Bob Marley Et La Souvenance de l'Être

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Bob Marley et la souvenance de l’être, par Heinrich Paillassevitch. I know a place where we can carry on… Bob Marley chante éveillé, mais il chante l’éveil. Originellement, cela veut dire : Bob Marley est attentif à ce qui est en attention. Cela signifie ensuite : Bob Marley porte à être attentif en mettant en garde, à ce qui est en attention, qui ne l’était pas. Ainsi hommes et choses du pays ambiant ont un air de famille, et pourtant ce n’est pas encore cela ; l’ambiance se referme sur ce qu’ils ont, hommes et choses du pays ambiant, de plus propre. C’est pourquoi le poète s’adresse à l’arrivant, à son arrivée même, avec ces paroles : I know a place where we can carry on… I know a place invoque : d’après son refrein il invoque le penser comme – je pense à même le penser en direction d’un site 1 . Bob Marley ne pense pas qu’en direction de l’ambiant ; il prépare une approche au lointain, en tant qu’est infiniment lointaine la proximité de l’infiniment proche – au loin, un site. Sa simple arrivée ne permet pas encore à l’homme qui écoute d’atteindre. L’arrivant, écoutant, demeure donc encore quelqu’un qui doit chercher. Or est poète celui-là même qui montre quelque chose lointainement oublié en le recueillant de belle manière, et qui, du même coup, se montre beau et vaillant. Bob Marley parle en poète. Bob Marley est beau et vaillant. Et ce que l’écoutant cherche vient à sa rencontre ; cela est plus-proche. Mais cela n’est pas trouvé. Comment trouver ? Trouver n’est pas recevoir en propre depuis un fonds. Ne faut-il pas qu’il existe quelque Un qui cherche pour nous et que le site du pays plus natal ainsi cherché se montre lui-même à cet homme ? Trouver est le recueillir du parler qui poétise. Alors, que parle le poète Marley ? Comment parle celui qui, en poète, parle la poésie ? Ce que le site a d’amicalement ouvert, d’éclairé, de scintillant, de splendide, de lumineux, vient, dans l’unité amicale de son éclat, à la rencontre du poète dès l’arrivée à la parole préparée par son acheminement : elle est reggae. Elle, pense en direction d’un site. I know a place where we can carry on… Le poème de la proximité au proche comme gaité ressaisie ( reggae) à même la joie est le savoir joyeux qui sait que dans toute proximité qui vient à la rencontre du lointain, c’est la proximité qui adresse son salut en se mettant en retrait. Pour que donc le cache-cache épargnant le proche dans la proximité du joyeux au plus-joyeux demeure ainsi, en un abri propice au désabritement, la parole du poème doit se soucier de ceci : que dans la proximité au proche ne soit pas manqué par précipitation ni perdu ce qui, provenant d’elle, étant appel de reggae, adresse la proximité du proche, mais l’adresse avec la réserve de l’éloignement. Ainsi parce qu’il doit y avoir souci pour l’abri de la proximité au proche épargnante du proche, au centre du très- proche est venu le souci. C’est pourquoi l’appel de nouveau joyeux du poète est en vérité reg-gae : le souci de celui dont le chant veille le plus-joyeux comme nouvelle nouveauté, où effleure la proximité du proche comme proximité à nouveau du plus-proche, – et laisse le chanté être proche dans la proximité du reg-gae. 1 Si l’on voulait être encore plus pensif, on pourrait traduire au sens des mots le plus fort, tel que : « Je pense en direction d’un site proche duquel nous pourrions habiter pensivement au monde, en tant que le monde est monde historial ». La tâche de la traduction n’est d’ailleurs pas autre chose que de chercher à penser en quelle éclaircie la tra-dite prend corps, et quelle remise en jeu du Dict lui sied au mieux, à cette Dite qui est mise en jeu de l’être de l’étant, dans sa correspondance à l’être plus originnel lui donnant séjour et repos, en appropriant ici-tout.

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Lecture par un proche de Heidegger du poème poématisant de Bob Marley.

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Bob Marley et la souvenance de l’être, par Heinrich Paillassevitch.

I know a place where we can carry on… Bob Marley chante éveillé, mais il chante l’éveil. Originellement, cela veut dire

: Bob Marley est attentif à ce qui est en attention. Cela signifie ensuite : Bob Marley porte à être attentif en mettant en garde, à ce qui est en attention, qui ne l’était pas. Ainsi hommes et choses du pays ambiant ont un air de famille, et pourtant ce n’est pas encore cela ; l’ambiance se referme sur ce qu’ils ont, hommes et choses du pays ambiant, de plus propre. C’est pourquoi le poète s’adresse à l’arrivant, à son arrivée même, avec ces paroles :

I know a place where we can carry on…

I know a place invoque : d’après son refrein il invoque le penser comme – je

pense à même le penser en direction d’un site1. Bob Marley ne pense pas qu’en direction de l’ambiant ; il prépare une approche

au lointain, en tant qu’est infiniment lointaine la proximité de l’infiniment proche – au loin, un site. Sa simple arrivée ne permet pas encore à l’homme qui écoute d’atteindre. L’arrivant, écoutant, demeure donc encore quelqu’un qui doit chercher. Or est poète celui-là même qui montre quelque chose lointainement oublié en le recueillant de belle manière, et qui, du même coup, se montre beau et vaillant. Bob Marley parle en poète. Bob Marley est beau et vaillant. Et ce que l’écoutant cherche vient à sa rencontre ; cela est plus-proche. Mais cela n’est pas trouvé. Comment trouver ? Trouver n’est pas recevoir en propre depuis un fonds. Ne faut-il pas qu’il existe quelque Un qui cherche pour nous et que le site du pays plus natal ainsi cherché se montre lui-même à cet homme ? Trouver est le recueillir du parler qui poétise. Alors, que parle le poète Marley ? Comment parle celui qui, en poète, parle la poésie ?

Ce que le site a d’amicalement ouvert, d’éclairé, de scintillant, de splendide, de lumineux, vient, dans l’unité amicale de son éclat, à la rencontre du poète dès l’arrivée à la parole préparée par son acheminement : elle est reggae. Elle, pense en direction d’un site.

I know a place where we can carry on…

Le poème de la proximité au proche comme gaité ressaisie (reggae) à même la

joie est le savoir joyeux qui sait que dans toute proximité qui vient à la rencontre du lointain, c’est la proximité qui adresse son salut en se mettant en retrait. Pour que donc le cache-cache épargnant le proche dans la proximité du joyeux au plus-joyeux demeure ainsi, en un abri propice au désabritement, la parole du poème doit se soucier de ceci : que dans la proximité au proche ne soit pas manqué par précipitation ni perdu ce qui, provenant d’elle, étant appel de reggae, adresse la proximité du proche, mais l’adresse avec la réserve de l’éloignement. Ainsi parce qu’il doit y avoir souci pour l’abri de la proximité au proche épargnante du proche, au centre du très-proche est venu le souci.

C’est pourquoi l’appel de nouveau joyeux du poète est en vérité reg-gae : le souci de celui dont le chant veille le plus-joyeux comme nouvelle nouveauté, où effleure la proximité du proche comme proximité à nouveau du plus-proche, – et laisse le chanté être proche dans la proximité du reg-gae.

1 Si l’on voulait être encore plus pensif, on pourrait traduire au sens des mots le plus fort, tel que : « Je pense en direction d’un site proche duquel nous pourrions habiter pensivement au monde, en tant que le monde est monde historial ». La tâche de la traduction n’est d’ailleurs pas autre chose que de chercher à penser en quelle éclaircie la tra-dite prend corps, et quelle remise en jeu du Dict lui sied au mieux, à cette Dite qui est mise en jeu de l’être de l’étant, dans sa correspondance à l’être plus originnel lui donnant séjour et repos, en appropriant ici-tout.

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Mais comment alors, maintenant que le souci est venu au centre du reg-gae, au lointain de la proximité du proche au plus-proche épargné par le chant recelant le recel comme tel, comment le poète doit-il dire le reg-gae ? Bob Marley indique comment le chant du reg-gae, c’est-à-dire de la proximité épargnée du plus-proche, comment donc le chant de la souvenance de l’être, se chante. Il se chante :

When the whole world lets you down And there’s nowhere for you to turn. ‘Cause all of your best friends have let you down, do-o-own. Lorsque tout le monde s’absente du monde, Que la clairière où tout s’éclaire a disparu de l’alentour, Car l’ambiant repose dans l’étant, et l’être s’est abrité, à l’abri, abrité à l’abri…

Maintenant, nous savons pourquoi le poète reg-gae. Il reg-gae au temps du

retour au site à proximité du plus-proche dans le lointain, de par le lieu de l’épargne et de la proximité approchant au plus-proche, de par le chant qui dicte son chanté comme tel, à l’oubli. Il dicte son abandon. Il est appel qui dicte [un] son appellant comme n’étant pas encore appellé, comme appel éclairant l’appel lui-même, qui affleure, imperceptible, à qui reçoit l’appel comme appel, mais pas encore comme réponse à son propre appel in-entendu. L’appel de Bob Marley prépare l’écoute de l’appel comme appelant, appelé – il appelle à l’appel comme tel, en tant qu’appel appelant, déjà appelé, appelant encore plus à l’ap-pel.

Le reg-gae ap-ppelle. Il appelle :

When there’s nowhere for you to turn. Nowhere, telle est l’expression qu’une pudeur lui inspire pour l’inétendu. Car

maintenant le chant qui appelle ap-pelle. Il ap-pelle depuis « nowhere » : un site, quelque part, qui est pourtant « no-where ». Il appelle depuis le site d’où l’on a pas encore ap-pellé. Son site est inétendu parmi l’étendue déjà située. L’appel ap-pelle depuis son propre site, site qu’il habite, avec la Sérénité du Sacré, entre tous site dont il est le plus proche, à même la proximité au plus-proche épargnante, où la joie réservée ap-pelant du poète a trouvé sa maison et son haut-parleur (son parler-haut).

Car le poète parle, il parle :

‘Cause all of your best friends have let you down, do-o-own. Ici le poète parle quand l’ambiant s’est mis à reposer dans l’étant, et se repose,

quand même l’être s’est abrité, à l’abri, abrité lui-même au recel de l’abritement le plus flou. Alors let you down, do-o-own signifie : nommer l’oubli. Nommer en poème reg-gae veut dire : laisser paraitre l’oubli dans la parole lui-même au comble de l’oubliement ; ne pas dire seulement le lieu de sa demeure, l’étant comme lieu portatif de l’Abandonner, ne pas le nommer simplement au regard de cette demeure, l’Abî-î-î-mer. Mais le nommer lui-même, la joie endeuillée y parvient, quand ainsi elle séjourne par destin historial dans la proximité de l’oubli, et outre-oubli, ap-prochant la proxmité au plus-proche – par ce qu’elle est parole bien nommante qui demeure en disant dans le laisser-paraître lui-même, – par ce qu’elle est reg-gae.

N’est pas reg-gae en revanche le chant hésitant du poète soucieux, l’ambiance du gigantesque, cette ancienne et tenace aptitude pour le calcul, le trafic et le mélange de la lourdeur, tout cela qui fonde l’absence de monde des étant-lourds – de ceux qui oublient. Mais le reg-gae parle. Il parle aux best friends. Il parle aux amis oublieux qui ont let l’être down. À ceux qui ont joué et jouent encore, au sein de la désolation, le rôle de la servir – ce peuple de lourds qu’est le peuple auquel s’ad-dresse le reg-gae. La nullité métaphysique de leur histoire historiale apparait maintenant au grand jour de la clairière é-claircie auprès du site reg-gae. Le reg-gae cherche à sauver de

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la nullité. Le reg-gae sauve qui peut. Tel est l’apport de Bob Marley envers la désolation.

I know a place where we can carry on…

Bob Marley arrive à la proximité du site dans la mesure où sa dite est dictante

du secret de la proximité au proche. Il le dit dans la mesure où il dicte le poème du plus-proche en poème. Ce poème ne fait pas simplement au poète un site, c’est le site, l’éclaircie ouvrant dans la situation un site, car c’est en un tel dire que peut seulement s’accomplir d’abord l’arrivée au pays, l’arrivée qui est mise-à-sa-place à l’abord du recueil qui recèle. Le poème I know a place… n’est pas un poème sur la situation, mais le poème est, en tant que l’œuvre poétique qu’il est, le site lui-même, qui continue à situer aussi longtemps seulement que sa parole résonne en soirée, à même la nuit de l’être, appellant à son aurore. Être poète signifie être auprès du site, qui abrite en parole le secret de la proximité au plus-proche et joyeux. Le site est la cité du poème, selon ce qu’il dit : « notre site ». Le poème de la joie est le savoir situant du site.

I know a place where we can carry on…

Persistant ainsi en lui-même comme la suprême parole qui appelle,

qu’individualise son appel propre, le poète œuvre la vérité pour son peuple en le représentant, et par là œuvre en vérité. La réunification des forces dans le Dasein de Bob Marley n’est pas un simple assemblage ou un entassement (quantitatif !), mais est déjà en soi le début de l’épanouissement d’un nouvel originaire – d’un commencement qui n’avait pas pu jusqu’ici se déployer – et qui maintenant se déploie, à même le recueil ajointant de tout paraitre de la dite reg-gae. C’est cela qu’annonce I know a place…

I know a place where we can carry on…

Reg-gae est celui qui appelle. Il appelle : du crépuscule à l’aurore, mission de

la nuit spirituelle est celle-là qui, vers une patrie plus sereine, embrasse, en regagnant son foyer. Mais il appelle, entendu qu’embrasser signifie : faire adhérer la dif-férence d’entre-deux étants, à l’être, en regagnant le foyer. Il est besoin pour cela de constamment mettre à l’épreuve : l’habitation dans le chanter du chant. Ainsi : la Dite de Bob Marley est l’énoncé poétique de ce qui n’a pu être exposé ici que par la pensée. Bob Marley dicte. Il dicte la dite de l’être, et ses mots reluisent maintenant, on l’espère, de leur éclat. Il dicte et sa dite s’éclaire d’un faire-signe non-oublieux, très pensif, car :

Bob Marley ne chante que dans la mesure où il chante le reg-gae. Le reg-gae est gaieté nouvelle. La gaieté nouvelle se prépare par l’approche du site depuis le site où est

chanté :

And there is people like you, people like me People need to be free. And there's a place in the sun Where there is love for everyone, Where we can be, yeah.

Il y a des penseurs et des poètes comme vous et moi ambiants Le peuple doit s’en remettre à l’appel qui lui dicte l’être-libre. Et il est un site à proximité de la clairière où tout s’éclaircit Où tout serait amour de la vérité en tant qu’aletheia Où nous pouvons prendre site, oui.