BRÈVE HISTOIRE DE LA NEUROCHIRURGIE AU QUÉBECLe Dr Edward Archibald. LES DÉBUTS À MONTRÉAL :...

12
1 Il a fallu attendre l’avènement de l’anesthésie, de l’asepsie et la décou- verte des localisations cérébrales à la fin du xix siècle pour entrevoir la pos- sibilité de traiter par la chirurgie les lésions du système nerveux central (SNC). Le D r  William Osler, grand médecin humaniste de Montréal et déjà reconnu à cette époque, avait suivi avec assiduité le développe- ment de cette nouvelle science qu’était la localisation cérébrale. Après son passage à McGill à Mon- tréal, il joint les rangs du Orthopae- dic Hospital and Infirmary for Ner- vous Diseases à Philadelphie en 1885. Ses observations en anatomo-patho- logie du SNC l’amènent à suggérer à son tour les possibilités d’interven- tions « neurochirurgicales » en 1890. BRÈVE HISTOIRE DE LA NEUROCHIRURGIE AU QUÉBEC Denis Goulet et André Turmel Le D r Edward Archibald. LES DÉBUTS À MONTRÉAL : l’UNIVERSITÉ MCGILL C’est en 1901, au Royal Victoria Hospi- tal de Montréal qu’a lieu la première intervention cérébrale, basée sur la localisation cérébrale, au Canada. Sous la supervision d’un médecin intéressé par la neurologie naissante, le D r  James Stewart, et du chirurgien James Bell, c’est le jeune chirurgien Edward Archibald qui est chargé de l’analyse histopathologique d’une tumeur qui se révélera être un gliome. Cependant, lorsque Antonin Chipault demande au D r  Thomas Brennan de l’Hôpital Notre-Dame de faire la com- pilation des chirurgies sur le SNC au Canada, il ne fait aucune mention de cette intervention montréalaise ! Le D r  Archibald, fort intrigué par cette percée et sous les encouragements de Bell, s’expatrie en 1906-1907 à Lon- dres au Queens Square Hospital, où il travaille sous la tutelle de William Gowers en neurologie et du pionnier de la neurochirurgie, Victor Horsley. À son retour à Montréal en 1907, il devient responsable des interven- tions chirurgicales sur le SNC au Royal Victoria Hospital. Un an plus tard, il publie un ouvrage monumen- tal dans l’encyclopédie chirurgicale de Bryant et Buck, soit au même moment Harvey Cushing publie dans l’en- cyclopédie de William Keen. Les liens d’Archibald et de Cushing s’offi- cialiseront avec la création en 1920 de la première Society of Neurological Surgeons. Le D r  Archibald en est déjà membre alors que le D r  Kenneth Mckenzie de Toronto, considéré par

Transcript of BRÈVE HISTOIRE DE LA NEUROCHIRURGIE AU QUÉBECLe Dr Edward Archibald. LES DÉBUTS À MONTRÉAL :...

Page 1: BRÈVE HISTOIRE DE LA NEUROCHIRURGIE AU QUÉBECLe Dr Edward Archibald. LES DÉBUTS À MONTRÉAL : l’UNIVERSITÉ MCGILL C’est en 1901, au Royal Victoria Hospi-tal de Montréal qu’a

1

Il a fallu attendre l’avènement de l’anesthésie, de l’asepsie et la décou-verte des localisations cérébrales à la fin du xix siècle pour entrevoir la pos-sibilité de traiter par la chirurgie les lésions du système nerveux central (SNC). Le Dr  William Osler, grand médecin humaniste de Montréal et déjà reconnu à cette époque, avait suivi avec assiduité le développe-ment de cette nouvelle science qu’était la localisation cérébrale. Après son passage à McGill à Mon-tréal, il joint les rangs du Orthopae-dic Hospital and Infirmary for Ner-vous Diseases à Philadelphie en 1885. Ses observations en anatomo-patho-logie du SNC l’amènent à suggérer à son tour les possibilités d’interven-tions « neurochirurgicales » en 1890.

BRÈVE HISTOIRE DE LA NEUROCHIRURGIE AU QUÉBEC

Denis Goulet et André Turmel

Le Dr Edward Archibald.

LES DÉBUTS À MONTRÉAL : l’UNIVERSITÉ MCGILL

C’est en 1901, au Royal Victoria Hospi-tal de Montréal qu’a lieu la première intervention cérébrale, basée sur la localisation cérébrale, au Canada. Sous la supervision d’un médecin intéressé par la neurologie naissante, le Dr James Stewart, et du chirurgien James Bell, c’est le jeune chirurgien Edward Archibald qui est chargé de l’analyse histopathologique d’une tumeur qui se révélera être un gliome. Cependant, lorsque Antonin Chipault demande au Dr  Thomas Brennan de l’Hôpital Notre-Dame de faire la com-pilation des chirurgies sur le SNC au Canada, il ne fait aucune mention de cette intervention montréalaise ! Le Dr  Archibald, fort intrigué par cette

percée et sous les encouragements de Bell, s’expatrie en 1906-1907 à Lon-dres au Queens Square Hospital, où il travaille sous la tutelle de William Gowers en neurologie et du pionnier de la neurochirurgie, Victor Horsley. À son retour à Montréal en 1907, il devient responsable des interven-tions chirurgicales sur le SNC au Royal Victoria Hospital. Un an plus tard, il publie un ouvrage monumen-tal dans l’encyclopédie chirurgicale de Bryant et Buck, soit au même moment où Harvey Cushing publie dans l’en-cyclopédie de William Keen. Les liens d’Archibald et de Cushing s’offi-cialiseront avec la création en 1920 de la première Society of Neurological Surgeons. Le Dr Archibald en est déjà membre alors que le Dr  Kenneth Mckenzie de Toronto, considéré par

Page 2: BRÈVE HISTOIRE DE LA NEUROCHIRURGIE AU QUÉBECLe Dr Edward Archibald. LES DÉBUTS À MONTRÉAL : l’UNIVERSITÉ MCGILL C’est en 1901, au Royal Victoria Hospi-tal de Montréal qu’a

2

certains comme le premier neurochi-rurgien canadien, n’a pas encore ter-miné ses études médicales. Si, gra-duellement, le Dr  Archibald se concentre sur la chirurgie thoracique, il saisit l’importance du développe-ment des chirurgies du SNC et s’ef-force de trouver un candidat qui s’y consacrera. Son premier choix se porte sur l’assistant de Harvey Cushing, le Dr  Gilbert Horrax, mais ce dernier décline l’offre. Le Dr Archi-bald se tourne alors vers un jeune neurologue et neurochirurgien de New York, le Dr Wilder Penfield, qui avait fait un long parcours de spéciali-sation s’échelonnant de 1915 à 1922. Ses vastes connaissances du système nerveux et de ses pathologies font en sorte qu’il comprend rapidement les avantages à réunir la neurologie, la neurochirurgie et la neuropathologie. Il en est là lorsque le Dr Archibald lui offre un poste à McGill en 1928. Si Penfield décide de quitter New York, c’est qu’il entrevoit la possibilité de créer à Montréal un institut neurolo-gique où il pourrait instaurer une dua-lité fonctionnelle neurologie-neuro-chirurgie qui serait tout à fait à l’image de l’Institut neurologique de New York sous l’égide de Charles Elsberg et de Byrom Stookey. Cela garanti-rait aux malades le traitement le mieux adapté à leurs cas et aux rési-dents une formation plus large et équilibrée. Le recrutement du Dr Pen-field constitue un moment important dans le développement de la neuro-chirurgie et de la neurologie comme disciplines autonomes au Québec. Du reste, le Dr Penfield n’arrive pas seul ; il avait posé comme condition que le Dr  William Cone, un neurochirur-gien de grand talent avec qui il faisait équipe à New York, soit aussi affecté à McGill. Leur arrivée à l’Hôpital Royal Victoria de Montréal en 1928 est l’oc-casion d’une réorganisation pour le Dr Penfield.

Après une période d’attente et d’incertitude de deux ans, les demandes de financement que Pen-field avait adressées à la Fondation Rockefeller, au gouvernement pro-vincial et à la Ville de Montréal sont

finalement acceptées en avril 1932. Inauguré en 1934, en présence de Harvey Cushing, l’Institut neurolo-gique de Montréal (INM) possède toute l’infrastructure pour permet-tre au Dr Penfield et à son équipe de répondre à sa double vocation clini-que et scientifique. Ce nouvel insti-tut devient dès lors le département de neurochirurgie et neurologie du Royal Victoria et le Dr  Penfield, qui dirigera l’INM, cumule les postes de neurochirurgien en chef et de neu-rologue en chef de l’institut.

La création de l’INM marque un tournant dans l’histoire de la neuro-chirurgie, non seulement à l’échelle canadienne, mais aussi sur la scène internationale. De nombreuses avan-cées fondamentales dans la compré-hension du fonctionnement du sys-tème nerveux permettront la mise au point de nouveaux traitements neu-rochirurgicaux. Et le tout démarre assez rapidement avec les recherches

du Dr  Penfield sur l’épilepsie et, au cours des ans, sur la localisation cor-ticale, entre autres, avec les observa-tions des phénomènes de la parole, des sensations auditives, visuelles, olfactives, voire de la conscience. Avec le recrutement du pionnier de l’électroencéphalographie, le Dr Her-bert Jasper en 1938, commence alors une longue collaboration entre les deux hommes, laquelle débouche sur la publication en 1954 d’un grand classique, Epilepsy and the Function-nal Anatomy of the Human Brain, où sont résumés leurs résultats obtenus à partir de centaines de cas chirurgi-caux. Pendant plus de 25 ans, les tra-vaux de recherche de Penfield et de son équipe permettront d’élucider les mécanismes de l’épilepsie et amè-neront une meilleure connaissance du fonctionnement de l’anatomie du cerveau humain. Penfield demeure aujourd’hui le neurochirurgien le plus cité dans la littérature mondiale.

Les Drs Arthur Elvidge, Wilder Penfield et William Cone.

Page 3: BRÈVE HISTOIRE DE LA NEUROCHIRURGIE AU QUÉBECLe Dr Edward Archibald. LES DÉBUTS À MONTRÉAL : l’UNIVERSITÉ MCGILL C’est en 1901, au Royal Victoria Hospi-tal de Montréal qu’a

3

Au sein d’une forte équipe regrou-pée à l’INM, la relève est assurée notamment par les Drs  Arthur Elvidge, Theodore Rasmussen et William Feindel, qui influenceront la destinée de la section de neurochi-rurgie. Le Dr Elvidge, qui est l’une des premières recrues du Dr  Penfield, contribue de façon significative, parti-culièrement dans les années  1940, à l’évolution de la neurochirurgie, notamment en ce qui concerne l’usage de l’angiographie. Il est en effet le pre-mier en Amérique du Nord à utiliser cette technique dans le diagnostic des maladies cérébrovasculaires. Il établit également des corrélations rigoureu-ses entre les données cliniques et his-tologiques des tumeurs neuro-épithé-liales et renouvelle sa nosologie. Quant au Dr  Rasmussen, il joint les

rangs de l’INM en 1954 à titre de pro-fesseur de neurochirurgie et de neu-rologie, puis accède en 1960 à la direc-tion de l’Institut, poste qu’il conser-vera jusqu’en 1972. Il contribuera de façon très significative à l’élaboration des nouvelles techniques en chirurgie d’épilepsie et donnera son nom à la technique d’hémisphérotomie fonc-tionnelle. Cette dernière sera égale-ment révisée et améliorée par son élève, le Dr  Jean-Guy Villemure. Son successeur à la direction de l’INM, le Dr  Feindel, contribuera lui aussi à améliorer les techniques en neurochirurgie selon la fameuse pro-cédure montréalaise. À titre de direc-teur de l’Institut neurologique de Montréal, le Dr  Feindel a dirigé le laboratoire de recherche Cone, a poursuivi activement sa pratique en neurochirurgie et a introduit le concept de scintigraphie du cerveau à McGill et au Québec. C’est lui qui acquiert les premiers tomographe par émission de positrons (PET Scan), tomodensitomètre et appareil par imagerie de résonance magnétique nucléaire au Canada. Il a, de plus, été le directeur fondateur du Centre d’imagerie cérébrale McConnell. En 2001, l’Université McGill a créé la chaire William Feindel en neuro-oncologie en son honneur.

La tradition de chirurgie d’épilep-sie a été rehaussée, entre autres, avec l’ajout de la SEEG et des techniques minimalement invasives, et mainte-nue jusqu’à ce jour par le Dr  André Olivier. D’autres auront contribué de façon très significative au déve-loppement de la chirurgie fonction-nelle, notamment pour la douleur et les troubles du mouvement, tel le Dr  Gilles Bertrand, qui donnera son nom à un cadre stéréotaxique (O.B.T.). Sa contribution aux chirur-gies des pathologies congénitales de type CHIARI et syringomyélie sera également soulignée.

De nombreux autres neurochirur-giens vont joindre les rangs de McGill. Parmi ceux-ci, mentionnons le Dr Joseph Stratford, qui accepte en 1963 de prendre la direction de la section de la neurochirurgie à

l’Hôpital général de Montréal. Trois ans plus tard, il aménage avec le neu-rologue Donald Baxter un service de neurologie et de neurochirurgie de 30 lits qui est doté de sa propre unité de soins intensifs. Ce concept, une pre-mière canadienne, sera adopté par de nombreux centres universitaires. Parallèlement, un autre service verra le jour au Jewish General Hospital sous la direction du Dr Harold Rosen. Un de ses partenaires, le Dr  Henry Brem, concevra les pastilles de GLIADEL pour le traitement des glioblastomes récurrents.

LES PIONNIERS DE LA NEUROCHIRURGIE AU QUÉBEC FRANCOPHONE

Contre toute attente, c’est à l’Hôpital Saint-Luc à Montréal, hôpital plutôt marginal à l’époque, que s’installe, dans les années  1930, un deuxième groupe de neurochirurgiens. Les Drs  Thomas Hoën (étudiant de Cushing et de Penfield) et Jean Panet-Raymond feront équipe pen-dant plus de dix ans. Le Dr  Hoën reprendra ses fonctions comme neu-rochirurgien militaire aux États-Unis lors de la Deuxième Guerre mondiale. Isolé pendant quelques années et devant le fardeau de tra-vail, le Dr  Panet-Raymond décide

L’Institut neurologique de Montréal à la fin des années 1930.

Les Drs Theodore Rasmussen, William Feindel et Wilder Penfield

Le Dr André Olivier

Page 4: BRÈVE HISTOIRE DE LA NEUROCHIRURGIE AU QUÉBECLe Dr Edward Archibald. LES DÉBUTS À MONTRÉAL : l’UNIVERSITÉ MCGILL C’est en 1901, au Royal Victoria Hospi-tal de Montréal qu’a

4

d’abandonner la neurochirurgie au profit de la neurologie et de l’élec-troencéphalographie.

C’est dans la ville de Québec qu’ap-paraît le troisième service de neuro-chirurgie de la province. En 1935-1936, un jeune chirurgien, le Dr Jean Sirois, s’initie aux neurosciences et, avec les recommandations du Dr Pen-field, s’expatrie à New York en 1937 pour parfaire sa formation en neuro-chirurgie sous la supervision du Dr  Byrom Stookey à l’Institut neurologique de New York fondé par Charles Elsberg. Au prin-temps 1939, le Dr Jean Sirois, de nou-veau encouragé par le Dr Penfield, se rend à Strasbourg pour étudier avec le grand chirurgien René Leriche. Cette année d’études est cependant écourtée par la déclaration de la guerre le 3 septembre 1939. Il doit donc quitter l’Europe rapidement. À son retour, il semble, selon certains témoignages, que le Dr Sirois peine à se faire accepter dans les milieux hospitaliers à Québec, compte tenu de sa spécialité en neurochirurgie. Les chirurgiens redoutent les cas de traumatisme du SNC. Néanmoins, le Dr  Albert Paquet, président du bureau médical à l’Hôpital de l’En-fant-Jésus, l’invite à se joindre au personnel médical en décembre 1939. Jusqu’en 1954, le Dr Sirois pra-tique seul comme neurochirurgien. Infatigable, il offre ses services à

Lévis comme consultant et est égale-ment chirurgien à Saint-Michel-Archange. C’est l’époque héroïque d’avant les antipsychotiques où on pratique les lobotomies frontales. Les Québécois se souviennent de sa plus célèbre patiente, la chanteuse Alice Roby. Durant cette période d’après-guerre, l’Hôpital de l’Enfant-Jésus connaît une très grande expan-sion de ses services. En septembre 1955, lui et le Dr  Arthur Elvidge de McGill sont les représentants cana-diens lors de l’inauguration de la World Federation of Neurosurgical Societies. Lors des congrès, le Dr  Sirois agit à titre de secrétaire de différents comités et rencontre de nombreuses personnalités interna-tionales, notamment le Dr  Geoffrey Jefferson. Il présidera la Société canadienne de neurochirurgie en 1955 et 1956 et en 1962 et 1963.

En 1955, il est rejoint par le Dr Georges Reinhart et, l’année sui-vante, par le Dr Maurice Héon, tous deux neurochirurgiens. La carrière du Dr  Reinhart se déroule principale-ment à l’Hôpital du Saint-Sacrement et celle du Dr Héon à l’Hôpital de l’En-fant-Jésus avec une orientation très didactique. Issu d’une résidence com-plète en neurochirurgie de 1951 à 1955 à l’Université Yale, sous la supervision des Drs  German et Scoville, le Dr  Héon est reconnu comme un très bon chirurgien. Les sciences fonda-mentales, la neurophysiologie, la neu-roanatomie et la neuropathologie le passionnent. D’ailleurs, pendant neuf mois, il effectue un stage en neuropa-thologie avec la Dre Louise Eisen-hardt, neuropathologiste du Dr  Har-vey Cushing, avec laquelle il examine les spécimens de tumeurs cérébrales prélevées lors des interventions.

C’est l’époque où l’évaluation du système nerveux se fait par radiogra-phie simple, pneumo-encéphalogra-phie, angiographie par ponction directe de la carotide et myélogra-phie. Le Dr  Héon est le responsable de l’introduction des nouvelles val-ves pour l’hydrocéphalie de type Spitz-Holter au début des années 1960. Son collègue de la faculté de

médecine, le Dr  Claude Bélanger, assume alors la responsabilité du service de neurologie.

En 1964, la province de Québec reçoit pour la première fois la déléga-tion de la Société de Neurochirurgie de Langue Française (SNCLF). Le congrès se déroule en deux parties. L’une se tient à Montréal sous la gou-verne du Dr  Claude Bertrand et l’autre à Québec sous la responsabi-lité du Dr  Jean Sirois. Une part importante de l’organisation est confiée au Dr Maurice Héon. Vers la fin de la carrière du Dr Sirois et avec les occupations du Dr Georges Rein-hart à l’hôpital du Saint-Sacrement, la tâche de la neurochirurgie clinique repose sur les épaules du Dr Héon. Mais une alléchante proposition du doyen de la nouvelle faculté de méde-cine de l’Université de Sherbrooke change son plan de carrière.

En 1968, l’Hôpital de l’Enfant-Jésus se retrouve donc sans neuro-chirurgien. Le Dr  Claude Bélanger, chef du récent département des sciences neurologiques créé en 1965, se tourne vers le Dr  Jacques Francœur, qui accepte l’invitation. Ce dernier avait fait sa résidence dans le service de neurochirurgie des Drs Harry Botterel et T. P. Mor-ley à Toronto et avait aussi entamé, en 1968, un fellowship en France auprès du Dr Guy Lazorthe, neuro-chirurgien et neuroanatomiste. Seul

Le Dr Jean Sirois.

Le Dr Jacques Francœur.

Page 5: BRÈVE HISTOIRE DE LA NEUROCHIRURGIE AU QUÉBECLe Dr Edward Archibald. LES DÉBUTS À MONTRÉAL : l’UNIVERSITÉ MCGILL C’est en 1901, au Royal Victoria Hospi-tal de Montréal qu’a

5

neurochirurgien de l’hôpital, les premières années du Dr  Francœur sont difficiles. Heureusement, il reçoit du renfort en 1969 lorsque le Dr  Gérard Leblanc, qui avait été formé aux États-Unis au Henry Ford Hospital de Détroit avec le Dr  Robert Knighton et qui prati-quait à Chicoutimi depuis 1960, accepte de le seconder. Un an plus tard, le Dr  Michel A. Copty, qui avait terminé sa résidence à Mon-tréal sous la supervision des Drs Ber-trand, Matinez et Hardy et qui avait fait un stage avec le Dr  Leblanc, se joint à l’équipe. On assiste donc à la formation du deuxième trio à Qué-bec. Cette période coïncide d’une part, avec la première vague d’essor de la technologie médicale qui se manifeste par l’introduction du microscope chirurgical, de la méde-cine nucléaire ou encore du taco cérébral et d’autre part, avec l’orga-nisation du système universitaire.

Si, depuis ses débuts, la neurochi-rurgie à Québec est pratiquée par des médecins formés aux États-Unis, à Toronto et à Montréal, ce n’est plus le cas au début des années 1980. En

effet, on assiste à l’inscription de nouveaux résidents au programme de neurochirurgie à Québec : les Drs  Jean-Marie Bouchard, Jean-François Turcotte et Claude Picard. Eux-mêmes encouragés par leurs pairs à s’orienter vers une surs-pécialisation, ils complètent un fel-lowship : le Dr  Bouchard en France auprès des Drs  Gérard Guiot et Patrick Derome, le Dr Turcotte aux États-Unis auprès des Drs Ausman et Cline, et le Dr Picard à McGill sous la supervision du Dr  André Olivier. C’est le début de l’explosion techni-que, la microchirurgie fait rage ; la chirurgie vasculaire d’anévrisme et des malformations antérioveineuses, les pontages extra et intracrâniens, les chirurgies carotidiennes, des nerfs périphériques, de l’épilepsie, de la base du crâne, de la stéréotaxie déjà pratiquées par les docteurs che-vronnés sont poussés à leur apogée technique. À la fin des années  1980, les sciences neurologiques se déve-loppent, les soins intensifs et la trau-matologie prennent une expansion très importante.

LE Dr CLAUDE BERTRAND ET LA NAISSANCE DE LA NEUROCHIRURGIE À L’HôPITAL NOTRE-DAME

À la suite de la fermeture du ser vice de neurochirurgie de l’Hôpital Saint-Luc en 1945, il n’existe aucun service francophone de ce genre dans la région de Montréal. L’Hôpi-tal Notre-Dame est prêt à prendre la relève, mais le directeur du service de neurologie, le Dr  Roma Amyot, qui réclamait la mise sur pied d’un tel service, attend le retour du Dr  Claude Bertrand, qui avait entrepris une longue formation en neurochirurgie. Le tout avait débuté en 1942 avec sa résidence en chirur-gie au Bryn Mayr Hospital près de Philadelphie, qui est alors un centre réputé pour les nouvelles interventions neurochirurgicales. Cela concrétise son intérêt pour la neurochirurgie. Également étudiant de Penfield, il obtient la bourse Rho-des qui lui permet de faire une année de recherche à Oxford en Angleterre sous la direction du Dr  Alf Brodal, imminent neuroanatomiste norvé-gien. Il revient donc à l’Hôpital Notre-Dame de Montréal en 1947 et entreprend de mettre sur pied un service de neurochirurgie. Avec l’aide du neuroradiologiste Jean-Louis Léger, il introduit la pratique de l’artériographie pour les victimes de traumatismes crâniens. Le Dr  Bertrand mène des activités de recherche qui débouchent sur une percée scientifique importante dans le traitement des mouvements anor-maux. Durant les années  1950, le Dr Bertrand met au point un instru-ment stéréotaxique, le guide pneu-motaxique, qui simplifie l’approche chirurgicale reliée au traitement des patients atteints de mouvements involontaires, notamment de la maladie de Parkinson. Cet appareil, qui facilite les localisations cérébra-les, suscitera un grand intérêt de la part de la communauté médi - cale internationale, particulière-ment aux États-Unis. Le Dr Bertrand s’efforce par ailleurs d’élaborer, au

Le groupe de Québec : en mortaise, Dr Claude Picard; derrière : Drs Michel Copty, Gérard Leblanc et Jacques Francœur ; devant : Drs Jean-François Turcotte, Carlos Contreras et Jean-Marie Bouchard.

Page 6: BRÈVE HISTOIRE DE LA NEUROCHIRURGIE AU QUÉBECLe Dr Edward Archibald. LES DÉBUTS À MONTRÉAL : l’UNIVERSITÉ MCGILL C’est en 1901, au Royal Victoria Hospi-tal de Montréal qu’a

6

sein de l’Université de Montréal, un programme d’enseignement de neu-rochirurgie alors très peu développé en milieu francophone. Aussi fait-il appel à des neurochirurgiens en début de carrière : les Drs Jacques Cartier-Giroux, Napoléon Martinez et Jules Hardy. Cette équipe dirigée par le Dr Bertrand permet de mettre sur pied, au début des années 1960, le premier programme d’enseigne-ment structuré de la neurochirurgie pour les résidents francophones. Grâce à lui, plus de 70 neuro-chirurgiens provenant du Québec, d’Amérique et d’Europe pourront bénéficier de cette formation. Infa-tigable, le Dr Bertrand, vers la fin de

sa pratique, développe également une nouvelle technique de ramisec-tomie sélective partielle pour les torticolis spasmodiques. En 2005, l’Université de Montréal crée la chaire Claude-Bertrand en neuro-chirurgie, aujourd’hui occupée par le Dr  Richard Béliveau. Bref, le Dr  Bertrand a joué un rôle majeur dans l’émergence de l’enseignement en neurochirurgie au Québec fran-cophone et a largement participé à faire de cette spécialité un fleuron de la médecine québécoise.

C’est sous sa recommandation que son élève, le Dr Jules Hardy, fait un stage en France à l’Hôpital Foch sous la supervision du Dr  Gérard

Guiot. Il rencontre également le Dr  Albé-Fessard, neurophysiolo-giste. Sa mission est claire : s’initier à l’enregistrement thalamique chez l’humain, notamment pour les trou-bles et désordres de mouvements. Parallèlement, il constate que le Dr  Guiot utilise encore une techni-que, la chirurgie transphénoïdale, pour les tumeurs hypophysaires, qui, à cette époque, semble déjà un peu vieillotte ! Notons que le Dr Cushing, vers la fin de sa carrière, avait aban-donné cette technique, la jugeant plutôt difficile en raison de la mau-vaise illumination et de la pauvre définition anatomique, et avait opté pour une chirurgie transcrânienne. Cependant, le Dr  Hardy, devant la réussite des opérations du Dr  Guiot, envisage de perfectionner cette tech-nique. À son retour à Montréal, en plus d’introduire l’enregistrement thalamique pour les troubles de mouvements, il participe au renou-veau de la chirurgie transphénoïdale. C’est en 1962 à l’Hôpital Notre-Dame qu’il met au point la fluoroscopie peropératoire pour localisation et l’utilisation du microscope pour la détermination des tumeurs hypo-physaires. À partir de cet instant, une longue carrière à l’Hôpital Notre-Dame, à l’Hôtel-Dieu de Montréal ainsi qu’à l’Hôpital général de Mon-tréal le propulse rapidement sur la

Le Dr Jules Hardy.

Dr Claude Bertrand avec le guide pneumotaxique.

Page 7: BRÈVE HISTOIRE DE LA NEUROCHIRURGIE AU QUÉBECLe Dr Edward Archibald. LES DÉBUTS À MONTRÉAL : l’UNIVERSITÉ MCGILL C’est en 1901, au Royal Victoria Hospi-tal de Montréal qu’a

7

scène internationale. Il devient pro-fesseur titulaire de neurochirurgie à l’Université de Montréal et à l’Uni-versité McGill, et dirigera le pro-gramme du même nom à l’Université de Montréal de 1979 à 1985. Grâce à la collaboration de ses collègues, les Drs  Vézina en neuroradiologie et Françoise Robert en neuropa-thologie, le Dr  Hardy acquiert une réputation internationale pour sa contribution originale en neurochi-rurgie, particulièrement pour son travail sur la glande hypophysaire, mais également en microchirurgie du tic douloureux. Il est au nombre des pionniers de la microchirurgie au côté de Rhoton, Malis, Krayenbühl, Yasargil, Donaghy, Peerless et bien d’autres. Il a été le premier à démon-trer la possibilité de préserver l’hy-pophyse normale au cours de l’exé-rèse des tumeurs hypophysaires et à découvrir l’existence des microadé-nomes hypophysaires. L’approche thérapeutique qu’il développe per-met de restaurer la fertilité chez d’in-nombrables femmes stériles. Le Dr Hardy met aussi au point de nou-veaux instruments pour cette techni-que, lesquels seront adoptés sur la

scène internationale. La Fédération mondiale des sociétés de neurochi-rurgie lui décerne une médaille d’honneur à l’occasion de son congrès international tenu à Amsterdam en 1997. De plus, en 2012, lors du congrès de l’International Society of Pitui-tary Surgeons (ISPS) tenu à Mon-tréal, on y célèbre le 50 anniversaire du renouveau de la chirurgie trans-phénoïdale et la contribution monu-mentale du Dr  Jules Hardy à son essor.

Parmi les autres membres recru-tés par le Dr Bertrand se trouve son ancien étudiant, le Dr Guy Bouvier, qui se rend en France, à Sainte-Anne, auprès des Drs  Talairach et Bancaud. Il s’initie à l’implantation stéréotaxique d’électrodes en pro-fondeur pour l’enregistrement des foyers épileptogènes. Lors de son retour en 1970, le Dr Bouvier, en col-laboration avec les Drs  Jean-Marc St-Hilaire et Normand Giard, neurologues, met sur pied l’unité d’investigation des épilepsies médico-résistantes. Il établit une collaboration avec le département de génie mécanique de l’Université Laval à Québec et met au point une

nouvelle électrode souple pouvant être laissée en place sans risque à l’intérieur du cerveau pendant de longues périodes. À la fin de la car-rière du Dr  Bertrand, il prend la relève de la chirurgie des torticolis, qu’il perfectionne.

Le Dr Bertrand recrute aussi deux neurochirurgiens européens, les Drs  Gérard Mohr et Georges Elie Ouaknine — hautement spécialisés en micro-neurochirurgie — avec l’ob-jectif de perfectionner les techniques de chirurgies vasculaires. Nous som-mes à l’époque de la micro-neurochi-rurgie et des pontages extra et intra-crâniens. Ces deux neurochirurgiens contribuent à améliorer cette techni-que et les neurochirurgiens de l’Hô-pital de l’Enfant-Jésus, les Drs Jean-Marie Bouchard et Jean-François Turcotte, font de même. Les Drs  Mohr et Ouaknine poursuivront leur carrière, respectivement au Jewish General Hospital et à l’Hôtel-Dieu de Montréal. Quant aux Drs Bou-chard et Turcotte, ils feront de même à l’Hôpital Enfant-Jésus à Québec.

Groupe de L’Hôpital Notre-Dame : les Drs Claude Bertrand, Jules Hardy, Napoléon Martinez, Guy Bouvier, Pierre Molina-Negro, Jacques Cartier-Giroux et Gérard Guiot.

Page 8: BRÈVE HISTOIRE DE LA NEUROCHIRURGIE AU QUÉBECLe Dr Edward Archibald. LES DÉBUTS À MONTRÉAL : l’UNIVERSITÉ MCGILL C’est en 1901, au Royal Victoria Hospi-tal de Montréal qu’a

8

LA NEUROCHIRURGIE PÉDIATRIQUE

Du côté des soins pédiatriques, la neurochirurgie était surtout prati-quée par des neurochirurgiens généraux, soit à l’Institut neurologi-que de Montréal par les Drs Penfield et Cone ou à l’Hôpital Notre-Dame par le Dr Bertrand et ses collègues. À Sainte-Justine, à ses débuts, les chirurgiens généraux et les orthopé-distes participaient également à cer-taines interventions ayant trait aux traumatismes crâniens et aux victi-mes de spina-bifida. Au début des années  1950, sœur Catherine de Sienne fait un voyage en France afin de récolter suffisamment d’informa-tions pour doter le bloc opératoire de Sainte-Justine de tous les instru-ments nécessaires. Elle s’efforce de convaincre un neurochirurgien de s’y installer de façon permanente. Alors que l’Hôpital Sainte-Justine est toujours situé rue Saint-Denis, sœur de Sienne fait appel au Dr André Parenteau, un neurochi-rurgien d’habilité hors du commun qui pratiquait déjà à l’Hôtel-Dieu de Montréal. À compter de 1953, il devient le premier chef de service à Sainte-Justine et reçoit pendant quelque temps l’aide de plusieurs autres collègues, parmi lesquels se trouve son collègue de l’Hôtel-Dieu de Montréal, le Dr Paul H. Crevier, nommé assistant bénévole la même année. Dès 1954, plus d’une centaine d’opérations sont effectuées par le service de neurochirurgie pédiatri-que, parmi lesquelles on trouve des cas de traumatologie, de spina-bifida et des chirurgies tumorales. L’année suivante, un neurochirur-gien de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, le Dr Bernard Meloche, qui avait reçu une formation spé-ciale en neurochirurgie infantile, vient prêter main-forte à ses collè-gues de Sainte-Justine et contribue à la stabilité de ce service jusqu’en 1963. Il collabore, entre autres, à la rédaction de plusieurs articles sur les craniosténoses et sur la chirurgie du dysraphisme.

Plusieurs autres collaborateurs venus de différents hôpitaux se suc-cèdent par la suite, notamment les Drs  Michel Descaries en 1966 et Jean-Pierre Mathieu en 1970. Ces deux derniers font la paire pendant plus d’une dizaine d’années durant lesquelles les activités chirurgicales se sont intensifiées. On assiste égale-ment à la création de la clinique mul-tidisciplinaire de spina-bifida avec la collaboration des orthopédistes, pédiatres, ergothérapeutes, physio-thérapeutes, orthésistes et urolo-gues. C’est durant cette période que le microscope fait son entrée dans la pratique journalière des neurochi-rurgiens, permettant ainsi l’intro-duction de la chirurgie de la base du crâne qui s’est popularisée à la fin des années 1970. Durant les années 1980, plusieurs chirurgiens de différents hôpitaux de Montréal collaborent aux soins des enfants.

Le Dr  Claude Mercier, qui avait reçu une formation en neuro-oncolo-gie et en stéréotaxie à Grenoble, est l’un de ceux-là. Tout en poursuivant sa pratique à l’Hôpital Notre-Dame, le Dr Descaries l’invite à devenir un par-tenaire plus constant et, dès 1988, à la suite du départ de ce dernier, il est contraint de concentrer ses efforts à l’Hôpital Sainte-Justine. C’est l’épo-que du grand développement techno-logique de cet hôpital avec l’introduc-tion de la stéréotaxie volumétrique, des microscopes de pointe et de la création de nombreuses cliniques multidisciplinaires. Ce qui entraîne le perfectionnement de la clinique de spina-bifida et la mise sur pied de la clinique cranio-faciale du Québec grâce au leadership du Dr  Yvan Larocque, laquelle sera, par la suite, prise en charge par une plasticienne, la Dre Patricia Bortoluzzi. Apparaît également le laboratoire de marche, alors que la spécialisation de la chirur-gie de la spasticité est amorcée avec la collaboration des physiatres.

Du côté anglophone, l’Hôpital de Montréal pour Enfants emboîte le pas et met sur pied en 1961 un service de neurochirurgie. C’est le Dr  Blun-dell qui s’acquitte de cette tâche avec

l’aide de ses collègues de l’INM. Pra-tiquant seul pendant un certain temps, il est rejoint par un de ses étu-diants, le Dr Jose Luis Montès, qui avait reçu une formation complète à McGill. Ce dernier assumera la pérennité de ce service et dévelop-pera l’aspect scientifique de la neuro-chirurgie pédiatrique. Au milieu des années 1980, le Dr Jean-Pierre Far-mer, après un stage avec le grand neurochirurgien Fred Epstein de New York, devient le premier neuro-chirurgien pédiatrique diplômé du Québec. Grâce à lui, les études clini-ques, la recherche et le développe-ment technologique font en sorte que l’Hôpital neurologique pour enfants devienne un centre reconnu en neurochirurgie pédiatrique à l’échelle canadienne. Il s’intéressera, entre autres, aux chirurgies de la spasticité chez les patients atteints de diplégie spastique et sera respon-sable de l’introduction de la réso-nance magnétique intra-opératoire, une première au Québec. Les servi-ces de Sainte-Justine et de l’Hôpital neurologique pour enfants demeu-rent aujourd’hui les deux pôles prin-cipaux du traitement neurochirurgi-cal des enfants pour la province de Québec.

LA NEUROCHIRURGIE HORS DES GRANDS CENTRES URBAINS

La neurochirurgie dans la région de l’Estrie est présente pendant un cer-tain temps grâce aux médecins mon-tréalais Jacques Cartier-Giroux, Napoléon Martinez et Claude Ber-trand. Dans la foulée de l’ouverture de la faculté de médecine de l’Uni-versité de Sherbrooke en 1965, il avait été convenu avec le ministère de la Santé qu’elle aurait son centre hospitalier universitaire, qui était alors en construction. Les autorités de la faculté envisagent d’y créer un centre universitaire en neurochi-rurgie sur le modèle de l’Univer- sité McMaster. On décide, sur la recommandation du Dr Guy Lamar-che, neurophysiologiste qui avait

Page 9: BRÈVE HISTOIRE DE LA NEUROCHIRURGIE AU QUÉBECLe Dr Edward Archibald. LES DÉBUTS À MONTRÉAL : l’UNIVERSITÉ MCGILL C’est en 1901, au Royal Victoria Hospi-tal de Montréal qu’a

9

collaboré avec le Dr  Héon, d’inviter ce dernier, en 1968, à mettre sur pied le service de neurochirurgie dans le centre médical qui ouvrira ses por-tes à la fin de l’année suivante. Le Dr Héon a donc tout le temps de pré-voir les aménagements nécessaires. Dès le départ, il instaure un climat favorable à l’apprentissage où la rigueur professionnelle et la disci-pline scientifique constituent des éléments essentiels à la formation des étudiants. Le premier résident entraîné par lui, le Dr Jacques Bou-cher, vient le rejoindre à Sher-brooke en 1978. Ce dernier avait accepté de quitter l’Hôpital de Rimouski. Au fil des ans, plusieurs autres neurochirurgiens se join-dront au CHUS. La structure organi-sationnelle du centre médical per-met une souplesse de fonctionne-ment et un développement plus rapide que dans les centres urbains de Québec et de Montréal. Elle favo-rise l’essor didactique et valorise la recherche biomédicale. L’arrivée récente de la dernière génération de jeunes neurochirurgiens formés à la recherche assure au CHUS une réputation internationale en neuro-oncologie. Cela s’exprime par l’éla-boration du premier laboratoire uti-lisant la technique d’ouverture de la barrière hémo-encéphalique par le Dr  David Fortin ainsi que par l’implantation du premier gammak-nife au Québec sous la direction

des Drs Brendan Kenny et Mathieu. Ces nouveautés ont grandement contribué à leur mission didactique.

LA NEUROCHIRURGIE EN RÉGION

Si les services de neurochirurgie se développent rapidement dans les grands centres urbains où la demande de soins est en forte progression, ils ne peuvent répondre aux besoins des régions, particulièrement dans les milieux éloignés, mais grâce à l’aug-mentation des cohortes de jeunes neurochirurgiens qui ont pris la relève de leurs aînés, plusieurs régions du Québec peuvent bénéficier de la pré-sence de neurochirurgiens. Des cen-tres de neurochirurgie s’implantent progressivement à Trois-Rivières (Dr  Antonin Fréchette), à Chicou-timi (Dr  Gérard Leblanc), à Hull (Dr  James Nabwangu), à Rimouski (Dr  Jacques Boucher) et à Lévis (Dr Georges L’Espérance).

Dans la région métropolitaine, les développements technologiques font en sorte que la neurochirurgie

devient une pratique de plus en plus spécialisée et s’occupe de cas plus complexes qui nécessitent de longs traitements. La multiplication des milieux neurochirurgicaux à l’Hôpi-tal Charles-LeMoyne (Dr  Georges Bélanger), à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont (Dr Bernard Meloche), à l’Hôpital du Sacré-Cœur (Dr  Fer-nand Charest), à l’Hôpital Saint-Luc (Dr  Jean Guimond), à l’Hôtel-Dieu de Montréal (Dr André Paren-teau) et, du côté anglophone, à l’Hô-pital général juif (Dr Harold Rosen), à l’Hôpital général de Montréal (Dr Joseph Stratford) et à l’Hôpital Jean-Talon (Dr  Émile Berger) est donc devenue essentielle. Certains d’entre eux bénéficient d’une affilia-tion avec les milieux universitaires.

Groupe de Sherbrooke : assis de gauche à droite : Drs Maurice Héon, Jacques Boucher et Brendan Kenny. Debout de gauche à droite : Drs Hung-Ba Lieu, David Fortin, Alain Bilocq, Philippe Couillard, Mario Séguin et Éric Truffer.

Le Dr Maurice Héon.

Page 10: BRÈVE HISTOIRE DE LA NEUROCHIRURGIE AU QUÉBECLe Dr Edward Archibald. LES DÉBUTS À MONTRÉAL : l’UNIVERSITÉ MCGILL C’est en 1901, au Royal Victoria Hospi-tal de Montréal qu’a

10

L’ASSOCIATION DES NEUROCHIRURGIENS DU QUÉBEC (ANCQ)

La réorganisation de la neurochirur-gie au Québec ainsi que son expan-sion dans les années 1950 incitent les neurochirurgiens à opter pour un regroupement professionnel et syn-dical. Cette initiative est l’œuvre de dix neurochirurgiens qui décident de créer, en 1961, l’Association des neu-rochirurgiens du Québec (ANCQ), avec pour premier président le Dr Theodore Rasmussen de l’Insti-tut neurologique de Montréal. Outre son rôle de protection des intérêts de ses membres, l’ANCQ s’oriente vers la création de liens avec d’autres sociétés telles que la New England Neurosurgical Society et la Société de Neurochirurgie de Langue Fran-çaise (SNCLF). Nous avons déjà sou-ligné que le premier congrès au Qué-bec de la SNCLF, en deux parties, s’était tenu en 1964 sous la prési-dence du Dr Claude Bertrand à Mon-tréal et sous la coprésidence du Dr Jean Sirois à Québec. Cette expé-rience est renouvelée en 1981 sous la présidence du Dr  Jacques Cartier Giroux avec pour thème le prolacti-nome, où la chirurgie de l’hypophyse est à l’honneur. Grâce au Dr  Claude

Mercier, l’organisation du 3 congrès de la SNCLF à Montréal en 1999 sous le thème de la syringomyélie rem-porte un franc succès. Aujourd’hui, en 2013, avec la coprésidence des Drs  Michel Bojanowski et David Fortin, la Société de Neurochirurgie de Langue Française tient son 4 sym-posium international dans la ville de Québec. Parmi les représentants du Canada depuis la fondation de la SNCLF, mentionnons les Drs  Jac-ques Cartier Giroux, Georges Bélanger, Jules Hardy, Guy Bou-vier, Philippe Couillard, Claude Mercier, Michel Bojanowski et, aujourd’hui, David Fortin.

LA NEUROCHIRURGIE ACTUELLE

Depuis les années  1990, une réorga-nisation de la neurochirurgie s’effec-tue tant à Montréal qu’à Québec. Les centres universitaires de neurochi-rurgie se sont regroupés au sein du CHUM (Université de Montréal), du CUSUM (Université McGill), du CHU de Québec (Université Laval) et du CHUS (Université de Sher-brooke). Dans les régions, certains centres hospitaliers ont perdu leur service de neurochirurgie, mais d’autres persistent à Hull, Trois-Rivières et Chicoutimi. La neuro-traumatologie avec ses équipes mul-tidisciplinaires s’est concentrée dans certains centres tertiaires (Hôpital général de Montréal, Hôpital du

Le Dr Theodore Rasmussen, 1er président de l’ANCQ.

De gauche à droite : les Drs Jacques Cartier-Giroux, Georges Bélanger, Jules Hardy, Guy Bouvier, Philippe Couillard, Claude Mercier, Michel Bojonowski et David Fortin.

Page 11: BRÈVE HISTOIRE DE LA NEUROCHIRURGIE AU QUÉBECLe Dr Edward Archibald. LES DÉBUTS À MONTRÉAL : l’UNIVERSITÉ MCGILL C’est en 1901, au Royal Victoria Hospi-tal de Montréal qu’a

11

Le Conseil de l’ANCQ actuel : de gauche à droite : les Drs Denis Sirhan, Jérome Paquet, Louis Crevier, le président Dr Alain Bouthillier, Dr David Mathieu, et Dr Éric Truffer.

Sacré-Cœur de Montréal, Hôpital de l’Enfant-Jésus à Québec, Hôpital Sainte-Justine et Hôpital de Mon-tréal pour Enfants). Aujourd’hui, plus de 100 neurochirurgiens sont inscrits au registre du Collège des médecins du Québec, parmi lesquels une soixantaine assurent une acti-vité clinique régulière. La féminisa-tion de la profession médicale se

reflète aussi en neurochirurgie : les 16 femmes qui représentent près de 20 % des membres de l’ANCQ assu-ment un leadership très fort au sein de la communauté neurochirurgi-cale. Enfin, le congrès qui se tient dans la ville de Québec en 2013 témoigne de l’importance du fait français et de la pérennité de la neu-rochirurgie francophone au Canada.

Page 12: BRÈVE HISTOIRE DE LA NEUROCHIRURGIE AU QUÉBECLe Dr Edward Archibald. LES DÉBUTS À MONTRÉAL : l’UNIVERSITÉ MCGILL C’est en 1901, au Royal Victoria Hospi-tal de Montréal qu’a