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M. PANET Ingénieur Civil des Mines Chef de Section D. SANTA LUCIA Assistant Section de Mécanique des Roches Laboratoire Central mesure des contraintes dans les massifs rocheux RÉSUMÉ A L'INTENTION DES PRATICIENS Les poussées qui s'exercent sur le revête- ment d'un tunnel dépendent d'un certain nom- bre de données qu'il est difficile d'estimer a priori ; il faut bien reconnaître qu'actuelle- ment, malgré les récents développements de la Mécanique des Roches, le dimensionne- ment des ouvrages, résulte d'un empirisme qui se fonde d'ailleurs plus sur des senti- ments que sur des constatations réelles et des mesures. L'épaisseur d'un revêtement ne s'écarte pas trop en général de celle dictée par la vieille règle anglo-saxonne du pied- pouce (1 pouce de revêtement pour 1 pied de diamètre de galerie). Le creusement d'un ouvrage souterrain per- turbe un état d'équilibre qui est inconnu. Au- cune théorie ne permet de prévoir d'une façon satisfaisante le tenseur des contraintes initiales dans un massif, et par conséquent les phénomènes d'adaptation du massif condui- sant au nouvel état d'équilibre résultant de l'excavation. On néglige d'ailleurs totalement certains paramètres importants liés à la tech- nique d'exécution : méthode d'attaque, type de soutènement, distance entre le chantier de creusement et celui de mise en place du revê- tement, liaison revêtement rocher... Il importe donc pour faire progresser les connaissances dans ce domaine de pouvoir effectuer de nombreuses mesures afin de confronter les théories et les hypothèses de calcul à des données expérimentales. Ces mesures peuvent être faites soit sur des ou- vrages existants, soit sur des galeries que tous les spécialistes s'accordent à reconnaître aujourd'hui comme un moyen irremplaçable de reconnaissance. Le coût des galeries de reconnaissance peut paraître élevé, dans un crédit d'étude, mais elles seules permettent une estimation raisonnable du coût de l'ou- vrage en diminuant des aléas dont l'incidence peut être très grande ; d'autre part les entre- prises peuvent présenter leurs soumissions dans les meilleures conditions. La technique décrite dans l'article suivant per- met de mesurer les contraintes dans un mas- sif rocheux ou dans un revêtement en béton. La méthode de mesure des contraintes par libération totale consiste à coller une cellule extensométrique sur le matériau sous con- traintes et à annuler ces dernières par un carottage autour de la cellule. On mesure les déformations résultant de la libération des contraintes et en admettant un comportement élastique du matériau, il est alors possible d'en déduire les contraintes. L'appareillage mis au point au Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, permet d'atteindre une profon- deur maximum de quatre mètres. Cette méthode présente le désavantage de nécessiter une libération totale des contrain- tes, et dans certains cas l'hypothèse d'un comportement élastique du matériau introduit des erreurs non négligeables. Par contre, par rapport à d'autres méthodes comme celle du rétablissement des contraintes par un vérin plat, elle permet d'échapper à la zone super- ficielle qui a pu subir des phénomènes de décompression, ou qui a été fracturée ou fis- surée par les travaux de creusement. M. P. 67 Bull. Liaison Labo. Routiers P. e t C h . rv° 3 2 - Juin-Juil. 1968 - Réf. 552

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M. PANET Ingénieur Civil des Mines

Chef de Section

D. SANTA LUCIA Assistant

Section de Mécanique des Roches Laboratoire Central

mesure des contraintes dans les massifs rocheux

RÉSUMÉ A L'INTENTION DES PRATICIENS

Les poussées qui s'exercent sur le revête­ment d'un tunnel dépendent d'un certain nom­bre de données qu'il est difficile d'estimer a priori ; il faut bien reconnaître qu'actuelle­ment, malgré les récents développements de la Mécanique des Roches, le dimensionne-ment des ouvrages, résulte d'un empirisme qui se fonde d'ailleurs plus sur des senti­ments que sur des constatations réelles et des mesures. L'épaisseur d'un revêtement ne s'écarte pas trop en général de celle dictée par la vieille règle anglo-saxonne du pied-pouce (1 pouce de revêtement pour 1 pied de diamètre de galerie).

Le creusement d'un ouvrage souterrain per­turbe un état d'équilibre qui est inconnu. Au­cune théorie ne permet de prévoir d'une façon satisfaisante le tenseur des contraintes initiales dans un massif, et par conséquent les phénomènes d'adaptation du massif condui­sant au nouvel état d'équilibre résultant de l'excavation. On néglige d'ailleurs totalement certains paramètres importants liés à la tech­nique d'exécution : méthode d'attaque, type de soutènement, distance entre le chantier de creusement et celui de mise en place du revê­tement, liaison revêtement rocher...

Il importe donc pour faire progresser les connaissances dans ce domaine de pouvoir effectuer de nombreuses mesures afin de confronter les théories et les hypothèses de calcul à des données expérimentales. Ces mesures peuvent être faites soit sur des ou­vrages existants, soit sur des galeries que tous les spécialistes s'accordent à reconnaître aujourd'hui comme un moyen irremplaçable

de reconnaissance. Le coût des galeries de reconnaissance peut paraître élevé, dans un crédit d'étude, mais elles seules permettent une estimation raisonnable du coût de l'ou­vrage en diminuant des aléas dont l' incidence peut être très grande ; d'autre part les entre­prises peuvent présenter leurs soumissions dans les meilleures conditions.

La technique décrite dans l'article suivant per­met de mesurer les contraintes dans un mas­sif rocheux ou dans un revêtement en béton. La méthode de mesure des contraintes par libération totale consiste à coller une cellule extensométrique sur le matériau sous con­traintes et à annuler ces dernières par un carottage autour de la cellule. On mesure les déformations résultant de la libération des contraintes et en admettant un comportement élastique du matériau, il est alors possible d'en déduire les contraintes. L'appareillage mis au point au Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, permet d'atteindre une profon­deur maximum de quatre mètres.

Cette méthode présente le désavantage de nécessiter une libération totale des contrain­tes, et dans certains cas l'hypothèse d'un comportement élastique du matériau introduit des erreurs non négligeables. Par contre, par rapport à d'autres méthodes comme celle du rétablissement des contraintes par un vérin plat, elle permet d'échapper à la zone super­ficielle qui a pu subir des phénomènes de décompression, ou qui a été fracturée ou fis­surée par les travaux de creusement.

M. P.

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B u l l . L i a i s o n L a b o . R o u t i e r s P. e t C h . rv° 3 2 - J u i n - J u i l . 1 9 6 8 - R é f . 5 5 2

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INTRODUCTION

Mécaniciens, géologues, géophysiciens, se penchent depuis longtemps sur le problème de la répartition des contraintes dans l'écorce terrestre et de l'in­fluence du relief. Les hypothèses qui sont à la base de leurs études sont toujours contestables tant qu'elles ne sont pas confirmées par des mesures. Le problème revêt une importance toute particulière pour l'ingénieur chargé de l'étude d'un ouvrage sou­terrain, dont la stabilité dépend de l'état d'équilibre naturel que les travaux perturbent.

Le problème est difficile et la confusion qui existe actuellement dans la terminologie témoigne de cette complexité. Il importe donc de bien définir les ter­mes.

Nous désignerons par o-„ le tenseur des contraintes initiales qui existent dans un massif avant le début des travaux. L'exécution des travaux modifie l'état d'équilibre initial et conduit à une nouvelle distri­bution des contraintes, soit o-. Nous appellerons, contraintes induites les contraintes o-¡ définies par :

o-¡ = a — o- 0

Contraintes initiales : La grande difficulté réside dans le fait que les contraintes initiales ne sont pas connues car des méthodes de calcul à l'aide d'ordinateurs permet­tent de déterminer de façon plus ou moins appro­chée les contraintes induites par l'ouvrage.

— On écrit très souvent que la contrainte vert i­cale r /g est égale au poids des terrains susjacents ; mais cela n'est pas toujours le cas, en particulier sous les reliefs accidentés, et dans les terrains hétérogènes et fracturés où les efforts verticaux peuvent se reporter par des effets de voûte. La contrainte horizontale o-£ est alors prise égale à K 0 c r ^ . K 0 étant un coefficient prenant des va­leurs généralement inférieures à 1, mais qui peuvent être supérieures.

Dans le cas d'un massif élastique semi-infini, en écrivant que sous l'effet de la pesanteur les défor­mations horizontales sont nulles on trouve K 0 = •—̂ —

1-v où v est le coefficient de Poisson ; K„ est alors voi­sin de 1/3. — Très tôt le géologue suisse Heim [1] * était arrivé à la conclusion d'une répartit ion hydrosta­tique des contraintes à grande profondeur (K 0 = 1). Les roches soumises à des contraintes déviatori-ques subissent un fluage très lent et les contraintes évolueraient vers une répartition hydrostatique. Cependant cette distribution hydrostatique n'a jamais été rencontrée même dans les travaux les plus profonds ; il est vrai qu'il s'agit toujours de travaux très superficiels à l'échelle du globe ter­restre.

— Des valeurs de K„ supérieures à 1 ne sont pas exceptionnelles ; les mécaniciens des sols en ont rencontré dans des argiles surconsolidées ; N. Hast [2] a mesuré dans le bouclier Scandinave des contraintes horizontales trois fois supérieures aux contraintes verticales.

— Lorsque la surface du sol n'est pas horizontale, les directions verticale et horizontale ne sont pas principales pour le tenseur des contraintes.

— Jean Goguel [3] fait l 'hypothèse d'une relaxation dans le temps des tensions internes dans l'écorce terrestre, c'est-à-dire une déformation permanente à volume constant. Il a étudié la distribution des contraintes sous les versants et sous une série de chaînons parallèles.

— On peut considérer que les contraintes initiales résultent de la superposition de contraintes dues au champ de gravité et de contraintes dites résiduelles qui sont dues soit à l'évolution du relief, soit à l'histoire tectonique du massif. Dès que le relief est très accidenté, il est difficile de connaître la dis­tribution des contraintes résultant du seul champ de gravité, même dans l'hypothèse d'un milieu élasti­que isotrope qui est très discutable. Si l'on admet un comportement rhéologique différent du matériau, la complexité du problème s'accroît encore. Par leur nature même, les contraintes résiduelles sont encore plus mal connues ; on les fait intervenir lors­que le seul champ de gravité ne peut pas expli­quer certains phénomènes ou le résultat de cer­taines mesures.

METHODES DE MESURE DES CONTRAINTES DANS UN MASSIF ROCHEUX

Il apparaît ainsi que les théories ne permettent pas de prévoir les contraintes initiales dans un mas­sif rocheux. Aussi de nombreux chercheurs, en par­ticulier dans les mines, s'efforcent de mesurer cet état de contraintes.

Il serait particulièrement intéressant de pouvoir effectuer des mesures sans avoir à pénétrer dans le massif. Mais, jusqu'à présent, les méthodes géo­physiques ont été incapables de donner des résul­tats quantitatifs. On a songé à utiliser les méthodes résistives, mais surtout les mesures des vitesses de propagation des ondes dans le massif rocheux.

Dans un milieu parfaitement élastique, E étant le module d'Young, v le coefficient de Poisson et p la masse volumique, les vitesses de propagation des ondes longitudinales V L et des ondes trans­versales V T sont données respectivement par :

* Les chiffres entre crochets renvoient aux références bibliographiques en fin d'article.

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. . E 1 — v

A '? 0 + v ) " ( f - 2 v )

Mais les roches n'ont pas un comportement parfai­tement élastique et, si dans un essai de compres­sion simple, J , représente la contrainte axiale et

Î 4 et s3 respectivement les déformations axiale et

latérale, le module tangent -r— et le coefficient d ii

-,— varient avec la contrainte at. d E i

Il en résulte des variations de Vi_ et V T qui théo­riquement devraient permettre de déterminer E , et £3 (f'9- !)• Mais, dans la plupart des cas, les rela­tions exactes entre module statique et module dyna­mique sont difficiles à établir ; la méthode manque totalement de précision et ne peut donner que des indications qualitatives. •— Aussi on utilise généralement des essais méca­niques, pour ia réalisation desquels on est obligé de creuser des galeries ou de faire des sondages qui perturbent l'état initial des contraintes.

Fig. 1 - Relations entre les vitesses de propagation des ondes et les courbes effort - déformation d'une roche élas'to-fragile avec serrage.

dans son principe. Il n'en est pas de memé* pour déterminer les contraintes à l'Intérieur d'un massif rocheux. Pour y accéder on doit faire un forage. Par les méthodes utilisées jusqu'ici, on ne mesure que les contraintes principales dans un plan perpen­diculaire à l'axe du forage. On fait en général en sorte que l'on puisse admettre valablement que l'axe du forage soit une direction principale du ten­seur des déformations.

Principe des méthodes de libération des contraintes Le principe commun à toutes les méthodes de mesure des contraintes in situ est celui de la libé­ration des contraintes.

Considérons un milieu soumis à un état de

contrainte défini par le tenseur o-0 et décomposons le en petits éléments de volume dv. Du fait de l'état de contrainte, chacun de ces petits éléments est soumis à une déformation permanente. Consi­dérons au point M l'élément dv ; si on soustrait cet élément aux actions mécaniques des éléments voi­sins, il subit une déformation définie par e (M). Si on mesure t (M) et si l'on connaît le comportement

rhéologique du matériau, on peut connaître o- (M). En général on admet un comportement élastique du matériau et _

7 (M) = D 7 (M)

où D représente la matrice d'élasticité.

Si l'élément ne subit plus aucune action des élé­ments voisins, il y a libération totale des contrain­tes, dans le cas contraire il y a libération partielle.

Ainsi pour déterminer complètement le tenseur contrainte en un point, il faut faire six mesures de déformations ; pour un problème plan, il suffit de faire trois mesures pour déterminer les déforma­tions principales, et leur orientation. La détermina­tion des contraintes sur une paroi est donc simple

MESURE DES CONTRAINTES PAR LIBERATION TOTALE AU FOND D'UN TROU DE FORAGE

La méthode que nous allons décrire, dont le prin­cipe a déjà été utilisé par E.R. Leeman [5], permet de mesurer les contraintes au fond d'un trou de forage (fig. 2). Pour cela on colle une rosette à trois jauges électriques de déformation sur le fond d'un trou de sondage préalablement surface. On libère les contraintes en reprenant le carottage au­tour de la rosette.

La profondeur du carottage nécessaire pour annuler l'état de contrainte à l'extrémité de la carotte où sont collées les jauges est de une fois et demie le diamètre de la carotte d'après les essais en photo-élasticité (Rambosek A.J. [6]) et les essais sur modèles (Leeman E.R., Hoskins E.R. [7]).

Fig. 2 - Schéma de principe de la méthode de libération totale

au fond d'un trou de sondage.

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Fig. 3 - Réalisa­tion de deux fo­r a g e s orientés suivant des di­rections princi­pales du tenseur des contraintes, pour déterminer les contraintes principales (o-i,

y, ".0 CT2

On peut alors connaître les déformations princi­pales s i et s 4 et leur orientation. Les contraintes principales sur le fond du trou sont données par :

(Sj + V El)

1 - v 2

E 1

Mais o- ' i et o-'o sont les contraintes après exécu­tion du forage ; il faut relier o - ' i et o-' 2 aux contraintes principales (<jx, a 2 , a 3 ) existant avant l 'exécution du forage.

Nous supposons que l'axe du forage est orienté suivant une direction principale, celle de a 3 .

Les expériences au Laboratoire de Leeman ont montré que dans le cas où <r3 = 0 le facteur de concentration des contraintes dans la partie cen­trale au fond du trou est de 1,53 c'est-à-dire que

a-\ = 1,53 o-j et a 2 = 1,53 <r2

Plus récemment grâce à des essais sur un cadre biaxial, E.R. Hoskins a confirmé les résultats obte­nus par Galle et Wi lhoi t [8] sur un modèle photo­élastique. Ces essais montrent l'influence de la contrainte parallèle à l'axe du forage soit o-3.

Les déformations mesurées ei et e3 sont alors liées à o-j, o-2 et o-3 par les deux relations

l Es, = 1,56 a ! — 1,56 v 0 -2 — 1,04 (1 — v) <T3

I E E s = 1,56 <r2 — 1,56 v a i — 1,04 (1—v) a 3

En négligeant l'influence de a 3 , on sous-estime et a 2 -

D'autre part les expériences de Van Heerden [9] montrent que si l'axe du forage ne coïncide pas avec une direction principale on introduit une erreur qui est loin d'être • négligeable : elle est de 25 % pour un angle de 25° entre l'axe du forage et une direction principale.

En conclusion, pour déterminer correctement les contraintes en un point d'un massif rocheux, il faut faire des essais dans deux forages orientés chacun suivant une direction principale (fig. 3). Ceci est en général difficilement réalisable ; et les résultats obtenus donnent surtout un ordre de grandeur. Mais cela constitue déjà une contribution intéressante, étant donné l'ignorance qui est la nôtre en ce domaine.

En général on fait l 'hypothèse que la verticale est une direction principale ; si on est près d'une paroi, la direction perpendiculaire à cette paroi sera en général une direction principale ; pour les mesures plus éloignées des parois, la structure géologique peut être un guide intéressant.

— La technique de la méthode que nous allons décrire, peut aussi être utilisée pour mesurer les contraintes dans le béton ; nous l'avons utilisée en particulier pour déterminer les contraintes dans des revêtements "de tunnel.

MISE EN ŒUVRE DE LA METHODE

— La mesure comprend successivement les phases suivantes :

a) — Forage d'un trou jusqu'à la profondeur dési­rée. b) — Surfaçage du fond du trou. c) — Collage de la cellule extensométrique qui consiste essentiellement en une rosette de trois jauges à fil résistant. On fait alors un pré-équil i­brage des trois jauges avec le pont de mesure. d) — Reprise du forage en carottant d'une longueur suffisante pour l ibérer totalement les contraintes.

e) — Mesure des déformations.

Matériel de forage. Les forages ont un diamètre voisin de 100 mm. Pour les mesures profondes dans le rocher, les forages sont réalisés avec une sondeuse Craelius du type XCH 60 équipée d'un moteur électrique tr i ­phasé 380-220 V de 30 ch. Les couronnes utilisées sont, soit des couronnes en imprégnation diaman­tee soit des couronnes en pierres entières. Pour éviter les déviations du trou, on utilise des carot-tiërs de 0,50 m, de 1,50 m ou de 3 m. C'est le Laboratoire Régional de Lyon qui exécute ces fora­ges (fig. 4).

Pour les mesures en surface on utilise une carot-teuse Acker du type Ambassadór équipée d'un mo­teur électrique monophasé 110 V d'une puissance de 3,5 ch. Cette machine utilisée en particulier pour les mesures dans les revêtements en béton est très maniable, ce qui permet une mise en place rapide. La stabilité est assurée par la camionnette-atelier aménagée à cet effet (fig. 5).

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i / 1 venn • 2 patins de centrage a 1?0°/<^ J^

Fig. 7 - Surfaceuse du fond du trou de sondage dans le rocher (appareil réalisé au L.C.P.C.)-

Centrage

Tube i n te r changeab le

/ Moteur

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Surfaçage

Lorsqu'à la fin d'une passe de carottage, on casse la carotte avec un extracteur, on obtient des irrégu­larités pouvant aller jusqu'à 2 cm qu'il faut aplanir. Dans les mesures en surface sur le béton, il faut éliminer la laitance. Enfin pour obtenir un bon col­lage des extensomètres, il faut réaliser un bon polissage.

Pour réaliser cet état de surface, nous disposons de deux surfaceuses à meule diamantee, que nous utilisons selon le matériau et la profondeur. Le sur­façage se fait par passes successives afin d'obtenir une surface plane. Les deux appareils sont conçus pour pouvoir déplacer l'axe de rotation de la meule parallèlement à lui-même au cours d'une même passe, une meule à axe de rotation fixe ne permet­tant pas le surfaçage.

— Surfaceuse pour béton et mesures peu pro­fondes ( < 1 m) (fig. 6). Cet appareil permet de dresser une surface de 60 mm de diamètre. Un moteur électrique de 220 V tournant à 20 000 t/mn entraine, par l'intermédiaire d'un flexible, la meule diamantee de 26 mm de diamètre. Au cours d'une même passe, la tête étant bloquée, d'une part un système pignon crémaillère permet de déplacer l'axe de rotation de la meule dans un plan diamé­tral, d'autre part on peut manuellement faire tourner l'axe de rotation de la meule de 360° par rapport à l'axe du trou. Ainsi la meule peut balayer toute la partie centrale du trou. Cet appareil a une longueur de 1,55 m et pèse 23 kg.

— Surfaceuse pour rocher dur utilisable jusqu'à une profondeur de 4 m (fig. 7). Cet appareil a été conçu et réalisé par la Section du Matériel du L.C.P.C. Un moteur électrique de 3 ch entraîne une meule composée de deux couronnes diamantees concentriques par l'Intermédiaire d'un flexible. La tête de l'appareil en acier inoxydable comprend un corps intérieur portant la meule qui peut tourner à l'intérieur d'un cylindre. Ce cylindre extérieur est maintenu fixe contre les parois du sondage par trois patins disposés à 120° les uns par rapport aux autres ; deux de ces patins sont fixes, le troisième qui a une course de 2 mm est actionné par trois petits vérins. La rotation du corps dans le cylindre extérieur permet la rotation de l'axe de la meule autour de l'axe du trou. Cette rotation est assurée manuellement par l' intermédiaire d'un tube qui porte à l'autre extrémité le moteur d'entraînement de la meule et dans lequel passe le flexible.

Il y a deux ensembles barre : f lexible, de 4 m et de 2 m de long ; le poids maximum de l'appareil est de 97,5 kg.

Les meules diamantees sont refroidies grâce à un arrosage à l'eau. Avant de coller la cellule, il faut sécher le trou. Pour cela on envoie de l'air chaud grâce à un compresseur ayant une cuve de 500 I et un réchauffeur d'air (220 V - 5 000 W). Le compresseur possède des pistons à segments au carbone afin d'éliminer dans l'air toute trace d'huile qui nuirait au collage. Le séchage dure environ

30 mn. Pour rétablir la température initiale on maintient le courant d'air à la température ambiante pendant 30 mn.

Cellule extensométrique - Mesure des déformations

Les déformations de la carotte sont mesurées par des jauges à fil résistant. On utilise une rosette de trois jauges disposées à 45° ou à 120° les unes par rapport aux autres pour définir dans le plan de mesure les déformations principales et leur orien­tation.

Les déformations longitudinales sont liées aux

A R variations de résistance —=-- par la relation :

R

A R Al

R = K T où K est un « facteur de jauge » donné par le fabri­cant ; il dépend de la forme de la jauge et de la nature du métal qui la constitue. Les variations de résistance sont mesurées par un pont extensomé­trique dont le principe est celui du pont de Wheat-stone.

Les principales difficultés rencontrées dans la mise au point de ces mesures ont été dues aux varia­tions de température et à la protection des jauges contre l'humidité.

Variations de température

Le carottage lors de la libération des contraintes produit des variations de température au voisinage des jauges, que l'on peut minimiser mais qu'il est illusoire de vouloir contrôler complètement. Ces variations de température sont liées à l'énergie dé­pensée par le carottier et à l'eau de refroidisse­ment, et sont par conséquent fonction de nombreux paramètres tels que pression sur l'outil, vitesse de rotation, pression et débit de l'eau, coefficient de conductibil i té thermique de la roche, durée du carottage...

Or une variation de température entraîne une varia­tion de résistance de la jauge résultant de la dila­tation du support sur lequel est collée la jauge, de la déformation du fil dont est faite la jauge, et d'une variation de résistivité du métal. Dawance et Wia-necki ont proposé la formule suivante donnant la variation de résistance d'une jauge à fil collée sur un support et soumise à une variation de tempéra­ture A 6.

A R

R,>

ou

j3 + «s K + (a s — af) 2v

A R

A6.

B est défini par — = /?A6 pour la jauge non Ro

collée sur un support

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af est le coefficient de dilatation du fil

a s est le coefficient de dilatation du support

v est le coefficient de Poisson du fil.

Pour des jauges Tokyo Sokki type PL 30 collées sur du béton on a :

a f == 14,5 x 10- 6 °C ; ï s = 1 0 - 5 ° C ; K = 2 ; ¡3 = 23,3 10" 8 ; v = 0,3.

soit -5- = 6 x 10- 6 A O .

Des expériences du groupe extensométrique du L.C.P.C. dirigées par M. Châtelain ont montré que l'on pourrait considérer que cet ordre de grandeur est valable. Or les mêmes expériences ont mis en évidence qu'en prenant des précautions pour le carottage, les variations de température sont de 3 à 4°C et conduisent donc à des erreurs importantes.

• Pour remédier à ces effets parasites des varia­tions de température, on utilise en général la méthode de la jauge de compensation. Cette méthode consiste à mettre dans une branche du pont de Wheatstone adjacente à la jauge active une jauge identique collée sur le même support et subissant les mêmes variations de température. Nous avons essayé cette méthode en incorporant dans une cellule une jauge à fil identique aux jau­ges actives collées sur une petite plaquette du même matériau. Mais la compensation thermique n'était atteinte qu'après plusieurs heures d'attente. D'autres perturbations peuvent alors s'introduire, et nous avons renoncé à cette méthode.

• Nous util isons maintenant la technique de l'auto-compensation. Les jauges autocompensées sont des jauges à trame pelliculaire dont la résistance ne varie pas avec la température lorsqu'elles sont col­lées sur un matériau donné. En fait l 'autocompen-sation n'est réalisée correctement (à 5 x 10" f i près) que dans une plage de température. Il existe dans le commerce, des jauges autocompensées pour les alliages courants. Or, il se trouve que le béton et les roches ont des coefficients de dilatation ther­mique voisins de celui de certains alliages. On détermine donc le coefficient de dilatation thermi­que de la roche ou du béton et on prend la jauge la mieux adaptée. Il faut vérif ier l'efficacité de l'au-tocompensation au laboratoire par des essais dans une étuve où on fait varier la température de 10°C, et le meilleur type de jauge est obtenu par tâtonne­ments.

Nous avons par exemple utilisé les jauges sui­vantes : — pour le béton du revêtement du tunnel du Mont-Blanc : jauge type E.P. 08. 250. RA de la société Micro-mesures. Ce sont des jauges à grand allon­gement à coefficient de compensation thermique 8 x 10-"°F soit 14 x 10-«oc ; la partie active de la

s u r b e t o n s u r p r o t o g i n e

F l g . 8 - Essa i s e n t e m p é r a t u r e d e s c e l l u l e s , s u r p r o t o g i n e e t s u r b é t o n .

jauge a une longueur de 6,25 mm ; ce sont des rosettes avec trois jauges disposées à 45° les unes par rapport aux autres. — pour la protogine (granité du massif du Mont-Blanc) : jauge type EP. 05. 250. RA de la société Micro-mesures.

Les courbes (fig. 8) montrent l'évolution dans le

temps des lectures en -j- due à un échauffement

de 10°C après mise à zéro du pont de mesure. Un échauffement de 10°C est très supérieur à ceux qui peuvent résulter du carottage in situ. Avec certaines précautions, relatives à la température de l'eau de refroidissement, et à la vitesse de foration, des essais ont montré que cet échauffement pouvait rester inférieur à 2°C. La précision des mesures de déformation est alors de 10~5.

Protection contre l'eau et l'humidité

La moindre trace d'humidité sur les jauges diminue les isolements et empêche toute mesure. Il faut donc protéger celles-ci efficacement contre l'eau du carottage. Celle-ci est entraînée par la rotation du carottler et si le forage dure trop longtemps elle imbibe toute la carotte. Pour ces raisons nous avons renoncé à coller directement les jauges sur le fond du trou. Elles sont collées sur une feuille de polycarbonate de 3/10 mm d'épaisseur parfaite­ment isotrope. Les jauges par l' intermédiaire de relais sont connectées à une prise mâle à contacts argentés à 7 broches. Le tout, à l'exception des broches, est enrobé dans un caoutchouc synthé­tique « Silastène RTV 860». Si la cellule est réalisée avec tout le soin nécessaire, la protection est très efficace (fig. o).

Mesures

Les mesures sont faites à l'aide d'un pont d'exten-sométrie transistorisé autonome Budd type 350 et d'une boîte de commutation à 10 voies avec pré­équilibrage. Le pont est à courant porteur 1 000 Hz et à affichage digital direct. Pour diminuer les effets parasites des variations de température sur les fils de connexion, on utilise le montage « 3 fils ».

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Collage de la cellule Le dispositif permettant de coller la cellule au fond d'un trou de 100 mm de diamètre (fig. ç) comprend une tête et les tiges de manœuvre. La tête en duralumin porte des ressorts pour centrer et main­tenir la cellule en place. Elle est liée à un tube extérieur qui permet d'appliquer une pression pen­dant le collage. Dans le tube coulisse un autre tube portant à une extrémité une fiche femelle à 7 broches ; les fils de connexion avec te pont d'ex-tensométrie se trouvent dans le tube intérieur. Une vis rend les deux tubes solidaires pendant le col­lage.

Le centrage de la cellule est obtenu par des guides comportant trois roulettes s'appuyant sur les parois du sondage. Après le collage et pendant le pré­équilibrage des trois voies de mesures correspon­dant aux trois jauges, on retire légèrement le tube extérieur pour supprimer toute pression sur la cellule.

Mesure des déformations

Après avoir carotté sur 40 cm environ, on casse la carotte et on fait une mesure des déformations. On suit l 'évolution des mesures pendant plus d'une heure, ce qui permet de vérifier la compensation thermique, qui s'établit en général au bout de 15 à 20 mn. Deux exemples de mesure, l'un en sur­face sur le revêtement du tunnel du Mont-Blanc, l'autre dans le massif rocheux sont donnés sur la fig. io.

Résultats

A partir des déformations mesurées par les trois jauges, on détermine les déformations principales £i et t., et leur direction, soit par le calcul soit par méthode graphique.

Fig. Tunnel sous le Mont Blanc PM 4385 D - Mesure à la paroi. DETERMINATION GRAPHIQUE DES DEFORMATIONS PRINCIPALES. Mesures dans le béton - Rosette à 45°.

Fig. 9 - Cellule de mesure des déformations et disposit if de mise en place (appareil réalisé au L.C.P.C.).

ta = 9 8 0 . I0 '

£ , b = 4 3 0 . 1 0 " 6 6 c r 3 2 0 . 1 0 ' 6

Tunnel sous le Mont Blanc PM 5635 - Mesures à 2,50 m de la paroi. DETERMINATION GRAPHI­QUE DES DEFORMATIONS PRINCIPALES. Me­sure dans la protogine - Rosette à 120°.

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Pour connaître les contraintes on détermine le mo­dule d'élasticité E et le coefficient de Poisson v, si on peut faire l 'hypothèse de l'élasticité et de l'iso­tropie du milieu.

On en déduit :

TT ( s i + V £ s )

Ei et v sont déterminés à partir d'essais de com­pression sur des éprouvettes 0 = 50 mm — élance­ment 2,5. On colle sur le tiers central 3 jauges de 30 mm de partie active à 120° les unes par rap­port aux autres suivant les génératrices et trois jauges perpendiculaires aux précédentes de 10 mm de partie active. On soumet l 'éprouvette à 3 cycles de chargement.

C O N C L U S I O N S

Lorsque les essais sont réalisés dans de bonnes conditions, les déformations résultant de la libéra­tion des contraintes peuvent être mesurées à ± 1 x 10" 5 près par la méthode décrite ci-dessus. Cependant, la précision sur la détermination des contraintes est plus difficile à apprécier, car elle dépend essentiellement de la valadité de l'hypo­thèse d'un comportement élastique du matériau ; si

' la courbe contrainte-déformation n'est ni linéaire, ni réversible, le choix d'un module d'Young et d'un coefficient de Poisson s'avère très approximatif.

D'autres méthodes, comme la technique du vérin plat, fondées sur le principe du rétablissement des contraintes, permettent de se soustraire à l'hypo­thèse sur la linéarité de la courbe effort-déforma­tion. L'avantage de la méthode décrite est de pou­voir faire une mesure en profondeur et d'échapper ainsi aux zones perturbées et décomprimées par l'excavation.

Rédigé en décembre 1967.

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