Besoins de main-d'œuvre des entreprises et recours à … · des entreprises 2.2 Le vieillissement...

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1 Besoins de main-d'œ uvre des entreprises et recours à l'immigration : quelles perspectives ? Carole Deneuve Centre d'Observation Economique (COE) Séminaire "Migrations internationales" Journée du 11 septembre 2001 "Immigration, marché du travail et intégration" COMMISSARIAT GÉNÉRAL DU PLAN

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Besoins de main-d'œ uvre des entrepriseset recours à l'immigration :

quelles perspectives ?

Carole DeneuveCentre d'Observation Economique (COE)

Séminaire "Migrations internationales"Journée du 11 septembre 2001 "Immigration, marché du travail et intégration"

COMMISSARIAT GÉNÉRAL DU PLAN

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Sommaire1. Difficultés de recrutement et insertion des travailleurs étrangers sur le

marché du travail en France1.1 Principales caractéristiques des tensions de main-d'œ uvre au cours

des dernières années

1.1.1 Apparition de difficultés de recrutement de personnel nonqualifié dans l'industrie : un phénomène explicable ?

1.1.2 Quelles tensions dans les autres secteurs d'activité ?1.1.3 Les difficultés de recrutement vont-elles perdurer ?

1.2 L'emploi des étrangers : une réponse qui efface les déséquilibres dumarché du travail ou qui les amplifie?

1.2.1 L'emploi de travailleurs étrangers dans les entreprises :quel profil ?

1.2.2 Des situations contrastées selon l'origine géographique,mais le plus souvent précaires

2. De l'évolution des emplois aux perspectives démographiques : uneredéfinition des besoins de main-d'œ uvre et d'immigration

2.1 Quels postes à pourvoir dans les entreprises de demain ?

2.1.1 Les étrangers et l'exception informatique en France2.1.2 Evolution à court et moyen termes des métiers et besoins

des entreprises

2.2 Le vieillissement de la pyramide des âges du personnel

2.2.1 Quelles réserves quantitatives d'actifs ?2.2.2 Et quelles réserves qualitatives ?

3. Une logique d'ouverture des frontières à repenser…3.1 Les étudiants étrangers en France et leur insertion dans le monde du

travail

3.1.1 Amorce d'une nouvelle dynamique dans les universités ?3.1.2 Du diplôme à l'emploi : un parcours difficile en France

3.2 Favoriser l'accueil et améliorer l'attractivité du système deformation français

3.2.1 Alléger les formalités étudiantes…3.2.2 … et faciliter l'accès à l'emploi pour ouvrir la voie à une

nouvelle immigration

3

Introduction

En France, après plusieurs années de croissance économique vigoureuse et une dynamique

des créations d'emplois très soutenue, des difficultés de recrutement sont apparues dans

certains secteurs d'activité (BTP, restauration, métallurgie, transports, etc.). En 1999 et en

2000, les entreprises ont même été confrontées à des pénuries de main-d'œ uvre, pour certaines

catégories de postes et qualifications, bridant alors leur capacité à répondre à la demande et

créant d'importantes tensions sur l'offre.

Dans le même temps, certains de nos partenaires européens ont dû faire face à un manque de

compétences dans certaines branches de l'industrie et des services. Ainsi, l'Allemagne

souffrirait d'un déficit d'informaticiens estimé à 300 000 emplois ; le patronat italien des

provinces du Nord ne parviendrait pas à pourvoir 200 000 postes industriels spécialisés et le

Royaume-Uni manquerait encore de quelque 220 000 personnes hautement qualifiées. La

diversité des situations, en termes de chômage ou de dynamique d'emploi, qui caractérisent

ces différents pays suggère que les pénuries de main-d'œ uvre ne sont pas seulement liées à

des évolutions conjoncturelles du marché du travail. Pour y remédier, plusieurs solutions ont

été envisagées - voire appliquées dans le cas de l'Allemagne ou du Royaume-Uni - parmi

lesquelles l'appel à la main-d'œ uvre étrangère.

Si la France semble pour le moment privilégier un renforcement des dispositifs de formation

professionnelle pour pallier ses difficultés de recrutement, le recours à l'immigration n'est pas

exclu et semble de plus en plus souvent évoqué. Toutefois, au delà des pénuries de

qualifications exacerbées par l'accélération conjoncturelle des dernières années, il convient

d'identifier la vraie nature des besoins de main-d'œ uvre des entreprises à court et moyen

terme. Le ralentissement de l'activité en 2001 s'accompagne déjà d'un freinage des tensions

sur l'offre liées au facteur travail. Ce faisant, les goulots de main-d'œ uvre vont

vraisemblablement se raréfier.

Pour autant, des difficultés de recrutement peuvent-elles perdurer ? S'il apparaît assez évident,

dans le cas français, que la dynamique soutenue de l'activité et de l'emploi a largement

contribué à l'apparition de tensions sur le marché du travail, l'existence d'un stock de

chômeurs important trahit par ailleurs des insuffisances en matière de formation ou de

qualification. Ainsi, l'essor récent, et sans doute à venir, de certaines activités liées aux

nouvelles technologies a pu et pourra accroître les besoins exprimés dans quelques catégories

de métiers. De telles évolutions structurelles, conjuguées aux changements démographiques

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qui se profilent à l'horizon des dix prochaines années, constituent de réels défis pour

l'entreprise et pour l'employeur.

Le contexte de recrutement des entreprises devrait donc sensiblement évoluer au cours de

cette décennie. La moindre progression de la population active puis son possible repli d'ici

cinq à dix ans, ainsi que la modification des profils de qualification, devraient conduire à

redéfinir les contours du marché du travail. Dans un tel contexte, de nouveaux besoins de

main-d'œ uvre et de compétences pourraient apparaître. Quelle place accorder alors à

l'immigration ?

En fait, le recours ou l'accueil de main-d'œ uvre étrangère semble lui aussi devoir s'inscrire

dans un nouveau schéma. D'une part, l'expérience passée des flux migratoires a montré

certaines limites en matière d'insertion sur le marché du travail dont il faut tirer les leçons.

D'autre part, l'environnement productif a fortement évolué. La mondialisation des échanges

s'est accompagnée de vastes mouvements de fusions et acquisitions au cours des cinq

dernières années. L'entreprise s'internationalise à l'instar de ses investissements physiques ou

financiers. Si la nationalité de l'entreprise devient une notion de plus en plus délicate à définir,

celle de son personnel a rejoint cette logique "sans frontière" du capital. La délocalisation et

l'internationalisation des firmes se traduisent, en effet, par l'emploi d'une main-d'œ uvre

étrangère sur les nouveaux sites de production. Cette grande mobilité du capital, qui permet

alors de bénéficier des avantages comparatifs du pays en matière de main-d'œ uvre, constitue

donc plutôt un facteur limitatif du développement de l'immigration. Certes, il n'est pas exclu

que des entreprises délocalisées fassent appel, sur place, à du personnel originaire du pays

investisseur. Mais ce phénomène reste le plus souvent limité à une catégorie de salariés

dirigeants ou hautement qualifiés. En ce sens, l'implantation en France de filiales de

multinationales peut s'accompagner de ce type de flux migratoire, d'une ampleur qui devrait

rester relativement modeste. Ceci étant, les pouvoirs publics semblent résolus à accroître

l'attractivité du territoire français, comme le suggère le contenu du récent rapport Charzat

remis au Premier Ministre. Or, une telle politique visant à accueillir des capitaux étrangers ne

peut guère se départir d'une action facilitant l'accès de la main-d'œ uvre étrangère au marché

local du travail et de la formation. Le capital humain, tout autant que le capital physique et

financier, constitue en effet une source de richesse non négligeable pour un pays, surtout

quand il est amené à se raréfier sous l'effet du vieillissement démographique.

5

1. DIFFICULTES DE RECRUTEMENT ET INSERTION DES TRAVAILLEURS

ETRANGERS SUR LE MARCHE DU TRAVAIL EN FRANCE

Les périodes de croissance s'accompagnent souvent de tensions sur le marché du travail. Au-

delà d'un certain délai, lié au temps nécessaire à la mise en place des processus d'embauche,

l'accélération de la demande de biens adressée à l'entreprise oblige celle-ci à ajuster à la

hausse la quantité de facteur travail utilisé. Stricto sensu, l'augmentation du volume d'offre

d'emplois conduit à perturber l'équilibre du marché du travail, ce qui se traduit par l'apparition

de difficultés de recrutement pour l'entreprise, en raisonnant à demande d'emploi constante et

à niveau de salaire inchangé. Toutefois, ce n'est pas tant le défaut d'ajustement de l'offre à la

demande, somme toute inhérent à toute logique de marché, qui pose problème mais plutôt la

façon dont il peut se réguler. La question qui se pose aujourd'hui est de savoir si ces

déséquilibres sont durables ou s'ils peuvent se résorber à court terme. Et de quelles façons ?

Il convient aussi de s'interroger sur la nature du déséquilibre. Certes, une partie des offres

supplémentaires d'emplois peut être satisfaite par la réserve de main-d'œ uvre constituée par le

stock de chômeurs. Mais les difficultés de recrutement récemment rencontrées en France

coexistaient avec quelque 2,5 millions de demandeurs d'emploi. Ce n'est donc pas d'un

manque de main-d'œ uvre généralisé dont souffrent les entreprises, mais bien de compétences

précises pour certains types de métiers.

Enfin, l'évolution du réservoir de main-d'œ uvre des entreprises pour les prochaines années

doit aussi s'apprécier en termes quantitatifs. La perspective d'un recul de la population active

au cours des dix ans à venir s'apparente à la raréfaction d'un des facteurs de production. La

substitution du capital au travail connaissant des limites, en particulier s'agissant du travail

qualifié (voir Hamermesh, 1993, pour une revue de littérature sur ce sujet), les entreprises

seront confrontées à des pénuries de main-d'œ uvre ce qui, dans un environnement

concurrentiel, conduira aussi à l'élévation du niveau moyen des salaires. En ce sens, l'appel à

la force de travail étrangère peut constituer une solution.

1.1 Principales caractéristiques des tensions de main-d'œ uvre au cours des deux

dernières années

L'analyse conjoncturelle de l'activité tend à montrer que les périodes d'accélération de la

croissance se sont souvent accompagnées, par le passé, d'une augmentation des difficultés de

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recrutement. Lors du précédent cycle de croissance, au cours de la deuxième moitié des

années 1980, les entreprises de l'industrie, interrogées dans les enquêtes de l'INSEE avaient

déjà été confrontées à des goulots de main-d'œ uvre.

Graphique 1

010099989796959493929190898887868584838281807978

60

50

40

30

20

10

0

5

4

3

2

1

0

-1

-2

Croissance économique et difficultés de recrutement dans l'industrie

difficultés de recrutement PIB, glissement annuel en %

source : INSEE

Graphique 2

010099989796959493929190898887868584838281807978

60

50

40

30

20

10

0

4

3

2

1

0

-1

-2

-3

Créations d'emplois totales et difficultés de recrutement dans l'industrie

difficultés de recrutementEmploi salarié du secteur marchand, glissement annuel en %

source : INSEE

Le graphique 1 montre que les phases d'accélération conjoncturelle se traduisent par une

montée des difficultés de recrutement, dans un délai du reste assez variable au cours du temps.

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Peu fréquentes au cours des années 1980, celles-ci se sont particulièrement accrues à partir de

1988-1989, alors que la croissance atteignait des niveaux historiquement élevés. De sorte que

le point haut des difficultés de recrutement rencontrées par les industriels est intervenu

environ un an (1990-1991) après le pic d'activité. Le cycle actuel présente des caractéristiques

un peu différentes. En dépit de taux de croissance du PIB un peu moins soutenus, les

difficultés d'embauche sont apparues plus prononcées. En réalité, l'existence de goulots de

main-d'œ uvre est étroitement lié à la dynamique de l'emploi (graphique 2). Or, la période

récente a été marquée par des performances historiques en termes de créations d'emplois.

C'est cette richesse de la croissance en emplois qui explique la forte montée des tensions

récentes sur le marché du travail.

1.1.1 Apparition de difficultés de recrutement de personnel non qualifié

dans l'industrie : un phénomène explicable ?

L'exceptionnelle vigueur des créations de postes, au cours des trois dernières années (1998-

1999-2000), s'est accompagnée d'une montée des goulots de main-d'œ uvre. A mesure que la

dynamique de l'emploi s'est accélérée, les tensions se sont aggravées, la réserve de main-

d'œ uvre constituée par les effectifs de chômeurs se réduisant et le taux de chômage atteignant

des niveaux historiquement bas.

Graphique 3

01009998979695949392919089888786

60

50

40

30

20

10

0

20

10

0

-10

-20

Chômage et difficultés de recrutement dans l'industrie

difficultés de recrutementNombre de chômeurs (BIT), glissement annuel en %

source : INSEE

Le graphique 3 illustre cette concordance entre la baisse du chômage et la montée des

difficultés de recrutement, la période récente se caractérisant à la fois par un recul historique

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du nombre de chômeurs et un "pic" dans les difficultés de recrutement. Ainsi, dans l'industrie,

les tensions sur le marché du travail semblent réapparaître à chaque inflexion baissière du

rythme de croissance du nombre de chômeurs. A l'inverse, elles s'atténuent ou diminuent

quand ce rythme se réoriente à la hausse. On peut ainsi constater au cours des premiers mois

de 2001 que les difficultés de recrutement ont commencé à se réduire dès lors que le recul du

chômage a ralenti. La variation des effectifs de chômeurs constitue donc un bon indicateur de

l'évolution des problèmes d'embauche dans l'industrie. Cette connexion traduit aussi l'extrême

réactivité du secteur industriel au climat conjoncturel.

Une analyse plus qualitative des difficultés de recrutement rencontrées par les entreprises

industrielles met en évidence un phénomène assez nouveau pour ces deux dernières années.

En effet, comme le montre le graphique 4, l'embauche d'ouvriers spécialisés a posé plus de

problèmes que lors de la précédente phase de croissance. Jusqu'à une date récente, les

difficultés de recrutement exprimées par les chefs d'entreprise étaient surtout sensibles pour la

main-d'œ uvre qualifiée (ouvriers qualifiés), voire très qualifiée (cadres et contremaîtres). En

1999 et 2000, elles se sont étendues au personnel moins qualifié. La généralisation des

problèmes d'embauche de l'industrie à l'ensemble des catégories professionnelles semble

confirmer l'acuité des difficultés et pourrait suggérer que le taux de chômage n'est guère

éloigné de son niveau structurel, tout au moins dans ce secteur d'activité.

Graphique 4

0100999897969594939291908988878685848382818079787776

35302520151050

-5

Difficultés de recrutement dans l'industrie

ouvriers spécialisés ouvriers qualifiés et contremaîtrescadres ou techniciens

source : INSEE

9

En fait, l'accélération de la croissance et des créations d'emplois s'est accompagnée dans un

premier temps d'une baisse du chômage de "rotation". Le retour sur le marché du travail a

alors profité aux individus au chômage depuis peu de temps et ce, quel que soit leur niveau de

qualification ou de compétence. Mais, la persistance d'un niveau élevé d'activité a continué

d'alimenter la dynamique de l'emploi donnant lieu aux premières tensions de recrutement, la

main-d'œ uvre désormais disponible offrant un profil de plus en plus éloigné des critères

exigés par le marché du travail, notamment en termes de qualification.

En ce sens, la forte montée des difficultés de recrutement dans l'industrie, s'agissant du

personnel non qualifié, apparaît étonnante. Elle n'en est pas moins explicable. La progression

historique des créations d'emplois en 2000 procède en partie de la mise en place des

35 heures. Ainsi, la baisse de la durée du travail, conjuguée à l'effet dynamisant de la

réduction du coût de la main-d'œ uvre non qualifiée (allègements de charges sur les bas

salaires), a dopé la croissance de l'emploi mais a aussi enrichi son contenu en emplois non

qualifiés.

L'existence de telles difficultés à recruter des salariés non qualifiés dans l'industrie est un

phénomène nouveau. Il n'est sans doute pas étranger à la réorientation à la hausse de ce type

de postes au cours des dernières années. En effet, la part des emplois à bas salaires dans

l'emploi total a sensiblement progressé depuis 1995, alors qu'elle baissait auparavant.

Tableau 1 : Taux de variation annuel moyen de l'emploi salarié par type de contrat

(en %) Emploi total Emplois non qualifiés Autres emplois

1984-1989 0,4 -0,6 0,8

1989-1994 0,5 -2,5 1,5

1994-2000 1,9 2,6 1,7

source : DARES

La politique d'allègements de charges sur les bas salaires engagée depuis le milieu des années

1990 (exonérations "temps partiel", ristourne Juppé, loi de Robien puis loi Aubry) a conduit à

dynamiser les embauches de travailleurs non qualifiés, contribuant ainsi à exacerber les

difficultés à recruter ce type de main-d'œ uvre, dans l'industrie certes, mais aussi dans les

services. En l'absence de nouvelles incitations, ces difficultés ne sont donc pas appelées à

perdurer, la part des emplois non qualifiés dans l'emploi total n'étant structurellement pas

vouée à se développer (voir chapitre 2) et le taux de chômage de ces emplois restant élevé.

10

1.1.2 Quelles tensions dans les autres secteurs d'activité ?

En dehors des enquêtes de l'INSEE qui couvrent essentiellement le secteur de l'industrie et le

BTP, l'existence de tensions sur le marché du travail peut se mesurer par l'évolution du ratio

d'offres d'emploi enregistrées sur demandes d'emploi enregistrées par l'ANPE et ce, pour les

différentes catégories de métiers. Cet indicateur publié par la DARES permet de mettre en

évidence la montée des difficultés de recrutements entre 1999 et 2000 et leur degré d'intensité

dans les différents domaines professionnels. Ce diagnostic peut être corroboré par le taux de

demande d'emploi (nombre de demandeurs d'emploi dans un domaine professionnel rapporté

au total des actifs du même domaine) qui s'apparente à un taux de chômage par métier. D'une

façon générale, l'ensemble des grands secteurs d'activité ont été concernés par la montée des

difficultés de recrutement. Dans le BTP, le taux de demande d'emploi a fortement chuté, ce

qui traduit la montée des tensions. Dans l'industrie, les ratios indiquent que c'est dans la

branche de la mécanique et du travail des métaux que les difficultés ont été les plus

prononcées. Enfin, parmi les activités du tertiaire les plus touchées, on compte l'informatique,

la recherche, la banque-assurance, la santé mais aussi le commerce, l'hôtellerie-restauration, le

transport ou encore le tourisme.

Tableau 2 : Les tensions sur le marché du travail : quelques exemples

Décembre 1999 Mars 2000 Juin 2000 Septembre 2000 Décembre 2000Taux de demanded'emploi (en %)- BTP- Mécanique- Maintenance- Cadres de l'indus.- Tourisme/transport- Informatique- Etudes & recherche- Banque-assurance- Hotellerie-restau.- Services aux partic.ENSEMBLE

131091014463191914

12991013453181914

1087911443151812

10881012453161813

1077911443151712

Octobre1999 àmars 2000

Janvier 2000 àjuin 2000

Avril 2000 àseptembre 2000

Juillet 2000 àdécembre 2000

Octobre 2000 àmars 2001

Ratio de tension (offressur demandes)- BTP- Mécanique- Maintenance- Cadres de l'indus.- Tourisme/transport- Informatique- Etudes & recherche- Banque-assurance- Hotellerie-restau.- Services aux partic.ENSEMBLE

0.80.80.70.50.81.20.30.91.10.50.7

1.11.00.90.61.01.40.41.11.70.60.9

0.90.90.80.51.01.20.30.91.60.60.7

0.70.70.60.40.71.10.20.71.00.50.7

0.70.80.70.50.71.40.30.81.10.50.7

Source : DARES, Premières informations

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De l'ordre de 0,6 à la fin de l'année 1998, le ratio global d'offres sur demandes d'emploi est

ainsi passé à 0,9 au cours du premier semestre 2000 pour ensuite se stabiliser à 0,7, niveau

qu'il a conservé au début de l'année 2001. Dans certaines activités, la montée des tensions est

apparue plus évidente, le recul du taux de demande d'emploi se conjuguant avec la hausse du

ratio des flux d'offres sur les flux de demandes. C'est par exemple le cas dans l'hôtellerie -

restauration où, en dépit d'un chômage encore élevé dans ce secteur (taux de demande proche

de 19 à la fin 1999), les offres d'emplois sont devenues nettement supérieures aux demandes

(1,7 en mars 2000). Dans ce secteur, le nombre de demandes de "cuisiniers" exprimé par les

entreprises a été jusqu'à deux fois plus élevé que les offres (ratio à 1,9 en mars 2000).

A la différence du secteur informatique, où les difficultés de recrutement peuvent se justifier

par la pénurie objective de personnel qualifié (le taux de demande d'emploi est stable à 4 %

sur la période), les tensions dans le secteur de l'hôtellerie - restauration pour des personnels de

qualification moyenne (en l'occurrence employés et agents de maîtrise de l'hôtellerie ou

cuisiniers) semblent plus surprenantes compte tenu d'un taux de demande parmi les plus

élevés. Ceci semble traduire un certain degré d'exigence de la part des entreprises, jusqu'ici

habituées à recruter sur un marché largement excédentaire. Le recul conjugué du ratio des

tensions et du taux de demande d'emploi dans ce secteur, depuis la mi-2000, semble d'ailleurs

indiquer un certain assouplissement des critères d'embauche. Certaines enquêtes, qui seront

commentées ultérieurement, tendent à confirmer ce phénomène.

1.1.3 Les difficultés de recrutement vont-elles perdurer ?

En juin 2001, les perspectives d'embauche des entreprises étaient encore relativement bien

orientées, les grandes unités ayant toutefois des projets de recrutement plus nourris que les

PME. Les jeunes cadres et les ouvriers qualifiés seraient parmi les plus concernés par les

futurs postes à pourvoir. L'enquête semestrielle de conjoncture de juin de la BDPME (Banque

de Développement des PME) précise que les entreprises ont certes réduit l'intensité de leurs

recrutements en 2001 mais, qu'en dépit d'une stabilisation de la croissance prévue pour l'an

prochain, elles envisagent de créer encore beaucoup d'emplois en 2002.

Pour leur part, les PME témoignent d'une certaine persistance dans leurs difficultés à recruter

du personnel. En juin 2001, près de la moitié d'entre elles (45 %) déclarait encore avoir du

mal à trouver le personnel dont elles ont besoin, contre 44 % en décembre 2000 et 40 % en

juin dernier. Par rapport à juin 2000, la hiérarchie des secteurs reste inchangée : 57 % des

12

dirigeants du BTP ont toujours de grosses difficultés à trouver du personnel, les hôteliers -

restaurateurs gardant la seconde place (52 %).

Si, globalement, les tensions n'ont guère évolué, la caractéristiques des entreprises concernées

ont, quant à elles, sensiblement changé. En effet, les écarts de difficultés de recrutement entre

les tailles d'entreprise se sont inversés par rapport à l'an passé. La part des entreprises ayant

des problèmes pour trouver du personnel est passée de 32 % à 43 % dans les très petites

entreprises tandis qu'elle a diminué de 46 % à 32 % dans les établissements de 100 à 500

salariés, et ce, en dépit du fait que le ralentissement des embauches a été plus prononcé dans

les petites entreprises. En revanche, la situation est restée identique dans les entreprises de

taille intermédiaire (10 à 100 salariés). De même, il est intéressant de souligner que les PME

fortement exportatrices sont à la fois celles qui sont les plus dynamiques en termes de

créations d'emploi et celles pour lesquelles les difficultés de recrutement sont les moins

aiguës.

Un tel constat suggère une hypothèse. Après plusieurs années de croissance de l'emploi, de

recul du chômage et la montée des difficultés de recrutement, le rapport de force sur le

marché du travail s'est peu à peu inversé. La faveur des salariés irait plutôt vers des

entreprises de plus grande taille ou internationalisée, ces dernières pouvant offrir des

conditions d'embauche plus attractives en termes de rémunérations ou de garanties sociales.

L'idée selon laquelle les employeurs auraient perdu de leur "hégémonie" sur les conditions de

recrutement semble ressortir de certaines enquêtes, même si, pour le moment, les tensions sur

les salaires restent limitées. Selon l'ANPE (Enquête Anticipations des Entreprises, décembre

2000), en effet, seulement 13 % des entreprises ont renoncé à embaucher faute de candidats

adéquats en 2000, contre 18 % en 1999. Par ailleurs, près de 83 % sont prêts, cette année, à

embaucher des personnes au chômage depuis plus d'un an (contre 76 % en 2000) et 47 %

n'ont plus peur de recruter des personnes sans expérience professionnelle (41 % en 2000). Le

retournement du marché du travail, dans un contexte où les besoins de main-d'œ uvre

demeurent conséquents, semble avoir contribué à assouplir les critères de sélection à

l'embauche.

Cette évolution qualitative de la demande de travail devrait conduire à stabiliser voire atténuer

les difficultés de recrutement, en dépit de besoins de main-d'œ uvre qui continueront de

croître. En effet, dans l'hypothèse où l'activité se maintiendrait autour de son rythme de

13

croissance potentiel (environ 2,5 % l'an) en 2001 et 2002, les créations de postes

continueraient de progresser assez sensiblement. Selon nos prévisions (Centre d'Observation

Economique), la croissance de l'emploi salarié serait un peu inférieure à 2,5 % cette année

puis à 2 % l'an prochain, ce qui marque toutefois un freinage assez sensible de la dynamique

de l'emploi par rapport aux années précédentes.

Au total, en l'absence d'un retournement conjoncturel brutal, les difficultés de recrutement

devraient quelque peu s'atténuer, sans cependant totalement disparaître. Leur apparition en

1999 puis leur accroissement en 2000 correspondaient aux mécanismes classiques

d'ajustement de l'exigence des acteurs du marché du travail à un nouvel équilibre. En effet,

après plusieurs années de forte montée du chômage, la demande de travail s'est faite plus

sélective et l'offre moins exigeante, ce qui a conduit à des situations de sous-emploi ou de

surqualification. Le retour de la croissance et des créations d'emplois ont alors fortement

réduit le stock de demandeurs d'emploi (déplacement sur la courbe de Beveridge). Le

retournement progressif du marché du travail passe par des tensions, certes plus ou moins

élevées selon les métiers, liées au processus délicat de ré-allocation des emplois.

Peu à peu, l'atténuation de ces tensions, dans un contexte ou les créations nettes d'emplois

pourraient demeurer importantes, trouvera sa contrepartie dans l'abaissement de plus en plus

graduel du chômage autour de son seuil structurel ou "naturel" (NAIRU). C'est alors le signal

donné par l'évolution des salaires qui constituera le critère d'une pénurie généralisée de main-

d'œ uvre traduisant un nouveau rapport de force sur le marché du travail. La poursuite de la

croissance pourrait ainsi, à terme, changer les difficultés de recrutement observées jusqu'ici en

pénuries de main-d'œ uvre, ce qui conduirait à des dérapages salariaux, pour le moment,

encore peu constatés. L'évolution récente des salaires montre en effet que, dans les secteurs où

les tensions ont été les plus fortes, la croissance nominale du salaire mensuel de base n'a pas

été très supérieure à la moyenne (graphique 5). Il est vrai toutefois que la courbe des salaires

décrit un mouvement haussier depuis plusieurs trimestres mais celui-ci peut procéder d'un

effet de rattrapage ponctuel consécutif à l'augmentation des prix alimentaires et énergétiques.

Il est encore trop tôt pour conclure à l'amorce d'une inflation salariale.

En dehors de quelques rares exceptions dans certains métiers, les difficultés de recrutement

s'apparentent plus à des processus d'ajustements conjoncturels du marché du travail qu'à de

réelles pénuries de main-d'œ uvre. Les tensions traduisent les mécanismes classiques de "ré-

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appariements" de l'offre et de la demande d'emploi dans un contexte où les rapports de force

évoluent, voire s'inversent.

Graphique 5

0100999897969594

3.5

3.0

2.5

2.0

1.5

1.0

0.5

0.0

Salaire mensuel de base nominal(glissement annuel, en %)

ensemble métallurgie, transformation des métauxhôtellerie restauration construction

source : INSEE

1.2 L'emploi des étrangers : une réponse qui efface les déséquilibres du marché

du travail ou qui les amplifie ?

Dans un contexte de croissance économique où perdurent les difficultés de recrutement et où

la disponibilité de la main-d'œ uvre se réduit, les employeurs assouplissent leurs critères de

sélection et se tournent vers divers palliatifs. L'intérim figure parmi les solutions les plus

fréquemment utilisées mais il y a aussi le "débauchage" d'apprentis ou de stagiaires en

alternance. Le choix de cette alternative peut alors se solder par une baisse de la durée

moyenne des études ce qui, stricto sensu, apparaît dommageable pour l'ensemble de

l'économie à plus long terme. A ce titre, la montée récente du taux d'activité parmi les jeunes

constitue sans doute une des contreparties de la bonne orientation du marché du travail et de

la montée de certaines tensions. Entre janvier 1999 et mars 2001, en effet, le taux d'activité

des femmes de moins de 25 ans est passé de 24,4 % à 26,5 %, celui des hommes de 31,9 % à

33,1 %, tandis qu'ils avaient tous deux tendance à décliner au cours des années précédentes.

Une autre voie envisagée est celle de l'immigration. Le recours à la main-d'œ uvre étrangère

est évoqué dans les secteurs où sa présence est traditionnellement plus forte. C'est notamment

le cas dans la construction, un secteur où les difficultés de recrutement ont été importantes et

15

où la présence de salariés étrangers est la plus élevée (18,4 % des effectifs du secteur en

2000).

1.2.1 L'emploi de travailleurs étrangers dans les entreprises : quel profil ?

La France compte aujourd'hui environ 1,5 million d'actifs étrangers, soit 6 % de sa population

active1. La composition actuelle par sexe, par âge et en emploi de la population étrangère est

encore largement empreinte du passé migratoire de la France depuis les années 1950. L'appel

massif à la main-d'œ uvre étrangère, essentiellement des pays de l'Union européenne et du

Maghreb, pour les besoins de l'industrialisation est encore visible aujourd'hui. On constate

ainsi deux grandes périodes de progression de la part des étrangers dans la population active

en France : du début du siècle jusque dans les années 1930 où cette part est passée de 3 % à

un pic à 7,5 % (1931) puis, à nouveau, une remontée, à partir du milieu des années 1950 (5 %)

jusqu'en 1975 où la part a atteint un peu moins de 7,5 %.

L'origine des étrangers ayant un emploi a quelque peu évolué au cours des années. Ceux qui

viennent des pays voisins de l'Union européenne ne représentaient plus que 44 % du total en

2000 contre la moitié en 1985. De même, la part des étrangers d'origine Maghrébine a

légèrement diminué, de 31 % à 27 %. Cette évolution s'est faite au profit de l'Afrique (de 3 %

en 1985 à 9,5 % en 2000) et d'autres pays (16 % à près de 20 %).

Les salariés étrangers se concentrent sur des catégories professionnelles non qualifiées

d'ouvriers et d'employés et sont plus souvent concernés par les contrats temporaires ou les

emplois à temps partiel. De fait, par la structure des postes occupés, le niveau de salaires de la

main-d'œ uvre étrangère est bas. Enfin, à niveau de qualification égal, le risque de chômage est

plus important pour les immigrés. Certes, la main-d'œ uvre étrangère a également profité de la

reprise de l'emploi, mais de façon plus atténuée. Le taux de chômage des étrangers est ainsi

passé de 23,3 % en mars1997 à 20,9 % en mars 2000, ce qui représente un repli de 10 %. Pour

l'ensemble de la population active, la baisse du taux de chômage a été plus marquée : sur la

même période, il est passé de 12,2 % à 9,8 %, soit un recul de 19,6 %. L'amélioration a été

très sélective aussi parmi les salariés étrangers. La situation des actifs s'est surtout améliorée

pour les hommes d'âges intermédiaires. Si le faible niveau de qualification des immigrés, en

moyenne, ne leur a pas permis de profiter pleinement de la forte progression des créations de

1 Certains chiffrages se référent à la population immigrée, un peu plus importante en termes quantitatifs(2 millions d'actifs soit 8 % de la population active) dans la mesure où elle intègre des personnes ayant acquis lanationalité française.

16

postes de ces trois dernières années, la sélectivité des employeurs a sans doute joué aussi en

leur défaveur, la croissance non négligeable des emplois non qualifiés ne leur ayant guère

profité.

Tableau 3 : Les étrangers et le marché du travail en mars 2000

En % Etrangers FrançaisTaux d'emploi non qualifiés 46,4 27,0

Proportion de contrats courts 13,4 9,6Répartition sectorielle des actifs* :- Agriculture- Industrie- Construction- Services marchands- Services administrés

2,320,714,949,712,4

4,118,36,142,728,8

Catégorie socio-professionnelle* :- Agriculteur- Artisan commerçant chef d'ent.- Cadre et profession intell. sup.- Profession intermédiaire- Employé- Ouvrier

- qualifié- non qualifié

0,56,87,09,124,948,527,620,9

2,96,913,521,128,926,317,29,2

Taux de chômage 20,9 9,8

Taux d'activité 69,2 79,6

Source : DARES (* : chiffres 1999)

De fait, leur situation est encore fragile et la main-d'œ uvre étrangère apparaît très vulnérable

sur le marché du travail, en particulier vis-à-vis des situations de chômage ou de précarité.

L'intégration des étrangers par l'emploi reste donc une question délicate. Pénalisée par le

chômage lors des phases de ralentissement de la croissance, cette main-d'œ uvre demeure

marginalisée pendant les périodes de reprise de l'activité. Ainsi, la sortie de chômage est

souvent moins bien réussie, en moyenne, par les étrangers que par la main-d'œ uvre d'origine

française.

1.2.2 Des situations contrastées selon l'origine géographique, mais le plus

souvent précaires

Toutefois, il convient de distinguer le cas des étrangers ressortissants de pays européens des

autres. Ainsi, si le taux de chômage des étrangers est environ deux fois plus élevé que celui

17

des français, la proportion passe de 1 à 3 s'agissant des étrangers d'origine non européenne. La

nationalité de la main-d'œ uvre étrangère revêt donc un caractère particulièrement important.

Tableau 4 : Caractéristiques du dernier emploi avant le chômage et du premier emploi trouvé

après le chômage

(en %) Français(d'origine française*)

Etrangers(européens)

Etrangers(non européens)

Premier emploi retrouvéType de contrat :- CDI- CDD- Contrat d'intérim- Contrat aidé

29,236,518,213,0

33,633,823,76,9

30,228,920,115,2

Emploi à temps partiel 35,0 30,7 42,4Salaire moyen (indice) 100 98,4 89,4Dernier emploiType de contrat :- CDI- CDD- Contrat d'intérim- Contrat aidé

45,328,56,6

14,0

51,928,79,63,8

40,626,09,5

13,6Emploi à temps partiel 26,8 16,7 27,7Salaire moyen (indice) 100 115,5 83,7

Source : MES - DARES, Enquête TDE-MLT, premières synthèses novembre 2000, N°46.2

(* : les deux parents sont français)

Elle fait intervenir un certain nombre d'éléments déterminants comme la maîtrise insuffisante

de la langue française, la moindre culture technologique (pénalisante dans un univers

professionnel envahi par les nouvelles technologies et l'informatique), une relative

méconnaissance des références sociales et des réglementations qui régissent le marché du

travail.

Les meilleures performances constatées, en termes de chômage, et a fortiori en termes

d'emploi, pour la main-d'œ uvre étrangère d'origine européenne (Portugais, Italiens,

Espagnols) tiennent en fait principalement à une tradition ancienne d'immigration. Les

solidarités familiales ou amicales sont souvent sollicitées et leur efficacité est d'autant plus

grande que ces populations sont concentrées et implantées dans des secteurs d'activité très

circonscrits (secteur du BTP notamment). L'aspect formation et qualification joue également,

les étrangers d'origine européenne figurant parmi les plus diplômés.

18

Tableau 5 : Niveau d'études atteint parmi les chômeurs

(en %) Français(d'origine française)

Etrangers(européens)

Etrangers(non européens)

N'est jamais allé à l'écoleEtudes primairesCollègeEnseignement techniquecourt (CAP, BEP)Enseignement général outechnique long (BAC)Enseignement supérieur

0,49,0

11,6

41,4

17,620,0

3,221,114,6

31,4

14,914,7

13,917,919,9

27,8

13,96,6

Source : MES - DARES, Enquête TDE-MLT, premières synthèses novembre 2000, N°46.2

Au total, une conclusion semble s'imposer au vu de ces différents éléments. Le motif pour

lequel la main-d'œ uvre étrangère se présente sur le territoire français (l'emploi) est aussi celui

qui contribue à sa marginalisation. L'emploi ne constitue pas un facteur suffisant d'intégration,

la précarisation du travail et le chômage concernant au premier chef les salariés étrangers.

Ainsi, en dépit de l'amélioration du marché du travail, la marginalisation des étrangers ne s'est

guère atténuée et leur vulnérabilité reste importante. En vertu de ces constats, et dans

l'hypothèse où la situation des étrangers sur le marché du travail n'est pas appelée à évoluer, le

recours à une main-d'œ uvre étrangère en situation de pénurie de main-d'œ uvre ne paraît pas

efficient dans la mesure où il contribuerait à développer, à terme, de nouvelles situations de

segmentation du marché du travail pour cette catégorie de population active. En outre, une

analyse des exigences des entreprises en matière de compétences (section suivante) tend à

montrer que les besoins de main-d'œ uvre s'orientent sur les postes qualifiés, une

caractéristique qui fait le plus souvent défaut parmi les immigrés présents en France.

Si l'appel à la main-d'œ uvre étrangère ne doit pas être écarté des solutions envisageables pour

pallier les difficultés de recrutement, celui-ci doit avant tout s'accompagner, sinon de certaines

modifications comportementales de la part des employeurs, tout du moins d'une politique

active de formation et de gestion prospective des ressources humaines. Aussi, il conviendrait

en priorité de "re-qualifier" les réserves de main-d'œ uvre existantes, nationale ou étrangère, et

de sortir de la logique "court-termiste" de l'embauche pour anticiper l'ampleur et la nature des

besoins de personnel. Cette nouvelle approche de l'emploi suppose aussi un partenariat étroit

entre les entreprises, les services de l'emploi (en particulier l'ANPE) et les systèmes de

formation (écoles, universités… ). L'appel à la main-d'œ uvre immigrée pourrait alors s'inscrire

dans ce cadre élargi où seraient redéfinies les voies d'accueil aux étudiants étrangers et les

modalités de leur accès à l'emploi (troisième partie).

19

2. DE L'EVOLUTION DES EMPLOIS AUX PERSPECTIVES DEMOGRAPHIQUES :

UNE REDEFINITION DES BESOINS DE MAIN-D'ΠUVRE ET D'IMMIGRATION

Le débat autour de la nouvelle économie et des effets du développement des nouvelles

technologies de l'information et des communication tend à focaliser l'attention sur l'essor des

activités et des emplois liés aux secteurs qui y sont rattachés. Un récent rapport (décembre

2000) du Bureau International du Travail (BIT) plante le décor du marché du travail européen

pour les prochaines années en insistant sur les pénuries de compétences qui se profilent à

l'horizon 2003, en particulier dans les secteurs des nouvelles technologies.

En France, la dynamique de l'emploi dans les secteurs des nouvelles technologies est

également assez soutenue et, pour certains secteurs, elle apparaît sensiblement plus

vigoureuse que celle de l'ensemble des effectifs salariés.

Tableau 6 : L'emploi dans les NTIC en France, en 1998

Industrie Services Total(en milliers) Informa-

tiqueTélécoms Audio-

visuelInforma-

tiqueTélécoms Audio-

visuelEffectifs employés 41,9 92,6 138,1 161,9 189,7 40,5Total Informatique 203,8Total Télécoms 182,3Total Audio-visuel 178,6Total 272,5 392,2 664,7

Sources : INSEE, SESSI

Ainsi, dans certains secteurs des services aux entreprises, comme les activités de conseil &

assistance, qui comprennent les effectifs d'informaticiens, la croissance des créations de

postes est comprise entre 5 % et 8 % en rythme annuel depuis 1997, soit un taux sensiblement

supérieur à celui de l'emploi salarié total (autour de 3 %), mais somme toute assez proche de

celui du secteur des services aux entreprises dans son ensemble (graphique 6).

En revanche, dans les télécommunications, un secteur un peu en marge des services aux

entreprises en terme d'emploi, la croissance des créations de postes est moins vive et son

évolution reste marquée par les mouvements de restructuration du secteur dont les effets sur la

productivité du travail sont d'ailleurs sensibles.

20

Graphique 6

01009998979695949392919089

8

6

4

2

0

-2

-4

Emploi salarié dans des secteurs tertiaires de NTIC(glissement annuel en %)

télécommunications conseil & assistance (dont informatique)effectifs salariés totaux

source : INSEE

Dans l'ensemble de l'Europe, et selon le BIT, la croissance des postes dans les branches des

NTIC devrait dépasser 8 % l'an au cours des prochaines années, ce qui devrait porter les

effectifs à 12,3 millions en 2003 contre 9 millions en 1998. De fait, le nombre de postes non

pourvus devrait tripler, passant de 500 000 à 1,6 million. Certes, tous les pays européens ne

seraient pas concernés avec la même intensité, mais l'apparition de pénuries de main-d'œ uvre

devrait devenir une réalité pour la majeure partie des pays européens, en proie de surcroît à un

ralentissement de la croissance de leur population active. Le BIT envisage deux solutions

parmi lesquelles l'immigration, une alternative qu'il estime certes plus délicate à gérer que la

formation, autre voie évoquée. Dans des pays comme l'Allemagne ou le Royaume-Uni,

certains volets d'une nouvelle politique d'immigration ont d'ailleurs déjà été mis en place.

Toutefois, dans un souci de maîtrise des flux migratoires, la majeure partie des pays privilégie

des politiques d'immigration temporaire le plus souvent axée sur le recrutement de travailleurs

hautement qualifiés pour pallier les pénuries sectorielles de main-d'œ uvre. Mais l'évolution

des besoins des entreprises en matière de qualification ainsi que les modifications de la

structure par âge des actifs sont-elles cohérentes avec le maintien de telles politiques

migratoires au "compte-gouttes" ? Moins touchée, pour le moment, par le vieillissement de sa

population que d'autres pays européens, la France ne doit pas sous-estimer les enjeux d'une

21

gestion prospective de son capital humain, dans un environnement concurrentiel où le facteur

travail, bien plus que le capital, tend à devenir une ressource rare.

2.1 Quels postes à pourvoir dans les entreprises de demain ?

L'essor des nouvelles technologies de l'information et des télécommunications s'est

accompagné, dans l'entreprise, d'une évolution du contexte productif (gestion en réseaux,

Internet, Intranet… ) et des moyens de production (informatisation, CAO, … ). Les besoins de

main-d'œ uvre se sont naturellement adaptés à ces changements, les exigences en termes de

métier ou de qualification rejoignant celles imposées par les technologies ou les machines.

2.1.1 Les étrangers et l'exception informatique en France

C'est dans ce contexte que sont apparues les pénuries d'informaticiens, exemple le plus

flagrant et le plus symptomatique des changements de ces dernières années. En France, le

syndicat professionnel de l'informatique (Syntec) estime à 35 000 environ le déficit actuel de

personnel dans les professions des technologies de l'information, argumentant ce propos par

l'envolée des salaires dans ce secteur (+20 % entre 1999 et 2000). Les objectifs d'effectifs ne

seraient remplis qu'à hauteur de 70 % et le turn-over serait très élevé dans les branches high-

tech (20 %).

Ainsi, dans un des grands groupes du secteur (Cap Gemini France2) près d'un tiers du temps

des responsables opérationnels est consacré au recrutement du personnel. En 2000, sur 3000

embauches, 10 % des nouveaux arrivants étaient des salariés étrangers. En outre, près d'un

quart des jeunes diplômés recrutés ont un profil qui ne correspond pas vraiment aux

qualifications requises (mathématiciens, physiciens, biologistes… mais pas informaticiens),

ce qui suppose un investissement en formation très important pour l'entreprise. Dans le cas

présent, plus de 10 % de la masse salariale passe dans le budget formation. La pénurie de

main-d'œ uvre a donc un coût élevé pour l'entreprise : le coût d'une recherche prolongée, et

donc d'une attente souvent dommageable dans un environnement concurrentiel tendu, doublé

des frais de formation du personnel dans le cas d'un recrutement non optimal. Ce coût est

d'autant plus lourd qu'il est assorti du risque de turn-over du personnel une fois qu'il est

formé. Cette incertitude du retour sur investissement en formation, associée à l'ampleur de son

coût, explique pourquoi les entreprises hésitent à engager des sommes importantes dans la

2 Le Monde, mercredi 6 décembre 2000

22

formation. La recherche d'une main-d'œ uvre immédiatement opérationnelle, voire surqualifiée

dans certains cas, passe alors parfois par le recrutement de personnel étranger. Ce type

d'externalité négative liée à l'investissement formation justifie, sur le plan théorique,

l'implication des pouvoirs publics3 et la prise en charge collective du coût de la formation4. Il

constitue aussi un fondement important à la mise en place de politiques éducatives basées sur

une coopération étroite entre le système scolaire et le monde des entreprises. Dans ce

contexte, il serait d'ailleurs peut-être souhaitable pour l'entreprise d'ouvrir aussi plus

largement le système de formation aux étudiants étrangers (voir troisième partie). A l'instar de

certains de ses partenaires européens et sous la pression des industriels, la législation française

s'est récemment assouplie pour faciliter l'entrée sur le territoire français de quelques milliers

de spécialistes en informatique. Ainsi, selon les statistiques de la DPM (Direction de la

population et des migrations du ministère de l'emploi), le nombre de titres de séjour

permanents délivrés par la France à des informaticiens étrangers est passé de 401 en 1997 à

plus de 1600 en 2000.

Graphique 7

00999897

1800

1600

1400

1200

1000

800

600

400

200

Nombre de titres de séjour permanentdélivrés à des informaticiens

1619.0

1136.0

699.0

401.0

source : DPM, ministère de l'emploi

Toutefois, cette largesse concédée à la profession d'informaticien ne semble pas devoir

s'accompagner d'une réelle volonté de changer la politique d'immigration en France, la

persistance d'un effectif important de chômeurs plaidant encore pour un contrôle des flux

migratoires et un renforcement des systèmes de formation. Comme l'indique le tableau 7, la

politique migratoire française en matière d'emploi reste timide, les flux d'immigration de

travailleurs, tant à caractère permanent qu'à caractère provisoire, restent maîtrisés et l'insertion

3 A ce titre, les entreprises bénéficient du crédit d'impôt formation, un système qui permet de déduire du montantde l'IS à payer une partie des sommes engagées au titre de la formation du personnel.4 Une offre de formation aux technologies de l'information et de la communication est désormaissystématiquement intégrée dans les stages de certains demandeurs d'emploi (coût : 1 milliard de francs en troisans pour 1,2 million de stagiaires).

23

demeure une priorité. De sensibles changements législatifs sont d'ailleurs récemment

intervenus quant aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers, quant au droit d'asile (loi

du 11 mai 1998) ainsi que pour les conditions d'acquisition de la nationalité française (loi du

16 mars 1998). L'importance des flux d'immigration de 1998 procède en fait des opérations de

régularisation menées de 1997 à juin 1998. Ainsi, le réexamen de la situation de certaines

catégories d'étrangers en situation irrégulière aurait contribué à augmenter le nombre d'entrées

de 20 000 environ en 1997 et de près de 46 000 en 1998.

Tableau 7 : Entrées de travailleurs temporaires, permanents et d'étudiants en France

(en milliers) 1992 1996 1997 1998

Entrées de travailleurs temporaires :- travailleurs détachés- chercheurs- autres détenteurs d'une APT*- travailleurs saisonniers- total

0,90,92,8

13,618,1

0,81,22,88,8

13,6

1,01,12,68,2

12,9

1,21,02,27,5

11,81995 1996 1997 1998

Entrées de travailleurs permanents :- salariés- non salariés- total

13,11,0

14,1

11,50,5

11,9

11,00,7

11,7

10,31,3

11,6Flux total d'immigration enregistrés 56,7 55,6 62,0 116,9Flux total d'immigration enregistrés et estimés** 68,3 74,0 83,5 138,1

Source : OCDE 2001, Tendances des migrations internationales, SOPEMI 2000

* : Les autorisations provisoires de travail (APT) sont délivrées pour 9 mois et sont renouvelables

** : Estimations effectuées par le ministère de l'Intérieur à partir de l'octroi de titres de séjour

LA PÉNURIE DE MAIN-D'Œ UVRE ET LE RECOURS À L'IMMIGRATION :LE CAS DE L'ALLEMAGNE

Pour ne pas rater le rendez-vous de la révolution des NTIC, et face aux pénuries de main-d'œuvre apparues dans le secteur de l'informatique, le gouvernement du chancelier G.Schröder avaitinscrit dans ses orientations politiques du début de l'année 2000 un plan de recours à l'immigration. Al'origine, 30 000 visas de travail auraient dû être accordés aux informaticiens étrangers,principalement en provenance de l'Inde et d'Europe de l'Est. L'opposition et les organisationssyndicales s'insurgèrent contre cette mesure, dénonçant les risques de dumping salarial dans un payscomptant encore quelque 4 millions de chômeurs. La politique d'octroi des visas, ramenés à 10 000, afinalement été mise en place en août 2000 en contrepartie d'efforts supplémentaires consentis enmatière de formation des jeunes allemands.

Environ un an après l'instauration de ce plan d'urgence, le recrutement des 10 000 informaticiensétrangers est à peine atteint (8 000 en juillet 2001). Ceci conduit à s'interroger sur l'efficacité de lamise en place de ce dispositif de "green cards" qui ne saurait, selon certains, résoudre les problèmes àlong terme du marché du travail allemand. Si la limitation à cinq ans de la durée du permis de séjour

24

peut apparaître comme un facteur négatif, la barrière linguistique pour les travailleurs non issus del'Union européenne constitue aussi une limite évidente. En ce sens, l'attractivité du territoire allemandest moins grande que celle des pays anglo-saxons. En matière de rémunérations, elle semble enrevanche l'être davantage que la France par exemple (qui présente certains freins en termeslinguistiques)et ce, dans un rapport qui va de 1 à 1,4.

Plus récemment, en juillet 2001, la publication du rapport Süssmuth de la Commission indépendantesur l'immigration en Allemagne a mis en évidence la nécessité impérieuse d'ouvrir les frontières pourpallier les pénuries de main-d'œuvre et faire face au déclin démographique. Le rapport prône uneentrée annuelle de 50 000 immigrants ressortissants de pays autres que ceux de l'Union européenne,dotés d'un permis de séjour à long terme (comme ceux de l'Union) ainsi que d'un permis de travail. Lasélection des immigrés se ferait à partir d'un système de points, comme au Canada, en Australie ou enNouvelle Zélande, délivrés sur la base de certains critères très précis (âge, situation familiale,qualification, formation… ).

Pour répondre aux pénuries de main-d'œuvre qualifiée, la Commission recommande donc l'octroi d'uncontingent supplémentaire annuel de 20 000 permis de travail limités à 5 ans, puis de 20 000immigrants qualifiés sur la base du système à points. Le rapport préconise enfin l'intégration de10 000 jeunes étrangers par an dans le système dual d'apprentissage avec la possibilité pour eux derester ultérieurement dans le pays (soit au total une entrée annuelle de 50 000 immigrants).

Au total, en dépit d'un développement rapide des postes liés aux NTIC, leur part dans les

effectifs salariés totaux reste, en France, un peu inférieure à 5 %. Les pénuries de main-

d'œ uvre dans ces secteurs des nouvelles technologies, certes réelles et préjudiciables pour les

entreprises, sont un phénomène relativement récent. Le conjonction de plusieurs facteurs

comme la forte croissance des créations d'emplois depuis trois ans, le passage à l'an 2000 et à

l'euro, l'introduction récente de l'Internet et l'Intranet dans les entreprises, la généralisation de

l'utilisation de progiciels ont sans doute contribué à doper les besoins d'informaticiens ainsi

que d'autres professions liées aux NTIC. Conjuguée au délai qu'exige la mise en place de

systèmes de formation (création de nouvelles filières éducatives, de diplômes adaptés à ces

NTIC, de stages, etc.), la demande de salariés compétents dans ces domaines s'est assez vite

traduite par de véritables pénuries de main-d'œ uvre. Et s'il est assez aisé d'imaginer l'évolution

à venir de ce type de postes, il est néanmoins encore difficile de juger l'ampleur des besoins et

donc des futures pénuries et ce d'autant que l'actualité récente se nourrit d'annonces régulières

de vastes plans de licenciements dans les secteurs des NTIC5.

5 Réductions d'emplois annoncées pour 2001 : secteur des télécommunications (Motorola : 30 000, Nortel :30 000, Ericsson : 22 000, Alcatel : 20 000, Siemens : 10 000, etc) ; secteur des hautes technologies (Philips :10 000, Helwett-Packard : 9 000, Compaq : 8 500, Cisco Systems : 8 500, Dell : 4 000, etc).

25

2.1.2 Evolution à court et moyen termes des métiers et besoins des

entreprises

Si les pénuries de main-d'œ uvre, actuelles et futures, ont été particulièrement médiatisées dans

les métiers de l'informatique, les difficultés de recrutement à venir seront-elles pour autant

circonscrites à ces secteurs et professions ? Certains éléments d'appréciation sont livrés par

l'Observatoire des métiers, qualifications, et besoins de formation de la Chambre régionale de

commerce et d'industrie du Centre. Celle-ci réalise, tous les deux ans, une enquête auprès des

entreprises pour identifier les métiers et anticiper leur évolution à venir sous l'influence des

facteurs à la fois technologiques, économiques et organisationnels. Cette étude permet non

seulement de pouvoir mieux adapter l'offre de formation professionnelle aux besoins des

entreprises, mais aussi de connaître davantage les gisements d'emploi et les pénuries à venir,

afin d'optimiser les performances du système de formation initiale.

Les principales conclusions de l'enquête, dont la sixième édition a été publiée en 2000, ont été

synthétisées dans les tableaux suivants. Elles résument les facteurs d'évolution des principales

branches d'activité des deux grands secteurs de l'économie, à savoir les services et l'industrie.

Tableau 8 : Le secteur des services : facteurs d'évolution des métiers

Secteurs Activités Facteurs d'évolutionPrestation deservices auxentreprises

- Transport routier de marchandises- Traitement de données informatiques- Activités comptables- Ingénierie, études- Communication, pub.- Sécurité- Activités nettoyage- Commerce de gros- Répartition pharmaceutique

Le recentrage des entreprises sur leur cœ ur de métieret l'essor de l'externalisation des fonctionspériphériques conduisent à un forte croissance de cesactivités.

Secteur dual où coexistent les grands groupesnationaux et européens concentrés et restructurés,donneurs d'ordres et les PME, spécialisées sur des"niches" et segments, indépendantes.

Services augrand public

- Hypermarchés- Transports urbains voyageurs- Banques- Assurances- Caisses de retraite- hôpitaux et cliniques

Principaux acteurs : groupes nationaux voireinternationaux récemment consolidés par fusions oupartenariats.Diversification des positionnements et élargissementdes gammes de produits qui se traduit par destransferts d'emplois de type administratif ou technicienvers des postes plus commerciaux (marketing).

Commercetraditionnelde biensmatériels

- Vente véhicules automobiles- Vente en gros équipements auto et

industriels- Vente en gros de matériels construction- Vente en gros de matériel bureau et

informatique- Hôtellerie - restauration- Agences de voyage

Catégorie hybride dont la clientèle mixe lesprofessionnels et les particuliers.Cumul des contraintes précédemment citées avec uneforte dépendance face aux exigences des grandsdonneurs d'ordre.

26

Secteur des services Fonctions en régression, en mutation et en évolutionFonctions en régression : - emplois administratifs à fonction unique (standard, accueil, aide-

comptable, opérateur de saisie… )- personnel d'entrepôt ou de réserve, l'automatisation (système code-barre )

permettant de réunir plusieurs fonctions (emballage, calibrage, manutention,préparation de commandes)

Fonctions en mutation : - administrative dans les banques, assurances, caisses de retraite (profilde base généraliste mais spécialisation nécessaire car diversification del'offre de services)

- secrétariat : l'informatisation conduit à s'ouvrir sur d'autres fonctions etplus de qualifications ; la secrétaire devient assistante

- technico-commercial : l'évolution de la vente et de la concurrence supposede savoir aussi conseiller, offrir des services, animer des équipes, maîtriserl'outil informatique et les langues.

- métiers du transport et de la logistique : avènement de la gestion en fluxtendus et diffusion d'outil informatique (EDI, GPA)*

Fonctions en développement : - métiers de plates-formes téléphoniques : télé-opérateurs dans diversdomaines (gestion de base de données, conseil, information, assistance,prospection clientèle… ) ; avec l'internet, essor de téléconseillers de "webcall center". De bonnes connaissances en culture générale sont requises.

- métiers de l'informatique : développeur de programmation, architecte,webmaster, technicien de maintenance. En contact avec la clientèle desentreprises (qui externalise et opte pour l'achat de solution globale intégrantmatériel, assistance et maintenance), le profil de ces métiers ne se limiteplus au compétences techniques.

- fonctions transversales : le développement de contraintes réglementairesfait apparaître de nouvelles fonctions dans les domaines de l'hygiène, lasécurité, la qualité, l'environnement.

Source : COE, à partir de l'enquête de l'observatoire des métiers, qualifications et besoins de formation, 1999-2000, Chambre de commerce et d'industrie de la région Centre

* EDI : échange de données informatisées ; GPA : gestion partagée des approvisionnements

Tableau 9 : Le secteur de l'industrie : évolution des métiers

Secteur de l'industrie Fonctions en régression, en stagnation, en mutation et en évolutionFonctions en régression : - manutentionnaire

- opérateur de conditionnement, préparateur de commande- contrôleur qualité- ensemble des fonctions désormais externalisées (entretien, nettoyage,

transport… )Fonctions en stagnation : - administratif pur, secrétariat (selon le service, la secrétaire devra développer

des fonctions d'assistante et avoir un savoir-faire en gestion des stocks,marketing, vente, comptabilité, facturation). Le personnel d'encadrementassure lui-même, via l'informatique, les anciennes fonctions de secrétariat

- informatique : de plus en plus souvent, appel à des prestataires de servicesextérieurs

Fonctions en mutation : - opérateur de production (être capable d'intervenir sur la machine)- encadrement intermédiaire (décloisonnement des services, le travail par

projet, la réduction des niveaux hiérarchiques font évoluer ce profil vers descompétences d'accueil, d'animation, linguistiques)

- maintenance (les fonctions sont désormais associées au service méthodespour des projets d'implantation de nouvelles machines et le pilotage de leurinstallation)

- bureau d'études (maîtrise de l'anglais, les entreprises évoluant à l'échelleinternationale et des logiciels pour CAO - DAO*)

- recherche et développement- commercial (son rôle s'oriente vers des activités de veille concurrentielle) ;

moins de VRP multicartes au profit de commerciaux exclusifsFonctions en développement : - méthodes : ce service devient le point fédérateur entre les activités de R&D,

le bureau d'études, la qualité, la maintenance et la production : optimiser leslancements de fabrication, organiser la production, choisir les outils, étudierla faisabilité industrielle de nouveaux produits et reflexion sur l'ergonomiedes postes de travail

27

- achats : rôle stratégique dans la politique de réduction des coûts et ledéveloppement de la qualité (sélection du fournisseur, négociation du prix etdes services, audite qualité

- environnement et qualité (avec les nouvelles normes environnementales surl'air, l'eau, le retraitement des déchets et les nuisances sonores ;certifications ISO 14000

- gestion financière : utilisation de logiciels (SAP dans les grandes unités)réduit les travaux de comptabilité au profit d'activités de contrôleurs degestion (gestion des heures travaillées, statistiques industrielles)

- logistique industrielle : cette fonction se professionnalise dans le cadre d'unprocess de production plus complexe (sous-traitant, délais record ajustés auxbesoins du client d'où une production difficilement planifiable… ) ;développement de fonctions de "supply chain manager" (gestion globale desflux entre les différents sites de production et de stockage )

Source : COE, à partir de l'enquête de l'observatoire des métiers, qualifications et besoins de formation, 1999-2000, Chambre régionale de commerce et d'industrie de la région Centre

* CAO - DAO : conception assistée par ordinateur ; dessin assisté par ordinateur

Au total, l'évolution des métiers semble répondre à quatre grands types de facteurs : des

facteurs purement économiques, des facteurs organisationnels, des facteurs technologiques et

enfin des contraintes liées à l'environnement réglementaire.

Parmi les facteurs économiques, l'évolution du comportement du consommateur est un

élément déterminant. Les exigences de celui-ci en termes de choix, de disponibilité des

produits, de prix et de qualité impliquent une extension sensible des référencements, une

flexibilité de l'appareil de production et de distribution ainsi qu'une optimisation de

l'utilisation des facteurs de production dans l'entreprise. En outre, l'offre de produits des

industriels échappe de moins en moins au réseau de grande distribution restructuré. Les

fusions & acquisitions qui se sont opérées dans ce secteur conduisent à augmenter la pression

de ces grandes enseignes de la distribution sur leurs fournisseurs, c'est-à-dire les industriels

(délais de réassort, présence dans les linéaires,… ). La perte de référencement d'un produit en

centrale d'achat des grands distributeurs peut se solder, pour un industriel, par une baisse de

son chiffre d'affaires allant jusqu'à 20 %.

Ce processus de concentration et de regroupements d'entreprises, souvent à l'échelle

internationale, procède plus largement du mouvement de mondialisation des échanges.

L'accroissement de la concurrence oblige les chefs d'entreprise à ajuster leur stratégie de

production et leur organisation : il s'agit d'adapter les produits exportés aux nouveaux marchés

(Amérique latine, Asie, Europe de l'Est), de mieux connaître leurs besoins et leurs attentes,

bref de cibler l'offre. Par ailleurs, l'apparition sur le marché français de nouveaux concurrents

(en particulier venant des pays émergents) suppose une optimisation constante des facteurs de

production pour relever les défis de la concurrence par les prix que les nouveaux acteurs

imposent. L'internationalisation des échanges de produits s'accompagne aussi d'un besoin

28

accru de mobilité du personnel. Ceci est d'autant plus vrai dans le cadre de firmes

multinationales. A ce tire, il convient de s'interroger sur les implications en termes de

compétences du personnel de tels brassages de nationalités dans les entreprises. En effet, la

meilleure connaissance des marchés étrangers, des pratiques commerciales ou même des

cultures d'entreprise et du travail passe sans doute par un large échange de compétences

professionnelles entre les pays.

Cette tendance à une plus grande souplesse dans la gestion des facteurs se retrouve dans les

changements organisationnels qui touchent l'entreprise. Pour répondre aux impératifs

économiques du marché, les entreprises doivent en effet adopter des structures

organisationnelles plus fluides et plus ouvertes, aussi bien en interne qu'en externe. La

rentabilisation des investissements et la recherche de rapidité dans la conception et la

production conduisent à flexibiliser l'utilisation de l'outil productif autant que la main-d'œ uvre

(travail en équipes, décloisonnement des services, réduction des niveaux hiérarchiques, etc.).

La mise en place des 35 heures dans l'entreprise semble d'ailleurs avoir contribué à intensifier

la rationalisation des équipements, ces derniers n'ayant jamais été autant utilisés qu'en 2000

grâce à une augmentation sensible du travail en équipes et du travail posté6. La mobilité

interne et le développement de la pluridisciplinarité impliquent ainsi une extension de la

sphère de compétences des salariés. Cette nouvelle organisation au sein de l'entreprise passe

par l'introduction d'outils d'optimisation (AMDEC- Analyse des modes de défaillances, de

leurs effets et de leur criticité ; le benchmarking, pour l'analyse comparative des produits

concurrents ; le SMED - "single minut exchange of die" pour le changement de référence en

moins de 10 minutes ; le SQC - "statistical quality control" ; etc.). Ces changements de

culture et d'organisation du travail s'accompagnent aussi d'une mise en place d'outils de

gestion des compétences dans l'entreprise pour valoriser les ressources humaines et

développer le professionnalisme.

L'évolution des métiers est également marquée par les facteurs technologiques.

L'automatisation et l'informatisation ont incontestablement modifié le contenu des postes

de même que le développement des nouvelles technologies de l'information et de la

communication (EDI et EDT, édition et échange de données informatisées ou techniques ;

Internet, Intranet).

6 voir enquête "Durée d'utilisation des équipements dans l'industrie en 2000", Banque de France, mars 2001

29

Enfin, l'évolution de l'environnement réglementaire donne naissance à de nouvelles

fonctions. Dans différents domaines (eau, air, bruit, sécurité, temps de travail légal, droit

social,… ) et à différents échelons (local, européen, mondial), l'introduction de nouvelles lois

ou contraintes réglementaires se soldent par l'apparition de postes à contenu nouveau.

S'il est relativement aisé, compte tenu des précédents développements, de cerner les nouvelles

tendances des profils de compétences et métiers dont les entreprises auront besoin dans les

années à venir, il est toutefois encore bien difficile, pour l'entreprise, d'estimer le volume des

effectifs qui dépend essentiellement de la visibilité conjoncturelle. Les salariés les plus

anciens (parmi lesquels figurent les immigrés, les non diplômés) éprouvent certaines

difficultés à acquérir ces nouvelles compétences requises par l'entreprise. La main-d'œ uvre

jeune, mieux formée aux besoins linguistiques et techniques présente non seulement

l'avantage d'une plus grande souplesse et ouverture d'esprit, mais aussi celui d'avoir un coût

moins élevé (pas d'ancienneté et pas de formation à financer). Certes, l'entreprise ne peut se

passer de personnel expérimenté (c'est-à-dire d'expérience) mais l'intégration de jeunes

salariés peut permettre de faire évoluer les mentalités et donc la structure toute entière.

Dans un tel contexte, le recours à la main-d'œ uvre étrangère peut procéder d'une pratique

délibérée de l'entreprise, voire d'une stratégie de recrutement. Compte tenu de l'évolution de

l'environnement économique et des besoins de compétences, le profil du travailleur immigré

s'écarterait sensiblement de l'image classique qu'il véhicule aujourd'hui dans notre pays. Jeune

et doté d'un certain niveau de qualification, le salarié étranger de cette "nouvelle génération"

pourrait aussi avoir des origines géographiques plus diversifiées. Dans la logique de

l'internationalisation et du vaste mouvement d'investissements directs à l'étranger et étrangers

en France, constaté sur les dernières années, les entreprises pourraient conjuguer le

recrutement d'une main-d'œ uvre locale à celui d'une main-d'œ uvre originaire des pays

d'accueil.

Certes, cette tendance ne s'inscrit pas, pour le moment, dans les orientations de la politique

migratoire de la France. Sans doute les difficultés d'intégration rencontrées par la population

active étrangère ont-elles contribué à freiner les autorités sur ce point. En outre, la persistance

d'un nombre de chômeurs encore élevé, et donc d'un potentiel important de main-d'œ uvre,

apparaît incompatible avec un appel massif à du personnel étranger qui, à terme, et comme le

montrent les statistiques présentées précédemment, viendra en priorité nourrir le flux des

nouveaux chômeurs lors d'un futur ralentissement économique.

30

Un autre facteur conduit pourtant les entreprises à rechercher de nouveaux salariés parmi les

jeunes diplômés et pourrait les inciter à se tourner vers la population étrangère : le

vieillissement de la pyramide des âges de leur personnel. En effet, la moyenne d'âge du

personnel tend à s'élever en particulier dans les entreprises qui se sont fortement développées

(et donc qui ont beaucoup embauché) pendant les années 1970. Ce phénomène, s'il est plus

sensible dans certains secteurs d'activité que dans d'autres, est néanmoins appelé à se

généraliser compte tenu du vieillissement attendu de la population active.

2.2 Le vieillissement de la pyramide des âges du personnel

2.2.1 Quelles réserves quantitatives d'actifs ?

En France, et selon les dernières projections de l'INSEE (Nauze-Fichet, 2000), la croissance

de la population active ralentira fortement à partir de 2006. Elle ne devrait toutefois pas

diminuer comme le laissaient augurer les projections réalisées il y a quelques années. En effet,

sous l'effet de certains facteurs conjoncturels et structurels, l'évolution des taux d'activité des

populations de tranches d'âges extrêmes s'est sensiblement écartée des scénarios tendanciels.

Ainsi, l'activité des 15-24 ans a beaucoup moins ralenti que prévu : la tendance à

l'allongement des études s'est interrompue et les situations de cumul d'un emploi et d'une

formation se sont développées. Entre 1995 et 2000, le taux d'activité des jeunes n'a donc

baissé que de 1,1 point contre 5,3 points annoncés. De même, les 55-64 ans ont été plus

présents sur le marché du travail au cours de cette période, leur taux d'activité s'étant accru de

2,5 points contre 1,5 point prévu. Cet écart s'explique en partie par la réforme du régime

général de retraite intervenu en 1993, la durée requise de cotisation pour accéder aux droits à

la retraite devant progressivement passer de 150 trimestres en 1993 à 160 trimestres en 2003.

L'impact de cette réforme devrait se solder par un supplément d'actifs de l'ordre de 140 000 en

2005 et de 210 000 en 2010 (Blanchet et Marioni, 1996).

En outre, l'amélioration du climat conjoncturel et la dynamique vigoureuse des créations

d'emplois au cours des trois dernières années ont eu pour effet d'inciter certains inactifs à se

présenter sur le marché du travail. Ce phénomène, évalué par l'augmentation du taux de

flexion, est surtout sensible parmi les jeunes et la main-d'œ uvre féminine.

31

Tableau 10 : Projection actualisée de population active

Nombre d'actifs au 1er janvier

(en milliers)

Taux d'activité au 1er janvier

(en %)

2000 2006 2010 2000 2006 2010

15-24 ans 2335 2490 2568 30,1 31,8 32,8

25-54 ans 22637 22437 22314 88,7 89,8 90,3

55-64 ans 2338 3444 3553 42,5 48,3 44,5

15-64 ans 27310 28371 28434 70,4 71,1 70,2

15 ans et plus 27429 28471 28531 56,2 56,4 55,4

Impact d'une variante migratoire à+100 000 migrants par an

27429 28618(+147)

28776(+245)

- - -

Sources : INSEE, DARES (E. Nauze-Fichet, INSEE in Rapport du CAE, Jean Pisani-Ferry, "Plein Emploi",

décembre 2000)

Au total, le taux d'activité global en France a donc progressé de 1,4 point entre 1995 et 2000,

contre une hausse prévue de 0,9 point. Il existe donc des marges importantes de remontée de

ce taux, en particulier aux âges extrêmes, la France se situant par ailleurs dans la moyenne

basse de l'Europe en termes de taux d'activité. Une autre incertitude pèse sur l'évaluation

future de la population active : le solde migratoire. A caractéristiques structurelles inchangées

(âge, sexe), 100 migrants supplémentaires se solderaient par 49 actifs de plus. L'impact du

solde migratoire sur la population active n'est donc pas négligeable.

Les projections actuelles se basent sur une tendance de 50 000 migrants supplémentaires par

an (soit un taux d'immigration de 0,08 %). Dans l'hypothèse d'un recours plus massif à

l'immigration qui pourrait se justifier par des pénuries de main-d'œ uvre, on peut imaginer un

doublement du solde migratoire (+100 000 par an, soit un taux d'immigration de 0,16 % ce

qui reste encore faible comparativement au taux américain par exemple, qui était de 0,33 %

sur la période 1992-1998). Dans ce cas, la population active croîtrait de 200 000 actifs

supplémentaires en moyenne annuelle sur la période 2000 et 2006 (contre +174 000 dans le

scénario central), et de +40 000 entre 2006-2010 (contre +15 000 dans le scénario central),

selon les projections de l'INSEE. Toutefois, ces évaluations reposent sur le maintien à

l'identique, par rapport au passé, des comportements d'activité des futurs immigrants ce qui,

selon toute vraisemblance, devrait se révéler erroné.

32

2.2.2 Et quelles réserves qualitatives ?

En tout état de cause, et selon le scénario central d'évolution de la population active retenu par

l'INSEE, la structure par âge des actifs va se modifier sensiblement. La part des 15-24 ans

parmi les actifs devrait passer de 8,5 % en 2000 à 9 % en 2010 tandis que celle des 55-64 ans

enregistrerait une hausse de près de 4 points (de 8,6 % en 2000 à 12,5 % en 2010). Si, d'ici les

dix prochaines années, les entreprises ne devraient pas être confrontées à un repli des réserves

nettes d'actifs, elles continueront en revanche à observer un vieillissement de l'âge moyen de

leur personnel. En outre, les réformes des régimes de pension qui visent à encourager les

salariés âgés à rester en activité vont contribuer à accentuer ce phénomène.

A ce titre, il apparaît délicat d'évaluer l'impact sur les salaires ou l'emploi du poids croissant

de cette catégorie d'actifs dans l'entreprise (voir, sur le sujet, les travaux théoriques de Disney,

1996). Il semble néanmoins évident que les actifs qui auront entre 45 et 64 ans en 2015 auront

un niveau de formation moyen bien meilleur que leurs homologues actuels. En effet, la part

des actifs ayant un niveau inférieur au 2ème cycle du secondaire devrait, en France, être divisée

par 2,5 ; celle des diplômés du supérieur en revanche devrait doubler.

Tableau 11 : Répartition de la population active âgée de 45 à 64 ans selon le niveau de

formation, en %

1995 2015

> 2ème

cyclesecondaire

2ème cyclesecondaire

Tertiairenon

universit.

Université > 2ème

cyclesecondaire

2ème cyclesecondaire

Tertiairenon

universit.

Université

France 38,4 44,0 6,5 11,1 15,4 57,8 11,0 15,8

Allemagne 15,4 58,1 11,7 14,8 8,6 63,5 10,8 17,1

Moyenne OCDE 44,1 53,2 9,1 13,4 26,9 45,9 11,5 18,1

Source : OCDE

Pour autant, les entreprises se devront d'offrir au personnel âgé la possibilité d'acquérir de

nouvelles connaissances et de mettre à jour leurs compétences, démarche d'autant plus aisée

quand le niveau de formation initial est plus élevé. Avec le vieillissement des actifs, les chefs

d'entreprise devront aussi tabler sur les capacités d'adaptation de leur personnel en fin de

carrière pour répondre aux besoins de compétences. La mise en place de stratégies

anticipatives de formation ou de requalifications des salariés dans leur seconde moitié de

carrière est donc un moyen efficace de pallier certains effets négatifs du vieillissement de la

pyramide des âges, mais aussi de fidéliser la main-d'œ uvre à l'entreprise. Dans ce domaine,

33

les pratiques des employeurs en termes de rémunération, de formation et de recrutement

seront déterminantes pour les perspectives d'emploi et de salaires de cette catégorie d'actifs.

Les perspectives de disponibilités de main-d'œ uvre à l'horizon des dix prochaines années ne

sont donc pas aussi alarmantes qu'on pourrait l'imaginer, aussi bien en termes d'effectifs que

de qualification. Certes, le personnel de l'entreprise va vieillir, mais le niveau de qualification

des travailleurs va s'élever. On peut supposer que la politique de formation de l'entreprise, aux

côtés de la politique de recrutement, soit plus active et s'assimile de plus en plus à un

investissement en capital humain palliant ainsi, en partie tout au moins, les écueils d'un

personnel vieillissant. En revanche, il sera de plus en plus difficile de recruter des jeunes.

L'embauche de "juniors", fraîchement formés aux nouvelles technologies, va progressivement

devenir fastidieuse. La raréfaction de ce type de main-d'œ uvre, dont les salaires sont en

théorie moins élevés que ceux du personnel avec expérience, peut conduire à en élever le

coût, une conséquence préjudiciable pour les PME ou les très petites entreprises qui n'auront

pas les moyens d'attirer les jeunes actifs, ni forcément ceux nécessaires à assurer la formation

continue de leur personnel ancien. Plus que jamais, il convient de souligner l'importance et la

nécessité d'une action suivie des pouvoirs publics pour accompagner les entreprises, en

particulier les PME, dans leur action de formation professionnelle. L'appel à une immigration

jeune et qualifiée est une idée qui peut, de fait, apparaître séduisante. Elle présente toutefois

certaines limites. Sa logique procède d'une démarche sélective et arbitraire et elle s'inscrit

dans un cadre utilitariste. La mise en place d'une telle politique migratoire peut se révéler

délicate : l'accueil des étrangers doit-il se faire par à-coups, de façon ponctuelle et selon les

besoins conjoncturels ou doit-il s'inscrire dans une stratégie de moyen terme d'immigration à

caractère permanent ?

Enfin, compte tenu de la situation démographique, souvent plus alarmante constatée dans la

plupart des pays européens (Allemagne, Italie), il y a fort à penser qu'une telle politique

migratoire sera l'objet d'une concurrence féroce. La "fuite des cerveaux" pourrait laisser place

à une "chasse aux cerveaux", ce qui in fine se soldera pour une augmentation du prix de la

main-d'œ uvre étrangère qualifiée. Là encore, cette situation peut conduire à marginaliser les

plus petites entreprises dans leur accès aux ressources humaines.

Une ouverture plus large des frontières semble pourtant relever d'une logique économique et

sociale forte, si ce n'est d'une volonté politique affichée, tout au moins au niveau européen.

Mais faire appel à de la main-d'œ uvre étrangère qualifiée apparaît une entreprise bien délicate

34

et si les expériences passées ont montré les limites de l'intégration, la solution passe sans

doute par un accueil plus large des étrangers en phase de formation. Un partenariat plus étroit

entre les entreprises et les écoles ou les universités peut ensuite assurer un recrutement

optimal, à la fois en termes de besoin de compétences et en termes de coût.

3. UNE LOGIQUE D'OUVERTURE DES FRONTIERES A REPENSER…

En France, la question de l'immigration est bien souvent abordée sous le prisme du débat

politique. Les modifications successives des droits des immigrés et des législations sur les

flux migratoires, assorties des batailles menées pour, d'une part, renforcer les contrôles et,

d'autre part, accorder de nouveaux droits, ont contribué à brouiller le message et accroître la

confusion à l'égard de la loi.

Aujourd'hui pourtant, un consensus semble s'établir autour de la nécessité de réformer la

politique migratoire alors même que l'idée de rouvrir les frontières pour pallier les défauts de

main-d'œ uvre fait son chemin. Certes, la porte de l'immigration de travail non qualifié semble

bien être durablement fermée, mais d'autres modalités d'entrées peuvent être envisagées. A la

lumière des précédents développements, l'enjeu économique de ces prochaines années est bien

celui de la formation et de l'éducation. En d'autres termes, le facteur travail apparaissant

comme une ressource rare ou vouée à se raréfier, il convient de lui réserver un "traitement de

choix". La main-d'œ uvre s'apparente bien à un capital humain qu'il faut "entretenir" et dont le

recrutement confine à l'investissement.

La logique qui consiste aujourd'hui à renforcer la coopération entre le monde éducatif et les

entreprises pourrait prendre une nouvelle dimension si elle se doublait d'une composante

migratoire. En accueillant des jeunes étrangers en cours de scolarité, la France pourrait

profiter des bénéfices d'une main-d'œ uvre étrangère qualifiée, maîtrisant des connaissances

pluridisciplinaires et pluri-linguistiques et plus facilement adaptable aux besoins des

entreprises (diplômes étrangers et français). Formés en France et/ou par le système éducatif

français, ces étudiants, ces spécialistes ou ces chercheurs seraient un atout précieux pour les

entreprises. Vecteur essentiel dans la compétition mondiale, cette main-d'œ uvre étrangère sera

sans doute aussi à l'origine de nouvelles formes de coopération internationale.

35

3.1 Les étudiants étrangers en France et leur insertion dans le monde du travail

En imposant des procédures administratives lourdes et complexes, en particulier vis-à-vis de

chercheurs ou de spécialistes étrangers, la France a mené une politique frileuse en matière

d'immigration, l'obsession du "risque migratoire" pesant encore sur les mentalités.

De fait, elle se prive et prive ses entreprises de compétences importantes qui se tournent alors

vers des concurrents directs et tend à s'isoler de certains courants d'échanges intellectuels. Au

delà d'une politique migratoire accommodante pour les étudiants étrangers, il convient aussi

de renforcer l'attractivité du territoire français. L'accueil de compétences extérieures ne

répond pas à seulement à une volonté de la part du pays hôte mais procède aussi d'une

capacité à en drainer les flux, c'est-à-dire à être préféré à un autre pays.

3.1.1 Amorce d'une nouvelle dynamique dans les universités ?

Les statistiques en matière d'inscription universitaire sont-elles, à ce titre, encourageantes ?

Au cours des deux dernières rentrées universitaires (1999-2000 et 2000-2001), le nombre

d'étudiants étrangers inscrits dans une université française a progressé sensiblement, alors que

celui des étudiants français décline depuis plusieurs années (la dernière rentrée mise à part).

De fait, la part des universitaires étrangers a sensiblement augmenté en 1999 et 2000,

interrompant ainsi le mouvement de baisse constaté au cours des dix dernières années. En

2000-2001, on comptait 41 700 étudiants étrangers, soit 12 200 de plus qu'à la rentrée

précédente. Ainsi, les étrangers représentent désormais près de 10 % du total des étudiants

inscrits à l'université, contre un peu plus de 9 % en 1999-2000.

La progression des inscriptions a été plus vive qu'à la rentrée 1999 (+9,5 % contre +6 %).

Cette hausse est principalement due aux étudiants originaires des Etats non membres de

l'Union européenne (+16,5 %), d'Asie (+16 %) ou d'Afrique (+11,5 %), aux dépens des

ressortissants de l'Union dont la part dans le total des étudiants étrangers est en léger repli. Si

la répartition des inscriptions par cycle est relativement équilibrée (45 000 à 50 000 inscrits

dans chacun des trois cycles en 2000), le poids des étrangers en revanche s'accroît

sensiblement avec le cycle. Ainsi, les étudiants étrangers représentaient environ 7 % des

inscrits aux diplômes du premier cycle (DEUG, DUT, capacités… ) en 2000, et 9,4 % dans le

deuxième cycle (licence, maîtrise, MST… ). Par contre, un étudiant sur cinq du troisième

cycle est un étranger et plus d'un doctorant sur quatre n'est pas de nationalité française.

36

Tableau 12 : Les étudiants étrangers dans les universités en France

1985 1990 1995 1996 1997 1998 1999 2000Effectifs d’étudiantsétrangers à la rentrée 131979 136015 129761 125205 121624 121582 128788 141700Variation annuelleen % -1,4 3,3 -3,5 -3,5 -2,9 0,0 5,9 9,5Part des femmesen % 34,5 38,7 46,4 47,9 49,5 50,7 50,9 ndPart des étudiantsétrangers dans le total 13,6 11,6 8,9 8,6 8,5 8,7 9,2 9,9DEA délivrés à desétrangers en … 6529 5693 4537 4279 4051 3956 4273 nd% d’étrangers 36,4 24,4 17,2 16,5 16,6 16,6 18,2 ndDoctorats délivrés àdes étrangers en … 3183 2716 3117 2871 2890 2652 2398 nd% d’étrangers 41,2 35,6 32,9 28,6 26,8 26,1 24,2 nd

Source : Ministère de l'Education nationale, DPD, note d'information, mai 200, n°22

En règle générale, les étudiants étrangers sont moins attirés que leurs homologues français par

les formations technologiques ou professionnelles. Ils optent davantage pour des filières

économiques ou littéraires, ou encore pour des disciplines médicales. En outre, la présence

des étudiantes étrangères s'est sensiblement accrue depuis 15 ans. D'un peu plus du tiers des

inscrits, les femmes comptent désormais pour la moitié des étudiants étrangers. Il convient

aussi de souligner que le choix de la discipline varie selon l'origine géographique de l'étudiant

ou de l'étudiante. Les Américains, Européens ou Asiatiques privilégient les formations en

lettres et sciences humaines. Les Africains se dirigent de façon indifférenciée vers les

disciplines scientifiques, économiques ou littéraires. Enfin, la filière médicale est

particulièrement appréciée par les ressortissants du Liban, de la Syrie ou encore de l'Algérie.

Tableau 13 : Les étudiants étrangers par discipline et nationalité (rentrée 1999-2000)

(en % du total) Droit SciencesEco, AES

LettresSc.

SciencesSTAPS

Santé IUT Total % parnationalité

Europe 16 11 48,5 13,3 7,9 2,3 39065 30,3- dont Union 16,4 10,5 50,3 13,3 6,9 2,6 27225 21,1- hors Union 15,1 15,8 44,2 13,2 10,1 1,6 11840 9,2Asie 9,2 12,7 42,4 16,2 16,2 3,3 17382 13,5Afrique 12,5 20 26,6 22,1 14 4,7 62637 48,6Amériques 11,9 6,9 60 14,2 5,9 1,1 9328 7,2- dont USA 12,5 3,4 78,4 4,2 1,2 0,4 2507 1,9Océanie 13,1 10,5 60,7 8,4 5,8 1,6 191 0,1Apatrides 13,5 8,1 43,2 21,1 6,5 7,6 185 0,1Toutes nationalités 13,1 15,7 37,9 18,1 1,8 3,5 128788 100,0- dont femmes 53,6 45,9 65,9 30,2 42,0 37,5 50,9 -Proportion étrangers 9,3 13,0 10,0 7,2 11,0 3,9 9,2 -

Source : Ministère de l'Education nationale, DPD, note d'information, mai 200, n°22

37

Tableau 14 : Les étudiants étrangers : répartition par cycle (rentrée 1999-2000)

Français Etrangers Proportioneffectifs En % effectifs En % d’étrangers %

Premier cycle 663 987 52,3 46 182 35,9 6,5Dont - DEUG 452 558 35,6 29 314 22,8 6,1

- DUT 109 134 8,6 4 386 3,4 3,9Deuxième cycle 436 921 34,4 40 891 31,8 8,6Dont - Licence 169 512 13,3 14 343 11,1 7,8

- Maîtrise 132 464 10,4 12 663 9,8 8,7Troisième cycle 168 855 13,3 41 715 34,4 19,8Dont - DEAS 36 821 2,9 4 866 3,8 11,7

- DEA 26 554 2,1 8 565 6,7 24,4- Doctorat 44 844 3,5 16 361 12,7 26,7- Diplôme santé 33 441 2,6 5 427 4,2 14,0

Source : Ministère de l'Education nationale, DPD, note d'information, mai 200, n°22

La montée récente de la part des étrangers dans le total des étudiants ne doit cependant pas

masquer le recul important enregistré depuis 15 ans. Dans certaines filières en effet, la

proportion d'étrangers est passée de 18 % au milieu des années 1980 (sciences) à moins de

7 % en 1998. Moins marquée dans les disciplines économiques, juridiques ou littéraires, cette

évolution a été toute autre dans le secteur de la santé où le poids des étrangers a crû jusqu'au

début des années 1990.

Au cours des années 1970, la part globale des étrangers dans les universités oscillait entre

12 % et 14 % des inscrits. Ainsi, en dépit de la remontée constatée depuis le point bas de 1997

(à 8,5 %), la proportion d'étrangers est encore loin, en 2001, d'avoir rejoint ce niveau. Sur la

période récente, l'évolution haussière procède certes d'une légère progression du nombre

d'étudiants étrangers, en valeur absolue, mais aussi d'une baisse globale des effectifs

d'étudiants. Pour encourageante qu'elle soit, cette évolution se doit d'être confirmée au cours

des prochaines rentrées, notamment en valeur absolue, une tendance qui est bien sûr

étroitement liée à la politique migratoire de la France. En effet, il faut noter que c'est

l'instauration en 1985 des contrôles de ressources pour les visas étudiants qui avait provoqué

le ralentissement du flux des étudiants africains, mettant ainsi fin à plus de quatre années de

croissance des effectifs d'étudiants étrangers. A l'inverse, la mise en place de programmes

d'échanges communautaires7, entre 1988 et 1993, a ensuite contribué à réorienter à la hausse

les inscriptions d'étudiants étrangers, en particulier en provenance d'Europe. Mais dès 1994, le

renforcement des contrôles de l'immigration dans le cadre des lois PASQUA a de nouveau fait

chuté les inscriptions, notamment d'étudiants africains et asiatiques.

7 Programmes ERASMUS (1987), LINGUA (1989), TEMPUS (1990).

38

Si la croissance récente des effectifs a permis de retrouver, en 2000, le niveau de 1995, il est

encore trop tôt pour dire si ce mouvement de remontée est lié aux mesures de simplification

du recrutement d'étudiants étrangers mises en place en 19988. En effet, depuis cette date, et

face aux pénuries de main-d'œ uvre dans certains secteurs, la délivrance d'autorisations

provisoires de travail est désormais possible pour les étudiants sortant de filières scientifiques

et qui seront formés par les entreprises qui les embauchent en tant qu'ingénieur informaticien

(rémunération minimum brute : 150 000 francs). Une chose est sûre : l'attractivité des

universités françaises ne pourra se renforcer qu'au prix d'un assouplissement de certaines

conditions d'entrée et d'accès au marché du travail des étrangers. Par rapport à d'autres pays

européens, ou aux Etats-Unis, les modalités d'accueil des étudiants étrangers présentent de

nombreux obstacles qu'il conviendrait de lever.

3.1.2 Du diplôme à l'emploi : un parcours difficile en France

Certes, il peut paraître ambitieux de citer le cas américain en matière d'attractivité des

étudiants étrangers, cela n'en est pas moins éclairant. La supériorité américaine pour former

des élites semble incontestable : chaque année, les universités accueillent un demi million

d'étudiants étrangers (soit plus que la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni réunis). Pour

autant, il convient de souligner que, en proportion du total des étudiants, la part des

inscriptions d'étrangers est beaucoup plus faible qu'en France : en effet, sur environ

12 millions d'étudiants américains, les étrangers représentent à peine plus de 4 % du total des

effectifs (contre près de 10 % en France en 2000).

Plus de la moitié des étudiants étrangers aux Etats-Unis viennent d'Asie (Japon, Corée, Chine,

Inde) et environ 15 % sont originaires d'Europe, pays de l'Est et Russie compris. Les business

school, écoles techniques d'ingénieurs et formations scientifiques sont les filières préférées

des étudiants étrangers aux Etats-Unis et, comme en France, elles sont d'autant plus

fréquentées que le niveau d'études est élevé. En doctorat (Ph.D), un tiers des étudiants est

d'origine étrangère (contre un quart en France), cette proportion allant jusqu'à 40 % pour le

diplôme du MIT (Massachusetts Institute of Technology) en 2001. En outre, près de 70 % des

étudiants asiatiques et 66 % des étudiants européens, en 1997, souhaitaient rester aux Etats-

Unis pour y travailler. Le marché du travail américain apparaît donc très attractif, un

phénomène qui s'est amplifié ces dernières années, et qui est sans doute en grande partie lié à

la conjoncture économique, alors très bien orientée (vigueur de la croissance, créations 8 Circulaire du 16 juillet 1998.

39

d'emplois dynamiques et faible niveau du chômage). La politique migratoire est, il est vrai,

particulièrement accommodante9 et facilite l'accès à l'emploi, ce qui est moins le cas en

France. Mais l'attractivité des universités américaines relève aussi d'une tradition culturelle.

La qualité de l'enseignement supérieur américain (d'ailleurs bien meilleure que celle du

primaire ou du secondaire) joue un rôle important tout comme la notoriété et la valeur

marchande des diplômes particulièrement côtés dans le monde entier. En outre, le poids des

investissements réalisés aux Etats-Unis en matière de recherche publique et privée constitue

un réel point fort pour un pays qui cherche à attirer les étudiants étrangers.

De ce point de vue, la France dispose de nombreux atouts : la qualité de l'enseignement

universitaire, celle des diplômes et des grandes écoles sont assez largement reconnues. Mais

l'attractivité universitaire française reste desservie par l'incohérence selon laquelle l'étudiant

étranger a vocation à rentrer dans son pays d'origine sitôt sa formation terminée. De fait,

l'accès à l'emploi des étudiants étrangers est particulièrement difficile, aussi bien pour

l'employeur que pour le postulant. Les procédures administratives sont complexes et

coûteuses et, qui plus est, relativement longues. Dans un contexte économique où l'entreprise

doit faire preuve d'une grande réactivité face aux évolutions conjoncturelles, la lourdeur des

démarches d'embauche d'un salarié ou d'un étudiant étranger, qui peuvent prendre jusqu'à

quatre mois, entre le choix du candidat et l'obtention de l'autorisation de séjour et de travail,

est un réel handicap.

En effet, en vertu de l'article L.341-4 du Code du travail, il n'est pas possible pour le

ressortissant d'un Etat non membre de l'Union européenne, de pénétrer librement sur le

territoire français pour y exercer une activité salariée au préalable, il doit avoir obtenu une

autorisation de travail. Celle-ci peut prendre la forme de différents titres de séjour : carte de

résident de 10 ans, carte de séjour temporaire d'un an portant la mention "salarié",

"scientifique" ou "profession artistique et culturelle". Lorsque l'étranger ne dispose d'aucun de

ces titres et qu'il souhaite occuper un emploi salarié, il doit obtenir une autorisation de travail.

Cette dernière peut, en principe, être délivrée à l'issue d'une procédure qualifiée

d'"introduction" ou, exceptionnellement, à la suite d'une "régularisation" ou d'un "changement

de statut" si l'étranger est déjà présent en France à un autre titre que celui de salarié (étudiant

notamment). Dans ces deux cas, la demande d'autorisation de travail est transmise, par

9 Le nombre de visas "H-1B", permis de travail temporaire délivrés à des personnels hautement qualifiés, estpassé de 48 420 en 1989 à 116 695 en 1999. En France, au total, 22 142 travailleurs étrangers ont été légalementintroduits sur le territoire en 1999 (source : Office des Migrations Internationales).

40

délégation du département du préfet de département dans lequel réside l'étranger, à la

DDTEFP (Direction Départementale du Travail, de l'Emploi et de la Formation

Professionnelle)10. Quatre critères11 permettent alors d'examiner le dossier pour décision : la

situation de l'emploi présente et à venir dans la profession demandée et dans la zone

géographique concernée ; l'application par l'employeur de la réglementation du travail ; les

conditions d'emploi et de rémunération offertes au salarié étranger et les dispositions

éventuellement prises par l'employeur pour assurer son logement. Le critère le plus important

et le plus déterminant est le premier, c'est-à-dire l'opposabilité de la situation de l'emploi. Il

conditionne l'autorisation de recrutement d'un étranger à la non-existence d'un autre candidat

(français ou non), recensé par l'ANPE et susceptible de pourvoir le poste demandé. Ce

principe est d'ailleurs conforme avec la résolution du 20 juin 199412 adoptée par les ministres

de l'Intérieur et de la Justice des Etats membres. Il peut toutefois faire l'objet d'une certaine

souplesse dans quelques circonstances (pour les ressortissants de quelques pays, et plus

récemment s'agissant des ingénieurs informaticiens, ou encore de cadres supérieurs dont le

niveau de rémunération dépasse un certain plancher13). En dépit de ces mesures dérogatoires,

le principe d'opposabilité de la situation de l'emploi constitue un blocage quasi systématique à

l'entrée de nouveaux travailleurs étrangers en France et le flux d'impatriation n'observe qu'une

faible croissance. En 1999, 11 118 autorisations permanentes et provisoires on été délivrées

contre 8 444 l'année précédente. Les critères d'opposabilité de l'emploi restent donc très

rigides et méritent d'être sinon levés tout au moins assouplis et révisés.

Ce point constitue un des aspects des constats et recommandations formulés dans le Rapport

Vermes de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris14 : "Actuellement, la situation de

l'emploi est strictement opposable aux titulaires d'un titre de séjour portant la mention

"étudiant" qui solliciterait un changement de statut leur permettant de travailler. Cette

population présente pourtant l'intérêt d'être déjà qualifiée et francophone ; elle est également

susceptible d'avoir tissé des liens avec la France propices à son intégration. Cette voie doit

donc être privilégiée."

10 Article L.341-4 et R.341-1 du Code du travail.11 Ces critères sont détaillés dans la circulaire du 21 décembre 1984 relative à la mise en œ uvre de la loi n°84-662 du 17 juillet 1984 relative aux titres uniques de séjour (JO du 12 janvier 1985).12 Cette résolution précise que les travailleurs immigrés ne peuvent avoir accès à un emploi dans un Etat del'Union que si cet emploi ne peut être pourvu "par la main-d'œ uvre nationale ou communautaire qui réside defaçon permanente et légale dans l'Etat membre".13 La valeur plancher indicative est fixée à 23 500 francs brut par mois selon la circulaire du 15 avril 1996.14 Rapport du Conseil Economique et Social de la CCIP, présenté par JP. VERMES, " Les difficultés derecrutement : quelles réalités ? Quels remèdes ?", 21 décembre 2000.

41

Il convient donc d'améliorer la procédure de délivrance des autorisations de travail, en

particulier dans le cas des étudiants, afin de renforcer l'attractivité de la France et de son

système de formation qui reste performant. Incompatibles avec une organisation productive

qui implique des délais d'ajustement des offres et demandes d'emplois de plus en plus courts,

les barrières administratives se doivent d'être assouplies et affinées. Ces mesures constituent

un élément essentiel d'une politique migratoire en phase avec les besoins des entreprises en

matière de main-d'œ uvre. Outre son intérêt pour faire face aux éventuelles pénuries de main-

d'œ uvre qualifiée, un assouplissement de ces procédures favoriserait l'impatriation d'étudiants

étrangers permettant aux entreprises, en meilleure collaboration avec les systèmes de

formation, d'une part de bénéficier de personnel étranger qualifié immédiatement performant,

d'autre part, de renforcer leur image à l'international et de créer une dynamique pluri-

culturelle au sein des équipes, favorable à l'évolution des méthodes de travail. De par la

qualité existante de son système éducatif, l'incitation des étrangers à venir étudier en France

sera d'autant plus grande si le cursus universitaire s'accompagne de perspectives d'emploi. Par

rapport à d'autres pays confrontés à des pénuries de main-d'œ uvre (Allemagne, Italie… ), les

entreprises françaises n'auraient pas à se livrer à une guerre coûteuse et incertaine pour attirer

le personnel qualifié étranger, se contentant de puiser dans le vivier des étudiants de grandes

écoles ou de l'université. En ce sens, il paraît particulièrement intéressant de développer les

contacts avec les entreprises en cours de scolarité (via les stages, les séjours à l'étranger dans

les filiales, etc.), ce qui renforce la fidélisation et l'intégration de l'étudiant étranger au pays

d'accueil, à la fois formateur et recruteur15.

RECRUTER UN SALARIÉ OU UN ÉTUDIANT ÉTRANGER : "LE PARCOURS DU COMBATTANT"

Première étape : l'ANPE. Tout employeur doit y déposer son offre d'emploi. Si aucun candidat ne se présentedans les 5 semaines qui suivent, l'ANPE donne alors son accord pour que l'employeur dépose une demanded'"introduction" en France d'un salarié étranger auprès de la DDTEFP, accompagnée d'un contrat de travail.Puis ce dossier est transmis à l'Office des Migrations Internationales (Omi). Celui-ci demande l'aval duministère de l'Intérieur pour s'assurer que le candidat ne risque pas de porter atteinte à l'ordre public. Le feuvert donné, l'Omi transmet le dossier au consulat de France du pays où vit le postulant qui, à ce moment, peutdéposer une demande de visa de long séjour. Après visite médicale, l'Omi renvoie à la DDTEFP le contrat detravail. La nouvelle recrue doit alors se rendre à la préfecture pour délivrance d'une carte de séjour valable unan et renouvelable trois fois ; après quoi le travailleur peut demander à bénéficier d'un titre de résident valable10 ans. Outre ces procédures administratives, l'employeur doit aussi verser son écot. L'Omi perçoit uneredevance lors de la première embauche d'un salarié non-européen. Elle est de 5 200 francs s'il gagne moins de10 000 francs et de 9 450 francs au-delà.

Source : Entreprise et Carrières N°557, du 2 au 8 janvier 2001

15 Un telle logique se doit bien sûr, d'être reproduite et encouragée dans le sens inverse, à savoir l'expatriation desétudiants français à l'étranger (voir à ce sujet les rapports E. HERVIER "Pour une amélioration de la mobilitéinternationale du travail : encourager les flux d'expatriation et d'impatriation" 15 avril 1999 et E. HERVIER"Favoriser la mobilité géographique des travailleurs au sein de l'Union européenne" 12 juillet 2001, Commissiondu commerce international, Commission du travail et Commission fiscale, CCIP).

42

3.2 Favoriser l'accueil et améliorer l'attractivité du système de formation

français

3.2.1 Alléger les formalités étudiantes…

En 1997, un rapport remis au premier ministre16 pointait, entre autres, les incohérences de la

politique d'accueil des étudiants étrangers menée en France. Dans un chapitre consacré aux

échanges intellectuels et économiques, le rapport souligne que la crainte du "risque

migratoire" enferme la France dans une logique défensive, n'épargnant aucune formalité aux

étrangers désirant étudier en France et les incitant à retourner dans leurs pays d'origine sitôt

leurs études terminées. S'il reste indispensable de maintenir un contrôle efficace concernant la

réalité des études poursuivies (afin d'éviter d'encourager des contournements de la loi sous

couvert d'études17), il apparaît plus qu'urgent de redéfinir une politique d'accueil plus

dynamique des étudiants étrangers.

Ainsi, le rapport souligne par exemple la nécessité de faciliter le cursus universitaire des

anciens élèves des lycées ou établissements français à l'étranger, en allégeant d'une part les

procédures administratives d'inscription et, d'autre part, en offrant plus de bourses d'études. La

France finance18 en effet un réseau important d'établissements scolaires à l'étranger regroupés

au sein de l'AEFE (Agence Française pour l'Enseignement du Français à l'Etranger) sans pour

autant reconnaître à ces anciens élèves un droit réel à la poursuite des études en France, ce qui

est symptomatique d'une certaine incohérence.

De même, à la différence des universités ou centres de recherche américains, du British

Council anglais ou encore du DAAD allemand, la France ne mène pas une politique offensive

pour attirer les étudiants étrangers. Elle dispose pourtant, comme il a été précisé

précédemment, d'atouts majeurs en matière de qualité de sa formation en sciences humaines et

sociales ou encore en médecine. Il conviendrait donc de renforcer la promotion de l'offre

française de formation, une action que la technologie d'Internet facilite d'autant plus

aujourd'hui. Certes, de nombreux efforts on été accomplis, en particulier au niveau européen,

mais il convient d'œ uvrer dans le sens d'une amélioration des structures d'information et

16 "Pour une politique de l'immigration juste et efficace", rapport au Premier Ministre, Patrick WEIL, juillet 199717 L'obtention d'une carte de résident est impossible au-delà de 10 ans de séjour en France pour motif d'études(Article 14 de l'ordonnance de 1945).18 Chaque année, environ 2 milliards de francs sont consacrés à ce réseau AEFE, placé sous tutelle des ministèresdes affaires étrangères et de la coopération, qui fédère 277 établissements auxquels s'ajoutent 137 autres écolessans lien juridique mais auxquelles il peut verser des subventions.

43

d'accueil (logement, bourses, couverture sociale, filières, stages, convention des formations

passées avec les entreprises, etc) en France mais aussi à l'étranger. La mise en place de

programmes européens comme Erasmus a, à ce titre, particulièrement amélioré la mobilité des

étudiants des pays membres. De 27 000 étudiants du supérieur sélectionnés en 1989-1990, on

est passé à 181 000 en 1998-1999. La France, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Espagne sont,

dans ce domaine, les pays les plus actifs. En dehors du programme Erasmus, le mobilité

demeure assez faible, la France figurant toutefois en deuxième position parmi les pays les plus

demandés par les étudiants étrangers après le Royaume-Uni.

Tableau 15 : La mobilité étudiante dans l'Union Européenne

Etudes à l'étranger (1996-1997) Erasmus (1997-1998)

Etudiants envoyés Etudiants accueillis Etudiants envoyés Etudiants accueillis

France 29 300 29 310 30 680 31 540

Allemagne 30 600 45 560 30 540 25 960

Espagne 17 480 15 230 23 160 2 1230

Italie 28 360 10 640 16 560 14 720

Pays-Bas 10 180 3 070 10 000 10 530

Suède 5 510 5 090 6 570 6 640

Royaume-Uni 13 020 83 020 26 910 31 790

Source : Eurostat, 2000

Dans le même temps, il conviendrait de faciliter la procédure d'admission à l'inscription et

d'obtention de visa actuellement assez complexe et lourde.

En effet, un étranger qui souhaite suivre ses études en France doit justifier d'une inscription

dans un établissement français, public ou privé. Celle-ci est soumise à deux conditions

cumulatives : l'obtention d'une inscription préalable et la connaissance de la langue française.

Ce sont les ressortissants étrangers eux-mêmes qui sollicitent cette inscription préalable

auprès de l'établissement dans lequel ils souhaitent étudier19. Cette procédure présente

plusieurs écueils : au moment de sa demande, l'étudiant ne dispose souvent pas des résultats

de ses examens, ce qui retarde son inscription effective dans un établissement ; l'accord ou le

refus de la candidature par l'université (qui répond parfois à des critères administratifs ou

budgétaires aléatoires) arrivant tardivement, la réorientation devient délicate. A ces difficultés

19 Ces fiches n'arrivent dans les services culturels qu'en avril et le candidat a jusqu'à la mi-juillet pour demanderau ministère de l'éducation nationale de l'orienter vers un autre établissement, une réponse qui doit lui parvenirthéoriquement avant le 15 septembre.

44

s'ajoutent alors les contrôles rencontrés au moment de la délivrance des visas20. Les services

consulaires sont en effet souvent exigeants sur la preuve des ressources disponibles21 et pour

les ressortissants de certains pays, il est parfois difficile d'obtenir les justificatifs et autres

attestations bancaires.

Aux Etats-Unis ou en Angleterre, toutes ces démarches sont prises en charge directement par

les centres de recherche ou les universités et il existe un traitement différencié pour cette

catégorie d'étudiants. Aussi, il serait judicieux de voir dans quelle mesure, comme le

suggèrent d'ailleurs les recommandations du rapport Weil, l'accueil des étudiants étrangers ne

pourrait pas être traité dans les contrats de plan Etat - Université, sans pour autant remettre en

cause le principe de leur autonomie. L'engagement à respecter certains délais en contrepartie

d'un renforcement de la ligne budgétaire du volet international pour l'université pourrait être

envisagé. En outre, la délivrance des visas pourrait être facilitée par un pré-traitement des

dossiers par les services culturels (Education nationale) plus aptes que les services consulaires

ou préfectoraux à vérifier l'authenticité de la formation offerte par un établissement, en

particulier dans le cas d'une école privée qui pourrait accorder des certificats de complaisance.

Le traitement et le suivi des dossiers pourrait aussi se faire par correspondance ou mieux, via

Internet, ce qui accélérerait le déroulement des formalités. Enfin, une appréciation plus souple

des ressources pourrait être envisagée (dans le cas de logement chez des amis ou membres de

la famille) et s'accompagner d'une autorisation systématique de travail à mi-temps.

L'intégralité du dossier de candidature serait ainsi du ressort des services culturels, le contrôle

par les services consulaires faisant l'exception.

3.2.2 … et faciliter l'accès à l'emploi pour ouvrir la voie à une

nouvelle immigration

Rendre plus accessible le système de formation français aux étudiants étrangers constitue un

point de départ essentiel à la mise en place d'une nouvelle politique d'immigration. Cela

permet de disposer d'un réservoir d'actifs qualifiés étrangers à côté des compétences

nationales. La formation de cadres étrangers en France doit aussi s'accompagner de deux

conditions : une simplification de la délivrance des autorisations de travail pour ces étudiants

20 L'obtention du visa de long séjour (qui ne concerne pas les ressortissants des pays de l'Union européenne, envertu des accords de Schengen) est soumise, en vertu de l'article 13 de l'ordonnance de 1945, à la possessiond'une attestation d'inscription ou de pré-inscription dans un établissement d'enseignement supérieur et à la preuvede la suffisance des ressources financières.21 En 1997, le montant des ressources mensuelles exigées était de 2 500 francs par mois.

45

diplômés et un renforcement de la coopération entreprises / écoles supérieures (ou universités)

pour optimiser l'efficacité du système de formation et son adéquation aux besoins de main-

d'œ uvre des entreprises.

Pour faciliter la délivrance d'autorisations de travail, le rapport Vermes de la CCIP,

précédemment cité, préconise "une prise en considération plus réaliste des besoins

professionnels et locaux dans la règle d'opposabilité de la situation de l'emploi". En effet, la

DDTEFP examine et apprécie la situation de l'emploi au regard de l'état du chômage dans les

grandes catégories professionnelles. Cette approche écarte donc les spécificités du poste en

question et ne prend pas en compte les difficultés de recrutement qui peuvent exister dans des

cas bien précis ou dans certaines régions plus que dans d'autres. Le rapport suggère d'associer

les organisations professionnelles plus à même de repérer localement les emplois disponibles

susceptibles de donner lieu à la délivrance d'une autorisation de travail pour un étranger. Il

convient aussi d'associer la dimension internationale de l'entreprise.

En effet, il apparaît nécessaire de donner aux entreprises françaises la possibilité de recruter

des étudiants étrangers formés en France (ayant à l'occasion effectué des stages dans la

société) si celles-ci souhaitent développer des activités à l'exportation. En embauchant un

diplômé asiatique qui connaît parfaitement la langue et les pratiques culturelles de son pays

d'origine, par exemple, l'entreprise réussira d'autant mieux son approche concurrentielle et

implantera plus facilement ses produits en Asie. Dans un contexte productif marqué par la

délocalisation de certaines activités et par la globalisation des échanges de biens et de

capitaux (fusions et acquisitions, investissements directs français à l'étranger et étrangers en

France), le principe d'opposabilité de la situation de l'emploi pour le recrutement d'étranger

apparaît dépassé. Il est légitime et inévitable en effet que des entreprises établies en France

souhaitent privilégier un candidat étranger pour occuper certains postes à qualification

pointue. C'est particulièrement vrai dans le cadre des multinationales ou d'entreprises

étrangères qui s'installent en France et dont l'implantation se fera d'autant mieux si elles

peuvent intégrer, dans le recrutement de leur personnel, des salariés du pays d'origine présents

depuis quelques années sur le territoire.

Ainsi, comme le propose le rapport Weil, il conviendrait de remplacer le critère de "situation

locale d'emploi", traditionnellement appliqué par les services de la DDTEFP dans l'examen de

la demande d'autorisation de travail d'un étranger, par un critère "d'intérêt technologique et

commercial de l'entreprise" qui permettrait de mieux appréhender les réels besoins en matière

46

de main-d'œ uvre. Ceci reviendrait à modifier les dispositions de l'article R341-4 du code du

travail, qui précise les conditions d'opposabilité de l'emploi, ou tout au plus à l'aménager d'un

alinéa. Reste à définir le service suffisamment compétent pour apprécier ce nouveau critère,

dans un environnement où l'évolution des métiers et des qualifications est tout aussi rapide

que celle du marché national et international du travail.

Une plus grande synergie des services de la DDTEFP avec l'ANPE ou les syndicats

professionnels, dont l'expertise en matière de connaissance des métiers est avérée, semble

alors souhaitable. Elle seule aussi peut permettre de quantifier les réels besoins ou pénuries de

main-d'œ uvre présents et/ou pressentis dans certains secteurs, métiers ou catégories

professionnelles et, en étroit partenariat avec le système éducatif, initier le processus d'appel à

des étudiants étrangers dans les filières ou écoles correspondantes. C'est au prix d'une

meilleure circulation de l'information sur le marché de l'emploi, à la fois du côté de l'offre et

de la demande, et d'une gestion plus prospective et qualitative des ressources humaines

nationales et étrangères que pourront se résorber certains déséquilibres du marché du travail.

Conclusion

Si le recours à la main-d'œ uvre immigrée, telle qu'il s'est développé au cours des cinquante

dernières années, n'apparaît pas apporter une solution efficace à la résorption de tous les

déséquilibres du marché du travail, l'appel à des travailleurs étrangers ne doit cependant pas

être écarté. Dans un contexte où des difficultés de recrutement peuvent perdurer pour certains

postes qualifiés, voire s'amplifier dans quelques années sous l'effet démographique du

vieillissement puis de la réduction du nombre des actifs, il convient d'envisager, en France, les

lignes d'une nouvelle politique migratoire. Mais la bataille pour s'approprier les services des

salariés étrangers qualifiés risque d'être rude et coûteuse, d'autres pays européens étant d'ores

et déjà plus gravement confrontés que la France aux pénuries de personnel qualifié et à leur

vieillissement. Aussi, il peut sembler plus stratégique de s'appuyer sur le renforcement de

l'attractivité du territoire français en matière d'éducation et de formation, la France disposant

déjà d'atouts non négligeables en matière de performance et de qualité de son enseignement

supérieur. En améliorant d'avantage l'accueil des étrangers dans les écoles et universités

françaises et en facilitant leur accès à l'emploi, les entreprises pourront disposer d'une main-

d'œ uvre étrangère, francophone et qualifiée, dont la formation se sera inscrite dans un cadre

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renforcé d'échanges avec l'entreprise. Aux côtés des salariés nationaux, la politique de

recrutement des entreprises françaises pourra alors s'enrichir de compétences étrangères

particulièrement appréciables, dans un monde où la production mais aussi les échanges

commerciaux, financiers et humains semblent avoir dépassé la notion de frontières… .

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