Billet de Daniel Lavoie L’éducation en Afrique, un...

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FCAF Fédération canadienne pour l’alphabétisation en français Agence canadienne de développement international Billet de Daniel Lavoie Auteur-compositeur-interprète et porte-parole de la FCAF L’éducation en Afrique, un immense défi Pour mieux soutenir les parents peu scolarisés A pprendre à l’âge adulte Revue « À lire » n° 8, édition 2001 A pprendre à l’âge adulte Revue « À lire »

Transcript of Billet de Daniel Lavoie L’éducation en Afrique, un...

F C A FFédération canadienne pourl’alphabétisation en français

Agence canadienne dedéveloppement international

Billet de Daniel LavoieAuteur-compositeur-interprète et porte-parole de la FCAF

L’éducation en Afrique, un immense défi

Pour mieux soutenir lesparents peu scolarisés

Apprendre à l’âge adulteRevue «À lire»

n° 8, édition 2001

Apprendre à l’âge adulteRevue «À lire »

Deux ateliers de formation à votre calendrier deperfectionnement 2001-2002 :

« Écrire simplement » ◆ Apprenez à retenir l’attention

de tous vos lecteurs.

◆ Rendez vos écrits clairs et compréhensibles.

« Pour des communications orales claires »◆ Apprenez à adapter vos

messages oraux.

◆ Tenez compte du niveau decompréhension de vos interlocuteurs

Soyez clairet compris!

Vos messages s’adressent-ilsau grand public?

Diane Pouliot ou Johanne Renaud

Courriel : [email protected]

Téléphone : (613) 749-5333, Sans frais : 1 888 906-5666

Vos messages sont importantset doivent être comprisLe Groupe Communications claires de laFédération canadienne pour l’alphabéti-sation en français (FCAF) offre des séancesde formation sur mesure d’une journée oude deux jours.

La formation peut se donner en milieu detravail, au sein des organisations.

Services du Groupe Communications claires :

◆ Formation de groupe en rédactionsimple et efficace

◆ Formation de groupe encommunication orale claire

◆ Services-conseils en communicationclaire et simple

◆ Séminaires et conférences surdemande

Fédération canadienne pourl’alphabétisation en français (FCAF)235, chemin Montréal, Vanier (Ontario) K1L 6C7

Information :

Revue «À lire»

Mot de Margo Fauchon Présidente de la Fédération canadienne

pour l’alphabétisation en français

Savoir lire et écrire, une richesse

Billet de Daniel LavoieAuteur-compositeur-interprète

et porte-parole de la FCAFLa magie des mots à distance

Toujours plus loin Avec Denyse Papineau, gagnante du Prix de la

francophonie en alphabétisation de 2001

Apprendre à lire dans sa langue maternelleDes adultes qui apprennent à lire en milieu minoritaire

On est sept millions… Il faut se comprendre!Un organisme public proche de ses clients

L’alphabétisme dans quatre pays d’Afrique

◆ L’éducation en Afrique, un immense défi

◆ L’éducation de base au Sénégal,la priorité canadienne pourl’aide au développement

◆ Les Sénégalaises en marche vers l’autonomie

◆ L’alphabétisation des talibés, une expérience nouvelle

◆ Retour d’Afrique Les observations d’une jeunecoopérante volontaire

◆ L’éducation non formelleau Niger

◆ Alphabétisation et développement au Bénin

Pour mieux soutenir les parents peu scolarisés

La Semaine internationale des apprenants adultes

La réalité des mariages exogames

Intégrer les élèves aux communautés francophones, c’est important!

Numéro de publication : 1791877 3À lire 2001

Sommaire5

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En couverturePhotographies deJules Villemaire

P our la Fédération canadienne pourl’alphabétisation en français, savoir lire etécrire, c’est l’accession au statut de citoyen ou

de citoyenne à part entière. Savoir lire et écrire, c’estl’assurance d’une meilleure qualité de vie. Savoir lire etécrire, c’est une porte vers la liberté.

En mars 2001, la FCAF fêtait son dixième anniversairede fondation. La Fédération a consacré les premièresannées de son existence à valoriser l’apprentissage de lalecture. Depuis 1999, elle met davantage l’accent surl’importance de savoir lire et écrire, elle promeut lesavantages de la lecture. La FCAF parle surtoutd’alphabétisme, et plus uniquement d’alphabétisation.

Ce numéro de la revue À lire démontre bien letournant qu’a amorcé la Fédération au cours des deux

dernières années. Le Cahier spécial en alphabétisation s’est renouvelé pourdevenir la revue À lire.

Depuis la première édition en 1995, la revue a évolué sur le plan ducontenu : plus d’articles de fond, plus de recherche. Ainsi, grâce à l’appuifinancier de l’Agence canadienne de développement international, une partiede la revue est consacrée aux initiatives des Canadiens en Afrique dans ledomaine de la formation de base.

Il me fait encore une fois grand plaisir de vous présenter cette édition de larevue annuelle de la Fédération canadienne pour l’alphabétisation enfrançais. Vous y ferez la connaissance de personnes engagées dans le mondede l’éducation et de gens qui veulent prévenir l’analphabétisme.

À la lecture de la revue À lire, vous comprendrez en quoi savoir lire et écrireconstitue une richesse.

Margo FauchonPrésidente de la Fédération canadienne pour l’alphabétisation en français

5À lire 2001

M o t d e l a p r é s i d e n t e

Savoir lire et écrire, une richesse

Nom :

Prénom :

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Adresse :

Ville :

Province : Code postal :

Téléphone :

Âge :

~ diversifié~ vivant~ coloré~ clair~ concis

accessible à tous...

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Information: (418) 644-5819

un magazine

Vous devinez peut-être, et avec raison,que je travaille davantage avec les notes qu’avecles mots. Cela dit, une chanson sans mots n’estpas une chanson. Je dois donc trouver sans cessede jolis mots pertinents à coller sur mes notes.

Depuis quelques années, je travaille avec desauteurs qui, pour la plupart, vivent en France.Comme moi je vis au Québec, il importe que jepuisse discuter du sens des textes avec eux pourpouvoir ajuster les lignes et les rimes à distance.

Le courrier électronique m’offre cette possibilité.Les auteurs et moi échangeons des lettres, parfoisplusieurs par semaine, pour achever et peaufinerdes textes. L’important dans ce genre de corres-pondance, c’est que je puisse réussir à direclairement ce que je veux pour que la personne à qui je m’adresse me comprenne le mieuxpossible. Il est remarquable à quel point je peuxarriver à tout faire juste en échangeant quelqueslettres par courrier électronique.

7À lire 2001

Les auteurs sont responsables des textes publiésdans la revue À lire, édition 2001, et ces textesn’engagent en rien les membres de la Fédérationcanadienne pour l’alphabétisation en français. Lescréations textuelles ou visuelles publiées dans cedocument appartiennent à leur auteur.

La Fédération canadienne pour l’alphabétisation enfrançais reçoit l’appui financier du Secrétariat nationalà l’alphabétisation, secteur du développement desressources humaines. Il importe aussi de mentionnerque cette édition de la revue À lire a pu voir le jour engrande partie grâce à la collaboration financière del’Agence canadienne de développement international(ACDI). À lire a aussi été soutenue par une campagnede financement.

Nous voudrions adresser des remerciements toutparticuliers à Postes Canada. Le dévouement decette entreprise pour notre cause et son appui à ladistribution de cette publication sont aussi précieuxqu’appréciés.

Nous tenons enfin à remercier et à saluer ceux etcelles qui ont contribué de près ou de loin à laréussite de ce projet, que ce soit par leurs idées, leurencouragement ou leur dévouement à la cause del’alphabétisation en français.

RÉDACTIONAliette Beaudet, Suzanne Benoît, Nathalie Drolet,Margo Fauchon, Aliou Kissima Tandia, Diane Laberge,Richard Lacombe, Sindy Langlois, Daniel Lavoie,Janine Legros, Mamadou Ly, Éric Maltais, Jean-François Méthé, Diane Pouliot, Marie-Ève Thérien et Monique Trotier .

PRODUCTION

Conception et coordinationLinda Labrecque et Diane Pouliot

PublicitéRuth Lafrenière

PhotographiesDons de nos membres et de nos collaborateurs

Révision linguistiqueMichelle Martin

ImpressionImprimerie Quebecor inc.

CONSEIL D’ADMINISTRATIONPrésidente : Margo FauchonVice-présidente : Jocelyne LavoieSecrétaire : Suzanne BenoîtTrésorière : Colette AucoinReprésentant des personnes apprenantes : Gaston Betty

ADMINISTRATEURS ET ADMINISTRATRICESSuzanne BellevilleFrédéric CanuelAnne-Marie d’EntremontRoberta GilbertDenis LaporteSylvie SavardNormand Savoie

LE PERSONNELDirectrice générale : Luce LapierreDirectrice des communications : Diane PouliotAgent d’analyse et recherche : Stéfan BergeronSecrétaire administrative : Renée LaurinAdjointe aux agents de projet : Johanne Renaud

FÉDÉRATION CANADIENNE POURL’ALPHABÉTISATION EN FRANÇAIS235, chemin Montréal, bureau 205Vanier (Ontario) K1L 6C7

Téléphone : (613) 749-5333 Sans frais 1 888 906-5666Télécopieur : (613) 749-2252Courrier électronique : [email protected] Internet : http://www.franco.ca/alpha/

ISBN 0-9685402-4-4

La magie des motsà distance

La magie des motsà distance

B i l l e t d e D a n i e l L a v o i e

8 À lire 2001

D enyse Papineau a unevolonté inébranlable. Surmontant la peur, la honte et l’embarras d’ignorer les

vingt-six lettres de l’alphabet,elle prend un jour son courage àdeux mains pour s’inscrire aucentre d’alphabétisation La Griffed’alpha, situé à Mont-Laurier, au Québec. Quatre ans plus tard,sa persévérance et sa passion deslettres lui valent le Prix de lafrancophonie 2001 de l’Associa-tion canadienne d’éducation delangue française.

Mme Papineau est venue de loinpour s’alphabétiser. Ses parentssavaient lire et écrire. Son père,homme instruit, parlait le

français, l’anglais, le latin et l’italien. Ellen’a pourtant pas eu cette chance. « Monfrère et ma sœur ont suivi des cours parcorrespondance, mais moi, on me jugeaittrop nulle pour ça. C’est moi qu’onenvoyait faire des ménages », explique-t-elle.

« J’ai décidé de m’inscrire à La Griffed’alpha parce que c’était rendu un besoinpersonnel et urgent d’apprendre à lire. Je voulais le faire pour moi et cesser detraîner ce secret si pesant. »

C’est après avoir fait part de son projet à son petit-fils qu’elle a décidé de faire legrand saut. « Il avait tellement confianceen moi que ça m’a donné la force de melancer dans cette aventure », affirme-t-elle.

Depuis, Mme Papineau a fait du chemin.Ginette Gauthier, formatrice en alpha-bétisation, reconnaît et applaudit sacuriosité et sa force de caractère. SelonMme Gauthier, son élève a fait de grandsprogrès : « En plus d’avoir beaucoupd’énergie, Denyse a un désir profondd’apprendre. Elle est toujours à larecherche de nouveaux volumes quipeuvent l’aider dans son apprentissage. »

Aujourd’hui âgée de 60 ans, Mme Papineau connaît la valeur de ses nouvelles habiletés. Non seulementelle peut lire, écrire et calculer, mais ellepeut aussi tenir une conversation avecbeaucoup plus de facilité : « Je sais dire lesvraies choses et je le fais avec beaucoupplus de confiance. C’est une richessed’être capable de se défendre avec desmots et de savoir ce qu’ils veulentvraiment dire. »

Le pouvoir des mots lui a d’ailleurs ouvert des portes. Bénévole au sein del’Association du diabète depuis six ans,elle assume maintenant plus de respon-sabilités dans l’organisation et la gestiondes activités. Elle compte égalementrecommencer à faire du bénévolat pour la Saint-Vincent-de-Paul, activité qu’elleavait abandonnée pour se consacrer à LaGriffe d’alpha. « Il faut que je donne demon temps. Je veux aider comme on m’aaidée », confie-t-elle.

Les projets de Mme Papineau ne s’arrêtentpas là. Elle souhaite écrire son histoire,mais en attendant elle aimerait poursuivreses études à l’éducation des adultes : « Jeveux aller aussi loin que possible. Monpetit-fils m’a dit que j’étais capable. Je lecrois aussi. » ■

Toujours plus loinP R I X D E L A F R A N C O P H O N I E 2 0 0 1

Par Marie-Ève Thérien

Par Marie-Ève Thérien

Avant d’obtenir des écoles dans leur langue, les Canadiensfrançais devaient fréquenter les écoles anglaises. Leurenfance et leur adolescence se passaient à apprendre, àraisonner et à additionner dans une autre langue que la leur. Quelles ont été lesconséquences de l’instructionen anglais pour ces jeunesfrancophones? Le décrochagescolaire? L’analphabétisme?Oui.

Comment remédier à la situa-tion? Pourquoi l’analphabètefrancophone scolarisé enanglais devrait-il s’alphabétiseren français, alors qu’il demeureune minorité linguistique dansson milieu? Dans ses écrits surle sujet, le chercheur YvonLaberge explique que « le choixde la langue qui doit êtreutilisée pour l’alphabétisationrevêt une extrême importance.Les analphabètes apprennentplus facilement et plusrapidement dans leur languematernelle. Dès qu’ils ont un niveau de connaissancesuffisant et une confiance dans leur langue première, ils peuvent mettre à profit lesaptitudes acquises dans unelangue seconde*. »

Yvon Mahé, consultant enéducation francophone, serallie à ces propos. Originaired’Edmonton, en Alberta, il afréquenté l’école anglaise. C’est par un effort de volontéinouï qu’il a appris et maîtriséla lecture et l’écriture dans salangue maternelle. « Quand ça se passe en français à lamaison, mais que tout le reste,

même à l’école, se passe enanglais, c’est facile de resteranalphabète », affirme-t-il. Il a vu plusieurs francophonesobtenir leur diplôme d’étudessecondaires par la peau desdents parce qu’ils avaient peineà saisir ce qu’on leur enseignait.M. Mahé affirme que cettesituation est lourde de consé-quences. « Aujourd’hui, cesgens n’ont pas la chanced’exercer des carrières qui leurpermettent de développer leurplein potentiel. »

Pour sa part, LaurianneLangevin, de St-Vincent, enAlberta, a voulu apprendre à lire en français après desannées d’instruction en anglais.C’est d’abord sa volonté d’aiderses enfants, de leur éviter lesmêmes peurs et angoissesqu’elle avait vécues face à lalangue, qui l’a incitée à suivredes cours avec une formatriceen alphabétisation. « J’ai décidéque mes enfants n’auraient pas ce problème-là. On étaitdéjà trop nombreux à l’avoirdans la famille », rapporte Mme Langevin.

Les cours d’alphabétisation ont donc commencé dans unecuisine. « J’ai suivi ces coursavec ma mère et quelquesautres membres de la famille. »Elle précise que l’appui dessiens et l’esprit de camaraderiequi régnait lors des cours ontjoué un rôle important dansson apprentissage. « Ces coursm’ont permis de débloquer. »

Le blocage auquel elle faitréférence, c’est la frustrationqu’elle a éprouvée à l’écoleanglaise. « J’ai passé des annéesà ne rien comprendre, et à nepas comprendre pourquoi je ne

comprenais pas. Je ne réussis-sais pas très bien. Tout était sicompliqué », soutient-elle.

Quelque vingt-deux ans aprèsavoir appris à lire dans sa lan-gue maternelle, elle considèreque son apprentissage lui adonné beaucoup de confianceen elle. « Je serais probable-ment restée chez moi à ne rienfaire si je n’avais pas appris àlire. Aujourd’hui, j’ai le choix.Je fais ce que je veux. » ■

* Conseil internationald’éducation des adultes, Le Monde de l’alphabétisation,Ottawa, 1977.

9À lire 2001

Apprendre à lire dans sa langue maternelle

Laurianne Langevin, del’Alberta, a appris à lire enfrançais à l’âge adulte.

Yvon Mahé, consultant en éducation

M. Marc Lacroix, vice-présidentaux services à la clientèle, cherche à faire en sorte que les clients ne se sentent pasprisonniers d’une bureaucratieabsurde. Comme le héros deKafka.

Ainsi, la Régie des rentes, dansun souci de bien communiqueravec sa clientèle, d’être vérita-blement à l’écoute du citoyen,entreprenait déjà en 1996 unedémarche de simplification deses communications écrites enrévisant ses lettres modèles, avisautomatisés et autres documentset en offrant de la formation aupersonnel communiquant parécrit avec la clientèle. De plus,en 1999, elle procédait à larefonte complète de sa docu-mentation de masse, dont la présentation visuelle et lecontenu ont été revus. Lamajorité de ces publications ontété mises à l’essai auprès desclients tant pour leur clarté quepour leur lisibilité. Mentionnonségalement que la Régie desrentes participe aux travauxd’un comité sur la simplificationdes communications dans lecadre d’un Centre d’expertise enmatière de services aux citoyensqui réunit six grands organismesquébécois (RRQ, CSST, SAAQ,CNT, RAMQ et CARRA).

La Régie a avancé d’un crandans cette démarche desimplification! Écriresimplement… oui! Maiscommuniquer verbalement entoute simplicité, pourquoi pas?Elle a donc collaboré avec la

Fédération canadienne pourl’alphabétisation en français(FCAF) à l’expérimentation d’un programme de formationen communication verbale« simple » pour les préposés aux renseignements.

Bon an, mal an, la Régie répond à 1,3 million d’appels,sans compter les rencontresquotidiennes dans les bureauxavec une clientèle nombreuse et variée. « Nos clients pro-viennent de toutes les classessociales. Nos préposés doiventleur répondre le plus clairementpossible afin que chaque clientsoit satisfait des renseignementsreçus, que l’information trans-mise corresponde à ses besoins,qu’elle soit comprise », dit MarcLacroix. « Pour s’en assurer,ajoute-t-il, chaque préposé, avecl’accord du client, est écoutéune dizaine de fois par mois envue de mesurer la qualité desservices rendus. Cette façon defaire fait partie de notre program-me d’assurance de la qualité. »

Selon M. Lacroix, la formationreste toutefois la clé pour amé-liorer les services de façondurable. Ainsi, le printempsdernier, des employés ontparticipé à la formation « Pourdes communications oralesclaires », offerte par la FCAF. Au menu? Vidéocassette declients donnant leur vision,exercices pratiques pouréliminer le jargon bureaucra-tique, niveau de langue,maîtrise de la voix (intonation,volume, débit), gestuelle.

10 À lire 2001

On est sept millions…Il faut se comprendre!

Par Éric Maltais

M. Marc Lacroix, vice-président aux services à la clientèle

Régie des rentes du Québec

L e leitmotiv des employés

de la Régie des rentes du

Québec pourrait ressem-

bler à « Ils sont sept millions, il faut

qu’ils nous comprennent ». « Ils »,

ce sont les clients, les Québécois et

les Québécoises, qui sont susceptibles

d’appeler au moins une fois dans

leur vie l’organisme public responsa-

ble de trois programmes importants :

le régime des rentes, les prestations

familiales et les régimes complémen-

taires de retraite. Chaque année,

certains communiquent avec la Régie

le cœur léger, comme les quelque

70 000 futurs retraités; pour d’autres,

c’est la perte d’un être cher (décès,

divorce) qui les oblige à appeler.

La vidéocassette, préparée par la FCAF, présente Monsieur etMadame Tout-le-Monde expli-quant leur perception d’orga-nismes comme la Régie. Elle apermis de recentrer les préposésaux renseignements sur lapriorité : comprendre le clientavant tout. « Ce fut pour nousune bonne façon de comprendrecomment nous étions perçus, de comprendre ce à quoi lesclients s’attendaient », expliqueMarlène Tremblay, préposée auxrenseignements à Montréal.« Nous sommes plus conscientesde leurs attentes », a-t-elleajouté, tout en soulignant queles exercices pratiques étaienttrès près de la réalité.

Les préposés jonglent avec desmilliers de situations. Chaquecas est particulier. Et la com-préhension du message ne peuttenir qu’à un seul mot ou à unexemple concret. « Un jour, unedame avait reçu une lettre luiprécisant que sa rente allait êtrediminuée d’un certain montant.Elle avait compris qu’elle n’allaitrecevoir que le montant indiquédans la lettre, alors qu’il s’agissaitseulement de la somme qui seraitsoustraite à ce qu’elle recevaitdéjà. Le problème résidait dansl’emploi de la préposition ‘de’.Nous faisons souvent face aussi àdes situations qui se rattachentau vécu, c’est plus clair ainsi »,explique Liliane Lachance,préposée aux renseignements à Québec.

Les préposés aux renseigne-ments éliminent aussi le jargon

bureaucratique de leur vocabu-laire et adaptent leur niveau delangue à celui de l’interlocuteur.« Nous tentons de traduire nostermes techniques par des motssimples et clairs. Par exemple,nous utilisons souvent ‘gainadmissible’, mais cette expres-sion ne veut rien dire pour leclient. Nous devons utiliser le type de langage que le client emploie. C’est uneadaptation constante », ditMarlène Tremblay.

Silvia Dancose, formatrice à la Fédération canadienne pourl’alphabétisation en français, amême pu relever des erreurs liéesà des réflexes naturels. « Les gensont tendance à parler plus fortquand ils s’adressent à des immi-grants. Ils ne nous comprennentpas mieux : au contraire, ilstrouvent cela plutôt agressant.Dans ces cas, il faut adapter lelangage; c’est beaucoup plus une question d’intonation et de choix de mots. »

Mme Dancose s’est servie desrésultats de recherches de deuxchercheurs français, Charles etWilliame1, pour mettre sur piedle cours « Pour des communica-tions orales claires ». Ce que ceschercheurs ont découvert a dequoi étonner! « Nous accordonssouvent peu d’importance à lavoix, mais elle compte pour38 % dans la compréhensiond’un message. » « Et, d’ajouterSilvia Dancose, la gestuelleoccupe une place encore plusimportante : 55 %. Les mots necomptent que pour 7 %. »

Il n’est donc pas faux de direqu’il n’y a qu’un pas entre letravail du préposé aux rensei-gnements et celui du psycho-logue ou de l’enquêteur à l’affûtdu moindre indice! Car, au-delàdes termes, de l’intonation et dela voix, les gestes et le regardsont des points de référenceinfaillibles pour ‘lire’ le client enprésence du préposé. « Je suisplus consciente des gestes desclients; même s’ils sont debonne foi, il y a parfois des nonqui veulent dire oui », conclutLiliane Lachance avec unetouche d’humour.

« Et cette démarche qui vise àbien comprendre le client n’estqu’un pas dans cette direction »,de préciser Marc Lacroix. « Cetteformation pourrait très bienvenir enrichir le contenu deformation comportementalepour les préposés et être intégréeau programme d’accueil desnouveaux employés. »

« Vingt fois sur le métierremettez votre ouvrage », tel estle leitmotiv de la Régie desrentes du Québec. ■

1 René Charles et ChristineWilliame, La Communication orale,Paris, Nathan, 1988 et 1998.

11À lire 2001

Silvia Dancose, à gauche, accompagnant les préposées aux renseignements qui ont expérimenté la formation. De gauche à droite : Silvia Dancose,Jeannette Bélanger, Liliane Lachance, Lucie Laliberté, Gaétane Couture, Lisette Caron, Sylvie Leclerc et Linda Genest

Les bureaux fédéraux désignés bilingues doiventvous servir dans la langue officielle de votre choix.

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Afrique

G râce à l’aide financière de l’Agencecanadienne de développementinternational, la revue À lire met

en lumière les efforts de Canadiens et denotre gouvernement pour rendre accessiblel’éducation dans quatre pays africains.

Les articles qui suivent tracent un survol deprojets liés au développement de l’éducationau Sénégal, au Mali, au Niger et au Bénin.

La Fédération canadienne pour l’alpha-bétisation en français présente les défis et les possibilités que rencontrent ces paysafricains en matière d’éducation de base. Des organisations et des coopérantscanadiens doivent aussi relever ces défis.

13À lire 2001

MaliNigerBénin Sénégal

L’alphabétisme dansquatre pays d’Afrique

14 À lire 2001

L’ Afrique, ce lointain etimmense continent decontrastes, de beautés et

d’horreurs. L’Afrique que nousméconnaissons, que nousméprisons parfois et que nousvoulons oublier rapidement.

L’Afrique s’impose et s’imposeradavantage. Nous nous devons del’aider à s’ouvrir à une plus grandedémocratie, au respect des droitsde la personne et au développe-ment de ses institutions.

Le Canada mise sur l’éducationcomme facteur principal du déve-loppement durable. L’éducation - etcela est prouvé - réduit la pauvreté,améliore la santé, diminue la discri-mination liée au sexe et, surtout,permet aux citoyens de prendre des décisions plus éclairées. Maisque d’obstacles à franchir, que desouffrances à apaiser!

Un système d’éducationinefficace De 1990 à 1998, le taux net descolarisation a progressé de 9 %chez les garçons comparativementà 7 % chez les filles en Afriquesubsaharienne. Quarante millionsd’enfants africains âgés de 6 à 11 ans ne sont pas scolarisés et les100 millions qui le sont reçoiventune éducation de mauvaise qua-lité les obligeant à redoubler desannées scolaires dans uneproportion de 20 à 29 %.

La discrimination sexuelle Les filles en sont la cible.Davantage victimes des traditions,de la pauvreté des parents, lesfilles assurent les charges fami-liales et ménagères ainsi que lesoin aux malades, et apportentparfois un maigre revenud’appoint.

Apprendre à connaître, apprendre à faire, apprendre à vivre ensembleet apprendre à êtresont les fondements de l’éducation. Unesco 1996

L’éducation en Afrique,un immense défiPar Monique Trotier

Priorités et aide financière du Canada dans le monded’ici 2005 :

◆ Santé et nutrition : l’aide passe de 152 millions à 305 millions par an, soit 1,2 milliard de dollars sur 5 ans.

◆ Éducation de base : l’aide passe de 41 millions à 164 millions par an, soit 555millions de dollars sur 5 ans.

◆ En Afrique, le budget de l’aidecanadienne alloué à l’éducationde base est de 22,5 millions dedollars pour l’an 2000-2001.

Seulement 10 pays africains ontatteint l’enseignement primaireuniversel.

Afrique

Le VIH/SIDA Au chapitre des horreurs, le sida fait des ravages. Onestime que près de 70 % des Africains sont atteints duVIH/SIDA. Dans certains villages africains, 30 % desenseignants sont morts des suites de cette maladie. EnZambie, on évalue à 1300 le nombre de professeursdécédés. Cette terrible pandémie touche aussi les parents et des milliers d’enfants, qui naissent séropositifs.

Les guerres On note, dans les pays en guerre ou en conflit civil, un netrecul en matière d’éducation. C’est malheureusement lecas du tiers des pays africains.

Les dettes nationales écrasantesLes engagements financiers des pays africains en faveur del’éducation de base demeurent faibles et ne permettent pasd’améliorer de façon significative le système d’éducation. Lepoids de la dette annuelle est estimé à 250 milliards de dollars. La croissance démographique de 3 % par année ainsique la pauvreté endémique et croissante freinent considéra-blement l’augmentation des investissements en éducation.

Le Forum mondial de l’éducation à Dakar a permis decorriger le tir en faisant ressortir l’absence de volonté

politique à la fois des pays touchés, des bailleurs de fondsétrangers et des institutions multilatérales. Le réengagementde l’ensemble des partenaires dans l’application du droit àl’éducation pour tous se poursuivra d’ici 2015. Le Canadaencourage les pays qui font de réels efforts en laissant placeà l’expression des idées, à la critique. Il soutient les pays quiinvestissent davantage dans l’éducation de base et la santéplutôt que dans l’armement. Devrions-nous libérer totale-ment ces pays du poids de leur dette? Comment et à quelles conditions? Nous devons répondre rapidement à ces questions, le temps et les besoins pressent. ■

Sources :

Revue n° 3 : Express sur le développement,« L’éducation et le développement humain », par Allan Thornley et Ranjit Perera.Informations tirées du Cadre d’action de l’ACDI en matière d’éducation de base.Bulletin trimestriel n° 44 : Le Castor sahélien,« 10 ans après Jomtien » par Évelyne Sylva.Service des communications de l’ACDI,Ginette Le Breton, agente

15À lire 2001

Pays africains bénéficiant de l’aide canadienne dans le domaine de l’éducation

de base cette année : l’Afrique du Sud, le Burkina Faso, l’Égypte, le Ghana, le Kenya, le Malawi, le Mali,

le Mozambique, le Niger, l’Ouganda, le Sénégal, la Tanzanie et la Zambie.

16 À lire 2001

En avril 2000 avait lieu à Dakar, au Sénégal, leForum mondial sur l’éducation. À cette occasion,la ministre de la Coopération internationale,

madame Maria Minna, annonçait un octroi decinquante millions supplémentaires, échelonné sur cinqans. Cet octroi sera consacré exclusivement àl’amélioration de l’éducation de base au Sénégal. Cetargent servira notamment à consolider les structuresexistantes en alphabétisation. Au Sénégal, plus des troisquarts de la clientèle analphabète qui bénéficie desinterventions de l’ACDI sont des filles et des femmes.

Les grands axes de travail en éducation debase se résument à ce qui suit :

1 améliorer de façon marquée la qualité del’enseignement en alphabétisation, au primaire,en formation professionnelle.

2 adopter une méthodologie d’évaluation quiengage les professeurs, les parents, les inspecteurset les élèves sur la base des résultats scolaires etdes tests.

3 aider les Sénégalais à améliorer le cursus del’éducation de base. Par exemple, introduire dans

les manuels scolaires le principe de l’égalité dessexes, élaborer une approche plus pragmatique del’apprentissage fondée sur les réalités sénégalaiseset africaines.

4 soutenir les Sénégalais dans la restructuration dela formation professionnelle. Cette dernière étapedemande plus de temps, car les Sénégalais sont àpasser du lycée technique à l’école professionnelleselon le modèle nord-américain.

L’apport de l’aide canadienne en éducation de base auSénégal s’inscrit dans un programme d’investissementsectoriel : les trois plus grands donateurs, la France, laBanque Mondiale et le Canada, coordonnent leur aideet agissent dans leur secteur respectif, selon un pland’action conçu par le Sénégal. Ce pays a clairementétabli, dans un plan décennal, sa vision et sa stratégienationale d’éducation, fait rarissime en Afrique.

Il y a quatre ans, 20 % de l’enveloppe d’aide apportéeau Sénégal était consacré à l’éducation de base. En l’an 2001, l’éducation de base constitue le premiersecteur où se concentre notre coopération avec plus de 50 % du budget. Le Canada encourage les paysdémocratiques comme le Sénégal. La société civilesénégalaise s’exprime haut et fort et le gouvernement

SénégalL’éducation de base au Sénégal,la priorité canadienne pour l’aideau développementPar Monique Trotier

L’alphabétisme dans quatre pays d’Afrique

du président Wade, élu récemment à une majorité confortable aux électionslégislatives, laisse augurer une ère dechangements vers la modernité, à la façon sénégalaise.

Le Canada a choisi d’accepter la « séné-galisation » du contenu en éducation debase. Il y a des embûches, certaines leçonssont plus coûteuses que d’autres, maisl’urgence d’intervenir rapidement dans ce domaine a primé sur l’attente d’unsystème parfait. L’excellence aurait exigéplus de temps et, par le fait même, aurait hypothéqué l’alphabétisation decinquante à soixante mille enfants. Onapporte les corrections au fur et à mesure,selon les besoins. Le Canada s’est dotéd’outils efficaces de surveillance, demesure et de soutien. Ainsi, on peutrenforcer les capacités des Sénégalais etmieux les responsabiliser.

La cible d’alphabétiser deux cent milleenfants d’ici l’an 2006, de miser surl’éducation de base en la juxtaposant à la formation professionnelle, est bien

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◆ Le Sénégal consacre plus du tiers de sonbudget total à l’éducation.

◆ Depuis trois ans, son budget en éducationest passé de 28 % à 33 %.

◆ Le Sénégal et l’Ouganda sont les paysafricains qui misent le plus sur l’éducation.

◆ En considérant des pays comparables enAfrique subsaharienne, le Sénégal est le paysdont le taux d’analphabétisme est le plusélevé. Cela s’explique par l’héritage françaisqui favorisait traditionnellement l’élitismeplutôt que l’éducation de masse.

documentée. Le Sénégal et le Canada unissent leursefforts pour atteindre ce but bien précis, porteur d’espoir.

Puis le jour viendra où nous constaterons qu’éduquer estune chose et qu’entretenir l’alphabétisation fonctionnelleen est une autre. Il n’y a pas de solutions magiques, il n’ya que des pistes pour l’instant. Mais commençons par lecommencement. ■

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I l est dix heures à Ngombel, petit village situé àquelques kilomètres de Dakar, au Sénégal. Le sable est brûlant. Sur le côté nord d’un bâtiment s’élève

une sorte de hutte spacieuse et fraîche, construite debranches et surmontée d’un toit de paille. C’est l’heurede l’école pour les mamans accompagnées de leurnourrisson. Elles sont plus d’une vingtaine assises sur de petits bancs en bois, une table posée devant elles, àcrayonner d’une main et à balancer un petit coco del’autre pour l’endormir. Un jeune professeur enseigne desnotions de calcul en simulant de petits emprunts qu’ellesauront à gérer.

Ici, chaque élève a droit à une chèvre. L’élevage encommun des chèvres permet un apport financier inté-ressant et la croissance du cheptel relève de la commu-nauté. Les élèves apprennent à choisir une bonne bête, à discuter du prix d’achat ou du prix de vente avec desresponsables, à dépister les maladies et à donner les soins de base avec l’aide d’une personne-ressource. Elles inscrivent tous ces renseignements dans leur cahier personnel de gestion.

Ces femmes analphabètes apprennent à lire et à compterà partir de leurs petites activités économiques. Voilà lesecret du succès et de la motivation. Les buts avoués dece projet sont l’alphabétisation et l’autonomie des femmes.

L’éducation : un défi de tailleAu cours des vingt dernières années, l’État sénégalais,comme bien d’autres pays du Tiers-Monde, a été forcé de

restructurer son économie sous les pressions de laBanque Mondiale et du Fonds monétaire international.Le gouvernement sénégalais s’est désengagé de l’éduca-tion, faute de moyens, et l’a confiée à des organisationsnon gouvernementales locales qui reposent sur la sociétécivile. En principe, les projets sont sélectionnés en fonc-tion de leur qualité et doivent d’abord favoriser les régionsoù se retrouve le plus haut taux d’analphabétisme. Mais,en réalité, les budgets sont limités, la gestion des projetset la compétence des ressources humaines, difficiles àjuger, et surtout plusieurs mettent en doute la responsa-bilité de l’État face à l’éducation. Le Sénégal s’est donnécomme objectif de réduire à 36 % le taux d’analphabé-tisme en 2004, qui était de 71,8 % en 1997.

Le programme d’éducation non formelle pour les femmess’insère dans un projet national appelé le PAPA – Projetd’appui au plan d’action en éducation non formelle. LePAPA comporte plusieurs volets, dont l’un mise sur l’édu-cation de base des jeunes garçons et filles de neuf à treizeans et l’autre, sur l’alphabétisation des filles et des femmesen utilisant toujours le concept alpha-formation-travail.

Il faut savoir qu’au Sénégal près de 80 % des femmessont analphabètes. Le système scolaire formel, calqué surl’ancien système français, ne répond pas aux besoins desenfants. Le taux d’abandon scolaire est effarant, 70 % desélèves dit-on, dont la majorité sont des filles. Les défissont très grands pour ce pays et l’immense travail qui sefait à la base par des hommes et des femmes motivés estformidable et porteur d’espoir.

Les Sénégalaises en marche vers l’autonomie*Par Monique Trotier

ABC FemmesSénégal

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La part des femmesLe Sénégal est situé à l’ouest de l’Afrique, sur l’océanAtlantique. Ce vaste pays de plus de sept millions d’habi-tants est aride et désertique au nord, luxuriant au sud.Dakar, la capitale, est située sur la mer, et la belle île deGorée, tout en face, est tristement célèbre comme portede sortie des esclaves noirs en route pour les Amériques.Le Sénégal est de confession musulmane à 90 %, et lepouvoir de la société religieuse mâle est immense.

Les femmes sénégalaises sont de courageuses battantes.Elles luttent dans la mesure de leurs moyens pours’affirmer dans l’espace libre laissé par le sous-emploi dumari et essaient de conquérir plus grand en exerçant depetites activités génératrices de revenus qui quelquefoisdépannent, mais la plupart du temps soutiennenttotalement la famille.

« Aller là où je ne pensais pas. » Dibou Seye,petite bonneDibou Seye est une belle jeune fille de seize ans.Originaire d’un petit village, elle vit à Dakar chez unetante depuis l’âge de sept ans. Sa condition d’immigréeen ville est tout à fait typique, car de plus en plus devillageois cherchent dans les grands centres unemeilleure survie, gonflant ainsi le bassin des indigents.La famille de Dibou compte financièrement sur sontravail de petite bonne pour survivre. Les employeurssont des gens aisés qui exploitent souvent les enfants enles faisant travailler sept jours par semaine à un salaire de crève-la-faim. Environnement et développement duTiers-Monde (ENDA), organisation non gouvernementalequi œuvre à l’échelle internationale, sensibilise lesfemmes et les filles à la dignité dans le travail.L’organisation a envoyé Dibou, alors qu’elle avait huitans, en classe d’alphabétisation après son travail.

« Depuis, j’apprends à compter et à lire, dit-elle, etj’apprends aussi en français. C’est important parce que jevis dans la capitale où la langue principale est le français. »

Dibou est devenue représentante nationale de cinqassociations de bonnes qui revendiquent leur droit autravail sécuritaire, des heures normales et un salairehonnête. À 14 ans, elle a participé à la marche desbonnes qui protestaient contre l’esclavage au travail, les injustices et la violence de la part de leur patron. « On a réglé nos problèmes en parlant aux employeursdans nos associations de quartier. » L’an dernier, Dibouprenait la parole au nom de trois mille petites bonnes auForum mondial sur l’éducation à Dakar. « J’ai dit : Vousêtes là et vous parlez d’éducation pour tous. Quand allez-vous rencontrer les enfants, quand allez-vous discuteravec eux lorsque vous parlez de travail? »

Bien sûr, dans notre société bien pensante, le travail des enfants est un concept difficile à accepter, maissupprimer toutes sources de revenus pour eux et leursparents, n’est-ce pas plus cruel? ENDA privilégie ladignité dans l’éducation des jeunes que l’on offre, entre autres, sous forme de cours d’alphabétisation, deformation professionnelle, de participation à une caissede crédit et d’épargne, de mutuelle de santé. Dibouenchaîne en disant que l’école d’alphabétisation lui a donné l’assurance et les mots pour s’exprimer :« L’éducation m’amène là où je ne pensais pas aller. J’aifait le rêve de devenir importante, de revendiquer desdroits pour celles qui sont comme moi. »

Éducation et tradition, un combat inégalL’éducation des filles et des femmes du Tiers-Monde estla principale clé du développement. Les femmes ontdroit au respect et à l’égalité parce qu’elles aussi, au

L’alphabétisme dans quatre pays d’Afrique

Femmes en classe dans le village de Ngombel, au Sénégal

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même titre que les hommes, contribuent audéveloppement et à l’enrichissement de leur pays. Dansla société sénégalaise, faire admettre cela au pouvoir mâlen’est pas tâche facile. La polygamie est un fait courant etil n’est pas rare de voir une famille constituée de trente à quarante enfants, de quatre femmes et d’un homme.Comment peut-on, dans de telles conditions, nourrir,loger, et surtout éduquer les enfants? Souvent les fillesécopent. Peut-on en blâmer les mères, elles qui en ontplus que besoin pour les travaux ménagers, le transportde l’eau, le soin du bétail et la garde des petits?

En ville, les filles n’échappent pas aux tâches quotidien-nes de la maison. Elles doivent, en outre, chercher unepetite rémunération en vendant des arachides dans larue, par exemple, ou en devenant bonnes chez des gensriches ou dans une famille élargie. Alors, commentpeuvent-elles trouver le temps de s’éduquer?

Dans ce milieu de survie précaire, l’école apparaît commeun luxe. Il faut payer les cours, les cahiers, le bic. Onoffre l’éducation d’abord aux garçons, car les filles vontse marier de toute façon. Le système scolaire formelcommence seulement à se rendre compte des lacunes etdu retard à rattraper chez les filles pour inciter les parentsà envoyer leurs filles à l’école, et surtout à les y laisser.

« Nous devons trouver notre propre façon defaire évoluer notre société. » Françoise FayeSaint-Louis, ancienne ville coloniale française au nord-ouest du Sénégal. Imaginez cette île avec d’un côté sesquartiers militaires et de l’autre, ses résidences à balconsde bois sculpté et ses rues piétonnières étroites, le charmesuranné de son histoire « chargée d’âmes », comme le ditsi bien le professeur et poète sénégalais Amadou Diop,ses belles et nonchalantes signares, mulâtresses amantesdes puissants maîtres blancs, le tout baignant dans le

reflet doré et rose des murs décrépits et à l’abandon.Cette ville qui a atteint sa splendeur au dix-neuvièmesiècle est liée intimement au fleuve Sénégal par lecommerce de la gomme et la traite des esclaves.

Françoise Faye vit à Saint-Louis. Cette jeune femme sérieuserelevait en 1995 un grand défi. Éducatrice de formation,elle devenait responsable d’un projet spécialement conçupour les filles à la Fondation Paul Gérin-Lajoie. Le SCOFI– Scolarisation des filles – avait comme mandat d’amenertout simplement les filles à l’école. Pendant deux ans,elle a travaillé à la sensibilisation des mères. « Les fem-mes étaient les principaux obstacles, non parce qu’ellesne veulent pas envoyer leurs filles à l’école, mais parcequ’elles ont une charge de travail considérable et qu’ellesen ont besoin à la maison. Pour les convaincre, il fallaitles faire réfléchir sur leur propre situation de femmes.Après analyse, nous avons touché la corde sensible : lasanté et l’éducation des enfants. Toutes les mères veulentque leurs enfants vivent dans de meilleures conditions et cela nécessite des sacrifices de leur part. Nous avonsréaménagé l’emploi du temps pour donner aux filles lapossibilité d’aller à l’école. Nous avons eu égalementl’aide des imans et des chefs. Vous savez, la religionmusulmane interprète mal le rôle de la femme et il fallaitrectifier certaines erreurs au nom des femmes. Les imansont utilisé les radios locales pour changer les mentalités.Mais tout n’est pas gagné. Le partage des tâches avec leshommes reste impossible; le travail pèse terriblement surles épaules féminines. »

Françoise Faye est actuellement formatrice des maîtres à l’Université de Saint-Louis. Les enseignants sont à

Les Sénégalaisesen marche vers l’autonomie(suite)

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l’image de la société, c’est-à-dire majoritairement mâles.Il s’avère nécessaire de travailler à abattre les stéréotypesainsi qu’à former les maîtres sur la spécificité des filles etdes femmes. La société sénégalaise doit investir dans lepartage équitable entre les sexes et former les filles àdévelopper leur courage et leur esprit de décision. « Il faut ménager les mentalités, dit Françoise, et intégrerles activités féminines dans la formation. Il ne faut pasêtre trop draconiens, sinon on obtient l’effet contraire.Vous savez, de plus en plus d’hommes se rendent àl’évidence qu’ils ne peuvent pas tout faire, il faut doncque les femmes s’impliquent davantage. Les mentalitéschangent doucement. La scolarisation est incontournableen l’an 2000 et devient l’espoir des filles et des femmesdans le contexte moderne où tout s’écrit. On n’a pas lechoix. Le développement passe par la scolarisation. Nousdevons trouver notre propre façon de faire les choses etde faire évoluer notre société. C’est un travail de longuehaleine, et c’est en outillant les petites filles qu’on yarrivera. »

Conquête modeste mais constanteLa prise de conscience en ce qui a trait à l’équité et au partage fait son chemin. Déjà, on construit desinfrastructures scolaires en pensant aux filles. Parexemple, on bâtit maintenant des écoles avec destoilettes pour les écolières. Élémentaire, n’est-ce pas?Mais aussi plus coûteux.

Quand on voit des mamans, le sourire aux lèvres, aiderleurs enfants à faire leurs devoirs, quand les femmesnous disent avec fierté que le fait de savoir écrire etcalculer leur permet de gérer leurs affaires dans l’intimitéde leur famille, quand on nous dit que la mère saitdésormais lire la prescription du médicament pour sonbébé malade, quand on voit une fillette faire ses devoirsà vingt et une heure, assise sous un réverbère, on se ditqu’il y a là-bas une immense soif d’apprendre et que

nous, chanceux de vivre dans un pays riche, nousdevons être sensibles à ce besoin si grand et tellementporteur d’espoir. Non, on ne revient pas d’Afriquecomme on est parti. Il y a énormément à dire, et rienn’est simple. Cet immense continent recèle pour nousdes trésors d’enseignement, de touchantes histoires àsuccès, des histoires toutes simples d’amélioration de laqualité de vie avec presque rien, des histoires de bonheurdans le partage de maigres ressources.

Les femmes unifient le monde et leur action collectivedécuple leurs forces. Chaque jour, elles gagnent enautonomie, en acquisition de nouveaux pouvoirs. Ellesnégocient davantage en position de force et les rapportsentre les sexes se modifient peu à peu dans le respect del’autre. Où serons-nous dans vingt-cinq ans? Qu’aurontacquis les femmes les plus démunies de la planète? Nousavons tous et toutes une responsabilité à cet égard et iln’en tient qu’à nous, les plus choyés de la société, d’ypenser et de poser un geste ou deux à l’occasion. ■

S’ouvrir à l’autre : un choix qui nous appartient

* Monique Trotier est réalisatrice de télévision et s’intéresse à la situation de la femme à travers le monde. Elle a coréalisé avec Julie Huard ledocumentaire « De l’une à l’autre, les femmes et le travail Cameroun-Canada » et prépare une autreémission d’une heure sur les femmes et l’éducation,« ABC Femmes, Sénégal-Canada », qui sera diffuséesur les ondes de Radio-Canada Ontario Outaouais àl’automne 2001. Ces documentaires ont été produitsavec, notamment, la participation financière del’ACDI et de la Société Radio-Canada.

À Lampsar, jardin cultivé par les jeunes élèves. Elles font la culture de l’oseille et du piment; leprofit de la vente est réinvesti dans le projet scolaire pour l’achat de matériel de toutes sortes.

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PARTAGE TON SAVOIR...

www.collegefrontiere.ca

COLLÈGE FRONTIÈRECette année encore, plus de 2000 étudiantes et étudiantsuniversitaires donneront de leur temps et offriront leurstalents pour soutenir l’alphabétisation au Canada.

Ces bénévoles

◆ offrent un tutorat individuel à des adultes en démarche d’alphabétisation et de francisation

◆ soutiennent des jeunes en difficulté dans des programmes d’aide aux devoirs

◆ suscitent le goût de la lecture chez les enfants de tout âge par le biais de cercles et de tentes de lecture

◆ développent des activités de sensibilisation

Pour plus d’informations, contactez l’un de nos bureaux régionaux :

MONTRÉAL : (514) 528-1001 ◆ SHERBROOKE : (819) 346-5460

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La Fondation Paul Gérin-Lajoie intervient au Sénégaldepuis treize ans. Elle a mis sur pied plusieurs projetspour les communautés scolaires locales. Ces actions

ont été longtemps centrées sur les élèves des écoles publi-ques. C’est en revoyant sa mission que la Fondation ajugé nécessaire d’étendre ses activités aux enfants exclusdu système officiel.

C’est ainsi qu’en 1999 elle entreprenait une expériencenovatrice auprès de 35 jeunes mendiants issus d’une écolecoranique de Saint-Louis. Ces enfants, communémentappelés talibés (étudiants), sont confiés par leurs parents àdes maîtres pour qu’ils apprennent le Coran, livre saint desmusulmans. Le phénomène des talibés constitue une vieilletradition ouest-africaine. Ces enfants, dont l’âge oscilleentre cinq et quatorze ans, proviennent souvent du monderural et sont issus de familles et de catégories socioprofes-sionnelles très diverses. Tous vivent cependant dans lesmêmes conditions, sous l’autorité de leur maître coranique.

Des enfants à l’horaire chargéLa vie du talibé se déroule au rythme de l’apprentissage duCoran et de la mendicité, leur seul moyen de subsistance.Celle-ci, on le sait, peut conduire à toutes les dérives. Ilarrive qu’on ne respecte pas les heures consacrées à l’appren-tissage du Coran en raison des problèmes alimentaires.Quant aux heures de mendicité, elles coïncident avec celles

des repas principaux de la journée, c’est-à-dire la matinée,la mi-journée et la fin de la journée. Deux jours par semai-ne sont théoriquement consacrés au repos. La Fondationorganise ses cours d’alphabétisation pendant ces deux jours.

Une expérimentation réussieLa première classe expérimentale a donné des résultatsappréciables. En dépit des nombreux problèmes auxquelssont confrontés les enfants, le taux de fréquentation a varié entre 70 % et 90 %. Ce taux de fréquentations’explique par l’adhésion des enfants et de leur maître auprogramme et par l’organisation des cours dans l’enceintede la daara (école coranique). Il a bien fallu adapter lerythme et les heures d’enseignement à l’horaire desenfants, mais les résultats obtenus au bout de huit mois se sont avérés très satisfaisants.

L’expérience étant concluante, la Fondation a décidéd’ouvrir en 2000-2001 neuf classes supplémentaires,portant ainsi le nombre de classes à dix. Ces classesaccueillent 320 enfants comptant 265 garçons et 55 filles.La prédominance des garçons s’explique par le fait que laplupart des classes sont composées d’élèves venant desécoles coraniques. Par ailleurs, avec le consentement desmaîtres coraniques et des alphabétiseurs, on a instauré unnouvel horaire d’enseignement pour permettre aux jeunesde bénéficier de neuf heures de formation par semaine.

L’alphabétisation des talibés,une expérience nouvellePar Aliou Kissima Tandia Avec la collaboration de Mamadou Ly

Sénégal

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Un programme axé sur le développementglobal des enfantsEn plus des disciplines fondamentales que sont la lecture,l’écriture, le calcul et le langage, le programme comprendcette année des activités manuelles. Ces activités, à domi-nante artistique et esthétique, visent le développement du génie créateur des enfants. En fait, les enfants peuvents’épanouir sur plusieurs plans : cognitif (savoir),psychomoteur (savoir-faire) et socioaffectif (savoir être).

Pour parvenir à ses fins, la Fondation a établi unprogramme échelonné sur deux campagnes de huit mois.Chaque campagne correspond à deux niveaux. À la fin du premier niveau, les enfants doivent être capables, entre autres, de lire et d’écrire des textes simples. Après la deuxième année, suite logique du premier niveau, lesenfants doivent être en mesure de lire couramment et de maîtriser les opérations mathématiques de base. Ce programme ambitieux se fait grâce au choix desformateurs. La Fondation leur offre une formation et des suivis.

Les alphabétiseurs Avant d’intervenir dans un milieu, la Fondation prendsoin de vérifier si toutes les conditions sont réunies pourouvrir une classe. Au cours de cette étude du milieu, elle essaie de trouver des personnes-ressources capablesd’offrir les cours. Ce travail de recherche conduit au choixdes formateurs. Avant de démarrer les cours, les futursformateurs reçoivent une formation variant de quinzejours à un mois pour leur permettre de concevoir etd’exécuter un programme d’apprentissage.

Ce qui empêche d’apprendreLes résultats obtenus l’année dernière et ceux que l’oncompte récolter cette année montrent que ces enfants ontde très bonnes dispositions pour étudier. L’intervention dansce milieu ne s’est toutefois pas faite sans contraintes. Lemanque d’équipement dans les classes fait partie de cesdifficultés : les enfants travaillent à même le sol et cela a une incidence négative sur la qualité des écritures.

Parmi les autres contraintes, mentionnons :

◆ le manque de salubrité des lieux lié auxconditions d’existence des talibés, qui vivent dans la promiscuité;

◆ le crédit horaire qui n’est pas suffisammentextensible;

◆ la nécessité pour la plupart des enfants d’allerchercher leur pitance par la seule voie de lamendicité.

Si l’on veut créer une égalité des chances chez tous lesenfants et endiguer le phénomène de l’analphabétisme, ilimporte d’investir dans tous les enfants sans exclusivité.La réussite de toute intervention en milieu talibé passecependant par la mise en confiance des maîtres cora-niques, leur engagement dans les actions à entreprendreet la prise en compte de la dimension sociale et affectivede la question. Pour mieux comprendre le phénomènedes talibés, un travail sur le terrain s’impose. ■

Les talibés dans une classe d’alphabétisation à Saint-Louis

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Le 5 septembre dernier, contre toute attente, je m’envolais pour l’Afrique. Après plusieurs mois depréparation, j’allais enfin réaliser mon rêve : faire

de l’alphabétisation dans un pays en développement. Pour atteindre un tel objectif, j’ai dû investir beaucoup de temps et d’efforts, mais, croyez-moi, le tout en valait la peine! Si je le pouvais, je repartirais dès demain! Mais comment en suis-je arrivée à atterrir au nord-ouestdu continent africain, alors que ma destination prévueétait tout autre? C’est ça, l’aventure...

Encadrée par Carrefour Canadien International (CCI),organisme à but non lucratif qui bénéficie du soutienfinancier de l’ACDI, j’ai consacré l’année précédant mondépart à ma préparation tant matérielle que psycholo-gique en participant à divers ateliers sur le choc culturel,le développement durable, ainsi que sur l’alphabétisationici et ailleurs. Également, riche de dons de diversescommunautés religieuses, j’ai fait l’achat de fournituresscolaires et de guides pédagogiques. J’ai aussi préparé desexercices à faire avec les apprenants, j’ai fait des photo-copies et j’ai rassemblé du matériel sonore. Tout avait été prévu, calculé; j’étais donc fin prête à partir!

Cependant, à cette époque, je ne connaissais pas encore les deux règles d’or du coopérant, à savoir : 1) même lorsque tout semble à point, il faut garder l’espritouvert et demeurer prêt à changer de cap rapidement, 2) il ne faut pas croire surtout que tout fonctionne commechez soi. Car si je vous ai révélé que j’ai atteint monobjectif – faire de l’alphabétisation avec des femmes –, je tiens à vous dire que je l’ai réalisé à l’endroit où je m’yattendais le moins et avec des moyens insoupçonnés...

Ainsi, jusqu’à la toute dernière minute, je me suis préparéeà partir pour... Madagascar. Un peu de langue malgacheapprise pendant l’été, des guides de la grande île dans mesvalises et des lieux à visiter en tête, je croyais, en bonneNord-Américaine, que je maîtrisais la situation. Ce n’étaitpourtant pas le cas. Un ouragan dévastateur et une graveépidémie de choléra sur l’île ont modifié mes projets dutout au tout. En effet, pour des raisons de sécurité, CCI ajugé préférable d’annuler mon départ pour Madagascar.

Vous pouvez sans doute imaginer mon état d’esprit àl’annonce de cette décision : j’étais à la fois déçue,déstabilisée et tourmentée quant à l’avenir et à la

Retour d’AfriquePar Sindy Langlois

Sindy Langloisune jeune coopérante volontaire

Mali

L’alphabétisme dansquatre pays d’Afrique

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réalisation de mon projet. J’avais investi tellement d’effortsjusqu’alors! Encouragée par mes amis, j’ai décidé de demeu-rer confiante et de remettre le tout entre les mains dudestin. Si je devais partir, on me trouverait bien un autreendroit où aller, sinon mon projet serait reporté d’uneannée. À la fin de l’été, j’ai reçu un coup de fil m’annon-çant qu’on m’avait trouvé un nouveau lieu de stage. J’iraisau Mali, à Nienguecoura, petit village d’un peu plus de500 âmes situé à environ 250 km de la capitale, Bamako.Je n’avais donc pas acheté tous ces cahiers pour rien!

Le Mali est l’un des pays les plus pauvres au monde. On ycompte environ 10 millions d’habitants, dont près de lamoitié ont moins de quinze ans. Malgré les efforts crois-sants du gouvernement malien et de ses partenaires étran-gers en matière d’éducation, le taux d’alphabétisation y estencore très faible. En 1997, il se chiffrait à seulement 8 %comparativement à 97 % pour le Canada1. Comme dansplusieurs pays d’Afrique, ce sont surtout les hommes quiont accès à l’éducation. Cependant, la place grandissantequ’occupent les femmes au sein de la société malienneainsi que la reconnaissance progressive des enjeux liés àl’éducation tendent à modifier cette tendance. De plus enplus de femmes accèdent à des études supérieures. Bien quedes progrès soient perceptibles, il reste encore beaucoupde travail à faire, principalement pour conscientiser lapopulation au regard de l’importance de l’instruction.

Avec le recul, je considère que ce revirement de situationa été la meilleure préparation souhaitable pour ce que

j’allais vivre en sol africain où, je vous le rappelle, il fauttoujours être prêt à modifier et à remodifier ses plans.

Quelques semaines plus tard... le Mali!Je n’oublierai jamais mon arrivée au village. Tous lespaysans étaient réunis en cercle sur la place publique,chantant et jouant du tam-tam avec, dans les yeux, lafierté de recevoir une étrangère. Et moi, au milieu de cettefoule, attirant tous les regards et constatant que cette fêtem’était dédiée, j’avais peine à croire ce qui m’arrivait! Les sons, les odeurs, la musicalité de la langue locale, tout cela était fascinant! Un monde nouveau s’offrait àmoi; il ne me restait qu’à le découvrir.

Une fois adaptée à mon nouvel environnement, prête à commencer l’alphabétisation auprès de groupes defemmes, j’ai appris au fil des conversations qu’il manquaitun professeur à l’école du village. Quatre-vingts élèves detroisième et de quatrième année seraient privés d’instruc-tion faute de ressources humaines et financières. N’écoutantque mon cœur, j’ai tout de suite offert mes services. Jen’avais jamais enseigné à des élèves du primaire, mais jesentais que je pourrais relever le défi et mettre à profitquelques-unes de mes connaissances. Après tout, c’étaitmoi ou rien du tout.

Dès le lendemain, j’étais devant la classe. Mes premièressemaines d’enseignement ont requis toute mon énergie.C’était beaucoup plus difficile que ce à quoi je m’atten-dais. Enseigner à Nienguecoura s’est révélé une tout autre

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pratique que d’enseigner au Québec. Il me semblait quetout me rendait la tâche difficile : la chaleur suffocante, le manque de ressources pédagogiques, la surcharge de la classe, l’écart entre mon français et le leur, la façon defaire régner la discipline en classe, qui ne correspondaitpas à mes valeurs, etc. Le découragement m’a envahieplus d’une fois. Pourtant, le sourire des enfants et leursyeux écarquillés, qui témoignaient de leur soif de connaî-tre, m’incitaient à poursuivre l’enseignement, à oublier les contraintes et à user de mon imagination pour leurpermettre d’apprendre. Inutile de vous dire qu’entre lapréparation des cours, la journée d’enseignement et lacorrection des copies, il ne me restait que très peu detemps à consacrer à mon projet initial : l’alphabétisationdes femmes.

J’enseignais depuis un peu plus d’un mois lorsqu’uninstituteur venu d’un autre village est arrivé. Sa présence à l’école me laissait beaucoup plus de temps pour formerdes groupes et commencer le travail avec les femmes.Avec l’aide de Drissa, un paysan qui savait lire et écrire,j’ai aménagé un endroit pour travailler, puis j’ai tenté de former des groupes de femmes. Seulement, la bonnevolonté, le matériel et les compétences ne sont pasgarants de la réussite.

J’ai vite compris que, pour porter des fruits, l’aide ne doitpas être imposée; avant d’aider, il faut d’abord apprivoiserl’autre et se laisser apprivoiser par l’autre. En voulant allertrop rapidement, pour bien faire, j’ai sauté des étapes etj’ai fait peur aux gens. De plus, ayant négligé de m’adapterà leur réalité, j’ai commis plusieurs erreurs. Je n’ai pastenu compte du fait que, levées à l’aurore et ayant delourdes tâches à assumer, surtout en période de récolte, les femmes du village ne possédaient que peu de moments

de répit dans une journée. C’était donc à moi d’adaptermon horaire au leur, et non à elles de se plier au mien.Ensuite, puisque les hommes prennent la plupart desdécisions concernant le foyer familial, il aurait fallu lesfaire participer au projet plutôt que de les en écarter. Par ailleurs, quoique le Mali soit un pays membre de laFrancophonie, on y parle davantage le bambara que lefrançais, et ce, davantage dans les zones rurales. Dans un tel contexte, l’alphabétisation en français perd de sapertinence.

Si mon projet initial n’avait pas fonctionné comme je l’avais souhaité, c’était en grande partie à cause de mon inexpérience. Toutes les femmes du village étaientdésireuses d’apprendre à lire et à écrire, mais je ne leurproposais pas un cadre de travail favorable. C’estmalheureusement ce qui se produit trop souvent enmatière de coopération internationale. Les moyensempruntés pour la réalisation d’un projet, qu’il soit depetite ou de grande envergure, ne correspondent pastoujours à la réalité ni aux besoins de la populationlocale. C’est pourquoi les moyens empruntés par plusieursorganismes de coopération internationale pour en arriverà un développement durable ont évolué depuis unedizaine d’années, bien que leur mandat soit demeuré lemême. On privilégie de plus en plus la coopération del’intérieur, c’est-à-dire que l’on subventionne des orga-nismes locaux pour qu’ils puissent intervenir dans leurpropre milieu. Les intervenants étrangers, pour leur part,occupent essentiellement des fonctions de supervision etd’encadrement au sein des différents projets.

L’alphabétisation telle que je l’avais imaginée n’avait pasréussi. Qu’à cela ne tienne, j’allais m’occuper autrementpendant mes prochains mois en sol africain. Un peu trop

Retour d’Afrique (suite)

29À lire 2001

occupée depuis mon arrivée, je n’avais pas consacrébeaucoup de temps ni à la découverte de la culture ni à la réalité des femmes, ce qui pourtant me passionnait. À partir de ce moment, j’ai accompagné Mariam, ma mèred’accueil, dans ses tâches quotidiennes. Dans la joie etl’humour, j’ai appris à piler le mil, à porter des calebassesd’eau sur la tête, à préparer quelques plats traditionnels,etc. J’entends encore les éclats de rire de Mariam quandelle a constaté que je ne savais pas dépecer un poulet! Je me suis également beaucoup rapprochée des femmesdu village en les aidant au potager matin et soir. J’étaisdevenue la porteuse d’eau, pour mon plus grand bonheur!Je me suis même vue accorder deux planches à cultiver!Petit à petit, je me suis ainsi taillé une place auprès d’elles.Je n’étais plus la Blanche venue alphabétiser, mais bienune des leurs.

Un matin, une femme est venue me retrouver au potager.En baragouinant les quelques mots de français qu’elleconnaissait, elle m’a demandé de lui enseigner à écrireson nom. C’est d’abord sur le sol à l’aide d’un bâton queje lui ai montré à écrire les lettres qui composaient sonnom. Le lendemain, je lui ai apporté un cahier et uncrayon. Nous avons poursuivi ainsi la leçon les matinssuivants. Au village, les nouvelles circulant à la vitesse del’éclair, il n’a fallu que quelques jours pour que tout unchacun sache qu’Awa Doumbia savait maintenant écrireson nom. Il n’a également fallu que quelques jours pourque les femmes, les unes après les autres, viennent mefaire la même requête qu’Awa.

Pour répondre à la demande, j’ai proposé de faire decourtes séances d’alphabétisation le matin et le soir, sous

l’arbre près du potager. De cette façon, les femmespourraient aller et venir à leur guise. À l’ordre du jour :apprendre l’alphabet, puis écrire son nom. Le succès futtel que nous avons même entrepris le calcul. Des dizainesde femmes, munies d’une ardoise et d’un bout de craie, sesont affairées, jour après jour, à apprendre à lire, à écrireet à compter. Ces femmes avaient une immense volontéd’apprendre… les mauvaises récoltes au potager en onttémoigné!

Mon départ du village a été des plus émouvants. Des femmes, avec l’aide de leurs enfants, m’ont écrit unemagnifique lettre de remerciement. On m’a égalementappris que Drissa allait poursuivre l’alphabétisation nonseulement des femmes, mais aussi des hommes deNienguecoura sous l’arbre près du potager. Ainsi, sachantcela, j’ai le sentiment que mon passage dans ce villagen’aura pas été vain. ■

1 L’Année francophone internationale, 2000, p. 96.

Depuis le renversement du gouvernement nigérienl’an dernier, l’éducation n’est plus une priorité auNiger. Heureusement, les organisations non

gouvernementales prennent la relève et fournissent auxpopulations une éducation de base non formelle afin delutter contre l’analphabétisme. Nous vous entretiendronsici du travail exceptionnel de l’une de ces ONG : VieKande Ni Bayra. Cette organisation nigérienne œuvre dansla région de Kollo, située à l’ouest du Niger. Grâce au travailde jeunes scolarisés, Vie Kande Ni Bayra forme des éduca-teurs en alphabétisation ou des animateurs/formateurs,trouve le financement pour la construction d’écoles debrousse et contribue à l’autonomie des villages.

Faisons maintenant une incursion dans la région de Kolloen vue de connaître le fruit du travail de ces éducateurs.Plusieurs petits villages pittoresques émaillent la broussede cette région : Dantiandou Kamakoukou, Dollohi,Yérimadey et Bankadey, pour n’en nommer que quelques-

uns. Les paysans, fiers et paisibles, y cultivent la terre et font l’élevage du bétail. Des agences internationalescomme l’ACDI les sensibilisent à leur environnement et à l’importance du reboisement de leurs terres. Leséducateurs en alphabétisation, formés par Vie Kande Ni Bayra et travaillant dans cette région du Niger, ontl’équivalent de douze années de scolarité. Plus scolarisésque la moyenne, ils sont désignés comme éducateurs deleur village respectif. Leur programme d’enseignements’inspire de la pédagogie du texte élaboré par l’Institutpour le développement et l’éducation des adultes, dirigépar le professeur Antonio Faundez. Cette approcheconsiste à former, à partir d’un mot, d’autres mots, des phrases, et à élaborer des éléments scientifiques et mathématiques.

Le programme d’alphabétisation s’offre d’abord dans la langue du pays, en l’occurrence le Songhay/zarma, et ensuite en français. Les cours se donnent en quatre

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L’éducation non formelle au NigerPar Aliette Beaudet En collaboration avec Jean-François Méthé

NigerDes alphabétiseurs en formation

séances par jour. Les enfants vont aux séances de lamatinée, tandis que les femmes et les hommes y assistenten après-midi. Il est difficile, il va sans dire, de maintenirla présence en classe, car les élèves doivent souventparcourir à pied de cinq à six kilomètres pour se rendre àl’école, distance épuisante, surtout après une journée detravail aux champs. Les éducateurs de Kollo enseignenttoutes les classes et les élèves peuvent atteindre l’équi-valent d’une douzième année. Les gens des villages sontembauchés et rémunérés pour la construction des écoles.L’organisation Vie Kande Ni Bayra s’occupe de trouver lefinancement pour les salaires et les matériaux. On encou-rage ensuite les villageois, ainsi payés, à embaucher lesenseignants qui leur conviennent.

Les éducateurs de Vie Kande Ni Bayra reçoivent eux-mêmesune formation pratique, notamment en agronomie. Parexemple, pour ce qui touche à l’utilisation des engrais, ilsdoivent comprendre et retenir les formules mathématiques

et les graphiques correspondants, connaître la qualité du sol, puis vulgariser ces connaissances et les transmettreaux paysans. Les traditions étant plus que tenaces chezces derniers, il faut leur prouver que l’utilisation desengrais donne des résultats supérieurs. Les éducateursdoivent donc cultiver un sol enrichi d’engrais pour leurmontrer la différence.

On constate que les objectifs de Vie Kande Ni Bayra vont bien au-delà du simple apprentissage de la lecture et de l’écriture. L’alphabétisation, dans une perspectivede développement intégral, ne se fait pas seulement enclasse; elle est empirique et assure le lien avec la vie et le travail des paysans en plus de stimuler leur ouvertured’esprit, leur désir d’acquérir de nouvelles connaissanceset leur adaptation au changement. ■

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L’alphabétisme dans quatre pays d’Afrique

E ncore aujourd’hui, des êtres humains sont privésd’éducation de base, notamment dans les paysafricains où la situation de l’enseignement est

particulièrement alarmante. Comment alléger la pauvretéde ces pays et favoriser le développement en faisant lelien avec l’éducation et l’acquisition de nouvelles connais-sances? Voilà une question à laquelle s’est intéressée laCoalition francophone pour l’alphabétisation et la for-mation de base en Ontario. Grâce à l’aide financière duSecrétariat national à l’alphabétisation et du ministère dela Formation et des Collèges et Universités de l’Ontario, la Coalition a pu produire un rapport sur ses observations.En conclusion, elle souligne son engagement possible endéveloppement international.

Dans cet article, nous mettrons en relation le détermi-nisme culturel et les efforts d’alphabétisation et dedéveloppement; nous analyserons les programmesd’alphabétisation, les défis et les possibilités au Bénin.Nous définirons finalement le rôle qu’entend jouer laCoalition dans les pays en développement.

Culture et développementToute personne est le reflet de la culture à laquelle elleappartient. Dès l’enfance, notre groupe social nousinculque des modèles de vie et de pensée, un système devaleurs et une façon de raisonner. La connaissance de cesvaleurs culturelles s’avère essentielle pour comprendre etprédire les réactions et les comportements de gens obligésà faire face à de multiples situations. Or, trop souvent, lesvaleurs véhiculées dans les programmes de

développement ne correspondent pas aux valeurs despopulations bénéficiaires. Ainsi, la réussite, l’efficacité et l’ardeur au travail caractérisent le Canadien alors quel’Africain valorisera plutôt le prestige et travaillera àrehausser son statut social. Le développement occidentalse heurte donc ici à la culture, au conformisme et auxtraditions des sociétés africaines faisant obstacle auchangement et au progrès. L’alphabétisation, en plus depermettre l’acquisition d’informations utilisables sur lesplans économique et social, encourage l’élaboration d’une pensée conceptuelle qui améliore les capacités dejugement, le sens critique, l’esprit d’analyse et de synthèseet la créativité. Par conséquent, le défi réside dans le faitde substituer la pensée imagée du paysan africain par unepensée conceptuelle, et ses croyances et pratiques lourdesd’éléments affectifs par de nouvelles connaissances ettechniques qui parfois les contredisent.

De l’expérience tirée en alphabétisation des paysindustrialisés dans le monde en développement se dessi-nent deux tendances : l’instruction et la transmission dusavoir sur le plan individuel, et l’action éducative commemoyen d’amener les collectivités à mieux participer audéveloppement économique et social. La premièretendance suppose que la collectivité bénéficiera du savoiracquis par un de ses membres, tandis que la deuxièmeassure son point d’impact sur la personne en situation de groupe. Il ne suffit pas d’apprendre à lire, à écrire et àcompter selon le modèle scolaire correspondant auxconceptions individualistes du monde occidental, il fautaussi favoriser l’adaptation au changement et faire de

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Alphabétisation et développementPar Suzanne Benoît En collaboration avec Jean-François Méthé

Bénin

l’homme l’artisan de son propre développement et decelui de son groupe, d’où le procédé méthodologiquejugé le plus efficace : celui d’engager la collaborationd’un leader local. En plus de relayer les informations,il jouera un rôle primordial dans les prises de décisionet le déploiement des ressources pour résoudre lesproblèmes des habitants.

L’exemple du BéninLa République démocratique du Bénin compte 6millions d’habitants, dont plus de la moitié a moinsde 20 ans. L’économie est dominée par l’agriculture,peu rentable, car 56 % de la population y travaille etelle ne constitue que 37 % du produit intérieur brut.Les femmes représentent près de 52 % de la popula-tion et font de 60 % à 80 % du travail agricole; ellescontribuent donc de façon significative au PIB. Lefrançais est la langue de l’administration et de l’ensei-gnement, mais dans la vie quotidienne on dénombre53 langues, parmi lesquelles 6 langues principales,dont le fon, utilisé par 42 % de la population.

Malgré tous les efforts investis dans l’enseignement de base en langue française et en langues nationales,61,3 % des hommes et 80,8 % des femmes demeurentanalphabètes. Même si les filles des zones rurales nepayent aucuns frais de scolarité grâce à une loi votéeen 1993, les croyances et les traditions entretiennentcet écart. Elles doivent s’occuper des tâches domes-tiques, de leurs jeunes frères et sœurs et doivent sesoumettre au mariage précoce.

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1972 : Adoption par le gouvernement d’une poli-tique donnant la priorité aux stratégies d’alpha-bétisation des populations. 1974 : Création de la Direction nationale de l’Alphabétisation et dela Presse rurale. 1977 : Adoption de la Loi fonda-mentale de la liberté, reconnaissant à chaquenationalité le droit d’utiliser sa langue, écrite etparlée, et de développer sa culture. 1980 : Miseen œuvre d’un programme national de généra-lisation de l’alphabétisation. 1991 : Adoption de la Charte culturelle où le droit à l’éducationpour tous sera ici reconnu comme la finalitéd’une société démocratique et garante de sapérennité – l’État béninois assure ainsi l’alphabé-tisation et l’éducation des adultes, conjointementavec des organismes nationaux et internationaux,et prépare les réformes nécessaires à l’intégrationprogressive des langues nationales dans l’ensei-gnement. 1997 : Publication d’un documentgouvernemental, Orientations, stratégies et orga-nisation de l’alphabétisation et l’éducation desadultes, qui présente l’alphabétisation comme uninvestissement dans la qualité et la formation ducapital humain, et promeut le développement, larichesse et une distribution plus équitable decelle-ci. L’engagement du gouvernement s’esttraduit par un budget annuel réservé à l’alpha-bétisation qui a presque doublé entre 1995 et 1998.

Historique

L’alphabétisme dans quatre pays d’Afrique

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Programme et campagnes d’alphabétisation

Le programme d’alphabétisation béninoiscomprend trois niveaux :

L’alphabétisation initiale : On apprend auxapprenants, sur une période de trois à six mois (troisséances par semaine), la lecture, l’écriture et le calcul,et ce, dans 25 des 52 langues du pays. On les évalueune seule fois en fin de période et ils sont considéréscomme alphabétisés s’ils obtiennent 35 sur 70.

La postalphabétisation : On consolide les acquisinitiaux; on applique de nouvelles connaissances en vue de transformer le milieu et l’on favorisel’autoapprentissage.

La formation spécifique : On valorise l’acquisition et la consolidation du savoir-faire local.

Pour une formation sur mesureDans la pratique, il y a peu d’initiatives d’alphabétisationau Bénin et le financement y est nettement insuffisant.L’alphabétisation initiale se limite à un enseignement trèsrudimentaire de la lecture, de l’écriture et du calcul; bref,il s’agit d’un condensé en quelques semaines des troispremières années du primaire. Les enseignants en alpha-bétisation travaillent bénévolement et ont un niveauminimal d’instruction. Il y a absence de journaux enlangues nationales, peu d’activités menées dans les clubsde lecture et inexistence, dans la plupart des départements,de programmes et d’objectifs précis et fonctionnels depostalphabétisation ou de stratégies et de méthodesd’enseignement et d’apprentissage. L’enseignement ducalcul est souvent restreint à l’addition et à la soustraction.

Avec ces notions rudimentaires, comment les paysanspeuvent-ils calculer les quantités d’engrais et d’insecticidesque nécessitent leurs champs? Comment le petit entrepre-neur fera-t-il pour comprendre les opérations bancaires etl’octroi des prêts? Les fermiers devront avoir de l’instruc-tion pour faire face aux problèmes complexes liés à lacommercialisation de leurs produits. Ces difficultésrendent indispensable l’application d’une éducationciblée, élaborée sur mesure, ainsi que de politiquescomplémentaires. Le Bénin a donc mis en place desprogrammes de formation à la carte, a harmonisé sesprogrammes avec l’éducation formelle et a mobilisé desressources financières nationales et internationales.

Des défis, des possibilités…En dépit des politiques, des campagnes et des program-mes en place, la marginalisation sociale et les pratiquesculturelles persistent à écarter les personnes ayant le plusbesoin de formation, rendant encore l’accès à l’éducationinéquitable et limité. On explique aussi le peu de portéeet la médiocrité de l’enseignement par des programmesnon adaptés aux besoins, un matériel didactique absent,des enseignants peu formés et mal rémunérés, desdirigeants et administrateurs bornés à leurs prérogativespersonnelles et incapables d’établir des liens entre lesdifférents secteurs d’activité, la vie et le travail.

À présent que le renouveau démocratique et le libéralismequ’il a engendré ont favorisé l’émergence de la sociétécivile, l’État n’est désormais plus le seul acteur de l’alpha-bétisation au Bénin. En effet, toutes les initiatives doiventmaintenant inclure la participation des collectivitéslocales et des ONG en matière de gestion et de

Alphabétisationetdéveloppement(suite)

planification. Cette nouvelle réalité impose à l’État uneredéfinition et un partage des rôles de chaque secteur afin de garantir, cette fois, des résultats à la mesure desattentes des bénéficiaires. L’État, la société civile et lespartenaires en développement coordonneront ensemble le dossier de l’alphabétisation en vue d’améliorer lesservices. Concrètement, l’État prendra en charge lesorientations, les programmes, la coordination des actionset la formation. La société civile fera les études de milieu,fournira les services, appliquera les programmes, préparerales demandes de projets et les mettra en œuvre et, enfin,les partenaires en développement procureront appui etconseils par l’entremise de l’offre de services techniques.

Qu’est qu’un regroupement canadienprovincial a à offrir? Mentionnons d’abord que la Coalition francophone pourl’alphabétisation et la formation de base en Ontarioentreprend de travailler en développement internationalen collaboration avec la Cité collégiale. Les champsd’intervention dans lesquels la Coalition pourraits’impliquer en alphabétisation au Bénin sont variés. En voici les principaux :

◆ la formation des enseignants, tant sur le planandragogique que sur le plan du contenu;

◆ la recherche et les expériences acquises, enpartageant les fruits du travail des membres de laCoalition;

◆ la production de matériel didactique, en offrantson expertise, notamment dans le domaine de l’édition;

◆ le développement de partenariats et d’alliancesstratégiques, en établissant un mécanisme definancement fiable et transparent;

◆ les principes administratifs et politiques decontrats;

◆ la collaboration entre l’État et les ONG, enfournissant les informations susceptibles d’accroître ladécentralisation des services et la prise en charge par lescollectivités.

Une condition gagnante : une approche participativeInfluencé par les exigences des pays ou des organisationsqui sont intervenus dans le passé, le Bénin n’a pas suatteindre les objectifs qu’il s’était fixés. Maintenant qu’il a décidé de procéder à sa propre planification et à la priseen charge des activités, il aura besoin d’un réseau struc-turé de partenariats nationaux et internationaux pouratteindre ses objectifs d’alphabétisation. La Coalition estprête à lui offrir son appui comme partenaire. Cependant,le défi ne pourra être relevé que si la synergie est assuréeentre le gouvernement, la société civile et les partenaires.Il faudra aussi décentraliser et renforcer le pouvoir descollectivités locales pour qu’elles jouent un rôle accrudans l’éducation. Il faudra placer les bénéficiaires et lesenseignants en alphabétisation au cœur de touteinitiative. ■

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L’alphabétisme dans quatre pays d’Afrique

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Le Groupe Alpha Laval, organisme en alphabétisationpopulaire, travaille depuis toujours à prévenirl’analphabétisme. Ses premières actions en ce domaineont été menées de concert avec Entraide Pont-Viau/Laval-des-Rapides, groupe qui œuvre auprès des familles.Ensemble, ces partenaires ont formé un groupe deparents dont l’enfant assistait aux activités depréparation à la maternelle organisées par l’organisme.Ces rencontres visaient à inciter les parents à participer à l’éveil à l’écrit de leur enfant dans les actionsquotidiennes. Nous, les intervenantes, avons suivi,comme bien d’autres, la démarche consistant à leurmontrer les bienfaits de la lecture faite aux enfants, lafaçon d’utiliser un livre et de le choisir. Tous les parentsont reçu du matériel d’appui, dont un livre d’histoirepour enfants.

À la fin de cette expérience d’une dizaine de semaines,nous avons constaté que les résultats n’étaient pas à lahauteur des attentes. En effet, malgré nos interventions,plusieurs parents ne faisaient toujours pas la lecture àleur enfant. Ces parents ne semblaient pas interagirdavantage avec leur enfant en ce qui a trait au matérielécrit. Nous nous sommes donc demandé pourquoi lesparents ne transposaient pas les informations ni lesprogrammes offerts dans leur quotidien. Ces « outils »conçus d’avance les rassurent-ils, rehaussent-ils leurestime personnelle ou les font-ils se sentir une fois de plus « incompétents » face à des comportementsauxquels s’attend la société? Cette démarche de travailest-elle significative pour eux ou, au contraire, est-elleloin de leur réalité immédiate?

Ce questionnement nous a poussées à approfondir le sujet et à poursuivre notre démarche de réflexion sur notre pratique. Nous avons donc entrepris unerecherche-action1 auprès des parents peu scolarisés, dontvoici les principaux constats. Il nous apparaît pertinentd’en tenir compte pour faire un travail efficace auprès de ces parents.

Pour mieux soutenir les parents peu scolarisés Par Janine Legros et Nathalie Drolet

Accompagner son enfant dans son parcours scolaireconstitue une tâche exigeante

pour tout parent, et cette tâche s’avèredoublement contraignante pour leparent qui a vécu l’échec scolaire dès le primaire et qui a décroché ausecondaire. Devant cette situation,quel appui peut-on apporter au parentpeu scolarisé et conscient d’offrir unmodèle peu convaincant en tant quepremier éducateur de son enfant? Surquoi faut-il miser quand on intervientauprès des parents aux prises avec ceproblème?

Cet article vous livre le fruit d’une collaboration entre un grouped’alphabétisation populaire et unorganisme communautaire intervenantauprès des familles et de l’école duquartier. Ensemble, durant trois ans, ils ont uni leurs efforts pour aider lesparents peu alphabétisés. Ils ont apprisà le faire à travers leurs bons et leursmauvais coups.

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Consulte-t-onvraiment lesparents?

Bon nombre de programmesvisant les parents issus d’unmilieu défavorisé mettent l’ac-cent sur les comportementssocialement et culturellementattendus dans notre société.Ces programmes cherchent àéduquer les parents à leur rôle.L’école ou les organismescommunautaires leur adressenttrès souvent des demandes denature directive : lire l’agenda,signer le bulletin, participer auxateliers, assister aux rencontresd’information, et bien d’autres.Rares sont les occasions où onles consulte sur les objectifspoursuivis, les solutions auxproblèmes ou les modalités defonctionnement en place. Selonles témoignages recueillis, lesparents désirent collaborer à laréussite scolaire de leur enfant,mais ils ont besoin d’être recon-nus comme interlocuteurs. Ilssouhaitent qu’on les consulteet qu’on les informe.

Dans le même ordre d’idées,mentionnons que le milieu sco-laire demande aux parentsd’aider leur enfant à faire sesdevoirs. On leur dresse une listede ce qu’ils doivent faire ou nepas faire. Les parents doiventdonc répondre aux demandesde l’école pour motiver leurenfant ou être à la hauteur deleur tâche en tant que parents.Mais, malheureusement, ils sontmaintenus à l’écart lorsqu’ils’agit de définir les contenus etde déterminer la finalité decette activité.

Nous pensons, comme biend’autres auteurs, qu’on gagne-rait à considérer les parentscomme des partenaires dans lesactions entreprises pour aug-menter les chances de réussitede leur enfant.

Respecte-t-on lesparents dans leursvaleurs et leurscompétences?

Une approche fondée sur l’instrumen-tation amène bien souvent l’intervenantà créer ou à utiliser des outils. Les besoinsdes parents sont alors définis sous l’angledes manques à combler. Ainsi, le but viséde l’intervention consiste souvent à leurinculquer de nouveaux savoirs loin deleur réalité de tous les jours. Par ricochet,cette attitude les dévalorise, nie leurs habi-letés ou leur façon de faire et les conduità ne pas accepter facilement le savoir« des experts ». Or que savons-nous vrai-ment des attentes et des savoir-faire desparents? Ceux-ci ne sont pas dénués decompétences, même s’ils sentent qu’onne les valorise pas nécessairement. Avons-nous une idée des efforts qu’ils déploientpour faire face aux exigences de leur vie?

Il ressort des témoignages des parentsqu’ils ne veulent pas être « formés » àêtre de bons parents. Ils veulent avanttout être épaulés, informés et soutenusdans leur rôle. Certains ont révélé que,en dehors des rencontres « officielles », ilsaimeraient bénéficier de plus de tempsavec l’enseignant pour pouvoir se rensei-gner plus à fond sur leur enfant ainsi quesur l’enseignant lui-même. D’autres sou-haiteraient pouvoir observer leur enfantpendant les heures de classe afin d’ensavoir davantage sur son comportementet sur ses interactions avec les pairs.

Par ailleurs, l’intérêt de dépasser l’appro-che instrumentale concerne l’appropria-tion d’une démarche de résolution deproblèmes. Plusieurs méthodes ou appro-ches proposent des solutions que les pa-rents n’ont plus qu’à appliquer. Hélas!,avec cette tactique, la participation activedes parents à la résolution de problèmestouchant tous les aspects de leur vie setrouve banalisée. Elle s’avère pourtantessentielle, car elle permet aux parents detrouver eux-mêmes leurs propres stratégiespour résoudre tant leurs conflits per-sonnels que les autres problèmes du quo-tidien. C’est en élaborant de telles stra-tégies qu’ils apprennent à mieux maîtriserles situations de leur vie. Et, ce faisant, ilsacquièrent une plus grande estime de soi.

Commentintervenir?

Au-delà d’une approche parenseignement de compétences,il faut prendre en considérationles facteurs suivants :

◆ la qualité et les conditions de la communication;

◆ la connaissance de la réalité familiale;

◆ le travail en partenariat avec les parents;

◆ la complémentarité desressources du milieu.

La qualité et les conditionsde la communication

Les parents interrogés révèlentl’importance qu’ils accordentavant tout à la qualité des rela-tions humaines. En effet, les pa-rents peu scolarisés ont besoinde parler de leur situation et deleurs problèmes. Ils ont besoind’être écoutés et compris. Il s’agitde construire avec les parentsune relation significative repo-sant sur l’ouverture, le respect etl’écoute.

La connaissance de laréalité familiale

Cerner la dynamique familiale,connaître les réseaux sociocul-turel et économique de la familleet repérer les savoir-faire dechaque membre de la famillepermettent d’enrayer les préjugéset de mieux découvrir la réalitédes parents. Il est possible ensuitede cibler les actions les mieuxappropriées et de détermineravec qui il est plus efficace d’agir.

Le travail en partenariatavec les parents

Les parents ont besoin que l’onreconnaisse leur rôle et qu’onleur fasse confiance. Comptetenu de leurs difficultés et deleur parcours scolaire, les parentspeu scolarisés n’ont pas tendanceà se voir comme partenaires.

(suite à la page 38)

38 À lire 2001

Cependant, ils souhaitent participer aux actions àla mesure de leurs capacités. Ils élaborent desstratégies et des solutions pour contrer leursdifficultés. En fait, ils font partie de la solutionlorsqu’on les soutient adéquatement. L’entraidedes parents dans les rencontres de parents estaussi une voie importante à privilégier. Ilspeuvent échanger des trucs et proposer des solu-tions. Quant à nous, intervenants, nous avons àélaborer des approches qui prennent en considé-ration la diversité des milieux. Nous devonspenser à des actions et à des services appropriés.Les programmes à l’adresse des parents sont utilesdans la mesure où ils favorisent des transfor-mations avec les parents.

La complémentarité des ressources du milieu

Selon nous, l’analphabétisme n’est que rarementun problème en soi; il s’agit plutôt de laconséquence de plusieurs circonstances de la vie.Or ce problème social ne fait jamais route seuldans un parcours de vie. Il va de soi que vouloirbriser le cycle de reproduction intergénéra-tionnelle n’est pas l’affaire d’un seul organismeou d’une seule institution, et encore moins d’uneseule personne. C’est pourquoi l’ampleur de lasituation nécessite une mise en commun desressources concernées. En travaillant de concert,parents et intervenants harmonisent les efforts etassurent une cohérence du travail.

Aller au-delà des outils exige que les intervenantsrevoient régulièrement leur méthode de travail. Àpartir de quel point de vue amènent-ils les sujets,les thèmes : du leur ou de celui des parents enga-gés dans la démarche? Selon notre expérience, iln’est pas toujours évident d’établir une démarca-tion. Nous devons nous remettre continuelle-ment en question afin de toujours partir desbesoins réels des parents. Nous devons tenircompte de leur réalité, de leurs valeurs, de leurscompétences et de leur façon de faire. Ainsi, ilspourront élaborer des pistes de solution. Simple?Non! Mais signifiant à la fois pour eux et pournous. L’enjeu primordial : se rappeler que le pa-rent est partenaire de la réussite de son enfant. ■

1 Nathalie Drolet, Janine Legros et Sylvie Roy,L’Écho d’un silence, Recherche-action sur les parentspeu scolarisés, Entraide Pont-Viau/Laval-des-Rapides et Groupe Alpha Laval, 2001, 154 p.

Comment intervenir?(suite)

Les Sœurs de la Charité d’OttawaCongrégation fondée par Élisabeth Bruyère

9, rue BruyèreOttawa (Ontario)K1N 5C9

Téléphone : (613) 241-2710Télécopieur : (613) 241-7139Courriel : [email protected]

Congrégation de vie religieuse apostoliquefondée par

Saint Louis-Marie de Montfortet Sœur Marie-Louise Trichet

MAISON PROVINCIALE17, avenue Myrand, Ottawa (Ontario) K1N 5N7

Téléphone : (613) 789-5312 Télécopieur : (613) 789-1269Courriel : [email protected]

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Place de la Francophonie302-450, rue Rideau, Ottawa (Ontario) K1N 5Z4Téléphone (613) 241-3500 Télécopieur (613) 241-6679Courriel : [email protected] www.franco.ca/fnfcf

Mission : Appuyer l’action collective des groupes de femmesfrancophones et acadiennes du Canada afin de susciter toutchangement permettant d’édifier une société plus juste.

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UN SERVICE DE L’ALLIANCE DES RADIOS COMMUNAUTAIRES DU CANADA

L’alphabétisation,un pas vers un avenir meilleur.

Coalition francophone pour l’alphabétisation et la formation de base en Ontario

235, chemin Montréal, pièce 201, Vanier (Ontario) K1L 6C7Téléphone : (613) 842-5369 Sans frais : 1-877-464-0504

Télécopieur : (613) 842-5671 Courriel : [email protected] Web : www.coalition.on.ca

La Fédération d’alphabétisation du Nouveau-Brunswick

147, rue CourtGrand-Sault (Nouveau-Brunswick) E3A 2R1Téléphone : (506) 473-4404Télécopieur : (506) 473-6398Courriel : [email protected]

L’Équipe d’alphabétisation – Nouvelle-Écosse

C.P. 590, Ste-Anne-du-Ruisseau (Nouvelle-Écosse) B0W 2X0Téléphone : (902) 648-2253Télécopieur : (902) 648-2341Courriel : [email protected]

Le Service fransaskois d’éducation des adultes (SFEA)

Collège Mathieu, Sac 20Gravelbourg (Saskatchewan) S0H 1X0Téléphone : (306) 648-3129Télécopieur : (306) 648-2295Courriel : [email protected]

La Société éducative de l’Île-du-Prince-Édouard

48, chemin Mill, C.P. 159Wellington (Île-du-Prince-Édouard) C0B 2E0Téléphone : (902) 854-7276Télécopieur : (902) 854-3011Courriel : [email protected]

La Fédération canadienne pour l’alphabétisationen français remercie sincèrement…

40 À lire 2001

C’ est lors de la 5e Conférence internationale surl’éducation des adultes, organisée sous l’égide del’UNESCO à Hambourg en 1997, que l’idée de

lancer une semaine internationale de l’éducation des adultes a vule jour. Il s’agissait de susciter, à l’échelle internationale, un vastemouvement en faveur du droit d’apprendre et de valoriser l’acted’apprendre tout au long de la vie. Deux ans plus tard, un foruminternational de suivi, tenu à Manille, a identifié la Semaineinternationale des apprenants adultes comme une initiative clédu suivi de la Conférence de Hambourg. Dès l’automne 1999, unprojet de résolution en ce sens a donc été soumis aux Étatsmembres et il a été adopté lors de la 30e Conférence générale del’UNESCO à Paris. Ce projet de résolution invitait les Étatsmembres à participer à des activités en faveur de l’éducation toutau long de la vie et à soutenir le lancement de la Semaineinternationale de l’éducation des adultes. Il suggérait égalementau directeur général de l’UNESCO de transmettre cette résolution(30C/11) au secrétaire général de l’Organisation des NationsUnies (ONU) et à son assemblée générale. Le Canada, par la voixdes ministres de l’Éducation, a appuyé ce projet de résolution, quirappelle que la Semaine internationale de l’éducation des adultesconstituera un précieux complément à la Journée internationalede l’alphabétisation.

En effet, comme on le souligne dans le Bulletin spécial del’UNESCO publié à cette fin, la Semaine internationale desapprenants adultes souhaite enrichir, et non pas remplacer, laJournée internationale de l’alphabétisation. Le 8 septembre doitplutôt en constituer l’élément central et y jouer un rôle pivot.

L’UNESCO lance une semaineinternationale des apprenants adultes

Par Diane Laberge *

N ous déclarons solennellement que toutes les partiessuivront de près la mise en œuvre de cette Déclarationet de l’Agenda pour l’avenir […] Nous sommes résolus

à faire en sorte que l’éducation tout au long de la vie devienneune réalité d’un plus grand poids au début du XXIe siècle. À cettefin, nous nous engageons à promouvoir une culture del’apprentissage grâce [...] à l’instauration d’une semaine desNations Unies pour l’éducation des adultes.

Déclaration de Hambourg (article 26)

La Journée internationale del’alphabétisation conserverason individualité [...] Elleoccupera une place prédomi-nante et spécifique et seraprécédée et/ou prolongée pardes journées d’activités aptes à promouvoir le droit d’appren-dre tout au long de la vie. LaJournée internationale del’alphabétisation sera doncreliée au mouvement plus large d’éducation des adultesauquel elle contribue. L’impor-tance de l’alphabétisation s’entrouvera renforcée et en retourla Journée internationale del’alphabétisation donnera del’énergie à la Semaine desapprenants adultes.

Bulletin de l’UNESCO, n° 1

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La Semaine internationale des apprenants adultes a étélancée officiellement par l’UNESCO le 8 septembre 2000 àHanovre à l’occasion d’Expo 2000. Cette semaine consacréeaux apprenants adultes constitue une campagne de sensibi-lisation tant nationale qu’internationale en vue de stimulerla demande en éducation et l’élaboration de politiques effi-caces d’éducation des adultes. Elle poursuit principalementles buts suivants :

◆ donner une place centrale aux apprenants adultes;

◆ célébrer le droit d’apprendre et le pouvoir transfor-mateur de l’éducation tout au long de la vie;

◆ stimuler la participation des femmes et des hommes aux différentes façons d’apprendre;

◆ élargir l’accès aux services d’information, de conseil et d’orientation;

◆ intensifier les partenariats entre les divers agents de formation;

◆ relier à l’échelle mondiale les campagnes nationaleset créer une synergie entre elles;

◆ instaurer à l’échelle internationale un partenariat entre les organismes concernés par la promotion de l’éducation tout au long de la vie.

Les organisateurs ont produit un guide pour illustrer lesinitiatives déjà en place dans divers pays, initiatives qui ontprécédé ou suivi le lancement de la Semaine internationaledes apprenants adultes par l’UNESCO, et pour appuyer lamise en œuvre d’initiatives semblables dans les pays quisouhaitent se joindre à ce mouvement international. Plusd’une quarantaine de pays prennent déjà part à ce vastemouvement en faveur de l’éducation tout au long de la vie.L’UNESCO invite les autres pays à adhérer à ce mouvementen organisant leur semaine nationale des apprenantsadultes en association avec les célébrations de la Journéeinternationale de l’alphabétisation.

Les autorités canadiennes, tant provinciales que fédérales,ont été invitées à mettre sur pied une semaine des appre-nants adultes au Canada. De même, on a incité le comitécanadien de suivi de la Conférence de Hambourg, mis en pla-ce par la Commission canadienne pour l’UNESCO et regrou-pant à la fois des représentants gouvernementaux et desreprésentants non gouvernementaux, à se mobiliser pourpréparer des activités en ce sens partout au Canada. Une tellesemaine devrait certes nous inspirer, mais constituer aussiune occasion de célébrer les apprenants adultes et de nousmobiliser en faveur de l’éducation tout au long de la vie.■

*Diane Laberge est chargée de programme, Éducation, à la Commission canadienne pour l’UNESCO.

Pour en savoir davantage sur ce sujet, consultez les sitesWeb suivants :

UNESCO : http://www.unesco.org

Institut de l’UNESCO pour l’éducation :http://www.unesco.org/education/uie/

Commission canadienne pour l’UNESCO :http://www.unesco.ca

Pour obtenir les documentssuivants :

◆ une trousse d’animation produite par laCommission canadienne pour l’UNESCOsur la 5e Conférence internationale surl’éducation des adultes « Renouveler notrevision d’éducation des adultes »,

◆ le manuel Comment préparer une Semainedes apprenants adultes pour atteindre un largepublic.

Transmettez votre demande par courriel àl’adresse suivante : [email protected]

42 À lire 2001

L’ exogamie est le mariageentre deux personnes,l’une francophone et

l’autre anglophone. Au Canada,pays où les francophones et lesanglophones coexistent souventdans un rapport minoritaire etmajoritaire, l’exogamie est un phé-nomène qui prend de l’ampleur.

Le chercheur et professeur RogerBernard de l’Université d’Ottawa,aujourd’hui décédé, a effectué destravaux considérables sur laquestion des mariages exogames.Dans son œuvre Le Canadafrançais : entre mythe et utopie, ilexplique et retrace la progressionde l’exogamie dans la sociétécanadienne. « Depuis la fin desannées 1960, l’exogamie estdevenue un phénomène socialqui caractérise l’évolution descommunautés francophones etacadiennes qui se trouvent ensituation minoritaire au Canada1»,soutient-il. Ainsi, avant les années1960, les mariages endogames,

c’est-à-dire entre deux personnesde même culture, étaient la normesociale chez les francophonesminoritaires du Canada. Avec letemps, les communautés franco-phones se sont dispersées pour différentes raisons. Le professeurBernard explique que « les franco-phones sont de plus en plus mino-ritaires, dispersés, bilingues et, parconséquent, anglicisés; ces quatreconditions expliquent en partie lepassage de l’endogamie àl’exogamie2 ».

Si l’on observe ce phénomènepour les francophones, qu’en est-ilpour les anglophones? Quelle estla place réservée à la langue desgens en situation minoritaire? Lesparagraphes qui suivent proposentun aperçu de la réalité linguistiquede francophones et d’anglophonesqui partagent leur vie avec unconjoint appartenant à l’autregroupe linguistique. Dans chacundes cas, l’un des conjoints vit enmilieu minoritaire.

Dualité linguistique au quotidien

Bien que les couples exogamesaient plus de facilité à compren-dre le quotidien d’un autre coupleexogame, chaque couple vit sonhistoire d’une façon bien parti-culière. Ainsi, Patrick Chouinard,de Fredericton, au Nouveau-Brunswick, est marié à une anglo-phone depuis plus de vingt ans.Sa conjointe a une connaissancetrès restreinte du français. Mêmesi le couple parle davantagel’anglais que le français, la viefamiliale se déroule dans les deuxlangues. Les enfants parlent à leurmère en anglais et à leur père enfrançais. « J’ai toujours essayé deleur faire comprendre l’importancede bien s’exprimer dans les deuxlangues», soutient M. Chouinard.Il ajoute qu’il est tout de mêmeconscient du sort souvent réservéà sa langue. « Même si mesenfants ont fréquenté des écolesfrançaises jusqu’à la fin de leursecondaire, cela n’a pas toujoursété facile de les inciter à parlerfrançais. À l’adolescence, mesenfants étaient souvent portés àparler anglais avec leurs amisfrancophones. L’anglais étaitconsidéré comme plus cool. »

Même si M. Chouinard tientbeaucoup à ce que ses enfantsn’oublient pas le français, ilconnaît l’importance de maîtriserl’anglais pour s’insérer plus facile-ment dans le marché du travail. « Pour avoir un bon emploi auNouveau-Brunswick, les franco-phones doivent parler anglais. Leproblème, c’est que la vie profes-sionnelle se passe si souvent enanglais seulement que les franco-phones peuvent rapidementoublier leur langue. Je le sais, moi,ça m’est presque arrivé quandj’étais plus jeune. Il a fallu que jeprenne conscience de ce qui m’ar-rivait avant de commencer à faireles efforts nécessaires pour conser-ver ce qui me restait de ma languematernelle. Et encore aujourd’hui,je me retrouve dans un milieuprofessionnel où la langue d’usageest l’anglais. » Il ajoute que saparticipation aux activités desorganismes francophones deFredericton l’a grandement aidé à s’épanouir dans sa langue.

La réalité des mariagesexogames

Par Marie-Ève Thérien

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Même opinion de la part d’Edna Hall,de Three Rocks, à Terre-Neuve, qui vitégalement un certain tiraillemententre les deux langues. Francophonede naissance, Mme Hall, née Gallant,n’a pu fréquenter l’école françaisepuisqu’il n’y en avait pas dans larégion qu’elle habitait. Enfant, sa viefamiliale se déroulait en français,tandis qu’à l’école et avec ses amis elleparlait anglais. Aujourd’hui, la langued’usage dans son foyer est l’anglais.Elle a épousé un anglophone qui neparle pas français. Elle communiquetoutefois avec ses enfants en français.« Mes enfants sont allés à l’école enfrançais. Je fais encore beau-coup de bénévolat à cetteécole. Je donne un coup demain aux enseignants et aux élèves. »

Elle a transmis le français àses enfants, bien sûr, pourleur donner accès à de meil-leurs emplois, mais surtoutet avant tout parce que,pour elle, le fait que sesenfants connaissent sa languematernelle est une question de fierté.« Mes enfants sont fiers de connaîtrela langue de leur mère comme moi je suis fière d’avoir conservé la languede mes parents. Mais, ce n’est pasfacile; je cherche souvent mes mots, et eux aussi. » C’est par des effortsquotidiens qu’elle transmet sa langue,et ce, de façon orale, car elle n’écritpresque pas en français. « Ma fille ne parle pas à son fils en français. C’est moi qui lui apprend. »

Comme le laissent entrevoir Mme Hall et M. Chouinard, lesparents ne peuvent pas prévoir sileurs enfants délaisseront le français.France Surprenant-Kyte, d’Ottawa, estmère d’une petite fille de quatre anset attend un autre enfant. Son con-joint ne parle pas français, mais ellene s’inquiète pas pour autant del’avenir du français dans sa famille. « Ma fille peut s’exprimer aisémentdans les deux langues. C’est mêmeelle qui pousse son père à apprendrele français », affirme-t-elle, le sourireaux lèvres. « Je ne lui parle jamais enanglais. Quand elle s’adresse à moi enanglais, je lui réponds que je necomprends pas, qu’elle doit trouverles mots en français. Elle les trouve. »

Mme Surprenant-Kyte remarque qu’àl’école française que fréquente sa fillela majorité des compagnons de classede sa fille viennent également defoyers exogames. « Ils n’ont que

quatre ans, et ils se parlent encore enfrançais. On verra à l’adolescence. Jedevrai peut-être me montrer ferme. »Mme Surprenant-Kyte admet qu’il esttrop tôt pour pouvoir dire si sa filleconservera son français, mais elle abon espoir. « L’important, c’est qu’elleaime sa langue maternelle. »

Gail Enwright-Lalonde habitePrince Arthur, en Saskatchewan. Elle a épousé un Fransaskois qui lui atransmis son amour du français. MmeLalonde a appris le français après sonmariage. « Mon mari et moi avionsconvenu que tout devrait se passer en

français à la maison jusqu’à ceque les enfants atteignent l’âgede cinq ans. Nous voulions leurassurer une bonne base enfrançais. » Elle précise en riantqu’elle a appris à parler françaisen même temps que ses enfants.« Nous avons quatre enfants.J’ai donc parlé longtemps enfrançais à la maison. » Encoreaujourd’hui, même si sesenfants ont dépassé l’âge de

cinq ans, elle estime que dans safamille on parle beaucoup plus sou-vent français qu’anglais. « Nousparlons français entre nous et lesenfants vont à l’école française, maisl’éducation religieuse et les activitésparascolaires se passent en anglais. »

La gestion d’un foyer bilingue n’estpas toujours chose facile et continuede la mettre au défi sur une basequotidienne. Mme Lalonde soulignequ’elle n’a pas eu beaucoup de soutiende la part de sa famille. « Quand lesenfants étaient jeunes, ma mère nepouvait pas communiquer avec mesenfants, qui ne parlaient pas anglais.Elle avait du mal à accepter la situa-tion. » Aujourd’hui, les frustrationssont d’un tout autre ordre. « Je nemaîtrise pas parfaitement le français et je trouve difficile de me fairereprendre par mes enfants. »

Maureen Bridges, qui a habité Québecet Montréal, sait ce que c’est, elle-aussi,que de se faire corriger souvent enfrançais. Il existe toutefois une diffé-rence assez marquée entre les deuxfemmes. Mme Bridges a complètementcessé de parler anglais pendant unelongue période de sa vie. Ce n’est querécemment qu’elle a recommencé às’exprimer dans la langue de sonenfance.

Née à Montréal d’une mère québécoisepure laine et d’un père d’origineirlandaise, Mme Bridges a d’abord

appris à parler anglais. Après le divorcede ses parents, elle a vécu dans lafamille de sa mère aux alentours deQuébec. C’est à ce moment-là quecommence son apprentissage dufrançais. Elle a quatre ou cinq ans. Samère l’a inscrite à l’école française etelle s’y est fait des amis. À peine un anplus tard, elle ne s’exprimait plusqu’en français.

Aujourd’hui, Mme Bridges expliqueque, même si l’anglais a complètementdisparu de sa vie pendant de nom-breuses années, cette langue ne l’ajamais vraiment quittée. « C’estdifficile de se faire passer pour unefrancophone avec un nom commeMaureen Bridges. Les gens pensenttout de suite que je suis anglophone. »Elle parle également des défis que luidonne l’écriture. « Je me souviens queles professeurs corrigeaient souventmes structures de phrase à l’école.J’écrivais en français avec des tournuresanglaises. D’ailleurs, il m’arrive encorede faire ce type d’erreurs. »

Mme Bridges s’est souvent interrogéesur son identité : suis-je francophoneou anglophone? Elle conclut : « Jesuis un peu des deux avec tout ce que cela représente de défis. »

Même si la façon de gérer la dualitélinguistique dans ces foyers comportedes similitudes, ces francophones etces anglophones accordent tous beau-coup d’importance au bilinguisme. Ils considèrent que la langue de leurconjoint ou conjointe leur apporte unprécieux bagage culturel et une plusgrande ouverture d’esprit; leursrapports avec les deux languesdéterminent une grande part de leuridentité.

Enfin, les conjoints d’un couplehexogame doivent être conscients queleur langue et leur culture respectivespeuvent influencer leur façon d’inter-préter une situation. Leurs valeurspersonnelles sont souvent remises enquestion et peuvent faire l’objet dediscussions animées. Il leur fautapprendre à relever ces défis. ■

1 Roger Bernard, Le Canadafrançais : entre mythe et utopie, Le Nordir, 1998, p. 87.

2 Ibid., p. 95.

Edna Hall

R. L. Pourquoi est-il siimportant d’intégrer lesélèves dans leur commu-nauté francophone?

Y. M. On parle ici d’un enjeuimportant, peut-être du principal en-jeu pour la survie et le développementdes communautés francophones auCanada. On voit de plus en plus lanécessité absolue d’intégrer l’élèvepour qu’il se forge une identitéculturelle franco-canadienne forte etdurable. En fait, en milieu minori-taire, la communauté francophoneest le principal lieu où les jeunesapprofondissent leur français etacquièrent leur identité et leur cultu-re franco-canadiennes. Ainsi, plusl’intégration de l’élève francophoneà la communauté francophone seraconcrète et positive, plus l’élève aurade chances de se forger une identitéfranco-canadienne qu’il conserveratoute sa vie. Par contre, sans intégra-tion, les chances pour qu’il yparvienne sont beaucoup plus faibles.

R. L. Est-il réaliste decroire que l’école peutréaliser avec succès cetteintégration?

Y. M. Seule une collaboration étroiteentre l’école et la communauté peutrendre possible cette intégration.

L’école ne peut, à elle seule, donnerun sens aux apprentissages en fran-çais et à la construction de l’identitéet de l’appartenance culturellesfranco-canadiennes des jeunes. Cesapprentissages doivent être reliés àdes contextes réels d’utilisation dufrançais. Pour ce faire, la famille est,à mon avis, le premier partenaire àconsidérer. Par ailleurs, la communau-té francophone et ses divers milieuxde vie française ont aussi une respon-sabilité de premier plan. L’intégrationd’une identité et d’une appartenanceculturelles franco-canadiennes forteset durables a plus de chances de seréaliser et de se maintenir si le jeuneapprenant francophone appartient àune communauté francophone etdemeure au sein de celle-ci. Cela estvrai sur le plan local, mais aussi àl’échelle régionale, nationale etinternationale.

R.L. Qu’est-ce que lesexpériences d’intégrationapportent concrètementaux jeunes?

Y. M. L’objectif est d’amener l’élèveà apprendre à vivre au sein de sacommunauté, à développer un sensd’appartenance et d’engagementenvers sa communauté et envers lafrancophonie en général, à acquérirdes savoirs en francophonie. L’élèveen apprend beaucoup au sujet de sa

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Intégrer les élèves auxcommunautés francophones, c’est important!

Entrevue avec Yvon MahéPar Richard Lacombe, responsable des communications, Associationcanadienne d’éducation de langue française (ACELF)

M. Yvon Mahé estmembre du comité consultatifdes Stages de perfectionnementde l’Association canadienned’éducation de languefrançaise (ACELF). Chaqueannée, l’ACELF reçoit desintervenantes et des interve-nants en alphabétisation desadultes pour un ressourcementéducatif et culturel en languefrançaise. Organisé en parte-nariat avec la Fédérationcanadienne pour l’alphabéti-sation en français, ce stage deperfectionnement permet deséchanges de connaissances,d’innovations pédagogiques,d’expériences culturelles et de vécus reliés aux besoinsqu’expriment les stagiaires.Une équipe d’animatrices etd’animateurs chevronnésprovenant de toutes les régions du Canada encadre les stagiaires avec souplesse et ouverture.

communauté et de la francophonie :son histoire, son leadership, ses ser-vices, sa place et sa valeur dans lasociété, la province et le pays. L’élèveapprend aussi à être à l’aise au sein desa communauté, de la francophonieet de la culture franco-canadienne,dans ses manières de s’exprimer, de serassembler, de faire, de vivre, dans sescroyances, ses aspirations, sa vitalité.La langue française, la communautéfrancophone, la francophonie et laculture franco-canadienne doiventêtre naturelles, même pour l’élève quivit en situation anglo-dominante auCanada. Enfin, l’élève apprend à agiravec et dans sa communauté en déve-loppant l’habileté de s’intégrer et decontribuer à la vitalité de la commu-nauté francophone, à son épanouis-sement, à sa légitimité, et idéalementà jouer un rôle de soutien, de leader-ship et d’appartenance soutenue enfrancophonie, peu importe où l’amè-neront son travail ou ses amours.

R. L. Dernièrement, vous avez collaboré à lapréparation d’un cahier de stratégies et d’outilspour réaliser des projets enintégration communautaireavec des élèves de lamaternelle à la douzièmeannée. De quoi s’agit-ilexactement?

Y. M. La Fédération des parentsfrancophones de l’Alberta a publié, encollaboration avec la Direction del’éducation française du ministère de

l’Apprentissage de l’Alberta et l’Asso-ciation canadienne d’éducation delangue française (ACELF), un cahierpédagogique à l’intention des écoleset des communautés francophones.Intitulé L’ Élève au cœur de la commu-nauté, ce cahier propose des stratégieset des outils qui peuvent inciterl’école et la communauté à collaborerà des projets qui fourniraient auxélèves de la maternelle à la douzièmeannée des expériences d’apprentis-sages identitaires, culturels et commu-nautaires au sein même de la com-munauté francophone. Ces projetsapprennent aux élèves à connaître undes milieux de vie de la communautéet à s’y intégrer, tout en poursuivantdes objectifs ou des résultats d’appren-tissage reliés à une matière scolaire ouà plusieurs matières scolaires à la foisdans une approche interdisciplinaire.Le contenu de ce cahier s’adapte aussifacilement aux adultes en démarched’alphabétisation.

R. L. Quel lien existe-t-ilentre l’alphabétisation etl’intégration des élèves àla communauté?

Y. M. En milieu minoritaire, l’éduca-tion doit amener les élèves et lesapprenants à prendre conscience deleur identité francophone. Cette« réussite identitaire » touche troisgrandes dimensions : les apprentis-sages scolaires, les apprentissagespersonnels (apprendre à se connaîtresoi-même) et les apprentissages com-munautaires (apprendre à contribuerau développement de sa communautéet de la société en tant que citoyen

francophone). En renforçant sonidentité, l’apprenant francophone maî-trise mieux les habiletés nécessairespour participer à la vie de sa com-munauté. Mieux consciente de sonidentité et habitée d’une estime de soirenforcée, la personne alphabétiséeexerce une influence positive au seinde sa famille et de sa communauté.

R. L. À qui ce cahiers’adresse-t-il précisémentet quel en est le contenu?

Y. M. Ce cahier est destiné aux ensei-gnants dans les écoles francophoneset aux composantes communautairesdes communautés francophones duCanada. Il se divise en trois parties. Lapremière partie traite des fondementsde l’intégration de l’élève à la commu-nauté francophone. La deuxièmecomporte trois sections consacrées àchaque partenaire engagé dans l’inté-gration de l’élève à la communauté,soit la composante communautaire,l’école et la famille. Chacune de cessections fait connaître l’orientationparticulière au rôle de l’intervenant etpropose un cadre d’accompagnementet de gestion pour l’intervenant.Enfin, la dernière partie du cahier pré-sente le matériel d’accompagnementcomposé principalement d’outils degestion des apprentissages chez lesélèves et d’outils de gestion des étapeset des résultats du projet. Cette der-nière partie comprend aussi desexemples de projets mis à l’essai etune banque d’idées de projets en inté-gration de l’élève à la communauté. ■

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On peut se procurer le cahier L’Élève au cœur de la communauté et se renseignersur les forfaits de formation à la Fédération des parents francophones de l’Alberta,au 8627, rue Marie-Anne-Gaboury, bureau 203, Edmonton (Alberta) T6C 3N1.

Téléphone : (780) 468-6934. Site Internet : www.francalta.ab.ca/fpfa. Courrier électronique : [email protected].

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