qu'Eisenstein, et, en voyant Alexandre Wevsiy ou Ivan le Terrible (et plus encore Le Cuirass Pofemkine), je ne songe gure le traiter de raliste.

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    Le miroir aux alouettes

    On connat la clbre dfinition donne par SaintRal, et reprise par Stendhal, du roman :* Un miroir que l'on promne le long du chemin. Elle pourrait convenir l'esthtique ralistetoule entire et correspondrait bien cette exactitude impartiale dont je parlais l 'instant, cerefus de se prononcer pour ou contre quelque chose ou quelqu'un. Si l 'on accepte cette dfi-nition, qu elle uv re correspondratelle exactemen t ? Je doute si Stendh al, Balzac et Flau bert ,trs la mode chez nos progressistes, ont crit des romans qui remplissent ce programme.C'est que le ralisme est un miroir aux alouettes, un mythe que fort heureusement nos auteursse sont bien gards de prendre la lettre. Aucun crivain, aucun cinaste digne de ce nom nrapu autrement qu'en apparence lui rester fidle, puisque l'essence du ralisme est trangre l'art. Envisag en toute rigueur le programme raliste tel que SaintRal le conoit aboutirait prsenter en vrac au lecteur ou au spectateur un certain nombre de comportements qu'il lulaisserait le soin d'expliquer. Il n'est pas permis en effet d'orienter le miroir dans une directionou dans une autre, et si un moraliste, un romancier ou un cinaste bourgeois n'a pu jusqu'icitenir cette gageure (bien qu'il soit consciemment ou inconsciemment du ct des privilgis), onvoit mal commment un artiste rvolutionnaire dont l'uvre postule la destruction de fout unmonde y parviendrait.

    Le r alism e en ar t n'exi ste pa s, moins de l'en tendre da ns un sens netterrient limit (on

    parlera par exemple du ralisme des ides, ou du ralisme psychologique ou du ralisme dela couleur locale). Mais je doute si nos esthticiens l 'accepteraient srieusement pour leur. Ilest vrai qu'ils font fte des films d'AutantLara, d'Allgret ou de Grmllon qui n'ont retenule ralisme que dans son acception la moins prilleuse, mais je suppose quil s 'agit l d'unesimple question dopportunit politique. De toute manire, ils trahissent l'idal qu'ils entendentdfendre en louant d tels produits. Je sais trs bien en crivant ceci que je vais contrecourant d'une tendance profonde du mouvement ouvrier toutes les fois qu'il a pris position surles que stions artistiques ; il est fascin par le souci de retrouve r parto ut et toujours la conditionproltarienne dans l 'uvre d'art. Que la description d'une vie d'ouvrier, ou de l'activit d'uneusine ne soit pas incompatible avec l'art, j 'en suis pleinement convaincu. La peinture depuisle XVIe sicle apporte un nombre incalculable de preuves, qui ne s'est pas lasse de nous mon-trer des humbles et des dshrits de toute nature. Mais il s 'agit en l'espce d'un ralisme tout fait thorique, puisque ce qui est laid dans la vie est beau lorsquon le contemple dans unesalle de muse. La fidlit, la prcision du peintre conspirent situer son tableau aux antipodes

    de la ralit.C'est toute l 'histoire du lapin d'Albert Durer. Qui songe s'extasier devant un lapin rel

    el qui ne s'merveille deva nt le lapin de Drer ou le crab e du mme peintre ? Qu'une aq uar ellepuisse dnaturer la ralit au point de nous faire admirer ce qui dans la nature n'est qu'objetd'indiffrence, voire de dgot, c'est le paradoxe de l'art * raliste , en fait le my stre del'art tout court. Je dirai donc nos esthticiens staliniens : dpeignez des ouvriers autant quevous voudrez, mais si vous fournissez un simple duplicafum de la ralit, il y a peu de chancesque l'art y trouve son compte. En cinma comme ailleurs, l 'antinomie entre le rel et le rve,entre la ralit et la vrit est la source inpuisable de toute cration artistique.

    J'crivais plus haut que la notion mme de ralisme rvolutionnaire est contradictoire :j' ajo ute ra is vo lont ie rs qu 'i l y a no n seul em en t contradiction d 'u n te rm e l' autr e (c 'est d ireentre ralisme et rvolution) mas l'intrieur du concept de ralisme luimme (puisqu'iln'existe partiellement en art qu' la condition de se nier). Dans son sens authentique {celui deSaintRal), il exclut l'univers artistique (l'objectivit est une qua lit tran g re l'art) ; da ns

    son sens limit (celui o le prennent d'ordinaire les critiques littraires ou les critiques d'art), ilprte contradiction. Il faut donc que l'artiste soit suffisamment conscient de ces contradictionspour les surmonter el tre ainsi, comme le disait Hegel, * dans l'Jmenf de la Vrit .

    Le pch dabstraction

    Je pense que les dveloppements qui prcdent ont suffisamment fait sentir que l'on nepeut aborder convenablement les problmes d'esthtique qu'en se forgeant une mentalit dia-lectique. Il n'est pas interdit d'utiliser des notions telles que * ralisme rvolutionnaire , * artdes masses , optimisme proltarien , condition d'en faire apparatre le ct trompeur etillusoire.' Ds que l'on exam ine d'un peu prs l 'une qu elconque de ces notions, on fait natreune niche de contradictions qui doivent nous rendre sceptiques quant l 'emploi habituelde ces termes. J'irai plus loin. Parler du contenu de classe d'un roman ou d'un film, c'est mon

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    irer que l'on est totalement tranger l 'esprit mme de l dialectique et, surtout, de la dia-lectique matrialiste et historique. C'est en effet isoler arbitrairement un lment de ralit au .dtriment de tous les autres. Ngliger la complexit d'une oeuvre pour ne retenir que son seulcontenu de classe, c'est se refuser prcisment en analyser les iorces contradictoires qui l'ontlait natre. Que restetil pa r exemple des Possds de Dostoevsky (cette uvre rpugn ante

    mais gniale , suivant le mot de Lnine) quand on se borne dterminer son contenu de classe ?On dcouvre qu'elle est lie une idologie contrervolutionnaire sans se rendre compte qu'elleillustre les conflits qui opposaient les membres de l'intelligentsia russe des annes 1860 telsque Dostoevsky les a vcus. Peu importe que le romancier ait rsolu l'opposition de la scienceet de la loi au profit de cette dernire. Ce qui intresse le marxiste, c'est ce conllit mme et,derrire lui, les contradictions internes de la socit tsariste dont il est le reflet, tronqu sansdoute, m ais singulier crent rvlateur. Encore un e fols se b orner au simple contenu de classe,c'est commettre le pcr (impardonnable pour un marxiste) d'absiracfion. Lart en fait, dansla mesure o il vit de conflits, de tensions, d'oppositions irrductibles, d'aspirations contradic-toires. est dialectique dans son essence mme. Que ces tensions refltent et reproduisent symbo-liquement les contradictions de la socit, qu'elles dpendent pour une part des conflits de classequi la dchirent, je songerais moins que personne le nier. Ce que je demande nos stali-niens c'est de faire honneur la pense dont ils se rclament et qu'ils trahissent si dlibr-ment, ils devraient (ce qu'ifs ne font jamai s) dterminer les mdiations par lesquelles on passedu monde rel (dfini par des rapports dtermins de production et un tat dtermin des forcesproductives) au monde imaginaire du romancier, du peintre ou du cinaste.

    Ces mdiations sont complexes, je le veux bien, mais c'est leur analyse prcise qui permetde montrer dans quelle mesure Splendeur et Misre des Courtisanes est la fois la reproductionaline et authentique de la socit franaise sous la Monarchie de Juillet, mais aussi l 'expres-sion d'un tragique dpassant de beaucoup les conditions matrielles et sociales qui rgissaientla F rance b ourge oise d u temps d e LouisPhi lippe. Le tragiqu e c'est celui de l'alin ation et onpourrait par exemple dire, sans exagration, que toute la Comdie Humaine est une phnomnologie de la conscience aline. Que ces mots emprunts au jargon philosophique ne fassentpas trembler le lecteur, car ils recouvrent des ralits assez simples et les caractrisent demanire tis commode. Je vais du reste en donner une explication forcnient sommaire, et doncinfidle, et, si j'en fais tat, c'est uniquement pour justifier mon propas (selon lequel le cinmaamricain est justiciable de part en part d'une rflexion dialectique) et non pour transformerles Cahiers en une annexe de la Revue de Mtaphysique et de Morale ou de la Revue In ternationale de Philosophie.

    Le long et dur chemin

    C'est Hegel que l'on doit l 'introduction de l'alination dans le vocabulaire philosophique.On sait peuttre que dans la Phnomnologie de l'Esprif, Hegel voulait dcrire le long etdur chemin pa r lequel la conscience doit pa sser a van t daccde r au savoir absolu. Elle revtavant d'y parvenir une srie de * formes ou de * figures , chacune de ces formes ralisantun type d'exprience o a conscience dcouvre chaque fois que ce qu'elle prenait pour vritn'tait qu'illusion. H faut donc dpasser le moment abstrait o la conscience de soi cherchait accder un idal inaccessible et se situer au niveau de l'esprit, dans lequel le inonde commeraison ralise ne s'oppose plus la conscience de soi (1). La premire figure d'une phno-mnologie proprement historique era l'esprit immdiat, ou le rgne de la belle vie thique ,o se ralise * l'unit du soi et de la substance , c'estdire de la singularit (le soi comme

    caractre thique) et de l'universel (la substance comme essence universelle}. Mais le momentde la vie thique ne peut subsister et la cit grecque qui historiquement l 'incarne est dchirepar une scission entre la loi humaine (l'universel) et la loi divine (le singulier). Il n'est en effe'pas possible de concilier les exigences des ois politiques et sociales et celles de la familleet du culte rserv aux morts. A Cron dfenseur de l'ordre public, expression de la volontcommune des citoyens, s 'oppose Antigone qui reprsente les droits du clan. La tragdie natainsi du conflit du droit contre le droit et ce conflit est insoluble. La cit grecque reprsentaitdonc aux yeux de Hegel, comme de Gcethe ou de Holderlin, un monde harmonieux, une terrequ'il fallait, suivant l'expression de Goethe, dcouvrir avec les yeux de l'me . ( Das Landder Griechen mit der Seele suchen. )

    (1) Heg e l v i en t j u s t em en t d an a l y s e r l es fo rm es u l t i m es d e l a co n s c i ence em p i r i q u e d an slesquel les ce l l ec i se dcouvre comme ra i son . Le Soi , dont i l es t ques t ion dans l es chapi t ress u r l 'E s p r i t , e s t l e s u j e t en g ag d an s u n e co m m u n au t h i s t o r i q u e e t l a l i n a t i o n e s t l a

    p e r te d u s u j e t d an s l o b j e t .

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    Toutefois cette harmonie ne saurait tre pour Hegel qu'phmre et c'est dans la tragdiegrecque (Sophocle et Eschyle) que s'expriment justement les contradictions du inonde grec clas-sique conu comme esprit immdiat . Au premier monde d e l 'esprit succdera donc le mondede lalination et de la culture, monde dchir, divis, o l'esprit devient tranger luimme.Au moment de l'opposition implicite, o le Soi s'exprime navement et contradictoirement comme

    singularit et universalit de la vie thique, succde le moment o le Soi aline sa certitudeimmdiate et deveit par cette alination mme substance. Mais du mme coup cette substancelui devient trangre. Si par la culture il avait accd l 'Universel, le confenu m me de cettesubstance universelle lui chappe progressivement : la vie thique avec laquelle il concidaitspontanment et navement lui apparat, maintenant qu'il se lest approprie, comme une ralitextrmement opaque, le monde est devenu le ngatif de la conscience de soi . En alinantson tre naturel le Soi est devenu non seulement tranger au monde qu'il s'est appropri maistranger soi.

    Essayons maintenant d'exprimer en langage ordinaire ce que Hegel exprime dans le lan-gage philosophique. Nous dirons ; en reniant l 'tat de nature, en se civilisant, l 'homme a sansdoute acquis une pu issance plus grande m ais ce monde qu'il pensait dominer lui chap pe ; ilse transforme (en une ralit objective extrieure ceuxmmes qui l 'ont conue et donc op pres -sive. L'Etat et la Richesse, qui sont des produits de l'activit humaine, deviennent autant deralits hostiles parce qu'trangres, des entits littralement indiffrentes. L'Etat et la Richessedfinissent deux moments dune dialectique qui est prcisment celle de la conscience aline.Le noble qui primitivement considrait comme un honneur de servir l 'Etat n'en attend plusensuite, au moment mme o l 'Etat devient universel et abstrait (la monarchie absolue), que desavantages matriels, des pensions et des titres. Au sentiment de l'honneur succde la flatterie,car il n'est pas d'autre moyen d'obtenir ces avantag es que de faire sa cour au roi. A la conscience noble s'oppose la conscience vile. En changeant son honneur contre de l 'argent, faconscience s'approprie l'Etat puisqu'il est de l'essence mme du pouvoir de l'Etat de rconlpense r se s serviteurs, d e rm unrer ses fonctionnai?es.' Mais, c e faisant, elle le nie, puisqu'ellen'en retient qu'une apparence matrielle l'argent. Au pouvoir de lEtat succdera donc le pou-voir de largent, l 'obissance au Souverain, la soumission la Richesse. En s'alinant dans 'et par la flatterie, la conscience se rend trangre l 'Etat, dont elle s'incorpore la substancemais dont elle ramne la signification universelle et abstraite un simple moi singulier (leMonarque Absolu), raval au rang de pur dispensateur des grces. Du mme coup elle s'alineellemme dans une chose, l 'argent, ngation de l 'Etat, et dans l 'anonymat de la vie conomique.La richesse devient ici l'universel, qui transforme les relations humaines en des relations objec-

    tives et abstraites, en des rapports d'objets objets.

    Voffre et la demande

    Marx connaissait trs bien cette dialectique de l 'alination et de la culture. II a d'ailleursdonn de la Phnomnologie de l'Esprit un conlmeniaire gnial dans son Manuscrit Econo mique Philosophique de 1844, Il lui apparaissait toutefois que Hegel n'avait pas ralis le dpasse-ment effectif de l'alination bourgeoise. Ce dpassement en effet est, chez Hegel( pur dpas-sement spculati, le savoir absolu, lequel ne supprime qu'idologiquement l 'alination et estdonc luimme alination. C'est que, pour Marx, on ne saurait surmonter le monde de la richessepar une pure activit spirituelle, ftelle celle du pur savoir de soi par soi . Pourquoi ? Parceque la dialectique de la Richesse et de l 'Etat n'est pas l 'expression d'une dialectique de laconscience de soi mas bien la reproduction idale d'une dialectique relle : celle de la socitmarchande et plus particulirement de la socit capitaliste. Aussi Marx remplacetil la notion

    idaliste d'alination (Entfremdung) par la notion matrialiste de rification (Verdinglichunq).Dans la socit capitaliste en effet, les rapports personnels deviennent des rapports d'objels objets, d'acheteu rs vendeurs. Tout s'change, tout a un prix : l 'amo ur, l 'intelligence, la dignit,etc... Au code de la soumission et de lhonneur de la socit fodale fait place la loi de l 'offreet de la demande de la socit capitaliste. C'est le rgne du ftichisme de la marchandiseou encore de l'abstraction universelle, et il est bien vident que si l'on conoit l'histoire non pluscomme Vhistoire de l'esprit, mais bien comme l'histoire relle des rapports de production etd'change, la seule manire de supprimer l 'alination relle (la rification) c'est de dtruireeffectivement ces rapports par une activit pratique (la rvolution) et non idalement par lesavoir absolu.

    Le matrialisme dialectique et historique de Marx a consist donc concevoir l'histoirehumaine comme histoire naturelle des rapports matriels de production de consommation etd'chan ge. A la phnomnologie hegelienne qui dcrivait le devenir coirtme < le calvaire de l 'histoire sans Jeguel l'esprit serait solitude sans vie succde l'histoire de l'exploitation de

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    Dans Les Ensorcels, de Vincente Minnelli, Lana Turner assiste la mort de G.ibrtRoland sons les yeux dit producteur Kirk Douglas et du metteur en scne Lo G. Carroll

    ( lextrmedroite).l 'homme par l 'homme laquelle seule peut mettre fin la socit sans classe. Mais le droule-ment de cette perptuelle oppression el 3a lutte contre cette oppression, on ne peut les com-prendre que dialectiquement. Le monde capitaliste tant le monde de l'abstraction absolue etuniverselle, i s 'agit de substituer la dialectique de l'esprit la dialectique du capital et d'tudierles mtamorphoses du capital comme Hegel avait tudi les mtamorphoses de l'esprit. D'o lecaractre sotrique et abstrait du Capital, aussi nigmatique et incohrent pour un lecteur noniniti que la Phnomnologie de Hegel.

    le prie encore une fois le lecteur d'excuser ce dveloppement aride, mais il tait indispen-sable d'avoir un aperu du rle que joue le concept d'alination et de la version matrialisteque Marx en a donn ds le premier chapitre du Capital.

    Hollywood, microcosme

    le puis maintenant, si le lecteur a eu la patience de m e suivre jusquel (ce dont jen'osera is jurer !} dire en quoi, selon moi, rside l'originalit essentielle des films d es gra ndsmetteurs en scne amricains. Il s on t t p lu s ou moins co ns ciem men t obsds par le caractre rifi de ia socit amricaine. Ils ont tous plus ou moins tent de rendre l'cran la dchance de l'homme amricain. Ils ont en consquence ait apparatre le ct mystificateurde l 'american way of e et dnonc avec une violence extrme le ftichisme de l'argent. Ilsnous ont montr l 'homme traqu, cern par les exigences de la russite,, du gain, de l 'ascen-sion sociale, de la dfense des intrts acquis. Et la nostalgie de la puret, de l 'authenticit(osons risquer ce mot malgr l'emploi douteux qu'en a fait Montherlant) qui anime les plusgrands d'entre eux n'est que l'envers de cette critique passionne ou ironique de la bonneconscience amricaine, mercantilisme l'extrme.

    l'ajouterai encore ceci ; c'est au moment o il semble que leur propos soit le plus loi-gn d'une proccupation sociale quelconque que leur critique va le plus loin, qu'elle touchele nerf sensible de ce nouveau lviathan qu'est la socit capitaliste amricaine.

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    Veuton maintenant des preuves ? En premier lieu, foui un groupe de films qui ont de prs ou deloin Hollywood comme centre d'intrt : The bad and the becwtilul (Les Ensorcels) de Minnelli, A Star is ho rn (Une toile est ne ) de Cukor, The bartant Confessa (La Comtesse auxpieds nus) de Mankiewicz, The big Knife (Le Grand Couteau^ de Bobert Aldrich. En secondlieu, une partie importante de l 'uvre de Welles : Citizen Kane et The Lady /rom Shangha ;

    de Hawks : M onkey bu sines s (Chrie , je m e sens rajeunirJ, Gentlemen prefer biondes ;de Prit s Long : While the City sleeps Cia Cinquime Victime), d'Htchcock, particulirementl 'extraordinaire Strangers on a Train (L'Inconnu du Nord-Express). Malgr l 'apparente diversit de leurs scnarios, ces films traitent tous du mme sujet : l'impossibilit, dans l'tat actueldes choses, d'une morale effective et authentique, ou, si l 'on prfre : l'incompatibilit de la morale (autre que celle de la force publique) ef de la socit capitaliste. Si la commissiond'enqute hollywoodienne avait t intelligente, ce sont les metteurs en scne que je viensde nommer qui se seraient vu retirer leur permis de travail et non des metteurs en scneestima bles certes, mais infiniment moins dangere ux, tels qu e Dassin, Losey ou, Berry.

    A ct d ces destructeurs, qui n'auraient srement pas chapps au feu de l 'inquisitionespagnole, combien peu nocifs m'apparaissent Kazan, Stevens, Benedek pour ne rien diredes D. Mann.

    Il vaut la peine, je pense, d'entrer dans le dtail. Ce n'est pas un hasard si Hollywood

    et les activits qui s'y donnent cours ont t si souvent tudis par les metteurs en scneamricains. D'abord pour une raison qui saute aux yeux : nos auteurs savent de quoi ilsparlent, ils connaissent mieux que personne la situation souvent peu enviable de ralisateurdans la hirarchie hollywoodienne (c , Hany Dawes dans La Com tesse aux pie ds nus).Ils ont eu tout le temps de dmonter les rouages de cette socit qui semble s'acheminer versle rgime des castes. D'o leur manque total d'indulgence et la cruaut qui ressort de leurpeinture d'autant plus implacable qu'elle se refuse l 'outrance, l 'emphase.

    Ensuite parce qu'Hollywood est un microcosme qui reproduit, grossies mille fois, lestares de la socit amricaine. C'est du capitalisme la puissance n, la manifestation d'unemonstrueuse excroissance du * cauchemar climatis dont parle H. Miller chaque fois qu'ilfait allusion l'Amrique. Minnelli luimme, le * prcieux Minnelli, aura prouv un. mou-vement d'humeur, et ce mouvement d'humeur sest traduit par le magistral The bad and thebeautiiul, ce film si nglig et dont je m'accuserai toujours de n'avoir compris le sens quesi tardivement. Il s'agit, on s'en souvient, d'un producteur qui finit par lasser tout son monde

    par ses exigences, par cette manire de traiter ses collaborateurs les plus proches et les pluschers comme des objets, en fonction de leur utilit du moment. Estil blmer ? Oui et non,mais comme on va le voir il ne s'agit pas d'une rponse de normand. Sans doute payetild'exemple, c'est dans toute la force du terme un c promoteur , un dcouvreur, et en ce sensest*il estimable, mas si Minnelli laisse planer un doute sur le sort qui l'attend {on ne saura

    ja m ai s si oui ou no n il es t rappel Hollywood aprs son exil), c'est peuttre que sa res-ponsabilit est trs attnue. Il semble bien, et la peinture trs incisive de notre auteur lelaisse entendre, q ue ce soit le systme qui soit responsable et qu'a pr s tout notre producteur nefasse qu'appliquer des rgles du jeu inhumaines,lesquelles, pard el Hollywood, concernent l'Am-rique tout entire. Minnelli, en adm irable m oraliste, dnonc e une facticit esse ntielle de s .milieuxhollywoodiens et, ce dont je lui sais le plus gr, avec infiniment de doigt et de finesse. Quiaurait cru que Minnelli {qui sans doute tomberait des nues si on le lui disait) rejoint le phi-losophe existentialiste Martin Heidegger, lorsque ce dernier dcrit dans L'Etre et le Te mps l'existence du * on , c'estdire de l'individu qui toute authenticit est tra ng re. Ici nosstaliniens rugissent. Heidegger le fasciste ! Ils oublient seulement qu'en l 'espce Heideggerse borne traduire pureme nt et simplement dans son < analy tique existentielle les descrip-tions de Hegel et de Marx.

    C'est cette dnonciation de facticit que l 'on retrouve en plus amer dans The Big Kniieet Itss me deadly d'Aldrich, sur lesquels on me pardonnera d'tre bref. Je noterai seulementque l'alination, ou la rification, atteint chez certains personnages un point tel que le simplerespect de la vie d'autrui n'a pour eux aucun sens. C'est en toute tranquillit, sans sourciller,qu'ils dcident la mort d'un tre sans dfense. Il s'agit de gens parfaitement honorables. Smiley Cay, le public relation du producteur Stanley Hoff, dcide posment la mort d'une star-lette dont les indiscrtions risquent de porter atteinte la rputation d'un acteur dont la coteau box-office assure sa firme des profits considrables. Nous sommes bien, dans un universrgl par la vente et l 'achat. Et pourtant Mr. Smiley Coy a t major dans l 'Air Force et,dtail important, il est reu par le clbre compositeur de Show-Soat et de Rob erta , JeromeKern. Non plus que la femme de Csar il ne saurait tre souponn.

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    Norman Maine (James ftlason) et sa emme Vicky Lester (Judy Garland) dans UneEtoile est ne, de George Cukor.

    Il semblerait qu'avec Cukor et A Star is boi n il s 'agisse de tout autre chose : de la vied'un couple. En fait c'est le problme de la rentabilit de la star qui est pos. Peu importeap rs tout que les excentricits de l 'acteur Narm an Maine l'entranent vers un e dch anceinvitable. Ce qui compte c'est qu'il est de moins en moins efficace, qu'il rapporte de moinsen moins d'argen t. Il devient un po ids mort et alors, pas de pard on ! Que l a monte de safemme Vicky Lester lui iasse toucher du doigt sa dcadence, et que le refus de sa piti, mme

    empreinte d'amour, l 'entrane au suicide, ce n'est qu'une partie du sujet. Il s 'agit aussi de ladestruction de toute vie personnelle, de l 'analyse du siar system comme principe destructeurde toute relation humaine. II s 'agif de l 'anantissement de l 'tre au profit exclusif del 'apparence.

    L'acteur, comme le financier ou le magnat de la presse, est pour aufrui. II peut s'enrjouir (comme le Charlie Kane d'Orson Welles), ou le dplorer, ce n'est pas cela qui importe; .il n'existe en tout tat de cause que pour le regard d'autrui : il est le symbole charnel de latoute puissance de l'argent qui s 'aline dans le regard anonyme de la faue et dans lequella foule s'aline son tour. Cette alination rciproque substitue des rapports personnelsconcrets des rapports objectifs : la star est objet d'un culte, le financier objet de haine, lepoliticien objet de dgot ; et comme tels ils appartiennent la foule, libre de les valuer sa convenance, libre de revenir sur son valuation premire.

    De Marx Minnelli

    C'est encore dans un autre clairage que Mankiewicz aborde AU ab ou t Eve et surtoutThe Barefoof Confessa. Ce dernier film a t l*un des seuls c ha pp er la vindicte denos staliniens, mais j 'ai peur que les raisons pour lesquelles ils le louent ne soient pas lesbonnes. Comme dans Fiv Fingsrs (L'Affaire Cicron), Mankiewicz nous propose un thmequi permet des variations inpuisables et se prte prcisment une formulation dialectique.Derrire l'argument du film, on devine en effet que ce qui a intress Mankiewicz c'est le conflit du rel et de l'apparence. La Comtesse meurt d'avoir cru en une ralit qui n'est ellemme qu'apparence pour chapper la facticit de son existence de star : les contes bleusde son enfance dshrite, auxquels elle s 'accroche dsesprment, n'ont pas plus de consis-tance que l'existence vaine qui est la sienne depuis qu'elle connat la gloire. Elle rencontresans doute un prince charmant bien rel, mais ce beau jeune homme symbolise la strilitet l'impuissance. Son nonconformisme sexuel (elle couche avec des hommes qui sont d'uneclasse infrieure la sienne) est sans doute refus de la facticit, mais il est aussi le symtmed'une inadaptation radicale, d'une incapacit affronter le prsent. Sa mort est la cons-

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    quence logique de sa lchet, ou mieux d'une certaine inconsqence trs fminine et trs atta-chante. O est donc la v rit ? Ni dans les con tes bleus des ternelles pe tites filles, ni biensr dans la vie mondaine. Elle est dans une certaine lucidit dsenchante dont Harry Dawes,l 'ancien metteur en scne de la Comtesse, e s t. le sduisan t reprsentant. Elle est aussi dansle travail, et prcisment dans des films (tels ceux que Mankiewicz tourne titre de produc-

    teur indpendant) qui donneront de la ralit une vue bien plus profonde que celle des* films de q uat' sous (peuttre ceux de Greg ory La C ava ?) trop aims p ar notre adora bleComtesse. Maria Vargas, Comtesse TorlaioFavrini, victime du mauvais cinma tout aussinocif que la vie mondaine, parce qu'aussi factice. La morale de ce film admirable estextrmement svre : la route qui mne l 'authenticit est une route trs dure sur laquelleHarry Dawes a trbuch et que Maria Vargas n 'a pu suivre jusqu'au bout (Harry Dawesquittant la tombe de Maria pour retourner son travail, au dernier plan de ce film, l'illustreparfaitement). On pouvait craindre qu'un thme aussi difficile que celui du conflit de l'appa-rence et du rel soit trait avec scheresse. Il n'en est rien, car les variations qui se greffentsur lui sont de haute qualit. Mankiewicz oppose dans un dialogue blouissant deuxconceptions, deux attitudes l 'gard de la richesse, l 'esprit d'accumulation et l 'esprit de pro-digalit et de faste.

    Cette insistance avec laquelle les cinastes les plus importants de la jeune gnrationdcrivent les diffrentes modalits de la conscience aline, nous la trouverions chez desauteurs plus anciens, comme Hawks (je rappelle pour mmoire tout le rle de Maryn Momoedans Gentlemen prefer Bio/2cfes).

    Chez Hitchcock, le problme est abord l'intrieur d'une dialectique qui est celle de laconscience criminelle, dialectique existentielle qui ne prend son sens que par rfrence la socit capitaliste amricaine. Si le criminel ne peut s'affirmer que dans la ngation "d'au-trui, c'est qu'il ne lui est pas possible de se raliser dans des valeurs universelles quin'existent plus parce qu e le systme les a dtruites depuis longtemps. La peur du gendarmequi peut donner rflchir aux mdiocres ne saurait faire reculer les individus hors sriequi fascinent littralement Hitchcock autant qu'ils lui rpugnent.

    Peuttre auraton admis que le chemin qui mne de Marx Minnelli, Mankiewicz etquelques autres est moins long qu'il ne parat. Et pourquoi condamner des auteurs qui seportent garants d'une crise trs grave du systme des valeurs purement matrielles del'conomie amricaine . Qu'ils ne propos ent qu e d es solutions de fuite, je le veux bien. 11n'en reste pas moins que j 'attends encore des , tmoignages au ssi'luc ides et aussi graves surla dcomposition de notre civilisation.

    Jean DOMARCHI.

    Le metteur en scne Harry Dawes (Humohrev Bojrnrt) dans LaComtesse aux Pieds nus de Joseph L. Mankiewicz.

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    BECKERet

    L U P I N

    par Fred Carson L3Arsne Lupin quimagina le dessinateurLo Fontan.

    Les dbuts, lins et milieux de sicles sont toujours marqus par de soudaines rsurrections.Ainsi, en cette deuxime moiti du XXe, voyonsnous Arsne, Lupin resurgir de ses cendres(au fait le cada vre calcin dcouvert ct de celui de la be lle Dolors Kess elbach taitil lesien ?). Le Club de s Libraires publiait en 1954 Arsne Lupin gentlem an cambrioleur, suivi de

    L'Aigui lle Creuse et du Bouchon de Cristal. Puis Hachette ressortait de nouvelles ditions de laplupart des titres, cependant que Valre Catogan livrait en une plaquette publie par lesEditions de Minuit des rvlations sensationnelles : Le Secret des Bois de France ou la vritableidentit d'Arsne Lupin... Mai 1956 : grand branlebas chez les lupinistes acharns, la suitede l 'annonce de la mise en chantier des Aventures d'Arsne Lupin sous la direction de JacquesBecker. Je ne cachais pas mes craintes au producteur lors d'un djeuner de labadens. Le fiouchcn de Cristal, m'apprenaitil, n'avait pas plu Becker... Je ne connaissais pas Becker per-sonnellement, mais je me mis rviser mes jugements sur ses films antrieurs. Comment donc,il n'aim ait pa s Lupin ! Il y a quelqu es mois, Robert Lamoureux se permit l' ga rd de Leblancune apprciation qui ne comportait mme pas le nombre de lettres jadis utilis par Cambronne.J'tais prt de har Becker : non seulement il n'aimait pas Lupin, mais il le traitait de tous lesnoms... Aussi estce avec beaucoup d'apprhension que je m'approchais un aprsmidi d'aotdu plateau C aux studios de SaintMaurice... Du coup, je compris que mes interlocuteurs passsava ient dform la pen se de Becker. Non ! Je me trouvais en face d'un lupiniste, mais fa rou-chement oppos au biographe attitr du grand aventurier. Car il convient de savoir que lespartisans de Lupin se divisent en deux camps : ceux qui rendent hommage Maurice Leblancet ceux qui l'accusent de ne pas soigner son criture. Jacques Becker se range parmi ces der-

    niers. Quant moi, vous l'auriez devin, je vnre l'historiographe comme le hros, je lis etrelis avec plaisir et profit toute l 'uvre... Certes, j 'admets avec Becker et quelques autres queArsne Lupin gentleman cambrioleur constitue une sorte de chefd'uvre, mais je retrouve laverve initiale de Leblanc en plus d'une page dautres de ses livres. Je n'approuve pas le pointde vue de Becker, mais j'avoue au'il se tient.

    Le producteur, ditil en substance, me parla d'un film sur les aventures de Lupin. Leproj et m'intressait. On me montra une adaptation du Bouchon de Cristal, mais cette histoire neme plaisait pas, Ja psychologie des personnages ne me convenait pas. Certes on aurait purester fidle au texte, mais cela aurait rappel le style c Rose Rouge et n'aurait amus quequelques spectateurs seulement... Le seul livre vraiment bien dans J'uvre de Leblanc, c'estJe Gentleman Cambrioleur, mais Jes droits n'taient pas libres^ comme pour d'autres aventuresde Lupin qu i me sdu isai en t. Ce que Le blan c et Craisset ont fa it dans le ur pi c e es t auss imauvais mon avis. En gnral chez Leblanc, les femmes sont mal dessines... Les histoiressont mal crites, mal construites.

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    Pendant le tournage des Aventures dArsne Lupin, Jacques Beckeret sa fille Sophie, scriptgirl.

    Mais si vous n'aimez p as Leblanc, pourq uoi av oir fait un film sur Lupin ?

    Mais j 'aime Lupin ; ce qui me plat, c'est le ct malin et mme diaioiigue du person-nage... Par exemple Arsne Lupin vient,dtre relch, parce qu'an ne sait pas que c'est lui ;i'inspecfeur Ganimard vient s 'asseoir prs de lui; Lupin le regarde et clae de rire... Dans sonbureau, le Prfet de Police se tourne vers le Sous-Chef de Ja Sref Wei>er et lui dit : Du feu,Rodolphe , exac/emeni comme Je fa is ait Lupin quand ij luttait contre lui...

    Je proteste contre l'accusation de * mal crit s. Je cite l'appui de ma thse certains pas-sages de La Com tesse de CagJios/ro que je viens de relire... Mais justement Becker n'a paslu celuil (je souponne trs fortement qu'il y en a deux ou trois autres qu'il ne connat pas).

    Mais il y a plus grave : Becker reproche Leblanc de faire disparatre d'une grande partiede ses romans Lupin au profil d'autres personnages, tels qu'Isidore Baufrelet, le dput Daubiec q. etc..., qui sont tout fait l'imag e d e Lupin. Mais ce reproch e en estil un ? Jadm ets q ue

    l'absence de Lupin dans la plus grande moiti du Triangle d'Or et de L'Ile aux Trente Cercueilsm'ennuie, j 'avoue que sa trs brve apparition fait de L'Eclat d' Obu s un mauvais livre, mais sonincarnation dans les ennemis quil combat est voulue, ncessaire. Sherlock Holmes force dese glisser entre toutes les pages de ses aventures finit par ennuyer et je connais pas mal depersonnes qui lui prfrent son gnial ennemi, le Docteur Moriarty. Chez Leblanc, ces ddouble-ments sont significatifs : ils traduisent l'ambigut foncire de l'homme et de ses entreprises.Daubrecq utilise les procds et une intelligence gale celle de Lupin. Herlock Sholms estaussi fort que lui, et le jeune Isidore Bautrelet dpasse en adresse Sholms. Le mal et le biensoni prsents en chacun d'eux, comme en Lupin luimme. Seulement Lupin a reconnu la rela-tivit des cat gories morales : il a choisi de ne p as tre hypocrite ; au ba nqu ier Kess elbach qu'ila li sur une chaise et qui le traite de bandit, il rtorque en souriant : Toi, tu voles en Bourse,moi je vole en appartements. >

    Ce qui est sympathique chez lui, c'est son got de la mise en scne, pour pater le public,pour soigner sa publicit. Lupin ne vit que pour ses exploits, non par ses exploits. Ses aventures

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    sont la justification de son existence. Et ce n'est pas tant ce qui lui arrive que la situation desautres qui l'infresse au premier chef. Je suis certain qu'il a luimme oblig Leblanc construireses romans de la faon que nous connaissons... Si on aime Lupin, il faut admettre sa dialectiqueniime.. .

    Nous parlons ensuite des divers interprtes du rle : John Barrymore, Jules Berry, etc...Becker ne semble pas avoir vu le personnage jou par "Melvyn Douglas.

    Non seulement Becker aime son personnage, mais il ne cesse d'y penser. Sans arrt ilimprovise : *Je veux faire dire Lupin , quand le Kaiser lui demande comment il a choisi sa...proression : < J'avais une nourrice qui me disait : mon enfant, ne ronge pas tes ongles, ils sont loi ; si tu aimes les ongles, ma nge ceux de s autres... s

    C'est du Violeur', mine Darien...

    Brave Victoire : elle n'eut certes pa s t ca pa ble de dire pare ille chose ! Mais qu'importe :Becker a une conception personnelle de Lupin ; il a apport des changements ncessits sansdoute par son interprte. Mais il a tenu conserver l 'poque et quelques pisodes clbres (ici

    entirement renouvels) : le vol en htel, les contacts avec le Prsident du Conseil, les rela-tions avec le Kaiser, etc...

    Aprs ma conversation avec Jacques Becker, aprs mes visites sur le plateau, j 'ai l 'impres-sion que Les A ven tu res d 'A rsne Lupin resteront en dfinitive d'une grande fidlit Leblancet, videmment, Lupin.

    Fred CARSON.

    Les Aventures d'Arsne Lupin : Robert Lnmoureux et Liselotte Pulver.

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    LE P E T I T J O U R N A L DU C I N M A

    PAR J. BERANGER, C. BITSCH, A. MARTIN ET L. MOULLET

    MO AN DER , Gustav Molander se lancedans ia couleur. En 1954, il a ralis er> Gevacolor un remake du Trsor dArne, avec UllaJacob'on. En ce moment, il prpare une .nou-velle ve.sion du Cha nt de la Fleur Ecarlate,daprs le roman finlandais de Sinnankoski

    2ui av it dj inspir Stiller. La Fille en HabitA rn Mattson, avec Maj Britt Nllson, estgalement en couleurs. En couleurs, enfin,

    le documentaire de long mtrage : Le L opa rd En .hant quArne Scksdorff vient de

    commencer aux Indes. J.B.

    SJ03ZRG. S'berg vient de terminer unnouveau f.lm qui ne sera prsent qu'en septemb e : Sisia Paret ut (Le De rn ier Co up le qu i cctiif). Le titre est inspir dun jeu folklo-rique typiquement sudois, o les diffrents

    Trois in terpr tes du D ern ie r C ouple gu icourt , dAlf Sjoberg.

    partenaires se poursuivent les uns ies autres.Les interprtes sont : Eva Dahlbeck, qui esten train de devenir la plus grande star su-doise actuelle, Olof W idgren, Jarl Kulle,Harriet And erson , et, la grand e rvlation,Bibi Anderson, qui a effectu ses dbuts landernier dans Egen Ingang {Entre iniefdite),de Has se E km an . J.B .

    T.V. AUX U.S .A. Notre numro sp -cial sur le Cin Am ricain serait dm od,paratil, pour n'avoir pas fait tat de la T.V.aux U.S.A. Mettons donc les choses aupoint : la T .V ; est une som me de grossesentreprises industrielles, sans m e ni cons-cience, c'est Hollywood telle que se limagi-nen t ceux q ui voient un film par mois ;de pUis en plus elle devient un gagnepain,si le Cinma s'affirme le seul mode d'expresson possible ; elle mange ceux qui ont faim,les Borzage, W eis, Nyb y, A m atea u ; mais elleforme les jeunes: une mise en scne de T.V.correspond a un assistanat au cinma; c'estainsi que certains deviennent ralisateurs pourla Fox ou la Par am oun t sans jamais treentrs dans un studio, sans jamais avoir cirles chaussures des Big Bosses.

    Quelques grands homm es de Hollywoodfont de la T.V. pour s'amuser ou pour ga-gner de quoi fonder leur propre firme: Hitch-cock soccupe trs peu de ses sries A lf redHitch cock prse nts ; la preuve que ce n'estpas srieux, cest quil en confie la ralisa-tion ... A rnold Lav en ; Samuel Fuller, lui,en profite pour faire des voyages lil et ali-m ente r les fin anc es de sa Glo be (il estd ailleurs si ma lin q u il a russi obtenirlautorisation de Prague pour tourner une par-tie de son prochain film, The Big Red One,en Tchcoslovaquie..).

    L essentiel de la T .V ., ce sont les sries.de la S re en Dir ecto rs Guilcl H 95556). Il ya par exemple la srie John Ford, la srieFred Znneman, etc... Ford a fait Roo kie ofthe Year (La. Recrue, de VAnne) avec VeraMiles et Pat W ay ne (le fils de lohn) ; Zinnemann a adapt M ar^ hei m de R. L. Steven-son; Lo McCarey, en sus de ses Tom and

    Je rry, a tourn quelques petites comdies biengentilles, dans le genre Celte Sacre Vrit;Stuart Heisler a film un western, The Brush

    R cpsr. avec Walter Brennan, Olive Carey etLee Aaker. On note aussi les sries Tay Garnett qui parat se consacrer au petit cran[The Carroll Formula, avec Michael Wilding),Tohn Brahm, and so o