Bob Jessop Pouveoir et stratégies chez Poulantzas et Foucault

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Page 1: Bob Jessop Pouveoir et stratégies  chez Poulantzas et Foucault

POUVOIR ET STRATÉGIES CHEZ POULANTZAS ET FOUCAULT Traduit de l'anglais par Luc BenoîtBob Jessop P.U.F. | Actuel Marx 2004/2 - n° 36pages 89 à 107

ISSN 0994-4524

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-actuel-marx-2004-2-page-89.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Jessop Bob, « Pouvoir et stratégies chez Poulantzas et Foucault  » Traduit de l'anglais par Luc Benoît,

Actuel Marx, 2004/2 n° 36, p. 89-107. DOI : 10.3917/amx.036.0089

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Pouvoir et stratégies chez Poulantzas etFoucault

Bob JESSOPTraduit de l’anglais par Luc Benoît

Huit critiques de Foucault et quelques réponses possibles ∗

Voici tout d’abord un résumé des critiques qui émanent dePoulantzas, que je classerai en fonction des sept points de convergenceque j’ai identifiés entre leurs positions respectives. Cette présentationabandonne la fragmentation qui caractérise l’approche de Poulantzas etnéglige également certaines contributions positives de Foucault. Maiselle devrait faciliter l’exposition de la suite du raisonnement. Avantd’aller plus loin, il faut remarquer que Poulantzas a critiqué l’analysedu pouvoir proposée dans Surveiller et punir et dans La Volonté desavoir, qui furent respectivement publiés trois ans et deux ans avantL’Etat, le pouvoir, le socialisme (1978). Poulantzas n’a pas tenu (ou n’apas pu tenir) compte des cours du Collège de France (1976-79) danslesquels Foucault s’est penché sur la question de la gouvernementalité.Ces cours sont particulièrement intéressants car, dans plusieurs d’entreeux, Foucault fait son autocritique à propos de certaines erreurs que

∗ Dans le corps du texte, on utilisera des sigles pour se référer à certaines

œuvres. Foucault M. (1975), Surveiller et Punir, Paris, Gallimard (SP). FoucaultM. (1976a), Histoire de la sexualité 1. La Volonté de savoir, Paris, Gallimard(HS1). Foucault M. (1979), Power, Truth, Strategy, Brisbane, Feral Books (PTS).Foucault M. (2001), Dits et Écrits, tomes I-II, Paris, Gallimard (Quarto) (DE).

Poulantzas N. (1970), Fascisme et dictature, Paris, Maspéro (FD). PoulantzasN. (1971), Pouvoir politique et classes sociales, Paris, Maspero (PPCS).Poulantzas N. (1974), Les classes sociales dans le capitalisme aujourd’hui, Paris,Éditions Seuil (CSCA). Poulantzas N. (1975), La Crise des Dictatures, Paris,Maspero (CD). Poulantzas N. (1978a), L’État, le pouvoir, le socialisme, Paris,PUF (EPS).

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Poulantzas avait identifiées dans les deux œuvres antérieures (ainsi qu’àpropos d’autres erreurs que Poulantzas n’avait pas identifiées). Il seraittrès hasardeux, ne serait-ce que pour des raisons chronologiques,d’émettre l’hypothèse qu’il s’agissait là d’une réponse de Foucault auxcritiques de Poulantzas 1. Il suffit de remarquer que ces autocritiques etces corrections ont eu lieu et ont conduit à un degré de convergenceentre les positions des deux penseurs plus important qu’ils ne le pen-saient.

Premièrement, Poulantzas a reproché à Foucault d’avoir déduit laforme de l’Etat moderne de son rôle d’individualisation du corps socialet politique sur lequel il exerce son pouvoir. Ce qui signifiait, selonPoulantzas, que Foucault ignorait que les véritables fondements del’Etat se situent dans les rapports capitalistes de production et dans lalutte des classes. Ces fondements étaient bien sûr la clef de voûte de lathéorie de l’Etat capitaliste qu’il proposait lui-même (EPS : 82).Foucault aurait probablement répondu que ses premiers travauxs’intéressaient surtout aux techniques disciplinaires de normalisation dela conduite de personnes qui ne participaient pas directement à la pro-duction capitaliste (qui étaient, par exemple, dans des asiles, des pri-sons, des écoles ou des casernes) ; qu’il avait remarqué comment lestechniques disciplinaires d’abord mises au point dans ce contexteavaient ensuite été employées dans les usines afin de contrôler la divi-sion du travail ; qu’un des aspects fondamentaux de la nouvelle ana-tomo-politique était l’enchaînement de l’homme à l’appareil de produc-tion, ce qui facilitait la mise en place d’une économie politiquecapitaliste du temps fondée sur le travail abstrait 2 ; et que l’émergencede l’Etat moderne était sans doute relié à la question des rapports entrela « population », le territoire et la richesse sur lesquels se penchait lanouvelle science de « l’économie politique » (cf. Foucault 1977b :DE2 : 203-4 ; 1978b : DE2 : 652-655)

Deuxièmement, Poulantzas a identifié des différences importantessur la question du pouvoir. Il a reproché à Foucault d’avoir prétenduque le pouvoir n’a d’autre fondement que la relation de pouvoir elle-

1. Les trois principales biographies de Foucault ne mentionnent aucun contact

intellectuel important avec Poulantzas bien qu’ils aient tous les deux enseigné àVincennes et qu’ils aient parfois milité ensemble (par exemple à l’occasion du« Comité un bateau pour le Viêtnam ») (cf. Eribon 1989, 1994 ; Macey 1993).

2. Les techniques disciplinaires servaient aussi à contrôler le corps destravailleurs : « il s’agit au fond non seulement d’approprier, d’extraire la quantitémaximale de temps mais aussi de contrôler, de former, de valoriser, selon unsystème déterminé, le corps de l’individu » (1974 : DE1 : 1486).

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même et qu’il s’épuise donc dans les modalités de son exercice. Il aégalement reproché à Foucault et à ses disciples d’avoir mis l’accent surla dispersion des pouvoirs au détriment de leur codification et de leurconcentration dans et par l’Etat. Il a tenu à affirmer que la dominationde classe n’est pas inhérente à la relation de pouvoir en tant que tellemais se fonde précisément sur l’exploitation économique, sur la placedes différentes classes dans les divers appareils de pouvoir, sur lesmécanismes extérieurs à l’Etat et sur le système étatique lui-même. Cequi signifie, selon Poulantzas, que le pouvoir de classe est déterminé enpremière instance par les positions antagonistes qu’occupent les diffé-rentes classes dans la division sociale du travail. Il est également déter-miné par leurs différentes formes d’organisation et leurs stratégiesrespectives dans les champs correspondants de la lutte des classes(EPS : 44-5, 49, 161-2 ; PPCS-1 : 97, 108-11).

Bien que cette critique puisse peut-être s’appliquer aux premièresthéories du pouvoir de Foucault dans Surveiller et Punir, elle ne s’ap-plique pas à ses analyses plus tardives. Car, premièrement, il a affirméque son travail sur les technologies du pouvoir n’était pas réductible àune métaphysique du Pouvoir avec un P majuscule. Critiquant ainsi un« certain marxiste français qui soutient que pour moi le pouvoir estendogène et que j’aurais construit un véritable cercle ontologique endéduisant le pouvoir du pouvoir », Foucault affirme qu’il a « toujourscherché à faire le contraire » (1978a : DE2 : 630). Plus spécifiquement,il affirme que le pouvoir opère toujours à partir de différenciations pré-existantes et peut mobiliser des modes d’action et des mécanismes va-riés, des objectifs variés, des formes variées d’institutionnalisation et derationalisation (1982 : DE2 : 1053 ; 1977b : DE2 : 206). De même, il asoutenu que les relations de pouvoir sont intriquées dans d’autres typesde relations (de production, d’alliance, de famille, de sexualité) où ellesjouent à la fois un rôle conditionnant et conditionné (1977e :DE2 : 425). Et il a soutenu que les types de pouvoir varient en fonctiondu modèle d’articulation de ces différents aspects. Ainsi Foucault dis-tingue-t-il quatre modèles différents de pouvoir : tantôt avec préémi-nence des rapports de pouvoir et d’obéissance, comme dans les disci-plines de type monastique ou de type pénitentiaire ; tantôt avec préémi-nence des activités finalisées comme dans les disciplines d’ateliers oud’hôpitaux ; tantôt avec prééminence des rapports de communicationcomme dans les disciplines d’apprentissage ; tantôt aussi avec unesaturation des trois types de relation comme dans la discipline militaire(1982 : DE2 : 1053-4 ; cf. 1974 : DE1 : 1486-88). Deuxièmement, pour

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ce qui est du pouvoir de l’Etat, tout en continuant d’insister sur ladispersion des pouvoirs et sur le fait que l’Etat, y compris avec sonomniprésence et avec ses appareils, est bien loin de recouvrir tout lechamp réel des rapports de pouvoir, et qu’il ne peut fonctionner que surla base de relations de pouvoir préexistantes, Foucault a égalementadmis que l’Etat investit et colonise ces autres réseaux de pouvoir dansune relation de conditionnant/conditionné par rapport à une espèce demétapouvoir qui rend son propre fonctionnement possible (1977a :DE2 : 150-1). En effet, « les relations de pouvoir ont été progressive-ment gouvernementalisées, c’est-à-dire élaborées, rationalisées et cen-tralisées dans la forme ou sous la caution des institutions étatiques »(1982 : DE2 : 1059-1060). Ce qui explique que Barret-Kriegel ait puultérieurement faire remarquer que « la pensée de Foucault a ouvert lavoie à un retour des études sur l’Etat et le droit » (1989 : 222).

Troisièmement, Poulantzas a reproché aux analyses de Foucault deprivilégier le « pouvoir » par rapport à la résistance. Le pouvoir est es-sentialisé et absolutisé ; les résistances ne sont que des réactions se-condaires par rapport au pouvoir. Foucault ne pouvait donc pas expli-quer les résistances. Au mieux il les voyait comme le produit d’unesprit plébéien naturel, primordial, de résistance qui cherche à échapperaux relations de pouvoir mais qui est toujours intégrable au pouvoir etréduite dès que la plèbe se fixe une stratégie. Au contraire, pourPoulantzas, les limites du pouvoir sont inhérentes à ses mécanismespropres. Car ces mécanismes incorporent toujours et condensent lesluttes des classes dominées sans parvenir totalement à les intégrer et àles absorber. En effet, Poulantzas a rappelé que les luttes détiennenttoujours le primat sur par rapport aux institutions-appareils de pouvoir(EPS : 163-165) A nouveau, Foucault aurait pu répondre qu’il avaitdépassé son explication de la résistance en termes d’instincts plébéiensdans la mesure où son travail sur l’assujettissement et sur les technolo-gies de soi avait mis en évidence les bases indépendantes à partir des-quelles la résistance au pouvoir pourrait se développer. Il a aussiaffirmé que la Révolution impliquait la codification subversive de cesmultiples relations de pouvoir (1977a : DE2 : 150-1).

Quatrièmement, Foucault aurait commis deux erreurs complémen-taires en analysant le pouvoir. Car tout en insistant exclusivement surl’aspect répressif et prohibitif de la loi, il aurait uniquement présentél’aspect positif, productif du pouvoir disciplinaire (de l’Etat). PourPoulantzas, au contraire, la loi et l’Etat organisent chacun la répressionet les mesures de contrôle s’occupent tous deux activement de définir

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les rapports sociaux et d’obtenir le soutien des masses. Ces erreurs ontconduit Foucault à exagérer à la fois la signification générale des tech-niques disciplinaires au sein de l’Etat moderne et leur rôle particulier deforce active et positive qui crée de la soumission. Ce qui signifie parconséquent qu’il avait sous-estimé le rôle persistant que jouent la vio-lence, les appareils juridico-policiers ainsi que la loi en général pourgarantir l’efficacité de ces techniques. Surtout, Foucault a négligé lerôle positif que joue le droit constitutionnel et administratif en matièrede codification et de régulation de l’exercice de la violence publiqueorganisée ainsi que de manière plus générale le rôle que joue la loi, quifournit un cadre permettant la défense d’intérêts de manière pacifique etconsensuelle. De même, lorsqu’il prétend que la normalisation discipli-naire passe par l’intériorisation de la répression, Foucault néglige le rôleindirect de la coercition, qui sous-tend l’ensemble des dispositifs disci-plinaires et idéologiques. Il a également sous-estimé l’importance per-sistante de la violence ouverte dans les activités de l’Etat et a doncexagéré la rupture que constitue le passage de l’Etat féodal à l’Etat mo-derne (EPS : 84-87).

A nouveau, les critiques de Poulantzas s’appliquaient bien aux pre-mières analyses du pouvoir de Foucault mais ne tenaient pas (ou nepouvaient pas tenir) compte du rejet ultérieur de ces positions. Ainsi,Foucault a-t-il admis avoir exagéré l’importance du pouvoir discipli-naire en adoptant une approche nietzschéenne de la répression et a donccommencé à s’intéresser à « l’art du gouvernement » (la conduite desconduites) comme moyen de s’assurer la complicité active des sujets dupouvoir en vue de leur propre autorégulation. Quand on considère lesanalyses ultérieures de Foucault sur le libéralisme, les ordo-libéraux etl’école de Chicago par exemple, on se rend clairement compte qu’ilétait lui aussi conscient qu’existent une articulation complexe et desrapport de dépendance réciproque entre la répression directe, le droitconstitutionnel, les mesures de police et l’autorégulation.

Cinquièmement, Poulantzas a plaidé pour qu’on ne surestime pasla signification du lien entre pouvoir et savoir. Du point de vue dePoulantzas, ces derniers ne font que compléter et renforcer les formespremières et spontanées d’idéologie qui sont inscrites dans la trame del’Etat par l’intermédiaire des rapports capitalistes de production et de ladivision sociale du travail capitalistes (EPS : 72). Il accordait en parti-culier beaucoup plus d’importance que Foucault au rôle général quejoue la division entre le travail intellectuel et le travail manuel (voirEPS : 59-68). Compte tenu de ses opinions sur la distinction entre

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science et idéologie et sa préférence pour l’analyse des régimes devérité, Foucault ne pouvait pas, dans ce domaine, se rapprocher des po-sitions théoriques de Poulantzas.

Sixièmement, Poulantzas reproche aux analyses de Foucault d’être,au bout du compte, descriptives voire, pire encore, fonctionnalistes.C’est dans ce contexte qu’il cite SP sur le fonctionnement du panop-tisme comme forme de pouvoir (EPS : 74-5). Foucault répond pourtantà ce type de critiques (même s’il ne s’agit pas nécessairement d’uneréponse directe à Poulantzas) dans deux entretiens où il affirme – nonsans mauvaise foi – qu’il n’avait jamais fait du Panoptique de Benthamun modèle pratique de l’exercice du pouvoir. Il s’agissait au contraired’une construction idéal typique qui n’avait jamais fonctionné. MaisPoulantzas aurait sans doute pu répondre que, quel que soit le statuthistorique du rêve de Bentham, Foucault a bien décrit la généalogie du« panoptisme » comme une technique particulière, une technologie, ouun diagramme de pouvoir immanent à chaque champ particulier, qui estdevenu typique de la société disciplinaire du XIXe siècle et qui, en dépitde sa généalogie complexe, a ultérieurement été mobilisé au service ducapitalisme industriel (voir infra).

Septièmement, Poulantzas a reproché à Foucault d’avoir négligéles matrices spatiales et temporelles de l’Etat (EPS : 75-77). On peutaisément admettre la validité de ce reproche dans la mesure où l’Etatn’a jamais tenu une place centrale dans les analyses de Foucault, mais,n’en déplaise à Poulantzas, il faut se rappeler que la théorie de Foucaultne négligeait pas l’espace (voir en particulier Elden 2001) et s’intéres-sait aussi aux dimensions temporelles de l’art de gouverner.

Enfin, Poulantzas critique l’approche foucaldienne de la stratégiepolitique. Foucault avait affirmé que les micro-révoltes ne pouvaientréussir que si leurs partisans refusaient d’être incorporés à l’Etat et s’ef-forçaient au contraire de le subvertir du dehors. Ainsi les nouveauxmouvements sociaux devaient également s’opposer à toute subordina-tion à l’égard d’organisations politiques dirigeantes (par exemple despartis politiques) dans la mesure où cela pourrait les conduire à leurrécupération par le système étatique. Pour Poulantzas, il était essentielde combiner les nouveaux mouvements sociaux et les luttes en faveurde la démocratie directe avec des changements radicaux des institutionsreprésentatives du système étatique. Selon lui, il était impossible de sesituer en dehors du pouvoir (de l’Etat) parce que les luttes populairesont nécessairement des effets dans l’Etat (et sur les autres dispositifs depouvoir) même quand les masses sont physiquement tenues à distance

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de la représentation (politique). Il a en outre critiqué l’abstentionnisme,qui risquait tout bonnement de laisser champ libre à l’étatisme. La stra-tégie que préconisait Poulantzas consistait à participer aux dispositifsdu pouvoir afin d’intensifier leurs contradictions internes et leursconflits. Cela n’était pas forcément synonyme d’intégration complète àces dispositifs ni de perte totale d’autonomie. Car l’intégration desclasses dominées au sein de ces dispositifs dépend des stratégiesqu’elles choisissent d’adopter ; elle ne découle pas mécaniquement del’adoption d’une stratégie de participation. Si ces stratégies ont pour butde maintenir l’autonomie des masses, elles ne seront jamais complète-ment intégrées. Mais Poulantzas disait aussi que les masses en lutte de-vaient se maintenir à distance de l’Etat. Elles devaient mettre en placedes mouvements de démocratie directe à la base et des réseaux auto-gestionnaires, ce qui faciliterait la transition démocratique vers un so-cialisme démocratique (EPS : 168-9).

Quelques ressemblances cachées

J’aborde maintenant les ressemblances cachées entre l’œuvre dePoulantzas et celle de Foucault. Elles sont d’autant plus intéressantes etsignificatives précisément que Poulantzas a tant critiqué une grandepartie de l’œuvre de Foucault sur l’analyse du pouvoir. On peut repérerdes ressemblances dans les domaines suivants : tous deux soulignentl’ubiquité du pouvoir et de l’Etat ; ils affirment l’immanence du pouvoirau sein des rapports sociaux et de l’Etat au sein des rapports de produc-tion ; ils abordent les relations diachroniques sous la forme d’unesource première de résistance plébéienne ou « de classe » ; et pour finir,ils ne parviennent pas à théoriser correctement les rapports entre cequ’ils appellent eux-mêmes les « micro » et les « macro-niveaux » depouvoir.

L’ubiquité du pouvoir et/ou de l’Etat

Selon Foucault, le pouvoir est immanent à tous les rapports so-ciaux. Il avance la proposition « que les relations de pouvoir ne sont pasen position d’extériorité à l’égard d’autres types de rapports (processuséconomiques, rapports de connaissance, rapports sexuels), mais qu’ellesleur sont immanentes » (1976a : HS1 : 123-124). Ailleurs il a affirméque « le pouvoir est toujours déjà là », qu’on ne se situe jamais « en de-

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hors » du pouvoir, qu’il n’existe pas de « marges » pour la gambade deceux qui sont en rupture (DE2 : 424). Poulantzas a également affirméque tous les rapports sociaux sont des rapports de pouvoir et a ferme-ment rejeté « l’image topologique d’un extérieur radical » dans l’étudedes rapports entre l’Etat et les autres champs (EPS : 18, 28-30, 39-44,49, 160-2, 184). De façon encore plus révélatrice, il a affirmé : « c’esten ce sens précis que l’on ne peut penser, une fois l’Etat posé, un réelsocial quelconque (un savoir, un pouvoir, une langue, une écriture) fi-gurant un état premier par rapport à l’Etat mais un réel social toujoursen relation avec l’Etat et avec la division en classes » (EPS : 44, cf. 41-2, 48). Bref, une fois posée l’existence de sociétés de classes, l’Etats’inscrit dans tous les rapports sociaux.

Diagrammes et modes de production

Foucault et Poulantzas ont mis l’accent sur l’unité cachée des rap-ports sociaux qui résulte du primat d’une forme donnée de pouvoir.Pour Poulantzas, la matrice structurant le mode de production dominants’insinue dans tous les rapports sociaux et c’est à l’Etat qu’incombe lerôle spécifique d’investir les différents lieux de pouvoir et de leur attri-buer leur rôle de classe. Au contraire, Foucault a développé le conceptde « diagramme ». Ceci renvoie à une formule particulière de pouvoir, àune technologie spécifique du pouvoir, un mode défini de dominationpolitique (ou de sur-pouvoir). Ainsi Foucault a-t-il opposé le modèlemonarchique de la société médiévale au « panoptisme » de la sociétédisciplinaire. Il a estimé que le rêve de Bentham d’un pénitentiaire mo-derne, disciplinaire (le Panoptique) était « le diagramme d’un méca-nisme de pouvoir ramené à sa forme idéale… une figure de technologiepolitique qu’on peut et qu’on doit détacher de tout usage spécifique »(1975 : SP : 207). Et il a décrit la diffusion du projet panoptique au seindu corps social. Dans ce sens, on peut aussi retrouver la « forme-prison » dans les hôpitaux, les ateliers, les écoles, les casernes voiredans n’importe quel espace social. Le diagramme panoptique est ainsidevenu « le principe général » d’une « nouvelle anatomie politique »dont l’objet et la fin ne sont pas les rapports de souveraineté mais lesrelations de discipline (1975 : SP : 210 ; cf. 217-8, 224-5).

Dans ce sens, bien que Foucault ait mis l’accent sur la multiplicitéet la dispersion de micro-rapports de pouvoir, il a aussi affirmé que, leplus souvent, ils mobilisaient les mêmes forces, les mêmes moyens, lesmêmes techniques de pouvoir. Ceci pose à Foucault un problème simi-

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laire à celui auquel est confronté Poulantzas lorsqu’il parle del’omniprésence des rapports de production. Ainsi, tandis que Poulantzasrisquait de réduire chaque rapport social à un rapport de classe en leramenant à un mode de production dominant, Foucault risquait de nierla spécificité des différents rapports sociaux en mettant l’accent sur leurutilisation de la même technique de pouvoir. Tandis que Poulantzastend à faire de tous les rapports sociaux des rapports capitalistes,Foucault tend à réduire les rapports capitalistes (par exemple dans leprocessus de travail) à des rapports disciplinaires (1982 : DE2 1051-1057) (sur cette dernière tendance, voir Ewald, 1975 : 1240-6). Ceci sereflète dans la façon dont les deux théoriciens comprenaient les luttes.Pour Foucault, « le principal objectif de ces luttes n’est pas tant des’attaquer à telle ou telle institution de pouvoir, ou groupe, ou classe ouélite, qu’à une technique particulière, une forme de pouvoir » (1982 :DE2 : 1046). De même, Poulantzas avait tendance à dire que les luttessont en dernière instance des luttes de classe parce qu’elles s’enracinentdans la division sociale du travail et cherchent à la transformer (EPS :passim). Ainsi, si les rapports capitalistes de production constituaientpour Poulantzas le principal point de référence, le point principal deréférence dans les analyses de Foucault était la technologie du pouvoir(sur le concept foucaldien du diagramme, voir : Deleuze 1975).

Esprits plébéiens et instincts de classe

Une autre ressemblance entre les deux théories porte sur la ques-tion du pouvoir et de la résistance. En essayant d’expliquer la résis-tance, Foucault a dû se rabattre sur « quelque chose dans le corps social,dans les classes, dans les groupes, dans les individus eux-mêmes quiéchappe d’une certaine façon aux relations de pouvoir […] l’énergie in-verse, l’échappée, […] cette part de plèbe » (1977e : DE2 : 421). Cetteremarque témoigne clairement d’une dette envers le nouveau philo-sophe André Glucksmann (1975-1977), qui avait déjà substitué au rôledu prolétariat et des intellectuels marxistes le potentiel révolutionnairede la plèbe. Plus tard, dans La Volonté de savoir, Foucault a situé lefondement de la résistance dans la simple célébration des corps et desplaisirs au pluriel, dans leur spécificité ; et, plus généralement, dans lesgénéalogies et le savoir historique qui permettent de relier pouvoir etsavoir dominé (cf. Lemert et Gillan 1982 : 89, 91). Poulantzas n’avaitque dédain pour le recours à un esprit du refus qui s’apparentait à uneessence absolument extérieure à tout rapport de pouvoir spécifique

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(EPS : 166). Il préférait fonder la résistance de classe dans les contra-dictions entre les classes exploiteuses et exploitées, dominantes et do-minées (EPS : 30, 40, 42, 49-50, 162-3, 192-3). Mais quand Poulantzasessayait d’expliquer l’origine de ces résistances de classe, sa réponsen’était pas plus convaincante que celle de Foucault.

Selon Poulantzas, les classes dominées pouvaient être contaminéespar l’idéologie dominante et adopter des positions contredisant leurspropres intérêts de classe. Par conséquent, même la classe ouvrière ris-quait en permanence de se laisser prendre dans les rets de la dominationbourgeoise. Pourtant, Poulantzas affirmait que « sous les effets mêmesde l’idéologie bourgeoise dans la classe ouvrière pointe toujours ce queLénine désignait comme “instinct de classe” » (CSCA : 308 ; cf. 19-20,36, 294). Pour Lénine, le concept d’« instinct de classe » n’avait qu’unevaleur descriptive. Poulantzas a tenté d’apporter un fondement plus so-lide aux instincts de classe en les décrivant comme la résurgence cons-tante au sein des pratiques de la classe ouvrière d’une oppositionstructurelle à l’exploitation dans le cadre de l’usine et à la productionmatérielle (CSCA : 19, 308). Mais ceci donnait l’impression de ressus-citer la thèse discréditée, économiste et téléologique, qu’une « classe ensoi » finira par émerger et/ou d’adopter des présupposés anthropolo-giques qui naturalisent la réaction de l’homme contre l’exploitation etl’oppression. De tels arguments n’étaient pas très différents des thèsesde Foucault sur l’esprit de la plèbe.

Ailleurs, Poulantzas a mis l’accent sur le rôle de l’idéologie, quidéterminerait jusqu’aux révoltes « spontanées » des classes dominées.Ce qui semble indiquer qu’il est faux de présupposer l’essence absolu-tisée d’un « instinct de classe » de résistance extérieure à tout rapport declasse spécifique. Car la résistance ne peut être séparée de l’idéologie ets’avère donc toujours contingente et relative. Poulantzas semblel’admettre lorsqu’il écrit que « dans le contexte de la montée du fas-cisme, cet “instinct de classe”, coupé de l’idéologie marxiste-léninisteet confronté à ces formes particulières d’idéologie petite-bourgeoise(l’anarcho-syndicalisme, le spontanéisme et le culte de la violence),s’est fourvoyé sous l’influence de cette dernière » (FD : 155). En bref,dans la mesure où Poulantzas tente de dépasser la notion d’« instinct declasse », il est contraint d’admettre la contingence, la relativité et la va-riabilité de la lutte des classes. Ceci le conduirait à historiciser les luttesde classe spécifiques, ce qui lui ferait adopter une approche généalo-gique plus foucaldienne. Qui plus est, en ce qui concerne les nouveauxmouvements sociaux et les luttes hétérogènes aux luttes des classes,

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Poulantzas n’a même pas proposé d’explication en termes d’« instinct »de la résistance à ces nouvelles formes d’oppression.

Micro-diversité et macro-nécessité

La quatrième ressemblance concerne les tentatives de concilier ladiversité micro-sociologique et relative unité au macro-sociologique desrapports sociaux. Poulantzas et Foucault ont adopté la même distinctionfondamentale – s’intéressant au niveau microsociologique à des lieuxde pouvoir institutionnels bien définis et assimilant le niveau macroso-ciologique à des exemples de sociétés dont les frontières étaient cellesd’un Etat-nation. Dans ce cadre, le point de départ de Foucault était unemultitude de micro-pouvoirs et de technologies de pouvoir dispersés. Ilmettait en garde contre les jugements a priori portant sur leur unitésous-jacente dans le cadre d’une situation première de domination mas-sive et il critiquait tout particulièrement l’idée qu’une instance centralecomme l’Etat soit en mesure de les unifier. Il ne fait pas de doute quePoulantzas, lui, prenait pour point de départ une situation première dedomination massive – celle de la division sociale du travail et de la luttedes classes. De plus, bien qu’il ait reconnu que les rapports hétérogènesaux luttes des classes pouvaient délimiter un lieu secondaire de pouvoiret de résistance, il a toujours mis l’accent sur leurs liens avec la luttedes classes. L’Etat joue ici un rôle crucial car il intervient dans tous lesautres champs sociaux afin de leur assigner une « pertinence de classe »et constitue le lieu central d’exercice du pouvoir en ce qui concernetoutes les luttes, qu’elles soient de classe ou hétérogènes aux luttes declasse (EPS : 48-49).

L’opposition est ici doublement trompeuse. Car, d’une part,Poulantzas en est venu à considérer l’Etat comme un ensemble de cir-cuits distincts de pouvoir, de réseaux et d’appareils qui appliquent unemultitude de micro-politiques diversifiées. En effet, en décrivant le pro-cessus de reproduction des contradictions de classe au sein de l’appareild’Etat et en précisant ses mécanismes de sélectivité structurelle,Poulantzas n’a cessé d’attirer l’attention sur l’incohérence prodigieuseet le caractère chaotique des politiques de l’Etat (EPS : 146, 149, 229 ;cf. FD : 336-8; CD : 51-3, 86-7). Ceci semble confirmer la thèse foucal-dienne d’un pouvoir qui relève plus d’une « microphysique du pou-voir » que d’un quelconque principe général de domination de classe etmettre à mal l’idée que l’Etat incarne une structure binaire de pouvoirde classe. En effet, Poulantzas a ultérieurement reconnu s’être tourné

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vers Foucault dans EPS pour tenter de rompre avec le marxisme dog-matique du structuralisme althussérien. Reconnaissant avoir adopté unlangage nouveau, il a affirmé : « J’aborde des problèmes nouveaux et[…] j’en suis au stade de l’exploration » et a ajouté : « C’est surtoutdans la discussion des thèses de Michel Foucault que j’ai été conduit à“coquettiser” mon langage […] Personnellement, je fais une distinctionentre le Foucault épistémologue et théoricien global du pouvoir et leFoucault analyste de certaines pratiques et techniques matérielles dupouvoir moderne. C’est ce deuxième Foucault qui m’intéresse. […] lesanalyses précises de Foucault sur le pouvoir comme relation sont desanalyses que le marxisme a toujours faites » (Poulantzas 1978b : 8).

Néanmoins, Poulantzas a continué à essayer d’expliquer commentles diverses micro-politiques conduisent nécessairement au niveaumacro à la domination bourgeoise. Il a fait de l’Etat « un champ et unprocessus stratégiques où s’entrecroisent des nœuds et des réseaux depouvoir […] traversé de tactiques souvent fort explicites au niveaulimité où elles s’inscrivent dans l’Etat, tactiques qui s’entrecroisent, secombattent, trouvent des points d’impact dans certains appareils, se fontcourt-circuiter par d’autres et dessinent finalement ce qu’on appelle “lapolitique” de l’Etat, ligne de force générale qui traverse les affronte-ments au sein de l’Etat » (EPS : 149). Cette ligne de force générale nerésulte pas automatiquement de la logique institutionnelle du systèmeétatique. Elle ne procède pas non plus de l’application plus ou moinsréussie d’un dessein global des sommets de l’Etat qui serait connu àl’avance (EPS : 36, 149). En effet, bien que l’Etat discute parfois ou-vertement des stratégies et des tactiques qui servent à reproduire la do-mination politique de classe, la meilleure stratégie est souvent larésultante d’une coordination conflictuelle de tactiques divergentes(EPS : 36, 148-50). En ce sens, la ligne de force générale est la résul-tante complexe de l’interaction entre la structure institutionnelle del’Etat et des stratégies et des tactiques spécifiques et divergentes.

D’autre part, tandis que Foucault a indéniablement proposé decommencer par étudier les spécificités des divers mécanismes de pou-voir aux niveaux les plus bas, il s’est de plus en plus intéressé à la façondont ils sont investis et annexés par des mécanismes de plus en plusgénéraux et intégrés à des formes de domination globale (1976b : DE2 :180-1 ; cf. 1977a : DE2 : 151 ; 1976a : HS1 : 123-124, 130-133 ; 1980 :DE2 : 846-9, 1978c : DE2 : 719-23). Il a donc reconnu que l’entrecroi-sement des différentes formes de pouvoir « dessine des faits générauxde domination, que cette domination s’organise en stratégie plus ou

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moins cohérente et unitaire ; que les procédures dispersées, hétéro-morphes et locales de pouvoir sont réajustées, renforcées, transforméespar ces stratégies globales et tout cela avec des phénomènes nombreuxd’inertie, de décalages, de résistances ; qu’il ne faut donc pas se donnerun fait premier et massif de domination (une structure binaire avec d’uncôté les “dominants” et de l’autre les “dominés”), mais plutôt une pro-duction multiforme de rapports de domination qui sont partiellementintégrables à des stratégies d’ensemble » (1977e : DE2 : 425).

De plus, à propos de ce modèle émergent de domination, Foucaulta évoqué la « ligne de force générale qui traverse les affrontements lo-caux et les relie entre eux » (1976a : HS1 : 124 ; paraphrasé dans EPS :149). Et pour décrire cette ligne générale, Foucault a utilisé les conceptssuivants : « hégémonie sociale », « effets de suprématie », « hégémoniede la bourgeoisie », « métapouvoir », « domination de classe », « sur-pouvoir » (analogue à la survaleur), « stratégie globale », etc. (parexemple, 1976a : HS1 : 122-124, 1977b : DE2 : 199 ; 1977a :DE2 : 151 ; 1977f : DE2 : 232 ; 1975 : SP : 224 ; et 1973 : 60). Il a éga-lement donné un rôle privilégié à l’Etat comme codification de touteune série de relations de pouvoir, comme appareil au sein duquel l’hé-gémonie, le métapouvoir, la domination de classe ou le « surpouvoir »se cristallisent (par exemple, 1977a : DE2 : 148-9 ; HS1 : 121-2, 185-6 ;1976b : DE2 : 182-184 ; 1977a : DE2 : 151 ; 1977c : DE2 : 303). Bref,en élaborant son anatomie politique du pouvoir, Foucault a décrit unfaisceau relativement coordonné de domination s’exerçant par le biaisde micro-relations de pouvoir qui réalisent « les grandes stratégies del’appareil d’Etat » (Sheridan 1980 : 219 ; c f. Foucault 1977c :DE2 : 303). Cela devient encore plus évident dans sa généalogie desdifférentes techniques de pouvoir, qui distingue le pouvoir pastoral, lasociété disciplinaire et la gouvernementalité libérale (Foucault 1978b ;1997).

Le paradoxe d’une opposition déclarée au marxisme vulgaire quis’accompagne de l’adoption implicite de positions marxiennes (et, par-tant de là, poulantzasiennes) est du même ordre que le paradoxe qui faitque Poulantzas rejette l’épistémologie et la théorie générale de Foucaulttout en adoptant tactiquement les idées de Foucault en matière d’ana-lyse du pouvoir. C’est pourquoi Balibar est en mesure de proposerl’« hypothèse » générale suivante à propos du rapport entre Marx etFoucault : « Une […] complexité stratégique […] obéit à un schème gé-néral, mais plusieurs fois réitéré, dans lequel on passe d’une rupture àune alliance tactique, la première entrainant une critique globale du

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marxisme comme “théorie”, et la seconde un usage partiel d’énoncésmarxistes ou compatibles avec le marxisme. On peut même suggérerque ceux-ci sont à la fois de plus en plus limités et de plus en plusspécifiquement marxistes. Ainsi, contradictoirement, l’opposition avecla “théorie” de Marx ne cessera de se creuser cependant que la conver-gence avec des analyses et des concepts déterminés de Marx deviendraplus significative. Ajoutons que ce n’est pas quand Foucault a le pluscité Marx qu’il s’en est le plus servi, mais que ce n’est pas non plusquand il l’a lu au plus près qu’il en a proposé les critiques les plus radi-cales » (Balibar 1989 : 71-72).

On observe également ce mouvement dans les positions fluctuantesde Foucault en ce qui concerne les micro-révoltes et la lutte politique.Car tout en célébrant la dispersion infinie des résistances éparses et desmicro-révoltes, il a ultérieurement été amené à reconnaître que cesrésistances étaient nécessairement réajustées, renforcées, modifiées pardes stratégies globales de transformation. Selon Foucault, les résis-tances ont besoin d’être coordonnées de même que la classe dominanteorganise ses stratégies afin d’assurer son propre « surpouvoir » (ou do-mination politique) dans les diverses relations de pouvoir (1976a :HS1 : 127 ; 1977b : DE2 : 201-2 ; 1977c : DE2 : 306 ; 1973 : 60). Onvoit donc qu’il se rapproche des positions que Poulantzas défend dansEPS, ce qui signifie que la critique de Foucault que mène Poulantzasdans son livre était mal instruite, ou, pour le moins, étant donné lesévolutions en cours de la théorie de Foucault, prématurée.

Ainsi, en dépit de leurs postulats de départ opposés, aux deux ex-trêmes d’un continuum micro-macro qu’ils concevaient néanmoins defaçon presque identique, Poulantzas et Foucault semblent partager lebesoin d’expliquer l’unité globale des systèmes de domination en ayantrecours à la codification stratégique des relations de pouvoir. Ce pro-cessus est à la fois intentionnel et sans sujet. Il est intentionnel car toutpouvoir implique une série de buts et d’objectifs, qui sont souvent fortexplicites au niveau limité où ils s’inscrivent dans certains appareils ausein de l’Etat (1976a : HS1 : 123-124) ; paraphrasé par Poulantzas dansEPS : 149). Foucault renvoie ici aux programmes explicites de réorga-nisation des institutions, de réaménagement des espaces, de régulationdes conduites (1980 : 847-9). Mais il est sans sujet car la résultante del’entrechoc de micropolitiques diversifiées ne peut se comprendrecomme la conséquence du choix ou de la décision d’un sujet individuel,de groupe ou de classe (cf. Foucault 1976a : HS1 : 123-125 ; PoulantzasEPS : 32-3, 149). Les choses ne se passent jamais comme prévu car

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« […] en fait des stratégies différentes venaient s’opposer, se composer,se superposer et produire des effets permanents et solides qu’onpourrait parfaitement comprendre dans leur rationalité même, bienqu’ils ne soient pas conformes à la programmation première : c’est celala solidité et la souplesse du dispositif » (Foucault 1980 : DE2 : 847).

Autrement dit, comme Foucault l’a formulé ailleurs : « la logiqueest encore parfaitement claire, les visées déchiffrables, et pourtant, ilarrive qu’il n’y ait plus personne pour les avoir conçues et bien peupour les formuler » (1976a : HS1 : 124). De même, pour Poulantzas, lapolitique de l’Etat reste certes déchiffrable comme calcul stratégique,mais plus encore comme résultante d’une coordination conflictuelle demicropolitiques et tactiques explicites et divergentes que comme for-mulation rationnelle d’un projet global et cohérent (EPS : 33, 149).

Conclusions

Il reste des différences fondamentales entre les œuvres de Foucaultet de Poulantzas qui ont perduré pendant l’ensemble de leur période defécondité intellectuelle. Théoricien marxiste engagé, Poulantzas a pro-fondément réfléchi aux problèmes liés à la théorie marxiste, cherchaitsurtout à élaborer une théorie de l’Etat capitaliste et du pouvoir d’Etat, aconcentré son attention sur un type d’Etat bien précis, l’Etat capitaliste,plutôt que sur l’Etat moderne en général, a préféré étudier ce typed’Etat une fois constitué plutôt que sa généalogie et, même quand ils’est intéressé à d’autres sujets, les a toujours reliés à la nature de l’Etaten tant que rapport social. En revanche, Foucault a rejeté les ambitionsthéoriques d’un marxisme qui prétendait être la seule méthode scienti-fique mais a parfois flirté avec des concepts marxistes, a profondémentréfléchi au statut arbitraire de la vérité théorique mais a changé sa façond’aborder ce problème au cours du temps, a traversé une succession deruptures théoriques concernant l’objet de sa théorie et les principesméthodologiques, s’est concentré sur l’étude de la généalogie de l’Etatdans les sociétés capitalistes émergentes et a généralement préférés’intéresser à d’autres sujets que l’analyse de l’Etat. Néanmoins, au furet à mesure de l’évolution des préoccupations théoriques de Foucault,qui sont passées de l’étude de la micro-physique de la société discipli-naire et de son anatomo-politique à celle de la codification stratégiqueplus générale d’une pluralité de discours, de pratiques, de technologiesde pouvoir et à l’étude d’ensembles institutionnels liés à une rationalitégouvernementale spécifique qui s’intéresse au corps social (le biopou-

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voir) dans une société capitaliste établie, on peut repérer dans sonœuvre une convergence croissante avec les idées et les arguments qu’ontrouve chez Poulantzas. A l’inverse, au fur et à mesure de l’évolutiondes préoccupations théoriques de Poulantzas, qui sont passées de latentative de fonder un science marxiste autonome de la politique à uneétude de l’Etat comme condensation institutionnelle d’un équilibre ins-table de forces sociales, il s’est de plus en plus intéressé à ce que lestravaux de Foucault sur le pouvoir et les stratégies pouvaient avoir depertinent pour sa propre tentative d’élaborer une théorie de l’Etat.

L’influence de Foucault sur Poulantzas est plus forte que ne le re-connaissent ceux qui voient dans son œuvre un exemple de marxismestructuraliste. Cette influence va plus loin qu’un simple flirt avec le lan-gage de Foucault. Car Foucault et lui en sont venus à partager uncertain nombre de positions essentielles sur la question du pouvoir et dela stratégie et sur les raisons de l’unité relative et de la cohésion des for-mations sociales. Ils ne parlent pas du pouvoir comme on invoque unprincipe d’explication extérieur aux relations sociales spécifiques maisl’envisagent au contraire comme un phénomène relationnel qui doit lui-même faire l’objet d’une explication. En développant cette approche, ilsont chacun à leur façon attiré l’attention sur la nature stratégique desrelations de pouvoir et sur le rôle important que joue l’articulation dedifférents lieux, modalités et rationalités de pouvoir dans la stabilisation(ou la déstabilisation) de lieux individuels. Ceci exclut toute théoriegénérale du pouvoir au profit d’une série de généalogies de la construc-tion nécessaire et contingente de modèles particuliers d’ordre et dedésordre social. Mais aucun des deux analystes n’a pris conscience desproblèmes découlant du choix en guise de point de départ d’un conti-nuum micro-macro dont les deux pôles extrêmes sont définis sous laforme de lieux institutionnels spécifiques et d’une société dont leslimites sont celle d’un Etat-nation. Ainsi, tandis qu’ils mettaient res-pectivement l’accent sur l’un ou l’autre de ces pôles, leur argumentationoscillait. C’est seulement en reformulant les pôles du continuum qu’ilsont parcouru qu’on peut éliminer leurs incohérences. Il faut absolumentremettre en question la nécessaire fixité du niveau macro et l’apparentefluidité du niveau micro. Ce qui permet d’élargir l’espace à partir du-quel peuvent s’appliquer le type d’analyses du pouvoir et de la stratégieque Poulantzas et Foucault préconisaient. Cela atténue la tendance dePoulantzas à ramener tous les rapports sociaux à une nécessaire domi-nation de classe et la tendance de Foucault à nier l’existence d’un ordremacro-social et à lui substituer une approche nominaliste de la diversité

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au niveau micro-social. Les stratégies globales peuvent alors êtreconsidérées comme des moyens de réduire la complexité des rapportssociaux et de les fixer d’une façon temporaire, provisoire et toujoursinstable. Comme moyens de description et d’identification des sociétés,de telles stratégies simplifient nécessairement la réalité des rapports so-ciaux et de ce fait marginalisent les interprétations et les stratégies al-ternatives. Par conséquent, un surplus de sens et de pratiques esttoujours disponible, prêt à être réutilisé dans de nouvelles stratégies etrapports de pouvoir qui peuvent exploiter la polyvalence des modèlesdominants. Une approche de ce type de la structure et de la stratégiepermet de dépasser les limites de Foucault et de Poulantzas.

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