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    Comptabilit Contrle Audit / Tome 16 Volume 3 Dcembre 2010 (p. 153 176)

    Alain Burlaud et Bernard ColasseNORMALISATION COMPTABLE INTERNATIONALE : LE RETOUR DU POLITIQUE ?

    reu en aot 2009 / accept en mars 2010 par Herv Stolowy

    * Professeur titulaire de chaire du Conservatoire national des arts et mtiers** Professeur lUniversit Paris-Dauphine

    Rsum

    dfaut de lgitimit politique, le nor-malisateur comptable international sest dot dune lgitimit procdurale et substantielle que la crise a mise mal. Cet article fait la cri-tique de cette lgitimit construite. Il montre en particulier que le due process est certes une procdure transparente mais laquelle ne par-ticipent que les acteurs disposant de ressources fi nancires et intellectuelles importantes. Il met galement en vidence la faiblesse du substrat thorique, thorie de lagence et tho-rie des marchs effi cients, du cadre conceptuel qui inspire les normes internationales. Cette tude critique des fondements de la lgitimit

    Abstract

    Lacking political legitimacy, international accounting standardisation is founded on pro-cedural and substantial legitimacies challenged by the current fi nancial crisis. This article high-lights the limits of the due process, that is, how-ever transparent ; this process does not permit an effective participation of all stakeholders. In actuality, only those who have substantial fi nan-cial and intellectual resources can afford to get involved. Further, we discuss the weaknesses of the theoretical basis (agency theory and effi cient markets theory) that supports the conceptual framework of IASB. In todays crisis context, these limits and weaknesses raise the question

    Normalisation comptable internationale : le retour du politique ?International accounting standardisation : is politics back ?

    Alain BURLAUD* et Bernard COLASSE**

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    Alain Burlaud et Bernard ColasseNORMALISATION COMPTABLE INTERNATIONALE : LE RETOUR DU POLITIQUE ?

    de lIASC/IASB permet ensuite dapprcier la porte des interventions politiques rcentes dans un domaine qui lui avait t abandonn.

    of a re-politization of international accounting standardisation.

    Mots-cls : IASB IFRS Normes comptables internationales

    KEYWORDS : IASB IFRS INTERNATIONAL ACCOUNTING STANDARDS

    Correspondance : Alain BURLAUD Bernard COLASSE40, rue des Jeuneurs Place du marchal de Lattre de Tassigny75002 Paris 75775 Paris CEDEX [email protected] [email protected]

    Remerciements : Les auteurs remercient trs sincrement les deux rviseurs anonymes de CCA ; leurs commentaires constructifs se sont avrs trs utiles.

    IntroductionCertes les normes comptables internationales nont pas provoqu la crise mais il est maintenant admis quelles lont acclre sinon amplifie, notamment en raison de leur caractre procyclique. Ce qui explique quen octobre 2008 le normalisateur international se soit vu rappeler brutalement lordre par lUnion europenne et le Groupe des huit (G8) qui lui demandrent damender de toute urgence ses normes IAS 39 Instruments financiers et IFRS 7 Prsentation des instruments financiers . Cette intervention dorganisations politiques est dautant plus remarquable que la normalisation comptable internationale semblait avoir t dfinitivement abandonne aux experts de lIASC/IASB, lorganisme qui stait autoproclam normalisateur international.

    La crise a donc fortement branl la lgitimit du normalisateur international, interpell par le pouvoir politique et aussi lopinion publique. Cela pose la question de savoir si lon va assister un retour du politique dans un domaine en ralit hautement politique mais quil avait paradoxale-ment abandonn. Tmoignent de ce possible retour non seulement les pressions exerces avec succs sur lorganisme international de normalisation par lUE et le Groupe des huit (G8) mais aussi les recommandations faites lIASC/IASB par le nouveau Groupe des vingt (G20) ainsi quen France la publication de rapports de nature politique, et trs critiques, consacrs lvolution rcente de la normalisation comptable.

    Dans cet article, selon une dmarche rflexive et critique, nous questionnons la lgitimit de lIASC/IASB afin dapprcier la porte des recommandations politiques qui lui sont faites. Il est vident que la lgitimit dun organisme de normalisation comptable est fondamentale car elle condi-tionne celle des normes quil met et de la pratique comptable elle-mme et, in fine, la confiance de leurs utilisateurs dans les tats financiers des entreprises. Mais cette lgitimit ne va pas de soi ; elle nest pas naturelle ou prexistante ; ainsi que nous allons le voir, elle se construit et se gre.

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    Dans une premire section, nous examinerons et tenterons de spcifier les fondements de la lgi-timit de lIASB.

    Dans une deuxime section, nous montrerons la fragilit de ces fondements, une fragilit qui prexistait la crise mais que celle-ci a rendue plus vidente.

    Enfin, dans une troisime section, nous essaierons de voir si les interventions rcentes dorgani-sations politiques dans le processus de normalisation comptable internationale mettent en cause la lgitimit du normalisateur international et si elles annoncent un retour du politique.

    1. Des fondements de la lgitimit de lIASC/IASBPour tudier les fondements de la lgitimit de lIASC/IASB en tant que normalisateur, nous ferons appel trois notions de lgitimit1, celles de lgitimit politique, de lgitimit procdurale et de lgi-timit substantielle. La lgitimit politique dune organisation a pour source, directe ou indirecte, llection2. Sa lgitimit procdurale a pour source le recours des procdures censes garantir son indpendance et son impartialit. Sa lgitimit substantielle a quant elle pour source la dtention dun savoir reconnu, dune expertise caractre technique ou scientifique. Dans cette section, en revenant sur la gense de lIASC/IASB, nous essaierons de montrer que, dpourvu de toute lgitimit politique, il sest construit au fil du temps une double lgitimit, procdurale et substantielle.

    1.1. Une organisation sans lgitimit politiqueLorganisation cre en 1973 sous le nom International Accounting Standards Committee (IASC) et dont procde lIASB a t imagine par Henry Benson, un associ du bureau londonien de Coopers & Lybrand. Il sagissait de crer une organisation qui mettrait des normes susceptibles dtre adoptes dans les diffrents pays du monde de faon ce que les rfrentiels nationaux convergent progressivement.

    Henry Benson persuada lInstitute of Chartered Accountants of England and Wales (ICAEW), dont il avait t le prsident, quil lui fallait inviter les organisations professionnelles de diffrents pays participer la cration de ce nouvel organisme. Les professions de neuf pays (Allemagne, Australie, Canada, tats-Unis, France, Japon, Mexique, Pays-Bas et videmment Royaume-Uni et Irlande [ces deux pays tant considrs comme nen formant quun seul]) participrent donc en 1973 la cra-tion de lInternational Accounting Standards Committee dont le premier prsident fut Henry Benson lui-mme. Ds 1974, de nouveaux membres rejoignirent les fondateurs : Belgique, Inde, Nouvelle-Zlande, Pakistan et Zimbabwe.

    ce stade, il convient de remarquer que lide de lIASC revient un associ de grand cabinet, que lon doit sa cration une initiative de la profession britannique et que les membres fondateurs en sont les professions de neuf pays riches (si lont fait exception du Mexique) ayant des traditions comp-tables diffrentes. En simplifiant beaucoup3, disons que les neuf pays fondateurs se rpartissent entre le rfrentiel anglo-saxon (Australie, Canada, tats-Unis, Royaume-Uni) et le rfrentiel continen-tal europen (Allemagne, France), avec une prdominance des pays dont la tradition comptable est

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    plutt anglo-saxonne, dailleurs renforce en 1974 avec larrive en tant que nouveaux membres de quatre anciennes colonies britanniques.

    Il convient galement de remarquer que linitiative dHenry Benson concide avec le lancement par la Communaut conomique europenne (CEE) dun ambitieux programme dharmonisation par directives du droit commercial de ses tats-membres. Ce programme comportait un volet comp-table important qui dbouchera en particulier sur la publication de la Quatrime directive (1978) relative aux comptes des socits de capitaux et de la Septime directive (1983) relative aux comptes consolids. Il est difficile de ne pas voir dans la cration de lIASC un contre-feu professionnel et britannique face au programme europen et le dbut dun jeu stratgique entre organisations pro-fessionnelles et organisations politiques, ainsi quentre tenants du modle comptable anglo-saxon et tenants du modle continental.

    Conu lcart des tats et des organisations intergouvernementales, le talon dAchille de lIASC tait son manque de lgitimit politique. Organisme international de droit priv dorigine profession-nelle et autoproclam normalisateur mondial, il tait sans pouvoir coercitif (Walton 2008) et navait pas la possibilit dimposer ses normes au sein des tats. Les professions qui en taient membres sengageaient seulement user de leur influence pour promouvoir ses normes dans leurs pays respec-tifs. Dans les pays o le pouvoir de normaliser chappait la profession, lapplication des normes de lIASC ntait possible que dans la mesure o elles ne sopposaient pas aux normes nationales. Ctait le cas pour la France, reprsente au sein de lIASC par lOrdre des Experts-Comptables (et des Comptables Agrs) et la Compagnie des Commissaires aux comptes, organisations qui navaient pas le pouvoir de normaliser, ce pouvoir appartenant lpoque au Conseil National de la Comptabilit (et, depuis 2009, lAutorit des Normes Comptables).

    dfaut de lgitimit politique, dans lattente que des organisations gouvernementales ou inter-gouvernementales lui donnent un bras arm, lIASC dut se construire, ainsi que nous allons le voir, une autre lgitimit, double, procdurale et substantielle. La lgitimit politique qui lui manquait vint en particulier quand, en 2002, lUnion europenne mit un rglement (CE n 1606/2002) qui imposait aux socits cotes de ses tats-membres dlaborer leurs comptes de groupe conformment aux normes de lIASC/IASB partir du 1er janvier 2005.

    1.2. En qute de lgitimit procduraleJusqu sa rforme en 2001, bien que sa gouvernance ait constamment volu depuis sa cration, lIASC tait reste une organisation place sous la coupe de la profession comptable. Pour affirmer son indpendance par rapport celle-ci, mais sans pour autant faire de concessions aux organisations gouvernementales ou intergouvernementales appeles lui donner une lgitimit politique, il se trans-forme en 2001 en fondation et laisse ses activits oprationnelles lIASB ; cette fondation finance et nomme les membres de lIASB. La nouvelle structure de normalisation calque celle existant aux tats-Unis o existe galement une fondation, laquelle finance le Financial Accounting Standards Board (FASB) et nomme ses membres. Cette nouvelle structure est cense renforcer lindpendance et la comptence de lorgane de normalisation, en loccurrence lIASB.

    Lindpendance de lIASB repose essentiellement sur le mode de recrutement et de rmunration de ses membres.

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    Ses membres sont choisis de telle sorte quil regroupe des personnes reprsentant une meilleure combinaison possible de comptences techniques et dexprience des affaires internationales et de la situation des marchs. Cinq au minimum doivent avoir une exprience de laudit, trois au minimum une exprience de la prparation des tats financiers, trois au minimum une exprience de leur utili-sation, un au minimum une exprience universitaire. Le principal critre de recrutement est donc la comptence professionnelle et aucune rfrence la nationalit nest faite. Le membre idal de lIASB est un expert chevronn libr de toute attache nationale, cest--dire de tout ancrage politique.

    Douze membres sur les quatorze que compte lIASB sont temps plein et doivent se consacrer exclusivement leur activit de normalisateur. En contrepartie, ils reoivent une rmunration rela-tivement leve, dun montant quivalent la rmunration quils pourraient recevoir dans le priv dans un emploi correspondant leurs comptences. Le mandat est de cinq ans, renouvelable. Ce sta-tut a pour objet de garantir leur indpendance en les protgeant de conflits dintrt et dventuelles tentatives de corruption.

    Limpartialit de lIASB repose non seulement sur lindpendance de ses membres mais aussi sur la procdure quil suit pour laborer ses normes, son due process, une procdure rituelle destine rendre transparente llaboration des normes et cense permettre toutes les parties concernes de faire entendre leur voix.

    Rappelons que le due process comporte trois tapes principales dinformation ou de consultation du public avant ladoption dune norme : linscription du projet de norme dans le programme de travail de lIASB (active agenda) ; la publication dun document des fins de discussion (discussion paper) qui prsente la question, les

    approches possibles et les choix envisags par le Board et auquel le public peut ragir cette tape nest cependant pas systmatique ; la publication dune proposition de norme (exposure draft) qui prfigure la norme et constitue

    ltape la plus importante de la consultation du public avec un dlai de rponse habituel de 120 jours ; un rsum des commentaires reus est affich sur le site de lIASB avec les rponses du Board.

    Si cette procdure rend effectivement transparente llaboration des normes, il nest nullement certain, comme nous le verrons plus loin, quelle permette la participation effective des diverses par-ties prenantes cette laboration.

    1.3. et de lgitimit substantielleLa comptence de lIASB est cense procder non seulement de celle de ses membres mais aussi de lutilisation par ceux-ci dun cadre conceptuel. LIASC sest en effet dot en 1989 dun cadre concep-tuel, une rplique de celui du FASB amricain, lequel cadre a t repris en 2001 par lIASB et est en cours de rvision dans le cadre dune collaboration avec le FASB.

    Peu de temps aprs sa cration, le FASB avait dcid de se doter dun cadre conceptuel dfini comme un systme cohrent dobjectifs et de principes fondamentaux lis entre eux, susceptibles de conduire des normes solides et dindiquer la nature, le rle et les limites de la comptabilit financire et des tats financiers (FASB, 1976). Comme cette dfinition lindique implicitement, un cadre conceptuel nest autre chose que linstrument thorique dont se dote un normalisateur pour laborer ses normes, lesquelles en sont en quelque sorte substantiellement dduites.

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    Trs concrtement, un cadre conceptuel contient une dclaration relative aux objectifs de la comp-tabilit et des tats financiers, une dclaration sur les qualits de linformation comptable requises par ces objectifs et lnonc de principes et de concepts associs la poursuite de ces objectifs.

    Llment fondamental dun cadre conceptuel, en ce quil fonde ses autres lments et les normes qui en seront dduites, est videmment la dclaration relative aux objectifs de la comptabilit et des tats financiers. Cette dclaration identifie, parmi les nombreux destinataires potentiels de linforma-tion financire, ceux qui seront privilgis ou prioritaires et met les normes futures leur service. Elle a donc un caractre hautement politique puisquelle revient faire un choix quant la gouvernance de lentreprise. Il peut donc paratre surprenant quune telle dclaration mane dun groupe dexperts sans lgitimit politique. Et il est en particulier trs surprenant que lUnion europenne ait pu adop-ter les normes internationales sans se prononcer sur le cadre conceptuel qui les sous-tend et lobjectif que ce cadre assigne la comptabilit ; un peu comme un particulier qui achterait une automobile sans se proccuper du type de carburant quelle utilise. Quel est cet objectif ? Fournir de linformation aux investisseurs, mis ainsi implicitement au fate de la gouvernance des entreprises

    Nous reviendrons dans la section suivante sur cette orientation pro-investisseurs du cadre concep-tuel de lIASC/IASB pour la critiquer mais, ce stade, nous voudrions montrer comment la dfi-nition et lutilisation dun cadre conceptuel par un normalisateur contribuent lui forger une rpu-tation de comptence et lui donner une lgitimit substantielle. Traditionnellement, les normes comptables sont labores de faon trs inductive par rfrence aux pratiques considres comme les plus courantes au sein de la communaut comptable ; do la notion amricaine de principes comptables gnralement admis (Generally Accepted Accounting Principles [GAAP]). Il va sans dire que ce mode dlaboration nest pas exempt de critiques : les pratiques les plus courantes ne sont pas ncessairement les meilleures ; les normes qui en sont induites ne sont pas toujours cohrentes les unes avec les autres ; enfin, il est des oprations entirement nouvelles qui sont, par essence, ignores par les pratiques courantes. Do lide qui a germ dans les annes 1960, aux tats-Unis, dlaborer les normes comptables partir dun cadre thorique fix a priori, dit cadre conceptuel (conceptual fra-mework). linduction, on substituait la dduction et, du mme coup, la normalisation comptable se donnait les apparences du raisonnement mathmatique et acquerrait symboliquement une lgitimit quasi-scientifique. Un cadre conceptuel illustre en quelque sorte la formule attribue Poincar : Il ny a rien de plus pratique quune bonne thorie . Ce nest pas l une fonction anodine, bien quim-plicite, dun cadre conceptuel (Peasnell, 1982). tant entendu que dans la pratique, un normalisateur mme lorsquil est dot dun cadre conceptuel, opre la fois par induction et dduction ; que pour que ses normes aient des chances dtre acceptes, il convient en effet quelles ne heurtent pas de front les pratiques courantes. Mais il reste que son cadre conceptuel tmoigne des choix (politiques) de gouvernance du normalisateur et, ce titre, mrite examen et critique. Un tel examen semble dautant plus ncessaire dans le cas de lIASB que, selon une tude rcente (Walton 2009), les dbats entre membres du board font frquemment rfrence au cadre conceptuel dont il est dot.

    Il apparat lissue de cette section que la lgitimit de lIASB procde dune part, de la mise en uvre de rgles censes garantir son indpendance et son impartialit et, dautre part, de lutilisation dune charte thorique cense donner un contenu quasi-scientifique ses normes. Reste voir ce que valent, dun point de vue pratique et dun point thorique, ces deux sources de lgitimit. Cest ce que nous allons maintenant examiner.

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    2. Critique des fondements de la lgitimit de lIASC/IASB.

    Nous montrerons dans cette section la fragilit des fondements de la lgitimit de lIASC/IASB tant du point de vue des procdures quil met en uvre que du point de vue du cadre conceptuel quil mobilise. Nous montrerons galement que cette fragilit est plus ou moins masque par une rhto-rique de la neutralit et de lobjectivit.

    2.1. Les limites de la lgitimit procdurale de lIASC/IASB.La lgitimit procdurale de lIASC/IASB repose, ainsi que nous lavons vu, sur le mode de dsigna-tion des membres de lorganisme de normalisation, garant de son indpendance, et sur la transpa-rence du processus de normalisation, garant de son impartialit.

    En ce qui concerne son indpendance, remarquons quil ne suffit pas de mettre ensemble des experts supposs indpendants, ne reprsentant ni une puissance gouvernementale, ni un groupe politique, ni une puissance conomique, pour que le groupe quils forment le soit (Colasse 2009b). Mme si leur mode de recrutement et de rmunration ou le fait quils soient originaires de diffrents pays semble garantir cette indpendance, ils peuvent tre unis par une formation ou une exprience professionnelle commune, une subtile complicit intellectuelle. Quand on examine la composition de lIASB, on note que ses membres ont en majorit une exprience professionnelle en grands cabinets, une culture comptable anglo-saxonne et une formation conomique noclassique. Il y a l une dpen-dance de groupe dont les membres ne sont sans doute pas conscients mais qui est cependant bien relle. Leurs choix peuvent donc tre guids, et cest ce qui donne logique et cohrence aux normes, par une conception partage de ce que doit tre la comptabilit financire, savoir un instrument ayant pour objet de produire une reprsentation sans biais de lentreprise lintention des investis-seurs, cest--dire des marchs financiers (voir 2.2.).

    La transparence des changes dinformations entre le Board et le reste du monde repose sur le due process. Cette procdure officielle, qui organise minutieusement la transparence, suffit-elle lgitimer les choix de lIASB ?

    lvidence, ces choix ne sont pas lgitims par une procdure que lon pourrait qualifier de politique. Le public ne vote pas ou na pas lu les membres du Board. dfaut de droit de vote, le public a-t-il une relle influence ? Il peut savoir qui a envoy un commentaire sur un expos-sondage et quelles positions ont t prises par ceux qui ont rpondu. Mais lIASB reste libre de ses choix.

    La publication dun expos-sondage nest pas un sondage. Aucun chantillon reprsentatif de la population des utilisateurs de linformation financire nest constitu. Les rponses ne proviennent pas de personnes prises au hasard. Pour rpondre, il faut une motivation, cest--dire un intrt, et des ressources.

    La Commission europenne a videmment un intrt faire connatre son opinion sur les futures normes puisquelle devra les valider pour les intgrer dans le droit comptable europen. Les grandes organisations professionnelles, quivalentes lOrdre des experts-comptables en France, ou les grands cabinets daudit mondiaux, les Big Four et quelques autres, les trs grandes entreprises ont aussi

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    lvidence un intrt. Mais les diffrents tats, les reprsentants des salaris, des analystes financiers, la plupart des entreprises et en particulier des PME nont pas un intrt direct dans le processus de normalisation. Le monde acadmique, notamment en France, y participe galement peu si ce nest travers ses associations nationales ou internationales4.

    Rdiger des commentaires sur un mmoire prliminaire ou un expos-sondage mobilise des res-sources considrables en comptences techniques et en temps du fait de la complexit des normes et, pour beaucoup, du fait de la barrire de la langue puisque les rponses doivent tre faites en anglais. Faute de telles ressources, de nombreuses parties concernes par la normalisation comptable interna-tionale, les pays du Tiers-Monde en particulier, sont sous-reprsentes.

    Bref, le due process peut tre compar un vote sur des questions dune grande technicit avec une participation payante au scrutin et sans que le rsultat de ce vote ait une valeur contraignante pour celui qui lorganise. Le due process est le support dune gouvernance par les experts (Pig et Paper 2009). Dans ces conditions, comment stonner que le taux dabstention soit lev et soit voisin de 100 % chez ceux qui ne disposent pas, par ailleurs, dun fort pouvoir de pression sur lIASB ?

    Une tude mene par Anne Le Manh-Bena (2009) du due process de rvision de lIAS 1, rvision qui a consacr le comprehensive income, a rvl que les utilisateurs des tats financiers, a priori trs concerns par ce nouvel indicateur de rsultat, staient fort peu manifests, et que la majorit des commentaires, ceux manant en particulier des prparateurs de comptes, taient opposs au com-prehensive income ; ce qui na pas empch lIASB de lintroduire dans la norme rvise. Cette tude montre le caractre illusoire du due process.

    Enfin, supposer que le due process fonctionne idalement, il nest cependant que la voie formelle et officielle du lobbying qui accompagne llaboration des normes comptables ; il est bien vident que celui-ci emprunte des voies plus informelles qui exigent galement, et peut-tre davantage encore que la participation au due process, des ressources intellectuelles et financires mais aussi des ressources relationnelles.

    Force nous est donc de constater que la lgitimit procdurale de lIASB est faible. Lindpendance de ses membres nen fait pas pour autant un organisme indpendant. Quant son due process, il peine, en tant que support dun lobbying formel, associer lensemble des parties prenantes la dcision ; en dfinitive, le monde de la normalisation comptable internationale est un petit monde limit aux trs grandes entreprises productrices de comptes, aux grands cabinets, aux grandes organisations professionnelles et, ct utilisateurs de linformation financire, aux gendarmes des bourses de valeurs reprsents par lInternational Organization of Securities Commissions (IOSCO). Par ailleurs, lIASC/IASB, en focalisant ses travaux sur les comptes consolids, a mis en place une stratgie habile dvitement des conflits avec les tats et finalement dviction de ceux-ci du processus de normalisa-tion ; en effet, les comptes consolids ne sont affects ni par le droit fiscal, ni par le droit des socits, ni par le droit pnal des affaires qui sont de leur comptence exclusive. Cette limitation du nombre des parties prenantes et lviction des tats de la normalisation comptable internationale nont jamais t explicites et il est possible quelles naient pas t penses mais elles correspondent une ralit. Elles ont pour consquence de concentrer le pouvoir de normalisation entre les mains dexperts privs partageant le mme espace cognitif et une forme de connivence intellectuelle. Le due process a permis de masquer la situation mais il fallait nanmoins sappuyer aussi sur une lgitimit substantielle, cest--dire un accord sur le fond, entre experts, pour assurer le succs des IAS/IFRS

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    2.2. Les faiblesses de la lgitimit substantielle des normes internationales labri des pressions politiques, lIASC/IASB a su dvelopper, en plus de 35 ans, discrtement au dbut, une expertise qui a fait sa force. Stant donn pour mission de produire des normes pour le monde entier, il lui fallait saffranchir du droit qui relve du pouvoir des tats. La normalisation internationale a donc t rendue autonome par rapport au droit de proprit qui en a t le fondement thorique pendant plusieurs sicles dans de nombreux pays et au droit fiscal qui est le support des politiques nationales de rgulation conomique. La comptabilit internationale normalise nest pas lalgbre du droit5. Son cadre conceptuel ne pouvait dailleurs tre fourni par le droit, et notamment par le droit de proprit, rest du ressort des tats. La finance, discipline sans frontires6, la fourni. Les normes comptables internationales sont celles dun monde dterritorialis o les marchs finan-ciers, et non plus les tats ou les organisations intergouvernementales, font office de rgulateurs. Mais la lumire de la crise, cet adossement aux marchs financiers parat aujourdhui problmatique, comme nous allons le voir travers une analyse des objectifs assigns la comptabilit par ce cadre conceptuel et des fondements thoriques qui le sous-tendent.

    2.2.1. DE LINFORMATION FINANCIRE POUR LES INVESTISSEURS

    Larticle 9 du cadre conceptuel de lIASC/IASB dresse la liste des utilisateurs potentiels des tats financiers : investisseurs, salaris, cranciers, fournisseurs, clients, tats et plus gnralement le public. Mais larticle 10 du mme cadre simplifie aussitt le problme en nonant que : Si tous les besoins dinformation de tous ces utilisateurs ne peuvent tre satisfaits par les tats financiers, il y a des besoins qui sont communs tous. Comme les investisseurs apportent des capitaux risque lentit, les tats financiers qui satisfont leurs besoins dinformation sont supposs satisfaire aussi les besoins des autres utilisateurs qui puissent tre satisfaits par les tats financiers . On comprend donc quen satisfaisant les besoins dinformation des investisseurs, les normes sont supposes rpondre, pour lessentiel, aussi aux besoins des autres utilisateurs.

    Cet article 10 comprend un raisonnement : comme les investisseurs sont les apporteurs de capitaux risque, alors et de ce fait, leurs besoins englobent ceux de la plupart des autres utilisateurs et sont en quelque sorte prioritaires. Ce raisonnement mrite lattention car il est pour le moins contestable (Aglietta et Rebrioux 2004) : les investisseurs courent-ils rellement plus de risques que par exemple les salaris de lentreprise ? supposer que cela soit vrai, il nest pas non plus avr que ces derniers, et les autres parties prenantes, aient des besoins dinformation qui recoupent les leurs. Ce raisonnement par assimilation relve davantage de la rhtorique, entendue comme lart de convaincre par les mots, et de lidologie, entendue comme systme de croyances, que dune dmonstration logique ou dune justification empirique.

    Linvestisseur est donc mis au centre du dispositif de normalisation comptable internationale. Ce constat est galement fait par Bignon & al. (2009) qui opposent la vision financire des IFRS une vision entrepreneuriale de lentreprise. Mais quel investisseur lIASC/IASB sadresse-t-il exac-tement ? Son cadre conceptuel ne donne pas de rponse prcise cette question. En effet, les inves-tisseurs ne constituent pas une catgorie homogne et se diffrencient par leurs intrts, le niveau de risques quils courent, leur accs linformation et, in fine, leurs besoins dinformation comptable. Linvestisseur captif, celui qui place ses capitaux dans la PME familiale dont les titres ne sont pas cots,

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    nest certainement pas vis (Burlaud 2007). Celui qui participe directement ou indirectement la gestion de lentreprise non plus puisquil bnficie dun accs privilgi linformation. On peut donc supposer que les investisseurs viss par les normes internationales sont ceux, bien quils forment une catgorie htrogne, qui placent leur pargne sur les marchs financiers et ont prendre des dcisions dachat, de vente ou de garde de titres. Il sagit pour eux de grer un portefeuille-titres en pratiquant le nomadisme boursier. Les normes comptables internationales nont alors dautre objet que de les aider pratiquer ce nomadisme ; en ce sens, elles contribuent, conformment lun des considrants du rglement europen 1606/2002, la cration d un march des capitaux efficace et harmonieux7 .

    Remarquons encore que les besoins dinformation de ces investisseurs boursiers ne sont pas sp-cifis, ce qui supposerait un travail denqute pralable auprs deux, travail que lIASC/IASB na jamais fait. De tels travaux ont dailleurs, dans les annes 1970, prcd ou accompagn la mise au point par le FASB de son cadre conceptuel. Citons, par exemple et pour lanecdote, ceux prcurseurs dun certain David Tweedie8, devenu prsident de lIASB Il existe quelques enqutes rcentes mais elles portent en gnral sur la demande dinformation comptable des analystes financiers et, le plus souvent, dans les pays anglo-saxons. Il conviendrait de sintresser plus directement aux besoins dinformation des investisseurs individuels et institutionnels. dfaut de telles enqutes, ce qui est dit sur les besoins dinformation des investisseurs, et notamment sur leur usage de valeurs actuelles, relve de lhypothse, voire du postulat. Les besoins dinformation des investisseurs sont in fine ceux postuls et jamais explicits par lIASB/IASC ; celui-ci sest en quelque sorte institu le porte-parole des investisseurs.

    Enfin, notons que le projet de nouveau cadre conceptuel (Exposure Draft May 2008, OB2) la-bor en commun par lIASB et le FASB ninnove gure par rapport lactuel cadre sur cette ques-tion fondamentale des objectifs de linformation financire, cest--dire du ciblage de ses utilisateurs. Il destine en effet celle-ci aux investisseurs actuels et potentiels en actions, aux prteurs et aux autres cranciers afin de leur permettre de prendre leurs dcisions en tant quapporteurs de capi-taux. Linformation qui est utile aux apporteurs de capitaux est susceptible dtre galement utile ses autres utilisateurs . Les investisseurs sont inclus dans la catgorie plus large des apporteurs de capitaux mais les utilisateurs autres que les apporteurs de capitaux doivent encore se contenter de linformation destine ceux-ci. Bien videmment, on na toujours pas davantage dinformations empiriques sur les besoins dinformation de cette nouvelle catgorie des apporteurs de capitaux et lIASB est leur reprsentant omniscient.

    2.2.2. UN CADRE CONCEPTUEL FOND SUR DES THORIES CONTESTES

    Ds lors que les investisseurs boursiers sont dsigns comme les destinataires privilgis de linforma-tion comptable, il peut paratre logique dinscrire llaboration des normes comptables dans la thorie de lagence et la thorie des marchs efficients. Toutefois, cette inscription fait problme en raison des faiblesses avres de ces deux thories.

    La thorie de lagence, dans son versant normatif, propose que les actionnaires mettent en place des procdures de surveillance et dincitation afin de vrifier que le dirigeant agit bien conformment leurs intrts. Larticle 14 du cadre conceptuel des IFRS fait explicitement rfrence, mais sans la nommer, cette thorie : Les tats financiers montrent [] les rsultats de la gestion des dirigeants et leur permettent de rendre compte de lemploi des ressources qui leur ont t confies. Ceux des

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    utilisateurs qui souhaitent valuer la gestion des dirigeants et leur capacit rendre des comptes, le font afin de prendre des dcisions conomiques ; ces dcisions peuvent inclure, par exemple, le choix de garder ou vendre leur investissement dans lentit ou le choix de maintenir ou remplacer les dirigeants9.

    Selon cette thorie, lentreprise est considre comme une somme de dlgations associes des contrles, un nud de contrats, mais pas un groupe social, une organisation ayant des objectifs com-plexes et pas uniquement conomiques, et notamment le souci de sa propre prennit. Rduire ainsi la vision et le fonctionnement de lentreprise a des consquences comptables. Dans le contexte de la thorie de lagence, les tats financiers sont censs participer la rduction de lasymtrie dinforma-tion dont sont victimes les actionnaires-investisseurs. titre dexemple, lvaluation en juste valeur empche les dirigeants de conserver des plus-values latentes et parfois occultes qui pourraient tre ralises pour lisser les rsultats. Mais la remonte immdiate de la plus-value latente dans le rsultat ou les capitaux propres peut par exemple inciter les dirigeants distribuer plus rapidement des dividendes au lieu dinvestir, en dautres termes les pousser un court-termisme contraire lintrt gnral.

    Deuxime thorie mise implicitement contribution : la thorie des marchs efficients qui justifie galement le recours la juste valeur comme critre dvaluation.

    Le march est efficient sil intgre tout instant la totalit de linformation pertinente et dispo-nible. Cela suppose que tout oprateur dispose sans dlai et gratuitement de cette information et quil y ragisse immdiatement et de faon rationnelle. Enfin, les oprateurs sont supposs suffisamment nombreux pour quaucun ne puisse lui seul influencer le prix dun titre. Linformation disponible nest videmment pas uniquement linformation financire issue des comptes. Mais cette dernire est suppose jouer un rle central.

    Lefficience des marchs et la contribution de linformation comptable publie cette efficience sont loin dtre prouves. Les rsultats des recherches sont pour le moins mitigs et montrent que de nombreux titres ne se ngocient pas sur des marchs efficients. ceux qui en doutaient encore, la crise sest charge de le montrer. Ce qui est en cause dans toute la squence des vnements auxquels nous avons assist, que ce soit leuphorie, les krachs, lasschement des liquidits ou la longue dpres-sion des prix, cest le rle pervers de la concurrence financire, son incapacit produire les contre-forces qui feraient en sorte que les dsquilibres soient combattus temps. [] Encore aujourdhui, alors mme que tous les prix10 sont incroyablement bas, aucun investisseur ne se fait connatre pour acheter. Voil qui dment clairement lhypothse defficience. Pour tre plus prcis, il existe bien un investisseur qui achte, et mme tour de bras, mais cet investisseur, ce sont les pouvoirs publics, et sils achtent, cela tient prcisment ce que leur motivation chappe la logique financire. Autrement dit, le recours est venu de lextrieur du systme financier. Celui-ci ne connat pas dauto-rgulation. (Orlan 2009, p. 9911).

    Quant limpact de linformation comptable publie sur le comportement des acteurs, il ne sau-rait tre surestim. Les enqutes rvlent que les agences de notation et les analystes financiers nac-cordent aux comptes quune attention relativement faible et font usage dinformations privilgies qui ne sont pas diffuses gratuitement et tous ; ils jugent linformation comptable publie trop tardive, trop complexe et peu prvisionnelle (Chambost 2005).

    Cest finalement la croyance dans lefficience des marchs qui justifie le recours la juste valeur comme critre dvaluation. Toutefois, cette croyance se heurte la ralit et lIASB a d admettre

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    que la juste valeur puisse tre oprationnalise non seulement par la valeur de march mais gale-ment, faute de march ou en cas de dfaillance du march, par une valeur dutilit calcule partir dun modle actuariel ; ce qui, paradoxalement, revient substituer une valeur subjective, la valeur dutilit, une valeur prtendue objective, la valeur de march.

    Le cadre conceptuel de lIASB est ainsi, via la thorie des marchs efficients, fond sur des hypo-thses trs restrictives et dont la vrification nest pas assure. Il existe donc un cart important entre ce cadre et la ralit, cart que traduit le recours en guise de juste valeur des substituts de la valeur de march. Cet cart mesure en lui-mme la faiblesse de la lgitimit substantielle des IFRS. Cest sans doute pour compenser cette faiblesse que, lIASC/IASB a dvelopp toute une rhtorique palliative de la neutralit, de la fidlit, de la transparence et mme du caractre juste de linformation financire.

    2.2.3. UNE RHTORIQUE PALLIATIVE DE LA NEUTRALIT, DE LA FIDLIT ET DE LA TRANSPARENCE DE LINFORMATION FINANCIRE

    Le lieu privilgi de cette rhtorique est la section du cadre conceptuel qui traite des caractristiques qualitatives de la bonne information comptable. Y sont voques en particulier les notions de neutra-lit et de fidlit. Ces notions ont fait lobjet dune littrature acadmique extrmement abondante ; cette littrature tend montrer que, sorties de leur cadre scientifique de naissance, la physique, et transposes dans le contexte comptable elles prennent une autre signification.

    Ainsi, dans la mesure o les normes internationales sont conues en fonction des intrts des inves-tisseurs, elles ne peuvent tre neutres au sens habituel et aussi scientifique du mot. LIASC/IASB, dans son cade conceptuel fait de la neutralit une simple condition de la fiabilit et la dfinit comme suit (art. 36.) : Pour tre fiable, linformation contenue dans les tats financiers doit tre neutre, cest--dire sans biais. Les tats financiers ne sont pas neutres si, par la slection ou la prsentation des informations, ils influencent la prise de dcision ou le jugement afin datteindre un rsultat ou un effet prdtermin . Une information est donc neutre si, et seulement si, elle ne biaise pas la dcision ou le jugement des investisseurs, mais elle peut biaiser le jugement des autres parties prenantes !

    De la mme faon, la notion dimage fidle prend un sens trs particulier et en dcalage notam-ment avec celui retenu par le droit comptable europen.

    Selon larticle 2, 3 de la 4e directive qui la introduite dans le droit comptable europen, les comptes annuels doivent donner une image fidle du patrimoine, de la situation financire ainsi que des rsultats de la socit12 . Cette dfinition est reprise dans le rglement CE n 1606/2002, consid-rant (9) qui parle dimage fidle et honnte de la situation financire et des rsultats de lentreprise . Le droit comptable europen laisse donc entendre quil y aurait une image de lentreprise qui tradui-rait une ralit indpendante de lobservateur et qui serait la mme pour toutes les parties prenantes. Cette ide, qui procde dune conception contemplative ou objective de la comptabilit, est videm-ment trs discutable ; la littrature dominante considre dailleurs quil y a autant dimages de lentre-prise que dobservateurs ou de parties prenantes, et que la reprsentation comptable est construction et non pure restitution dun objet pr-existant qui sappellerait lentreprise (Hines 1988).

    Le cadre conceptuel de lIASC/IASB, sur ce point, est trs ambigu. Il ne reprend dailleurs pas dans son article 33 lexpression britannique dimage fidle (true and fair view), mais lexpression am-ricaine de reprsentation fidle ( faithful presentation) : Pour tre fiable, linformation doit reprsenter

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    fidlement les transactions et autres vnements quelle a pour but de reprsenter ou dont on pourrait raisonnablement esprer quils soient reprsents. On note le caractre circulaire de la dfinition : linformation doit reprsenter fidlement les transactions et autres vnements quelle a pour but de reprsenter ou dont on peut raisonnablement esprer quils soient reprsents . Ce qui vite davoir prciser quels sont ces transactions et autres vnements, mais une telle prcision est inutile ds lors que les tats financiers sont destins aux investisseurs : les transactions et autres vnements dont il sagit sont ceux qui les intressent. On passe donc, sans le dire, dune conception objective de la fidlit, la fidlit par rapport un objet prexistant, une conception subjective et constructiviste, la fidlit la vision dun sujet. Cette conception autorise en dfinitive le prparateur des comptes manifester ses intentions. Ainsi, le recours dans lIAS 36 ( 6) la valeur dusage ou valeur dutilit (value in use) pour le test de dprciation des actifs introduit de la subjectivit dans les comptes sauf quand cette valeur dusage est assimile la valeur de march comme cest le cas pour les actifs finan-ciers. Pour les autres actifs, la valeur dentre est compare la valeur dutilit dfinie comme tant la valeur actualise des flux de trsorerie futurs estims. Lentit (ses dirigeants) doi(ven)t tablir les projections de flux de trsorerie sur la base dhypothses raisonnables et documentes reprsentant la meilleure estimation de lvolution de lensemble des conditions conomiques qui existeront pendant la dure dutilit de lactif restant courir (IAS 36, 33-a). Cela laisse videmment beaucoup de place au jugement et la subjectivit. La revendication dobjectivit de lIASB nest-elle pas en dfini-tive quun leurre ? Question que lon (Hines 1991) sest dj pose propos de lobjectivit du FASB.

    Si, conformment au cadre conceptuel de lIASB, les comptes reprsentent sans biais, fidlement et de faon exhaustive les transactions et autres vnements de la vie de lentreprise, ils sont censs contribuer la transparence des affaires13. En montrant tout, les comptes sont censs permettre de faire les comparaisons dont les investisseurs ont besoin pour prendre leurs dcisions conomiques. Nous sommes au cur dune rhtorique qui valorise la transparence, qualit ncessaire tant au bon fonctionnement des marchs quau bon fonctionnement de la dmocratie. Le rapprochement entre march et dmocratie nest dailleurs pas totalement innocent. Pourtant, en dpit des affirmations rptes de transparence, on est loin, en pratique, datteindre cet idal. Il suffit de voir toutes les rsistances la publication des revenus des dirigeants ! La transparence se heurte aussi au secret des affaires. Sur des marchs supposs efficients, caractriss notamment par la diffusion immdiate de toute linformation, il ny a cependant pas de secrets mieux gards que, par exemple, les conditions faites aux fournisseurs ou celles faites par les clients.

    cette rhtorique de la neutralit, de la fidlit et de la transparence, sajoute, comme si elle ne suffisait pas, une rhtorique de la justice qui nat de lutilisation de lexpression fair value, traduite en franais par juste valeur , pour dsigner la valeur de march. Mais en quoi le march est-il juste ou quitable14 ? Est-ce le seul lieu o lon puisse lgitimement dterminer la valeur dun actif ? Pourquoi retenir une expression ayant une connotation aussi positive alors que limage fidle exigerait plus de neutralit et de rserve15 ? La rhtorique est dautant plus forte que lon habille du mot juste non seulement la valeur de march, mais aussi, quand il ny a pas de march, une valeur calcule ! Ainsi, faute dun march actif ou liquide, la juste valeur est dtermine par des modles internes fonds sur des donnes de march non observables16 tels la valeur actualise des flux de trsorerie futurs (cf. IAS 39, annexe, AG 74 et s.). En quoi ces techniques seraient-elles justes au sens dquitable ? Le choix dune telle expression na-t-il pas, comme on la suggr (Sunder 2008), pour seul but de mettre en

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    difficult les opposants la valeur de march et ses substituts en les contraignant sattaquer sym-boliquement au juste ?

    Il est possible que les normes comptables internationales, telles quelles existent aujourdhui, soient un passage ncessaire pour parvenir un ensemble de conventions largement reconnues dans le monde mais elles sont thoriquement trs fragiles. Cette fragilit, nous venons de le voir, tient au fait quelles reposent sur une conception largement implicite mais contestable du fonctionnement dune entreprise et, surtout, sur une vision trs idalise des marchs. Cette vision est potentiellement gnratrice, comme la crise la montr, dun risque systmique, ce risque dont on a dit quil tait LE risque quil nous faut mieux prendre en compte17. Paradoxalement, des normes censes rendre les marchs plus efficients peuvent, dans des circonstances certes particulires, mais relativement frquentes en systme capitaliste, participer la dstabilisation de ces marchs (Colasse 2009a).

    En conclusion de cette deuxime section consacre la critique des fondements de la lgitimit procdurale et substantielle de lIASC/IASB, constatons que la normalisation comptable interna-tionale ne vise pas corriger les effets indsirables des mcanismes du march mais seulement en amliorer tant bien que mal le fonctionnement par une meilleure diffusion de linformation finan-cire. La faiblesse de leurs fondements procduraux et substantiels souligne en dfinitive le caractre idologique des normes internationales et montre quelles ne sont pas autre chose que des instruments au service du capitalisme de marchs financiers (Chiapello 2005a). Or la crise a montr les dangers de ce capitalisme qui fait du tout march la condition ncessaire et presque suffisante de la pros-prit conomique. Lintervention massive des tats et des organisations intergouvernementales dans lconomie, dans la meilleure tradition keynsienne, remet en cause le tout march , ce qui fragilise la lgitimit des IAS/IFRS, une lgitimit purement construite, et pourrait dboucher sur un retour18 du politique dans la production des normes.

    3. Le retour du politique dans la normalisation comptable internationale

    Tant en France quau niveau europen et au niveau mondial, des propositions manant dinstitutions politiques ont t faites pour remettre sur les rails la normalisation comptable internationale. Il ne sagit pas ici dexaminer en dtail ces propositions mais simplement den apprcier lorientation et la porte au regard de la critique de la lgitimit de lIASC/IASB prsente dans la section prcdente.

    3.1. De deux rapports franaisDeux rapports rcents ont t publis en France sept mois dintervalle qui traitent de la normalisa-tion comptable internationale : le rapport Baert-Yanno (mars 2009) et le rapport Marteau-Morand (septembre 2009).

    Le rapport Baert-Yanno est issu des travaux dune mission dinformation mandate par la Commission des finances, de lconomie gnrale et du plan du Parlement ; les deux rapporteurs sont donc les dputs Dominique Baert, un ancien banquier, et Gal Yanno, un expert-comptable. Il est noter que la mission a commenc ses travaux avant que la crise connaisse son apoge et que

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    le rapport traite la fois de la normalisation comptable nationale et de la normalisation comptable internationale. Sur les trente propositions qui rsultent de ce rapport, douze, les propositions sept dix-huit, concernent directement lIASC/IASB. Parmi ces douze propositions, il nen est cependant quune seule qui met plus ou moins en cause la lgitimit substantielle du normalisateur internatio-nal. Il sagit de la proposition 16 qui prconise lacclration de llaboration de son nouveau cadre conceptuel et la subordination de toute nouvelle norme ce cadre conceptuel. Mais rien nest dit sur lorientation qui devrait tre celle de ce nouveau cadre conceptuel. On peut donc considrer que le rapport Baert-Yanno passe ct dune vritable critique de la lgitimit substantielle de lIASB. Il nen est pas de mme du rapport Marteau-Morand.

    Le rapport Marteau-Morand a t demand ses auteurs, deux professeurs de lESCP, par la ministre de lconomie, de lindustrie et de lemploi en vue de la runion du G20 Pittsburg et, en raison de la qualit de sa mandante, il peut tre considr comme politique.

    Ce rapport comporte deux volets de recommandations : lun consacr au primtre dapplication et au calcul de la juste valeur , lautre la gouvernance de la normalisation comptable internatio-nale. Cest videmment ce second volet qui nous intresse au regard de la lgitimit de lIASC/IASB.

    Les auteurs sy attaquent clairement tant la lgitimit procdurale qu la lgitimit substantielle de lorganisme internationale de normalisation.

    En ce qui concerne son due process, ils notent que les utilisateurs reprochent de manire quasi-unanime lIASB son absence dcoute et de responsabilit (accountability) .

    En ce qui concerne sa lgitimit substantielle, ils mettent laccent sur ltroitesse de son cadre conceptuel et lexclusion de ce cadre de ltat et des entits utilisatrices des normes ; ils soulignent par ailleurs la faiblesse des fondements thoriques du systme dvaluation quil propose (p. 14) : Lassimilation de la fair value au prix de march repose [] sur le modle defficience information-nelle des marchs de capitaux, dont lapplication est subordonne un jeu dhypothses non toujours vrifies (liquidit du march, intgration instantane de toute linformation disponible dans le prix des actifs) .

    Leurs propositions sont dans le droit fil de leurs critiques.Sils proposent le maintien de lorganisation actuelle du systme de normalisation comptable inter-

    nationale, ils prconisent (p. 15) dune part, une prsence renforce et active de lUnion Europenne au sein du board de lIASB et, dautre part, la prise en compte explicite de lintrt des tats, des utilisateurs et des stakeholders lors du processus de cration ou damendement des normes .

    Par ailleurs, dun point de vue substantiel, ils proposent (p. 16) d ouvrir une rflexion sur les fondements conceptuels de la normalisation comptable et la dfinition du modle sous-jacent dentreprise .

    Les auteurs de ce second rapport intentent donc un vritable procs en lgitimit lIASC/IASB, procs qui corrobore les critiques des fondements de sa lgitimit que nous avons mises en section 2. Mais il ne sagit que dun rapport

    Quen est-il maintenant de la prise de conscience europenne ?

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    3.2. La prise de conscience de lUnion europenneLe Rglement n 1606/2002 du Parlement europen et du Conseil est incontestablement un beau cadeau fait par lUE lIASC/IASB. En effet, il adopte purement et simplement les IAS/IFRS (art. 1) sous rserve quelles ne soient pas contraires au principe dimage fidle nonc dans les 4e et 7e directives et quelles satisfassent aux critres dintelligibilit, de pertinence, de fiabilit et de compa-rabilit (art. 3). Le considrant n 9 prcise aussi quelles doivent rpondre lintrt public europen mais cette expression nest pas reprise dans les articles du Rglement. Ce Rglement europen est un beau cadeau en ce quil donne indirectement lIASC/IASB, dans lespace europen, la lgitimit politique qui lui manquait.

    Certes, lUE conserve le droit dinscrire ou pas dans sa lgislation une norme ou une interpr-tation (Glard, 2009 et Rglement, art. 3). Formellement, la souverainet comptable de lUE est ainsi respecte. On constate toutefois que lEuropean Financial Reporting Advisory Group (EFRAG), qui conseille la Commission en la matire, dispose de moyens trs modestes et ne peut rivaliser en comptences techniques avec lIASB. La proposition n 12 du rapport Baert & Yanno est dailleurs de renforcer les moyens humains et matriels de lEFRAG. On ne peut cependant reprocher lIASB davoir occup lespace laiss libre par lUnion europenne.

    Ce cadeau est-il dfinitif ? Dj, avant le dbut de la crise financire de 2008, le Parlement euro-pen appelait un retour du politique dans la gouvernance de lIASB et soulevait la question de son absence de lgitimit politique en dclarant : La gouvernance et lobligation de rendre des comptes doivent tre amliores grce un certain nombre de mesures dont notamment la cration dun organe de contrle public auquel participeraient toutes les parties prenantes publiques de lIASCF et de lIASB, notamment les lgislateurs []. (Parlement europen, 2008, 8). Avec la crise, lUE sest faite plus pressante. Ainsi, a-t-elle pris conscience des consquences dommageables de la norme IAS 39 et, lors de la runion du Conseil ECOFIN du 7 octobre 2008, a fait pression sur lIASB pour que celui-ci autorise les entreprises reclasser leurs instruments financiers dans une catgorie o ils ne sont plus valus la juste valeur . Cest chose faite depuis le 13 octobre 2008, ce qui a permis certaines banques de rduire le montant de leurs dprciations et de prserver (comptablement) leurs rsultats19.

    3.3. Les recommandations du G20La crise de 2008, avec leffondrement des marchs, le risque de perte de confiance gnralise et un dbut de faillites bancaires en chane dont les consquences eussent t catastrophiques, a conduit le G20 prendre des positions relatives aux normes comptables internationales.

    Ainsi, dans sa dclaration sur les marchs financiers et lconomie mondiale du 15 novembre 2008, le G20 a prvu des actions immdiates et des actions moyen terme : Actions immdiates dici au 31 mars 2009 :

    Les principaux organismes mondiaux de normes comptables doivent uvrer lamlioration des lignes directrices pour la valorisation des titres en tenant compte de lvaluation des pro-duits complexes illiquides, en particulier en priode de tension sur les marchs financiers.

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    Les producteurs de normes comptables doivent faire progresser significativement leurs travaux visant remdier aux faiblesses en matire de normes comptables et de transparence sur les instruments hors bilan.

    Les rgulateurs et les producteurs de normes comptables doivent renforcer les obligations de publication des entreprises concernant les instruments financiers complexes.

    Avec pour objectif de promouvoir la stabilit financire, la gouvernance de lorganisme interna-tional producteur de normes comptables doit tre nouveau renforce, y compris en revoyant sa composition, en particulier pour assurer sa transparence, sa responsabilit et une relation adquate entre cet organisme indpendant et les autorits comptentes.

    Actions moyen terme : Les principaux organismes mondiaux de normes comptables doivent semployer activement

    crer une norme unique mondiale de haute qualit. Les rgulateurs, les superviseurs et les producteurs de normes comptables, en tant que de besoin,

    doivent continuer travailler les uns avec les autres et avec le secteur priv pour faire en sorte que des normes comptables de haute qualit soient mises en uvre et respectes.

    Les socits financires doivent faire preuve dune plus grande transparence sur les risques dans la communication de leurs tats financiers et continuer rendre publiques leurs pertes, confor-mment aux bonnes pratiques internationales et en tant que de besoin. Les rgulateurs doivent faire en sorte que les tats financiers dune entreprise prsentent un tableau complet, prcis et rapide de ces activits (y compris les activits hors bilan) et fassent lobjet dune publication cohrente et rgulire .

    Sans mme faire un vritable point sur les suites des actions immdiates qui devaient tre entre-prises au plus tard au 31 mars 2009, le G20 suivant fait tat de nouvelles exigences dans sa dclaration du 2 avril 2009 sur le renforcement du systme financier :

    Nos principes consistent renforcer la transparence et la responsabilit, tablir une rgulation solide, promouvoir lintgrit des marchs financiers et renforcer la coopration internationale. []

    Nous sommes convenus que les organismes dictant les normes comptables devaient amliorer les normes relatives la valorisation des instruments financiers sur le fondement de leur liquidit et de lhorizon temporel de dtention, tout en raffirmant le cadre de la comptabilit en juste valeur.

    Par ailleurs, nous accueillons favorablement les recommandations du Forum de stabilit finan-cire sur la procyclicit qui traitent des problmes comptables. Nous sommes convenus que les orga-nismes dictant les normes comptables devaient agir avant fin 2009 pour : rduire la complexit des normes comptables relatives aux instruments financiers ; largir les possibilits de reconnaissance comptable des provisions pour pertes sur prts en incluant

    une large gamme dinformations en matire de crdit ; amliorer les normes comptables relatives aux provisions, aux expositions hors bilan et lincer-

    titude des valorisations ; rendre claire et cohrente lapplication internationale des normes de valorisation, en collaboration

    avec les superviseurs ;

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    faire des progrs significatifs pour parvenir un ensemble unique de normes comptables interna-tionales de grande qualit ; et dans le cadre du processus indpendant de normalisation comptable, amliorer la participation

    des parties prenantes, y compris les rgulateurs prudentiels et les marchs mergeants, grce la rvi-sion statutaire du Conseil des normes comptables internationales .

    Le G20 des 24 et 25 septembre 2009 reprend aussi le thme des normes comptables interna-tionales mais ne fait plus preuve dautant de volontarisme que les deux prcdents. Le politique se dsengagerait-il quand le spectre dun effondrement de lconomie sloigne ? La dclaration des chefs dtat et de gouvernement se contente dinviter les organismes en charge des normes comp-tables internationales redoubler defforts pour laborer un ensemble unique de normes comptables mondiales de grande qualit dans le cadre de leur processus indpendant de fixation des normes, et achever leur projet de convergence dici juin 2011. Le cadre institutionnel de lIASB doit encore amliorer la participation des parties prenantes. Ce nest pas le due process en lui-mme qui est mis en cause, au contraire, mais sa mise en uvre imparfaite.

    Nous voyons que lon passe du prescriptif lincitatif, de lordre au souhait. Le contenu de ces normes, leurs objectifs ne sont pas mentionns. Sur ces points, le politique sen remet au technicien. Lchance sloigne. Le G20 davril 2009 demandait au normalisateur dagir avant fin 2009, ce qui tait sans doute irraliste si agir signifie achever. Le G20 de septembre 2009 invite achever le projet en juin 2011. Quant la gouvernance de lIASB, bien quelle ait t rforme par la constitution du 1er juillet 2005, elle na cess dvoluer pour rechercher un quilibre. Ainsi, des modifications ont t adoptes ds dcembre 2007. Les travaux, pour dautres rformes, se poursuivent en 2008 et 2009.

    Enfin, ce G 20 a fix une feuille de route pour lamlioration des normes comptables. Ce point sest avr moins consensuel que les prcdents, les pays du G20 ayant des conceptions diffrentes du rle de la comptabilit ; on retrouve cette occasion le clivage entre les pays anglo-saxons et les autres. Lun des points qui a fait dbat a t notamment la valorisation en valeur de march et le champ dapplication de la juste valeur. Nanmoins, le G20, en demandant que les normalisateurs comp-tables prennent mieux en compte les contraintes de stabilit financire, a admis implicitement que les choix comptables ne sont pas neutres pour cette dernire. En tout tat de cause, les pays du G20, par-del leurs divergences sur le modle comptable, se sont mis daccord sur trois objectifs : rduire la complexit des normes comptables, faire converger les normes au niveau international et introduire un systme de provisionnement plus prospectif.

    Par ailleurs, la transformation du Forum de stabilit financire en Conseil de stabilit financire, avec une structure administrative renforce et permanente, en fait une vritable instance internatio-nale. Il gagne fortement en lgitimit grce notamment une composition largie tous les pays du G20. Il conforte son rle-cl dans la surveillance de la stabilit financire via son association pleine et entire lexercice didentification des vulnrabilits que dveloppe le FMI. Ce rle de surveillance stend naturellement la norme comptable.

    Dans sa dclaration finale, le G20 de Toronto, en juin 2010, aborde aussi les questions de norma-lisation comptable. Il pousse vivement lIASB et le FASB faire converger leurs normes respectives pour fin 2011 ( 30). Par ailleurs, il encourage lIASB amliorer limplication des parties prenantes (stakeholders), y compris les conomies de march mergentes, dans le cadre dun processus de nor-malisation comptable indpendante ( 31). Ces dclarations sont intressantes par leur ambigut.

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    Dune part, le G20 pousse et encourage, ce qui est une forme dintervention du pouvoir politique. Mais, dautre part, il affirme lindpendance du processus de normalisation.

    Toutes ces initiatives tendent implicitement vers un contrle accru sinon vers une mise sous tutelle politique de lIASB tout en prservant les apparences, cest--dire en lui reconnaissant tout de mme une certaine lgitimit. Dores et dj, la Fondation IASC a ragi par anticipation des initiatives qui constituent pour elle une atteinte potentielle lautonomie du normalisateur ; ce, en sautorformant une fois de plus, avec la cration dun Monitoring Board, qui na dailleurs pas de rel pouvoir de dcision. Mais cette cration suffira-t-elle pour satisfaire les exigences de contrle manifestes par le G20 ? Quant lUnion Europenne, se contentera-t-elle dun simple sige au sein de ce Monitoring Board, en tant la seule organisation politique, donc minoritaire, aux cts de rgulateurs boursiers20 ?

    Conclusion : vers une comptabilit politique ?Organisme international de droit priv dnu de toute lgitimit politique, lIASC/IASB sest construit au cours du temps une lgitimit procdurale, fonde sur son due process, et une lgitimit substantielle, fonde sur son cadre conceptuel.

    lexamen, ces deux sources de lgitimit sont trs fragiles.Tout en donnant lillusion que les diverses parties prenantes peuvent participer llaboration des

    normes, dans les faits, le due process rserve cette laboration aux parties qui disposent des impor-tantes ressources financires et intellectuelles ncessaires pour une participation efficace. Ce nest donc pas une procdure dmocratique.

    Quant au cadre conceptuel dont sest dot lIASC/IASB, il est nourri par deux thories, la thorie de lagence et la thorie des marchs efficients, qui font lobjet de vigoureuses critiques. La thorie de lagence fournit en effet une reprsentation trs sommaire de lentreprise, rduite au contrat de dl-gation de pouvoir pass entre actionnaires-investisseurs et dirigeants. En ce qui concerne lhypothse defficience des marchs, elle na reu que des validations trs partielles ; la tenir pour vraie et en tirer des consquences normatives revient donc prendre ce qui nest quune thorie pour la ralit ou proposer une thorie comme substitut de la ralit prsente, cest--dire en faire, en loccurrence, le support dun projet idologique de promotion des marchs financiers.

    Nanmoins, une rhtorique habile de la neutralit, de la fidlit, de lobjectivit, voire de la justice, fonde en apparence sur une thorie contemplative de la comptabilit, a permis lIASC/IASB de masquer les faiblesses et les limites de cette double lgitimit. Il a pu ainsi tenir la drage haute aux organisations gouvernementales et intergouvernementales et mme obtenir de certaines dentre elles, telle lUnion europenne, quelles lui sous-traitent llaboration de leurs normes comptables ; sappro-priant du mme coup leur lgitimit politique.

    Toutefois, ni son habilet sautolgitimer, ni son habilet rhtorique ne peuvent expliquer com-pltement lascension institutionnelle de lIASC/IASB (Colasse 2004).

    La passivit des organisations gouvernementales et intergouvernementales a sans doute servi ses desseins. Jusqu la crise, les politiques ne staient gure intresss ses travaux, sauf cependant le prsident de la Rpublique franaise qui, le 4 juillet 2003, dans un courrier adress au Prsident de la Commission europenne21, salarmait de ce que certaines normes comptables en cours dadoption

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    dans lUnion europenne risquaient de conduire une financiarisation accrue de notre conomie et des mthodes de direction privilgiant trop le court terme ; il sagissait en loccurrence dj des normes relatives aux instruments financiers, dont la norme 39.

    Il se trouve que ce sont les consquences potentiellement catastrophiques de lapplication dans un contexte de crise de cette norme qui ont branl la lgitimit acquise par lIASC/IASB et conduit les organisations gouvernementales et intergouvernementales reprendre linitiative en matire de normalisation comptable.

    Si ce rveil des organisations gouvernementales et intergouvernementales se confirme, il est pos-sible que naisse une comptabilit politique , une comptabilit au service de laction politique, encore que cette expression soit un plonasme car, pour qui la connat un peu, la comptabilit est de part en part politique. Elle nest pas une pure technique, loin sen faut. Elle vhicule une certaine vision de lentreprise, ce qui la place au cur des rapports conomiques et sociaux entre lentreprise et les diverses parties prenantes (Chiapello 2005b). Cest en cela quelle est politique et pour cela que sa normalisation exige une lgitimit adquate qui ne peut tre strictement procdurale ou substantielle. Ce dont semblent prendre conscience les organisations gouvernementales et intergouvernementales mais il est possible que cette prise de conscience ne dure que le temps de la crise et ne dbouche sur aucune mesure concrte

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    Notes

    1. Pour plus de dtails sur le concept de lgitimit, cf. Burlaud et Laufer (1997).

    2. Le mot politique doit tre entendu ici dans son sens tymologique. Il qualifi e ce qui concerne le gouvernement des hommes, la chose publique.

    3. En simplifi ant beaucoup il existe en effet des dif-frences importantes entre des pays censs appli-quer le mme modle comptable, par exemple entre la Grande-Bretagne et les tats-Unis ou lAl-lemagne et la France.

    4. Il sagit essentiellement des associations sui-vantes : Association francophone de comptabilit (AFC), European Accounting Association (EAA) et International Association for Accounting Education and Research (IAAER). LAFC ntait pas reprsen-te au Conseil national de la comptabilit et ne lest pas davantage au sein de lAutorit des normes comptables (ANC) ; certes des universitaires ont fait ou font partie de lorganisme de normalisation mais titre personnel ou en tant que reprsentants dune partie prenante.

    5. Titre tronqu dun ouvrage de Pierre Garnier (1947) : La comptabilit, algbre du droit et mthode dobservation des sciences conomiques. Dunod.

    6. Notons au passage que la fi nance islamique a les mmes prtentions duniversalisme que la fi nance occidentale . Cf. ce sujet : Causse-Broquet G. (2009), La fi nance islamique, Ed. Revue Banque, 215 p.

    7. Notons au passage une fi gure de rhtorique avec lusage du mot harmonieux , connotation trs positive mais contenu trs vague. Sagit-il simple-ment dun march des capitaux fonctionnant selon des rgles communes ? Nous verrons au 2.2.1. lemploi dautres fi gures de rhtorique avec les mots fi dle ou juste .

    8. Lee T.A. et Tweedie D.P. (1975). Accounting information : an investigation of private share-holder usage, Accounting and Business Research. Autumn : 280-291 ; et encore des mmes auteurs : (1975). Accounting information : an investigation of private shareholder understanding, Accounting and Business Research. Winter : 3-13.

    9. Lvaluation de la gestion des dirigeants grce linformation fi nancire est galement mentionne par le Rglement CE n 1606/2002 du Parlement europen et du Conseil, art. 3.2.

    10. Il sagit bien sr uniquement des prix sur les mar-chs fi nanciers.

    11. Les anticipations des acteurs dclenchent sur les marchs fi nanciers des phnomnes dautoralisa-tion, des phnomnes cumulatifs qui sont lori-gine de bulles spculatives indpendantes de lco-nomie relle .

    12. Une diffrence importante entre le Rglement et la Directive mrite dtre souligne. La directive de 1978 parle dimage fi dle du patrimoine, cest--dire dun concept juridique dfi ni par le code civil (larticle 544 stipule que la proprit est le droit de jouir et disposer des choses de la manire la plus absolue, pourvu quon nen fasse pas un usage pro-hib par les lois ou par les rglements. ) alors que cette notion est omise par le Rglement puisque les IFRS ne font pas appel cette notion (elles ne dfi nissent pas un actif par la proprit) dont la dfi nition relve des droits nationaux.

    13. LIASB est, sur le besoin de transparence, en plein accord avec les discours des hommes politiques relays par les organisations gouvernementales ou intergouvernementales. Voir ce sujet : United Nations Conference on Trade and Development (2009). Comme nous lavons dj vu, la transpa-rence est galement ncessaire la validation de la thorie des marchs effi cients.

    14. Le mot juste a un double sens. lorigine, il dsignait la conformit la loi divine. Il sest la-cis au XIIIe sicle pour prendre un sens moral, pour exprimer le souci dquit. Au XIVe sicle, le mot prend aussi le sens d exact . On dit ainsi quun appareil de mesure est juste . En anglais, le mot fair ne laisse pas de doute. Il sagit bien du sens moral puisquil signifi e, dans ce contexte : loyal, quitable, impartial, honorable, honnte.

    15. Cf. ce sujet : Chatelain-Ponroy & Lvy (2007).16. Cf. ce sujet : AGEFI : Les normes comptables

    lagenda du G20. , 26/3/09. Alors quen 2007, selon le FMI, seulement 6 % des actifs taient valoriss en juste valeur, cette part a tendance

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    saccrotre. Ces valuations partir de modles internes fonds sur des donnes de march non observables seraient devenues plus frquentes.

    17. Christian NOYER (Gouverneur de la Banque de France) : Crise conomique et fi nancire : les perspectives daprs G 20. Hong Kong, 11/6/09.

    18. Pour la France, il sagit bien dun retour puisque les normes comptables (le PCG) taient labo-res par le Conseil national de la comptabilit, un organisme collgial sous la tutelle du ministre charg de lconomie et des fi nances. Aujourdhui, lAutorit des normes comptables, agence ind-pendante cre le 22 janvier 2009, au sein de laquelle les experts jouent le premier rle, na for-mellement quun pouvoir de proposition puisque

    les normes doivent tre homologues par un arrt ministriel.

    19. titre dexemples : le produit net de la Socit Gnrale sest trouv augmenter de 1,5 milliard deuros, celui de la Deutsche Bank de 845 millions deuros lui de Natixis de 310 millions deuros.

    20. Le Monitoring Board, sorte de conseil de sur-veillance pour lIASCF, est compos de repr-sentants de la Commission europenne, de lOr-ganisation internationale des commissions de valeurs (OICV-IOSCO), du Comit des marchs mergents de lOICV, de lAgence japonaise des marchs fi nanciers, de la Security and Exchange Commission (SEC).

    21. Lettre de Jacques Chirac Romano Prodi.

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