Cahiers du Cinema 121

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    CAHIERS

    D U C I N M A

    121 * REVUE MENSUELLE DE CINMA JUILL ET 1961 * 121

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    Cahiers du CinmaNOTRE COUVERTURE

    Oscar Werner et Jeanne Moreau dans JULES ET JIMdont Franois Truffant vientdachever le tournage (Fi lms du CarrosseSdif).

    Ne manquez pas de prendre

    page 44.

    LE CONSEIL DES DIX

    JUIDL ET 1961 TOM E X X I No 121

    S O M M A I R E

    Jacques Doniol-Valcrozeet Eric Rohmer .......... En tretien avec Otto Preminger ................. I

    Eric Rohmer ..................... Le go t de la beaut ................................ 18

    Max Ophuls ..................... Souvenirs (II I) - ............................................ 26

    Franois Mars ................. Autopsie du gag (IV) ................................ 32

    Les Films

    Jacques Joly ................... Le gnie de lanalyse (Exodus) ................. 45Luc Moullet ..................... La splendeur du Paradoxe (Le Por t de la

    drogue) .......................................................... 47

    Michel Delahaye ............. La face cache (Elmer Gantvy) ............ 51

    Jacques Joly ..................... La mon tagne de verre (Celui pa r qui lescandale arrive) ........................................ 52

    Jacques Siclier ............... Paphnucc et les chacals (Mre Jeannedes Anges) ................................................... 55

    Fereydoun Hoveyda ........ Le bonjour de Sala (La Reine des Amazones) ..................................... ...................... 58

    Filmographie dOtto Preminger .................................................................. ....12

    Petit Jo urn al du Cinma .................................................................. ....41

    Livres de Cinma ...................................................................................................60

    Films sortis Paris du 3 mai au 6 ju in 1961 ........................................... ....61

    CAHIERS DU CINEMA, revue mensuelle de Cinma

    Rdacteurs en ch ef : Jacques Doniol-Valcroze et Eric Rohmer.146, Champs-Elyses , Pa ris

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    Otto Preminger dirige Paul Newman dans Exodus.

    E N T R E T I E N A V E C

    O T T O P R E M I N G E R

    par Jacques Doniol-Valcroze

    et Eric Rohmer

    Cet entretien est le fruit de la seconde rencontre des C a h i e r s avec Otto Preminger.Les propos tenus au cours de la premire ont t, rappelons-le, rapports par Jacques Rivette,dans notre numro 29, en dcembre 1953. C'est pourquoi nous nJavons pas pos notre interlocuteur de questions sur les films qu'il tourna avant cette date. Il y a toutes raisons, d'ailleurs, de penser qu'il les et ludes avec la mme courtoisie et fermet quil fait engnral pour toutes celles qui se rapportent de faon trop prcise son uvre. Mais les ides gnrales nous fournirent vite un agrable terrain d'entente.

    Une premire filmographie d'Otto Preminger avait t publie, ia suite de l'article

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    Joan Crawford dans Daisy Kcnyon.

    de Jacques Rivette. Plutt que la complter par des addenda, en l'occurrence trop nombreux,nous avons prfr, pour la commodit du lecteur, reprendre entirement notre travail.

    Pouvez-vous nous parler de vos annes de thtre ? Vous considrez-vous commeun disciple de Max Reinhardt ?

    Jai cinquante-quatre ans, et j'espre bien que je me suis, depuis longtemps,

    dgag de toutes les influences. N'empche que j'ai beaucoup dadmiration pour MaxReinhardt, qui Jai succd, la tte du thtre Josefstadt, Vienne, de 1930 1934, avant mon dpart pour l Amrique. J ai beaucoup appris de lui. C tait un grandmetteur en scne, surtout en matire de direction d'acteurs.

    Cest seulement aux Etats-Unis que jai commenc mintresser au cinma. Jen avais jusque-l jamais tourn de films (1).

    (1) Cf Rencontre avec Otto Preminger , Cahiers du Cinma n 29, p. 8 : Je l'i nterrogesur ces premires annes dans les studios autrichiens : il s'tonne, ne se souvient de rien ; mesquestions se faisant plus prcises, il consent y reconnatre quelque part de vrit : un ou deuxfilms, simples exercices sans importance. Ne peut-il pourtant donner un nom, un titre ? Non, rien dintressant, il a tout oubli : son uvre commence Laura.

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    Dana Andrews et Gene Tierney dans Where the Sidewalk Ends.

    Je suis donc bien, lorigine, un homme de thtre, et ma formation thtralema marqu, je n en disconviens pas. Elle fait que je mintresse au travail des acteurs debeaucoup plus prs que ceux de mes confrres qui viennent du scnario, de la photographie, ou du montage. Ce que jaime, cest aider les comdiens dcouvrir des formes dexpression toujours nouvelles, et surtout sortir des types convenus, ce qui, Hollywood,nest pas la chose la plus facile.

    Un progrs quon doit accepter.

    Mais je ne crois pas qu'on puisse maccuser de faire du thtre dans mes films. Ce quime plat, au contraire, dans le cinma, ce sont les moyens qui lui permettent de fuir loptique thtrale. Ces moyens sont, l heure prsente, refuss la tlvision : les films quelon tourne pour la T.V. sont trs thtraux, par le fait du manque dargent qui vous force oprer devant des dcors peints. Au cinma, au contraire, grce aux techniques modernes,aux pellicules ultra-sensibles, nous pouvons maintenant, que ce soit en noir et blanc ou encouleurs, nous passer de studios et tourner sur les lieux mmes de laction, comme jaifait pour Autopsie d'un meurtre et pour Exodus. J aurais pu, bien sr, tourner Autopsie

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    Hollywood, presque exactement comme je lai fait Michigan. A cette diffrence prs quHollywood les figurants sont des figurants, tandis qu Michigan les gens sont des gens.

    C est une erreur de faire des rserves devant la couleur et le grand cran, comme celasest pass longtemps en Amrique, et se produit encore trop souvent en Europe. Les criti

    ques croient quun bon film doit tre forcment en noir et blanc et sur cran normal !Couleur et grand cran reprsentent un progrs que lon doit accepter, bien que je ne croiepas cjue tous les films, sans exception, doivent tre tourns de cette faon : cela dpend dusujet que l on traite ; mes deux prochains films seront en noir et blanc et sur cran classique.Mais, si lon veut montrer un pays inconnu, si le paysage joue un grand rle, mieux vaututiliser les nouveaux procds. Pour moi, la couleur doit tre au service du ralisme. C estainsi que je lai utilise dans Exodus. J ai vit les projecteurs colors, les maquillagesexcessifs. Eva-Marie Saint y semble plus ge, parce quelle y parat son ge rel. Dans cesdcors vrais, on ne peut tolrer la prsence dune comdienne maquille, Tout se tient :le tournage hors des studios a ses obligations.

    Couleur et scope entranent un allongement de la dure du film. Du moment quonse met concurrencer la T.V., il faut la battre aussi par la longueur du spectacle, afin demieux retenir les gens hors de chez eux J Mais il y a une autre raison : les histoires de

    tlvision ont lhabitude de se contenter de types , de caractres simplifis lextrme.Le rle du cinma doit tre de dvelopper, dexpliquer, de fouiller ces caractres, et, pourcela, il es t ncessaire de deux, ou mme de trois heures de projection. J ai coup onzeminutes dans la version franaise d Exodus, sur le conseil des distributeurs ; mas, mmesi je coupais une heure, il y aurait encore des gens pour dire que cest trop long. La longueur ne se mesure pas en mtres de pellicule. Tout dpend du sujet que lon traite. Et cen est pas une rgle absolue : une heure et demie, une heure quarante peut suffire dans lecas dun film policier, par exemple celui que je vais tourner maintenant New York, etqui sera mon premier suspense depuis La ma. Il s appellera Bunny Lake Is Missing ;cest lhistoire dun kidnapping.

    Lubitsch et Shaw.

    Vous avez t le collaborateur de Lubi tsch : vous ne vous recommandez pas de lui,non plus ?

    Si Lubitsch a un successeur, ce nest pas moi, mais Billy Wilder. Son. systme estcontre ma nature. Tout, chez lui, tait en fonction du trait, de la simplification comique, dugag visuel, ou du mot . Moi, jaime que lhumour vienne du caractre des personnages,comme, par exemple, dans La Lun e tait bleue. Ce qui tait drle, dans ce film, ctait lepoint de vue de la jeune Fille, le point de vue de la professionnal virgin. Le comique venaitdonc du personnage mme, et non de la faon de montrer celui-ci.

    Dans une comdie, on prend une situation et on lui fait subir un traitement pour larendre amusante, mme si ce traitement va contre la vrit des caractres. Moi, je suis incapable de cela. Il mest impossible de tout subordonner leffet comique. Jai tourn RoyalScandai sur un scnario et dans lesprit de Lubitsch, mais cest une exception dans ma

    carrire. Cest l un tout autre style que le mien.Si je retournais un tel sujet, je le ferais plutt la manire de Bernard Shaw, qui part

    toujours de la vrit des caractres. Il est vrai que, dans Sainte Jeanne, jai trop cd lasduction que Shaw exerait sur moi Je ne me suis pas aperu que son humour tait tropintellectuel du moins pour le grand public. Celui-ci attend de Sainte Jeanne une motionqui n existe pans dans la pice de Shaw, ni dans le film. On a fait endosser Jean Sebergtoute la responsabilit de lchec : c est injuste. J admets q uelle n tait pas et, mme maintenant, nest pas une trs grande actrice, mais pour ce film, jai toujours pens quil taitplus important davoir une jeune fille quune trs grande actrice. Jeanne tait jeune,et cest ce caractre quil fallait prserver avant tout. Dailleurs, je crois que Jean Sebergn tait pas aussi mauvaise qu 'on a bien voulu dire en Amrique. Au fond, j aime mon filmet je suis heureux que vous soyez quelques-uns, en France, laimer.

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    Dorothy Drundridge et Harry Belaonte dans Carmen Jones.

    Un film est l'uvre dun seul.

    La dire dion des acteurs est-elle la chose qui compte le plus pour vous ?

    Non, cest le scnario. C est du moins, mon principal souci. Je travaille en collaboration troite avec le scnariste. Nous nous voyons chaque jour, nous discutons de chaque scne, dans les moindres dtails. Mais, une fois que je me suis mis daccord avec lui,je ne change plus une rplique. La qualit du scnario est dailleurs, pour moi, garante de

    celle du film. Un scnario ne saurait jamais tre assez travaill. Cest en quoi je mopposeaux jeunes Franais de la Nouvelle Vague qui font, je cros, des films sans scnario.Le scnario doit possder une cohsion interne, presque se suffire lui-mme. Je naime

    pas lcrire en fonction de tel ou tel acteur. Mes interprtes, je les choisis, une fois lardaction entirement acheve. Cest le caractre du comdien qui doit sadapter celuidu personnage, et non linverse.

    Fous choisissez vos sujets en toute libert ?

    Oui. En Amrique dailleurs, maintenant, le dveloppement d lindustrie motque je dteste : cest bon pour l automobile, non pour le cinma suit curieusement celuique vous observez en Europe. ' Tous les films dimportance sont le rsultat d entreprisesindividuelles, quil sagisse de la production ou de la mise en scne. La dictature des grandsstudios, des grandes compagnies, des grands patrons comme Zanuck n existe plus ou vadisparatre.

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    Nous, les producteurs indpendants, nous avons maintenant entire autonomie, mmeen ce qui concerne la publicit. En matire de publicit, cest moi que revient la dcisionfinale : j ai pu ainsi imposer les affiches de Saul Bass. Et c est trs important, car une publicit trop tapageuse ou mal adapte au caractre du film risque de faire dchoir le cinma durang, sinon dart pur, du moins de mtier artistique o nous avons russi pniblement linstaller. Et c'est prcisment parce que nos droits ont t lents conqurir, quil fautles dfendre maintenant avec la plus grande vigilance, contre toutes sor tes dennemis : publicit, censure, monopoles... Sinon, le cinma redeviendra ce quil tait auparavant.

    Nous tournons moins de films quautrefois. Mas cest l un avantage, car ils sont plusimportants et, surtout, ils sont luvre d-un seul individu qui leur imprime sa marque. Si lefilm est bon, lui le mrite, sil est mauvais, lui la faute. De toute faon, il y a un responsable et un seul. Plus dalibis possibles.

    En revanche, jai le droit de ne pas considrer Am bre comme une de mes propresuvres. Son tournage, entrepris par un de mes confrres, avait t dsastreux et Zanuck,auquel jtais li par contrat, fit appel moi pour sauver la situation. Comme jhsitais, ilinsista : Je sais que vous n'aimez pas le suje t. Mais a n'a aucune importance. Nousavons besoin de vous. Vous faites partie de notre team. On vous paiera tant de dollarspar. semaine. La responsabilit, cest nous qui la portons. II ne m tait pas possible dene pas accepter. Un contrat de sept ans avec la Fox, a ne se rompt pas la lgre. Etpuis, jtais en excellents termes avec Zanuck.

    Mais, maintenant, si je fais un choix, cest mcn choix. Et si le film est mauvais, cestma faute. Le sentiment de votre responsabilit vous fait avoir du cur louvrage. Si vousvous trompez, eh bien, tant pis ! Ce qui compte, cest lenthousiasme que vous apportezdans votre travail.

    Je ne yeux pas me spcialiser,

    Mais vous ne tournez jamais de sujets originaux.

    C est vrai. Du moins jusqu prsent. Je ne suis pas de rgles, mais, en gnral,quand jadapte un sujet, je le modifie tel point quon ne peut dire quil sagit dune histoireoriginale. Par exemple, jai l'intention de tourner dvise and Consent, un best-seller publien franais sous le titre

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    Frank Sinatra dans The M-an with the Golden Arm.

    pouvais sur ce thme ou dans ce genre. Je suis vid . Il faut absolument que je passe autre chose. Jaime les histoires que je tourne, et jy travaille une anne entire etmme parfois deux dans la joie la plus intense. Mais, s il fallait que je recommence,ce ne serait plus pour moi quun pensum dcolier.

    Je ne cherche pas, je trouve.

    71 semble que vous soyez, de plus en plus, intress par de

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    moi : le plus souvent dans un livre. C est ainsi que j ai achet les droits dun roman quiconte les sept histoires parallles de sept jeunes hommes et femmes, pendant les annes1945-1950, cest--dire entre la fin de la seconde guerre mondiale et le dbut de la guerrede Core. Cela se passe dans le monde entier et touchera vraiment aux grands problmesactuels (bombe atomique, communisme). Lorsque le film sera achev, il n aura vraisemblablement plus beaucoup de rapports avec le livre. Ce sera presque une uvre originale. Leroman m aura servi seulem ent de point de dpart. C est dans le mme esprit que jadapteraile- roman de Christian Mgret, Carrefour des Solitudes . Il s agit de l histoire d unsoldat amricain, en France, aprs la guerre. Le personnage, qui est un Noir, dans le livre,deviendra chez moi un Amricain tout court. Cela me semble plus intressant, pour ceque je veux faire.

    Il est beaucoup plus facile, lorsquon possde une base solide, dexpliquer ses intentions un scnariste. Vous voyez, au contraire, jusqu dix noms dauteurs sur le gnrique dunfilm construit sur une ide originale. Ajouter est moins commode et moins fructueux queretrancher.

    Notre domaine est la fiction.

    Mais ne croyez surtout pas, si je vous raconte ces projets, que je vais dsormais mespcialiser dans les problmes politico-sociaux. Bunny Lake Is Missing, que je tourneraiauparavant, sera une simple histoire policire. Et pourtant, l aussi, il y a un thme social La mre de la petite fille qui a t kidnappe nest pas marie et cette histoire, telle que jela raconte, ne peut arriver une mre qui a un mari. Cette femme na mme pas la possibilit de prouver quelle a eu une fille. Le pre de lenfant, qui est un homme mari, prtend quil ne la connat pas. Si lon ne vit pas dans notre socit dune manire conformiste,la loi ne vous pfotge pas : telle est, si l on veut, la morale de lhistoire, bien q uil nesagisse l que dun tout petit aspect du film. Ce qui mintresse, surtout, cest de montrerune femme seule dans une grande ville ; j installerai ma camra en pleine rue, comme

    dans A bout de souffle, que j'ai vu et que jaime beaucoup, pour sa faon de montrer Paris,et aussi parce quil prouve que Jean Seberg n tait pas aussi mauvaise actrice que a.

    Un trait commun vos personnages, c'est quils se heurtent la socit.

    Pas toujours, mais souvent. Cest ce qui fait le drame, le conflit conflit entre lesgnrations, entre les races, entre les morales. Dans un drame digne de ce nom, chacun desantagonistes doit avoir les mmes droits s exprimer. Je ne dis pas. que je ne p renne pasparti, mais j aime laisser la parole ladversaire. Si vous lisez le roman qui a inspi r Exodus,vous trouverez que la propagande y occupe une grande place. Il est vident que je suis

    pour les Juifs, car, lorsquon fait un film sur une rvolution, on ne peut tre contre la rvolution, cela va de soi. Mais je nai pas cach que les Anglais les Israliens en sontmaintenant convaincus se sont montrs aussi fair play que le permettaient les circonstances. J ai insist sur les divisions entre Juifs. C est pourquoi certains Juifs boudent mon

    film. Exodus a eu un immense succs en Angleterre, bien que, le soir de la premire, la fin de la projection, le public ait cru bon de se lever et dentonner God Save the King.

    Exodus est plus serein, moins critique que vos films prcdents, dont certains sontteints de pessimisme.

    ~ Chaque sujet a son ton propre. Autopsie dun meurtre montrait quil ny a pas dejustice absolue et que, par tant, il vaut mieux acquitter un coupable que condamner un innocent. Ce n est peut- tre pas l ce quon appelle une fin , mais est-ce, pour autant, dupessimisme ? La fin de L Hom me au bras dor tait optimiste, et pourtant on ma accus,en Amrique, de prch er pour la drogue. J ai, au contrairi voulu montrer que lon pouvaitsoigner le mal.

    Je ne cherche pas montrer la vrit absolue. Sil marrive de latteindre, cest seulement travers la fiction. Plaire au spectateur et le faire penser en mme temps un tout

    petit peu, voil mon but. Il y a toujours des ides, si vous voulez, derrire les histoires

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    Jean Seberg, Deborah Ken* et David Niven dans Bonjour tristesse.

    que je raconte, mais ces ides, je tiens ce quelles n apparaissent pas trop. Sinon, monhistoire ne serait plus une bonne histoire.

    Je suis d'abord un homme qui fait des films. Mon idal est de mexprimer le mot estpeut-tre prtentieux par des films, cest--dire par des histoires. Et ces histoires, jenai pas de rgle pour les choisir, mais je crois quelles ont toutes, de quelque manire, leurvrit. Sinon, elles ne mintresseraient pas.

    Improvisation et simplicit.

    Pouvez-vous nous parler de vo tre faon de travailler ? Faites-vous rpter les

    acteurs ? Oui. Je fais toujours trois ou quatre semaines de rptitions, avant de commencer

    le tournage. Comme cela, je peux travailler sans hte, sans projecteurs, sans costumes, sansmaquillage : les acteurs sont dcontracts et ont tout le temps de penser. Ces rptitions,il ne mest pas toujours facile de les imposer. Quand jai tourn L'Hom me au bras dor,Sinatra ne voulait pas rpter, prtendant quil n tait pas un vritable comdien, mais,aprs quelques jours, il a pris got la chose, au point quil me proposait parfois lui-mmede reprendre la scne.

    No us admirons vos mouvements dappareil. Nous aimerions bien en percer le secret.

    Il ny a pas de secret, ou plutt il est trs simple. Quand je tourne, jai deux chosesen vue. La premire, cest de faire un film o lon ne sente pas la prsence du metteuren scne. La seconde, cest de tourner ma scne dune certaine faon que jai choisie, et

    de men tenir l. Jaime bien recommencer les prises (je vais parfois jusqu trente), mais

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    Jean Seberg dans Saint Joan.

    non pas, pour un mme plan, varier les angles. Je ne compte jamais sur les secours du

    montage.Cest pour ces deux raisons que jutilise le travelling.

    Ecrivez-vous un dcoupage technique, ou improvisez-vous ?

    J improvise. Mais, comme je vous ai dit, j ai auparavant rpt avec les acteurs.Regardez le dcoupage de Bunny Lake Is Missing ; c'est l son tat dfinitif et, vous voyez,

    je n ai crit que Je dialogue. Comme jai travaill de trs prs au scnario, je le connais parcur et, sur le plateau, on ne me voit jamais le script la main. De toute faon, je naimepas les angles curieux. Jaime les angles trs simples. Je ne crois pas quon soit un grandmetteur en scne, parce quon photographie le ciel ; moins que ce ne soit ncessaire lhistoire.

    Avant d' tre cinaste, alliez-vous au cinma ?

    Non. Je nallais quau thtre. Du cinma de cette poque-l, je ne connais rien,

    sauf peut-tre Garbo et Dietrich.

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    Drothy Dandiidye dans Porgy and Bess.

    Et, parmi les modernes, vers qui vont vos gots ? Je naime pas juger mes confrres.

    Mme les jeunes ?

    Jai de la sympathie pour la Nouvelle vague la franaise du moins, car jenai pas vu Shadoivs, et autres films new-yorkais. Cest elle, sans conteste, quappartientlavenir. Mais il ne faut pas oublier que, faire un film bon march, cest un avantage, dansla mesure o public et critiques sont plus enclins vous pardonner vos maladresses. Faireson premier film, cest aussi un avantage. Ces deux avantages-l ne se reprsenteront pluspar la suite. On ne peut pas toujours tourner avec de petits moyens et, la seconde fois, onattend plus de choses dun auteur de films, surtout en ce qui concerne la rigueur du rcit.Or, il faut dire que la construction dramatique n est pas le fort de la Nouvelle vague.N empche que, de faon gnrale, je suis partisan de tous les films exprimentaux, car,

    sans exprience, il n y a pas de progrs.(Propos recueillis au magntophone.)

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    FILMOGRAPHIE DOTTO PREMINGER

    1936. UNDER YOUR SPELL (TwentiethCentury Fox Film Corporation), 66 min.

    Pr. : John Stone.Sc. ; France;; James Hyland, Saul Elkins,

    daprs un sujet de Bernice Mason etSy Bartlett.

    Ph. ; Sidney Wagner.Mus. ; Arthur Lange.Montage : Fred Allen.

    Int. : Laurence Tibbett, Wendy Barrie,Gregory Ratoff, Arthur Treacoer, Gre-

    gory Gaye, Berton Churchill, JedProuty, Charles Richman,

    1937. DANG ER : LO VE A T WO RK(Twenteh Century Fox Film Corporation),81 min.

    Sc. : James Edward Grant et BenMarkson, daprs un sujet de JamesEdward Grant.

    Ph. : Virgil Miller.Mus. ; David Buttolph.Dec. : Duncan Cramer.

    Montage ; Jack Murray.

    Int . : An n Sothern Jack Haley, MaryBoland, Edward verett Horton, JohnCarradine, Walter Catlett, Bennie Bartlett, Alan Dinehart, Elisha Cook Jr,

    1942. MARGIN FOR ERROR (TwentiethCentury Fox Film Corporation), 74 min.

    Pr. ; Ralph Dinehart.Sc. : Lillian Hayward, daprs la pice

    de Clara Booth.Ph. : Joseph Valentine,Mus. : Emil Newmann.Int . ; Joan Bennett, Otto Preminger, Mil-

    ton Berle, Cari Esmond, Howard Free-

    man, Poldy Durr, Clyde Fillmore, Hansvon Twardowski, Ed McNamara.

    1944. IN THE MEANTIME, DARL1NG(Twentieth Century Fox Film Corp.),71 min.

    Pr. Oit Preminger.Sc. : Arthur Kober, Michael Uris.Ph. : Joe McDonald.Mtts. ; Emil Newman.Dec. ; Thomas Little, Walter M. Scott.Montage : Louis R. Loeffler.Int . ; Jeanne Crain, Frank Latimore, Eu

    gne PaHette, Mary Nash, Stanley Pra-ger, Gale Robbins.

    1944. LAURA (LaURa) (Twentieth CenturyFox Film Corp.), 88 min.

    Pr. ; Otto Preminger,5c. : Jay Dratler, Sam uel H offenste in,

    daprs le roman de Vera Caspary.Ph. : Joseph LaShelle.Mus, ; David Raksin,Dec. ; Thomas Little, Walter M. Scott.Montage ; Louis R. Loeffler.

    In t. ; Gene Tierney, Dana And rews,Clifton Webb. Vincent Price, JudithAnderson.

    1945. A ROYAL SCANDAL ( S c a n d a l e aLA COUR) (Twentieth Century Fox FilmCorp.), 93 min .

    Pr, ; Ernst Lubitsch,Sc. ; Edwin Justus Mayer, daprs ladap

    tation par Bruno Frank de la piceCzarina de Lajos Biro et MelchiorLengyel (remake de Forfrfdn Para-dise, Lubitsch, 1924).

    Ph. ; Arthur Miller.Mua. ; Alfred Newman.

    Dec. : Thomas Little, Walter M. Scott.Montage ; Louis R. Loeffler.

    Int . .* Talulah Bankhead A nne Baxter,Charles Coburn, William Eythe, Vincent Price, Mischa Auer, Vladimir So~koloff, Sig Ruman.

    1945. FALLEN ANGEL ( C r i m e , p a s s i o n n e l )(Twentieth Century Fox Film Corp.),97 min.

    Pr. ; Otto Preminger.Sc. ; Harrv Kleiner, daprs le roman de

    Marty Holland,

    Ph. 'j Joseph LaShelle.Mas. : Emil Newman.Montage : Harry Reynolds.

    Int. : Alice Faye, Dana Andrews, LindaDarnell, Charles Bickford, Anne Rvr, Bruce Cabot, John Carradine,Percy Kilbride, O. Howln, H. Talla-ferro.

    1946. CENTENNIAL SUMMER (TwentiethCentury Fox), 103 min.

    Pr. : Otto Preminger.Sc. ; Michael Kanin, daprs le roman

    dAlbert E. Idell.Ph. : Ernest Palmer (Technicolor),

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    Jos Ferrer et Gene Tierney dans Whirlpool.

    Mus. : Alfred Newman.Dec. ; Thomas Little.Montage ; Louis R. Loeffler.Ini. : Jeanne Crain, Linda Darnell, Cor

    ne! Wilde, William Eythe, WalterBrennan, Constance Bennett, DorothyGish.

    1947. FOREVER AMBER (A m br e ) (Twen-tieth Century Fox), 2 h. 20 anin.Pr. : William Perlberg.Sc. : Philip Dunne, Ring Lardne r Jr.,

    daprs l'adaptation par Jerome Cady

    du romait de Kathleen 'Windsor.Ph. : Lon Shamroy (Technicolor).Mus. ; David Raksin.De c. : Thomas Little, Walter M. Scott.Montage : Louis R. Loeffler.Int. ; Linda Darnell, Corne! Wilde,

    George Sanders, Richard Greene, JessicaTandy, Lo G. Carroll. Richard Haydn,John Russell, Jane Bail,

    Tournage : 16 semaines,

    1947. DAISY KENYON ( F e m m e o u M a t r e s s e ) (Twentieth Century Fox FilmCorp.), 99 min.

    Pr. : Otto Preminger.Sc. : David Hertz, d aprs le roman

    dElizabeth Janeway.Ph. ; Lon Shamroy.Mus. ; David Raksin.Dc. ; Thomas Little, Walter M. Scott..Montage ; Louis R. Loeffler.

    Int. : Joan Crawford, Dana Andrews,Henry Fonda, Ruth Warrick, MarthaStewart, Peggy Ann Garner, ConnieMarshall, Nicholas Joy, Art Baker, Robert Karnes, John Davidson, VictoriaHorne, Roy Roberts.

    Tournage ; 7 semaines,

    194B. TH A T LAD Y 1N ERM1NE (LaDAME AU MANTEAU DHERMINE) (TwentiethC e n t u r y Fox), 89 min.

    Pr, : Ernst Lubitsch.RaL : Ernst Lubitsch (en fait, achev par

    Preminger aprs mort de Lubitsch).Sc. : Samson Raphaelson,Ph. : Lon Shamroy (Technicolor).Mus. : Lo Robin, Frederick Hollander,

    Alfred Newman.Int. : Betty Grable, Douglas Fairbanks

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    Jr. Csar Romero, Walter Abel, Regi-nald Gardiner, Harry Davenpoit. V.Campbell, Walter Biesell.

    1948. THE FAN (Twentieth Century Fox),80 min,

    Pr. : Otto Preminger.Sc. : Walter Reisch, Dorothy Parker et

    Ross Evans, d aprs la pice d OscarWilde Lady Winderm eres Fan (remakedu film portant ce titre, tourn parErnst Lubitsch en 1925).

    Ph. : Joseph LaShelle,Mus. ; Daniele Amfitheatrof.Dc. : Thomas Little, Paul S. Fox.Montage : Louis R, Loeffler.In t. : Jeanne Crain, Madeleine Carroll,

    George Sanders, Richard Greene, Mar-tita Hun t, Joh n Sut ton, H ugh Dem pster,Richard Ney, Virginia McDowall, HughMurray, Frank Elliott, John Burton,Trev or Ward, R andy .Stuart, PatriciaWalker, Eric Noonan, Winifred Harris,Alphonse Martell, Felippa Rock, ColinCampbeil, Terry -Kilburn, Tempe Pi-gott.

    Tournage : 5 semaines.

    1949. WHIRLPOOL ( Le m y s t r ie u x d o ct e u r K o r v o ) (Twentieth Century Fox),90 min.Pr. : Otto Preminger.Sc. : Ben Hecht, An drew Soit Lester

    Bartow, daprs le roman de GuyEndore.

    Ph. : Arthur Miller.

    Mus. : David Rafesin,Dec. : Thomas Little, Walter M. Scott.Montage ; Louis R. Loeffler.Int. : Gene Tierney, Richard Conte,

    Jos Ferrer, Charles Bickford, BarbaraONeil, Eduard Franz, Constance Collier, Fortunio Bonanova, Ruth Lee, lanMac Donald, Bruce Hamilton, AlexGerry Larry Keating, Mauritz Hugo,John Trebach, Myrtle Anderson, LarryDobkin, Jane van Duser, Nancy Vaien-tine, Claney Cooper, Eddie Dunn,Randy Stuart, Helen Wescott, MarkWilliams, Howard Negley, RobertFaulk, Charles J. Flynn.

    Tourn age .* 5 semaines.1950. WHERE THE S1DEWALK ENDS

    (Ma r k DiXON, d t e c t i v e) (Twentieth Century Fox), 95 min,Pr. ; Otto Preminger.Sc. : Ben Hecht, daprs ladaptation par

    Victor Trivas, Frank P. Rosenberg etRobert E. Kent, du roman de WilliamL. Stuart.

    Ph, ; Joseph LaShelle.Mtrs. : Lionel Newman.Dc. : Thomas Little, Walter M. Scott.Montage : Louis R. Loeffler.

    Int. ; Dana Andrews, Gene Tierney, GaryMerrill, Berth Freed, Tom Tully, KarlMalden, Ruth Donnelly, Craiff Stevens,Robe rt Simon, Harry von Zell, DonAppel!, Neville Brand, Grce Mills,Lou Krugman, David McMahon David

    Wolfe, Steve Roberts, Phil Tully, lanMac Donald, John Close, John McGuire,Lou Nova, Oleg Cassini, Louise Lori-mer, Lester Snarpe, Chili Williams,Robert Foulke, Eda Reiss Merin, MackWilliams, Duck Watson, Clancy Cooper, Bob Evans, Joseph Granby, CharlesJ. Flynn, Darry Thompson.

    Tournage : 7 semaines.

    1950. THE 13TH LETTER (TwentiethCentury Fox), 85 min,Pr. ; Otto Preminger.Sc. ; Howard Koch, daprs le scnario

    par Louis Chavance du film Le Corbeau(Clouzot, 1943).

    Ph. . Joseph LaShelle,Mus . : Alex North.Dec. ; Thomas Little, Walter M. Scott.Montage : Louis R. Loeffler.Int. ; Linda Darnell, Charles Boyer, Mi-

    ebael Rennie. Constance Smith, Fran-

    oise Rosay, Judith Evelyn, Guy Sorel,une Hedin, Paul Guevremont, GeorgeAlexander, J. Lo Gagnon, Ovila Le-gare.

    1952. ANGEL FACE (Un s j d o u x v i s a g e )Otto Preminger Productions-Radio KeithOrpheum), 91 min.Pr, ; Otto Preminger.Sc, ; Fra nck Nug ent et Oscar Millard,

    daprs un sujet de Chester Erskine.Ph. ; Harry Stradling.Mus. ; Dimtri Tiomkin,Dc. ; Darrell Silvera, Jack Mills.Montage ; Frdric Knudtson.In t. ; Jean Simmons, Robert Mitchum,

    Mon Freman, Herbert Marshall, LonAmes, Barbara ONeil, Kenneth Tobey,R. Grenleaf, Griff Barnett, Robert Gist,Jim. Backus.

    Tournage ; 5 semaines.

    1953. _ T H E MOON IS BLUE ( L a L u n e

    TAIT BLEUE.) (Preminger-Herbert Productions), 95 min.Pr. ; Otto Preminger, F. Hugh Herbert.5c. ; F. Hugh Herbert, daprs sa pice.Ph. : Ernest Laszlo.Mus. : Herschel Burke Gilbert.Montage : Louis R. Loeffler,In t. ; William Holden, David Nven, Mag-

    gie McNamara. Dawn Addams, GregoryRatoff, Tom Tully, Fortunio Bonanova.

    1953. RIVER OF NO RETURN ( R i v i r eSANS RETOUR) (Twentieth Century Fox),91 min.

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    Pr. : Stanley Rutain.iSc, : Fiank Fenton, daprs le roman de

    Louis Lentz.Ph. : Joseph LaShelle (CinemaScope,

    Technicolor).

    Mus. ; Cyril Mockridge.Dc. : Lyle Wheeler, Addison Helin.Montage ; Louis R, Loeffler.In t. : Marilyn Monroe, Robert Mitchum,

    Rory Calhoun, Tommy Rettig, MurvynVye, Douglas Spencer, Ed. Hinton, DonBeddoe, Claire Andr, Jack Mather, Ed-mund Cobb, Will Wright, Jarma Lewis,Hal Bayler.

    1954. CARMEN JONES {Carlyle Productions - Twe ntieh C entury Fox), 107 min.Pr. : Otto Preminger.Sc. : Harry Kleiner, daprs l'oprette

    dOscar Hammerstein 11, inspire delopra de Georges Bizet et de la nouvelle de Prosper Mrime.

    Ph. : Sam Leavitt (CinemaScope, DeLuxe Color),

    Mu s. : Georges Bizet, Oscar Hammerstein II,

    Dc. : Edward C. Ilon.Montagne ; Louis R. Loeffler,

    In t. : Dorothy Dandridpe, Harry Bela-fonte Olga James, Pearl Bailey, DiahannCarroll, Roy Glenn, Nick Stewart, JoeAdams, Broc Peters, Sandy LeV/is,Maury Lynn, DeForest Covan.

    Tournage : 4 semaines.

    1955. THE COURT MARTIAL OF BILLY MITCHELL (Condam n a u s i l e n c e )(United States Pictures - Warner Bros),100 min.Pr. ; Milton Spering,Sc . ; Milton Spering, Emmet Lavery.Ph. : Sam Leavitt (CinemaScope, War-

    nercolor).Mus. : Dimitri Tiomkin.Dc. ; William Kuehl.Montage ; Folmar Blangsted.Int. : Gary Cooper, Charles Bickford,

    Ralph Belamy, Rod Steiger, ElizabethMontgomery, Fred Clark, James Daly,

    Jack Lord, Peter Graves, Darren McGa-vin, Robert Simon, Charles Dngle,Dayton Lummis, Tom McKee, SteveRoberts, Herbert Heyes, Robert Bruba-ker, Phl A rnold, lan Wolfe, WillWright, Steve Holland, Adam Kennedy,Manning Ross, Carleton Young.

    Tournage ; 9 semaines.

    1955. THE MAN WITH THE GOLDENARM ( L H o m m e _a u b r a s d o r ) (CarlyleProductions - United Arists), 119 min.Pr. ; Otto Preminger.Sc. : Wa lter Newm an, Lewis Meltzei

    daprs le roman de Nelson Algren.

    Ph. : Sam Leavitt.Mus. : Elmer Bernstein,Montagne ; Louis R, Lffler.Gnrique : Saul Bass.

    Int. : Frank Sinatra, Eleanor Parker, Kim

    Novak, Arnold Stang, Darren McGavin,Robert Strauss, John Conte, Doro Me-rando, George E. Stone, George Ma-thews, Leonid Kinskey, Emile Meyer,Shorty Rogers, Shelly Manne, FrankRichards, R alph . Neff, Ernest Raboff,Martha Wentworth, Jerry Barclay, Lonard Bremen, Paul Burns, Charles Seel,Will Wright, Tommy Hart, Frank Mar-lowe, Joe McTurk.

    Tournage ; 6 semaines.

    1957. SAINT JOAN ( S a i n t e J e a n n e ) (WheelProductions - United Artists), 97 min.

    Pr. ; Otto Preminger.

    Sc. : Graham Greene (en principe seulement) daprs la pice de George Bernard Shaw.

    Ph , ; Georges Prinal.Mus. ; Mischa Spoliansky.Dc. : Roger Furse.Montage : Helga Cranston.Gnrique ; Saul Bass.

    Int. : Jean Seberg, Richard Widmark,Richard Todd, Sir John Gielgud, Anton Walbrook, Flix Aylmer, Barry jones, Harrv Andrews, Finlay Currie, Bernard Miles, Patrick Barr, KennethHaigh, Archie Duncan, Margot Gra-hame, Francis De Wolff, Victor Mad-dern, David Oxley, Sydney, Bromley,David Langton,

    Tournage : 10 semaines, en Angleterre,

    1957. BONJOUR TRISTESSE ( B o n j o u rTRISTESSE) (Wheel Production - Columbia Pictures), 97 min,

    Pr. ; Otto Preminger.Sc. : Arthur Laurents daprs le roman

    de Franoise Sagan.Ph, ; Georges Prinal (CinemaScope,

    Technicolor),Mus. ; Georges Auric.Montage : Helga Cranston,Gnrique ; Saul Bass.

    In t. : Jean Seberg, Deborah Kerr, DavidNiven, Mylne Demongeot, GeoffreyHorne Walter Chiari, Martita Hunt,Ronald Culver, David Oxley, JeanKent, Elga Anderson, Jeremy Burnham,Tutte Lemkcw, Evelyne Eygel, JulietteGrco.

    Tournage : 12 semaines, en France.

    1958. PORGY AND BESS (Samuel Gold-wyn Productions - Columbia Pictures),2 heures 16 mm.

    Pr. ; Samuel Goldwyn.

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    Lee Remick et Ben Gazzara dans A nato m y o f a Murder.

    Sc. : N. Richard Nash d aprs l oprettede George Gershwin, inspire de lapice Porgy de Du Bose et DorothyHeyward.

    Ph. : Lon Shamroy (Todd A.O. Technicolor).Mus. ; George Gershwin.Dec. ; Over Smith.Montage ; Daniel Mandell.Chorgraphie : Hermes Pan.

    Int. .* Sidney Poiter, Dorothy Dandrdge,Sammy Davis Jr., Pearl Bailey, BrockPeters, Leslie Scott, Diahann Carroll,Ruth Attaway, Clarence Muse, Ever-dinne Wilson, Jcel Fuellen, Earl Jackson, Moses La Marr, Margaret Hairston,Ivan Dixon, Antoine Durousseau, HelenThigp en, Vince Town send Jr., WilliamWa lker, Roy Glenn, Maurice Manson ,Claude Akins.

    Tournage ; 12 semaines.

    1059. ANATOMY OF A MURDER (Au t o p s i e d u n m e u r t r e ) (Carlyle Productions - Columbia Pictures), 2 h 40 min.

    Pr. : Otto Preminger.Sc. : Wendell May es d aprs le roman

    de Robert Traven.

    Ph. : Sam Leavitt,Mus. : Duke Ellington.Dec. : Boris Leven.Montage : Louis R. Loeffler.Gnriqe ; Saul Bass.

    Int . ; James Stewart, Lee Remick, BenGazzara, Arthur OConnell, Eve Aiden,Joseph N. AVelch, Murray Hamilton,Brooks West, Kathryn Grant, GeorgeC. Scott, Orson Bean. Ruse Brown, KenLynch. Lloyd, Le Vasseur, James Wa-ters, John Qualen, Howard McNear,Ned Wever, Jimmy Conlin, Royal Beal,Joseph Kearns, Don Russ, AlexandreCampbell, Duke Ellington, Irwng Cup-

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    Paul Madden et JiU Haworth dans Exoaus.

    cinet. {Ste^vart obtint le Prix dinterprtation masculine au Festival de Venise1959.)

    Tournage ; 8 semaines.

    I960. EXODUS ( E x o d u s ) {Carlyle Alpina

    Productions - United Artiste), 3 heures32 min.Pr. : Otto Preminger.Sc. ; Dalton Trum bo d'aprs le roman de

    Lon Uris.Ph. : Sam Leavitt (Panavision 70 mm,

    Technicolor).Mus. : Ernest Gold (Oscar 1960).Montagne ; Louis R. Loeffler.Gnrique : Saul Bass.

    Int . : Paul Newman, Eva-lVlarie Saint, SalMineo, Jill Haworth Sr iRalph Richard-

    son, Peter La'wford, Lee J. Cobb, JohnDerek, Alexandra Stefwart, David Opa-toshu, Hugh Griffith.

    Tournage : 14 semaines Chypre et enIsral.

    PROJET

    1961. ~ BUNNY LA KE IS MISSING (CarlyleProductions - Columbia Picturas).

    Int. : Lee Remick.

    PREMINGER ACTEUR

    Otto Preminger joue dans ;The Pied Piper dIrvng Pichel (Fox, 1942).They Got MeCouered de David Butler R.K.O.,

    1942.W'here Do W e Go From Here ? de Gregory

    Raloff (Fox, 1945).Slalag 17 (Stalag 17) de Billy Wilder (Para-

    mount, 1952).

    Luc MOULLET.

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    LE GOUT DE LA BEAUT

    par Eric Rohmer

    L'amour du beau est chose aussi rpandue que le bon got est rare. Les passions,en tous, sont identiques, mais elles ne sadressent pas aux mmes objets. Lhomme dela rue ou le philistin vouent la beaut un culte dont lon a tort de msestimer laferveur . Cest avec la> culture, souvent, que dbute l'indiffrence.

    Mes confrres de la presse quotidienne ou hebdomadaire, collaborateurs ou non,amis ou non des Cahiers, ne seront donc pas choqus, je lespre, si je mtonne de lesvoir, surtout ces derniers temps, faire bon march, dans la critique des films, de lnotion mme de beaut.

    Le mot est plat, je le sais, et ne peut tenir lieu dargume nt. Mais ce nest paslabsence du mot que je dplore : bien plutt dun certain angle sous lequel, pourtant, ilme semble le plus naturel de juger les films, sil est vrai quon les tient pour des uvresdart.

    Or, quel chroniq ueur de la plus obscure des feuiUes de prov ince n es t pas profondment convaincu que le cinma est un art, un art majeur? Qui, encore aujourd'hui,oserait confondre lanalyse dun film avec ltude de son scnario ? Qui prtendrait, commenagure, tayer son jugement sur de seules considrations politiques ou morales ? De

    tels progrs ont t faits, en ce sens, depuis quelques annes, quon aurait la plus grandepeine, en France maintenant, dterminer la couleur dune publication la seule lecture de la rubrique de cinma.

    Il serait dailleurs dplac, de ma part, de faire la moindre rserve sur la comptence ou lobjectivit de mes confrres. Tel nest pas mon dessein. Ceux-ci, toutefois,conviendront aisment avec moi quil ne leur est pas toujours loisible dchapper lacontagion de lactualit. J ajouterai, sils ne le font eux-mmes, quy cdan t ils ne so ntpas moins dans le vrai que nous qui, aux C a h i e r s , nourrissons lambitieux propos dejuger sub specie aeternitats.

    Il est normal quun critique dart fasse un peu le prophte, puisque son rle est deconseiller un placement, Mme chose pour le critique littraire, ses lecteurs lui sachantgr de ne pas encombrer leurs bibliothques douvrages quon ne relit pas. Mais le cri

    tique cinmatographique na pas soccuper de regarder lavenir, puisque cet avenir, leplus souvent, nexiste pas et que le film est un spectacle phmre quil naura plusloccasion de citer, ni son public de revoir.

    Le cinma dont nous nous occupons aux C a h i e r s est peut-tre, comme quelquunl'crivait, un cinma en soi , et mme, je le concde, une vue de lesprit* Mais onnous pardonnera plus aisment de nous placer dans lternel, si lon songe que notreparution mensuelle nous interdit de serrer le prsent. Il faut bien que ce dsavantagesoit tourn notre profit. C'est notre seule raison d'tre.

    Nous nous adressons un public restreint dont loptique est celle du muse. A queltitre condamner celle-ci? Un film nest, ni plus ni moins, fait pour le rpertoire que la

    Jocorte ne fut peinte pour le Louvre. Sil nexiste pas encore, dans le monde, demuses du cinma dignes de ce nom, cest nous quil appartient den poser les fonde-

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    Alexandre Astruc dirige Annie Girardot et Christian Marquand dans La Proie pour

    lombre .

    ments, Cest l le plus clair de notre combat, combat que nous comptons bien mener,dans les annes qui vont suivre, de faon plus active, plus prcise, plus circonstancielle.

    Il ne sensuit pas que nous soyons, sinon en gnral, du moins sur tel cas particulier,meilleurs prophtes que quiconque. En me proposant de revenir sur les beauts de quatrefilms rcents, beauts passes inaperues, je nentends point que le jugement de la postritme donnera forcment raison, je veux montrer que, d'un certain point de vue, moinsasservi aux circonstances, ces oeuvres prsentent des beauts oui, tel est bien le mot qui aisment balancent, masquent, gomment les dfauts quon stait plu y dceler.

    Beaut ou beauts est un concept que je juge, en loccasion, prfrable celui

    de mise en scne , dordinaire prn ici mme, mais que je ne veux pas, pour autant,dnoncer. La premire notion comprend la seconde, laquelle, en revanche, possde aussiune acception purement technique. Or, il est vident que lon peut, dun seul pointde vue technique, dfendre, la rigueur, des uvres de mettons pour ne blesser personne Clment ou Clouzot, Wyler ou Zinnemann. Mais, ds que vous avez prononcle mot de beaut, elles se dgonflent comme des baudruches.

    Je ne pense pas que nos critiques aient de leons recevoir de personne, au sujetdes mrites spcifiques du cinma quils discernent avec une constante perspicacit. Je neleur reprocherai pas de ne point assez marquer en quoi cet art diffre des autres, maisplutt en quoi il peut tre tenu pour leur gal. A leur insu, ils en font trop souvent unparent pauvre. Une indulgence de principe se trouve tre ainsi la cause de leurs svritsparticulires. Ils ne pensent point que le beau quil propose soit de la mme qualit, dela mme lvation, que celui quon peut admirer ailleurs : ils refusent de croire quil

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    puisse se cacher parfois sous les mmes apparences ingrates que dans un tableau, dansun pome et quil soit besoin dune longue et patiente accoutumance pour le dceler : ilsne lui reconnaissent pas cette facult de secret, de mystre qui est pourtant lun de sesplus srs pouvoirs.

    Prenons La Pro ie pour Vom bre. Mesur laune du prsent, ce film peut semblerdmuni des vertus provocantes ou aimables par lesquelles les uvres qui le prcdrentdans la mme salle, ou qui passent en mme temps que lui sur lavenue, surent seconcilier lindulgence de la critique. Une scheresse quon ne saurait prendre pour lemasque dune sensibilit pudique, le refus de ces notations qui sont le sel ordinaire desdescriptions psychologiques, l'amour systmatique des temps forts de laction, tou t celanous rebute. Mais, sans attendre mme quune seconde ou troisime vision aient dissipvotre gne, ce quelles ne manqueront pas de faire, jen suis certain, comparez simplementce film avec ce que lhistoire du cinma a put nous offrir de plus achev : et vous verrezcombien, loin de perdre, il gagne la confrontation. Qui peut le plus, cest un des paradoxes de Fart, ne peut pas, dautant, le moins. Et, tout vieil aristotlicien que je suis, jenhsite pas h crire quune des uvres les plus belles de lart du cinma nest pas forcment le meilleur spectacle inscrit au programme dune des plus pauvres semaines de lasaison.

    Que lon mentende. Je ne veux pas dire que La Pro ie pour l'ombre ne soit point deson temps. Bien au contraire. Replac dans lHistoire, ce film apparatra mille fois plusmoderne que tant et tant de concurrents, jugs, dans limmdiat, plus avancs . Maisencore, sur ce point, manquerait-on darguments si lon se plaait du seul point de vuede la technique. La perception de lai nouveaut est ici indissociable du sentiment de labeaut. Et cette beaut, bien quelle ne soit pas exempte cest son droit de rfrencespicturales ou littraires, se recommande avant tout de celle que nous ont appris ressentirles grandes uvres de lcran.

    On parle de spcificit et cest fort bon. Mais il ne sagit l, dordinaire, que dunespcificit des moyens et non des fins . II est certain, par exemple, que L A vven lu n t ou 1m Notte sont de grands films et ce serait fort sot, ne considrer que les moyens, de lestaxer de littrature, car il y est fait, des pouvoirs propres au cinma, le plus juste et leplus original usage. Il nest pas, toutefois, interdit de penser que lespce de beautquils nous dcouvrent a pu, ou aurait pu, tre apprhende avec un gal bonheurpar le peintre ou le romancier. Je veux bien croire que le cinma na rien invent moins encore que ne pen sen t ses d trac teu rs si lon sen tien t aux p rocds d exp ression ou motifs don t il use. Ce nest pas un langage, mais lin ar t original. Il ne pasautrement, mais autre chose : une beaut stii generis qui nest ni plus ni moins comparable celle dun ta blea u ou d un e page m usicale que ne lest une fugue de Bach u nepeinture de Vlasquez. Si le cinma doit galer les autres art, cest par la recherche

    dun mme degr de beaut. Telle est la seule fin commune que puissent se proposerles uns et les autres.

    Je naime que les grands sujets. Celui-l en est un, nen dplaise tous ceux qui nyvirent quun drame la Bernstein, ce quil est, peut-tre, sur le paipier. Mais jviteraiaujourdhui les sables mouvants du dbat de la forme et du contenu ; et dailleurs le filma t dfendu, ici mme, le mois dernier, sur le fond et je nai pas y revenir. Je veuxsimplement mtonner que mes confrres se trouvent dordinaire si satisfaits, devant uncran, dune conception toute m diocre, ter re terre de la profondeur. C ertes, lon n estplus dupe, depuis pas mal de temps, des films thse. Mais a-ton fait tellement depro gr s? C e quon appelle oc profond , cest line description, souve nt juste d ailleurs,des caractres ou des murs, mais limite aux frontires mornes dun ralisme dcole.On ne peut point croire que le cinma puisse aborder la vraie tragdie. Chaque fois quunfilm savise de le faire et y russit sains pour autant dmarquer les Grecs ou Shakes-

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    Bernadette Laiont dans Les God elureau x de Claude Chabrol.

    peare le voil ipso facto baptis mlodrame. Si notre art na pas, comme dautres,perdu le don dexploiter des situations fortes et simples, pourquoi 11e pas sen fliciter,au lieu de vouloir, to ut prix, lui retirer sa cha nce ?

    La critique, dun accord unanime, est passe ct dit sujet des Godelureaux qui, luiaussi, est un grand sujet. Jamais contresens plus gros ne lut commis propos dun film :il a ses raisons , non tout fait ses excuses. A. La suite dun ce rtain tin tam arr e de laPresse et du mythe de la Nouvelle Vague , 01 1 sobstine trouve r d ans lu vre deChabrol un ct exemplaire ou romantique quelle ne possde en aucune faon. Commedisait justement A. S. Labarthe propos des Bonnes Fem m es , ce qui compte ici, ce nestpas le message , mais le regard . Or, au regard de la camra, bonnes femmeset godelureaux sont des tres privilgis, parce quexcessifs, les unes pchant par excsde natu rel qui n est qu un prem ier artifice, les autres p ar u n excs dartifice, qui estseconde nature. Par le seul effet de persvrer dans leur tre, les tres nous fascinent etfinalement nous tou che nt com me tout ce qui est ingnu, sans le reco urs aux clins dilattendris et autre pathos fellinien. Ce motif chri de lcran il nest pas un grandfilm qui n ait su laccu eillir je m to nn e que nu l 011 presque, nait flicit Chabrol

    de lavoir abord de front et dtre all, sans trembler, jusquau bout de sa logique.

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    Mais o est la beaut? Je crains quon ne se fasse du beau une ide bien mivreet toute acadmique. La caricature nest-elle pas un genre reconnu? Il y en a dans ceHlm, comme dans le prcdent, et de lexcellente. Je veux dire quelle ne nat point d'untic dcriture, mais dune vision qui est comprhension mme des choses. Oserai-je direque la rt de Cha brol est le plus mtaphysique de tous ceux de nos jeunes cinastes ?Pourquoi pas, sil est vrai quil tire ses beauts moins de lenjolivement des thmes quede la dcouverte des ides, Il y a, par exemple, une ide de lai femme, de la fminit,dans le personnage dAmbroisine que je ne trouve pas exprime avec la mme forceplastique, biologique, morale chez les hrones des films contemporains, bien que cesdernires lemportent par la dlicatesse des notations de dtail, et de tout ce quon aicoutume dappeler psychologie. Fagote ou dnude, gouailleuse ou sucre, nymphe ouharpie, gnisse ou libellule, Ambroisine, tout au long de ses mtamorphoses, nest cepoint porteuse dternel fminin que parce quelle a su prfrer, aux sductions commodesde ses surs en cinma, les grces svres de 1'archtype.

    Il y a, dans Les Godelureaux, une autre sorte de beauts, qui, elles, au moins,eussent d toucher, parce que plus au got du jour. Par la prsentation des caractres

    et la conduite mme du rcit, ce film est, de tous, le plus loin des normes de la dramaturgie classique et le plus proche, par lesprit, des recherches du roman contemporain.Car je ne crois pas tellement moderne le fait dimposer des situations ou destypes convenus le carcan dune rhtorique byzantine et qui met le cinma la remorquede la littrature, puisque celle-ci, seule, procda la mise en forme. Ici, ail contraire,la volont perptuelle de modulation nat, non point dun postulat arbitraire, mais de laifluidit mme du point de vue qui est, comme jai dit, celui de la mtamorphose. CJnelente ascen sion nou s conduit^ de lasphalte ger ma n o pr atin jusqu aux gran ds ciels, laiteux011 iriss, des dernires bobines, ciels qui, pour navoir rien de mystique, nous installenttoutefois dans la perspective de Sirius et muent les marionnettes un tantinet boulevar-dires d dbut en hros inquitants de science-fiction. Quil y ait l du symbolisme et mme un symbolisme sotrique plaisir Chabrol ne sen cache pas : mais je nevois dans cette volont de signifier en filigrane rien qui soit oppos bien au contraire

    aux canons gnreux de lart et, a fortiori, aux habitudes de notre sicle.

    *

    La Pyram ide huma ine na. rien dun film maudit, mais les loges quon lui dcernafurent tonnamment mesurs et portrent plus sur lintrt de Vexprience que sur lesmrites de 1osuvre mme. Rouch peut-tre, au dpar t nest pas un artiste, encoreque la fantaisie on pourrait dire la posie de sa recherche apparente celle-ci moins la science qu lart. Sans doute, a-t-il en vue, dabord, la vrit et la beaut, semble-t-il,ne lui est-elle accorde que par surcrot, conformment cet axiome que rien nestbeau que le vrai . Oui, certes, ne considrer que lentreprise, la fabrication, lamthode. Mais, du point de vue de ce cinma en soi quon aime, disais-je, nous

    je te r dans le s bras, e t dont nous ac ce ptons si gaie m ent le fa rdeau, je m e dem ande sila rciproque, rien nest vrai que le beau , ne nous ouvre pas de plus justes perspectives. Peinture, posie, musique, etc., cherchent traduire la vrit par le truchement dela beaut qui est leur royaume et dont elles ne peuvent se dpartir, moins de cesserdtre. Le cinma, au contraire, use de techniques qui sont des instruments de reproductionou, si lon veut, de connaissance. Il possde, en quelque sorte, la vrit demble et sepropose la beaut comme fin suprme. Une beaut donc, cest l limportant, qui nestpoint lui, mais la nature. Une beaut quil a la mission, non pas dinventer, mais dedcouvrir, de capturer comme une proie, presque de drober aux choses. La difficultpour lui nest pas, comme on le croit, de forger un monde lui avec ces purs miroirsque sont les outils dont il dispose, mais de pouvoir copier tout bonnement cette beautnaturelle. Mais, sil est vrai quil ne lai fabrique point, il ne se contente pas de nous lal ivrer comme un colis tout prpar : il la suscite plutt, il la fait natre selon une

    maeutique qui constitue le fond mme de sa dmarche. Sil ne nous donnait rien que

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    Nadine, lycenne dAbidjan, dans La Pyramide humaine de Jean Rouch.

    connu davaoice, dans le principe sinon dans le dtail, il nattraperait jamais que lepi ttoresque. Et ma foi, du pittoresque, nos critiques, les lire, saccommodent fort bien.

    Mais l, je me vois oblig de prendre un exemple, au risque de dnigrer une uvrequi nest pas des moins mritantes. ShadcrWs, que jaime bien et dont dautres ont fait leplus grand cas, en lopposant prcisment la: Pyramide, est, mes yeux, le type mmedu film pittoresque. C'est, comme on sait, l 'histoire dun garon qui sduit une fillequil croit blanche et qui, aprs lamour, la vue de son frre, plus typ, saperoit quellea du sang noir. Je sais que le problme des races est lordre du jour, mais quon meper m ette de dire que, du point de vue de 1

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    en tant que telle, jeunesse en tant que telle, Afrique en tant que telle. Le fait racial enparticulier, n appa rat plus, com me prcdemment, la faon dune singularit, dun ca s et,partant dune tare, dun manque de la nature, mais comme lexpression de lai plnitudeet de la libert de cette nature. Sil y a du tragique, dans ce psychodrame o les bouches

    des lycens changent le plomb de la psychanalyse en lor de la confession, rpondentmorale quand on leur parle science, cest quil repose, comme tout vrai tragique, surlide non pas, peut-tre, tant que le monde est bon, mais quon ne peut le concevoirautre quil nest, en fait. Il ne sagit plus, comme tout lheure, dun thme contingent, choisir dans une multiplicit de possibles, mais dun grand sujet ncessaire te! que lecinma devait, un jour ou lautre, laborder et quil nen a gure rencontr de plusbeaux, tout au long de son histoire.

    ** *

    Luvre de Preminger est pure beaut. Mais cest justement cette beaut quon luireproche, ce got de la belle nature ou du beau trait, au nom desquels, dit-on, surtout dans

    Exodus, il a sacrifi vraisemblance, ralisme, psychologie et autres vertus majeures. Lesfilms prcdents trouvaient des excuses dans la violence ou lamertume de leur propos.Ici, on refuse mme cette indulgence quon accorde en gnral aux oeuvres plus navementaccroches leur thse, bien cantonnes dans les limites dun genre populaire, commesi, pour lauteur dun film historique, il ny avait point de salut hors de loptique de laChanson de Roland on celle de Fabrice Waterloo.

    Cest encore l un grand sujet, non tant parce quil met en jeu de hauts intrts,mais quil mobilise toutes les ressources du cinma, qui ne sont point son luxe, mais sonpain quotidien. Cette naissance dune nation jouit du privilge dtofer lide de peuplepar celle de race, plus concrte, donc mieux approprie lusage de lcran. Il est vraique lauteur, peu soucieux de cet avantage, ne subordonne le choix de ses interprtes nulle considration ethnique, la vedette , dans ce genre de superproductions, tant

    de rigueur. Oui, il y a des conventions, mais quimporte, lorsquelles ne gnent plus,mais servent le propos, constituent lun des outils par lesquels le cinaste forge sabeaut. Ce qui compte, ce nest point l'identit du type, du facis, mais la permanencedu sang, travers les masques les plus divers, mme si le souci de les diversifier estpartiellement imputable certaine et dailleurs toute lgitime coquetterie, comme lemontre la scne, dun haut humour, o Ari, costum en officier anglais, dupe {'adjointdu gouverneur, qui sy connat en juifs .

    On peut se contenter de voir en Preminger et cest motif suffisant dadmirer lun des plus purs reprsentants dun cinma classique, goethen, si lon peut dire, parcette espce de srnit sans hte dont y est fait le regard, ce mpris du vague lme,du bizarre, ce culte des grands lieux communs, cette recherche de lessentiel, de lactedans sa plnitude, cet amour de lordre, de lorganisation, ce got pour les tres exceptionnels, et pourtant vulnrables, plus proches de ces fils de roi , chers Gobineau,

    que du modle romantique. On peut marquer quel point la simplicit royale du stylesy drobe lanalyse, parce que chaque problme particulier est rsolu en fonction dunesensibilit toujours aux aguets, non dun systme hautement claironn.

    Mais on peut, aussi bien, remarquer tout ce que cet art a de moderne. Lvolutiondu cinma nest pas linaire. Louer Rouch ninterdit pas dadmirer Preminger, qui est lautre bout du registre. Et, finalement, ils communient tous deux dans le mme respect de la nature. Les grands moyens techniques dont dispose lauteur d*Exodus, et quiont leurs inconvnients mineurs, possdent cet immense avantage de faire oublier, danslart, lintervention humaine et, partant, de nous rapprocher de cette beaut naturellequi, ici comme l, se trouve tre le but. Dans le style documentaire, le cinaste sessouffle poursuivre le rel, se trahit par son retard, et si objectif que soit le dessein, introduit,bon gr mal gr, la subjectivit dans la facture. Mais ici, ]a camra, toujours prsente

    au moment voulu, toujours l

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    Eva-Marie Saint et Paul Newman dans Exodus dOtto Preminger.

    titude, les rend la nature, quel que soit l'artifice qui ait prsid leur mise en place.

    Con sidrez les photo graph ies qui illustrent 1: Entretien , publi en t te de cenumro (elles ne donnent point des films, ni par leurs cadrages ni leurs angles, uneide ab solum ent exacte, mais, dan s les cas prsents, elles en resp ecten t assez bienlesprit). Vous serez frapps, dabord, par la simplicit du point de vue, lascse du dcor,disons-mme, parfois, la banalit des attitudes. Mais un examen plus attentif vous eradistinguer, sous cette scheresse apparente, mille petites inventions, surtout en ce quiconcerne le mouvement des mains, toujours caractristique, toujours loquent, toujourssensible, toujours intelligent, toujours beau, toujours vrai. Ces pe ti te s beauts-l, cestle grand art : on ladm et en peinture, pourquoi pas au cinma ?

    Je n ai pas la suffisance de pen ser quon ne puisse aism ent rfute r me s propos.Aussi nai-je rien voulu prou ver. En faisant appel, elle/, mes confrres, leur got naturel pour la beaut, que jai toutes raisons de croire des plus vivaces, je veux viter unelogomachie strile, dont notre amour commun du cinma risque dtre la premire victime. Quil me soit donc permis desprer quon maccordera, tant soit peu, raison surle principe, mme sil est bien vrai quon ne me suit pas dans le dtail.

    Eric ROHMER.

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    La direction du Thtre Municipal deDortmund m'avait engag pour jouer * desrles comiques, aussi bien que dramatiques .Programme trs vaste dont, malheureusement,la seconde partie ne me convenait gure : ledrame, tel que j'tais cens le jouer, mehrissait et, souvent, me donnait une forteenvie de rire. Comme la grandiloquence etles attitudes pompeuses m'horriplaient, jem'appliquais prendre un Ion neutre ef uneallure dgage, la grande indignationdu directeur, et la grande joie du public.Jusqu'au jour o je fus convoqu par l'intendant :

    Hier soir, dans le rle d'un chevalier quis'apprte mourir, vous avez fait rire toutela salle.

    Si vous voulez me permettre. Monsieur...je m'effcra is seulement...

    Taisez-vous ! La situation est claire :vous n'tes pas fait pour le drame. Sur cepoint tout le monde est d'accord, mme les

    critiques. Or, nous vous avons engag pourtenir des rles comiques ou dramatiques. Parconsquent, comme vous ne jouerez plus lesseconds, vous ne remplirez qu'une moiti devos obligations. En d'autres termes, vous ne

    justifierez plus que la moiti de votre traitement. Le thtre n'ayant pas les moyens devous faire des cadeaux, je vous propose uncompromis : ou bien vous continuerez jouerles rles comiques, pour la moiti du traitement prvu, ou bien vous devene2 metteuren scne. Je vous donne quarante-huit heurespour rflchir.

    La mise en scne ne me tentait nulle

    ment. J'aurais sans doute refus, sans l'inter

    vention d'une jeune cantatrice que j'aimais la folie, et qui me le rendait bien.

    Accepte, j e . t'en supplie. Ne me quittepas.

    Argument irrsistible : le lendemain, j'annonai l'intendant que je me rsignais faire de la mise en scne.

    Pariait. Pour vous permettre de vous

    acclimater, je vous donne d'abord une petitecomdie, deux personnages seulement. Ainsi,vous ne pourrez pas gcher grand-chose...

    Le jour de la premire rptition, j'eusun tel trac que j 'e r r a i pendant quatre heures travers la ville. Dortmund tait en pleinefivre : mineurs et mtallos faisaient la grve,des avions franais lanaient des tractsannonant l'occupation de la Kuhr et, devantles boulangeries, d'interminables queues atten*daient l'ouverture, pour acheter du pain noir un million de marks la boule. Moi, je nepensais qu' la rptition, * Il faut fairejouer les acteurs comme je jouerais, si j'tais

    leur place, songeais-je. Ainsi, je dmontreraiqu'au lieu de diriger la mise en scne, jedevrais tenir moi-mme tel ou tel emploi, je prouverai qu'en ralit, je suis un bonacteur, un trs bon acteur, l'intendant comprendra...

    Attitude de principe que je ne devais plusabandonner. Elle ne m'a pas men bien loin.Aujourd'hui encore, je suis metteur en scne.

    Aux rptitions, lorsque les explications lesplus minutieuses se rvlent inoprantes, je

    joue le rle moi-mme : hros antique, jeunefille, collgien, grand-mre, rien ne me faitpeur. Souvent, les acteurs me demandent :

    Ce rle, pourquoi ne le tiendriez-vous pas

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    vous-mme 1 Parfois, je me laisse entranerpar leurs encouragements. Rgulirement, mafemme me dit alors : Tu as trs b ien jou ;dcidment, tu es un excellent metteur en

    scne, iA Dortmund, j'ai d diriger quelque deux

    cents pices, un peu de tout : opras, oprettes, sujets d'actualit, farces, mlodrames.Gthe, Shakespeare, Molire, Schiller, Tolsto, et aussi, bien entendu, les auteurs contemporains : Marcel Pagnol, Gerhart Hauptmann,Ben Hecht, Romain Holland. La seule Internationale en laquelle je puisse croire. Jen'avais qu'une ambition : passer d'un genre un autre, ne pas me cantonner dans unespcialit. Aujourd'hui, j'ai oubli au moinsla moiti de ces uvres, et mme des autres,ma mmoire n'a conserv que les grandeslignes. Il ne me reste, en somme, que lafacult instinctive de me retrouver dans n'im

    porte quelle situation de thtre. le m'yretrouve mme mieux que dans la vie. Cen'est pas tonnant : j'ai consacr beaucoupplus de temps l'existence fictive (sur scne)

    qu' l'exprience relle. A telle enseigne quecertains pisodes de mon destin m'apparaissent comme des copies quelque peu ratesde telle ou telle pice.

    Un beau jour, la; jeune dame qui m'avaitsuppli de ne pas la quitter fut engage,comme cantatrice, au thtre d'Elberfeld-Barmen, qui, aussitt, m'engagea commemetteur en scne.

    Mon nouveau patron, joyeux vivant malgrson titre de Herr Doctoi en philosophie, taitamoureux d'une beaut blonde qui habitaitDiisseldorf. De ce fait, il devait effectuer chaque semaine un dplacement urgent. Il meconfiait alors, sans scrupule ni remords, lesplus belles uvres de la littrature mondiale,

    Vous avez {ait rire toute la salle.

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    du moment que cela lui permettait de filer DiisseldorJ.

    J'aurais pu ire parfaitement heureux, -je le fus d'ail leu rs, l'espace de quelques

    mois, si l'on m'avait laiss un peu plusde temps pour prparer les nouvelles pices.En gnral, le soir d'une < premire , legaron de bureau me remettait le livret ou le manuscrit de la pice suivante. Ilne me restait donc qu'un dlai fort bref, deux ou trois jours, et autant de nuits, pour voir ma prochaine mise en scne.Un seul moyen, de m'en tirer : rdiger d'avancedes indications scniques trs minutieuses, demanire suppler d'avance un ventuelmanque d'inspiration pendant les rptitions.Rcemment, j'ai retrouv, dans un fatras devieux papiers, un de ces dcoupages ,

    pour employer un terme cinmatographique.On dirait un indicateur de chemin de fer :des cercles beus, des triangles rouges, descarrs verts. L'acteur A prend, de la maingauche, la cigarette pose en. F, va s'asseoiren S, ct de B, croise les jambes, se penche sur les fleurs places en T. Ce n'taitplus de l'art, c'tait de la mcanique.

    Bientt, j'en avais par-dessus la tte. Il mefallait tout de mme un peu plus de libsrt,la possibilit de laisser faire l'inspiration, delaisser mrir une ide. Bref, j'allais me mettre en qute d'un autre thtre o j'auraispu travailler plus ou moins ma guise,

    l'tais en train de feuilleter l'annuaire desthtres de langue allemande, quand le hasard, dguis en tlgraphiste, m'apporta unedpche de Vienne : le Burgtheater {lquivalent autrichien de la Comdie-Franaise)m'offrait un engagement. Eberlu, bloui, jeme prcipitai la gare. Quarante-huit heuresplus tard, je fus reu, au ministre autrichiendes Beaux-Arts, par une Excellence trs aimable et trs titre. Un vrai dcor de thtre :mon interlocuteur sortait fout droit d'un oprette de Strquss, son bureau, en acajou etcuir rouge, rappelait les peintures de Watteau,et le chant des oiseaux, dans les vieux platanes devant les fentres ouvertes, voquaitun intermde de Mozart. Tout tait irrel, charmant, ensorceleur. {C'est d'ailleurs Vienneque je me suis mari.)

    Son excellence me parla d'abord de ladchance du thtre en gnral et du thtreautrichien en particulier, dplora ensuite lesravages du cinma ef de la radio, puis, pourfinir, m'informa, avec un sourire mlancolique, que l'Etat autrichien tenait m'engager.II me remit un projet de contrat, portant surplusieurs annes et prvoyant un traitementprincier, et me pria de bien vouloir l'tu-dier pendant quelques jours. Bien entendu,pendant ce temps j'tais l'invit du ministre,

    une invitation qui comprenait l'htel, la

    voiture avec chauffeur, une loge l'Opraet au Burgtheater. Manifestement, l'Autrichesavait recevoir.

    Ma dcision tait dj prise : une occasion

    pareille ne se rencontre qu'une fois, dansla vie d'un homme. Pourtant, quelques semaines aprs mon entre en fonctions, je commenais me demander pourquoi j'avaisaccept. l'avais l'impression que je devaisgarder jusqu' la fin de mon sjour Vienne de m'tre embarqu dans une sorte d'ascenseur ultra-rapide. Un de ces engins quivous catapultent jusqu' un sommet vertigineux, mais dont on sort quelque peu tourdi,port non seulement trs haut, mais aussitrs loin en arrire. Car le Burgtheater est uneinstitution vnrable, fire d'un pass deplusieurs sicles, drap dans la splendeur

    glaciale d'une tradition immuable. Tout esthistorique, authentique, terriblement vieux.

    Or, j'avais tout juste vingt-cinq ans. Jamaisencore, on n'av ait vu, au Burgtheater, unmetteur en scne aussi scandaleusement

    jeune. En gnral, les acteurs les plus mritants, aprs cinquante ans de bons et loyauxservices, recevaient le titre de membre d'honneur, dignit qui comportait l'attribution deplusieurs mises en scne.

    Quan t aux tradi lions, elles tiennent en unseul mot : la dignit. Jamais, depuis que lethtre existe, on n'a relev le rideau lafin d'un acte ou d'une pice. Les applaudis

    sements reprsentent un tribut unique quel'acteur accueille firement, sans s'incliner.Depuis que le thtre existe, tous les noms,sur l'affiche, sont imprims en caractres strictement identiques, par ordre d'entre enscne. Le programme garde toujours des dimensions modestes, quelques feuilles quidonnent les indications ncessaires, rien deplus. Et surtout, avant tout, pas de tapagepublicitaire. La gloire est une aurole quise passe de projecteurs. Elle brille, mais d'unclat discret. C'est cela, la dignit.

    Pour ma part, cette modestie, cette mesurem'ennuyaient quelque peu. Mon temprament

    s'y conformait mal, trs mal mme, parfois.J'ai toujours prouv une certaine difficult respirer dans une atmosphre par trop feutre. Il y eut des incidents, aussi anodinsque symptomatiques, L'une de ces altercations (trs dignes, bien sr) devait mme avoirdes consquences durables (et heureuses). Ce

    jour-l, au bea u milieu d'une rpt ition, il s'agissait d'une comdie , une jeuneactrice protestait centre le costume que j'avaisfait dessiner pour elle.

    C'est trop lourd, trop encombrant, si monsieur le metteur en scne refuse demodifier le costume, je prfre cder mon

    rle.

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    Dans le chuchotement compass qu'exigeaitla tradition, je la priai de terminer la rptition ; ensuite, nous allions ess ay er de nousentendre. Elle eut assez de bon sens pour

    s'incliner ; s ans doute camprenait-elle que lejeune metteur en scne, solitaire et pe rdudans ce temple des Muses, luttait dsesprment pour maintenir un semblant d'autorit.Lutte d'autant plus pnible qu'il y avait, dansla salle, plusieurs critiques, deux ou troishauts fonctionnaires, l'intendant, et toute unebrochette d'auteurs dramatiques. Je remarquai,cependant, que la jeune femme restait crispe.Elle tenait bon, * avec dignit , mas auprix dun violent effort ; lo rsqu 'elle deva itclater de rire, les larmes lui coulaient sur

    d'accord ; nous allions nous marier. Trois moisplus tard, c'tait fait.

    Vienne tait une ville fascinante, et pourtant, je ne devais jamais m'y acclimater tout iait. Le destin m'avait fait monter dansun magnifique carrosse d'or, tir par quatrepur-sang, mais j'aurais prfr me promener motocyclette. Les acteurs que jedirigeais connaissaient admirablemen t leurmtier, et leurs trouvailles scniques dpassaient souvent tout ce que j'avais pu inventer,mais leur imagination ne coulait pas de lamme source que la mienne. Leur esprit, cultiv, brillant, fleurissait dans une ville moribonde, toute tourne vers son pass, le mientirait sa vie du sol plus rude des grandes

    le visage. La rptition termine, je prisrendez-vous avec elle, pour l'aprs-midi, larserve des costumes. Un immense btimento s'entassaient de vritables trsors. Depuisdes gnrations, chaque empereur, prince,archiduc, gnral, lguait ses plus bellestenues au Burgtheater. Des vitrines muralesabritaient les robes d'apparat des concubinesofficielles, d'normes cloches de verre permettaient d'admirer les hauts-de-forme, capes, habits et cannes des grands acteurs d'autie-fois. C'tait dans ce dcor grandiose ettouffant que je rencontrai la petite actrice.Nous tions seuls. Quand nous ressortmes,

    la nuit tombait. Mais nous nous tions mis

    cits industrielles de la Hhnanie. le subissais certes le charme mlancolique de l'atmosphre viennoise, j'aurais voulu tre peintrepour le fixer sur mes toiles, mais jesentais que j'allais bientt m'en aller. Etmme trs bientt.

    Je m'en fus, en effet, pour prendre le postede metteur en scne principal au NouveauThtre de Francfort. Aujourd'hui encore, delautre ct de l'Atlanfique, Preston Sturges,lorsqu'il est de bonne humeur, me donnedu monsieur le metteur en scne principalquand il est de trs bonne humeur, il m'appelle simplement monsieur le Principal *. A

    prsent, une simple plaisanterie, mais l'po

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    Linvitation comprenait une voiture avec chauffeur.

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    que, une promotion importante. Dans lahirarchie du thtre allemand, le < metteuren scne principal disposait de pouvoirsrefuss au premier metteur en scne ou au metteur en scne adjoint. * C'taitle principal gui, avec l'intendant, tablis-sait le rpertoire de la saison et engageaitles acteurs ; bien entendu, il avait galementla haute main jsur les mises en scne confies ses subordonns. Lorsqu'il avait exerc ceshautes fonctions pendant un nombre d'annes suffisant, il devenait ligible au posted'intendant.

    En somme, une organ isation assez stricte,comparable seulement celle du thtresovitique. Du fait que chaque ville, province, Lcmd , administrait ses propresthtres, au mme titre que, par exemple,ses muses ou ses piscines, l'acteur qui

    jouait Othello, I chef d'orchestre qui dirigeait Lohengrin se trouvaient tre des fonctionnaires, tout comme la prpose au vestiaire d'un muse ou le matre-nageur. Systme insolite, apparemment incompatible avecl'indpendance artistique, mais qui offraitaussi des avantages. Dans l'Allemagne d'alors,pays de soixante millions d'habitants, quatre

    cents salles de thtre fonctionnaient *,

    c'est--dire jouaient chaque soir. Or, cesthtres, financs pa r les contribuables,n'taient pas forcs de faire des bnfices.Pa r consquent, ils n'ava ient pa s tenircompte des gots de la masse, ces gotssouvent vulgaires qui, dans d'autres pays,soumettaient lien des directeurs un vritable rgime de terreur. Les thtres allemands pouvaient donc s'offrir le luxe del'qit pour l'art, ils pouvaient se permettredes expriences et mme des erreurs. Celadit, je me demande encore aujourd'hui si leurpublic tait toujours un vritable public. Les

    grandes organisations d'abonns envoyaientleurs membres au thtre, peu prs commecertains partis politiques envoient leurs adhrents aux runions. Tout citoyen conscient desa dignit allait au thtre au moins unefois par semaine. Nous avions donc affaire u ne foule discipline, presque enrgimente,plutt qu ' un vra i public ; mon sens,cependant, une telle manifestation grgaireest quand mme prfrable l'enthousiasmecollectif pour la guerre, ou toute autredmagogie populaire.

    Ce fut Francfort qu'un incident minimedevait me montrer l'essentiel de mon mtier.

    Incident minime, mais qui allait me permettre

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    Nous nous tions mis daccord : nous allions nous marier.

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    de toucher du doigt la limite entre la fictionet la ralit. Ce soir-l, j'tais de garde * :c'est--dire qu'aprs avoir dirig, une ou deuxsemaines plus tt, les rptitions de la pice,

    je deva is surveiller le droulement de lareprsentation, devant le public. Nous jouionsalors une pice franaise, une comdie deboulevard dont le dernier acte se passait, bienentendu, dans une chambre d'htel. Au coursde cette scne, un porteur de bagages devaitfaire une brve apparition : l'homme entraitpar la porte cl cour, dposait une valisedevant le lit et repartait par la porte ct

    ja rd in. Gnralement, ce bo ut de rle taittenu par le rgisseur, vieux bonhomme qui,le moment venu, coiffait une casquette deporteur. Or, ce sozr-I, il m'annona qu'ilavait une forte fivre et qu'il tenait peinesur ses jambes.

    Pour me remplacer, c'est trs simple. Lagare est ce deux cents mtres, vous n'aurezqu' faire venir un porteur authentique.

    D'accord, dis-je. Rentrez vous coucher,et soignez-vous.

    Pendant l'entracte, j'expdiai un assistant la gare. Il revint, accompagn d'un vieuxporteur qui j'expliquai brivement ce qu'ildevait faire.

    Si ce n'est q ue a ! Bien sr, avecplaisir.

    Dix minutes avant son entre en scne, jeregardai par hasard vers l'endroit o il setenait. Mon brave porteur semblait ne pastenir en place. Le trac, sans doute. Puis, je

    me rendis compte qu'il plissait, vued'il. Soudain, comme l'accessoiriste lui tendait la valise, il se prcipita vers moi :

    - Monsieur... monsieur... je ne peux pas .C'est idiot toute ma vie, j'ai port desvalises, majs l... sur la scne...

    J'essayai de le rconforter il n'avait quecinq mtres faire, d'une porte lautre.Peine perdue. Le malheureux tremblait commeune feuille.

    Ce ne sont pa s de vrais portes... pas devrais clients...

    N'ayant personne d'autre sous la main, je

    fus oblig de me coiffer de sa casquette etde prendre la valise. Aujourd'hui encore, lorsque je vois un documentaire, je me rappellecette histoire. Probablement, les gens qui tournent ces bandes ne peuvent travailler qu'avecde vraies portes et de vrais clients.

    (A suivre.) Max OPHULS.

    (Traduit de fallemand par Max Roth. Illustrations de Rgine Ackermann-Ophuls.)

    Mon brave porteur av;iit le trac.

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    Orson Welles a ralis un authentique film de gags : ladmirable et mconnu Journeyinto Fear.

    A U T O P S I E DU G A G

    I V

    par Franois Mars

    I I I . L E G A G , M O Y E N D E X P R E S S I O N

    Lunivers du gag est si vaste, si complexe et si riche, que nous pouvons nousdemander, en conclusion, sil ne se contente pas dtre un instrument dcriturecinmatographique, mais sil ne peut revendiquer le titre de moyen dexpression.Le propre d'un moyen d'expression est, se surpassant, de continuer demeurer

    valable, alors que sont escamots les lments initiaux qui lont ncessit. Ainsi32

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    Les Girs est construit sur un scnario dramatique, presque pirandellien, maisnen demeure pas moins, fondamentalement, une comdie. Ainsi La Diablesseen collant rose se refuse tous les clichs classiques du film daventure, mais n'endemeure pas moins, fondamentalement, un western. Ainsi Le Milliardaire a beau

    tre amput de presque tous ses numros musicaux, il n'en demeure pas moins,fondamentalement, une comdie musicale. Si l'on enlve au gag, 1 son aspectvisuel, 2 son aspect burlesque, 3 son aspect cinmatographique, quelque chosedemeurera-t-il de lui, tel le sourire du chat d 'Alice au pays des merveillest quireste flottant dans lespace, alors que son propritaire sest dj vapor ?

    Les ressources de lcran

    Le gag sonore naquit avec le cinma... muet. Bruiteurs et accompagnateurssen donnrent cur joie. Chaque chute, chaque gifle avait pour contrepointun bzing ! ou un pschut ] qui en accentuaient le grotesque. Il seraittrs curieux dauditionner une de ces partitions, en labsence des images. Le

    seul contraste entre la musique de fond, gnralement fox-trot imperturbable,et les incidentes cacophoniques qui sy plaquent, suffirait lui seul, sans doute, provoquer le rire. Lexprience dune symphonie classique dlibrment parseme de gags pourrait tre tente fructueusement aujourdhui, grce lapportde la musique concrte.

    Tous les grands comiques ont jou du gag purement sonore. La chansondes Temps modernes est plus un exercice de style quun gag proprement dit,mais linauguration de la statue des Lumires de la ville, le sifflet aval, toutcomme les pices cliquetantes du Dictateur, les cymbales tonitruantes d'Un Roi New York, comptent parmi les meilleures trouvailles de Chaplin. Dans Laurelet Hardy au Far-West, la voix de Laurel passe de laigu au grave, selon la violence des coups de maillet quil reoit sur la tte, et, dans Sotts les verrous,le grincement de sa dent malade amne les pires catastrophes. Dans Un Jourau cirque, Chico hurle tue-tte une berceuse pour, simultanment, endormir

    le mchant et rveiller Harpo. Cest au cur dune profonde obscurit quunfracas pouvantable nous apprend que le tueur d'Arsenic et vieilles dentellesvient, avec son cadavre, de dvaler lescalier de la cave. Parfois la parole elle-mme, par ses seules assonances, constitue un gag sonore : ne parlons pas desbafouillages de Darry Cowl, mais des onomatopes du Tati des Vacances. Onpeut couter les yeux ferms la scne du menu d'Une Nuit VOpra, le leitmotiv, And two boiled-eggs ( et 2 ufs durs ), ponctu de coups de trompe,ntant pas drle par sa signification, mais par ses seules assonances. Et, roidu gag sonore, trne, bien sr, Gerald Mac Boing-Boing.

    La mise en scne proprement dite, la couleur, le montage peuvent tre aussiprtexte gags, llment de travail devenant ainsi lobjet burlesque lui-mme.

    La couleur : le petit chien peinturlur de Jayne Mansfield dans Oh ! ForA Man ! La substitution dun procd technique un autre, selon quil sagitde fiction ou de ralit dans un conte de fes jou par Abott et Costello, lappartement dcor par Doris Day, la fin de Confidences sur loreiller.

    Le montage : le baiser feu dartifice de La Main au collet (nous entrons ldans le domaine du gag srieux). Je me souviens aussi dun vieux film de Nol-Nol, Tout va trs bien, Madame la Marquise, o, rgulirement, les derniersmots prononcs dans une scne faisaient calembour avec les premiers mots dela scne suivante.

    La mise en scne : les recherches de McLaren, de Louis Malle avec Zazie.Reconnaissons-le : le butin nest pas fameux. Pourtant le champ dinvesti

    gations parat immense. Puisquil existe toute une srie de rgles de jeu appliquer pour filmer langoisse ou laventure, il devrait tre possible de composer un code de travellings hilarants ou de panoramiques bouffons. Il faudraitdes coles de ralisateurs spcialiss, comme il y a en Amrique des cours pourgagmen. Hollywood possde un Tashlin, un McCarey, un Sam Wood. Mais, en

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    France, cest Ciouzofc qui sattaque Miquette et Autant-Lara qui soccuped Amlie. Ah ! si, pardon ! il y a Regainey ! Demain, par des chercheurs, peutse rvler un domaine nouveau o la technique, par ses seules vertus, aura sapart dans le dclenchement de nos rires.

    Anthologie du gag tragique

    Sur un bateau sont runis un tueur, sa future victime et le dtective chargde veiller sur elle. Le personnage menac est all se promener sur le pont, maisle dtective, bien install dans un fauteuil, apprcie le flot dharmonies quele tueur, dans son dos, fait jaillir d'un vieux piano. Jusquau moment o lamlodie lagace. Une observation ne trouve pas de rponse. Le dtective seretourne. Gros plan du clavier, les touches sagitent seules, le piano est mcanique et le tueur a. eu tout le temps d'aller vaquer ses occupations. Pas lamoindre trace de comique dans cette image angoissante. Et pourtant nest-ilpas possible de parler ici de gag, et mme de gag tragique ? Cet effet de Beatthe Devl, dHugton, possde, hormis le burlesque, toutes les caractristiques dugag : un choc brutal motif provoqu par une image inattendue.

    Il ne faut pas oublier que, ds que le cinma commena devenir un art,il s'orienta sur deux voies diffrentes, mais pourtant parallles : le comique etle film daction. Le drame, tel que lentendait le film dart, ne devait surgirque plus tard. Aujourdhui encore la structure d'un western s'apparente troitement celle dun burlesque : hros sympathique, longtemps domin et finalement triomphant, rglement de comptes dans une dbauche daccessoiresfracasss (le saloon), poursuites cheveles (encore que, dans le western, lehros soit plus souvent poursuivant que poursuivi, car il sagit de vaincre etpas seulement de s'chapper), et surtout naissance continuelle dimpondrablesqui viennent bouleverser la situation. D'o, pour le film daventures, ncessit

    Jean-Marc Thibault et Jean Richard dans Le Mor t en ju ite dAndr Berthomeu.

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    Le Sang du vam pir e dHenri Cass.

    d'employer la technique du gag, en le dtournant de sa destine premire, quiest le rire. Il y a pratiquement gag, chaque fois, par exemple, quun personnagearrive par surprise en dsarmer un autre, Danny Kaye, dans Un Grain de

    folie, se servant de ses dons de ventriloque pour obliger un espion menaant se retourner, rejoint les innombrables shrifs ou privtes qui hurlent brusquement : Ne tire pas, Johnny , en fixant un point invisible par-dessusl'paule dinterlocuteurs agressifs. Un cow-boy en danger glisse sa dernire cartouche dans la dernire case de son revolver barillet, et laisse entendre son adversaire le dclic des douilles qui tournent vide, pour prouver qu'il na

    plus de munitions. Le pige fera mort dhomme ; mais il aurait pu aussi biensagir dune astuce de Chariot. Laurel brandit ostensiblement un poing droitmenaant, pour mieux terrasser sa grosse brute de rival dun direct du gauche(Ttes de pioche), mais James Cagney dplacera du pied la cale dune tableroulante sur laquelle un policier sappuyait, pour le dsaronner et le cueillir la mchoire. Et si Rect Skelton, dans Bien faire et la sduire, fait seffondrersur ses poursuivants, paroi par paroi, toute une maison prfabrique, SergeReggiani, luttant pour sa vie, paralyse un instant son tueur sous les plis dunlourd rideau croul (Les Amants de Vrone). O est la frontire entre lecomique et le dramatique, la nuance entre le rire et rmoi ? Uniquement danslanxit o nous plonge le sort des personnages. Et il nous arrive de frmirau sort dacteurs clownesques : lascension du gratte-ciel par Harold Lloyd,dans Monte-l-dessus, devient trs rapidement un cauchemar insupportablede cruaut, de mme que la dclaration de guerre de Duc7c Soup nous mne auxbords de lhystrie. En revanche, nous rirons sans contrainte de la cascade decatastrophes qui sabattront sur des hros de mlodrame populaire...

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    Alfred, toujours Alfred.

    N . donc du besoin de pimenter dmotions fortes une action tumultueuse,l gag tragique allait bientt gagner ses lettres de noblesse, en passant du western au policier et du policier au film suspense. Jusqu'aux premiers temps duParlant-, la technique du gag tragique tait assez primaire ; au moins existait-elle,contrairement celle du gag burlesque. Dans 90 % des cas, elle se rsumait ainsi :

    Gros plan du hros en danger.Contre-champ du vainqueur provisoire, en train de lui expliquer quil peut

    s'apprter mourir, ou autres joyeusets.Gros plan fixe du regard du hros, qui se fait soudain trs intress.Gros plan fixe de lobjet quil considre, nous faisant deviner sa pense

    (parce que nous sommes plus intelligents que le vilain mchant). L'objet tantobligatoirement un lment de rupture : le clavier du piano quon peut faireretomber sur des doigts, CRglements de comptes, pas celui de Lan g., un autreavec Melvyn Douglas), la potiche qui peut scraser sur le crne du gars, silrecule un peu, etc.

    Plan gnral, cadrant le hros, devenu soudain absolument dcontract, cequi a. pour effet de rassurer le tratre, au lieu de linquiter.

    Dernier gros plan pour faire comprendre la manuvre au spectateur obtus.Dclenchement de laction, done du gag.(Ajoutons que de nos jours le modle des regards en coulisse qui signifient :

    Red Skelton et Janet Blair dans B ie n fa ire ... et la sduire ! de S. Sylvan Simon. G agm an :Frank Taslilin.

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    Laurel et Hardy dans Le s A s d'Oxfor d.

    Tiens, tiens, jai une ide en douce , appartient sans conteste Eddie Cons-tantine, et que le burlesque, avec lui, retrouve sans peine l'lment action.

    Mais le gag tant une des formes dexpression les plus pures du cinma, il estlogique que les puristes de l'cran sy intressent, et, du point de vue dramatique,le raffinent jusqu lui faire acqurir une remarquable subtilit.

    Il est donc tout naturel que nous dcouvrions les meilleurs gags tragiques

    chez ces hommes-pellicules, possds de faon inne par le septime art, quesont Hitchcock, Welles ou Hawks. Pas un seul film d'Hitchcock qui ne fourmillede gags dramatiques, tous plus prcieux les uns que les autres. Cest un gag,la tte momifie quIngrid Bergman dcouvre brusquement dans Under Capri-corn, comme est un gag la premire vision de la mre dans Psycho. Gag, le briquet qui tombe travers la grille de Stranger on a Train, gag, et gag admirablede mise en scne pure, le travelling latral qui nous fait passer en revue lesbouteilles de la cave dans Notorius, jusqu ce quune tiquette dpareille prouve lespion quAlicia et son ami ont perc son secret. Et ne parlons pas de Cinquime Colonne, de La Mort aux trousses o tout est gag, lhabilet de Hitchconsistant alterner les effets qui amusent et ceux qui font frmir. Mais lesuns et les autres sinspirent du mme processus : lectriser dun brusque chocnerveux notre nergie attentive.

    Moins sarcastique, mais plus nerveux, Hawks a dmontr maintes reprisesquil est matre s gags. Il est sans doute le seul cinaste qui conserve exacte-

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    Cary Grant dans La Moin au co llet dAlfred Hitchcock.

    ment le mme style pour ses comdies et ses uvres dramatiques. On peut trouver, au choix, atroce lide dun monsieur, lesprit dtraqu, qui attache unpoteau et scalpe l'amoureux de sa femme (Monkey Business, film optimiste) etapprcier comme trs drle le fait qu'un petit secrtaire qui na pourtant peurde rien, soit saisi de panique lide de rpondre au tlphone et tente de revolver i s er son interlocuteur invi