Brasillach, L Degrelle et l avenir de Rex suivi de Degrelle L, Lettre aux Français

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    Il est assez rare et assez curieux dassister la naissance dunmouvement qui sera peut-tre grand. Les Franais qui ont hauss lespaules devant lascension de Mussolini, qui ont dit dHitler : Il nedurera pas , et qui ont ignor Salazar, ont d devenir mfiants, et neplus prendre M. Lon Blum pour un prophte. Il nen est point,

    aujourdhui, qui ne se montre curieux de ce rexisme, de son jeune chefLon Degrelle. Aux bureaux du journal, ds juin dernier, on ma dit que,depuis plusieurs semaines, des centaines dabonnements taientdemands de France. Le gouvernement franais pourtant, par unemesure dailleurs scandaleuse, vient dinterdire lentre en France de lapresse rexiste. Quant aux Belges, suivant leur opinion, ils se montrentravis, ironiques ou exasprs sitt quon leur parle de Rex, mais il fautbien dire que la curiosit est universelle, et quon se met aussitt

    raconter des anecdotes, citer des propos, bref tablir la lgende deLon Degrelle et de son parti. Quil ne sen froisse pas, mme si cequon raconte nest pas toujours vrai : il nest pas de grand mouvementsans la collaboration de la lgende. Encore faut-il songer que la ralitest parfois plus belle, qui fait aujourdhui dun garon de trente ans lechef dun grand parti, et demain, qui sait quoi encore ? Sans vouloirprjuger de lavenir, comment ne serait-on pas curieux de connatrecette esprance nouvelle ?

    I. La jeunesse de Lon Degrelle

    Tout naturellement, cest dabord de la personne du chef que lalgende sest empare. Il est jeune, et les hommes vous disent avec unpeu dironie : Les femmes aiment beaucoup Lon Degrelle. Elles letrouvent si beau ! Mais les rexistes eux-mmes en plaisantent et ils ontfait ce sujet un affreux jeu de mots, qui est tout fait dans leurmanire : Cest, disent-ils, ce que nous nommons le Rex-Appeal. Onlui prte des sentiments contradictoires, on le dpeint comme un futurHitler, alors quil se dfend daspirer la dictature, on laccuse degallophobie et on vous explique quil nest mme pas Belge, que toute safamille est franaise, on lui invente un pass rocambolesque o il auraitt tour tour, en Amrique, vagabond, soutier, boxeur peut-tregangster. Tout cela est peu prs invitable.

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    Jaime mieux pourtant la vrit et cela dautant plus que jvoquerailongtemps, je suppose, cette nuit en automobile, sur la route de Namur Bruxelles, dans les bois mouills, o Lon Degrelle, au retour dunerunion, me racontait sans ordre, avec cette fracheur immdiate, cetteposie extraordinaire qui se dgage de ses moindres mots, son enfance

    paysanne de dnicheur doiseaux et de petit garon en sabots, voleur depommes.

    Il est n Bouillon, dans les Ardennes belges, le 15 juin 1906 dansune famille qui devait compter en tout huit enfants. Dans la famille de samre on avait longtemps t mdecin de pre en fils.

    -Jai bien connu mon grand-pre, me dit Lon Degrelle. Javais huitans quand il est mort. Ctait un homme de l-bas, vous savez, un pays

    pre lhiver, pauvre, o les gens vivent rudement. Il partait cheval,dans la nuit, pour faire ses visites aux malades, comme lavaient faitson pre, son grand-pre. Une nuit, on la appel pour une pauvrefemme qui attendait un bb, et qui en avait dj six, et qui ne savaitpas comment elle nourrirait celui-l. Et voil quelle a deux jumeaux,et rien pour celui quon nattendait pas, mme pas de quoi le coucher.Alors mon grand-pre est revenu chez lui, Bouillon. Il a pris sa petitefille qui dormait dans le berceau, un grand berceau la modeancienne, trs haut, en bois courb. Il a mis sa petite dans le lit de ma

    grandmre, il a flanqu le grand diable de berceau en travers de soncheval, et il est reparti, trente kilomtres de l, pour donner labonne femme le berceau de sa petite fille. Je le vois encore, avec sesgrandes moustaches, quand il allait organiser des runionscatholiques. Il tait le chef des catholiques du pays, et un moment octait plus dsintress et plus grave quaujourdhui, je vous assure.Ctait cela, la famille de ma mre.

    Puis, de sa voix un peu assourdie par les grands efforts oratoires,cette voix que jentends sans voir le visage, parmi le vent de la vitesse leglissement de la voiture, la pluie contre les vitres, il me parle de safamille paternelle :

    -Toute la famille de mon pre est originaire de Solre-le-Chteau, prs

    de Maubeuge. Au petit cimetire sont enterrs tous les miens. Il y a eu

    plusieurs branches, qui portent des noms diffrents, unis au nom de

    Degrelle : certains (jai un cousin de ce nom qui tient encore un caf

    dans la rgion) sappellent mme Degrelle-Degrelle, pour les distinguerdes autres. Nous avons t une famille extrmement nombreuse :

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    en quatre cents ans, il est n, il a vcu, sans compter les enfants mortsen bas ge, deux cent quatre-vingt-huit Degrelle. Tout cela est inscritsur notre livre de raison, que je possde encore. On y marquait lesnaissances, la raison pour laquelle on avait donn tel nom aux enfants,et comment taient morts les vieux. Jai eu un anctre tu Austerlitz,

    et ce jour-l, il lui naissait une fille, et on la appele Souffrance. Uneautre, ne au moment des guerres de Napolon elle aussi, sest appeleVictoire. Pendant quatre cents ans, des paysans appels Degrelle ontcultiv le mme champ. Dans le livre de raison, on a aussi gard leslettres damour du fianc la fiance. En mme temps que de leuramour, ils se donnent des nouvelles du temps, de la rcolte, ils disent :le bl, ou le seigle, seront bons cette anne. Je pense, voyez-vous,quen France, au temps des rois, il y avait des millions de familles quitaient pareilles la mienne : et cest pour cela que la France tait ungrand pays. Quand le redeviendra-t-elle ?

    Il se tait un instant pendant que la pluie redouble au dehors.

    -Cest de l que Rex est n, il ne faut pas en douter. Cest cela que jeveux refaire, et recrer. Vous savez la devise de notre famille. Noustions presque tous maigres et petits, chtifs, grles. Et notre devisetait : Grle est, mais crotra.

    Il rflchit sans doute au destin, au hasard, qui a fait de ce Franais,si profondment enracin dans ses traditions provinciales, un Belge.

    -Trois kilomtres de plus ou de moins... Maintenant, mon sort estfix. N en France, Jaurais jou un rle de Franais, avec la mmeardeur. Je suis Belge, je fais mon devoir de Belge.

    Cest avec les mmes mots, si simples, quil me parle de son enfancepaysanne. la suite des lois antireligieuses, son pre, catholique

    convaincu, tait venu stablir Bouillon comme brasseur. Je revois,tandis quil me parle, cette petite ville de trois mille habitants, si prs dela frontire franaise, et qui, jadis, ne forma quun pays avec notreSedan. Cest lun des joyaux des Ardennes, avec son pont brun et courbsur la Semois, sa rivire encaisse, son chteau qui domine la ville, etsurtout ses bois proches, et la merveilleuse douceur de ses collines, de salumire.

    -Mettez-moi vingt kilomtres de Bouillon, dans les bois, me ditLon Degrelle. Je reconnatrai mon chemin les yeux ferms.

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    Par un trange miracle, ces Ardennes voquent la Savoie au printemps,le Jura, la Cerdagne franaise. Cest la mme mesure des collines boises,le mme clat transparent du ciel, la mme fracheur des eaux vives.

    -Enfants, nous voyions descendre les trains de bois, lis ensemble,

    sur la Semois. La grande merveille, ctait lhiver. Il nous amenait destroncs darbre, des sapins, de la glace, et, quelquefois, un normesanglier, tout gonfl et tout emml dherbes, qui sarrtait contre lespiles du pont.

    Puis venait le printemps. Les garons couraient sur les pentes,cherchaient les ufs dnicher.

    Nous regardions les jeunes pins. Dans les vieux pins, les oiseaux nese mettent pas. Pendant des heures, il fallait attendre pour voir la mresapprocher du jeune arbre. Alors, nous grimpions, et nous trouvions le

    nid. On mangeait les ufs tout chauds. Ou bien, on allait voler despommes. Mon pre aussi avait des pommes : mais les pommes volesont un got tellement meilleur !

    Et Lon Degrelle ajoute :

    -Voyez-vous, jamais je noublierai ces instants-l. Personne ne peutsamuser autant que nous nous sommes amuss, moi et mes frres oumes surs. Songez ce qutait une fte pour nous. Nous allionsattendre les voitures des forains en haut de la cte, quatre, cinqkilomtres de l. Le premier jour de la fte, on nous donnait un franc,le second jour dix sous, le troisime cinq sous. Je nai jamais t aussiriche, je nai jamais t plus heureux.

    Cest l que le petit garon a appris beaucoup de choses, et quil sestform.

    -Je jouais avec les autres enfants du village. Nous tions tous pareils.Vous savez quen Wallonie, on met souvent ladjectif devant le nom,

    lancienne mode : on dit une dure vie, le blanc pain, le noir caf. Cheznous il y avait surtout du noir pain, et pas toujours de caf. Mais toutle monde saimait. Mon pre tait un bourgeois, et le notaire, ou lemdecin taient des bourgeois. Mais ils saluaient en passant devantleur porte le forgeron et le tanneur, parce que le forgeron et le tanneur,comme eux, gagnaient leur vie, et avaient beaucoup denfants, ilstaient honntes et travailleurs. Dailleurs tout le monde avaitbeaucoup denfants ; chez nous nous tions huit, et onze dans lafamille de mon pre, et dix dans celle de ma mre, et douze chez

    le notaire, et sept chez le mdecin. Vous savez, on nest jamais bienriche quand on a tant denfants lever, et cest cela qui est bien.

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    Alors, louvrier pense que son patron remplit son devoir. Alors, on lerespecte. Et un deuil est un deuil pour tous. Regardez les grandesvilles. Quand quelquun meurt, ses voisins ne le savent mme pas. Bouillon, tout le village tait en deuil quand quelquun mourait. Cestquelque chose que je noublierai jamais. Cest chez moi que jai appris

    la communaut sociale, la communaut dun peuple.Je men voudrais dinterrompre ce jeune chef, si sensible tout ce qui

    lentoure et qui le soutient, lorsquil voque les dmons de son enfance.

    -Et imaginez la guerre par l-dessus. Imaginez combien cettecommunion de tout un village a t grandie par la guerre, par lesprivations, la haine de lenvahisseur. Nous mangions de la viande unefois par semaine, on fusillait nos parents et nos amis Louvain, Dinant, on dportait ceux qui ne plaisaient pas. Nous nous sommesreplis sur nous-mmes. Dj, il faut penser quavant la guerre,beaucoup dhabitants de Bouillon navaient jamais quitt leur ville, oula valle de la Semois. Il fallait tre mon grand-pre le mdecin, monpre le brasseur pour aller visiter des malades assez loin ou livrer dela bire. Quelques-uns sen allaient pied, Namur, Lige, unjambon pendu chaque paule, pour le vendre au march. Jai vucela : ils faisaient cent cinquante kilomtres ou plus, en trois jours,sans voiture, sans cheval, comme les plerins. Mais dautres nesortaient pas de leur maison. Au bas de la cte, il y a un endroit quonappelle le Point-du-Jour, parce que cest l que le soleil se lve. Et lehaut de la cte porte un nom magnifique : cest le Terme. Au-del il nya plus rien. Je me souviens que jtais tout enfant quand on a organis Bouillon une course de bicyclettes. Je navais jamais vu cela. Jaisuivi les coureurs, et je suis all jusquau Terme. L jai dcouvert,avec une surprise immense, que la route continuait, que le mondecontinuait, quil ntait pas born Bouillon. Je nai jamais t aussistupfait. Eh bien ! cest cette cte, cest ce Terme que nous avonsguett pendant quatre ans, eu attendant les soldats franais quiviendraient nous dlivrer. Et un beau jour nous avons vu arriver... lesAmricains. Nous navons rien compris : peut-tre mme a-t-on eupeur de nous voir leur faire un mauvais parti, puisquon les a tout desuite fait passer par une autre route. Mais vous comprenez ce quareprsent pour nous la cte.

    Pour le petit garon, qui grandissait, pareil aux autres petits garonsdu village, dans lhiver rude, le printemps pluvieux, quels discours

    admirables tenaient, sans paroles, ces bois mouills, ces odeurs de pinset de prairies, ces champs de seigle, ces pierres uses par la Semois ?

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    Plus tard, il sen souviendrait lorsquil dsirerait rgnrer sa patrie et lemonde par un retour aux vertus terriennes, et lenfance.

    -Jai besoin de la fracheur, rpte-t-il avec passion, jai besoin delenfance. Sans lenfance, je ne suis rien.

    Mais, ds son enfance, quand son pre lui demandait :

    -Que veux-tu tre ?

    Il rpondait :

    -Premier ministre !

    Et lon riait, sans doute, en voquant le Grle est, mais crotra , de

    sa famille.Ainsi passaient les jours, dans ce pays dArdenne plein de bois,deaux vives, o lon sattend, chaque soir, entendre sonner au loin lescors, voir passer les chasses de Comme il vous plaira1. Shakespeare etRonsard y ont cout les fes, plac leurs dialogues prcieux, encore toutmouills de la rose matinale. De cette ancienne ville souveraine partitun jour, sur un pont tout pareil celui qui se courbe encore sur laSemois, le plus illustre des princes du pays, Godefroy de Bouillon. Il

    entranait avec lui vingt peuples pour la dlivrance de la premireparoisse de la chrtient, la paroisse o est mort le Christ. Cest l quunpetit garon qui jouait avec dautres enfants, fils du forgeron ou fils delouvrier tanneur, apprenait, mieux que dans les livres, la grandeur dupays o il tait n, et lamour.

    Aprs la guerre, en ge de faire des tudes, Lon Degrelle passa troisans chez les Jsuites de Namur.

    -Ce sont de rudes formeurs dhommes, dit-il volontiers.

    Il leur rend dautant mieux hommage quil en a parmi ses parents,comme il a des religieuses, des Pres blancs, suivant lancienne coutumecatholique des vastes familles. Puis, il passa Louvain, la vieilleuniversit belge, afin dy poursuivre des tudes de droit, quil devaitmener jusquau doctorat exclusivement. Et de Louvain, il ne cesserajamais de parler avec amiti.

    L aussi, et mieux que de la cte de Bouillon, il faisait la connaissancedun monde nouveau, avec ses lois, ses esprances, ses travaux et ses jeux.

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    Ce furent quelques annes dune grande importance, o il groupaitautour de lui ces amitis sans lesquelles il nest peut-tre pasdapprentissage dans lart de conduire les hommes. On ne nous referaplus une vie pareille dit-il lui-mme aujourdhui en songeant cesheures si proches, la joie de vivre, aux plaisirs simples, aux querelles et

    la fracheur de la jeunesse. Cest l, sans doute, quil apprit pour lapremire fois connatre son pouvoir.

    son sujet, Bertrand de Jouvenel voquait un jour ces garonsautour de qui, dans les lyces et les collges, on se range naturellement,qui font la loi dans la classe, que lon aime et que lon admire. Et, bienque la plupart du temps, ces admirations ne survivent pas lgedhomme, il dclarait trouver en Lon Degrelle comme un souvenir du dictateur des cours de rcration quil avait d tre. Je ne pense pas

    quon doive se fcher de ce mot, et Lon Degrelle moins que quiconque.Car il met bien laccent sur la jeunesse extraordinaire de ce mouvement,et sur la vertu de cette jeunesse, malgr les railleries des gens de bonsens.

    Il est ais de voir que cest Louvain que sest form le dictateur descours de rcration. Non que des proccupations plus srieuses naientpas, cet instant, dj conquis Lon Degrelle et ses amis. Mais on senvoudrait doublier cette chaude atmosphre de gaiet, de brasseries, de

    chahuts dtudiants, de passion joueuse, qui donne aux abstractions (lajeunesse aime toujours les abstractions) une telle couleur vivante.

    Il samusa beaucoup. En un sicle o on ne sait plus rire, avoue-t-ilfranchement, nous avons ri. Et dajouter avec gravit : La farce estun apostolat. La farce est une cole. On y apprend tre inventif,dcid. Qui sait si la farce, aprs tout, nest pas une excellenteprparation politique ? Au moins enseigne-t-elle le mpris desconformismes, sans lequel je ne crois pas quon puisse jamais rien faire

    de bon.Lui-mme a racont quelques-unes de ses farces, qui rendirent

    clbres, aux environs de 1927, les tudiants de Louvain et, parmi eux,Lon Degrelle. Sans doute, quand les Soviets organisaient uneexposition de propagande, et que les jeunes gens, en deux minutes etdemie, fracassaient le buste de Lnine et mettaient mal les plusvnrables spcimens de lart sovitique, les communistes et leslibraux protestaient-ils, mais les rieurs taient pour les iconoclastes. Ils

    taient aussi pour eux quand ils chahutaient les confrences du R. P.Hnusse sur les crimes passionnels, trange sujet pour un ecclsiastique,

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    ou bien lorsque, avec un luxe de dtails prcis ils faisaient arrter ungrave rdacteur de revue par la police secrte. Mais leur clbrit faillitdevenir europenne lorsquils inventrent ladmirable procs deshritiers de Dumas fils.

    Ils publiaient dans leur journal LAvant-Garde un feuilleton

    funambulesque, La Barbe ensanglante , grand roman daventuresacadmiques en vingt pisodes, authentique, vridique et rel. Ctaitau mois doctobre 1928. Sans doute, le procureur du roi, M. Herriot enpersonne, la smillante Mme Machin et plusieurs professeursdistingus se trouvaient-ils mls des bouffonneries assez grosses, maislensemble paraissait plutt laborieux. Pourtant, luvre tait signeAlexandre Dumas petit-fils, et cette signature apocryphe donna soudainaux tudiants lide de soutenir lattention un peu dfaillante des lecteurs

    par un coup de matre.Ils imaginrent une protestation des hritiers de Dumas. Ils firent

    imprimer un papier en-tte de Me Henry Torrs quils domicilirent Paris, rue de Carpentras, et se firent adresser une lettre pleine devhmence. Sous prtexte de rigoler et de zwanzer2, comme vous ditesdans votre jargon belge, leur dclarait lminent avocat, vous portezatteinte la proprit littraire... Vous vous permettez de mettre enmauvaise posture certaines personnes fort connues et universellement

    apprcies... Vous vous en prenez un procureur du roi, uncommissaire de police, au prestige dun ministre franais, M. Herriot, un savant distingu, des professeurs minents, et jusqu une femme.Le fait que vous la dsignez sous le nom quivoque de Mme Machinindique quil sagit l dune personne de haute qualit. Me Torrsdclarait quil allait faire poursuivre en justice LAvant-Garde au nomdes hritiers Dumas. Les juristes de la Facult eurent tt fait de rdigerun projet dassignation, plein de majest, au nom de la branche

    masculine des Dumas domicilie Paris et de la branche fminine, lesdames Plancheville nes Dumas, domicilies Angoulme. Un tudiant,Jean Carton de Wiart, se disant envoy par Me Torrs, alla trouver unvritable huissier, qui, vite convaincu, fit inscrire laffaire au tribunal etsen vint remettre ds le lendemain LAvant-Garde une assignationauthentique avec cachet, signature et timbre fiscal.

    LAvant-Garde publia le tout. Mais pour que la farce prt toute saporte, il fallait saisir lopinion. Une lettre dchirante fut adresse

    tous les quotidiens belges, les suppliant de prendre le parti des tudiantsdans une circonstance qui mettait en pril lindpendance de la presse

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    et les droits sacrs de lhumour. Dun bout lautre du pays, ce fut uneleve de boucliers pour dfendre les tudiants, attaqus pour une innocente

    plaisanterie. Les sceptiques avaient d se rendre lvidence : laffairetait bien inscrite Louvain. En mme temps lorgueil national sen mlait.Lon Degrelle en personne dnonait des manuvres politiques. Quel tait

    ce Torrs3 qui se moquait des Belges et de leur jargon ? Communistemillionnaire, proltaire en limousine, avocat de toutes les causes

    sanglantes... quel intrt a donc ce professionnel de la comdie judiciaire

    amorcer chez nous une propagande personnelle ? Le pays prenait faitet cause, avec les gens dordre contre lagitateur bolcheviste.

    Comme pourtant Me Torrs ne pouvait venir plaider Louvain, il luifallait un remplaant. On tablit un dossier contenant copie de la lettre delavocat, de lassignation, les numros de LAvant-Garde o taient

    souligns en rouge les passages les plus significatifs de La Barbeensanglante , et une lettre du prtendu reprsentant de Me Torrs. Onenvoya le tout un dput avocat, Me Cleymans, en le priant dagir la

    place du matre du barreau parisien. Me Cleymans nhsita pas uneseconde, il crut tout ce quon lui disait, et se dclara prt dfendre lesdroits de MM. Dumas et des demoiselles Plancheville. Toutefois, comme iltait catholique et craignait de se compromettre avec un homme de gauchecomme Torrs, il pensa confier laffaire son premier stagiaire. On plaida,

    et le tribunal, devant la gravit des faits, remit le jugement huitaine.Cest alors, naturellement, que LAvant-Garde rvla la farce, et

    donna tous les dtails. Il ny eut quun vaste clat de rire dans toute laBelgique. Les chroniqueurs judiciaires, qui avaient t les premiersberns, prirent laventure avec bonne humeur. Me Torrs lui-mme,averti, envoya une lettre sympathique aux farceurs. Le dput Cleymansnosa pas bouger. Le prsident du tribunal tait trop bon Belge pourpoursuivre les tudiants pour outrage la magistrature, et son indulgence

    lui valut une immense popularit. Quant au gouvernement, comme ditLon Degrelle, il fut satisfait, puisque dans laventure, il avait gagn 2 fr.50 en timbres fiscaux.

    On aurait tort de ne pas comprendre le got de lamusement simple,de la joie, qui demeure une des vives sductions de Lon Degrelle. Lesgrandes farces de Louvain, sans doute, leur poque est passe, et des jeuxplus graves retiennent lattention. Mais il est assez bien, je lavoue, que

    le jeune chef de Rex ait commenc par animer les jeunes tudiants, aitcommenc par la gaiet.

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    En mme temps, sans doute, il dcouvrait aussi autre chose. Il lisaitles potes, il les imitait, et il publiait mme quelques vers, Tristessesdhier ou ce recueil intitul : Mon pays me fait mal dont le titre,aujourdhui, semble prophtique. Enfin, il cherchait connatre lessystmes et les hommes, et, comme la plupart de ses camarades, il tait

    maurrassien endiabl. Mme si plus tard, il devait chercher ct desprincipes de lAction franaise des lois et des rgles de vie, il nest pasmalais de reconnatre tout ce que sa logique doit au matre politique detoute une jeunesse, et lui-mme ne renie pas ses fidlits du pass. Il luiarrive de dire, un peu en plaisantant, si lon plaisantait sur des sujets sigraves :

    -Cest moi qui ait fait condamner lAction franaise.

    En effet, en 1926, Louvain, au cours dune enqute sur les matresde la jeunesse catholique, les tudiants, dirigs par Lon Degrelle,dsignrent Maurras avec un tel ensemble que les autorits spirituellessmurent. Cest des rponses de Louvain que sortit le rquisitoire delavocat Passelecq, qui fut pieusement recopi par larchevque deBordeaux, et finalement la condamnation de lAction franaise parRome. Un des jeunes collaborateurs de Lon Degrelle, Jos Streel,crivait un jour, voquant les combats cruels autour de Maurras ,quils avaient t la premire meurtrissure, lapprentissage des dramesspirituels, en attendant les autres , et ne craignait pas de reprendre lemot de Pguy, voquant sa jeunesse dreyfusarde : Nous avons tgrands .

    Maurras condamn, les jeunes gens de Louvain et Lon Degrellepensrent quils devaient dabord essayer eux-mmes de sauver leur payset leur propre humanit. Ils purent ainsi dgager leur originalit, reveniraux sources de leur race, mais il serait vain de nier ce que doivent tous

    les jeunes de notre temps au plus incomparable des formateurs desprit,ne serait-ce que cette critique de la dmocratie, faite sans doute pourjamais.

    Le monde se dcouvrait plus grand encore quil navait paru du haut dela cte, au sortir de Bouillon, et son Terme reculait de jour en jour. LonDegrelle dailleurs apprenait connatre la fois la beaut matrielle et sa

    beaut spirituelle. Quand il en avait assez des livres, des luttes dides, descours de droit et mme des farces collectives, il partait, seul ou avec des

    amis, pour de longues promenades. Cest bicyclette quil visitala Belgique, la Fort-Noire, le nord de la France o vcurent les siens,

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    la Touraine. Il y affermissait sa culture, par un regard vivant sur ce quiexiste, et sur les charmes du pass. Dans les villes, il apprenait aussi connatre des choses plus graves, plus importantes que les livres. Ilapprenait connatre lexistence de la misre. Cest de ce temps que dateune enqute surLes Taudis, que le premier ministre Henri Jaspar admira

    fort et dont il flicita le jeune auteur. Dj Lon Degrelle cherchait surlhorizon autre chose que la littrature et ses plaisirs, et dnonait lesmaux dont souffrent les hommes. Puis, toujours, il revenait sa Wallonienatale, la valle argente et verte de la Semois, et retrouvait auxvacances, avec la mme amiti, son ami le forgeron ou son ami lebcheron.

    Parmi les rflexions du jeune Lon Degrelle sur la vie et sur leshommes, je crois quon ne se tromperait pas beaucoup en mettant au

    premier rang celles que lui inspira justement un de ses compatrioteswallons, le pote Louis Boumal. peine g de vingt, ans, pendant unt quil passa en Touraine, Lon Degrelle crivit une Mditation surLouis Boumal, quil devait publier peu dannes aprs. Louis Boumal estun pote, dont la statue se trouve Lige, et qui fut professeur quelquesmois Bouillon peu avant la guerre. Lorsque celle-ci clata, il avaitvingt-quatre ans. Il devait mourir en 1918, min par la souffrance, Bruges. Toute une jeunesse salua longtemps en lui quelquun qui aurait

    pu tre un matre, et il ne faut pas douter que le destin de ce jeune annait gravement touch Lon Degrelle.

    Passionn de culture franaise, Louis Boumal cherchait en suivre latradition, comme il la dit lui-mme, de Chrtien de Troyes Maurras.Continuateur et restaurateur des anciennes fables, il trouvait dans saWallonie boise et mystrieuse un accord entre la raison et les forces dusang et de la terre. Catholique, bien que le doute et le blasphme laientvisit pendant la guerre, maurrassien, lecteur assidu de LAction

    franaise, prcurseur de la jeune cole monarchiste, cest une figureattachante et curieuse. Sous le ciel clair de Touraine, dans les jardins, lejeune homme qui se penchait passionnment sur ce destin trop tttranch, comment ny aurait-il pas lu des leons, des encouragements,comment naurait-il pas dcel dans cette sensibilit ouverte toutechose, dans ce cur dchir par une foi inquite, dans cet esprit acharn construire sa patrie, une image diffrente, mais fraternelle, de sa proprejeunesse ? Il sagissait alors de bien autre chose que de littrature, et

    Lon Degrelle pouvait se dire quun jour, en quelque manire, ilraliserait ce que la vie navait pas permis Louis Boumal de russir.

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    Ainsi, au dbut des existences de chef, parfois le destin suspend-ilquelque image votive, quelque reflet un peu frle et prophtique de cequi sera.

    Aujourdhui encore, de son petit livre, Lon Degrelle dira quil lui at utile, et quil la aid comprendre sa Wallonie latine .

    Cest ainsi quun jeune homme chappe aux livres, lintellectualisme. Non que lintelligence soit inutile, et Lon Degrellena pas le romantisme de la condamner. Mais il est beau que les livres etles mditations des potes viennent complter lenseignement du sol, etque tout puisse sunir dans une leon vivante. Il est beau quun jeunehomme cherche travers lintelligence clarifier ce que lui a djmurmur son instinct, et que sa terre natale puisse lui apprendre aussiprcisment lamour et la force. Aprs Bouillon et aprs Louvain, on

    peut dire que Lon Degrelle a reconnu les voix quil coutera dsormais.Il lui manque pourtant une dernire exprience, dcisive celle-l :lexprience de la souffrance et de la grandeur, lexprience du sacrificepour une foi. Cest ce quil trouvera au Mexique.

    La tragdie Mexicaine occupait depuis longtemps Lon Degrelle.Douze mille catholiques taient tombs pour leur foi, sans que le mondecivilis smt, sous les coups de la plus atroce des perscutions, au

    milieu dun raffinement inou de tortures physiques et morales. Ce jeunehomme de vingt-trois ans commenait en avoir assez dune vie facile etgaie, et mme des soirs joyeux de Louvain, des farces ou des discussionspolitiques. Il voulait savoir comment taient morts des hommes quiavaient une foi, sa foi. Il dcida de partir pour le Mexique.

    Un journal bruxellois et un journal romain lui accordent, pour unreportage futur, une petite somme, peine suffisante pour payer unpassage dmigrant, fond de cale. Par malheur, Lon Degrelle a dj

    crit des articles extrmement violents contre le gouvernement mexicain.Il ne peut partir sous son nom. Assez rapidement, il russit se procurerde faux papiers, qui le vieillissent de quelques annes, et le prsententcomme un jeune mdecin. Un beau jour, il prend lavion, atterrit Hambourg, et sy embarque pour Vera-Cruz.

    Cest son premier grand voyage. Il laccomplit dans un rduit de troismtres sur deux, fond de cale, o lon a entass six migrants. Lesmachines font un vacarme effroyable. Il sendort seulement au petit

    matin. Le steward allemand, qui la pris pour un Franais, le rveille, etlui dit doucement :

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    -Monsieur, on voit votre patrie.

    Pour lui faire plaisir, Lon Degrelle se lve et va regarder la France,dans la brume transperce de faibles lumires. Il dit adieu lEurope qui,pour lui, tait encore hier si douce et si calme.

    Il arrive au Mexique au bout de trois semaines, aprs avoir cueilli desfleurs Cuba, des pamplemousses, avoir dans sur le pont, avoir passdes nuits regarder leau, couter les musiques de fte. Comment cettenature chaude, ces nuits immenses, ne griseraient-elles pas le jeuneaventurier ? Mais ce nest pas pour cela quil est parti. La danse au clairde lune, le soleil dor, ce sont les charmes du voyage, cet entractemerveilleux de la vie : demain, il faudra savoir comment des hommes ontagi, et comment ils sont morts.

    Au Mexique il ne connat personne. un jeune catholique il aenvoy un cblogramme annonant la venue dun amigo belga . Il saitquon attend son arrive, quon connat son nom : mais comment trouverceux quil cherche ? Et la police ne dcouvrira-t-elle pas que ses papierssont faux ? Lon Degrelle est inquiet, et dit son chapelet dans le fond desa poche. Il dbarque pourtant Vera-Cruz, il sinstalle dans un htelmodeste. On lui demande son nom. Il pense : de laudace, encore delaudace4. Et il inscrit sur le registre : Danton.

    Le lendemain, un jeune homme laborde dans la rue, lui montre,cach sous le revers de son veston, linsigne de la jeunesse catholiquemexicaine, une petite photographie dcoupe dans la prire dinsrer deson livre surLes Taudis, et lui demande voix basse

    -Vous tes bien Lon Degrelle ?

    Il le suit, emprunte un petit train invraisemblable, et, Mexico, il estaccueilli par les catholiques quil est venu voir, les Cristeros, les soldats

    du Christ.Cest l quil passa quelques journes inoubliables, dans une villapleine de roses et de jets deau. Le dimanche, un prtre venait dire lamesse dans le garage, il sasseyait sur une chaise, et on se confessait lunaprs lautre, genoux dans lherbe. Puis, il consacrait lhostie, donnaitla communion, entre deux fts de goudron, des gens qui, peut-tredemain, seraient tus. Il restait en habit lac, et la fin de la messe, iltendait aux assistants son stylographe, o lencre tait remplace par

    leau bnite.

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    Pour tout le monde, Lon Degrelle est mdecin, bien quil tiennevolontiers des thories un peu ahurissantes sur lorigine du cancer et lagurison des maladies. Il visite le peuple, parcourt le pays. En dcembre,il assiste aux neuf jours de ftes qui prcdent la Nol, o lon rcite desprires pour demander aux matres de maison lentre pour saint Joseph

    et la Vierge Marie, o lon organise des cavalcades, o lon se livre mille jeux nafs, dun paganisme touchant. Il noublie pas non plusdaller voir les perscuteurs des catholiques, le prsident Calles, lesbourreaux enrichis. Il veut contempler les rsultats rels de cetteimmonde politique de libration .

    Et toujours, il pense cette pope dun peuple martyr, aux femmes etaux enfants imbibs dessence, aux lignes tlgraphiques do pendaient,en grappes, des dizaines de chrtiens, aux tortures. Quand lEspagne,

    quelques annes plus tard, retrouvera le secret de cette cruaut, LonDegrelle pourra imaginer ce quelle est. Car il se souviendra des trentemille jeunes gens, tudiants, ouvriers, paysans, qui, un jour, ont pris lefusil pour dfendre leur libert et leur Dieu, des quatre mille jeunes fillesqui assuraient le ravitaillement en munitions, des fusills, des pendus, desdports. Il se souviendra aussi, dans ce pays ruin, do trois millionsdhabitants staient enfuis pour chapper au massacre et la famine, duluxe scandaleux des rvolutionnaires nantis. Ne nous tonnons pas si Lon

    Degrelle conclut, en voquant ces souvenirs :-Il parat que cest cela, la rvolution. En tout cas, cest ainsi qu

    Mexico les chefs rouges me lont montre.

    Deux ans avaient suffi aux chefs du Mexique pour dtruire lecatholicisme. Il nexiste plus dans le pays une cole catholique, un seulordre religieux, le port de lhabit est interdit, les prtres autoriss (unpar cinquante mille habitants) sont dchus de tous droits politiques et

    inscrits aux registres de la police, comme les filles publiques. Etpourtant, contre toute cette abjection, accomplie dans le silence delEurope, dans la froideur des tats-Unis, contre les crimes et la honte,un peuple de martyrs stait lev. Lon Degrelle, de lAtlantique auPacifique, fit le sombre plerinage du sacrifice des Cristeros, traversquatre mille kilomtres de dsert, voquant ces trente mois de luttes, sanspain, sans armes et sans soutien, les messes de laube avec la communiondonne aux soldats, le drapeau orn de la croix, et pour finir, les milliers

    de tombes qui portent pour seule inscription : Mort pour le Christ-Roi.

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    -Tout cet hrosme ne fut pas inutile, se disait-il.Il a sauv lhonneurcatholique.

    Quand il namasse pas ses notes, ne cherche pas de tragiquesdocuments, ou ne se cache pas dune mfiante police, Lon Degrelle se

    livre la beaut malfique de ce pays. Avec des jeunes gens, des jeunesfilles, il chante dans les pirogues, le dimanche, les chants mexicainsquaccompagne la guitare aigu. Les dimanches du Mexique, lespaysages dsols, et soudain les rivires rapides, les les, les retours dansla nuit, les bras chargs de fleurs, sont parmi les plus beaux souvenirs desa jeunesse. Il dcouvre les courses de taureaux, le soleil, la chaleur dunouvel an, les bains dans les lacs tides de janvier, et aussi les dieuxtranges, le pass terrible dun peuple toujours mystrieux. Seulement,

    tout instant, une petite croix dans la campagne lavertit quon sest battu,il y a quelques semaines, et quon est mort.Au bout de trois mois, il songe quitter le Mexique. Il a tout vu, les

    tombes des martyrs et les palais des rvolutionnaires, lagonie ducatholicisme et pourtant son printemps mystrieux, et aussi la parademarxiste, la faillite agraire et sociale. Dans une grande malle, il asoixante-douze kilos de documents.

    Un soir, dans un salon, il fait la connaissance du directeur dune

    revue amricaine, lui raconte ce quil a vu. Le lendemain, on luidemande des articles : prix, dix-huit mille francs. Jamais de sa vie LonDegrelle na vu autant dargent ! Il dcide de quitter Mexico et de gagnerles tats-Unis, o il dcouvrira vite un second journal.

    Avant de partir, il assista une runion clandestine catholique. Onlemmena en pleine campagne, o staient rassembls des centainesdhommes et de femmes. Ils lui offrirent des fleurs, des tapis, desplateaux de bois, des vases de terre cuite. Il leur parla. Peut-tre tait-cela premire fois que Lon Degrelle sadressait une foule. Ces Indiensaux pieds nus, qui ne comprenaient pas sa langue, coutaient pourtant cettrange jeune homme plein de feu. Et ils comprenaient, sans doute, au-del des paroles, ils comprenaient autre chose de plus mystrieux et deplus essentiel, puisque de grosses larmes coulaient sur leurs joues. Je necrois pas que dans toute sa carrire oratoire, Lon Degrelle ait beaucoupde souvenirs qui lui soient plus chers.

    Il eut beaucoup de mal entrer aux tats-Unis, o ses faux papierslui jourent de mauvais tours, et, refoul sur le territoire mexicain, ildut faire intervenir en sa faveur un vque californien. Reu enfin

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    avec les honneurs de la guerre, il dpensa allgrement largent de sesreportages, visita pied, ou cheval, les tats-Unis, le Canada, lesGrands Lacs. Quand il rentra en Europe, aprs son exprience mexicaine,il tait un homme, et savait ce quil voulait.

    Bouillon, Lon Degrelle avait appris les vertus paysannes, et avaitpris contact avec son pays dune manire vivante. Louvain, lavaitappris le charme des amitis intellectuelles, il avait commenc deraisonner sur lunivers, en mme temps quil avait fait lessai de sonpouvoir danimateur. Au Mexique, il avait appris comment des hommesse sacrifient, et il stait jur que, dans toute la mesure de ses forces,jamais sa patrie ne connatrait les fautes et les crimes qui avaientensanglant ce sol tranger. Avant sa vingt-cinquime anne, il revenait

    en Belgique fort de ces trois expriences capitales, et dcid laction.Le temps des jeux et des passions littraires, mme sil semble sy livrerencore, est termin. Une autre aventure va commencer. Bientt, le jeunecrivain, se souvenant toujours quil est pote, adressera Notre-Dame-de-la-Sagesse une mouvante prire, qui est comme le testament spirituelde sa jeunesse :

    Notre-Dame, je viens Vous

    Avec ma force, mon orgueil et mes sanglots,Parce que mes vingt ansOnt besoin de Votre Sagesse.

    Cest Notre-Dame-de-la-Sagesse qui apprendra au jeune homme et ses pareils le chemin quils doivent suivre dsormais :

    Vous nous direz o doit passer la routeEt avec quels outils nos mains vont la tracer...Notre idal nest pas demain mais chaque jour...Comme un soldat qui marche au pas sur la chausse,Nous irons humblement apprendre le devoir...

    Dj, Lon Degrelle ne lignorait pas. Dj, il avait commenc deconstruire cette route faite pour dautres, o tant dhommes, il lesprait,allaient passer. Et dsormais sa propre histoire va se confondre avec cellede son mouvement et de son parti.

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    II. Quest-ce que le rexisme ?

    Ds avant son dpart pour le Mexique, Lon Degrelle avait cherchdans le catholicisme, comme tant dautres, le principe de la fraternit

    humaine et de laction sociale. Louvain est une universit catholique, oles uvres de jeunesse chrtienne ont leur sige, et o, en particulier,lAction catholique acquit, aux environs de lanne 1927, une importancecapitale. Elle avait servi surtout dissocier dans lesprit des jeunes lapolitique et lapostolat religieux. On sait que depuis 1884 les catholiquesbelges, un peu sur le modle de lAllemagne et de son Zentrum5,staient constitus en parti, si bien que leur nom avait pris un doublesens, la fois politique et religieux. Encore aujourdhui, le Parti

    catholique est un des trois grands partis belges, et il participe augouvernement avec le Parti libral et le Parti socialiste, dans le ministretripartite de M. Van Zeeland. Ce qui na pas t, naturellement, sansquelques compromissions. Les jeunes gens de lAction catholiquedsirrent rendre leur religion son indpendance, soccuprentstrictement de problmes moraux et duvres sociales, et, pendantquelques annes, se mfirent de la politique. Lon Degrelle faisait partiede ces jeunes gens.

    Quand il revint du Mexique, en 1930, le secrtariat de lActioncatholique venait de fonder une maison dditions, place sous le signedu Christ-Roi : do le nom de Christus Rex. Cest le cri pour lequelmouraient les Cristeros de Mexico. Le jeune Lon Degrelle, qui avaitpubli des articles vhments et documents sur son voyage, qui djstait fait remarquer par sa verve de polmiste, prit la direction desditions Rex de Louvain. Il y publia un grand nombre douvrages, debrochures sociales, de recueils de pomes, et sentoura dune quipe dejeunes crivains qui devaient, un peu plus tard, former le noyau de sonparti. Bientt, il dita un magazine illustr, Soires, o lon soccupait delittrature, de cinma, de radio, de tous les aspects de la vie moderne. Lejeune directeur des ditions Rex, on le voit, ne songeait pas encore trsexpressment la vie politique. Alors, il venait Paris, il discutait avecles matres de la jeunesse, alors il visitait Vallery-Radot, Bernanos,discutait avec Montherlant, avec Massis, avec Maritain. Un an aprs, en1932, Lon Degrelle et ses amis lanaient une petite publicationmensuelle, qui avait pris le nom des ditions, Rex. Ce ntait en sommequune espce de prospectus, pour les livres dits dans la jeune maison.

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    Peu aprs pourtant, Rex devenait bimensuel, puis hebdomadaire, donnaitune place de plus en plus importante au monde extrieur. Pourtant, les

    jeunes gens se dclaraient toujours loigns de la politique telle quellese pratique actuellement, et publiaient mme des brochures catgoriquespour en avertir ceux quils nommaient irrespectueusement les bonzes .

    Cest un troisime journal qui devait donner ce groupe de jeunesgens encore indcis leur vritable orientation. En 1933, toujours inventif,Lon Degrelle lanait en effet un pamphlet, Vlan ! qui, aprs quelquesdifficults, finirait un jour par se fondre avec Rex. Pour commencer, ilfaut avouer quon ne sut pas trs bien quoi faire de Vlan ! qui manquaitun peu daudace. Mais survinrent alors quelques petits scandalesadministratifs, qui avertirent les plus indulgents que le mondeparlementaire ntait pas si honnte quon le supposait. Vlan ! se lana

    courageusement dans la bagarre, malgr une absence de moyens fortsympathique, et demanda tout aussitt la mise en accusation deM. Francqui, grand matre de la Socit gnrale et dictateur financier dela Belgique. Cest ainsi que commenait la fameuse campagne despourris , qui continue toujours.

    On crut pouvoir se dbarrasser aisment de ces gamins , dont lejournal navait pas grande importance, mais qui risquaient dalerterinutilement lopinion. Par bonheur, ils navaient gure dargent. On leur

    suscita des difficults financires, et les ditions Rex frlrent plusieursfois la faillite. Cest ce moment-l, o tous sacrifirent ce quilspossdaient, o des concours dvous soffrirent, cest ce moment-lquun jeune homme, Victor Matthys, un des plus anciens rexistes bienquil nait pas vingt-cinq ans, inventa la formule de dfi, presque risibledans ces circonstances : Rex vaincra. Il fallait beaucoup de bonnevolont pour y croire.

    Comme ces jeunes agits taient catholiques, on crut pouvoir aussi

    les atteindre par ce biais, et les autorits religieuses firent desremontrances cette filiale de lAction catholique qui montrait soudainune indpendance si peu chrtienne. Finalement il fut dcid que Rex sesparerait du secrtariat dAction catholique et deviendrait unmouvement purement politique, admettant croyants et incroyants.Lemblme du parti nen resta pas moins lancien insigne des ditions,qui comporte les trois lettres de Rex, la couronne et la croix, insignecompliqu, vaguement chinois, quon retrouve sur le drapeau rouge et

    sur les livres. Pour ceux dont la croix gnerait les opinions, ils arborentsimplement les trois lettres.

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    La propagande commena de sorganiser, servie par des jeunes genspleins de gaiet et de foi, des aides bnvoles accourus aussitt. LonDegrelle, avec un abonnement de troisime classe, parcourait toute laBelgique, afin de prendre les hommes un par un.

    -Aujourdhui, je ne pourrais peut-tre plus recommencer, dit-il.

    Et il ajoute, en riant :

    -Je ne suis plus assez jeune.

    Mais il redevient srieux pour conclure :

    -Vous ne savez pas ce que ctait, ces retours dans la nuit, deuxheures du matin, dans les wagons de bois, aprs tre all an fond du

    Hainaut ou de la Flandre pour trouver quatre ou cinq types runisautour dun pole. Ah ! je peux dire que jai pris ce pays homme parhomme, me par me.

    Dj, il tait servi par une presse qui prendrait de jour en jour plusdimportance. Bientt, Soires disparatrait, Vlan ! sintgrerait Rex.Mais, en 1934, un Rex flamand serait fond, en 1935 un Rex allemandpour les cantons rdims dEupen et Malmedy6.

    Autour de Degrelle et de ses compagnons de la premire heure, desjeunes gens sunissaient par centaines, puis par milliers. Des groupes seconstituaient dabord Bruxelles et en Wallonie, puis en Flandre et dansles cantons rdims. Au cours de lhiver 1934-1935, Lon Degrelleentreprit une campagne de meetings et se rvla un orateurincomparable. Les socialistes et les communistes furent les premiers comprendre la force du mouvement naissant et organisrent le sabotagesystmatique des runions. Celles-ci connurent immdiatement un succsde plus en plus vif. Le 1er mai 1935, Lon Degrelle runissait dj 4 000personnes dans un meeting payant. Car cest une des originalits duparti : on paye toujours, de deux dix francs, pour assister aux runions.Ce fut longtemps lessentiel des ressources de Degrelle. On paye bienpour aller au cinma, dit-il. On peut bien payer pour mentendre. Maisla presse faisait toujours le silence sur ces runions.

    En juin 1935 furent constitus, en dehors des milieux dtudiantsbourgeois, les premiers groupes dhommes de tout ge et de toute classequi prirent le nom de Front populaire de Rex et manifestrent, surtout leuractivit aprs les vacances. Cest le jour des Morts, le 2 novembre 1935,

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    que Rex vint vritablement au monde, dans la journe clbre dans leparti sous le nom de bataille de Courtrai.

    Courtrai se tenait ce jour-l un Congrs de la Fdration desassociations et des cercles catholiques. Degrelle amena Courtrai troiscents garons dcids, comprenant pas mal de chmeurs, avec leur boule

    de pain et leur couteau pour prendre patience en mangeant. Il envahit lasalle du Congrs.

    -Je demande la parole.-Je vous la refuse, rpondit le prsident, lancien ministre M. Seghers.-Je la prends, rpliqua Degrelle.

    Il la prit en effet, pronona un discours dune violence inoue, traitales congressistes catholiques dordures ambulantes et dexcrments

    vivants, et provoqua le scandale le plus norme de lhistoire intrieure dela Belgique. Le lendemain, dans tous les journaux, on en parla, la pressede Rex saccrut en quelques semaines du simple au quadruple. Peu aprs,dailleurs, les dirigeants, M. Seghers, M. Philips, devaient perdre la faceau cours de procs o leur rle financier apparut comme assez douteux.Le jeune mouvement tait dfinitivement lanc.

    Tout lhiver de 1935-1936 fut consacr la lutte contre les modrset spcialement la poursuite des scandales financiers.

    On sait et on lui a mme beaucoup reproch que le rexisme adabord voulu procder une puration. Il sest lev avec la plus grandeviolence contre la dictature des pourris , et ce mot fait toutnaturellement partie de son vocabulaire.

    Nous sommes trop mal renseigns pour savoir si les accusationsportes par Lon Degrelle contre les vieux partis ne sont pas excessives.Dautre part, un tranger aurait scrupule se mler des luttes intrieuresde la Belgique : cela ne nous regarde strictement pas. Il faut pourtant dire

    que Rex a gagn peu prs tous les procs qui lui furent intents ; quant ceux quil a perdus, les jugements ont t rendus avec des attendus sisvres pour les plaignants quil a emport une vritable victoire morale.Voil dj qui peut nous paratre significatif. Chaque semaine, LonDegrelle dnonait un catholique, un libral, un socialiste. Ses attaquesles plus fameuses furent menes contre le Boerenbond, protg par dehautes puissances ecclsiastiques : les curs ne sont pas faits pour lesaffaires, trancha le jeune chef. Il fallait bien admettre, mme si le

    Boerenbond avait rendu quelques services quil ne mconnaissait pas, lagriculture en particulier, il fallait bien admettre que Rex avait raison.

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    Naturellement les pourris se ligurent vite contre lui, daccordavec ces hautes puissances financires, ces banquiers baptiss dun nomdevenu aussitt populaire, les banxters . Le premier appui des jeunesfondateurs du parti a donc t un sursaut dhonntet, de dgot duparlementarisme, un peu analogue celui qua connu la France aprs

    laffaire Stavisky. Il semble seulement stre organis avec une vigueur,une absence de niaiserie et de compromissions, quhlas ! nous navonspas connues.

    Dautre part, Rex ne sest pas content de reprocher au vieux particatholique ses attaches avec le monde. Il lui a reproch aussi sa timidit,son ignorance du problme social. Rex est parti en guerre contre lesmodrs, et cette guerre, on sen doute, la rendu extrmement populaireauprs de la jeunesse. Les modrs donnent dailleurs, depuis son succs,

    des exemples assez plaisants de leur dsarroi. En mai 1936, un journalstait fond, Judex, qui imitait jusqu la prsentation extrieure deRex : sur vingt-quatre pages, vingt-trois taient consacres attaquerLon Degrelle. la vingt-quatrime, loreille basse, Judex dclarait quesa collaboration tait tout acquise au jeune chef, quen somme ilsdfendaient les mmes ides. Depuis, dailleurs, Judex a disparu.Plusieurs journaux modrs ont pris la mme attitude : avec une belleinsolence, Lon Degrelle na jamais fait que se moquer de ces adhsions

    tardives, quil est bien permis en effet de trouver pour le moins bizarres.Tout cela eut beaucoup de succs dautant plus que lhumour sy

    mlait, et lhumour est un sr moyen de mettre de son ct les rieurs. Lebalai des rexistes devint le symbole du dsir de propret. Un jour, unevingtaine de jeunes gens se mirent balayer avec insistance devant laporte dun ministre. Peut-on empcher les gens de balayer la rue ? Il yeut des attroupements, des rixes, la police arriva, hsitante : balayer nestpas un crime. Gravement, les rexistes balayaient toujours. On finit par

    braver le ridicule et par les emmener au poste.Les lections devaient avoir lieu en octobre. Elles furent avances

    au mois de mai. Rex improvisa dans lallgresse, recruta les candidatsles plus bizarres, lana trois semaines des lections, un petit quotidiende quatre pages qui est aujourdhui un des premiers journaux belges,LePays rel. On tint des runions sans arrt, Lon Degrelle pronona centcinquante discours en cinq semaines ; il parlait parfois en dix lieuxdiffrents dans une seule journe. Le 24 mai, la Belgique lisait 21

    dputs et 12 snateurs rexistes, appartenant toutes les classes dela socit, puisquon trouve parmi eux des ouvriers mtallurgistes,

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    le comte Xavier de Grunne, dune des grandes familles de la noblessebelge, lexcellent crivain Pierre Daye, et mme un professeur depalontologie, le snateur de Fraipont, homme paisible qui navait jamaisfait de politique (la palontologie nest pas une science violente), et quien est aujourdhui son trois cent cinquantime meeting.

    Les dbuts au Parlement furent mouvements. On avait beaucoupremarqu, quand le roi avait entrepris ses consultations pour la formationdu ministre, quil stait entretenu plus dune heure avec Degrelle, onavait galement remarqu que, contrairement au dput communisteJacquemotte, le chef de Rex tait venu au palais royal sans chapeau etsans pardessus. Les uns blmaient beaucoup cette absence dtiquette.Dautres assuraient que le roi sen moquait bien, et que le chapeau ne faitpas lhomme. En tout cas, aux premires sances, les nouveaux dputs

    se firent remarquer par leur gaminerie et une dlicieuse mauvaiseducation. Lon Degrelle, qui nest pas dput, se tenait dans la tribunedu public, et faisait passer des petits papiers ses troupes. On dutexpulser quelques membres de la salle des sances. Par ailleurs, le partileur avait interdit daller la buvette, et de voyager en premire classe. Ils risqueraient dy rencontrer dautres dputs , dclarait gravementDegrelle. On essaya bien de les appeler des dputs de troisime classe,mais la plaisanterie, si bonne ft-elle, eut moins de succs que les

    calembours de Rex.Pendant les vacances, Lon Degrelle tint de nombreuses runions,

    empcha les socialistes de constituer un Front populaire avec lescommunistes, et posa plus vigoureusement que jamais au payslalternative : Rex ou Moscou. la rentre, tout en continuant lesattaques contre les pourris, et en rclamant en particulier la dmission duministre libral Jaspar, il concluait une alliance avec les nationalistesflamands, et se dclarait prt au pouvoir.

    lentre de lhiver 1936, la bataille est engage, plus pre quejamais, entre le ministre tripartite et le Front populaire de Rex. Ce quine stait jamais vu dans lhistoire politique belge, le gouvernement apris officiellement position contre un parti : M. Van Zeeland, M. Spaak,ont dclar la guerre Rex, M. Vandervelde a dit quil prfrait tout,mme le communisme, ce nouveau fascisme . Le journal

    LIndpendance belge a t spcialement rachet pour la lutte contre Rex.Le 25 octobre, Rex, que lon accusait de faire figurer toujours les mmes

    manifestants dun bout lautre de la Belgique, dcida, pour montrer quonse trompait, dorganiser un meeting de 250 000 personnes Bruxelles.

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    Il fut interdit, Lon Degrelle arrt pendant quelques heures. Ici et l, oncria que lchec tait complet, que le feu de paille cessait de brler, etque dailleurs laccord avec les nationalistes flamands brouillait Rexavec la Wallonie qui lavait lu, sans pouvoir vaincre lhostilit desFlandres. Aux yeux des libraux, des catholiques et des socialistes,

    fraternellement unis, ctait la fin du jeune mouvement.Pourtant, les observateurs impartiaux taient obligs de reconnatre la

    force extraordinaire quil reprsente toujours. Par sa presse dabord : lestrois hebdomadairesRex ; le quotidienLe Pays relqui tire aujourdhui 217 000 exemplaires en semaines et dont on distribue un million tous lesdimanches ; le quotidien en langue flamande De Nieuwe Staatcr le 1er

    septembre 1936, dont le rdacteur en chef est Paul de Mont, qui tire 60 000 exemplaires, et plus dun million le dimanche ;Rex agricole qui

    parat tous les quinze jours ; sans compter toute une srie de journauxlocaux, en pays wallon surtout. Par ses syndicats, ses corporations, par laflamme qui anime le moindre des rexistes, par ses innombrablesrunions, par son million dadhrents, le huitime de la Belgique, par lapuissance de son chef, par sa foi.

    Tel est pour linstant le point o sarrte lhistoire de Rex.Mouvement prodigieux par son ampleur, par la rapidit de sa croissance,par sa naissance mme dans un pays de traditions librales. Que sera-t-il

    demain ? Nous le verrons assez tt. Mais cest linstant de nousdemander ce quil dsire. Cet tat rexiste quil prpare, quels sont sesprincipes ? De quoi sera-t-il fait ?

    Ici et l en effet, et malgr les succs considrables remports parRex, ou cause deux, on affirme volontiers que le jeune mouvement napas de programme, que les passions quil suscite ne sont que feux depaille, et quil ne faut voir en lui quune exploitation habile de quelquesscandales dailleurs grossis, et une sorte de spculation sentimentale sur

    lhonntet. Il nest pourtant pas malais de se rendre compte que lerexisme, quelle que soit la faon dont nous devions le juger dans lavenir,est autre chose quune rplique belge des Croix de Feu, ou de tel autremouvement bien intentionn et sans ides. Les ides rexistes, il est facilede les connatre : quon lise les nombreux journaux du parti, les articlesde Lon Degrelle, les brochures de ses lieutenants, Jos Streel, JeanDenis, Pierre Daye, le comte de Grunne. Un petit livre comme Les

    Principes rexistes de Jean Denis peut paratre parfois aux esprits difficiles

    dun art assez sommaire. Mais il est clair, mais il est net, et on y trouveralonguement exposs les motifs de la nouvelle rvolution nationale.

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    Peut-tre les questions secondaires et les questions essentielles y sont-elles un peu trop mises sur le mme plan : Jean Denis accorde beaucoupplus dimportance au dbraill des parlementaires qu lorganisation desbanques provinciales, et trouve des accents un peu excessifs pour fltrirlloquence officielle et les jaquettes de mauvaise coupe. Dautre part, il

    a de larme une conception qui nous hrisse parfois : nous naimonsgure le caporalisme transport dans la vie civile. Il y a l une conceptionbien dmocratique du soldat, et aussi, dans le dtail quelques navets. Jene crois pas quil faille y attacher une grande importance. Ce sont l desdfauts auxquels chappent rarement les rgimes dautorit ns, malgrquils en aient, de la Rvolution et du XIXe sicle. Mais si la notion delibert parat mal respecte par le jeune docteur, si lindividualismencessaire est confondu souvent avec lindividualisme condamnable, si

    le paradis quon nous fait entrevoir est bien austre, on ne saurait nierque lidal de Rex est, dans son ensemble, un idal de sant nationaleassez respectable et assez prcis.

    Cest le terme de sant qui vient en effet le premier lespritlorsquon pense au jeune mouvement. Il dsire tout dabord retourner la vrit, la ralit, cest--dire non pas difier le concept de race ou leconcept dtat ou celui de classe, mais considrer une nation dans sonensemble vivant. La rvolution accomplir est une rvolution la fois

    morale et raliste. Elle consiste rendre chacun sa dignit, et construire un tat fond non pas sur des mythes ou sur le dangereuxindividualisme, mais sur les ralits sociales de la famille et de la

    profession. Il est assez significatif de retrouver dans le rexisme,beaucoup plus encore que quelque parent avec le fascisme italien ou leracisme national-socialiste, des ides qui ont t chres La Tour duPin7, aux traditionalistes du XIXe sicle, lAction franaise et,aujourdhui, Salazar ou au comte de Paris. Ces ides, elles sont

    adoptes par des centaines de milliers dhommes, jeunes pour la plupart,qui les vivent avec une force dont nous avons mal ide. Et devant cettervolution la fois nationale et sociale, qui fait paratre si timides lesanciens partis, il ne faut pas stonner si ceux qui sont encore attachsaux vieilles erreurs sinquitent. Lon Degrelle, comme tous leshommes jeunes de notre temps, a compris que la tragique faute des

    partis avait t de disjoindre la nation et le travail : les hommes de gauche soutenaient les travailleurs, et dailleurs ceux dune seule

    classe, les modrs de droite les ignoraient. Pour avoir voulu tenirsolidement les deux bouts de la chane, le national et le social,

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    Lon Degrelle a t immdiatement suivi avec enthousiasme, commelont t, bien quils soient trs diffrents, Hitler et Mussolini. Cest lque rside laccord essentiel de Rex avec la jeunesse de son temps.

    Comme toutes les vraies rvolutions, Rex est donc, en mme tempsquune rvolution politique, une rvolution morale. Cest ici quil faut se

    souvenir des origines du parti. Bien que tolrant pour toutes lesconfessions religieuses, Rex ne sest jamais cach dtre un mouvementcatholique, et affirme mme que le seul moyen de lutter contre lebolchevisme, cest le christianisme. Dans son entreprise de protection dela famille, il accorde avec raison une place extrmement importante larestauration des notions morales, etLes Principes rexistes nous exposentlonguement un plan de propret de la rue , une organisation desspectacles et spcialement du cinma. Nous estimons, disent-ils, que le

    relvement de la famille est une condition indispensable au relvementmatriel du pays. L-dedans, quon le remarque bien, pas dutopieshumanitaires. Lon Degrelle et Jean Denis savent bien quil ne suffit pasde supprimer les maisons closes officielles pour supprimer la prostitutionet que les belles affiches en couleurs ninciteront jamais personne fairedes enfants. Ce qui importe, ce sont des ralisations positives : pourcombattre la prostitution, il vaut mieux poursuivre un patron qui donnedes salaires insuffisants ses employs, examiner les conditions dans

    lesquelles se fait le couchage dans les taudis, que de prendre de grandesrsolutions apparence morale. Ce quil faut louer dans le rexisme, cestlaspect concret que prennent justement tous les problmes. De ces idessi raisonnables chacun aurait sinspirer.

    Il y a mme dans les principes rexistes un projet de rforme desfonctionnaires trs simple et trs sduisant. Rex pense quil vautbeaucoup mieux quun homme de quarante ans gagne plus dargentquun homme de soixante. Avec les variations qui simposent dailleurs,

    suivant les cas, les charges de famille et les enfants, cest sur ce principequil dsire calculer le traitement de tous les fonctionnaires. Je ne trouvepas cela draisonnable.

    Naturellement, cette rvolution morale se rduirait de bellesphrases, si elle ne saccompagnait dune rvolution conomique. Auxcombattants rexistes, deux ennemis sont nommment dsigns : le

    bolchevisme et lhypercapitalisme. Ils sont dailleurs plus voisins de lautre

    que chacun deux le pense, puisque leur dveloppement naboutit quconcentrer en peu de mains, au pouvoir dune oligarchie sans contrle,

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    Lamour, lui, ne peut se rduire en formules. Mais la justice, on peutlexiger, on petit lorganiser. Il ne faut pas devoir linitiative prive,toujours sujette rvision et caution, ce que le droit vital rclame. Cestl une ide qui a longtemps rebut les vieux partisans du libralisme etde la charit : il nen est pas qui soit sans doute plus profondment

    ancre au cur et dans lesprit des jeunes, cest lide matresse de Rex.Autour du roi, clef de vote de la nation, autour de lide nationale

    elle-mme, le rexisme veut organiser la vie complexe, la vie multiple desfamilles, des professions, des provinces. La famille tant la premirecellule sociale, il veut organiser le vote plural, supprimer les droits desuccession en ligne directe, supprimer le divorce. lintrieur de laprofession, il veut instaurer un rgime de protection du travail. Ds prsent, des syndicats groupent les ouvriers pour les revendications

    professionnelles, et la vie, comme toujours, a devanc la thorie. lintrieur du cadre national, il veut faire respecter les diversits et lesliberts des provinces. On se doute que cette partie du programme a unesingulire importance en Belgique. Les ennemis de Lon Degrellelaccusent dtre Wallon en Wallonie, Flamand en Flandre. Comment enserait-il autrement ? Dans ce pays divis par la langue, o chaque partiecraint de se voir dpasse par lautre, o, aujourdhui, si lon en croit lesWallons, la prpondrance flamande est tablie dune manire excessive,

    comment le seul remde ne serait-il pas dans une libert analogue, cellede lancienne France ? Lon Degrelle dclare que le bilinguismeobligatoire a fait son temps, que jamais les Wallons nont vouluapprendre le flamand, et quil importe de laisser chacun tranquille, avecsa fiert rgionale, ses coutumes, sa langue. Sinon, force dexcs, on enarrivera dtruire la Belgique. Il rclame donc un libre fdralisme, oBruxelles servira de trait dunion, et il pousse mme le souci de libertjusqu rclamer lgalit des droits pour les Allemands dEupen : Rex a

    une dition allemande, et un dput de cette langue. Malgr les attaquesdont son systme est lobjet, il apparatra vite aux esprits non prvenusquil est le seul possible et logique.

    On a beaucoup attaqu en France, en particulier, son alliance avecle vieux parti nationaliste flamand, dirig par M. De Clercq. Cest lune question beaucoup plus dlicate que ne veulent le croire lesFranais, et dont un tranger a scrupule se mler. Il faut savoir quelexaspration de lhostilit entre les Flamands et les Wallons est

    monte en Belgique un degr beaucoup plus haut quon ne croit. LesFlamands considrent quils sont la partie la plus importante du pays

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    et les Wallons se croient opprims par les Flamands. Jai lu dans desjournaux de la rgion de Dinant : Nous avons fait la rvolution de 1830contre les Flamands du Nord(lisez les Hollandais), nous ferons celle de1937 ou 1938 contre les Flamands du Sud. Les bruits les plusextravagants courent comme par exemple, au printemps dernier, celui du

    mariage du roi Lopold avec la princesse Juliana, hritire du trne deHollande, afin de rtablir les anciens Pays-Bas. Des Wallons montracont que dans certaines provinces flamandes, les aubergistes mettaientsur leur porte : Interdit aux chiens et aux Franais . Jai toujourstrouv les hteliers flamands fort accueillants, mais limportant nest pasquune telle anecdote soit vraie, cest quon puisse limaginer. Jairencontr des Belges, qui aimaient pourtant leur pays, pour me dire : Dans cinquante ans, il ny aura plus de Belgique. La Flandre se sera

    unie la Hollande, et la Wallonie naura plus comme ressource quelunion avec la France. Pour ma part, et mme si je croyais celapossible, je ne crois pas que ce serait une solution bien satisfaisante, etcela nous ferait dabord une trange frontire ; Louis Philippe, dans sasagesse, a refus tout ce qui pouvait y ressembler. Je crois ensuite que laBelgique est un lment indispensable la paix de lEurope, quelleforme une nation, et la Flandres dautre part nacceptera sans doutejamais dtre unie la Hollande. Il ne faut pas oublier que la religion est

    toujours trs importante dans les pays du Nord. Cest la religion qui a faitla distinction entre les Pays-Bas catholiques et les Pays-Bas protestants.Mme affaiblie par les temps modernes, elle a trop model les caractrespour ne pas faire deux tres trs diffrents dun Hollandais et dun Belge.

    Cependant, il ne faut pas douter que le problme tait grave. Lemouvement flamingant prenait ces temps-ci de plus en plus dimportance.Les Flamands sont plus nombreux que les Wallons (quatre millions etdemi contre trois millions et demi) et ont en gnral plus denfants. Aprs

    lindpendance de la Belgique, cest le franais qui avait t la langueofficielle, pendant des annes, cause du mauvais souvenir quavait laissla domination hollandaise, malgr ses avantages conomiques. Peu avantla guerre, pourtant, les Flamands avaient obtenu certains avantages. Quandla guerre clata, que le territoire fut envahi, les Allemands comprirentlintrt quil y aurait exploiter les lgers dissentiments qui avaient puslever entre les Wallons et les Flamands. Ce fut ce que lon appela la

    politique von Bissing, du nom du gouverneur allemand de Bruxelles. On

    commena par promener dans les camps de prisonniers et les villes prisescinq dserteurs belges, qui furent les propagandistes de lide flamande.

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    Un Conseil des Flandres fut organis, et il tait entendu quaprs laguerre, dans lunion du Deutschland, un royaume flamand, analogue auxroyaumes de Saxe et de Bavire, serait institu sous la direction dun filsdu kaiser. Telle fut lorigine dun parti qui se nomma lui-mme partiactiviste. la paix, les activistes, considrs comme des tratres, furent

    jugs et condamns au cours de procs retentissants.On a pris la fcheuse habitude de les confondre avec dautres

    Flamands, partisans dune certaine autonomie, et qui ont repris, vraidire, quelques-unes de leurs revendications. Il reste encore deuxactivistes la Chambre belge : mais ils sont inscrits dans les rangs duParti socialiste. Quant aux Flamands, sils ne sont pas adhrents du Particatholique, ils sunissent dans les rangs du Vlaamsch nationaal verbond8,qui compte seize dputs, et quon appelle aussi frontiste. Cest avec eux

    que Rex a fait alliance.Il faut reconnatre que le frontisme tait suspect depuis longtemps, et

    bon droit. Le leader flamand de Rex, M. Paul de Mont, a dclar lui-mme, dans un discours retentissant, quil avait eu des tendancesdmagogiques fcheuses et un antimilitarisme de mauvais aloi. Jamais ilnavait consenti reconnatre la dynastie belge, et pas davantage laforme actuelle de la commune patrie.

    Pour achever limbroglio, il faut ajouter lactivisme et au frontisme

    un parti extrmement curieux, qui compte encore assez peu dadhrents,mais avec lequel il faudra peut-tre compter un jour, le parti des Dinaso,dirig par M. Van Severen. Les Dinaso, fortement inspirs dans leursdfils, leur propagande, de lidal spectaculaire hitlrien, dclarent

    prparer lavenir thiois. Lempire Thiois, ou le Dietschland, suivant levieux mot du Nord, cest un empire o suniraient Hollande, Flandre,Wallonie, Luxembourg, Flandre franaise. Certains Dinaso rclamentmme lAlsace-Lorraine, pensant reconstituer ainsi dans un tat fdral

    lancienne Lotharingie du trait de Verdun. Lempire Thiois serait, avec leCongo et les Indes nerlandaises, le second empire colonial du monde. Les

    Dinaso sont en relations avec les fascistes hollandais, et leur influence,pour tre limite, est certaine, surtout en Flandre. Indpendamment de cesrves (mais qui peut en politique, parler de rves ?), beaucoup de Belges entout cas sont persuads de la ncessit dune alliance thioise , entre laHollande, la Belgique et le Luxembourg, constituant une barrire dtatsneutres fortement organiss. Lon Degrelle y joindrait volontiers la Suisse,

    et lon ne peut gure trouver redire une conception politique qui auraitbien des avantages pour la paix europenne.

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    Mais on conoit que devant les nuances qui sparent les catholiquesflamands, les activistes, les frontistes, les Dinaso, et dautres encore,lopinion publique ait parfois mal distingu la vrit. Pour linstant, cestavec les frontistes que Rex a sign un accord. Et je ne sais pas ce quil enadviendra pour la Belgique, mais il me parat certain que les intentions

    de Lon Degrelle sont des plus pures. Que les nationalistes flamandsaient tort ou raison, il faut penser quils taient trois cent mille Belges refuser la communaut belge. Il ne servirait de rien de voir en eux destratres : il valait mieux les ramener la patrie. Laccord, o lon a vouluvoir une manuvre antibelge fut ngoci par un homme dcor dixfois, et par Paul de Mont, amput des deux jambes sur lYser. Je ne croisquon puisse sans injustice y voir autre chose quune intentionpatriotique.

    Quoi quil en soit des rsultats futurs, pour linstant les nationalistesflamands ont reconnu la dynastie des Saxe-Cobourg, ont reconnu lacommunaut de la Belgique. Ils avaient dj un programme socialcorporatif analogue celui de Rex, et se dclaraient aussi violemmentantimarxistes. Sans doute, de telles ngociations rclament-ellesbeaucoup de prudence, mais ctait un beau risque courir. Devant cesrsultats, Rex demande le droit dtre fier.

    Dans lavenir, il sefforcera dorganiser lunilinguisme franais en

    Wallonie, lunilinguisme flamand en Flandres. Il faut que la Belgique,comme la Suisse, prenne son parti dtre un pays de deux cultures et dedeux langues. Seule Bruxelles conservera le bilinguisme. Rex entenddailleurs dvelopper dans tous les domaines lautonomie, tantprovinciale que communale. Cest le rgionalisme dans le cadre de lapatrie dcentralise, cher aux thoriciens franais et espagnols, et qui estcertainement une ncessit vitale pour certains pays.

    Ce qui est sr en tout cas, cest que la Belgique ne durera que par la

    rconciliation des Flamands et des Wallons autour dun idal nationalfort. cette rconciliation, on ne peut nier que Rex travaille : sil setrompe, cest sur les moyens, ce nest pas sur les intentions. Et je ne croispas en tout cas, quoi quil ait pu tre jadis des rapports de lAllemagneavec les Flamands (et de quelques Franais imprudents avec lesWallons), quil faille voir dans cet accord une manuvre dirige contrela France, et inspire par la politique doutre-Rhin.

    On sait en effet quon a fait Lon Degrelle une rputation solide de

    francophobie et de germanophilie. Quand on lui parle de la politiqueextrieure de son pays, il rpond quil la dirige vers une politique dtat libre.

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    Il dclare quil blme les excs de Hitler, quil nadmet pas lidologienationale-socialiste, mais quil ne peut que trouver excellentes lesmesures prises par le Fhrer pour la classe ouvrire, et quil veut vivre enpaix avec tout le monde. Quant tre francophobe :

    -Comment cela serait-il ? Je suis dorigine franaise, je vais trssouvent en France, ma femme est Franaise.

    Sans doute, dans les discours, des articles de ses lieutenants, parfois,on peut relever une mauvaise humeur assez mai informe, mais commentne pas comprendre quun peuple tranger naime pas toujours la Franceque nous sommes ? Quand le roi des Belges a dcid de revenir laneutralit, nous avons sans doute reu le plus douloureux affront quinous ait atteints depuis larmistice. Vingt-deux ans aprs avoir accomplile geste le plus noble de lhistoire, vingt-deux ans aprs les plainesflamandes inondes, Bruxelles envahie, les petits enfants de Dinantfroidement fusills contre les murs, la Belgique se dtourne de nous.Tout Franais doit en tre profondment humili, mais qui la faute ? Ilfaut rpondre que la faute en est nos gouvernants, notre politique defaiblesse et de rcrimination, la faute en est Tardieu aussi bien quBriand, Poincar comme Sarraut, Barthou et Lon Blum9. Avecune dsolante suite dans les ides, la France mise sur tous les mauvais

    tableaux, soutient le Ngus, les assassins de Barcelone, croit aux pactesen un temps o, suivant le mot de Pilsudski10, les pactes font rire mmeles mouches. Pour comble de folies, la France sallie avec les ennemis detoute civilisation, essaie dentraner le monde dans la guerre pour laRussie. Comment un nationaliste tranger ne serait-il pas hostile laFrance ? Pour ma part, je lui en donne labsolution.

    Je la lui donne dautant plus volontiers que des miracles seproduisent toujours et quun Belge en particulier ne peut tre

    compltement hostile la France. On a eu beau interdire Lon Degrellelentre du territoire, les Belges ont beau se montrer exasprs par lamauvaise ducation des Franais ltranger (les Franais sont les plusdsagrables voyageurs du monde), par lattendrissement suspect aveclequel nous parlons des petits Belges , je nai entendu personne meparler de la grandeur de la France, de son vrai visage, comme LonDegrelle. un journaliste tranger, il dclarait rcemment avec vigueur :

    -La France, on en a sa claque !

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    Je ne trouve pas cela contradictoire (car il sagit dune autre France)avec cette Lettre aux Franais quil a rcemment publie dans Je suispartout, et queLe Pays rela reproduite, car elle nest pas rserve laseule propagande extrieure, mais correspond un sentiment profond :

    Puisquil ne mest plus permis de parler aux Franais, il me fautbien me contenter de leur crire.Le mot franais fait monter tant de regret en nos curs. Pour les

    Wallons de ma patrie, la France, cest notre langue, notre culture, notrecivilisation. Dites, ctait tout de mme un morceau de notre me, etRonsard, comme Musset et Montaigne, comme Maurras, taient nouscomme aux Lorrains et aux Provenaux. quoi bon le nier ? Noussouffrons dtre traits en France comme des indsirables et des parias.

    Quand je me suis retrouv, lautre matin, sur un quai de gare, entre

    deux gendarmes, comme un malfaiteur, jai regard longtemps lesvoies qui glissaient dans le brouillard en me disant : Tout de mme,comment a-t-on pu en venir l ? Nous navons plus le droit de respirerlair de France, de retrouver l-bas les sources dune de nos deuxcultures, dentendre chanter en Touraine ou dans les Landes les mmesmots quau bout des plateaux ligeois ou au fond des bois ardennais .

    Et, repli sur moi-mme, je pensais nos morts tendus en terrefranaise prs desquels je ne puis mme plus prier et me recueillir.

    Tout cela vingt ans aprs que les marches wallonnes furent baignes

    du sang de nos bcherons et de nos mineurs, ml celui de voschasseurs alpins.

    Et comment ntre pas daccord avec Lon Degrelle, quand, aprsdes vocations aussi mouvantes, il conclut :

    Il ne faut plus se faire la moindre illusion. Dans la mesure o laFrance lie son sort celui des Soviets, elle devient un danger pournotre peuple et pour la civilisation.

    Pas un paysan, pas un ouvrier, pas un pre de famille de notre sangne prira pour les Soviets.

    Seulement, il suffit de lire Rex ou Le Pays relpour dcouvrir assezvite, au milieu des accs de mauvaise humeur trop vidents, cet ancienamour pour la France, et le dsir de voir renatre celle que les rexistesnomment la vraie France. Et pas davantage ne sont oublis les vnementsde la guerre. On a accus Rex de germanophile. Cependant un incidentcaractristique (et naturellement peu connu) prouve bien quelle est lattitude

    vritable du parti. Au mois daot 1936, la ville de Dinant inauguraitun monument aux civils fusills par les Allemands pendant la guerre.

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    Le gouvernement belge fit savoir quil considrait ce geste commeoffensant pour lAllemagne, ne se fit pas reprsenter et demanda mme la France de ne pas envoyer de reprsentant officiel. Aucun journal naprotest avec plus dnergie queLe Pays rel.

    Sous prtexte de conciliation, le rgime pratique une lchepolitique dabdication, crivait M. Jos Streel. Un rgime vraimentnational saurait allier lindpendance de sa politique au soin de sadignit... Nous ne nous imposerons pas au respect de lAllemagne enessayant de voiler la vrit mal propos. Ce nest pas provoquer lesAllemands que de rappeler solennellement que les fusills du 13 aot1914 furent dinnocentes victimes ; garder le silence, on paratraitreconnatre quelque fondement la lgende des francs-tireurs.

    On peut voir ainsi quil ne faut pas se hter de juger le mouvementsur les racontars de ses ennemis. La France est toujours mfiante lgard de la jeunesse. Pourtant, cette jeunesse, elle a dj runi uneuvre forte, force de tout risquer dans lamour et dans la foi. Il estpossible que bien des lments de cette doctrine, que bien des dtails decette politique doivent tre critiqus. Il est impossible que lon refuse auxanimateurs de ce mouvement tonnant, lun des plus originaux daprs-guerre, ce que nous pouvons nommer la puret.

    Rex tend la main tous les hommes de bonne volont, et il leurpromet la paix. Dans un meeting de Namur, rcemment, le professeur deFraipont expliquait avec simplicit ce qui faisait la fiert de son parti :

    -Rex a rconcili les Flamands et les Wallons, Rex a rconcili leshommes qui vont la messe et ceux qui ny vont pas, Rex rconcilierademain dans tout le pays, comme il la dj fait dans ses rangs, toutesles classes sociales.

    Dans un des derniers numros du Pays rel, un des jeunescollaborateurs de Lon Degrelle voque les deux groupes de mineurs deCourrires qui marchaient dans des veines parallles, sappelant coupsde pic : lun de ces groupes pourtant allait vers le salut, lautre marchaitdans une prison sans issue possible. Nous sommes pareils, dit Rex auxcommunistes gars, ses camarades communistes, nous marchonsdans des galeries parallles, mais dj nous autres nous voyons la clartdu jour. Il faut venir avec nous : la lumire ne se diminue pas en separtageant.

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    Cette lumire pour tous, cest la foi qui soutient, au-del de toutes lesdiscussions, de toutes les critiques, lme mme du rexisme.

    III. Degrelle vivant

    Pourtant, si lon na du rexisme que lide quen peuvent donnerquelques rsums, des lectures, on nen saura rien, comme on ne sait riendu fascisme aprs quelques brochures de propagande. Il faut avoir vu enBelgique la passion et lintrt que suscite le seul nom de Lon Degrelle.Il faut surtout avoir vu le monstre lui-mme .

    Ce qui frappe, sitt quon sapproche de ce mouvement, cest sajeunesse. On a essay de le dconsidrer en lappelant un mouvementde gamins . Plaise au ciel que nous ayons un mouvement de gamins de cette force. La vrit est qu ses dbuts le rexisme fut bien ungroupement de jeunes. Depuis, on a vu sagrger lui des hommes detout ge, et la vritable jeunesse est celle de lesprit. Dans le bureau deLon Degrelle, jai rencontr des hommes de quarante ans et deshommes de vingt-cinq, et ni Pierre Daye, dput de Bruxelles, ni lecomte Xavier de Grunne, snateur, ne sont des gamins. Maislimpression gnrale, singulirement rconfortante, il faut le dire, restecelle de la jeunesse. Autour de Rex ou du Pays rel campent despermanences de jeunes gens joyeux, agits comme des tudiants. Je suisreu un jour par Stphan Fluche secrtaire de Lon Degrelle : il a vingt-sept ans, il en parat dix-huit, cest un garon blond quon imagineraitmieux, la sortie dun cours, parlant aux jeunes filles. Un autre jour, jeretrouve Victor Matthys, le plus ancien rexiste , linventeur de Rexvaincra : il ressemble aux portraits que peignit Roger van der Weyden11,il a la mme figure troite, nergique et gracieuse, les mmes lvresdessines, les mmes yeux rflchis mais aussi le mme ge que cesmeneurs dhommes du XVe sicle, quon trouvait vieux trente ans. Unsympathique dsordre semble natre autour deux, et il ne faut pasoublier que la bonne humeur, la plaisanterie norme ont t parmi leslments les plus constants du Rex-Appeal . Do une atmosphre degaiet, et presque, de mystification, dont les dbuts mouvements durexisme au Parlement peuvent donner une ide.

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    Quant au chef qui commande ces hommes de tout ge, quant lanimateur, on sait quen 1936 il vient tout juste datteindre ses trenteans. Il en parat dailleurs peine vingt-cinq. Et je dois dire quil estmalais de juger ce garon vigoureux et plein de sant, dont le charmeest si vident. Peut-on rsister Lon Degrelle, sa prsence, sa

    camaraderie immdiate, au rire denfant qui sempare de lui, sescolres subites lorsquil se passionne, au regard direct de ces yeux obrillent si fort les prunelles noires ? Tout de suite, auprs de lui, on estsaisi de cette confiance qui fait lagrment juvnile du rexisme, on croittout ce quil dit, tout ce quil va dire, on ne sent plus la fatigue, on estprt raliser un monde fraternel. Son visage plein sourit, il bouge, ilmarche, il sinterrompt pour parler ses amis, ces jeunes gens quilentourent. Lun deux, le premier jour, portait sous son veston une

    blouse russe col brod. On na pas une seconde limpression de setrouver dans le PC dun grand parti, encore moins au sige dune liguefasciste et paramilitaire .

    Jai vu Lon Degrelle pour la premire fois le 15 juin 1936, le jourmme de ses trente ans, dans les bureaux provisoires de la rue Royale. Jene suis pas prs doublier, je lavoue, lallgresse de son accueil, et levisage amical que ma montr ds labord le rexisme.

    -Nous navons pas besoin, et pas envie, de parade, me dit tout desuite Lon Degrelle. Nous ne sommes pas un parti militaris. Jai faittoute ma campagne sans armes, sans mme de cannes. Tout le mondepeut maborder, et je nai pas de gardes quand je me promne dans larue. Jaime mieux me faire assommer de temps en temps par lessocialistes : a mest arriv. Il est vrai quen Belgique, en gnral, lesrunions sont bien protges. Ce nest pas comme en France.

    Non seulement Lon Degrelle sest fait assommer, mais il a failli se

    faire tuer. On sait quen septembre, une runion ayant t interdite, ilparla en bateau sur la Meuse, clair par des projecteurs. On tira sur lui Seraing, on blessa deux de ses amis. Il ne bougeait pas. Cettemanifestation de courage physique fit une impression norme et accrutson prestige dune manire inoue.

    Je le regarde marcher derrire sa table, jcoute le son de sa voixplus encore que ce quil me dit. Sil est vrai quun certain rayonnementphysique, quune certaine animalit soient ncessaires un meneur

    dhommes, il est sr que Lon Degrelle possde ce rayonnementet cette animalit. Je ne lai pas encore entendu parler en public,

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    mais je suis sr quil doit faire un admirable orateur. Il est dailleurs servipar une force de rsistance peu commune.

    -Cet aprs-midi, je vais Anvers, dit-il. Vous voyez notre vie : dansla journe, les meetings, les runions, laction. La nuit, nous faisons le

    journal. Je voyage tout le temps, en auto, en avion, jai dj parlpresque sans interruption pendant des journes entires. On se couche cinq heures, on se lve sept. Cest comme a quon se porte bien.

    Et il rit, de ce rire juvnile qui est lun de ses charmes les pluscertains. Nous parlons de son parti, de ses ides.

    -La grande faute des vieux partis de droite, en Belgique comme enFrance, cest de navoir rien compris, de ne pas stre intress auproblme social. Comment peut-on ignorer cela ? Aujourdhui, enBelgique, la misre est trs grande, surtout depuis la dvaluation, carla vie a augment et les salaires nont pas augment : aussi allez voirdans le Borinage12. Comment voulez-vous empcher que cesmalheureux deviennent communistes ? Nous ne pouvons rien avec lesanciens partis. Il faudrait tout leur apprendre, et dabord aimer leshommes. Tenez, il y a un mot trs frappant, Cest celui que dit un vieilouvrier notre roi Albert, un jour quil visitait des mines. Le roi luidemanda : Que voulez-vous ? Et louvrier rpondit : Sire, nousvoulons quon nous respecte. Cest cela, le travailleur veut quon lerespecte. Cela ne veut pas dire quil faut lui faire laumne. Votrecolonel de La Rocque, il fait laumne, cest ignoble.

    Puis, Lon Degrelle mexpose rapidement ses vues sur les uvressociales de certains grands patrons.

    -Bien sr, cest trs bien. Mais est-ce que vous ne croyez pas quil nevaudrait pas mieux, quand les ouvriers ont pass toute la journe auxusines Un Tel quils ne soient pas obligs ensuite dentrer la cantine

    Un