Bernard Klein-Histoire romaine _ De la légende d'Enée à la dislocation de l'Empire-Editions...

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    DANS LA MME COLLECTION

    Guide du vin, Librio o 96Les lections, mode d emploi, librio o522Dieux et hros de la mythologie grecque, Librio n593Ftes et clbrations. Librio n 594e vin et ses plaisirs. Librio o6 3La gnalogie mode d emploi, Librio o6 6

    Gnration manga, Librio n619Dictionnaire des instruments de musique, Librio n62Les rois de France. Librio n65Guerres et conflits du XJt ' sicle, Librio o 65Dieux et pharaons de l gypte ancienne, Librio o 652Sries tl, Librio o 67Abrg d histoire de l art. Librio o 714

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    Bernard Klein

    istoire romaineDe l lgende d ne

    l dislocation de l Empire

    briondit

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    artographe : Carl Voyer

    E.J .L. 2005

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    SommaireIntroduction ..... ... ................. ............................... ......... 71. Lgendes et histoire des origines de Rome . . . . 9

    1) La lgende d ne et des Troyens, anctres desRomains ............................................................... 102) La lgende de Romulus, fondateur de Rome ... 123) La Rome des rois (vmc-v1c sicle) ............. ......... 15II. La Rpublique et les citoyens romains . . . . . . . 18

    1) Les conflits entre les patriciens et les plbiens(509-367) .... ....................................... ................... 182) S.P.Q.R: les institutions du Peuple romain (me-r sicle) .............. ......... ........................ ....... ... ... ... 213) :.tre citoyen dans une Rpublique aristocrati-que (JV -I r sicle) ........................................ ......... 274) Les Romains et leurs dieux ...... ......... .. .... ......... . 33

    Ill. La Rpublique conqurante (V:-Ier sicle) ......... 391) L mergence d une puissance rgionale (509-272) ............ .......................................................... 422) Le duel Rome-Carthage (272-201) ....... ............. 403) La naissance d un empire (201-50) ................... 434) Larme romaine ................................................. 475) La force de mobilisation romaine .. ........... ... ..... 486) Une culture virile et militaire ............................ 50

    IV. Le dernier sicle de la Rpublique (133-30) .... 531) La prosprit de l Italie romaine ....................... 532) Mutations sociales et culturelles ............... ........ 55

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    ntroduction

    Longtemps la lecture de Cicron, de Tite-Live, dOvide,de Vi rgile, de Snque, de Tacite, de Sutone ou de Plutarque a nourri la rflexion e t l imaginaire des Europens.Lhistoire de Rome a t une rserve inpuisable d exemples contradictoires: idal du civisme, modle de Rpublique mais aussi de rgime a utoritaire, admiration pour larigueur du droit romain ou les ides rvolutionnaires .Certains personnages rels ou lgendaires de cette histoireont inspir potes, dramaturges, peintres ou hommes politiques, tels Didon et ne, les Sabines, Bru tus, les Gracques, Spartacus, Csar et loptre, Titus et Brnice.Dautres, comme Caligula ou Nron, suscitent encore deschos plus ou moins scandaleux, sans parler des imagespersistantes comme les jeux du cirque forcment cruels ou les orgies forcment romaines. u-del de ces clichs, l histoire de Rome, tout comme le latin et le grec,disparat pourtant peu peu de notre horizon culturel etnes t plus ce rservoir de modles ou de contre-modlesquelle a longtemps t. LHistoire elle-mme a cha ng sesmthodes et son approche : ce sont les caractres spcifiques de Rome qui font l objet du travail des historiens,sans jugement de valeur, du moins en principe. Malgrtout, se pencher sur cette histoire romaine peut encoresusciter l intrt, ne serait-ce que la constitution dunempire qui a russi l intgration des vaincus, non que cetempire soit un modle suivre, en ces temps de mon-

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    1Lgendes et histoire des origines de Rome

    la fin du rer sicle av. J.-C. 1, sous le rgne d Auguste,deux grands crivains latins voquent leur manire lesorigines de Rome. Tite-Live crit sa grande histoireromaine, Ab rbe condita ( Depuis la fondation de laVille : ses premiers livres sont consacrs la fondationde Rome par Romulus et l histoire de ses modestesdbuts. De son ct, Virgile compose son pope, Lnide,qui raconte les aventures du hros troyen Ene venu enItalie. Ces uvres, crites plusieurs sicles aprs les faitsqu elles prtendent voquer, mlent des lments propresaux Romains et aux Latins et d autres emprunts aux Grecs.Les lgendes romaines font de Rome une colonie d Albe laLongue et de Romulus le fondateur de la Ville en 753 2 Leslgendes inspires des Grecs font des Romains les descendants des Troyens, mens en Italie par ne, aprs laprise de Troie date par les Grecs de 1193 ou 1184. ney aurait fond Lavinium et son fils, Albe la Longue. Lesdeux lgendes sont ensuite associes. Romulus est en effetun fils d un roi d Albe: les Romains en font tantt le petit-1. Les dates jusqu Auguste 27 av. J .-C.) seront entendues commeavant J.-C., les dates aprs la mort d Auguste (14 apr. J .-C.) seront comprises comme aprs J .-C., sauf indications contraires.2. Ce n est que l une des dates retenues par les Anciens. Dans la suite,nous conserverons les datations traditionnelles qui viennent essentiellement de Tite-Live, bien queUes soient souvent douteuses jusqu auv sicle au moins.

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    ne voit en effet la truie et comprend que sa destineest presque accomplie. Le sol laurentin est le territoire deLavinium quil doit fonder et les trente petits cochons voquent les peuples latins au nombre de trente eux aussi. lpasse alors par le site de la future Rome: il y trouve desArcadiens, d autres Grecs installs sur le Palatin dont il faitses allis. Vnus lui vient aussi en aide : elle demande audieu forgeron Vulcain de lui fabriquer une armure et unmagnifique bouclier dont le dcor voque les succs desRomains et du futur uguste. La guerre est pleine de pripties. u cours dune ultime bataille, ne est bless duneflche la cuisse que son fidle mdecin Iapix ne parvientpas soigner . Vnus accourt lu i apporter une herbe miraculeuse qui le gurit. Le combat reprend et ne tue Turnus. Enfin victorieux, il peu t fonder Lavinium, dont le nomhonore son pouse. son tour, son fils Ascagne-Iule fonde Albe la Longuequi devient la capitale des trente peuples latins. Treize roissuccdent Ascagne. Le dernier d entre eux, Amulius,prend le pouvoir en chassant son frre Numitor. Il tue lesfils de Numitor et impose sa fille Rha Silvia de devenirprtresse de Vesta, et donc de rester vierge. Mais RhaSilvia, visite par le dieu Mars, met au monde desjumeaux, Romulus et Remus. C est ainsi que les lgendesdne et de Romulus sont relies.2 a l nde de omu us, fondateur de Rome

    Quoique incrdule lui-mme, Tite-Live nous racontecomment les jumeaux furent sauvs d une mort presquecertaine:

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    [Amulius] donne l ordre de nchaner la prtresse [RhaSilvia], de la mettre en prison et e jeter ses enfants dans lecourant u fleuve. Par un hasard providentiel, le Tibre taiten crue et s talait en nappes deau dormantes ; le lit rgu lieru fleuve tait inaccessible mais les porteurs crurent que ceseaux stagnantes taient suffisantes pour noyer les nouveau-ns . lis s imag inent donc excuter lordre u roi , en dposantles enfants dans la premire ten ue deau venue, len roit

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    o se trouve aujourd 'hui le figuier de Rumina, qui auraitport dit-on, le nom de Romulus. L'endroit tait alors dsertet inhabit. Selon la lgende, le berceau o les enfantstaient exposs commena par f lotter puis simmobilisaquand l'eau se retira ; une louve, que la soi f avait fait descendre des collines voisines, accourut vers eux, attire parles cris des enfants ; se couchant, elle leur prsenta dlicatement ses mamelles, si bien que le berger du roi - du nomde Faustulus rapporte-t -on - la trouva en train de les lcher.J les emmena sa bergerie et les donna lever sa femmeLarentia . D'autres prtendent que Larentia tait une prostitue, sUrnomme la louve par les bergers: ce serait l o rigine de la lgende miraculeuse. Tite- ve stoire romaine, 14, 3-8Romulus et Remus sont levs p rmi les bergers. Un

    jour, on leur rvle leur origine royale : ussit t ils liminent Amulius et rtablissent leur grand-pre Numitor surle trne d Albe. Mais Albe est trop peuple : les jumeauxdcident alors de partir fonder une nouvelle ville sur leslieux de leur enfance. Mais lequel des deux en sera le fond teur et le roi ?

    Comme ils taient jumeaux et qu'on ne pouvait lesdpartager en fonction de l'ge, les jeunes gens vou lurentque les dieux protecteurs des lieux dsignassent, par le voldes oiseaux, ce lui qui donnerait son nom la vi lle nouvelleet qui rgnerait sur la ville, une fois qu'elle serait fonde ;pour observer les oiseaux, Romulus se plaa sur le Palatin,Remus sur l'Aventin. D'aprs la trad ition, Remus fut le premier constater un augure 1 sous la forme de six vautours ;la nouvelle s'en rpandait dj quand le double se montra Romulus. Chacun d'eux fut proclam roi par ses partisans.Les uns faisa ient valoir la priorit dans le temps, les autresle nombre des oiseaux pour revendiquer la royaut. On d iscute, on en vient aux mains ; la colre monte et dgnreen lutte meurtrire. Dans la bagarre, Remus tomba, bless

    1. quivalent dauspices : ce sont les signes envoys par les dieux, sousla forme de vo ls doiseaux. Venant de gauche s inist r, le prsage estdfavorable ; venant de droite, il est favorable.13

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    ce sens, elles sont aussi relles que n importe quel fa it historique.3) a Rome des rois vuf-vf sicle

    Selon la tradition romaine, trois rois d origine romaineou sabine succderaient Romulus : Numa Pompilius, unSabin qui est le fondateur du calendrier et des principalesinstitutions religieuses ; Tullus Hostilius qui mne de nom-breuses guerres et dtruit Albe ; enfin, Ancus Martius quifixe les rgles de la guerre juste. Ensuite viendraient troisrois trusques : Tarquin lAncien ; Servius Tullius quirforme de fond en comble les institutions et l organisationdu peuple ; enfin, Tarquin le Superbe, le dernier roi deRome. Aussi bien le nom des rois, leur nombre que lecontenu de leur uvre sont sujets discussion. L archo-logie et une nouvelle manire d tudier les sources littrai-res ont cependant permis de mieux interprter tous cesrcits, labors plus tt quon ne le pensait. La situationde Rome en Italie explique aussi les influences multiplesqui s y croisent. Elle se trouve au contact de quatre airesde civilisation :e atium

    Rome appartient la ligue des trente peuples latins dontelle partage la langue. lls clbrent un culte commun Jupiter: son temple se situe da ns les monts Albains l oles lgendes placent Albe la Longue. Cette subordination une confdration explique que les Romains se soient ima-gin qu Albe tait plus ancienne que Rome. lls l ont doncconsidre comme leur mtropole 1 alors qu il ny a sansdoute jamais eu de ville Albe mais seulement un sanc-tuaire confdral. Les Latins dveloppent peu prs aumme moment que les trusques, partir du VIlle sicle,une civilisation fonde sur lagriculture et sur des centres1. Cit mre qui envoie un groupe de ses citoyens fonder une nouvellecit, appele colonie.

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    urbains. Ces villes s organisent en cits 1, avec un roi oudes magistrats et un peuple de citoyens. Des fouilles rcentes u nord du Pal tin laissent penser que Rome a pu treun centre urbain important ds la in du vme sicle, c est-dire peu prs la date de la fondation lgendaire deRome p r Romuluse monde sabinRome est en relation directe avec le monde sabin desApennins Les Sabins, qui font partie du groupe des peuples samnites et ombriens, restent des peuples de pasteurssans villes importantes. Ils ont besoin du sel, ncessaire

    l levage, que l on trouve l embouchure du Tibre prsd Ostie. La route qui va des montagnes aux salines, la viasalaria, passe p r Rome o elle franchit le Tibre. Lescontacts, tantt belliqueux, tantt pacifiques, entreRomains et Sabins, trouvent un cho d ns les lgendes desSabines et de Titus Tatius.L trurieL trurie commence au-del du Tibre et les cits trusques de Caer, Tarquinia et Vies sont les voisines deRome. Aux VIf et VIe sicles, les trusques, unis dans uneconfdration de douze villes, tendent leur dominationvers le sud jusqu en Campanie. Ils soumettent Rome et unepartie du Latium. Or l archologie montre que le site deRome connat une volution dcisive u moment o lesRomains sont dirigs p r les trois rois trusques (de 616 509). Un gr nd gout ciel ouvert, l cloaca maximadraine la zone marcageuse entre le Palatin et le Capitole;le forum y est amnag la fin du VIf sicle comme centrepolitique, avec la regi (la maison du roi), une zonecultuelle et un lieu destin u sn t et l assemble dupeuple. Au cours du VIe sicle, une immense muraille estdifie. La superficie de la ville est alors de 400 hectares,la plus vaste d Italie. La tradition en attribuait la construc-1. Une cit est un tat, form d une communaut organise de citoyens.Celle-ci est tablie sur un territoire dont le centre politique et religieuxest une ville.16

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    La Rpublique et les citoyens romains

    1) Les conflits entre les patriciens et les plbiens 509-367)Lhistoire des deux premiers sicles de la Rpubliquerepose encore sur les rcits trs tardifs de Tite-Live et deDenys d Halicarnasse. Elle est pleine de pripties et deluttes internes, dont le dtail est souvent douteux et sujet des discussions acharnes entre spcialistes. Nous nouscontenterons ici d expliquer les principes fondateurs de laRpublique romaine et de ses institutions.

    Les patriciens u pouvoirLa chute de la royaut Rome s est traduite par la transmission des pouvoirs du roi des magistrats lus annuellement par le peuple : la Rpublique res publica) est eneffet littralement la chose du peuple. e peuple romainpopulus) comprend alors deux catgories de citoyens: lespatriciens et les plbiens. Les patriciens sont les descendants des patres, les membres du snat de lpoque royale,auxquels s adjoignent encore quelques familles au ye sicle.Chaque famille forme une gens 1 qui comprend aussi ungrand nombre de dpendants, les clients, lesquels cultiventles terres des patriciens. Lautre partie de la populationromaine est forme des plbiens, exclus de l exercice dupouvoir. Ces plbiens sont les citoyens qui n appartien-1. Famille au sens large qui comprend ous ceux qui portent le mmegentilice (le nom de famille).18

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    nent pas au patriciat : ce sont, pour la plupart, de petitspropritaires qui cultivent eux-mmes leurs terres, lesautres vivant Rome de l artisanat.Aux dbuts de la Rpublique, les patriciens monopolisentles magistratures, notamment le consulat Ils prtendentaussi tre les seuls matriser le droit, qui est oral, et pouvoir excuter les rites religieux. Les dbuts de la Rpublique sont marqus par les revendications des plbiensqui cherchent d abord limiter les abus de pouvoir despatriciens puis rclament l accs aux magistratures. cesconflits politiques s ajoutent certainement des tensionsconomiques: nos sources voquent des problmes dendettement et d esclavage, de disette, de manque de terres.e tribunat de la plbeMme s ils n exercent pas le pouvoir, les plbiens sontcitoyens, donc soldats. lis sont indispensables la citqui est alors en guerre perptuelle. Aussi, en cas de conflitavec les patriciens, les plbiens font une sorte de grve,

    en se retirant sur le mont Sacr quelques kilomtres deRome, ou bien sur lAventin. Ce sont les scessions dela plbe qui ponctuent les dbuts de l histoire intrieurede Rome. la suite du premier de ces conflits, en 494,les plbiens dcident de crer leurs propres institutions:les diles de la plbe, pour les questions de ravitaillement,et les tribuns de la plbe (deux puis dix), pour se protgerdes abus de pouvoir. Les tribuns peuvent bloquer les dcisions d un magistrat et ont le droit de punir d une amendeet mme de mort. lis bnficient d une protection religieuse, la sacro-saintet : quiconque porte la main sureux est dclar sacer c est--dire proprit des dieux maudit en quelque sorte. diles et tribuns de la plbe sont luspar une assemble, appele le concilium plebis (la runionde la plbe), qui ne rassemble que les seuls plbiens.Cette assemble peut voter des dcisions, appeles plbiscites, qui son t des lois valables pour la plbe. La plbelve aussi son propre temple sur l Aventin, ddi Crs,1. Ou, plus exactement, les magistratures suprieures, quelle quen soitla dnomination : on pense en effet que le titre de consul apparaft plustardivement.

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    2) S.P.Q.R : les institutions u Peuple romain (m e1 ' sicle)Lanne 367 a t considre par les Romains commeun tournant. La rconciliation des patriciens et des pl-

    biens permet l mergence dune lite un peu plus large.Les institutions et la carrire des honneurs se stabilisentau mesicle et un quilibre satisfai sant s instaure entre lestrois pouvoirs complmentaires : les magistrats, le snat etle peuple. La Rpublique ne connat plus de crises internestrs graves avant le Ile sicle.Les consuls et les autres magistratsLes principaux magistrats Rome sont les deux consuls.En effet, les consuls succdent au roi dans tous ses pouvoirs, l exception de certaines comptences religieuses, dvolues un prtre dnomm rex sacrorum, roi des rites sacrs.Ils exercent un pouvoir trs fort, limperium l s agit dupouvoir de commander et punir les citoyens, l intrieurde Rome (imperium domi = la maison et l extrieur(imperium militie). Le costume du consul et tout l apparatsolennel qui l entoure sont lhritage du roi trusque. Ilporte la toge prtexte, qui est une toge bande pourpre ets assied sur une chaise spciale, dite curule. Comme le roi,chaque consul est prcd de douze licteurs qui portent lesdouze fai sceaux , composs de baguettes entourant unehache. Les baguettes symbolisent le droit de punir, la hachecelui de faire appliquer la peine de mort. Tout un personnelde hrauts precones) et d appariteurs viatores) l escorteet fait le vide autour de lui quand il s avance. Lorsquilexerce ses fonctions judiciaires, il prend place sur un tribunal surlev. Son attitude, ses gestes, l expression de sonvisage doivent traduire toute la solennit et le caractreterrible du pouvoir quil exerce. Lautre face du pouvoirconsulaire est lie la religion. Cest le droit de prendre lesauspices, c est--dire de consulter Jupiter dont l approbation est ncessaire pour tre investi de l'imperium, pourpartir la guerre ou pour toute action politique, commele vote d une loi. Enfin, les consuls sont les magistratsponymes de Rome: ils donnent leur nom lanne.On comprend donc que, pour les aristocrates, la Libertait t la limitation de ce pouvoir ((royal n s agissait en

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    proconsul (ou de proprteur) et n a que des complencesmilitaires. Enfin, des lois fixent les rgles concernant lgeet )es intervalles entre deux magistraturesLes magistrats romains la fin de la Rpubliquedans l ordre du cursus onorum thoriqueMagistra ts Conditions et mode Pouvoirs et fonctions(nombre) de dsignation

    Dictateur Avoir t consul. 24 faisceaux etNomm par un consul 24 licteurs.Un seul, avec un sur ordre du snat, pour lmperium domi etmaitre dela six mois au maximum. militi;e) suprieur touscavalerie. les a ~ s t r a t sDirige tat etcommande l arme.Censeur Avoir t consul. Pas de faisceaux.

    ~ t r e g de 44 ans au Po/estas (seulementDeux moins. pouvoir civil).lus par les comices Recensement descenturiates, tous les citoyens, liste descinq ans, pour dix-huit snateurs lectio) et desmois. chevaliers, gestion desL un est patricien, l autre biens et travaux publics.plbien.Consuls Avoir t prteur. 12 faisceaux et

    ~ t r e g de 42 ans au 12 licteurs.Deux moins. lmperium domi etlus par les comices militi;e).centuriates pour un an. Dirigent l tat etAu moins un plbien commandent l armeparmi les deux consuls. (jusqu en 80).Droit de convoquer lepeuple et le snat, deproposer des lois.Prteurs Normalement avoir 2 faisceaux Romet questeur. (pour les prteursHuit ~ t r e g de 39 ans au chargs de la justice) ;(en 80 av. J.-C.). moins. 6 faisceaux dans leslus par les comices provinces (gouverneurscenturiates pour un an. de Sardaigne, Sicile etEspagne).lmperium domietmiliti;e.Peuvent remplacer lesconsuls Rome en leurabsence.

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    diles Normalement avoir t Pas de faisceaux.~ u e s t e u r Potestas.Quatre (deux di- tre g de 36 ans au Surveillance des mar-les de la plbe et moins. chs, approvisionne-deux diles curu- lus par les comices ment, entretien desles). tributes pour un an. rues, organisation desjeux.Tribuns de la tre plbien. Potestas, sacro-saintet.plbe Peuvent tre lus direc- Pouvoir de s opposer tement sans avoir t toute dcision dunDix questeurs (mais ils le magistrat ou du snatsont gnralement). veto, intercessio).lus par les comices Droit de convoquer latributes pour un an. plbe (en fait les comi-ces tributes) et de pro-poser des plbiscitesqui ont force de loi ;dinfliger des amendeset la peine de mort.Dfense des citoyensjus auxilii).

    Questeurs Dix ans de service miJi- Pas de faisceaux.taire (deux au 1er si- Rome, gestion duDix cie) ; tre chevalier. Trsor public, des(en 80 av. J.-C.). tre g de 30 ans au archives, adjoints desmoins. consuls (deux parlus par les comices consul).tributes pour un an. Un questeur dans cha-que province.e snatLe snat est un hritage de l poque royale: c tait leconseil du roi compos des patres (les pres des familles patriciennes), c est--dire de l aristocratie romaine. Sousla Rpublique, c est une assemble de 300 membres (600 partir de Sylla). est compos des anciens magistrats. Laliste officielle en est dresse tous les cinq ans par les censeursqui peuvent en exclure les membres qu ils jugent indignes.Le snat ne peut se runir que dans un espace religieu

    sement inaugur, un t mp um : l dispose sur le forum1 Inaugurer : prendre les augures, acte ncessaire pour consacrer religieusement un lieu. Un templum est un espace inaugur, de forme rectangulaire et orient selon les directions cardinales (nord-sud). Le motfranais temple dsigne la demeure c:Edes en latin) d un dieu. Lacurie est un templum mais pas un temple c:Edes).24

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    d un btiment spcial appel la curie mais peut se runirdans un temple, par exemple dans celui de Jupiter au Capi-tole.Le snat a des comptences multiples. Il autorise lesnouveaux cultes, ldification des temples ou dcide desmesures religieuses prendre en cas de crise. Il contrleles finances de l tat et vote les sommes alloues auxmagistrats qui doivent ensuite rendre des comptes. l l reoitou envoie les ambassades : l est donc responsable desaffaires extrieures, mme si un trait doit tre approuvpar un vote du peuple. La force du snat est d tre uneassemble permanente qui est corn pose des anciensmagistrats, donc de laristocratie de Rome. Il dispose ainsid une trs grande autorit, Iauctoritas. Il doit tre consultpar les magistrats pour toute affaire importante et ses avis,dcrets ou snatus-consultes, une fo is vots, ont un grandpoids et presque force de loi.e peuple et les comices

    Le troisime pouvoir Rome est exerc par lensembledes citoyens qui forment le peuple, le populus. Convoqupar un magistrat, le peuple se runit en assembles appeles comices pour les lections des magistrats et le votedes lois. Il existe deux types de comices, les comices tributes et les comices centuriates, dans lesquels les citoyenssont rpartis diffremment.En effet, chaque citoyen est recens de deux manirespar les censeurs. Il est inscrit dans l une des trente-cinqtribus (chiffre atteint en 241), selon son origo, c est--direla rgion dont sa famille est originaire. Les noms d uncitoyen comportent toujours la mention de sa tribu. Chacune des tribus correspond une partie du territoireromain: quatre de ntre elles, dites urbaines, regroupent lescitoyens de la ville de Rome, les trente et une autres, ditesrustiques, les citoyens rpartis sur le reste du territoire. Lecitoyen est, d autre part, class, selon sa fortune, dans lunedes cinq classes et l une des cent quatre-vingt-quinze (oucent quatre-vingt-treize) centuries pour dterminer ses obligations fiscales et militaires. La premire classe regroupeles propritaires les plus riches ; les plus modestes sont5

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    ainsi que les censeurs. Ils votent galement des lois, maisde plus en plus rarement aprs 2ll8 Ils jugent les citoyenspassibles de mort (justice limite la haute trahison aur sicle).

    Le peuple runi en comices exerce donc deux pouvoirsessentiels: l lection des magistrats et le vote des lois. Ence sens, on peut dire que la Rpublique est une forme dedmocratie. La formule qui dsigne Rome, lorsqu elle agiten tant qutat, est senatus populusque Romanus(S.P.Q.R.), le snat et le peuple romain)), Cependant, cesont les magistrats qui ont le rle actif: ils sont les seuls pouvoir convoquer le peuple ou le snat et les seuls pouvoir proposer une loi. Les comices ne dlibrent pas :ils ne peuvent que rpondre par oui ou par non. Cepen-dant. celui qui propose la loi doit la faire afficher vingt-quatre jours l avance, la prsenter au snat et peutconvoquer au forum une assemble informelle (qu onappelle contio pour l expliquer et la justifier.3 P.tre citoyen dans un Rpublique aristocratique IV e-

    f r sicleLes citoyens romains bnficient tous de la protection

    de la loi et des droits civils (mariage, proprit, transac-tions commerciales) mais nexercent pas les mmes droitspolitiques.a citoyennetLa pleine citoyennet est rserve l homme adulte (plusde 17 ans) et mari. Les enfants sont en effet sous la tutelle

    du pre et les filles passent de celle de leur pre celle deleur poux. Comme dans les cits grecques, la citoyennets acquiert par la naissance quand un enfant est fils decitoyens maris lgalement: il est alors dit ingnu (de nais-sance libre). Loriginalit de Rome par rapport aux Grecsest d accorder assez facilement la citoyennet. En effet, lesesclaves affranchis dans les rgles par un matre romaindeviennent automatiquement citoyens. La citoyennet peuttre aussi octroye des trangers des prgrins , selon

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    le terme romain), individuellement ou mme collectivement quand Rome dcide d annexer un territoire. Cettecitoyennet acquise peut tre incomplte, par exemplesans le droit de vote sine suffragio). L ingnuit reste unecondition ncessaire pour exercer la plupart des fonctionspubliques : les affranchis et les trangers naturaliss ensont donc exclus.S il est propritaire, les devoirs du citoyen sont nombreux et prenants. Tout citoyen est mobilisable de 17 ans 60 ans, mme si les leves se font gnralement parmiles juniores de 17 ans 46 ans plutt que parmi les seniores.Comme Rome ne connat pratiquement aucune anne depaix durant toute la Rpublique, peu chappent au servicemilitaire. Au nesicle, le nombre de campagnes annuellesauxquelles un citoyen est astreint est limit seize, oupeut-tre vingt. Jusqu la fin du mesicle, les guerres ontlieu en Italie, sauf rares exceptions : le soldat devait doncnormalement pouvoir rentrer dans son foyer en hiver, lasaison militaire allant du printemps l automne.L exercice du droit de vote aUK comices prend galementbeaucoup de temps. Il faut se dplacer plusieurs fois Rome, car les votes de loi et les lections n ont pas lieu enmme temps. Les procdures de vote sont longues et compliques. la fin de la Rpublique, un citoyen peut treconvoqu une vingtaine de fois dans lanne, pour unedure de quarante soixante jours. est vident que seulsles plus riches, ou ceux qui rsident Rome, sont mmede venir rgulirement.Les ordres omeTous les citoyens sont lecteurs mais ils ne sont pas tousligibles, car les fonctions les plus importantes sont de faitet de droit rserves aux plus honorables et aux plus riches.Or, Rome, la hirarchie sociale est dtermine par l exercice des fonctions publiques qualifies d honneurs honores).Parmi les citoyens les plus riches, les censeurs choisissent ceux qu ils jugent dignes dtre inscrits dans les centuries de chevaliers. Ce nom vient du fait qu ils servaient l origine dans la cavalerie. Pour tre chevalier, l faut en8

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    outre possder une fortune minimale de 400 000 sesterceset tre de naissance libre. Il s agit d un groupe de quelquesmilliers de citoyens qui forme l ordre questre. Les officierssuprieurs de l arme et les membres des jurys sont choisisparmi eux. Seul un chevalier peut tre lu aux magistratures. Une fois lu magistrat, en gnral comme questeur,i l devient snateur aprs sa sortie de charge et appartientdsormais lordre snatorial, le plus lev en dignit l intrieur du groupe des snateurs, il existe encore unehirarchie dtermine selon les magistratures revtues etselon l ordre d anciennet: en tte, les anciens censeurs etles consulaires (anciens consuls), puis les anciens prteurset ainsi de suite jusqu aux snateurs les plus rcents. L ordre de prise de parole au snat suit ce classement. Lesconsulaires, parce qu ils ont exerc le pouvoir suprme,forment le groupe dirigeant de la Rpublique. Comme iln y a que deux consuls par an, ils ne sont que quelquesdizaines.l noblesse rom ineLappartenance l ordre questre et l ordre snatorialn est pas hrditaire, mais un fils de chevalier ou un filsde snateur a des chances srieuses de suivre les pas deson pre. La notion d hrdit nes t cependant pas absente Rome. En effet, les patriciens le sont de naissance et toutdescendant de patricien ou dun consul est considrcomme noble. Comme, depuis 367, les riches plbienspeuvent se faire lire consuls, se forme la noblesse plbienne. Le premier d une famille avoir t consul estappel homme nouveau, mais ses descendants sontnobles. Des mariages se nouent entre nobles patriciens etnobles plbiens, que plus grand-chose ne distingue, si cen est l accs certains sacerdoces pour les patriciens. Unefamille noble se distingue des autres familles par le grandnombre d images des anctres qu elle fait dfiler lorsdes funrailles. En voici la mise en scne dcrite parPolybe:

    Aprs l enterrement t l clbration des rites, on placel image du dfunt l endroit le plus en vue de s maison,

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    dans une chsse de bois. Cette image est un masque duneextrme ressemblance, tant pour le model que pour lescouleurs. [...]Lorsqu un membre illustre de la famille vient disparatre,on fait entrer les images dans son convoi, portes par leshommes dont la taille et l allure gnrale paraissent le plusressemblantes. Ces figurants revtent en outre une toge borde de pourpre s ils reprsentent un consul ou un prteur,une toge pourpre si l sagit dun censeur, une toge broded or s il s agit d un homme qui avait obtenu le triomphe etaccompli quelque exploit comparable. Ils savancent majestueusement sur des chars ; ils sont prcds par les faisceaux, les haches, les autres insignes habituels des magistrats, selon l importance des honneurs que chacun avait eusde son vivant dans la cit ; une fois arrivs aux rostres 1, ilssasseyent tous la fi le sur des chaises d ivoire. Il n y a gurede plus beau spectacle contempler pour un jeune hommepris de gloire et de vertu : qui ne serait inspir en voyantles images des hommes dont la valeur est glorieuse, toutesrunies, pour ainsi dire vivantes et animes ? Quel plus beauspectacle que celui-l pourrait-on montrer ?

    Polybe, istoires VI, 53-54:.tre noble est un atout majeur pour tre lu son tourau consulat. La noblesse ne se renouvelle que lentement etse ferme peu peu : au me sicle six fammes ont exercquatre-vingt-trois consulats ou dicta tures sur un total dedeux cents environ et on ne compte ensuite quune poignedhommes nouveaux tels Caton lAncien, Marius et Cicron. La comptition est cependant rude car tout dpendde l lection. Certaines familles disparaissent des fastesconsulaires 2, provisoirement ou sur plusieurs gnrations,dautres dominent la scne pendant un temps comme, parexemple les Fabii, les Claudii, les omelii, les JEmilii ou

    les Crecilii Metelli.

    l. La tribune du forum : son nom vient des perons (rostres) qui lornaient la suite de la victoire de Rome sur Antium.2. Liste des consuls, anne par anne. Les fastes sont le calendrierofficiel romain.30

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    La campagne lectoralePour ceux qui aspiren t faire une carrire de magistrat,si possible jusquau consulat, la citoyennet est un mtier temps plein. Il leur faut dabord faire dix ansde service militaire (deux ans seulement la fin de la Rpublique). Pour tre lu chaque magistrature, il faut faireune campagne lectorale. Chaque chef de famille a sonrseau de clients 1 qui elle doit soutien et protectioncomme patron en change de leur fidlit. Le soutiend autres snateurs, des chevaliers et des autres citoyensriches, qualifis d amis et dont le poids est dterminantdans les comices centuriates, est indispensable. La maisondun snateur, sa domus doit tre ouverte: chaque matin,le matre reoit dans son atrium ses clients et amis quiviennent lui faire leur salutatio Lui-mme rend visite quelqu un de plus influent. Ap rs cela, l descend au forum,accompagn par le maximum d amis et d obligs. n lui fautrendre des services, crire des billets de recommandationou de remerciemen t recevoir le soir pour des banquets,siger rgulirement a u snat et surtout participer aux procs comme juge, tmoin, accusateur ou avocat.La priode de l histoire romaine de 367 jusqu la victoiresur Carthage a t idalise par les Romains qui ont connule temps des troubles civils du Ier sicle. Le rgime rpublicain est alors aristocratique (gouvernement des meilleurs)parce qu il accorde une place prdominante llite de lasocit (nobles, snateurs, chevaliers), mme s il a tendance devenir oligarchique (gouvernement par un petit nombre)lorsque la noblesse se ferme. La grande affaire des Romainsest alors la guerre, qui est aussi principal sujet politique.L ambition de tout aristocrate est d tre lu consul, demener une guerre victorieuse et de mriter un triomphe.Les victoires apparaissent tout de mme comme le fruitdune entreprise collective, commune tous les citoyens1. La plupart des clients sont les affranchis d un matre, mais ce sontaussi tous les gens qui l a rendu un service, par exemple commeavocat qui se dit aussi patron . Certains grands personnages ont desrois ou des peuples entiers dans leur clientle.2. Pice ciel ouvert qui sert la rception des visiteurs.

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    O:

    SAEI TA(Enclos IIO. Jr lflcomi

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    romains. Malgr les ingalits sociales, les nobles et lessnateurs en gnral sont tenus un certain type de com-portement : austrit des murs, frugalit, modestie dutrain de vie et respect l gard des simples citoyens, quisont soldats et lecteurs. Jusqu la fin du mc sicle, lagrande majorit des citoyens romains est encore formede paysans propritaires exploitant leurs terres. La fortunedes snateurs est sans doute bien suprieure, mais l cartn est pas encore considrable. Rome connat alors un cer-tain consensus et une relative homognit sociale.4 es Romains et leurs dieux

    Rome, comme dans toute cit antique, religion, pou-voir et politique sont indissociables. Comme on l a vu, toutacte public ncessite un acte religieux. La religion yconcerne donc la collectivit tout entire. Le culte a pourobjectif de s assurer de la bienveillance des dieux, de fairergner la pax deorum, la paix entre les dieux et la cit, etd assurer la victoire. Les nombreux rites sont sous la res-ponsabilit des magistrats et des prtres de Rome. Cesderniers sont regroups en collges ou en compagnies(appeles sodalits . IJs sont recruts dabord par coop-tation, puis par l lection par les comices tributes pour lesquatre grands collges, suivant une procdure complique.lls sont choisis parmi les citoyens les plus minents, sou-vent des snateurs, certains patriciens, d autres plbiensdepuis qu ils ont obtenu l accs aux sacerdoces. Les prtresromains sont des hommes comme les autres. Il n y a pasde caste entirement consacre au culte d un dieu : mmeles Vestales n exercent leur sacerdoce, qui les contraint la virginit, que pendant trente ans. n fait, tous lescitoyens romains sont en quelque sorte prtres, puisquechaque pre de famille est tenu d assurer les cultes fami-liaux. Les prtres des quatre collges majeurs sont essen-tiellement chargs d assister ou de conseiller les magistratsdans leurs actes religieux. Ceux des sodalits n ont pourrle que d excuter certains rites, souvent trs anciens, uneou deux fois dans l anne.33

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    Les principaux collges de prtres romainsCollges Composition Rle(s)Le collge - Neuf pontifes en 300 - Conseiller les magistrats,

    des pontifes (puis quinze depuis 8 et le snat et les autres prtresdix-neuf sous l Empire), sur les rgles des rites dont le grand pontife qui accomplir.prside le collge ; - tablir le calendrierreligieux.- le rex sacrorum (roi des - Surveiller les temples etrites sacrs) et son pouse, autres lieux sacrs (autels,la regina sacrorum; bois sacrs, ncropolesetc.).- trois flamines majeurs, - Excutercertains ritesde Jupiter, Mars et ou tre prsent certainesQuirinus et leurs pouses, crmonies.les flaminiques ;- douze flamines mineurs ;- six Vestales, prsides - S occuper de J entretienpar la grande Vestale. du foyer public de Vesta.Le collge Neuf augures en 300 (puis - Assister les magistratsdes augures quinze depuis 8 J et pour la prise des auspices.

    dix-neuf sous lEmpire). - Excuter les ritesncessaires pour inaugurerun templum (=un espacesacr orient selon lesquatre directionscardinales).Le collge Dix puis quinze prtres - Garder et consulter, surdes Dix, puis (depuis 8 ). ordre du snat, les LivresQuinze sibyllins (recueil d oraclescharg des d une prophtesserites d Apollon appele ladecemviri Sibylle).puisquindecem- -S occuper en gnral desviri sacris cultes d origine trangre.faciundis)Le collge Trois puis sept prtres Organiser les banquetsdes Trois (collge cr en 196). sacrs et les jeux publics.puis Septcharg desbanquetsseptemviriepulonum34

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    Les saliens Vingt-quatre prtres, en Excuter les danses guer-deux compagnies : les rires ouvrant ct fermantdouze saliens du Palatin la sajson de la gue1-re ( 9et les douze s liens du mars et 9 octobre), enQuirinal. l'honneur de Mars. Les

    saliens portent des lanceset des boucHers sacrs deMars dont l'un est tombmiraculeusement du ciel.Les fti ux Peut-tre vingt et agissant Annoncer les dcisionsp r deux. diplomatiques du snat etexcuter les rites ncessai-res la dclaration de

    guerre (pour qu'elle soit juste , ) et la conclu-sion des tras.Les luper- Peut-tre vingt-quatre en Excuter les rites desques deux compagnies. Lupercales du 5 fvrier:sacrifice d'un bouc et d'unchien ; course utour duPalatin vtus d'un pagne

    en peau de bouc ; ils frap-pent de leur fouet hom-mes, femmes, btail, lesol, les maisons afin d'enliminer les souillures.Les frres Douze. Excuter les rites en l'hon-arvales neur de Dea Dia u mois

    de m iLes dieux des Romains sont innombrables : dieux clestes, dieux infernaux, dieux lis aux activits humaines, auxlieux les Pnates pour la maison, les Lares pour le foyerdomestique, les carrefours ou le terroir ..), divinits propres chaque personne vivante (le Gnie de chacun) ou

    morte (les dieux Mnes). Pour qu'un dieu soit romain etbnficie d'un culte public, i l faut qu'il soit reconnu officiellement. Les Romains lui consacrent alors toujours unlieu avec u moins un autel, parfois une demeure iedes,que nous traduisons p r temple . Ce lieu devient sacer,consacr, c'est--dire sa proprit inalinable. Les magistrats qui partent en guerre font souvent le vu d'riger un35

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    temple une divinit s ils obtiennent la victoire : de nom-breux temples sont ainsi levs Rome, surtout partirdes guerres puniques. Enfin, le snat peut dcider d instal-ler un nouveau dieu Rome comme Esculape venu deGrce, la suite dune pidmie, ou Cyble venue d Asieen 204.e sacrificelever un temple ou un autel ne suffit pas. Il faut aussiconsacrer au dieu au moins un jour de fte dans l annepour clbrer son culte. Le rite essentiel est le sacrifice. Ilprend gnralement la forme d une offrande d une ou deplusieurs victimes animales, mles pour les dieux mascu-lins, femelles pour les dieux fminins, blanches pour lesdieux clestes, sombres pour les dieux d en bas. Ce sacrifices accompagne doffrandes de vin et d encens, de prires etde formules prcises prononcer. La victime est partageentre le dieu qui reoit les entrailles brles sur lautel etles hommes qui consomment la viande, sauf pour les dieuxinfernaux et les dieux Mnes. En ce cas, la victime est

    entirement brOle pour le dieu : c est l holocauste.es jeux romainsParfois, le culte prend la forme de grandes ftes (les ludi :les jeux . Les jeux sont des rjouissances collectives par-tages par les dieux et les citoyens: ils comprennent desspectacles, des sacrifices ett une procession des statues desdieux (la pompa) qui assistent aux jeux dans leur loge. Lesspectacles les plus anciens sont les courses de chars auGrand Cirque (jeux du cirque, circenses). u ti sicle appa-raissent les jeux scniques, dans des thtres provisoiresjusqu la construction de celui de Pompe dans les annes50. Plus tard sont institues des chasses danimaux sauva-ges venationes). Les jeux de gladiateurs (les unera) appa-raissent au me sicle. Ils sont initialement privs et offerts

    au cours des funrailles des nobles, mais entrent ensuitedans le programme de certains jeux en l honneur des dieux.Les jeux les plus importants sont clbrs en l honneur deJupiter, d Apollon, de Cyble, de Crs et de Flore.36

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    apit romaineLa pit consiste veiller ce que les rites institussoient scrupuleusement accomplis et le calendrier religieux respect. Elle n est donc pas une affaire de croyancemais de pratique. Chacun est libre de penser ce qu il veutdes dieux, du moment qu il accomplit ses devoirs re ligieuxdans le cadre de ses fonctions publiques, ou tout simplement comme pre de famille. l l arrive parfois que les dieuxse manifestent d eux-mmes par des signes divers, bizarresou effrayants, que les Romains appellent des prodiges (coups de foudre, pluies de pierres, statues qui suent, naissances d animaux monstrueux, ou tout simplement dfaites ... . Sur ordre du snat, il faut alors interprter ce signe,savoir quel dieu, connu ou encore inconnu, est mcontentet pourquoi. Gnralement, la cause rside dans une faute,un oubli ou une ngligence commis dans un rite: il suffitalors de le recommencer. Parfo is, l est ncessaire d instituer un nouveau culte.Comme la religion a une incidence directe sur la vie publique, les Romains ont tendance l utiliser contre leurs adversaires politiques. l l suffit, en effet, qu un augure observe unsigne dfavorable pour qu une runion des comices soitannule ou bien que des rites n aient pas t accomplisselon les rgles pour qu une lection soit invalide.Les Romains se sont aussi trouvs confronts d autresdieux, d autres types de relation la divinit comme lescultes initiatiques, dits cultes mystres, de myste quisignifie initi. En 186, le snat ordonne de punir svrement les adeptes du culte initiatique de Bacchus (Dionysos). Ses adeptes bouleversent en effet les normes de lacit et de la socit, en runissant indistinctement citoyens,trangers, esclaves, hommes mrs, jeunes gens et femmesau cours de crmonies nocturnes et secrtes o rgnaient,

    ~ s a i t - o n l ivresse et les excs sexuels en tout genre. lafin de la Rpublique, un grand nombre de cultes paraissentngligs, voire oublis. Certains sacerdoces restent mmenon pourvus, comme celui de flamine de Jupiter. Ces phnomnes ont fait penser une crise de la religion romaine.r fait, l faudrait plutt penser une coexistence de dif-rents modes religieux, panni lesquels le ritualismeromain reste vivant jusqu une priode trs tardive.

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    Principaux dieux des Romains sous la RpubliqueDivinits quivalent Attributions, fonctions champs dactivi tromaines grec et protections oarticuliresApollon Apollon Gurison, prophties, mise en ordre,

    victoire.Bellone Guerre, relations avec l tranger.Castoret Castor et Guerre. Cavaliers. ArtistocratesPollux PolluxCrs Dmter Croissance des vgtaux (crales).Matrones (femmes maries).Diane Artmis Procration, forts, nature sauvage.Femmes.Esculape Asclpios Gurison. Mdecins et malades.Faunus Pan Marges des terres cultives.Flore Floraison.Grande Cyble Fertilit, matrise de la nature sauvage.Mre Rome et les Romains comme Trovens .Hercule Hrakls Succs dans les entreprises risques.Hommes entreprenan.ts, ngociants.Janus Commencements, passages.Junon Hra Accouchements. Rome et les Romains.Les femmes.Jupiter Zeus Souverainet. Rome et les Romains.CaoitolinLiber Dionysos Ge rmination. Passage des enfants l geadulte (prise de la toge virile).Mars Ars Guerre. L arme.Minerve Athna Techniques. Rome et les Romains, artisans.Neptune Posidon Mer et eaux sou tenaines, guetTes sur mer.Marins et marchands oui naviguent.Pal s Pan Sant des troupeaux. Bergers et bouviers.Fte le 2 avril, jour anniversaire de Rome.Quirinus Activits civiques. Le peuple romain(=ensemble des citoyens). Assimil Romulus.Saturne Cronos Son temple abrite le trsor public de Rome.Vnus Aphrodite Amour, victoire. Couples, Rome commemre d ne.Vesta Hestia Feu du foyer. Rome et les Romains.Vu lcain Hphastos Feu, forge. La colonie d Ostie, oort de Rome.

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    nanmoins les cantonner au nord de 11talie, devenue laGaule cisalpine. La muraille royale est renforce:Rome ne sera plus prise par une arme trangre avanthuit cents ans.Un premier tournant se dessine autour des annes 340-320. En 338, Rome bat une coalition de cits latines etdissout la ligue la tine. Certaines cits sont annexes Rome et prennent le nom de municipe Dau tres, malgrleur titre d alli, lui sont en fait soumises. Dfinitivementmatresse du Latium et de ses ctes, elle entreprend pourla premire fois des oprations dans la riche plaine deCampanie et s allie avec la cit grecque de Naples. C est lapriode dite des guerres samnites (343-290), du nomdes peuples des montagnes qui sont ses plus coriacesadversaires. Rome prend alors le contrle de lintrieur desterres. Tarente et les autres cits grecques du sud de lItaliese sentent menaces. En 280, elles appellent au secours leroi d pire, Pyrrhus, un mule d Alexandre le Grand. Pyr-rhus remporte bien deux victoires, mais au prix de trslourdes pertes, les fameuses victoires la Pyrrhus Malgr ses lphants de guerre, l est finalement vaincu parCurius Dentatus et prfre quitter l Italie. Tarente capituleenfin en 272. La dfaite de Pyrrhus a un norme retentissement dans le monde grec. En une soixantaine d annes,les Romains se sont rendus matres de l ensemble de l Italiepninsulaire qu ils contrlent fermement par un rseau decolonies et de grandes routes stratgiques, dont la pre-mire est la via Appia en 312 .2) e duel Rome-Carthage (272-201)

    Depuis 272, Rome est devenue une puissance l chellede la Mditerrane. Elle se heurte alors Carthage, quidomine la mer et les iles de Mditerrane occidentale. Lapremire guerre punique (264-241) a pour enjeu et thtre1. Collectivit locale intgre l ager romanus majs qui conserve sesinstitutions propres, toul en ayant reu la citoyennet romaine, ,complte ou non.40

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    Mer Tyrrhnienne

    Carte de lItalie.

    Territoire romaina a fin du Ill sicleD Territoire des allisitaliens socii)

    CitsD gre

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    d opration la Sicile. Rome doit combattre sur mer et,contre toute attente, elle russit vaincre les Carthaginoisau cours de plusieurs batailles navales. Carthage est force conclure la paix en 241. Elle cde Rome la Sicile quidevient la premire province 1 romaine outre-mer. LesRomains n ont cependant pas russi abattre la puissancede Carthage: une tentative d expdition en Afrique a mmetourn au dsastre au cours de la guerre.La famille carthaginoise des Barcides, dont le chef estHamilcar, le pre dHannibal, entreprend aprs 241 d difier un vritable empire en Afrique et en Espagne. Romes en inquite et la guerre reprend en 218. Cette fois-ci, lechef carthaginois Hannibal dcide de mener son arme enItalie. Les Romains subissent deux dfaites crasantes, aulac Trasimne (21 juin 217) puis Cannes (2 aot 216).Rome parat perdue. Pourtant, Hannibal ne cherche pas la prendre et ne parvient pas dtacher des Romains leursprincipaux allis sauf au sud de l Italie. Il faut cependant encore quatorze ans de guerre pour que Rome enfinisse.

    Aprs une priode de stratgie prudente, qui consiste viter une bataille range avec Hannibal, les Romainsreprennent le contrle de la Sicile en 211-21 O Syracuse,malgr le gnie d Archimde qui aurait invent des machines de guerre redoutables, est prise et pille par MarcusClaudius Marcellus. Aprs avoir port les oprations enEspagne, les Romains dbarquent enfin en Afrique, sousla conduite de Publius Cornelius Scipion qui, vainqueurdHannibal lui-mme Zama (202), gagne son glorieuxsurnom d Africain , le premier surnom de type triomphal dans l histoire de Rome. En 201, la paix est conclue :Carthage est prive de l essentiel de ses territoires en Afrique au profit du roi des Numides, perd l Espagne et n estplus qu une puissance mineure.

    1 Une province est l aire de comptence d un magistrat romain; le motfinit par dsigner un territoire administT par un gouverneur romain.42

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    3) La n iss nce d un empire 201-50)La dfaite de Carthage ouvre une nouvelle phase(201-133). Au cours de la guerre contre Hannibal, Rome

    avait non seulement subi des dfaites, mais son existencemme avait t menace. Le snat cherche ds01mais empcher tout dveloppement d un ensemble puissant enMditerrane. cela s ajoutent l ambition des aristocratesromains et l intrt de tous pour les profits de la guerre.De leur ct, les Grecs font appel Rome pour intervenirdans leurs propres conflits. Cette conjonction de facteursexternes et internes conduit Rome mener une politiquebelliciste quasi permanente, que l on a parfois qualifid imprialiste. Scipion l Africain qui, avec sa famille,domine la vie politique romaine, est le reprsentant decette tendance. Peu de Romains s y opposent, exceptCaton l Ancien. En 200, Rome dclare la guerre au roiPhilippe V de Macdoine, puis en 192 au roi sleucideAntiochos III le Grand. Rome se pose en libratrice descits grecques, la principale justification de ses guerres.En 188, le trait d Apame fait de Rome l arbitre de toutl Orient : elle favorise ses allis, le roi attalide de Pergameet la cit de Rhodes, intervient dans les conflits qui opposent les rois sleucides de Syrie et lagides d gypte. Quandle nouveau roi de Macdoine, Perse, entreprend unegrande politique d alliances en Grce et en Asie, Rome s yoppose et l est vaincu Pydna en 168 par Paul mile(Lucius JEmilius Paullus). La monarchie macdonienne estabolie. Aprs une troisime guerre, la Macdoine est finalement transforme en province en 147 et les cits de Grcesont, de fait, assujetties.Rome passe progressivement dune domination indirecte la conqute de territoires. Le nombre de provincesse multiplie. Elle parvient, au prix de guerres longues etpnibles, conqurir l Espagne, avec la prise et la destruction de Numance en 133. Elle dtruit Carthage en 146 etcre la province d Afrique. En 133, le roi Attale III de Pergame meurt et lgue son royaume Rome qui acceptel hritage et en fait la province dAsie. La Gaule du Sud estgalement conquise la fin du sicle. En l espace de deux

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    gnrations, un nouvel empire est n. Les gnraux romainsont remport une foule de victoires qui leur valent souventle triomphe, dcrt par le snat.

    Frise du temple d Apollon, Sosianus vers 30 av J.-C.,palais des conservateurs.L un des plus splendides a t celui de Paul mHe en167:

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    La pompe triomphale fut rpartie sur trois journes. Lapremire suff it peine voir dfiler les statues, les tableaux,les colosses pris l ennemi, que transportaient deux centcinquante chars. Le lendemain, on vit passer sur un grandnombre de chariots les plus belles et les plus riches armesdes Macdoniens, tout tincelantes d airain et de fer frai-chement fourbi. [ ... ] Derrire les cha riots pleins d armesvenaient trois mille hommes qui portaient de l argent mon-nay dans sept cent cinquante vases du poids de troistalents, ont chacun tait tenu par quatre d entre eux. D au-tres portaient des cratres d argent, des vases en forme ecornes, des coupes et des gobelets, tous disposs artiste-ment pour la vue et admirables par leurs grandes dimen-sions et l paisseur de leurs ciselures.Le troisime jour, ds l aurore, des trompettes ouvrirentla marche, faisant entendre pour rythmer le pas non pas unair de procession ni de parade, mais un de ceux par lesquelsles Romains s excitent au combat. Derrire eux s avanaientcent vingt bufs engraisss, aux cornes dores, pars ebandeaux et de guirlandes. eux qui les conduisaient taientdes jeunes gens, ceints pour le sacrifice de tabliers orns

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    d une frange brode; ils taient suivis d enfants qui portaient pour les libations des vases d argent et d or. Venaientensuite ceux qui portaient l or monnay, distribu, commel argent, dans des vases du poids de trois talents, dont lenombre se montait soixante-dix-sept. [ ... ]C tait ensuite le char de Perse ses armes et, pos surses armes, son diadme. [...] Derrire ses enfants et les gensqui taient leur service venait Perse lui-mme, vtu d unmanteau sombre et chauss la mode de son pays [ ... ]. Iltait suivi du chur de ses amis et de ses familiers, visiblement accabls de douleur [ ...]. Immdiatement aprs cegroupe, on portait quatre cents couronnes d or que les cits(de Grce] avaient envoyes avec des ambassades Paulmile. Enfin lui-mme s avanait mont sur un char magnifiquement dcor, et lhomme, mme en dehors de tout cetapparat, mritait d attirer les regards, vtu dune robe depourpre brode d or et tenant dans sa main droite une branche de laurier. Toute l arme portait aussi des lauriers; ellesuivait le char du gnral, range par compagnies et bataillons, en chantant tour tour des airs nationaux mls detraits satiriques, des pans de victoire et des couplets clbrant les exploits de Paul mile.

    Plutarque, Vies parallles Paul mile 32-34La dernire priode (133-50) voit les conqutes romainess tendre jusqu aux limites du monde connu. Elles se fontsous la conduite de gnraux qui ambitionnent dsormaisun pouvoir personnel : Pompe soumet tout l Orient dansles annes 60 et Csar les Gaules dans les annes 50. Seulsles Parthes russissent vaincre les Romains.Rome a donc vaincu presque tous ses ennemis et aconstitu un immense empire. Ce succs de Rome humilieles Grecs mais les fascine aussi. L historien grec Polybe,venu en otage Rome avec Paul mile, justifie ainsi lardaction de son histoire au milieu u nesicle :

    Se pourrait-il en effet qu on soit assez born, assez indiffrent pour refuser de s intresser la question de savoircomment et grce quel gouvernement l tat romain a pu,chose sans prcdent, tendre sa domination presquetoute la terre habite et cela en moins de cinquante-trois

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    ) \

    O tanl ntique

    500km

    Les onqu tes de Rome.

    -Rome et ses possessionsen 2 1 avantJ.

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    ans ? 1 [ Les Romains, eux, ont forc non pas quelquescontres mais presque tous les peuples de la terre leurobir, si bien qu il n est personne aujourd hui qui puisse leurrsister et que, dans l avenir, nul ne peut esprer les surpasser.

    Polybe Histoire, 1 1, 5-2, 7Les interrogations de Polybe sont encore les ntres : quoi attribuer ce prodigieux succs ?

    4) L arme romaineUne premire rponse, apparemment vidente, serait laqualit de l arme romaine. u VIe sicle, l arme romaineest recrute parmi les citoyens riches, capables de payerleur quipement. Il n y a alors qu une seule lgion, uneunit lourde comparable la phalange grecque ou mac

    donienne. Elle comporte peut-tre 6 000 hommes, rpartisen soixante centuries, arms de boucliers ronds de bronzeet de lances longues d arrt (l hasta). Les citoyens les pluspauvres fournissent l infanterie lgre et les plus riches lacavalerie. Cette phalange est ddouble en deux lgions auv sicle. la fin du rif sicle, l arme romaine se transforme. Elleest alors constitue de quatre lgions plus lgres (deux parconsul). C est donc une arme plus nombreuse et recruteparmi des citoyens moins aiss, laquelle s ajoutent lescontingents d allis. D aprs Polybe, la lgion du ue siclea un effectif de 4 200 fantassins: 3 000 soldats arms lourdement, 1 200 vlites arms la lgre et 300 cavaliers. Lalgion change aussi d organisation. Elle est subdivise ensoixante manipules. Chaque manipule comprend deuxcenturies de soixante hommes chacune et devient l unittactique fondamentale, avec son enseigne qui est linstrument de liaison et de commandement. L intrt de cettenouvelle organisation tactique de la lgion dite manipul C est--dire de 220 167.

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    laire est sa grande souplesse par rapport la pha lange.Sur le terrain, les troupes forment trois lignes : chaquemanipule est spar de son voisin par un intervalle per-mettant des assauts et des retraites alterns de chaqueligne. Pendant la deuxime guerre punique, une nouvelleunit apparat, la cohorte, compose de trois manipules(six centuries). Cette un plus importante est capabled excuter des oprations autonomes. Larmement dulgionnaire volue aussi. Il est constitu d un bouclier longrectangulaire ou ovale (le scutum , d une lance de jet (lepilum et d une pe courte (le gladius . La longue lancerusparat. L armement dfensif continue d tre diffrentselon les classes censitaires: cottes de mailles pour les plusriches, plaques pectorales pour les plus pauvres.Les Romajns ont montr leur capacit voluer et adapter tactique et armement face aux diffrents adversai-res qu ils ont eu combattre. Ils sont passs matres dansl art du sige. Leur capacit fabriquer une artillerie desige, lever des fortifications autour dune ville assigeet rufier rapidement un camp fortifi pour leurs lgionsfait ladmiration des Anciens. Pourtant, expliquer la sup-riorit des Romains sur les ennemis par la qualit de leurarmement et lexce llence de leur tactique s avre insuffi-san t. En effet, il n y a pas dcart technologique danslAntiqwt entre les adversaires. Du reste, les Romains eux-mmes passent pour avoir emprunt leurs adversairestelle arme ou telle organisation. Inversement, Hannibal aquip son arme la romaine.5 a force e mobilisation romaine

    En fait, la supriorit militaire est dabord une questionde ressources, humaines et matrielles. Or Rome a tou-jours pu aligner un nombre important de soldats dans sesguerres. Cette capacit s explique par deux phnomnes:l augmentation du nombre de citoyens romains et l int-gration des vaincus dans l arme romaine. Pendant lesdeux sicles o elle n est qu une puissance rgionale, Rome8

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    maries. Quatre de mes fils ont pris la toge virile, les deuxautres portent encore la toge prtexte. J ai commenc monservice militaire sous le consulat de Publius Sulpicius Galbaet Gaius Aurelius Cotta. J ai servi pendant deux ans commesimple soldat dans l arme qui fit la guerre contre Philippeen Macdoine ; en rcompense de ma bravoure, Titus Quinctius Flamininus me donna, l anne suivante, le commandement du 1o manipule des hastats 1 Aprs la dfaite dePhilippe et des Macdoniens, nous avons t rapatris etlibrs du service. Je me suis aussitt port volontaire pourpartir en Espagne sous les ordres du consul Marcus PorciusCaton. [...]I l m a promu premier centurion hastat de la premire centurie. Ma troisime campagne, je l ai faite nouveau comme volontaire dans la guerre contre les toliens etle roi Antiochus. Manius Acilius m a lev au grade de premier centurion de la premire centuries des principes Aprsl expulsion du roi Antiochus et la capitulation des toliens,nous avons t rapatris. J ai par la suite encore servi deuxans comme lgionnaire. Je me suis battu deux ans en Espagne, la premire fois sous les ordres de Quintus Fulvius Flaceus la seconde fois sous Tiberius Sempronius Gracchus.Flaccus m a ramen Rome avec ceux qui devaient figurer son triomphe, pour rcompenser ma bravoure. Je suisreparti en Espagne la demande de Tiberius SemproniusGracchus : en quelques annes j ai t quatre fois centurionprimipile et j ai t rcompens trente-quatre fois pour mabravoure; j ai reu six fois la couronne civique. En tout j aiservi vingt-deux ans dans l arme et j ai plus de cinquanteans.

    Tite-Live Histoire romaine XLII 34Les Romains valorisent un point extrme le courageviril (la virtus et la discipline. Tout Romain devait connatre l histoire terrible du consul Titus Manlius Torquatus

    qui, en 340, aurait fait excuter pour indiscipline son propre fils, pourtant vainqueur en combat singulier. Peine demort pour dsertion ou fuite devant l ennemi), bastonnade, coups de verges ou amendes punissent les fautes dessoldats. Inversement, les soldats obtiennent des rcompen-1 Premier grade du centurionat. Le plus haut est celui de primipile

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    ses honorifiques. Les simples soldats peuvent recevoir desplaques appeles phalres , des colliers et des bracelets ;les officiers sont honors de couronnes diverses, selon l ex-ploit rcompens. Cette culture virile et militaire se constateaussi dans l acharnement des Romains ne jamais recon-natre une dfaite et combattre jusqu la victoire : untrait avec l ennemi ne se conoit que s il est vaincu. Laris-tocratie romaine en est aussi imprgne. Lducation desjeunes aristocrates comprend une intense prparation phy-sique et technique. Pour faire une carrire politique l fautdix annes de service militaire et avoir fait preuve de courageet d aptitude au commandement. La gloire d un homme etd une famille rside dans les commandements militaires etles victoires: un homme illustre vir illustris) est un hommede guerre et si possible un triomphateur vir triumphalis).Cette gloire militaire est rappele lors des funrailles, faitl objet d inscriptions sur les temples votifs difis par lesgnraux vainqueurs ou est commmore par les monu-ments honorifiques qui se multiplient Rome depuis le~ s i l e sous la forme d abord de statues, de colonnes puisdarcs de triomphe.La guerre est, enfin, une grande source de profits, sousla forme du butin et des prisonniers rduits en esclavage.Depuis les annes 210, des tonnes d or et d argent, desmilliers d objets prcieux et d uvres d art sont emports Rome, frui ts du pillage en Sicile, en Grce, en Macdoineet en Asie. Les revenus tirs de la guerre et des impts surles vaincus sont tels que les citoyens sont exempts dutributum, l impt foncier, partir de 167. Ainsi l ampleur des effectifs mobilisables, le consensusautour des vertus militaires, les intrts conjugus de laris-tocratie et des simples citoyens font de Rome une machinede guerre redoutablement efficace, plus encore que les qua-lits, certes indniables, de l organisation de son arme, deson armement ou du gnie ventuel de ses chefs.

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    ni d'en acheter. En outre, voyant qu Rome les incendiesd'immeubles et les croulements causs par le poids et lenombre des tages tait un flau endmique, il acquit desesclaves architectes et maons. Lorsqu'il en eut plus de 500,il se mit acheter les btiments incendis et les maisonsvoisines que les propritaires, par crainte d'un sinistre possible, lui cdaient bas prix, de telle sorte que la plus grandepartie de Rome passa en sa possession. [ ...] l possdait untrs grand nombre de mines d'argent, des terres d'unimmense rapport et des cultivateurs sur ces domaines;cependant l 'on peut dire que ce n'tait rien en comparaisonde la valeur de ses esclaves tant il en avait et de toutesespces : lecteurs, secrtaires, argentiers, rgisseurs, matresd'htel. Il prsidait en personne leur formation et les instruisait avec un soin attentif, convaincu que le premierdevoir du matre est de veiller sur ses esclaves comme surdes instruments vivants de l'conomie domestique.

    Plutarque Vies parallles Crassus 2 3 7

    2) Mutations sociales et lturellesL enrichissement s accompagne d un raffinement de lavie quotidienne qui atteint un degr extrme chez les aris-tocrates, aussi bien dans l agencement des demeures urbai-nes domus), des jardins dans la priphrie de Rome desvillas de plaisance la campagne ou au bord de la mer que

    dans l art de la table ou le mobilier. Cette clbre anecdoteconcernant Lucullus (mort en 57) en est une illustration :Une fois qu il dnait seul on ne lui avait apprt qu'ununique service et un modeste repas. Il se fcha et fit appelerle serviteur prpos cet office. Celui-ci lui dit qu'il n'avaitpas cru, puisqu'il n'y avait pas d'invits, qu'il ft besoin de

    mets somptueux. Que dis-tu ? s'cria Lucullus, ne savais-tupas qu'aujourd'hui Lucullus dne chez Lucullus? Plutarque Vies parallles Lucullus 40 3

    Les murs changent. L amour devient un art chant parles potes du rer sicle, sur le mode sentimental (les Buco-liques de Virgile), moqueur (les Satires d Horace), polisson55

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    (L Art daimer d'Ovide) ou rotique pour ne pas dire pornographique (certains pomes de Catulle). Tout en restantcondamn ou moqu, l'adultre est courant chez les hom-mes et les femmes gagnent une libert jamais vue aupara-vant. La prostitution, tant fminine que masculine, s' end.Il est de bon ton, ou presque, d'avoir un mignon, un jeuneesclave d'origine grecque et les murs dites grecql .les se rpandent dans l'aristocratie romaine. Ces volutionssont en effet attribues par les conservateurs l'influencedes Grecs, en particulier d'Asie. Caton l'Ancien, censeur en184, s'indigne du luxe import d'Asie et de la dcadencedes murs qui en dcoule selon lui. Le vieil idal de l austrit des murs est bien loin, s il a jamais exist. Toutefois, le luxe, le raffinement, les murs libres qui caractrisent un Sylla, un Lucullus ou un Csar ne les empchentpas d'tre de grands gnraux et des meneurs d'hommes.En effet, les Romains font une nette sparation entre lenegotium, c'est--dire le temps de la guerre ou de la politique qui exige retenue, duret et srieux et l otium, letemps du repos qui, dans le cadre priv, autorise relchement, lgret et frivolit, du moment que les plaisirs nedteignent pas sur le comportement public.L'influence culturelle grecque est en fait trs ancienne Rome. Elle s est d abord rpandue par l'intermdiaire destrusques, puis des cits d'Italie du u , enfin elle estvenue directement de Grce ou d'Asie. Lorsque la littrature latine nat au mesicle, elle apparat trs dpendantede l'hellnisme. Livius Andronicus, un jeune Grec cultivvendu comme esclave Rome aprs la prise de sa cit en272 traduit l Odysse et des tragdies pour le publicromain. Ensuite, des auteurs latins adaptent des tragdiesou des comdies grecques, tels Nrevius, Ennius, Plaute etTrence. partir du me sicle, les aristocrates romainsparlent le grec et au rer sicle bon nombre d'entre euxsjournent Athnes pour leurs tudes. En 167, Paul mileramne Rome la bibliothque grecque du roi Perse, laseule chose, dit-on, qu'il ait garde pour lui au titre dubutin.La littrature latine arrive maturit au rer sicle avJ.-C.: c est le temps de Lucrce pour la philosophie, de56

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    catulle, Virgile ou Ovide pour la posie, de Salluste et TiteLive pour l'histoire, de Cicron pour lart oratoire. Ce dernier, n en 106 et mort en 43 , est aussi pour les Romains}'un des plus grands crivains de son temps: outre sesdiscours, ils ont conserv nombre de ses traits (De lora-teur, Des lois, De La Rpublique, les Tusculanes, Des devoirs)qui adaptent la philosophie grecque la pense latine. Lesaristocrates sont fiers d tre reconnus pour leurs talentsoratoires et littraires, comme Caton l'Ancien, Jules Csaravec ses ommentaires sur la guerre des Gaules ou Trentius Varron avec son savant trait sur la langue latine. Cettefloraison littraire se poursuit jusqu au dbut du nesicleapr. J.-C . avec les potes Lucain, Martial et Juvnal, lephilosophe Snque ou les historiens Tacite et Sutone.3) Lamorce d une crise sociale et politique

    Tous ces changements s accompagnent de mutationssociales et politiques qui annoncent une crise interne laRpublique. La vie politique se concentre davantageencore entre les mains des riches et de la noblesse qui sefe rme presque compltement. Les liens entre citoyennet,vie politique et service militaire se distendent cause del'accroissement du nombre de citoyens et leur dispersiondans toute 11talie. La classe moyenne des petits propritaires, par excellence citoyens-soldats, semble avoir eu tendance se rduire. a cause en serait leurs longuesabsences lors des guerres, entranant endettemen t ventede leurs proprits et migration Rome. Le problme del terre et de la petite proprit est surtout li l'enjeu del'exploitation des terres confisques en Italie. Elles sont enPrincipe proprit collective de Rome - c'est l ager publi- us. En fait, cette terre est exploite par une minorit deriches Romains, qui , moyennant un loyer modique, en sontles principaux possesseurs et la fo nt cultiver par desSclaves. Les citoyens romains pauvres, mais aussi les Italiens, en sont de fait exclus. Le foss se creuse entre lesplus riches et les plus pauvres. tout cela s'ajoutent degl andes rvoltes d'esclaves en Sic ile puis en Italie. La plbe

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    adictature e Sylla la fin de l anne 82, Sylla se fait nommer dictateuravec des pouvoirs extraordinaires : il est officiellementcharg de faire les lois et de rformer la Rpublique. Ildouble le nombre des snateurs qui passe de 300 600.Les nouveaux snateurs sont videmment choisis parmises partisans. Il dicte des rgles strictes pour le cursushonorum, spare l exercice des magistratures Rome despromagistratures dans les provinces et affaiblit le pouvoirdu tribunat de la plbe. Il cre des tribunaux permanentspour les crimes publics. Il clbre un triomphe grandiosesur Mithridate en 81 et organise des jeux extraordinairespour clbrer sa victoire. Il donne des terres en Italie ses120 000 vtrans. Sylla se fa passer pour le protg deVnus et prend le surnom de Felix qui signifie heureuxc est--dire favori des dieux. Il entreprend de grands travaux au Capitole, dtruit par un incendie pendant la guerrecivile. Il agrandit le pomrium et fait ainsi figure de nouveau fondateur de la Ville. Jamais depuis le temps des roisun homme navait eu autant de pouvoir Rome. PourtantSylla abandonne la dictature la fin 8 et se contente duconsulat pour 80. Le 1 r janvier 79, l redevient simplecitoyen et se retire en Campanie. Pour les uns, c est unmonarque manqu qui na pas pu ou pas su conserver lepouvoir; pour les autres, c est un homme qui a voulu sincrement restaurer une Rpublique aristocratique. Syllameurt en 78 et des funrailles solennelles et publiques luisont faites mais, aussitt, les luttes politiques reprennentde plus belle, dtruisant rapidement son uvre de restauration.6) e temps de Pompe et e Csar 78-50)

    La trentaine d annes qui s coule de la mort de Sylla la dictature de Csar voit le blocage des institutions de laRpublique et la multiplication de troubles intrieurs,compliqus par des prils extrieurs. L Espagne, reste auxmains de marianistes regroups autour de Sertorius,devient une sorte d tat romano-ibre indpendant. En 74,6

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    la guerre reprend contre Mithridate du Pont en Asie, dontest charg Lucius Licinius Lucullus. Malgr ses succs, ilmcontente ses soldats pour avoir fait rgner une discipline sans complaisance, ainsi que les publicains d'Asiepour avoir voulu une administration plus juste. En 73, unegrande rvolte d'esclaves en Italie, sous la conduite du gladiateur Spartacus, tient tte aux Romains. Les pirates pullulent ce point en Mditerrane que l'inscurit estpermanente depuis des dcennies.[ gloire de ompe

    Pompe, un jeune homme de noblesse rcente, a t lundes lieutenants de Sylla dans la guerre civile de 83-82.peine g de 25 ans et sans avoir jamais t lu magistrat,l est charg d'liminer les marianistes en Sicile et en Afrique. russit trs bien et obtient mme le triomphe Pompe mne alors une carrire en dehors des cadres normauxmais toujours couronne de succs. termine ainsi laguerre contre Sertorius en 7 et crase les dernires bandesde Spartacus en 71. est enfin lu au consulat pour 70,avec le riche Marcus Licinius Crassus. Les deux hommesrestaurent la puissance du tribunat de la plbe, ce qui lesrend populaires et inquite la noblesse. En 67, une loiconfie Pompe un commandement extraordinaire surtoute la Mditerrane pour combattre les pirates. accomplit brillamment sa mission, ce qui lui vaut de recevoir

    en 66 le commandement contre Mithridate la place deLucullus. Ce n'est qu'une promenade militaire. Mithridate,dj trs affaibli, est limin en 65. Pompe parcourt toutl'Orient jusqu'au Caucase, une des limites du monde habit.Dsupprime le royaume sleucide et annexe la Syrie, prendJrusalem et assujettit la Jude, rorganise les provinces,tablit ou confirme partout des rois ou des princes commeallis et sujets de Rome. Ceux-ci deviennent galement sesclients. Pompe, surnomm Magnus le Grand, commeAlexandre, est donc l homme fort de la Rpublique.

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    L ascension de C arPendant ce temps, la vie politique Rome reste agite.En 63, Cicron, le clbre orateur, est consul. l djoue uneconjuration organise par un aristocrate ruin, le patricienCatilina. Le snat, par le vote d un snatus-consulte ultime,autorise Cicron le faire excuter. Lors de cette sance,un autre patricien, Caus Julius Cresar (Jules Csar) s op-pose l excution des complices de Catilina. Csar (n en100) cherche alors gagner les faveurs de la plbe. En 69,l a rhabilit la mmoire de Marius lors des funrailles desa tante Julia, pouse de Marius. dile en 65, l a organisdes jeux splendides. En 63, il est lu grand pontife et rside

    dsormais dans la domus publica prs du forum. Devenupopulaire mais sans beaucoup de poids au snat, il s allieavec Crassus et mne des intrigues tortueuses. Prteur en62, il est proprteur en Espagne l anne suivante et y montre ses qualits militaires. Il lui manque encore le consulatet un grand commandement provincial pour, ventuelle-ment, rivaliser avec la gloire de Pompe.e premier triumviratLorsque Pompe rentr.e dOrient en 62, aurol de sesvictoires, beaucoup pensent qu il pourrait tre un nouveauSylla, mais l reste dans la lgalit. Il congdie ses lgionset attend patiemment 61 pour clbrer son triomphe sur le monde entier. Il espre jouer . un rle par soninfluence politique, mais les conservateurs s opposent la

    ratification de ses actes et la distribution de terres sesvtrans. Csar offre alors son alliance Pompe. En 60,les deux hommes forment, avec Crassus, le premier1 triumvirat : c est une entente officieuse entre les trois1 hommes afin de se soutenir mutuellement et de se partagerles commandements. Elle est renforce par le mariageentre Pompe et Julia, fille et enfant unique de Csar. Lestrois hommes dominent dsormais la vie politique, malgrl opposition de la noblesse conservatrice, incarne parCaton le Jeune. Csar, consul en 59, fait ratifier les actesde Pompe en Orient. En 58, l reoit les Gaules cisalpineet transalpine comme proconsul. Il saisit la premire occa-sion pour intervenir en Gaule chevelue et la conqurir. Il

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    ntretient une intense propagande sa gloire Rome.~ o J e Pompe, l prtend avoir atteint les limites dumonde en franchissant le Rhin et mme l Ocan, aprs sesdeux dbarquements en Bretagne (en 55-54). La guerre desGaules est aussi pour lui le moyen d amasser une normefortune.En 56, laccord entre les trois hommes est renouvel.pompe et Crassus sont nouveau consuls en 55 et fontvoter une loi qui prolonge de cinq ans le commandementde Csar en Gaule. lissue de leur anne de consulat,Pompe reoit le proconsulat d Espagne et Crassus obtientcelui de Syrie dans la perspective d une campagne contreles Parthes. Crassus est vaincu et tu en 53 la bataille deCarrhre, laissant Pompe et Csar face face. Les deuximperatores bien quen principe am is et allis, rivalisentsur tous les plans Pompe fait construire sur le champ deMars un immense thtre, le premier Rome, qui comporte aussi un jardin et une curie pour les runions dusnat. Csar entreprend de construire une nouvelle basilique sur le forum et fait reconstruire sur le champ de Marsles sEpta O enclos abritant les runions des comices), soignant ainsi son image dmocratique. n projette laconstruction dun nouveau forum et dpense des dizainesde millions de sesterces pour acheter les terrains.Lll rup ture entre sar et PompeL agitation et la corruption Rome sont alors leurcomble. En janvier 52, Clodius, qui est extrmement populaire pour avoir fait voter en 58 une loi instituant des distributions gratuites de bl la plbe, est pratiquementmaitre de la rue. Il est assassin par Milon, un partisan del noblesse. La plbe se soulve et organise des funrailles Clodius en plein forum, faisant de la curie son hOcherfunraire. Les snateurs, qui craignent une vritable rvolution, se rsolvent confier Je pouvoir Pompe pourqu il rtablisse l ordre. Il est lu consul unique en mars 52.Ds le pensent moins dangereux que Csar, qui soutenaitClodius et qui est devenu plus populaire que Pompe. EnSt, Csar, dfinitivement vainqueur des Gaulois, rclame

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    la restauration de la Rpublique. Le 5 mars (les ides dears Csar tombe, frapp de trente-cinq coups de poignard, au pied de la statue de Pompe. Le snat proclameaussitt l amnistie gnrale, tout en ratifiant les actes deCsar, pour viter un retour la guerre civile. Cependant,ses funrailles sont l occasion d une meute populaire suscite par Antoine: la foule dresse son bcher funraire surle forum mme et lui voue ensuite un culte spontan. Unecomte apparue ce moment-l passe pour tre lme deCsar monte au ciel: l est donc devenu divus, le secondhomme de l histoire romaine avoir t divinis aprsRomulus.Csar laisse un souvenir contrast dans la mmoireromaine. Dun ct, l est considr comme celui qui a tle fossoyeur de la Rpublique et de la Libert. De l autre,sa personnalit fascinante, son gnie de stratge militaire,la largeur de ses vues, sa clmence lui valent une admiration quasi universelle, mme parmi ses adversaires. L idede la ncessit d un pouvoir de type monarchique a faitcependant son chemin. La noblesse romaine a t incapable de maintenir le bon fonctionnement des institutions etdempcher troubles populaires et guerres civiles. Dans lesannes 50, Cicron lui-mme songeait un prince, lepremier des citoyens, qui garantirait un ordre social quilibr, unissant snateurs, chevaliers et notables des municipes italiens. En tout cas, la solution ne pouvait venir dela noblesse en tant que groupe. Elle va rapidement sombrer, dcime par les dernires guerres civiles.8) e second triumvirat et le triomphe d Octave (44-30)

    la mort de Csar, ses meurtriers Brutus et Cassius nepeuvent rtablir le fonctionnement de la Rpublique. llss enfuient de Rome pour lever une arme. Rome, le nouvel homme fort estMarc Antoine, mais il doit tenir compted un tout jeune homme : Caius Octavius. Celui-ci, n en63, est le petit-neveu de Csar qui l a adopt dans son testarnd ent rdig en septembre 45. Le voil donc hritierune norme fortune et surtout des noms de Csar: l

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    vL Empire et les empereurs

    1) Auguste fondateur du princip t (29 av. J.-C.-14 apr.J.-C.

    Octave retourne Rome seulement en 29. ll y clbreun triomphe grandiose mais tche dsormais d effacer lesouvenir d un pouvoir n des guerres civiles et souill dusang des proscriptions. Il ferme le temple de Janus, signifiant ainsi que le temps de la paix, intrieure comme extrieure, est venu. Il abandonne ses pouvoirs triumviraux etse contente du consulat partir de 28. Sa propagandeinsiste sur l ide d un retour la concorde et d une restauration de la Res publica. En quelques annes, par touchessuccessives, l tablit les bases lgales de son pouvoir quisont celles d un nouveau rgime.es pouvoirs d AugusteEn janvier 27 av. J.-C., il opre un partage des provincesentre le snat et lui-mme : au snat sont attribues dixprovinces; les autres, celles qui comportent les armes,sont confies Octave. Il dtient dsormais un imperiumProconsulaire permanent, qu il n est pas oblig de renouveler chaque fois qu il franchit le pomrium. Prtendantavoir ainsi restaur la Rpublique, l reoit en rcompenseu snat le surnom d Augustus, qui signifie la fois gl and et sacr. Depuis 30, l porte officiellement lePrnom d Imperator, dont nous avons tir le mot empereur. Octave se nomme donc partir de 27 Imperator

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    donne son nom un mois de l anne Augustus =aot) quisuit celui de son pre, ulius =juillet). En 27 av. J .-C., lvote en son honneur un bouclier, destin orner la curie,qui mentionne les quatre vertus dAuguste : le courage viri lvirtus), la pit l gard des dieux