Cahiers de linguistique française - Ordre temporel, narration et analyse du discours ... · 2015....

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Ordre temporel, narration et analyse du discours Jacques Moeschler Université de Genève <[email protected]> 1. Introduction L'analyse du temps dans la langue et dans le discours a fasciné les linguistes depuis des décennies. D'une certaine manière, une part non négligeable de l'histoire de la grammaire et de la linguistique pourrait être suivie à la trace des analyses des temps verbaux et si la problématique du temps verbal a eu une telle place, c'est que les problèmes qu'elle posait sont tout à la fois com- plexes et loin d'être résolus". L'une des questions que l'on peut se poser est la raison d'un tel intérêt. La réponse la plus immédiate est que la langue manifeste un rapport particulier avec le temps. D'abord, elle permet d'exprimer le temps, à savoir de situer des événements, des situations, dans l'axe du temps et de les repérer. Ensuite, le discours permet de mettre en rapport les événements, les situations, et parmi l'ensemble des relations possibles entre événements, il existe un certain nombre de relations temporelles. Ces deux raisons sont peu contestables : d'une part la langue exprime le temps et le repérage des événements et d'autre part le discours est le lieu de relations temporelles. Il y a un troisième type de réponse, plus pratique : les relations temporelles font l'objet d'un apprentissage complexe et spécifique d'une 1. Cet article s'inscrit dans le cadre du Groupe de rtchrcchc sur la référence temporelle (projet du Fond"; National Suisse de la Recherche Scientifique (FNSRS), requête 1214-043124.95). 2. On mentionnera à titre d'exemple les problèmes suivants : relation entre ordre temporel et causalité, relation entre référence temporelle cl classe aspectuclle ou mode d'action, facteurs déclenchant l'ordre temporel (temps verbaux, classe* aspcctuelles. principes de discours, règles pragmatiques, etc.) Pour une introduction à ces questions et une présentation synthétique, cf. Moeschler ( 1996ai. Moeschler (à paraître) et Moeschler & Rcboul ( 1994, chapitre 17).

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  • Ordre temporel, narration et analyse du discours

    Jacques Moeschler Université de Genève

    1. Introduction

    L'analyse du temps dans la langue et dans le discours a fasciné les linguistes depuis des décennies. D'une certaine manière, une part non négligeable de l'histoire de la grammaire et de la linguistique pourrait être suivie à la trace des analyses des temps verbaux et si la problématique du temps verbal a eu une telle place, c'est que les problèmes qu'elle posait sont tout à la fois com-plexes et loin d'être résolus".

    L'une des questions que l'on peut se poser est la raison d'un tel intérêt. La réponse la plus immédiate est que la langue manifeste un rapport particulier avec le temps. D'abord, elle permet d'exprimer le temps, à savoir de situer des événements, des situations, dans l'axe du temps et de les repérer. Ensuite, le discours permet de mettre en rapport les événements, les situations, et parmi l'ensemble des relations possibles entre événements, il existe un certain nombre de relations temporelles. Ces deux raisons sont peu contestables : d'une part la langue exprime le temps et le repérage des événements et d'autre part le discours est le lieu de relations temporelles.

    Il y a un troisième type de réponse, plus pratique : les relations temporelles font l'objet d'un apprentissage complexe et spécifique d'une

    1. Cet article s'inscrit dans le cadre du Groupe de rtchrcchc sur la référence temporelle (projet du Fond"; National Suisse de la Recherche Scientifique (FNSRS), requête N° 1214-043124.95).

    2. On mentionnera à titre d'exemple les problèmes suivants : relation entre ordre temporel et causalité, relation entre référence temporelle cl classe aspectuclle ou mode d'action, facteurs déclenchant l'ordre temporel (temps verbaux, classe* aspcctuelles. principes de discours, règles pragmatiques, etc.) Pour une introduction à ces questions et une présentation synthétique, cf. Moeschler ( 1996ai. Moeschler (à paraître) et Moeschler & Rcboul ( 1994, chapitre 17).

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    langue à l'autre, et l'apprentissage d'une langue comme le français nécessite le développement de routines, de stratégies, dont certaines lui sont propres, permettant l'usage approprié, notamment, des temps verbaux3.

    Cependant, il ne faudrait pas recourir, pour répondre à la question de la permanence de l'intérêt pour le temps dans la langue et dans le discours, à un argument couramment utilisé : celui qui consiste à reconnaître la présence massive des indications temporelles dans les énoncés et dans le discours4. 11 est en effet douteux de penser que plus un phénomène se manifeste linguistiquemeni dans un discours, plus il est pertinent pour son interprétation. Ceci donnerait lieu à des arguments bizarres, du type :

    il) L'écoulement de l'eau dans une baignoire produit l'cncrassage. voire le bouchage des tuyaux ; il est donc raisonnable d'élaborer une théorie physique qui explique le procossus d'encrassage des tuyaux de baignoire.

    En bonne méthode scientifique, l'explication devrait en fait passer par l'étude des différents corps utilisant le tuyau, la matière de celui-ci, ainsi que les facteurs propres à l'entartrage, à l'oxydation induits par l'écoulement de l'eau, etc. En d'autres termes, to make a long siory short, la fréquence d'un phénomène n'entraîne nullement son importance ou sa pertinence. Il faut donc trouver de meilleurs arguments pour rendre intéressante la problématique du temps dans la langue et le discours.

    L'argument qui a été le plus souvent utilisé, sans être vraiment discuté, consiste à dire que, si la langue manifeste le temps dans sa morphologie et dans sa syntaxe, c'est en fait au niveau du discours que les relations temporelles se manifestent. Ceci a constitué l'argument majeur de la linguistique textuelle, qui a fait son slogan de la formule "la linguistique n'a pas pour objet la phrase, mais le texte".

    3. On noiera à ce titre qu'au niveau de l'apprentissage des langues, les problèmes strictement linguistiques ou grammaticaux, comme la maîtrise des conjugaisons, le choix du mode, ainsi que des "règles" de concordance des temps, se doublent d'une problématique textuelle. Comment utiliser de manière appropriée les temps verbaux dans les récits et dans les descriptions par exemple ?

    4. Ce genre d'argument a conduit à des hypothèses contestables sur le marquage du temps dans les textes, notamment chez Wcinrich (1973), lorsqu'il considère que les temps verbaux, "signes obstinés", n'ont pas de signification temporelle.

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    J'aimerais, dans cet article, donner une autre image de la relation entre le temps, la langue et le discours, et prendre arguments de faits de discours pour conforter une image classique de la linguistique, dont l'objet est la phrase, et une image de la pragmatique maintenant bien acceptée, dont l'objet serait l'énoncé. Le discours sera ici défini comme une suite non-arbitraire d'énoncés (selon les définitions proposées dans Reboul & Moeschler 1995, 1996 et à paraître). L'argument que j'essaierai de fonder est que les relations temporelles n'ont pas pour objet des unités discursives. mais des événements. Les événements, comme je le montrerai, ne sont pas des faits de discours, ils ont une existence indépendante. Pour ce faire, je tenterai de donner une analyse d'un fragment de récit, analyse qui aura pour fonction d'expliciter en quoi la compréhension des relations temporelles est importante pour la compréhension des discours. Ceci me permettra de donner un quatrième argument à l'intérêt pour la problématique du temps : elle est incontournable pour aborder l'analyse du discours. Enfin, je montrerai pourquoi l'approche pragmatique doit aborder la question du discours.

    2. Narration, explication et les relations discursives

    Il est un type de discours qui illustre de manière particulièrement significa-tive les relations temporelles : c'est ce qu'il est convenu d'appeler le récit. Dans ses définitions classiques (cf. notamment Adam 1985). le récit est défini comme impliquant un processus de changement d'état ou de situation : un état E est transformé, dans le cours du processus narratif, en un état E'. Par exemple, dans le cadre du roman policier, l'état E peut être représenté par "le meurtrier de Smith est inconnu", alors que dans l'état E', "le meurtrier de Smith est connu". On remarquera que cette définition ne dit rien sur ce qui constitue le discours, à savoir ne dit rien sur ce que peuvent être les propriétés des phrases narratives. Le récit définit non pas des entités discursives qui le constituent, mais les propriétés des étals (ou des situa-tions) initiaux et finals. Deux conséquences au moins en découlent. D'une part, un discours qui ne définirait aucun changement d'état ne pourrait être qualifié de narratif. au contraire, il sera considéré comme descriptif, la des-cription rendant compte d'une certaine situation ou d'un état du monde. D'autre part, tout discours impliquant un changement d'état sera considéré comme un récit. Par exemple, les séquences discursives (2) à (5) seront con-sidérées comme des récits :

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    (2) Paul poussa Max. H tomba dans le précipice.

    (3) Max tomba dans le précipice. Paul l'avait poussé.

    (4) Max tomba dans le précipice. Paul l'aurait poussé.

    (5i Paul poussa Max. Il tomberait dans le précipice.

    Cependant, cette définition ne permet nullement de distinguer une séquence de phrases narratives, comme en (2), une séquence explicative, comme en (3), et enfin des séquences mixtes composées de phrases narratives et de phrases au style indirect libre, comme en (4) et en (5).

    Il me semble important de donner une définition plus restrictive de ce que peut être un récit et des composants qui le constituent, à savoir les phrases narratives, Dans la tradition de Labov (1978), poursuivie notamment par Reinhart ( 1986), un récit est une suite de phrases narratives dont la propriété est le parallélisme entre l'ordre du discours et l'ordre des événements. Par convention, j'appellerai narration ce type de séquence d'énoncés5.

    Dans la série des exemples (2) à (5), seule (2) est une narration suivant cette définition. Par contre, (3) ne sera pas considéré comme une narration : l'événement e2 de la phrase P2 est antérieur chronologiquement à l'événement cl de la phrase PI. Par convention, je parlerai d'explication lorsqu'une relation causale existe entre e2 et el , en entendant par là que P2 explique PI. Enfin, ni (4) ni (5) ne sont des narrations au sens défini plus haut. En (4), e2 est antérieur à cl , mais surtout, représente non pas la description d'un état de choses, mais la représentation qu'en a un sujet de conscience, par exemple "Max tombant". De même, si les événements el et e2 se succèdent dans le temps en (5). e2 n'est que la représentation interne de la conséquence de el dans la conscience de Paul. Ces exemples mixtes ne sont donc ni des explications ni des narrations au sens strict.

    Ces quelques définitions et exemples élémentaires nous montrent que le problème du récit, au sens large du terme, fait intervenir au moins deux aspects que sa définition classique a ignorés.

    5. Cette définition peut surprendre, mais, dans l'acception que je donne au concept de narration, je le limiterai a la description d'une relation de discours entre deux énoncés. Les énoncés narratifs sont donc ceux qui ont comme propriété de faire avancer le temps.

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    D'une part, le récit est à propos d'événements et non d'états ou de situations. Nous aurons l'occasion de développer ce point plus loin, et de préciser notamment la différence entre étais et événements, mais ceci a au moins une conséquence non triviale : le récit est à propos d'éventualités dynamiques, localisables dans le temps.

    En second lieu, le récit, ici narration, définit un ordre particulier entre les événements qui constituent son discours. Ainsi, une narration est caractérisée principalement par l'ordre temporel, au contraire d'une explication qui manifeste un ordre temporel inverse . En effet, dans une explication, non seulement l'ordre est inverse, mais est très souvent accompagné d'une relation de causalité qui va de e2 à el. Lorsque la narration s'accompagne d'une relation causale, je parlerai de causalité ordonnée, alors que si la relation causale est inverse, comme dans l'explication, je parlerai de causalité inverse ou d'inversion causale. Bien entendu, il serait trop fort de délinir la narration par une relation causale : si (2) illustre une relation causale et une relation temporelle. (6), qui est une narration, n'implique aucune relation causale :

    (6) Max se leva et prit son petit déjeuner.

    Narration et explication, de même que phrases non narratives au style indirect libre, ne constituent pas l'ensemble des relations temporelles possibles. Quelles peuvent être les autres relations temporelles dans le discours ? Envisageons les séquences suivantes :

    (7) Lorsque Max entra dans le salon, Marie téléphonait. (8) Nous sortions du cinéma lorsqu'il M mit 1 pleuvoir. (9) Ce soir-là. notre héros écrivit une lettre à Lady Ann et but une bouteille de

    whisky. ( 10) Bill souriait. Il souriait trisiemcnt.

    (7) illustre non pas une relation de succession temporelle, mais d'inclusion temporelle : l'événement "Max rentrer dans le salon" est inclus dans un autre événement, celui décrit par la phrase Marie téléphonait. En

    6. Terme utilisé pour l'anglais eventuality (cf. Bach 1981, 1986. 1989). 7. Cette définition est très restrictive, car elle concerne principalement les relations

    discursives entre deu* énoncés. On trouvera cependant une application de celte définition à des unités textuelles larges dans Rcinhari (1986). ainsi que dans Labov (1978).

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    (8), les deux événements cl et e2 sont simultanés, i.e. concomitants, ou, tout au moins, partagent un certain intervalle temporel : le procès de sortir peut avoir une certaine extension temporelle, celle dont le segment ultime coïncide avec le début de la pluie. En (9). si le passé simple semble impliquer par défaut une lecture par ordre temporel, cela ne semble nullement nécessaire, et c'est plutôt l'indétermination temporelle qui joue ici. Lorsque la lecture est dite par indétermination temporelle, cela signifie que l'ordre temporel entre les événements n'est pas pertinent, et qu'il faut envisager une autre fonctionnalité. C'est le processus que Louis de Saussure nomme "encapsulation" (cf. Saussure ici-même). Enfin, la relation entre événements en < 10) semble plutôt être une relation d'élaboration. Le deuxième énoncé explicite, rend plus manifeste, une caractéristique de l'événement signifié dans le premier énoncé. Il n'y a pas à proprement parler de relation temporelle : c2 de P2 ne succède ni n'est simultané à el de PL On dira plutôt que P2 rend plus manifeste une propriété de e l .

    Comment caractériser ces relations temporelles et non temporelles entre événements ? Sont-elles propres au discours ou aux relations possibles entre événements ? Une manière classique de répondre à cette question est de tenter de circonscrire un certain nombre de relations temporelles et non temporelles nécessaires pour l'interprétation des discours. L'idée est que ces relations contribuent à la cohérence du discours, i.e. qu'un discours est cohérent si et seulement si l'une des relations discursives est satisfaite. Cette version est celle de la sémantique du discours, représentée récemment dans les travaux de Lascarides et Asher, et que nous allons présenter brièvement.

    3. La cohérence du discours

    Dans des articles récents, Lascarides. Oberlander et Asher (cf. Lascarides 1993, Lascarides & Oberlander 1993, Lascarides & Asher 1993) ont déve-loppé une théorie formelle du discours et des relations dans le discours, uti-lisant les principes d'inférence de la logique non-monotone et une théorie du discours, la SDRT {Segmented Discourse Représentation Theory de Asher 1993). s'inscrivant dans le contexte de la DRT (Discourse Représen-tation Theory àe Kamp & Reyle 1993). théorie qui donne une place centrale à la notion de cohérence.

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    La cohérence est définie comme une relation entre éventualités, à savoir entre des événements et des états dans le monde. Les événements sont définis comme bornés temporellemeni. ont une phase préparatoire, une cuimination et une phrase subséquente, alors que les états sont non bomés temporellement cl n'ont pas de cuimination . Pour Lascaridcs & Oberlander (1993), les relations entre éventualités définissent l'ensemble C et sont de quatre types : causalion, relation partie/tout, recouvrement temporel cl précédence immédiate. L'ensemble C définit trois types de propriétés des textes : la cohérence temporelle, la véracité temporelle (temporal reulihdtn) et la précision temporelle. Ces propriétés sont définies comme suit (Lascarides & Oberlander 1993, 5-6) :

    Cohérence temporelle Un texte est temporellement cohérent si le lecteur peut inférer qu'au moins une relation dans l'ensemble C tient entre les éventualités décrites dans les phrases.

    Véracité temporelle Un texte est temporellement vérace si une des relations dans C que le lecteur infère tenir tient effectivement entre les éventualités décrites dans les phrases.

    Précision temporelle Un texte est temporellement précis si, lorsque le lecteur infère qu'un des sous-ensembles propres des relations dans C tien! entre les éventualités décrites dans les phrases, il est capable d'inférer laquelle de ces deux relations tient

    Ces définitions permettent de donner une description satisfaisante des défectuosités discursives : un texte sera dit temporellement incohérent lorsqu'on ne peut inférer l'une des quelconques relations de C entre les phrases; un texte sera temporellement non vérace, c'est-à-dire trompeur, si l'interprétation du texte produit des relations non conformes à ce qu'est le

    8. Celte définition correspond à la distinction entre événement et état telle qu'on la trouve dans la tradition issue de Vcndler ( 1967). cl notamment dans Parsnns ( 1990k qui utilise les traits CU1.MINATION et HOLD pour caractériser respectivement les événements des étais. Cette distinction est bien entendu très schématique. D'une pan elle ne rend pas compte des distinctions entre état et activité, et entre accomplissement et achèvement. D'autre part, elle entretient une confusion entre les propriétés de bornage et de télicité caractérisant les événements. Cela étant, je respecterai la tradition de la sémantique du discours, qui fonde la distinction état/événement sur une distinction sémantique primitive entre massique et comptable. Cf. Kozlowska ( 1996) et (ici-même) pour ces distinctions. Pour un traitement récent de l'aspect, cf. de Swart 11995) et Vet (1994). Cf. Jaycz ( ici-même i pour une analyse de la télicité.

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    monde; enfin, un texte est un temporelkment imprécis ou ambigu si le lecteur ne peut déterminer une relation précise entre éventualités.

    Une précision s'impose pour déterminer la nature des relations définissant C. La relation de précédence immédiate doit s'interpréter comme suit :

    Précédence immédiate "el précède immédiatement e2" signifie que cl et e2 son! en relation caunale ou en relation panie/toul compatible avec le fait que c I ptécède e2.

    Cette définition permet de rendre compatibles la relation partie/tout et la relation de précédence. Si l'on revient à l'exemple (8)

    (8) Nous sortions du cinéma lorsqu'il se mit â pleuvoir.

    on peut dire que el {nous sortions du cinéma) précède immédiatement e2 (i7 se mit à pleuvoir) : le recouvrement concerne la phase subséquente de e I, ou sa culmination.

    Les quatre relations temporelles présentées ici (causation, relation partie/tout, recouvrement temporel et précédence immédiate) ne semblent cependant pas suffisantes pour décrire la notion de cohérence temporelle : les relations d'indétermination temporelle et d'élaboration ne sont pas spécifiées. Les raisons en sont évidentes : d'une part l'élaboration n'est pas une relation temporelle, mais une relation entre types d'éventualité; d'autre part l'indétermination temporelle, si on la prend comme l'une des relations temporelles fondamentales (cf, Wilson & Sperber 1993), contredit le principe de précision temporelle.

    Dans un article de 1993. Lascarides et Asher donnent les définitions suivantes des relations discursives (Lascarides & Asher 1993.440) :

    • Explication (a, fl) : l'événement décrit en Ji? explique pourquoi l'événement a s'est produit : (11) Max est tombé. Jean l'a poussé.

    • Élaboration (a, fl) : l'événement /Jcst une partie de a : 112) Ix conseil a construit le pont. L'architecte a fait les plans.

    • Narration (a, fi) : l'événement décrit en /5est une conséquence de l'événement décrit en a :

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    [13] Max se leva. Jean le salua.

    • Arrière-plan (a, 0) ; l'état décrie en jB est la toile de fond ou les circonstances dans lesquelles l'événement a s'est produit :

    ( 14) Max ouvrit la porte. La chambre était complètement noire.

    • Résultat (a. fi) : l'événement décrit en a a causé l'événement ou l'éiat décrit en

    P 115) Max éteignit la lumière. La chambre était complètement noire.

    Parmi ces relations, l'une d'entre elle est centrale, à savoir la narration, qui fonctionne comme une règle d'infércnce défaisable. De même que l'on peut décrire (16) via la règle d'infércnce (17). on peut (Lascarides & Asher 1993, 442-3, mais aussi ascarides 1993, 5) représenter la tendance à interpréter (13) comme une narration sur la base des deux règles (18) et (19):

    (16) Normalement, les oiseaux volent, Tweety est un oiseau. |= Tweeiy vole.

    (17) Modus Ponens défaisable

    t > V. » 1= V (si $. alors normalement y. V suit de manière non-monotone 0)

    (18) Narration Si la phrase p en cours de traitement est attachée par une relation de discours à la phrase a qui est une partie du texte traité jusque-là. alors, normalement. Narration (a,j}) est le cas.

    ( 19) Axiome de narration Si Narration la. 0t est le cas, et a et /5 décrivent les éventualités e I et e2 respectivement, alors e I se produit avant e2.

    (18) est une infércnce défaisable, produite par notre connaissance linguistique (LK), alors que (19) est une infércnce indéfaisablc. qui définit la relation d'ordre temporel entre les événements entrant dans une narration et relève de notre connaissance du monde (WK). Le discours (20) peut être analysé à l'aide des relations formulées en (21) :

    (20) a. Guy vécut une merveilleuse soirée hier soir, b. Il lit un repas extraordinaire e. Il mangea du saumon. d. Il dévora moult fromages. e. II gagna un concours de danse.

    (21) Élaboration (a. b) Élaboration (b, c) Élaboration (b, d) Narration (c, d)

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    Narration (b, e) Élaboration

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    a. Guy vécut une merveilleuse soirée hier soir

    ÉLABORATION "" - ^ _ ÉLABORATION

    NARRATION b. Il fil un repas extraordinaire e. II gagna un concours de danse

    ÉLABORATION/ " ^ " ^ - - ^ & A B O R A T I O N

    c. Il mangea du saumon NARRAT10N _ j . n dévora moult fromages

    Figure I: structure temporelle de (201

    Le principe d'analyse de Lascarides et Asher est le suivant. Le lecteur, en interprétant un discours (texte), utilise deux types de connaissances pour déclencher ses inférenccs : d'une part des connaissances linguistiques et d'autre part des connaissances sur le monde. Les premiers types de connaissances (LK) conduisent à des inférences défaisables, alors que les secondes (WK) permettent des xnférences indéfaisable s. L'idée que nous avons tendance, par défaut, à poser une relation temporelle comme Narration entre deux phrases successives provient de notre connaissance linguistique. A strictement parler, c'est un principe pragmatique, la maxime d'ordre, qui en est responsable, comme le rappelle la citation suivante de Grice(1981, 186, je traduis) :

    "Il est correct de dire qu'il y a une supposition générale qui serait subsidiaire à la maxime générale de manière ("Soyez clair"), selon laquelle il faut préventer ses données de manière ordonnée, et si l'on est engagé dans un récii (si l'on parle d'événements), alors la manière la plus ordonnée pour un récit d'événements est l'ordre qui correspond à l'ordre dans lequel ils se sont produits."

    En d'autres termes, la maxime gricéenne d'ordre doit ici être interprétée comme une règle défaisable1 '.

    11. On notera que dans la tradition de la sémantique du discours, l'explication, notamment de l'interprétation par défaut de la relation de Narration, recuit deux interprétations principales. Dans la perspective Asher-Lascarides-Oberlander, c'est une conjoncuon de LK et de WK qui en est responsable : la théorie incorpore donc une forte c'ose de pragmatique. En revanche, dans la tradition DRT, représentée par Co Vet, c'est essentiellement le recours à des régies sémantiques sur les temps verbaux et aux informations lexicales (prédicats) qui expliquent les interprétations temporelles, ainsi qu'à des hypothèses sur le type de structure textuelle (cf. Caneepel & Moens 1994 et Vet 1995a). Cf. aussi, pour une discussion entique des thèses "pragmatiques" de la sémantique du discours, Vet (1995b).

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    Cette perspective néo-gricéenne n'est pas sans poser quelques problèmes, si l'on veut disposer d'une théorie de l'interprétation des discours. La force évidente de la théorie Asher-Lascarides-Oberlander est de se greffer sur une logique non-monotone, une théorie formelle du discours et une sémantique intensionnelle (un développement de la sémantique de Montague) permettant d'attribuer des formes logiques aux phrases constituant le discours (cf. Lascarides 1993 pour une explicitation du modèle, ainsi que Ashcr 1993). Mais un des postulats de cène théorie est de pouvoir, au-delà des prédictions sur les relations discursives, fournir ultimement des structures de discours, notamment représentées dans la Figure I et développées de manière détaillée dans Ashcr ( 1993. chapitre 7) etAsheretal. (1995).

    Il me semble que deux questions au moins doivent être posées en face de cette approche : d'une part, quelle valeur heuristique attribuer à une telle théorie ? d'autre part, quel rôle peut-on assigner aux structures de discours dans l'interprétation du discours ? C'est à répondre à ces deux questions que sera consacrée la suite de cet article.

    4. Les relations temporelles et l'analyse du discours

    La question de la valeur heuristique de la sémantique du discours est en fait une question mal posée. Ce que vise une telle théorie, c'est de fonder une interprétation des relations de cohérence dans un texte sur une théorie des inférences défaisables. C'est donc dans un sens radicalement différent que je vais appliquer cette approche, au risque d'en déformer quelque peu les objectifs initiaux. Il me semble cependant que. si l'on admet que les rela-tions discursives, en tout cas en ce qui concerne les textes narratifs, sont à propos d'éventualités, il devrait être possible de représenter l'ensemble des relations entre éventualités constituant un texte narratif.

    Pour les besoins de l'analyse, j 'ai segmenté le texte (20), objet de mes analyses, en autant d'unités de discours représentant chacune une éventualité, à savoir des événements ou des états. Le principe de l'analyse sera simple. Chaque éventualité doit être en relation de cohérence (Explication, Arrière-plan, Narration. Élaboration. Résultat) avec une autre éventualité. Le principe d'ordre n'a pas à être respecté, notamment pour

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    Narration. Si x, y et z sont éventualités, x peut être en relation d'Élaboration avec v et de Narration avec z.

    (22) ('Je me réveillai plusieurs fois durant les quelques heures précédant le petit matin1] [:Lc moindre craquement, le plus petit grincement de la main accélérait mon pouls2]. [3Les voyants rouges du tableau du système d'alarme installé en face de mon lit brillaient d'une manière inquiétante3) [4et lorsque je me retournais dans mon lit4l "ou arrangeais mes couvertures*]. (6lcs détecteurs de mouvement, [7quc je branchais7! |*quand je me trouvais à la maison8', me fixaient en silence de leurs petits yeux rouges6]. [9Je fis des rêves étranges*]. [l0k 5h30 j'allumai10] fJ'et m'habillai"]-

    M-Dehors, il faisait encore nuit12] [ l 3ctje ne rencontrai pratiquement pas de circulation en me rendant au bureau1'']. |1 4Le parking de la morgue, désert, était jonché de dizaines de petites bougies en cire d'abeille l 4 l [] 5qui me rappelèrent les bacchanales amoureuses de .Moravie et d'autres rites religieux1*]. [ l6Mais ces bougies avaient servi à protester16]. [''Quelques heures auparavant, on les avait brandies comme désarmes'7]. (18Une fois dans mon bureau, je préparai du café18) |"et me penchai sur les papiers [2oque m'avait laisses Fielding2fl|. curieuse de savoir ce1 9] [2lque contenait l'enveloppe trouvée dans la poche arrière de Waddcll21). [22Je m'attendais a y découvrir un poème, peut-être une autre méditation ou une lettre de son pasteur22].

    t23À ma grande surprise, ce [24quc Waddell avait considéré comme "ultra confidentiel"24]] 2 îet demandé à emporter dans sa tombe25] se résumait à quelques tickets de caisse : cinq certificats de péage cl trois factures de restaurant, dont l'une pour un poulet rôti commandé dans un Shoncy deux semaines plus lot23).

    Patricia Comwell. Une peine d'exception, Paris. Editions du Masque. 1994. 23-24 (Livre de Poche 7649)

    La structure du premier paragraphe est donnée dans la Figure 2.

    Comment motiver cette représentation structurelle 7 Narration relie 1 et 9, 9 et 10, 10 et 11 : en effet, dans chaque cas. l'ordre des événements est indiqué par les passés simples. Les segments 2 à 8 ont pour fonction d'Expliquer 1, et, pour 3 à 8 d'introduire l'arrière-plan de 2. 3 et 4 sont l'Arrière-plan de 2 et en relation de Narration (cf. la présence de et). 4 et 5, en relation de Narration12, sont les Élaborations de 6. Élaboré par 7. qui a pour Arrière-plan 8.

  • 312 Cahiers de Linguistique Française 18

    NARRATION NARRATION , „ , NARRATION 1 je me réveillai 9. je fis des 1 0 â 3 n : ? u 11. et m'habillai plusieurs fois... rêves étranges J allumai

    EXPLICATION

    2. le moindre craquement...accélérait

    ARRIÈRE-PLAN ~ - ^ . ARRIÈRE PLAN

    3. les voyants rouges bri liaient

    ÉLABORATION _

    NARRATION 6.les détecteurs . me fixaient

    ÊI-ABORATION

    RABORATtON

    NARRATION* . 4. et lorsque je 5. (Hi arrangeais me retournais... mes couvertures

    7. que je branchais

    ARRIÈRE-PLAN

    8. quand je me retrouvais..,

    Figure 2 : Structure de (22). 1er paragraphe

    Le deuxième paragraphe poursuit la narration 1-9-10-11. La connexion entre le premier et le deuxième paragraphe, à savoir entre 11 et 12 est Résultat : 12 (Dehors il faisait encore nuit) est une conséquence ou un résultat de 11 (je m'habillai), plus précisément un résultat de son implication contextuelle "la narratrice sortit". Narration intervient entre 12 et 13 d'une part (cf. le rôle de et et du passé simple 13). et entre 13 et 18 d'autre par (18 a son propre point de référence temporelle - Une fois dans mon bureau -, et est postérieur à 13). Entre ces deux segmenLs, 14 est l'Arrière-plan de 13 (le parking est le lieu de la scène) et en relation de Résultat avec 15 (15 est une conséquence de 14). alors que 17 Explique 16 qui est l'Élaboration à la fois de 14 et de 15 (il y a un partage du topique). Narration relie 18 et 19. 20 et 21 Élaborent 19 (chaque énoncé spécifie 19 ou est en relation partie-tout avec lui). Quant à 22, il est relié à 19 par

    12. Il s'agit en fait d'une disjonction narrative : ou «4 ou e5. Cela dit, la disjonction ne peut s'interpréter comme un ou exclusif. 4 s'est produit tout comme 5. dans un ordre quelconque et à de multiples reprises. Je noie Narration* cette relation, qui implique ((ci v(ej

  • Jacques Moeschler 313

    Résultat (il s'agit en fait d'un Résultat contrefactuel). Enfin, 24 et 25, en relation de Narration (cf. le temps identique, le plus-que-parfait, et le connecteur et) Élaborent 23, qui Élabore 22 (la contrepartie actuelle de 19).

    On peut donner la représentation structurelle des deuxième et troisième paragraphes suivante :

    I l .c i m'habillai

    RÉSULTAT

    HDehors N A R R A 1 1 0 N B .e t jene "AKKATION , 8 U n e f o i s NARRATION ^ ^ il faisait rencontrai dans mon penchai -encore nuit

    rencontrai pratiquement personne

    bureau.je préparai...

    sur les papiers curieuse

    ARRIERE-PLAN

    14. Le parking ctau jonché...

    RÉSULTAT ÉLABORATION/

    IS.qui me rappelèrent.

    ÉLABORATION ÉLABORATION,

    16. Mais ces bougies avaient servi.

    20. que m'avait laissés

    BXFUCXnON

    Ê3-ABORATION

    21. que contenait l'enveloppe

    RÉSULTAT

    17 Quelques heures auparavant, on les avait brandies 22. je m'attendais..

    ÉLABORATION I

    23. A ma grande surprise, se résumait

    24. Waddell NARRATION 2 5 CI d t . m a n d é avait considéré à emporter

    Figure 3 : Structure de (22). 2e et 3c paragraphes

    On peut se demander quelle valeur attribuer à ces analyses. En d'autres termes, quelle peut être la contribution de telles structures d'éventualités à l'interprétation des discours narratifs ? Trois remarques doivent être faites.

  • 3 1 4 Cahiers de Linguistique Française 18

    En premier lieu, de telles structures n'appartiennent pas à des configurations ou des prototypes particuliers. Il n'y a rien d'étonnant à ce qu'un événement soit élaboré, contrasté par un arrière-plan, expliqué, etc. Cela fait partie de la définitions des relations de cohérence. Par contre, on peut montrer, et Lascarides et Asher ont fait des démonstrations en ce sens, que certaines configurations ne sont pas possibles1-. En d'autres termes, la théorie ne doit pas permettre de découvrir l'ensemble des structures discursives possibles, elle doit simplement permettre de montrer pourquoi certaines relations ne sont pas possibles, étant donné d'autres relations dans le discours.

    En second lieu, la structure ne livre rien d'autre que ce qu'une interprétation indépendante a pu fournir, Dans cette perspective, une structure n'est autre que la représentation graphique d'une interprétation. Elle ne peut donc avoir que des vertus pratiques, mais pas théoriques. On pourrait en effet très bien décider que l'ensemble des relations fournies par les Figures 2 et 3 peuvent être données sous forme de listes, comme en (23):

    (23) Explication (1.2) Arrière-plan (2, 3) Narration* (4. 5) Élaboration (4. 6) Élaboration (S, 6) Narration (3, 6) Arrière-plan (2. 6) Élaboration (6,7) Arrière-plan (7, 8) Narration (1.9) Narration (9. 10) Narration 110. I l ) Résultat (11, 12) Narration (12. 13) Arrière-plan (13. 14) Résultat (14. 1S) Élaboration (14. 16) Élaboration ( 15. 16) Explication (16. 17) Narration (13, 18) Narration (18, 19) Élaboration (19. 20)

    13. Par exemple, (e) en (22) ne peut être en relation de Narration avec (d).

  • Jacques Moeschter 315

    Élaboration (19, 21) Résultat (19, 22) Élaboration (22. 23) Élaboration (23. 24) Élaboration (23, 25) Narration (24, 25)

    Cette liste de relations indique bien la formation d'entités complexes : mais celles-ci ne sont que des sous-configurations qui interrompent

    généralement un processus d'interprétation, comme par exemple Narration.

    En second lieu, toute notion de structure disparaît ici, puisque les relations

    explicitent l'interprétation d'un segment de discours. Nous reviendrons sur ce point.

    Enfin, si les relations de cohérence, de même que la ou les structures

    qu'elles génèrent, sont informativcs. c'est qu'elles présupposent une

    interprétation préalable des énoncés qui y interviennent.

    5. L'interprétation des éventualités

    La question est donc de savoir sur la base de quelles informations,

    linguistiques et non linguistiques, nous sommes capables d'interpréter les éventualités intervenant dans les relations de cohérence temporelle. Un

    parcours rapide des Figures 2 et 3 permet de faire des hypothèses simples :

    (M) Les temps verbaux déterminent les éventualités des phrases'', : a. Tout énoncé au passé simple entre dans la relation Narration, b. Tout énoncé au plus-que-parfait entre dans la relation Explication ou Elaboration. c. Tout énoncé à l'imparfait entre soil dans Arrière-plan. Résultai, Élaboration ou Explication.

    (H2) La classe aspecruellc de la phrase énoncée détermine son éventualité : a. Seuls les événements entrent dans Narration. b. Les événements et les étais peuvent entrer dans Explication et Élaboration. c. Seuls les états entrent dans Arrière-plan. d. Seuls les étals résultants entrent dans Résultat.

    14. Cette hypothèse, que j'appellerai codique, n'est pas celle qui esi défendue dans nos travaux sur les temps verbaux. L'article de Luscher & Sthioul (ici-même), qui présente une conception procédurale des temps verbaux, dans la ligne des recherches sur les connecteurs (cf. Luscher 1994), ne prédit pas un comportement par défaut des temps verbaux, mais un ensemble d'emplois possibles contraints par des conditions contextuelles et cotcxtuelles.

  • 316 Cahiers de Linguistique Française 18

    Ces deux ensembles d'hypothèses sont classiques et ont été. sous des formes quelque peu différentes, défendues par les approches anaphoriques et aspectuelles de l'ordre temporel (cf. pour les versions classiques respectivement Kamp & Rohrer 1983, Dowty 1986. et pour une discussion d'ensemble Moeschler 1996a, 1996b et à paraître). Malheureusement, elles sont trop fortes, en ce sens qu'elles supposent que les seules expressions linguistiques (temps verbaux, types aspectuels des prédicats, adverbiaux de temps) suffisent pour l'interprétation des énoncés. On notera par exemple que Narration (3.6) infirme (Hl). à moins de voir (3,6) sous un autre type de relation, ce qui n'est pas sans poser un nouveau problème : ces deux énoncés sont connectés par et, qui intervient de manière préférentielle dans Narration.

    Il semble donc que la seule solution, pour interpréter les éventualités, consiste à les associer au processus d'interprétation complète des énoncés. Je ferai donc l'hypothèse suivante :

    (H3) La détermination de l'éventualité de l'énoncé fait partie de son exploitation, i.e. de l'enrichissement de sa forme logique.

    La ligne d'argumentation est bien connue. Elle consiste à supposer que l'interprétation des référents est une affaire d'inférence, et donc relève de la pragmatique. De même que la détermination des référents des pronoms et des autres expressions référenticlles est une affaire de contexte, au sens où le choix du bon réfèrent ne peut se faire que relativement à ce qui est mutuellement manifeste pour le locuteur et son allocutaire et aux instructions sur la façon de l'obtenir (cf. Reboul 1994, Moeschler & Rcboul 1994, chapitre 13). je dirai que la détermination de l'éventualité associée à la phrase est une affaire de contextualisation et d'instructions tant lexicales que temporelles : les temps verbaux, notamment, permettent d'accéder aux procédures déterminant l'éventualité, définie comme une partie de l'explicitaiion de l'énoncé (cf. ici-même Luscher & Sthioul pour une analyse procédurale du passé composé).

    Dans le cours des deux dernières sections, j 'ai opéré, progres-sivement, une double réduction : réduction des structures de discours aux relations temporelles, et réduction des relations temporelles au type d'éventualité. Cette réduction, on le verra, est exactement le type de réduction revendiquée dans la perspective d'analyse du discours présentée

  • Jacques Moeschler 317

    dans Rcboul & Moeschler ( 1995, 1996, à paraître). Cela dit. elle ne fait que confirmer le statut des catégories de la sémantique du discours, mais en les situant à un autre niveau : la détermination de l'éventualité est première et nécessaire pour déterminer les inférenecs défaisablcs et indéfaisables à l'origine des relations temporelles et des structures du discours. Notre position est que la sémantique ne suffit pas à elle seule pour déterminer l'éventualité de l'énoncé, que les relations temporelles sont réductibles à des propriétés plus fondamentales des énoncés, et que la structure du discours n'est qu'une trace de son interprétation.

    6. Une autre analyse du discours

    L'analyse du discours que nous envisageons procède d'une application des principes de l'analyse pragmatique radicale, et plus spécifiquement de la théorie de la pertinence (cf. Spcrber & Wilson 1995). L'approche développée par Anne Rcboul et moi-même a pour origine ses premiers travaux sur le discours de théâtre (cf. Reboul 1984), ses travaux sur la fiction (cf. 1990 et 1992), ainsi que mes réflexions sur l'analyse conversationnelle (cf. Moeschler 1996c). Les premières hypothèses ont été posées en 1985 dans les CLF 6 consacrés au discours théâtral. Dans ce numéro, nous avons défendu la thèse selon laquelle les structures hiérarchiques produites dans le cadre du modèle genevois standard n'étaient que le produit d'interprétations, à savoir des interprétations des personnages ou de l'auteur et que leur fonction était d'en donner une représentation explicite. En 1988. Anne Reboul, dans les CLF 9, a proposé, pour rendre compte de l'interprétation de textes de fiction (narratifs et non narratifs), d'utiliser une des hypothèses fortes de la théorie de la pertinence, selon laquelle l'interprétation est le résultat d'inférences non démonstratives. Plus concrètement, cela signifie que le processus d'interprétation est un processus de formation et de confirmation d'hypothèses, et que si ce processus est actif pour l'interprétation des énoncés, il peut s'appliquer sans modification substantielle aux textes et aux discours.

    La caractéristique des discours est leur mode de composition : ils sont composés d'énoncés, et à ce titre réductibles à leur interprétation. Mais, et c'est en cela que l'analyse de discours a su légitimer ses hypothèses, l'interprétation du discours ne saurait se réduire à l'interprétation de ses parties. C'est ici que se démarquent les deux grandes tendances dans les

  • 318 Cahiers de Linguistique Française 18

    analyses discursives que nous avons distinguées dans Reboul & Moeschlcr 11996) : l'analyse de discours et l'analyse du discours™.

    La première approche (Vanalyse de discours) fait l'hypothèse que le "plus" relevant de 1* interprétation du discours provient du discours lui-même, notamment de son type, et que les structures du discours font émerger ce que les énoncés en eux-mêmes ne peuvent pas faire. Ceci est particulièrement explicite pour l'analyse de la conversation, où par exemple les fonctions illocutoires assignées aux interventions sont le résultat d'un certain type de configuration (l'échange par exemple). D'une certaine manière, les structures données de notre texte narratif pourraient s'interpréter de cette manière : les relations temporelles sont le résultat de la combinaison de phrases narratives et non-narratives, qui ne peuvent émerger que de leurs interrelations16.

    L'analyse du discours, en revanche, voit le bénéfice du discours dans un processus de formation et de confirmation d'hypothèses globales, relevant non pas de l'imentionnante locale du locuteur ou du narrateur propre à un énoncé particulier, mais d'une intentionnalité globale nécessairement attribuée au discours. Cette hypothèse est en effet nécessaire, car, sinon, on ne verrait pas les raisons pour lesquelles le discours a pris la forme d'un acte de communication. Par exemple, l'intention globale d'une histoire drôle peut être de faire apparaître un télescopage entre deux ou plusieurs interprétations contradictoires, celle d'une conversation informelle, entre autres, de prendre plaisir à converser, celle d'une conversation formelle de prendre une décision, celle d'un récit d'enrichir le savoir sur le monde du lecteur, etc.

    15. La différence terminologique introduite ici n'est pas relative aux usages. Elle est strictement conventionnelle et appartient à notre terminologie propre.

    16. Celte position peut être attribuée à la sémantique du discours, si l'on se réfère à la citation suivante (Lascaridcs & Asher 1993, 439-40) :

    "In order to extend coverage to texis like |20], we assume (...) that constntints must bc imposcd on which sentences in a text can be relatcd to form text segments, and that thèse consiraints are lo be charactcnscd in terms of hiérarchieal discourse struc-ture. Wc thereforc not only calculate the temporal structure of evenis described in a text. We also invesligalc how WK and LK affect ihc interactions between discourse structure and temporal structure wilhin very simple discourses."

  • Jacques MoescMer 319

    Le processus que nous envisageons est une extension du processus d'interprétation spécifié dans la théorie de la pertinence. Nous faisons l'hypothèse que l'interprétation de chaque énoncé suppose la reconnaissance de l'intention locale qui a présidé à sa profération. Chaque énoncé va ainsi augmenter le stock des hypothèses interprétatives, et des relations entre hypothèses vont émerger : certaines hypothèses vont se renforcer les unes les autres, lorsqu'elles sont compatibles; d'autres hypothèses vont être entretenues avec plus de force que d'autres et vont les remplacer, notamment lorsqu'elles sont contradictoires. Enfin, tout discours reconnu comme tel suppose l'émergence d'une ou plusieurs hypothèses interprétatives globales, qui sont soit produites par les hypothèses locales, soit par leur addition, hypothèses globales qui vont faire l'objet soit de confirmation, soit de renforcement, soit de suppression, au même titre que les hypothèses locales. C'est au niveau des hypothèses globales que nous situons l'intentionnalité globale du locuteur, et c'est à reconnaître cette intentionnalité que conduit naturellement tout processus d'interprétation des discours.

    On aura compris que l'analyse du discours est réduaionmste. puisqu'elle nécessite la réduction du discours aux énoncés qui le composent, et contextualiste, puisqu'il ne saurait être question d'une seule interprétation linguistique pour atteindre l'intentionnalité locale des énoncés, puis l'intentionnalité globale du discours.

    Comment une telle stratégie peut-elle s'appliquer à notre corpus narratif ? Comment réinterpréter les relations discursives définissant la cohérence temporelle ?

    Examinons tout d'abord la deuxième question. L'interprétation complète d'un énoncé ne va pas spécifier son rôle d'argument dans une relation de discours, mais simplement déclencher des inférences non-démonstratives. On peut en effet faire l'hypothèse que les inférences ne seront pas les mêmes selon la nature de la relation discursive. Prenons par exemple la différence entre une séquence à ordre temporel et une séquence à inversion temporelle, à savoir ce que nous avons appelé Narration et Explication :

    (24) Max a poussé Paul. Il CM tombé dans le précipice. (23) Paul est tombé dans le précipice. Max l'a poussé.

  • 320 Cahiers de Linguistique Française 18

    L'hypothèse développée dans Moeschler (à paraître) est que ces deux séquences communiquent les mêmes informations, mais à des niveaux différents. Ainsi, l'information selon laquelle, en (24) e2 suit el fait partie de son exploitation, alors que la relation causale existant entre el et e2 (el étant interprété comme causant c2) est le résultat d'une implicitation, à savoir n'est pas communiquée explicitement par le locuteur. L'analyse de (25) sera symétrique de celle de (24) : la relation causale fait partie de l'explicitation de P2 (e2), alors que la relation d'ordre temporelle fera partie de son implicitation.

    L'objection que l'on pourrait formuler est immédiate. En quoi l'analyse en termes d'implicitation et d'explicitation diffère-t-elle de l'analyse en termes de relation discursive ? J'aimerais montrer que ces relations sont obtenues au terme d'un processus de formation et de confirmation d'hypothèses. On supposera pour cela que le processus d'interprétation va de PI à P2 et que l'interprétation de PI procède par hypothèse anticipatoire. Nous obtenons ainsi les analyses suivantes pour (24) et (25):

    (24") I. Traitement de PI : Max a poussé PauL Exploitations :a. cl : Passc(Max pousser Paul)

    b.el

  • Jacques Motschter 321

    II. Traitement de P2 : Max l'a poussé. Exploitations : a.c2 : PasséfMax pousser Paul)

    b. c2 cause el c.el

  • 322 Cahiers de Linguistique Française 18

    bien entendu, retenu ici), et cela uniquement pour le premier paragraphe. Je reviendrai ensuite sur la question des hypothèses locales et globales :

    (29) Analyse pragmatique du texte (22), énoncés I à 11 : 1. Je me réveillai plusieurs fois durant les quelques heures précédant le petit matin. Exploitations :a. cl : Passé(Répétition

  • Jacques Moeschler "bTh

    c. Inclus-dans(c7. e6) Hypothèse amicipatoire : Élaboration(c6, e7) 8. quand je me trouvais à la maison Explicitaiions :a e8 : P.isséiKS être à la maison)

    b. Ëla«c8> c. Recouvrement(e7, e8) d. Arrière-p!an(e7, e8)

    6. me fixaient en silence de leurs petits yeux rouges Explicitaiions :a. e6 : Passélx fixer KS)

    où x = les détecteurs de mouvement et fixer KS : b. Évcnementicô) c. Recouvrement (c6, e2) d. Arrière-plan (eo. e2) e. e6 = ek. c6 • ek' f. Élaboration(c4. e6) g. Élaboration^ 5. e6) h. Élaboralion(e7, e6)

    9. Je fis des rêves étranges. Explicitaiions ;a. e9 : Passé(KS faire des rêves étranges)

    b. Événement(c9) c. e9 = ei d. e I < c9

    Hypothèse aniicipatoire : c9 cause el \Q. A 5h30j allumai Explicitaiions :a. elO : PassefKS allumer à li),

    où ti = à 5h.l0 b. Évcnement(clO) c.elO = el d. e9

  • 324 Cahiers tie Linguistique Française 18

    à sa contextualisation. Ainsi, par exemple, une hypothèse narrative peut être formulée en (30) et une hypothèse contextuelle en (31 ) :

    (30) a. La narratrice est préoccupée. b. Quelque chose l'empêche de dormir.

    (31) La narramee viidans la crainte d'une agression chez elle

    Ces hypothèses ont des origines diverses. Par exemple, un lecteur de Patricia Comwcll saura que le détective Petc Marino, collègue de la narratrice Kay Scarpetta, médecin-chef légiste du comté de Richmond (Virginie), s'inquiète en permanence du système de sécurité installé à son domicile. De même, le lecteur de Une peine d'exception a appris qu'à la suite de l'exécution et de l'autopsie de Waddell par Scarpetta. un document trouvé dans les poches du condamne allait être examiné le lendemain matin. Les hypothèses anticipatoires de nature globale portent donc d'une part sur le fait que ces documents vont être examinés et sur le fait qu'ils vont enfin révéler le mystère de la personnalité de ce criminel impénétrable :

    (32) I-e Dr. Scarpetta va examiner les documents trouves dans les poches de Waddell.

    (331 l-cs documents trouves dans les poches de Waddell sont importants.

    Ces deux hypothèses ne vont pas être entretenues de la même manière. La première va être confirmée, comme le montrent les deuxième et troisième paragraphes. Par contre, la deuxième va être infirmée, ce qui renforce la perplexité du lecteur. En d'autres termes, deux hypothèses globales vont être d'une part confirmée et d'autre part supprimée, ce qui confirme que le lecteur, en les produisant, n'a pas produit des efforts cognitifs inutiles. Le discours qui a conduit à leur élaboration est donc pertinent, et sa pertinence est indépendante de sa cohérence.

    7. Conclusion

    J'ai indiqué au début de cet article que la détermination des relations tempo-relles était importante pour la compréhension des discours, tout au moins narratifs : les relations temporelles jouent un rôle dans la cohérence du dis-cours. Mais j 'ai aussi indiqué que la détermination des rapports de cohé-rence temporelle pouvait être décrite au niveau de l'analyse pragmatique des énoncés, notamment en termes de leurs explicitations et de leurs implicita-tions.

  • Jacques Motschler 325

    J'avais aussi indiqué au début de ce travail pourquoi l'analyse pragmatique devait aborder la question du discours. J'ai donné quelques exemples rapides des raisons pour lesquelles un dispositif d'analyse pragmatique basé sur des processus de formation et de confirmation d hypothèses permettait d'expliciter les hypothèses interprétatives globales inférablcs soit de la narration, soit du contexte de la narration. J'aimerais, sans donner ici d'arguments techniques, montrer que ce dispositif, tout comme celui que la théorie de la pertinence associe à l'esprit humain lorsqu'il est confronté à des actes de communication, est automatique et qu'il est impossible de s'y soustraire. Pourquoi est-ce le cas ? En d'autres termes, pourquoi ne pouvons-nous nous priver de faire des hypothèses interprétatives globales, de les modifier, de les supprimer ou de les remplacer par de nouvelles hypothèses ? Il y a deux réponses possibles, qui se complètent. La première réponse tient au fait nous sommes amenés à les tirer parce qu'un certain nombre d'informations, données par le discours ou construites par l'interaction entre le discours et notre connaissance du monde, nous y conduisent. La seconde réponse est que si nous ne nous prêtons pas à ce processus, la pertinence du discours nous échappe. Le résultat ne se fait généralement pas attendre : le livre tombe des mains du lecteur, et il va regarder ailleurs !

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