BERNARD, Ch-A., La Doctrine Mystique de Denys l'Aréopagite

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    GBPress Gregorian Biblical Press

    La doctrine mystique de Denys l'AropagiteAuthor(s): Charles Andr BernardSource: Gregorianum, Vol. 68, No. 3/4 (1987), pp. 523-566Published by: GBPress- Gregorian Biblical PressStable URL: http://www.jstor.org/stable/23578360

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    Gregorianum

    68,3-4

    (1987)

    523-566

    La doctrine

    mystique

    de

    Denys

    l'Aropagite

    Parmi les nombreux domaines dans

    lesquels Denys

    l'Aropagite

    a exerc une

    profonde

    influence,

    il faut certainement

    compier

    la

    thologie mystique. Discipline

    difficile et aux contours mal

    prciss,

    celle-ci

    doit

    sans

    doute son nom

    l'opuscule que

    nous a laiss cet au

    teur de culture

    grecque

    et dont l'identit n'est

    pas

    lucide.

    Apparte

    nant trs

    probablement

    au milieu culturel

    syrien

    de la

    fin

    du Ve si

    cle,

    il a

    propose,

    en un

    style

    inimitable,

    les

    grandes

    thories

    spculati

    ves

    dont,

    en

    particulier,

    a vcu le

    Moyen ge: qu'il s'agisse

    de

    la

    des

    cription

    de la structure

    ecclsiale,

    ou de la hirarchie

    cleste,

    ou en

    core du trait si comment des Noms

    divins,

    il a su

    transmettre une

    vision du monde1. En

    outre,

    et c'est ce

    que

    nous voudrions tudier

    ici,

    son

    opuscule

    La

    thologie mystique2,

    a

    lgu

    aux

    gnrations

    sui

    vantes les formules dcisives

    qui

    tous sont

    plus

    ou

    moins

    redeva

    bles.

    A

    son

    gnie spculatif

    n'a

    pas chapp

    le fait

    que, pour

    laborer

    un discours sur Dieu

    qui

    ne

    soit

    pas trop incomplet,

    il faut utiliser

    diffrentes

    approches:

    la

    thologie conceptuelle, reprsente

    surtout

    par

    Les noms

    divins,

    la

    thologie

    mystique

    et la

    thologie symboli

    que3.

    Sur ce dernier

    thme,

    nous

    possdons

    encore la

    longue

    Lettre

    IX et de

    multiples

    allusione dans les autres

    ceuvres;

    par

    contre,

    l'ou

    vrage revendiqu par Denys,

    La

    thologie symbolique,

    ne nous est

    pas

    parvenu.

    Pour tudier la

    thologie mystique

    de

    Denys,

    les auteurs se sont

    surtout

    placs

    au

    point

    de vue de l'influence

    culturelle

    qui

    se

    serait

    exerce sur lui: on

    pense

    alors la

    philosophie noplatonicienne

    et,

    1

    Cf. Ren

    Roques,

    L'Univers

    dionysien,

    Paris, Aubier, 1954,

    coli.

    Thologie;

    rdit

    Paris,

    d. du

    Cerf,

    1986.

    Du

    mme,

    l'art.

    Denys l'Aropagite,

    dans

    DSAM,

    3,244-286;

    et la suite de l'article sur l'influence de

    Denys

    dans la littrature

    spirituelle.

    2

    Le Pre

    Ceslao

    Pera,

    La

    Teologia

    del Silenzio

    di

    Dionigi

    il

    Mistico,

    dans Vita

    cristiana,

    XV

    (1943)

    267-276;

    361-370,

    estime

    que

    le

    titre

    Thologie mystique

    n'est

    pas

    originel.

    3

    Cf.

    Charles Andr

    Bernard,

    Les

    Formes de la

    thologie

    chez

    Denys

    l'Aro

    pagite,

    dans

    Gregorianum,

    59

    (1978),

    39-69.

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    524

    CHARLES

    ANDR

    BERNARD,

    S I.

    surtout

    pour

    le lui

    reprocher,

    on estime

    que Denys

    a laiss contami

    ner

    sa

    foi

    chrtienne

    par

    des doctrines

    mtaphysiques

    dont les

    pr

    supposs

    sont

    tout

    autres,

    pour

    ne

    pas

    dire

    antithtiques.

    A

    notre

    tour,

    nous

    essaierons de

    prciser l'importance

    et

    la forme de ce

    que

    nous

    pouvons

    appeler

    la

    pression

    culturelle

    subie

    par Denys. Qui

    peut

    vivre en se nourrissant d'une

    certaine culture

    sans en tre in

    fluenc? Mais

    nous

    nous

    demanderons

    aussi si l'influence

    joue

    tou

    jours

    dans le sens

    philosophie noplatonicienne-christianisme,

    ou si

    l'inverse ne se vrifie pas quelquefois.

    Un

    autre

    point

    de

    vue

    auquel

    se

    placent

    les

    thologiens

    de

    la

    mystique qui

    tudient

    Denys

    est

    celui des

    notions fondamentales

    qui

    commandent

    l'intelligence

    de sa doctrine.

    Etant

    acquis que

    l'acte

    mystique

    est l'extase et

    que

    la

    thologie

    mystique

    est avant tout

    apo

    phatique,

    on

    concentre toute

    l'tude de l'oeuvre

    dionysienne

    sur

    ces

    aspects

    essentiels. De ce

    point

    de vue

    encore on

    rejoint

    le

    problme

    de

    l'influence

    noplatonicienne

    et l'on

    extnue

    singulirement

    le

    ca

    ractre chrtien

    de la doctrine

    de

    Denys.

    Contre

    cette rduction du

    problme,

    nous

    le

    verrons,

    des

    voix rcentes se

    sont leves et nous

    suivrons en grande partie leurs arguments.

    Mais

    ce

    que

    nous

    voudrions

    davantage

    mettre

    en

    relief,

    c'est

    l'ensemble de la

    doctrine

    mystique

    de

    Denys.

    Une

    frquentation

    assi

    due

    de

    la

    littrature

    mystique permet

    en

    effet de

    distinguer plusieurs

    aspects

    dont l'tude est

    ncessaire celui

    qui

    veut se faire une ide

    plus

    complte

    de

    ce

    que peut

    tre une doctrine

    mystique

    voulant

    ren

    dre

    compte

    adequatement

    de

    exprience

    dsigne

    sous ce nom.

    C'est ainsi

    que

    nous

    essaierons d'abord de

    prciser

    l'environne

    ment

    doctrinal de

    cette

    exprience mystique

    tei

    que

    l'a

    labor

    Denys

    l'Aropagite: pour

    cela

    il

    faudra tenir

    compte

    de

    l'ensemble de

    son

    oeuvre et ne pas se restreindre aux quelques pages de la Thologie

    mystique.

    Il

    conviendra

    ensuite de dcrire

    la dmarche

    mystique

    corn

    ine

    telle;

    il

    apparaitra qu'on

    ne

    peut

    s'en tenir

    ce

    que

    l'on

    peut

    ap

    peler

    son

    essence,

    mais

    qu'on

    doit

    l'envisager

    selon

    toutes ses

    compo

    santes en

    la

    rinsrant dans

    l'ensemble de la

    dmarche de

    la

    vie

    chr

    tienne

    s'inspirant

    de l'Ecriture et

    vivant de

    la

    liturgie.

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    LA DOCTRINE

    MYSTIQUE

    DE

    DENYS L'AROPAGITE

    525

    I.

    Theologia Mystica

    Le sens du mot

    mystique

    Rien sans doute de

    plus

    difficile et controvers

    que

    le sens des

    mots

    mystique

    et

    thologie mystique

    ou,

    si l'on

    prfre,

    du

    mot

    mystique

    considr comme

    adjectif

    ou substantif fminin. Pour se

    rendre

    compte

    de

    l'ampleur

    du

    problme,

    il

    suffit de

    remarquer

    que,

    pour nous, la connotation de ces expressions renvoie une exprien

    ce

    psychologique particulire; pour

    les

    Anciens,

    une ralit

    ca

    che...

    Et

    pour Denys?

    Comme tous les

    Anciens,

    Denys part

    d'une

    perspective

    ontolo

    gique.

    S'il

    parie

    de

    thologie mystique,

    c'est

    qu'il

    existe

    une

    ralit

    cache

    qu'elle

    s'efforce d'atteindre. En son

    acception

    la

    plus

    ancienne

    et la

    plus

    commune,

    en

    effet,

    l'adjectif mystique signifie

    cach.

    Bouyer

    le note avec force:

    Dans

    la

    grcit profane,

    le mot

    n'a

    jamais

    eu

    que

    le sens

    gnral

    de cach. Jamais aucun sens

    propre

    ment

    religieux

    ne

    s'y

    attach. Jamais surtout

    on ne le voit

    employ

    pour dsigner et caractriser une exprience spirituelle4. Ce sens

    objectif,

    encore

    que prsent trop

    unilatralement,

    est

    donc

    premier.

    Qu'on

    l'ait

    employ

    avec

    prdilection

    dans

    le

    contexte des

    reli

    gione

    mystres,

    tous

    les

    chercheurs

    l'accordent;

    ainsi font-ils dri

    ver

    le

    mot

    mystique

    du verbe

    mye

    dont la racine

    signifie

    fer

    mer.

    Comme le note Giulia Sfameni

    Gasparro,

    nous nous trouvons

    ici devant un des rares cas o une

    tymologie

    ancienne recueille le

    consentement

    des

    linguistes

    modernes5.

    Suidas,

    en

    effet,

    dans

    son

    Lexique,

    s'accordait avec

    Aristophane pour

    dire

    que

    les

    mystres

    furent ainsi

    appels parce

    que

    ceux

    qui

    coutaient devaient fermer la

    bouche et n'expliquer personne ces choses. Myein, de fait, signifie

    'fermer

    la

    bouche'

    6.

    S'ensuit-il

    pour

    autant,

    comme l'affirme

    Bouyer, que

    ce

    qu'il y

    a de cach dans les

    mystres

    de

    l'hellnisme,

    ce sont les rites et

    rien

    que

    les

    rites.

    De

    doctrine

    'mystique',

    en

    quelque

    sens

    qu'on

    l'enten

    4

    Bouyer

    Louis,

    Histoire de la

    spiritualit

    chrtienne,

    Paris,

    Aubier, 1966, 1.1,

    p.

    485.

    5

    Sfameni Gasparro

    Giulia,

    Dai misteri

    alla

    mistica,

    dans

    Ancilli E.

    Paparozzi M.

    (en coli.)

    La

    Mistica, Rome,

    Citt

    nuova, 1984,1.1,

    75.

    6 Ibid.

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    5/45

    526 CHARLES

    ANDR

    BERNARD,

    S I.

    de,

    ils n'en

    comprenaient pas, pour

    cette bonne raison

    qu'ils

    ne

    com

    prenaient pas

    du tout de doctrine. Ce sont les

    philosophes,

    les

    potes,

    les littrateurs

    qui

    se sont

    complu

    trouver

    un

    sens

    profond

    aux

    mystres7? Accepter

    une

    interprtation

    aussi

    drastique

    serait vider

    de sens tous les

    symboles

    utiliss dans les rites

    mystriques.

    Il

    appa

    rati

    bien

    plus simple

    de reconnatre

    que

    la

    condition

    privilgie

    de

    l'initi aux

    mystres

    d'Eleusis se dfinit

    sous

    le

    doubl

    aspect

    d'une

    garantie

    pour

    la vie

    prsente

    et

    pour

    la vie

    future8;

    quelle que

    soit

    l'approximation des reprsentations de la vie future, la cration des

    rites

    mystriques procde

    de

    l'exigence

    de donner

    expression

    l'aspi

    ration au

    salut;

    le fait

    que

    le

    langage

    et les

    figurations

    symboliques

    puissent

    tre

    interprts

    diffrents niveaux n'est

    qu'une application

    de la foi

    fondamentale de la

    plurivalence

    des

    symboles.

    En

    fait,

    comme il

    apparat

    chez de nombreux

    Pres,

    en

    parti

    culier chez

    Origne,

    le mot

    mystique

    avait t utilis

    pour exprimer

    le sens

    profond

    des Ecritures. Celui-ci en effet ne

    pouvait

    se restrein

    dre la

    nue

    prsentation

    d'vnements

    historiques

    ou de

    prceptes

    moraux;

    il devait

    s'tendre au

    mystre

    du Christ et

    devenir le

    support

    de la vie spirituelle du fidle. Or, en son volution imprvisible, la vie

    de foi

    tente d'accder une

    adhsion

    toujours plus

    profonde

    au

    mys

    tre du

    salut

    et

    Dieu

    qui

    en est la

    source,

    l'agent

    et la fin.

    C'est

    dire

    qu'au

    sens littral et

    historique

    de l'Ecriture elle cherche

    superposer

    un sens

    mystique.

    Denys n'ignorait

    pas

    ces efforts

    exgtiques.

    En

    est tmoin son

    essai

    de

    thologie

    symbolique.

    Avec

    une

    grande

    diffrence

    cepen

    dant:

    alors

    que

    les

    anciens

    exgtes

    s'attachaient

    dvoiler le sens

    mystique

    des rcits

    et se

    rfraient facilement aux vnements

    eux-mmes,

    porteurs

    de

    sens,

    Denys

    veut

    rsoudre la difficult

    que

    comporte l'intelligence d'une Ecriture qui applique Dieu des noms

    aussi

    divers

    que

    lumire,

    toile du

    matin, feu, eau,

    ou

    encore

    onguent

    ou

    rocher,

    et mme

    tigre

    ou

    lopard:

    Je

    fus

    donc

    pour

    eux

    comme

    un

    lopard;

    comme un

    tigre

    j'piais

    sur le chemin

    (Os

    13,7).

    Alors

    que

    l'exgse

    moderne

    rejette rapidement

    ce

    type d'interprtation

    en

    dcrtant

    que

    l'Ecriture use

    d'expressions

    mtaphoriques

    sans

    vrita

    ble

    valeur,

    Denys,

    lui,

    se

    demande

    ce

    que

    le

    discours

    symbolique

    1

    Bouyer

    Louis,

    op.

    cit.,

    .

    485.

    8 Sfameni Gasparro

    Giulia,

    art.

    cit.,

    .

    82.

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  • 7/25/2019 BERNARD, Ch-A., La Doctrine Mystique de Denys l'Aropagite

    6/45

    LA

    DOCTRINE

    MYSTIQUE

    DE

    DENYS L'AROPAGITE 527

    peut

    nous rvler sur

    Dieu.

    Il ne veut

    pas

    luder le

    problme

    des

    dif

    frentes

    approches

    de Dieu9.

    L'objet

    de la

    thologie mystique

    Les

    remarques prcdentes

    nous

    autorisent

    poser

    la

    question

    de

    l'objet

    de

    la

    thologie

    mystique

    chez

    Denys,

    et notamment

    d'exa

    miner

    un

    pralable:

    pour

    Denys

    comme

    pour

    les autres

    mystiques,

    l'objet

    exclusif de

    la

    thologie

    n'est-il

    pas

    Dieu,

    tei

    qu'il

    est en soi?

    Pour

    beaucoup

    de chercheurs, il

    s'agit

    l d'une vidence. En est

    tmoin,

    par

    exemple,

    l'ordre

    suivi

    par

    Gandillac

    dans sa

    traduction

    des

    Oeuvres de

    Denys:

    en

    tte le trait

    des

    Noms

    divins,

    puis

    celui de

    la

    Thologie

    mystique;

    suivent

    ceux

    de

    la

    Hirarchie cleste

    et

    de

    la

    Hirarchie

    ecclsiastique.

    Rien de

    plus

    logique

    en

    effet,

    pour

    un

    phi

    losophe, que

    de

    partir

    de

    la connaissance

    de

    Dieu. Mais

    alors,

    pour

    quoi,

    comme

    le

    remarque

    Bouyer,

    la

    Patrologie

    Grecque,

    refltant

    la

    plus

    ancienne

    tradition,

    commence-t-elle

    par

    les traits

    sur

    les

    Hi

    rarchies?10

    Ceux-ci

    n'avaient-ils

    pas

    la

    priorit

    dans la

    pense

    de De

    nys,

    moins

    philosophe que contemplatif

    et

    liturge?

    De

    mme,

    pour

    ne

    pas

    multiplier

    les

    exemples, pourrait-on

    noter

    que

    Marchal dans

    ses

    Etudes

    sur la

    psychologie

    des

    mystiques

    s'efforce

    surtout

    de

    prci

    ser

    en

    quoi

    consiste

    l'acte

    mystique

    (l'extase)

    et si

    est

    authentique

    sa

    prtention

    jouir

    d'une

    intuition

    du divin11

    ;

    ou

    encore

    qu'

    l'arti

    cle

    Mystique

    du Dictionnaire

    de

    Spiritualit,

    on

    se

    donne

    comme

    point

    de

    dpart:

    Le

    sens

    religieux

    de

    Mystique,

    tei

    que

    le connait

    le

    christianisme,

    c'est--dire

    l'exprience

    directe

    et

    passive

    de

    la

    prsen

    ce de

    Dieu,

    prvaut

    partir

    du

    XVe sicle

    12.

    Historiquement

    il

    en

    va

    bien ainsi. Mais

    on

    peut

    se

    demander,

    en

    fonction

    notamment

    de

    Denys,

    si

    cette

    rduction

    de

    l'objet mystique

    ce

    que

    l'on considre

    comme

    son

    essence ne

    comporte

    pas, pour

    l'intelligence

    de la

    vie

    mystique, plus

    d'inconvnients

    que

    d'avantages.

    Bien

    que

    les textes

    aropagitiques

    aient fourni

    le

    point

    de

    dpart

    cette

    thologie,

    leur examen

    attentif

    permet

    sans

    aucun

    doute une

    9

    Cf. Charles

    Andr

    Bernard,

    Les

    Formes de

    la

    Thologie

    chez

    Denys

    l'Aro

    pagile,

    ari.

    cit.,

    n. 2.

    10

    Bouyer

    Louis,

    op.

    cit.,

    p.480.

    11

    Marchal

    Joseph,

    Etudes

    sur

    la

    psychologie

    des

    mystiques,

    Paris,

    DDB,

    1938, t.I,

    p.

    135.

    12 DSAM, art. Mystique, 1.10, col. 1902.

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    7/45

    528

    CHARLES ANDR

    BERNARD,

    S I.

    approche plus complexe.

    Il

    conviendrait,

    en

    effet,

    en toute rflexion

    sur

    Dieu,

    de

    distinguer

    deux

    points

    de

    vue: celui de

    la

    connaissance

    de ce

    qu'il

    est

    en soi

    c'est--dire

    la saisie

    de son

    essence

    ,

    celui

    aussi de la

    participation

    et

    de la

    manifestation

    dont il

    nous a

    grati

    fis.

    Du

    premier

    point

    de

    vue,

    il faut

    dire

    que

    nous ne

    pouvons

    saisir

    positivement

    l'essence de

    Dieu;

    elle est

    toujours

    au-del de tout et en

    ce

    sens sa

    dsignation

    requiert

    la

    ngation

    de toute

    proposition

    affir

    mative

    particulire.

    Telle est la

    perspective

    des

    mtaphysiciens

    et des

    thologiens; pour eux la thologie ngative demeure le nec plus ultra.

    Si,

    par

    contre,

    on considre

    Dieu

    comme

    particip

    et

    manifest,

    alors

    se

    pose

    avec

    plus

    de

    rigueur

    la

    question

    de

    l'objet

    de la dmarche

    mystique:

    est-il Dieu

    particip

    ou Dieu en

    soi,

    que

    mme la vision ne

    saurait

    proprement

    comprendre?

    Quelle

    est la

    pense

    de

    Denys?

    Plutt

    que

    de

    multiplier

    les

    rfrences,

    nous allons centrer notre

    attention sur

    l'opuscule

    La

    thologie

    mystique13.

    Le

    procd

    se

    justifie

    d'autant

    plus que

    ce texte

    a

    pratiquement

    impos

    toute la

    tradition

    chrtienne

    les

    concepts

    fondamentaux et

    le vocabulaire

    permettant

    de cerner

    l'exprience mystique.

    A

    cet ef

    fet, il ne suffisait certainement pas que son auteur se soit revtu

    lui-mme de l'autorit du

    Denys qui

    rencontra saint Paul

    l'Aropa

    ge

    et se

    convertit;

    il

    fallait bien

    qu'il

    et

    gnialement

    pergu

    le

    probl

    me et

    qu'il

    l'ait

    exprim

    de manire inoubliable.

    Autrement,

    com

    ment

    expliquer que

    non seulement des

    thologiens spculatifs,

    mais

    aussi

    des

    mystiques

    comme saint

    Bonaventure,

    saint

    Jean de la

    Croix

    ou

    Marie de l'Incarnation aient

    repris

    les termes

    dionysiens

    pour

    d

    crire leur

    exprience?

    Ds

    le

    point

    de

    dpart, prcisment,

    il convieni

    de noter

    que

    le

    discours

    mystique

    de

    Denys

    lie

    troitement

    l'aspect objectif

    et le ca

    ractre exprientiel. Nous en est tmoin le texte clbre qui ouvre la

    Thologie mystique:

    Trinit

    qui

    transcendes

    Ttre,

    le

    divin et le

    bien,

    guide

    de la divine

    sagesse

    des

    chrtiens,

    conduis-nous

    vers la

    plus

    haute cime des oracles

    mystiques, qui

    transcende

    l'inconnaissance et

    la

    lumire,

    l o les

    mystres

    simples,

    absolus et

    immuables de la

    thologie

    sont cachs

    13

    Le

    texte lui-mme

    occupe

    seulement une dizaine de

    colonnes dans la

    Patrolo

    gie

    Grecque

    (P.G.

    3,

    997A-1048B,

    avec les

    commentaires

    de Corderius et

    une

    para

    phrase

    de

    Pachymre).

    Nos

    citations de

    Denys

    se

    rfrent toutes au t.

    3

    de la

    Patrolo

    gie

    Grecque

    de

    Migne.

    CH

    =

    La Hirarchie

    celeste;

    EH

    =

    La

    Hirarchie ecclsiasti

    que;

    DN = Les Noms

    divins;

    MT = La

    Thologie

    mystique.

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    8/45

    LA

    DOCTRINE

    MYSTIQUE

    DE

    DENYS L'AROPAGITE 529

    dans la

    tenbre

    plus

    que

    lumineuse du

    silence,

    secret initiateur.

    En

    trs

    grande

    obscurit,

    elle brille

    de la

    plus

    clatante

    lumire;

    parfaitement

    intangible

    et

    invisible,

    elle

    emplit

    de

    splendeurs plus que

    belles

    les in

    telligences

    qui

    savent fermer les

    yeux.

    Telle est ma

    prire.

    Pour

    toi,

    cher

    Timothe,

    par

    un effort

    en

    harmonie avec

    les ob

    jets

    de

    vision

    mystique,

    abandonne sensations et activits

    intellectuel

    les,

    tout

    le

    sensible et

    l'intelligible,

    les non-tants et les

    tants,

    et,

    au

    tant

    que

    possible,

    lve-toi

    dans

    l'inconnaissance

    vers l'union celui

    qui est au-dessus de tout tre et de toute connaissance. Par cette sor

    tie,

    libre et

    absolue,

    de

    toi-mme

    et de

    tout,

    tu

    t'lveras

    purement

    jusqu'au

    rayon

    transcendant

    de la divine

    tnbre,

    ayant

    tout

    aban

    donn et

    t'tant dtach de tout14.

    Ce texte

    comprend

    deux

    parties

    distinctes mais lies: la

    premi

    re,

    sous forme de

    prire, prsente

    l'objet

    de

    la

    contemplation,

    les

    mystres

    divins

    cachs dans la

    tnbre;

    l'autre

    indique

    au

    disciple

    quelles

    conditions

    il

    pourra

    atteindre

    la divine tnbre.

    Nous

    reviendrons

    plus longuement

    sur la dmarche

    mystique

    comme telle. Ds maintenant, cependant, n'hsitons pas reconna

    tre

    que

    la

    problmatique

    prsente

    l'esprit

    de

    Denys

    est

    celle de la

    discipline noplatonicienne

    dont la finalit n'tait

    rien d'autre

    que

    la

    contemplation

    de

    l'absolu,

    principe

    de transformation

    spirituelle;

    l'essentirel de

    cette

    doctrine,

    on

    le

    sait,

    avait

    t,

    au

    Ve

    sicle,

    labor

    par

    Proclus. Comme

    Philon,

    Denys

    est donc

    tributarie de

    la

    pression

    culturelle exerce

    par

    le

    milieu;

    celle-ci concerne

    le

    point

    de

    dpart

    de

    la

    recherche et

    sa

    comprhension,

    plus que

    le

    contenu idel

    qu'elle

    prsuppose.

    Comme

    Philon

    quelques

    sicles

    auparavant,

    Denys

    sait

    que

    l'exprience contemplative

    n'est

    pas conqute

    de

    l'esprit,

    mais

    don implor humblement15; elle requiert une attitude de rceptivit

    orante.

    14

    Denys

    L'Areopagite,

    MT,

    997 AB-1000 A. La

    sont cachs

    a t

    pr

    fre

    se

    dvoilent.

    La

    traduction

    de Gandillac a

    t

    largement

    retouche.

    Nous

    avons

    habituellement

    traduit

    hyperousios

    par

    transcendant;

    suressentiel,

    en

    efTet,

    se situe dans

    l'ordre

    de la

    connaissance,

    et

    supersubstantiel

    n'est

    pas

    utilis

    aujour

    d'hui

    pour indiquer

    la transcendance

    ontologique.

    15

    Si

    Dieu

    distille ses eaux

    comme

    neige,

    s'il

    irrigue,

    il vient des fruits

    achevs,

    entiers,

    et

    c'est une fcondit sans

    rivale. Je ne crains

    pas

    ici de

    dire

    une

    exprience

    personnelle, qui

    m'est

    familire

    pour

    s'tre

    vingt

    fois

    rpte

    (Philon,

    De

    migratione

    Abrahami,

    nn.

    33-35).

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    9/45

    530

    CHARLES ANDR

    BERNARD,

    S I.

    Affrmations

    et

    ngations

    Reprenant

    la

    question

    de

    l'objet

    de la

    contemplation mystique

    de

    Denys,

    il

    nous faut d'abord

    nous arrter sur la

    multiplicit

    des

    formules

    qui l'expriment

    et nous demander s'il n'en existe

    pas

    un

    principe

    d'unification.

    Si,

    en

    effet,

    partant

    du texte de la

    Thologie

    mystique,

    nous russissons

    les

    ordonner,

    nous

    apparatra plus

    clai

    rement

    la

    profondeur

    de la

    pense dionysienne.

    Une

    premire

    srie,

    celle

    qui

    a

    frapp

    le

    plus

    les

    commentateurs,

    fait ressortir la transcendance dans l'ordre de la connaissance. C'est

    ainsi

    que

    nous trouvons

    successivement les

    expressions:

    Celui

    qui

    transcende tout tre et toute

    connaissance,

    Celui

    qui

    transcende

    toute saisie

    mentale,

    Celui

    qui

    transcende toute vision et connais

    sance,

    l'ineffable et

    finalement,

    Celui

    qui

    transcende

    toute

    nga

    tion,

    l'excellence

    de

    Celui

    qui

    est absolument

    dpouill

    de tout et

    au-del de toutes choses16.

    Que

    cette transcendance

    notique

    ne

    puisse

    tre

    spare

    de la transcendance

    ontologique

    ne saurait

    ton

    ner:

    Denys,

    comme tous les

    Grecs,

    part

    de

    la

    priorit

    de

    Ttre sur la

    connaissance17. Mais

    il

    est bon

    de

    situer ds l'abord le

    problme

    de

    la connaissance

    mystique,

    car c'est elle

    qui

    retiendra l'attention des

    penseurs qui

    se rfrent

    Denys.

    Pour

    tous,

    le

    point

    dcisif

    est

    l'aspect ngatif

    de cette connais

    sance.

    Rien

    de

    plus lgitime,

    surtout si

    l'on considre

    l'opposition

    que

    Denys

    lui-mme instaure entre la

    thologie

    affirmative

    et la

    thologie ngative1?:

    Maintenant, dit-il,

    que

    nous

    allons

    pntrer

    dans la Tnbre

    qui

    transcende

    l'esprit

    ,9. Une telle

    thologie nga

    tive se veut absolument radicale: de la Cause

    de

    tout

    il

    n'est

    ni

    rai

    son,

    ni

    dnomination,

    ni

    connaissance20. O

    que porte

    le mouve

    ment de

    l'esprit,

    Dieu se situe

    toujours

    au-del.

    S'ensuit-il

    pour

    autant

    que

    toutes les autres manires

    d'indiquer

    l'objet

    de la connaissance

    mystique

    doivent tre considres comme

    totalement

    inadquates

    et,

    par

    consquent,

    s'effacer devant la

    nga

    tion

    radicale?

    Faut-il inexorablement

    rejeter

    toute

    thologie positive?

    16

    Denys

    l'Areopagite,

    MT,

    respectivement

    997B;

    1001

    A;

    1025A; 1033D;

    1048 .

    17

    Toutes les

    connaissances

    portent

    sur les tres

    (DN,

    593

    A).

    18

    Ibid.,

    c.3;

    1032D-1033D.

    19

    Ibid.,

    1033

    ;

    et

    seront

    traduits souvent

    par esprit

    et

    spi

    rituel.

    20 Ibid., 1048 A.

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    10/45

    LA

    DOCTRINE

    YSTIQUE

    DE DENYS L'AROPAGITE 531

    Il ne semble

    pas que

    ce soit la

    pense

    de

    Denys.

    En

    effet,

    dans la

    confrontation

    du troisime

    chapitre

    entre

    thologie ngative

    et tho

    logie

    affirmative,

    Denys

    ne renie rien de ses travaux

    prcdente:

    ni

    des

    Esquisses

    thologiqties qui

    constituaient

    une sorte de

    prsentation

    de la doctrine

    commune,

    ni

    des Noms

    divins o

    se

    trouvait

    justifie

    l'application

    Dieu des

    concepts

    de

    Bien, Etre, Vie,

    Sagesse,

    Force

    etc...,

    ni

    de

    la

    Thologie

    symbolique

    en

    laquelle transparat

    le

    souci

    de

    ne rien

    ngliger

    des

    expressions scripturaires

    qui

    enrichissent notre

    connaissance de Dieu. Le jugement

    de valeur

    qui pousse

    tant de

    thologiens

    subordonner

    la

    thologie

    affirmative

    la

    thologie

    n

    gative privilgie

    exclusivement le

    cot de la connaissance et de l'ex

    pression thologique;

    tei est d'ailleurs

    le sentiment de

    Denys

    lui-mme:

    A

    mon

    sens, crit-il,

    cette seconde manire

    de clbrer

    (la

    Tharchie)

    lui convieni

    mieux,

    car

    suivant

    la tradition cache

    et

    sa

    cre,

    nous affirmons

    en toute vrit

    qu'elle

    n'est

    pas

    la manire des

    tres et

    que

    nous ne connaissons

    pas

    son

    infinitude,

    transcendante

    Ttre,

    insaisissable

    l'esprit

    et

    inexprimable.

    Si donc

    les

    ngations

    sont

    vraies en ce

    qui

    concerne les ralits

    divines

    et

    les affirmations

    inadquates, il convient mieux au caractre cach des mystres indici

    bles de dcrire

    les ralits invisibles

    au

    moyen

    de

    reprsentations

    dis

    semblables21.

    En

    parlant

    de

    supriorit gnos

    ologique

    de la tho

    logie ngative Denys

    n'exclut donc

    aucunement la validit

    d'autres

    expressions,

    conceptuelles

    ou

    symboliques,

    du

    mystre

    divin.

    L'ordre

    de la

    clbration

    Et c'est

    prcisment

    ce

    qui

    se vrifie dans l'ordre

    de la cl

    bration.

    Ds lors en effetqu'il s'agit de chanter Dieu, de le clbrer en

    crant

    ainsi un

    espace hymnique

    (hymnein),

    tombent les

    limitations

    21

    CH,

    140D-141 A.

    Comme le

    prcise

    une note en

    Scazzoso,

    Dionigi

    Areopagi

    ta,

    tutte le

    opere,

    Rusconi, 1981,

    n.

    14,

    p.

    84:

    la

    supriorit

    de

    la

    thologie

    ngative

    (apophatique)

    sur la

    thologie

    affirmative

    (cataphatique)

    est soutenue

    plusieurs

    re

    prises

    par Denys (cf.

    DN, XIII,3;

    981

    A-B;

    MT

    III,

    1000

    B-C);

    c'est

    une thorie

    qui

    remonte

    Platon

    (Rpublique

    509

    b;

    Parmnide

    141

    e).

    Dans la

    tradition

    platonicienne

    elle fut

    dveloppe par

    Plotin

    (Ennades

    V,5,13)

    et Proclus

    (Commentaire

    au Parmni

    de); parmi

    les

    chrtiens,

    par

    les Pres orthodoxes

    du IVe

    sicle,

    dans leur

    polmique

    contre

    Eunome,

    lequel prtendait

    que

    l'homme

    peut

    connaitre

    adquatement

    Dieu au

    moyen

    du

    concept

    d'inengendr.

    Ceci confirme

    bien le caractre

    gnosologique

    de

    cette

    thorie.

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    11/45

    532 CHARLES

    ANDR

    BERNARD,

    S I.

    qu'impose

    l'ordre de la connaissance la recherche de la saisie ad

    quate

    de l'tre. Pour nous en tenir aux

    expressions

    mmes de la

    Thologie

    mystique,

    on

    pourra

    certes clbrer le Transcendant trans

    cendantalement22,

    mais aussi les

    ngations

    et les affirmations23.

    Pour son

    compte, Denys

    n'a

    jamais

    reni ses recherches

    antrieures

    dans

    lesquelles

    il a

    clbr les

    principales

    affirmations de la tholo

    gie

    affirmative24 ou encore tous les

    mystres

    contenus dans les

    Esquisses

    thologiques.

    A moins d'admettre une

    contradiction

    fla

    grante

    entre

    le

    chantre de Dieu et le

    mtaphysicien jaloux

    de

    prser

    ver la transcendance

    divine,

    il faut

    convenir

    que

    la

    clbration suit

    d'autres

    rgles que

    la

    recherche d'une saisie de

    l'essence.

    Dans

    ses

    autres

    crits,

    Denys assigne

    de

    multiples objets

    la c

    lbration. Tous

    ont,

    bien

    entendu,

    quelque rapport

    avec la manifes

    tation de Ttre et de

    l'action de Dieu. Dans la

    Hirarchie ecclsiasti

    que,

    en

    particulier,

    sont clbres les saintes oeuvres de

    Dieu25,

    la

    rvlation et toutes les

    oprations

    divines26,

    les actions sacra

    mentelles et les dons divins. Dieu

    lui-mme et les hirarchies

    angli

    ques

    taient clbrs

    dans la Hirarchie

    cleste,

    et

    cela selon

    les r

    vlations que nous en donnent les saintes Ecritures27, c'est--dire

    par

    des

    images

    et des

    symboles:

    ainsi Dieu est-il

    clbr comme Soleil

    de

    justice

    et Etoile du

    matin28.

    Puisque

    dans

    la clbration

    nous

    nous servons

    aussi bien

    de

    symboles

    que

    de

    concepts,

    de

    ngations

    que

    d'affirmations,

    il

    est

    clair

    qu'elle

    ne

    ncessite

    pas

    une connaissance

    adquate

    du

    mystre

    en

    lui-mme et de

    l'essence divine.

    Il

    suffit

    que

    Dieu

    en soi et dans

    son

    rapport

    la ralit

    cre

    ne

    soit

    pas dsign

    de

    manire

    qui

    voque.

    Certes,

    on

    peut arguer que

    si

    la

    dsignation

    n'est

    pas adquate,

    elle demeure toujours quelque peu quivoque: ainsi puis-je clbrer le

    crateur,

    le

    pantocratr,

    l'Ancien des

    jours,

    mais si

    les notions de

    cration,

    de maitre de

    tout,

    d'ternit ne tombent

    pas

    sous ma com

    prhension,

    qui

    s'adresse

    en

    vrit mon invocation?

    L'objection

    se

    22

    MT,

    1025B-CH,

    140D-141a.

    22

    Ibid.

    24

    Ibid.

    25

    EH,

    425 D.

    26

    Ibid.,

    429 D.

    27

    CH,

    136D.

    28 Ibid., 144 D.

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    12/45

    LA

    DOCTRINE

    MYSTIQUE

    DE

    DENYS L'AROPAGITE

    533

    rait

    dcisive

    si

    l'adhsion

    hymnique

    tirait son

    dynamisme

    de la

    seule

    perception

    de

    l'essence: celle de

    Dieu tant

    insaisissable,

    l'hymne

    n'exprimerait pas

    son

    objet

    divin,

    mais

    serait une

    projection

    affective

    du

    sujet

    en

    tendance vers

    l'absolu.

    Si,

    au

    contraire,

    l'esprit

    tire son

    dynamisme

    d'une certame

    sympathie

    envers

    Dieu,

    comme le

    pen

    saient les

    noplatoniciens,

    ou mieux

    encore,

    pour

    nous,

    de

    la

    foi

    que

    Dieu

    infuse,

    le mouvement de la

    clbration tire

    son authenticit du

    dsir

    qui

    nat dans

    l'esprit;

    en

    outre,

    pour

    Denys,

    la foi

    s'appuie

    sur

    le texte

    scripturaire

    et sur la

    liturgie qui l'expriment

    et le

    guident

    vers

    celui

    qui

    s'est autorvl29.

    Telle

    est

    bien la

    perspective dionysienne.

    S'il convient

    en

    effetde re

    connaitre sa

    proccupation

    d'affirmer

    que

    Dieu se situe

    toujours

    au-del de toute

    saisie

    mentale,

    mme

    si,

    pour reprendre

    une

    expression

    de

    Malebranche,

    l'esprit possde toujours

    du

    mouvement

    pour

    aller

    plus

    loin,

    il n'en demeure

    pas

    mins

    que,

    concrtement,

    c'est le mme

    qui

    se situe au-del de tout et

    qui

    a voulu se

    communiquer par partici

    pation.

    Et,

    ds

    lors

    que

    s'est ralise

    cette

    participation,

    celle-ci ouvre

    une voie

    nouvelle,

    affirmative,

    pour

    la clbration.

    Qu'il

    faille

    toujours

    avoir l'esprit cette doubl perspective, la seconde Lettre de Denys

    nous le dclare sans

    ambiguit.

    Remarquons

    en

    ce texte la dnomina

    tion divine si chre

    Denys:

    la

    Tharchie. Comme nous

    l'expliquerons

    bientt,

    elle

    signifie

    Dieu en tant

    prcisment qu'il

    se

    communique.

    Comment,

    demandait sans doute son

    correspondant,

    l'au-del

    de tout

    peut-il

    tre aussi

    au-dessus

    de la

    Tharchie et du

    Principe

    du

    Bien?

    Denys rpondait:

    Si tu

    penses que

    dit et bont

    sont la

    ra

    lit mme du don

    qui produit

    le bon et le divin

    et l'inimitable imita

    tion du

    plus que

    divin

    et du

    plus que

    bon et selon

    lequel

    nous

    deve

    nons divins et bons. Car si Cela devient

    principe

    de la dification et

    du devenir-bon de ceux qui sont difis et devenus bons, le Surprinci

    pe

    de tout

    principe

    et de ce

    qu'on

    appelle

    dit et bont est alors

    au-del de la Tharchie et du

    Principe

    du bien. Et dans la

    mesure

    o

    il est

    inimitable et fuit toute

    appropriation,

    il transcende les imita

    tions et les

    possessions,

    les

    imitateurs

    et les

    participants30.

    29

    Voici

    comment

    Denys

    dcrit les diverses sources de la connaissance

    thologi

    que:

    Notre illustre

    prdcesseur

    (...)

    soit

    qu'il

    ait

    re

  • 7/25/2019 BERNARD, Ch-A., La Doctrine Mystique de Denys l'Aropagite

    13/45

    534

    CHARLES ANDR

    BERNARD,

    S.I.

    Pour

    penser quelque

    chose

    qui

    se situe au-dessus de la Thar

    chie,

    il

    faut donc

    se

    piacer

    du

    point

    de vue de

    ce

    qu'elle

    est

    en

    soi.

    Concrtement,

    cependant,

    cet au-del de tout n'est

    pas

    diffrent de la

    Tharchie,

    le

    Dieu-principe,

    la Trini

    t,

    le Crateur.

    Seulement,

    ces

    noms

    que

    nous

    lui

    donnons,

    nous les lui

    confrons

    en

    fonction

    de

    son automanifestation

    et

    de la

    participation qu'il

    nous a

    accorde;

    ils

    ne dfinissent

    pas

    son

    en-soi,

    cette essence

    imparticipable

    qui

    chap

    pe

    toute connaissance

    cre,

    mais

    plutt

    ce

    qu'il

    est

    pour

    nous.

    Cette dualit

    de

    points

    de vue

    est fondamentale pour saisir la pense

    de

    Denys.

    La

    clbration

    concerne

    prcisment

    Dieu en tant

    qu'il

    s'est ren

    du

    accessible.

    Et c'est bien l la

    perception mystique

    fondamentale

    de

    Denys.

    Ce

    qui

    l'merveille et suscite son

    chant,

    c'est le fait

    que

    Dieu

    a

    voulu se

    communiquer,

    se

    faire connatre

    et nous faire

    parti

    ciper

    sa vie.

    Denys pergoit

    Dieu comme le

    Dieu-principe,

    le

    Dieu-cause,

    la Tharchie31.

    La

    Tharchie

    De

    cette

    Tharchie,

    la Hirarchie

    cleste nous donne une des

    cription soulignant

    aussi

    bien la

    transcendance absolue de son tre

    concret et une certaine

    perception que

    sa condescendance nous a

    concde: La Tharchie est monade et

    unit

    en

    trois

    personnes, p

    ntrant

    par

    sa

    providence

    trs bonne tous les

    tres,

    depuis

    les subs

    tances

    supraclestes

    jusqu'aux

    dernires de la

    terre,

    en tant

    que

    prin

    cipe

    et

    cause

    (transcendant

    mme le

    principe)

    de

    toute

    substance,

    et

    contenant

    sur un

    mode transcendant toutes choses

    dans

    un

    em

    brassement irrsistible32.

    Comme

    l'explicite

    un autre texte des

    Noms divins, la communication divine n'a d'autre cause que la Bont

    de

    Dieu,

    ce

    qui,

    en mme

    temps,

    prserve

    sa transcendance tout en le

    rapprochant

    de

    nous: S'il faut en croire la

    trs

    sage

    et trs vraie

    thologie,

    c'est la

    mesure de chacun des

    esprits

    que

    se rvlent et

    sont

    contemples

    les

    ralits divines

    puisque

    c'est

    la

    bont tharchi

    que

    qui,

    dans sa

    justice

    salvatrice,

    offre

    divinement aux tres mesura

    bles,

    comme une

    ralit

    infinie,

    sa

    propre

    incommensurabili t33.

    31

    Cf. Walter

    neidl,

    Thearchia.

    Regensburg,

    Verlag

    Josef

    Habbel,

    1976.

    32

    CH,

    212C.

    33

    DN,

    588 AB.

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    LA

    DOCTRINE

    MYSTIQUE

    DE

    DENYS L'AROPAGITE

    535

    Qu'il

    faille en outre

    concevoir

    la

    Tharchie comme la

    ralit

    su

    prme

    se

    communiquant,

    un

    symbole,

    utilis avec

    prdilection

    par

    Denys,

    nous

    l'indique

    clairement,

    celui

    du

    rayon

    et du

    rayonnement.

    Plus

    qu'aucun

    autre,

    sans

    doute,

    il

    indique

    simultanment la

    perma

    nence de la source lumineuse et la

    diffusion de

    la

    lumire: le Bien

    n'est

    pas

    totalement incommunicable

    chaque

    tre,

    mais,

    de

    lui-mme,

    il manifeste chacun des tres

    le

    rayon

    transcendant

    qu'il

    proportionne

    selon

    sa

    bont34.

    La

    participation

    ce

    rayon s'opre

    simultanment dans l'ordre

    ontologique

    et dans

    celui

    de la connais

    sance,

    car tout

    dpend

    de Dieu-cause

    suprme: Puisque

    comme

    bont subsistante

    (agathottos

    hyparxis), par

    son

    tre

    mme,

    elle est

    la cause de tous les

    tres,

    et

    que

    tout subsiste en elle il faut clbrer la

    toute bonne

    providence

    de la Tharchie

    partir

    de tous les tres

    crs:

    tout,

    en

    effet,

    est en

    fonction

    d'elle,

    cause

    d'elle;

    elle

    prcde

    tout

    et

    tout subsiste

    en elle35. Ainsi

    lorsque

    le

    rayon

    se manifeste

    comme

    illuminateur,

    il ne fait

    que

    reflter,

    un autre

    niveau,

    la

    condition

    ontologique.

    Nous sommes mieux

    mme, maintenant,

    de

    comprendre

    le

    sens plnier de l'expression de la Thologie mystique dfinissant le

    terme de

    l'opration mystique.

    Denys

    crivait: Par cette

    sortie,

    libre

    et

    absolue,

    de toi-mme et de

    tout,

    tu

    t'leveras

    purement jusqu'au

    rayon

    transcendant

    de la divine

    tnbre,

    abandonnant tout et

    t'tant

    dtach

    de tout

    36

    Deux

    notions,

    ici,

    doivent tre considres corr

    lativement,

    celles

    de tnbre

    et

    de

    rayon.

    La

    fortune

    de la

    premire expression,

    la tnbre

    divine,

    est assez

    connue. En

    fait,

    chez

    Denys,

    comme

    chez saint

    Grgoire

    de

    Nysse

    aussi,

    par exemple,

    le mot

    tnbre

    correspond

    deux mots

    grecs,

    gnophos

    et

    skotos,

    le

    premier

    indiquant davantage

    la

    transcendance,

    le second l'obscurit due au pch. Mais une telle distinction n'est

    pas toujours

    respecte:

    la

    Thologie mystique

    utilise d'abord

    le

    pre

    mier,

    puis

    le second

    dans la mme

    prire

    d'ouverture

    que

    nous avons

    cite

    et il ne

    semble

    pas qu'on

    puisse

    tablir

    la moindre diffrence

    de

    sens.

    Il

    n'y

    a donc aucun

    inconvnient

    prciser

    ce sens

    partir

    du

    texte

    de la

    premire

    Lettre o se

    trouve

    explicite

    l'acception que

    34

    DN,

    588 C.

    35

    DN,

    588 CD.

    36 Denys l'Areopagite, MT, 1000 A.

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    15/45

    536

    CHARLES ANDR

    BERNARD.

    S.i.

    nous trouvons dans la

    Thologie

    mystique.

    A

    l'objection:

    La tnbre

    devient invisible la lumire

    et

    d'autant

    plus que

    la lumire est

    plus

    abondante;

    les

    connaissances font

    disparatre

    l'inconnaissance et

    d'autant

    plus

    que

    les

    connaissances

    sont

    plus

    abondantes,

    Denys

    r

    pond:

    Considrant cela au sens minent et non selon le sens

    priva

    tif,

    l faut

    reconnatre

    en toute

    vrit

    que

    l'inconnaissance selon Dieu

    chappe

    ceux

    qui possdent

    la lumire et la connaissance des

    tres,

    et

    que

    la transcendance de cette tnbre se cache toute lumire et

    abolit toute connaissance.

    Si

    quelqu'un, voyant Dieu, comprend

    ce

    qu'il

    voit,

    c'est

    qu'il

    ne l'a

    pas

    vu,

    mais

    il

    a vu seulement

    quelqu'un

    des tres

    qui

    lui

    appartiennent

    et

    qui

    sont

    connus;

    lui,

    en

    effet,

    de

    meure au

    dessus

    de

    l'esprit

    et

    au dessus

    de

    la

    substance,

    chappant

    la connaissance et Ttre

    puisqu'il

    est transcendant

    Ttre et

    l'es

    prit

    37.

    Denys

    met bien

    ici

    en valeur

    le

    paradoxe

    de la notion de t

    nbre: de

    soi,

    elle serait

    infrieure

    la lumire de la

    connaissance;

    en

    Dieu,

    elle

    signifie

    au

    contraire la transcendance absolue dans l'ordre

    de Ttre et

    de

    la

    connaissance.

    Ce

    Symbole

    de la

    tnbre,

    par

    del

    Grgoire

    de

    Nysse,

    rejoint

    le

    texte de VExode\ Dieu guidait les Hbreux le jour par la nue, la nuit

    par

    une colonne de feu. Dans

    la

    Thologie

    mystique, cependant,

    De

    nys

    cite un

    texte

    des

    Psaumes

    qui rpond

    mieux sa

    vision des cho

    ses:

    Lui

    qui

    a

    pris

    la tnbre

    pour

    cachette

    (Ps.

    18,12;

    mme texte

    en 2 Sam

    22).

    Le

    psaume

    dcrivait la

    toute-puissance

    et le

    mystre

    de

    Jahv se manifestant dans

    l'orage

    et la

    temptre.

    Il

    en

    appelait

    en ou

    tre des notions

    plus sotriques:

    Il inclina les cieux et

    descendit,

    un

    pais

    nuage

    sous ses

    pieds;

    il monta sur un Chrubin et

    vola,

    il

    plana

    sur

    les ailes du vent

    (Ps

    18,10-11).

    Une

    telle

    envole

    potique

    devait

    enchanter l'auteur de la

    Thologie

    symbolique:

    n'tait-elle

    pas

    parfaitement apte suggrer tant la transcendance divine que l'lva

    tion de l'me en

    qute

    de

    connaissance

    mystique?

    Enfin dans la Let

    tre

    V,

    il

    identifie

    simplement

    la

    tnbre

    la

    lumire

    divine: La divi

    ne

    tnbre est la lumire

    inaccessible

    en

    laquelle

    on dit

    que

    Dieu

    ha

    bite. Etant

    invisible en raison

    de sa clart

    transcendante,

    et

    inaccessi

    ble

    en

    raison de

    l'minence de sa

    transcendante effusion

    lumineuse,

    elle

    parvient qui

    est

    rendu

    digne

    de connatre et de

    voir

    Dieu,

    et du

    37

    Lettre

    I,

    1065

    A.

    La

    juste

    interprtation

    de Gandillac ne

    requiert pas

    un

    chan

    gement

    de

    traduction de la

    premire phrase.

    Sans doute

    s'agit-il,

    comme au dbut de

    la Lettre II, de

    l'objection

    du

    correspondant?

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  • 7/25/2019 BERNARD, Ch-A., La Doctrine Mystique de Denys l'Aropagite

    16/45

    LA DOCTR1NE

    MYSTIQUE

    DE

    DENYS

    L'AROPAGITE 537

    fait

    mme

    qu'il

    ne le voit

    ni le

    connat,

    il transcende vraiment

    vision

    et

    connaissance;

    et il

    sait

    seqlement

    qu'il

    est

    au del des ralits sensi

    bles et

    intelligibles38.

    Ce

    qu'il

    faut

    souligner

    c'est le

    contexte

    de communication

    qu'appelle

    l'ide

    de

    rayon

    et

    de

    rayonnement applique

    la tnbre.

    Nous sommes

    loin alors

    des

    positions

    mtaphysiques qui,

    insistant

    sur la transcendance

    absolue

    de Dieu ne

    prsentent plus

    que

    des

    perspectives

    de

    ngativit

    agnostique.

    Pour

    Denys,

    la transcendance

    absolue

    s'identifie

    concrtement la

    Tharchie

    rayonnante.

    C'est

    elle

    que

    l'on

    clbre;

    c'est elle

    aussi

    que

    tend

    la dmarche

    mystique.

    Pour

    autant,

    est-on

    autoris concder

    l'extase

    mystique

    le

    si

    grand privilge

    d'atteindre

    Dieu

    purement

    et

    simplement?

    On ne

    prte

    pas

    alors assez attention

    une

    expression

    dionysienne

    que

    nous venons

    de rencontrer:

    La divine

    tnbre est

    la

    lumire

    inaccessible

    o l'on

    dit

    que

    Dieu

    habite;

    ou

    se

    cache

    (Ps

    18,12);

    non

    pas

    Dieu lui-mme

    mais le lieu o

    il demeure.

    Ainsi

    Denys

    prcise-t-il

    que

    Mo'ise ne

    rencontre

    pas

    Dieu lui-mme

    ni ne

    le

    contemple

    car

    il est invisible

    mais

    le lieu

    o il demeure39.

    En fait la Hirarchie celeste avait dj insist sur les degrs

    descendants

    de l'illumination.

    Les

    intelligences

    qui

    vivent

    au-del

    du

    ciel,

    expliquait

    Denys,

    sont,

    du fait

    mme

    qu'elle

    vivent

    en

    conformit

    avec

    Dieu,

    les lieux divins

    o,

    selon

    l'expression

    de

    l'Ecriture,

    la Tharchie

    repose

    (Is

    66,5)

    40.

    Aprs

    avoir ainsi

    prcis

    sous

    quel aspect

    il convient de consid

    rer

    Dieu

    en tant

    qu'objet

    de la

    contemplation

    mystique,

    il nous

    faut

    maintenant

    considrer

    la dmarche

    mystique:

    on ne saurait

    en effet

    sparer

    le

    processus

    d'atteinte

    du

    divin de

    la

    conception

    mme

    de

    ce

    divin. Encore

    que

    l'on

    s'appuie

    alors

    sur

    les

    paroles

    de

    l'Ecriture,

    cel

    les-ci non plus ne sauraient tre spares totalement de l'exprience

    spirituelle

    qu'elles

    autorisent ou

    prsupposent.

    Denys

    lui-mme,

    nous venons

    de

    l'indiquer,

    en

    appelle explicitement

    l'exprience

    de

    Mo'ise

    et,

    en

    gnral,

    des hommes

    de Dieu.

    38

    Lettre

    V,

    1073

    .

    39

    MT,

    1000 D. Plotin

    aussi a

    parl

    du

    lieu

    intelligible

    (Ennades,

    V,8,13);

    et

    dj

    Platon

    (Phdre,

    247

    c).

    40 CH, 212C.

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  • 7/25/2019 BERNARD, Ch-A., La Doctrine Mystique de Denys l'Aropagite

    17/45

    538

    CHARLES ANDR

    BERNARD,

    S I.

    II. La

    dmarche

    mystique

    Patiens

    divina

    Mme si

    cela

    peut

    parafare

    tonnant,

    ce n'est

    pas

    dans

    l'opus

    cule sur la

    Thologie mystique que

    se trouve le mieux

    caractris un

    trait fondamental de

    l'exprience

    mystique,

    mais dans

    les

    Noms di

    vins. Dans ce

    livre,

    en

    effet,

    lorsque Denys

    dcrit les

    difTrentes d

    marches qui fondent le discours thologique, il emploie l'expression

    qui

    a fix

    dfmitivement

    la

    problmatique

    mystique, patiens

    divina,

    l'exprience

    vcue du

    domaine divin.

    A

    cot de la

    dmarche fonde

    sur

    l'enseignement

    traditionnel et de celle

    base sur la

    recherche ex

    gtique

    existe celle de

    l'exprience

    passive qu'a

    sans

    doute connue

    l'illustre

    prdcesseur

    de

    l'Aropagite:

    initi

    par

    une

    inspiration

    plus

    divine,

    n'ayant pas

    seulement du

    domaine divin une

    science ac

    quise par

    l'tude,

    mais une

    exprience

    vcue

    et,

    par

    une

    sympathie

    envers

    ce

    domaine,

    ayant

    t rendu

    parfait

    selon une union et

    une foi

    inenseignables

    et

    mystiques41.

    Enregistrons donc que la

    description

    de la dmarche

    mystique

    ne se trouve

    pas

    dans

    la

    Thologie

    mystique

    Cette

    remarque

    doit

    nous inciter

    prciser

    le

    propos

    exact de

    cet

    opuscule;

    quelle logi

    que

    interne obit-il? Devons-nous

    l'interprter,

    comme il

    parat

    ob

    vie,

    en fonction d'une

    initiation

    concrte

    la

    vie

    mystique?

    Il ne le

    semble

    pas.

    Bien

    plutt s'agit-il

    d'une

    justification

    de

    la

    thologie

    mystique,

    d'claircissements et

    de

    rponses,

    de

    la

    part

    de

    Denys,

    des

    objections

    relles ou

    supposes

    de

    Timothe son

    disciple.

    Quelles

    pouraient

    tre

    ces

    interrogations?

    La

    premire porte

    sur

    la nature de la tnbre divine dont la Lettre V nous a donn une dfi

    nition

    prcise.

    lei

    Denys

    rpond

    indirectement en

    montrant

    que

    sa

    saisie

    dpend

    de

    la

    bienveillance de

    la

    Trinit

    comme aussi

    de l'effort

    pour

    se

    disposer, par

    la sortie

    de soi et de

    tout,

    la

    communication

    du

    rayon

    divin42.

    La suite

    du

    chapitre

    premier

    carte

    de cette

    disci

    41

    DN,

    647

    .

    42

    L'aspect

    passif

    de

    cette

    communication est accentu

    si,

    comme J.

    Vanneste

    (Le

    Mystre

    de

    Dieu,

    DDB,

    Museum

    Lessianum,

    1959)

    on

    traduit anatathti

    par

    sois

    lev

    au lieu de

    lve-toi;

    comme aussi

    anachthsei

    par

    tu seras lev au

    lieu de

    tu t'lveras.

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    18/45

    LA

    DOCTRINE

    MYST1QUE

    DE DENYS

    L'AROPAGITE

    539

    pline mystique

    ceux

    qui prtendent

    connaitre Dieu

    ou

    le

    reprsentent

    par

    des formes

    cres;

    seul Moi'se

    peut

    tre

    propos

    en

    exemple

    de

    purification

    et de connaissance du Dieu

    transcendant.

    A

    celui

    qui

    objecterait

    alors

    l'impossibilit

    o l'on se trouve

    d'atteindre vraiment

    Dieu

    et

    de

    le

    clbrer,

    Denys

    rpond que, prcisment, l'authentique

    clbration considre Dieu

    dans la tenbre transcendante

    (c.

    II).

    Dans le

    chapitre

    III,

    Denys

    rpond

    la demande du

    disciple

    concer

    nant la situation d'une telle

    thologie mystique

    par

    rapport

    aux

    au

    tres

    formes de la

    thologie qui

    ont

    dj

    t

    traites;

    il

    justifie

    en

    outre

    sa dmarche

    et

    pourquoi,

    diras-tu,

    commencer la

    thologie nga

    tive

    par

    les

    tres

    infrieurs,

    contrairement la dmarche de

    la

    tholo

    gie

    affirmative?

    Quant

    aux

    chapitres

    IV et

    V,

    ils

    justifient

    non seule

    ment le

    dpassement

    du

    sensible,

    mais celui de

    l'intelligible;

    car Dieu

    se

    situe

    au-del

    de tout. C'est ce

    qu'affirmait

    dj

    le texte des Noms

    divins: Nous ne montons

    (vers

    cette

    transcendante ralit

    cache)

    qu'en

    mettant au

    repos

    toutes

    nos

    nergies

    intellectuelles,

    sans

    voir

    aucune

    dification,

    ou

    vie,

    ou substance

    qui

    soit vraiment semblable

    cette

    cause

    spare

    de

    tout selon

    sa totale transcendance. D'autant

    plus que nous savons par l'Ecriture que le Pre est la dit fontale et

    que

    Jsus

    et

    l'Esprit

    sont,

    pour

    ainsi

    dire,

    des

    rejetons

    divins de

    la

    fe

    conde divinit. Et comment

    cela

    advient-il,

    il n'est

    possible

    ni

    de

    le

    dire,

    ne de le

    comprendre43.

    L'affirmation

    de la

    transcendance

    et de

    l'incomprhensibilit

    de

    Dieu

    justifie

    donc une

    forme

    de

    thologie

    ngative.

    Mais la

    thologie

    mystique suppose

    en outre

    la

    possibilit

    d'une certame atteinte de

    la

    ralit divine. A

    quelle

    condition?

    Que

    Dieu se

    prsente

    lui-mme

    comme

    objet, pour

    le

    contemplatif,

    d'une

    exprience

    vcue:

    patiens

    divina.

    En fait, on peut remonter loin dans le pass pour retrouver une

    telle

    persuasion.

    Ainsi,

    selon un

    fragment

    tir

    de

    Synesius,

    les

    myst

    res

    d'Eleusis

    conduisaient leurs

    participants

    une attitude

    passive:

    Aristote estime

    que

    ceux

    qui

    sont conduits

    la

    perfection

    ne doi

    vent

    pas apprendre

    (mathein)

    quelque

    chose,

    mais

    en faire

    l'exprien

    ce

    (pathein)

    et

    s'y disposer,

    en

    en

    devenant,

    par

    cela

    mme,

    capa

    bles44.

    Quel

    que

    soit

    le

    niveau

    de cette

    exprience

    d'ordre affec

    DN,

    645 AB.

    44

    Cf. Ross

    W.D.,

    Aristotelis

    fragmenta

    selecta,

    Oxford,

    1955,

    .

    84,

    fr. 15.

    Selon Michel

    Psellus,

    l'esprit

    re?oit

    une illumination

    (ibid.).

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    19/45

    540

    CHARLES

    ANDR

    BERNARD,

    S

    I

    tif45,

    il

    est

    clair

    qu'elle

    ne se situe

    plus

    dans

    Pordre

    de

    l'activit intel

    lectuelle mais

    implique

    une

    rceptivit:

    on se

    dispose

    et ainsi on se

    rend

    capable

    de

    percevoir exprimentalement

    une ralit situe au

    del du savoir.

    A sa

    manire

    dcisive,

    Aristote ne faisait

    que

    mettre en relief la

    caractristique

    de

    l'exprience contemplative.

    Ce

    que

    l'on

    trouvait

    dans les textes

    platoniciens

    46,

    et

    qui

    deviendra un thme

    plotinien,

    c'est

    l'ide

    d'une

    imprvisibilit

    de

    l'illumination;

    mais cette

    imprvi

    sibilit serait-elle

    possible

    si n'intervenait un lment

    extrieur la

    conscience

    pour s'imposer

    sa

    perception?

    Le

    P.

    Festugire,

    lorsqu'il

    dcrit le

    processus contemplatif

    chez

    Platon insiste

    sur l'ide de la

    prsence

    et du contact de la

    ralit

    suprme.

    Dans le

    Banquet,

    no

    te-t-il,

    le

    Beau

    en soi

    que je

    touche n'est

    plus objet

    de

    parole

    ni de

    science;

    mais il

    est

    l,

    je

    sens sa

    prsence, je

    le

    touche,

    il

    existe,

    le

    sentiment

    de

    cette existence me

    remplit

    d'une

    joie

    totale47. Lors

    qu'on passe,

    dans La

    Rpublique,

    la

    perception

    du

    Bien,

    celui-ci

    ap

    parali

    au dessus des Ides et des

    essences. Il est l'existence

    pure.

    Il

    est l'Etre dont l'essence se confond avec

    l'existence48;

    peine

    le

    voit-on; il est seulement le contact d'une prsence. Finalement, corn

    ine

    l'explicite

    le

    Philbe,

    il faut

    passer

    l'Un,

    le

    Principe

    d'o les

    Ides tirent la

    forme et

    Ttre;

    ce

    Principe

    est

    atteint

    uniquement

    dans

    la

    contemplation.

    Passivit

    psychologique

    Il

    appartenait

    Plotin

    de

    dvelopper l'enseignement

    de

    son mai

    tre dans le sens

    d'une attention accrue la

    composante

    subjective

    de

    l'exercice

    mtaphysique

    et

    la

    transformer ainsi en une

    forme

    de

    contemplation mystique.

    Pour clairer ce dernier

    aspect

    et cela en

    fonction de la doctrine

    dionysienne

    que

    nous

    examinons,

    nous nous

    arrterons sur deux

    aspects.

    Le

    premier

    sera celui de la

    passivit.

    Lisons le

    texte o cette no

    tion

    apparat

    clairement,

    tout en notant au

    passage

    l'effort de Plotin

    45

    Pour A.J.

    Festugiere,

    on

    demeure sur le

    pian

    du

    sensible;

    cf.

    L'idal

    reli

    gieux

    des

    Grecs

    et

    Evangile,

    Paris,

    Lecoffre

    Gabalda, 1981,

    p.

    140.

    46

    Cf.

    Platon,

    Le

    Banquet,

    212a.

    47

    Festugire A.

    J.,

    Contemplation

    et vie

    contemplative

    selon

    Platon, Paris,

    Vrin,

    1936,

    p.

    262.

    48 Ihid., p. 263.

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    20/45

    LA

    DOCTRINE

    MYST1QUE

    DE DENYS L'AROP AGITE 541

    pour

    rendre sa

    description

    moins

    approximative

    comme

    il

    advient

    habituellement

    lorsqu'il s'agit

    de faire le rcit d'une

    exprience spiri

    tuelle leve :

    Rpudiant

    les dsordres de ce monde et s'en tant

    purifie,

    (l'me)

    retourne

    vers

    son

    pre

    et

    se

    trouve

    bien

    (eupathei).

    Qui

    n'a

    pas

    fait cette

    exprience

    (pathma),

    qu'il l'imagine

    partir

    des amours de ce monde

    (...)

    Il

    est alors

    possible

    de

    le voir

    et

    de

    se

    voir,

    dans la mesure o cela est

    permis;

    on

    se

    voit soi-mme clatant

    de

    lumire,

    plein

    de lumire

    intelligible,

    ou

    plutt

    on

    est

    devenu lu

    mire

    pure, subtile, lgre;

    on est devenu ou

    plutt

    on est

    dieu,

    em

    bras alors

    d'amour,

    mme si

    l'on

    retombe sous le

    poids

    comme une

    fleur

    fltrie49. Traduire le mot

    pathma par exprience s'impose

    car

    il

    est clair

    que

    Plotin

    fait

    appel

    non une tude mais

    un vne

    ment. Peu

    importe

    que,

    pour

    dcrire cet

    vnement,

    il

    s'appuie

    sur la

    symbolique

    des

    mystres Lorsqu'il ajoute qu'il

    s'agit

    d'un savoir ac

    cord un

    petit

    nombre:

    Quiconque

    a vu sait ce

    que je

    dis;

    il sait

    que

    l'me a une autre

    vie50,

    il

    est

    clair

    qu'il

    se rfre une

    exp

    rience

    proprement

    spirituelle,

    au

    passage

    une

    autre

    dimension

    que

    l'animation du

    corps;

    il

    s'agit

    de la

    perception

    d'une

    ralit

    symboli

    se par les rites mystriques.

    En

    adoptant

    le terme de

    passivit, Denys ajoute

    cependant

    une

    prcision

    laquelle

    il

    tient,

    puisqu'elle

    fournit

    l'argument

    du c. V de

    la

    Thologie mystique:

    l'exprience

    se

    situe

    au-del des

    oprations

    in

    tellectuelles.

    Ainsi

    trouvons-nous,

    dans les Noms

    divins,

    cette asser

    tion: aux autres

    aspects intelligibles

    (les

    attributs

    divins)

    en

    tant

    que

    pleins

    de

    mystre,

    nous

    nous sommes unis

    au-del d'une

    opration

    intellectuelle,

    selon

    la divine tradition51.

    Plotin,

    au

    contraire,

    en

    appelle

    une

    exprience

    semblable

    au dvoilement de

    la divinit

    dans les

    mystres,

    mais incluant

    une autoconscience de

    Ttre

    spi

    rituel.

    Ainsi arrivons-nous au second

    aspect

    de la doctrine

    plotinienne

    de

    l'exprience mystique:

    celle-ci

    implique

    un effort d'intriorisation

    et

    aboutit une surconscience

    spirituelle.

    La

    description

    d'un tei

    processus

    nous est

    propose,

    par

    exem

    ple,

    en fonction de

    l'ascension vers la

    beaut: Si

    quelqu'un

    d'entre

    49

    Plotin,

    Ennades,

    VI, 9,9.

    50

    Ibid.

    51

    Nous

    adoptons

    la lecture et la traduction

    de

    Scazzoso;

    de Div.

    nom.,

    645

    a,

    in

    Tutte le

    opere, p.

    275 n.43 nous

    nous sommes

    unis,

    au

    passif:

    nous avons

    t

    unis.

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    21/45

    542 CHARLES

    ANDR

    BERNARD,

    S I.

    nous,

    qui

    sommes

    incapables

    de nous voir

    nous-mmes,

    aprs

    avoir

    t

    possd par

    ce

    dieu,

    est

    port

    cette

    vision,

    il

    se

    reprsente

    soi-mme et voit

    son

    image

    embellie;

    et

    si,

    ayant quitt

    cette

    image

    si

    belle,

    il

    s'unit

    soi-mme et refuse dornavant toute scission de l'uni

    t

    qui

    est en mme

    temps

    le

    tout,

    il

    est uni au dieu

    prsent

    dans le

    si

    lence,

    autant

    qu'il

    le

    peut

    et

    le veut. S'il retourne la

    dualit,

    il ne

    cesse

    pas,

    tant

    pur,

    d'tre

    prsent

    au

    dieu si bien

    que,

    s'il se tourne

    vers

    lui,

    il lui est de nouveau

    prsent.

    En

    ce

    retour,

    il

    retire

    un avan

    tage:

    il

    commence

    se

    percevoir

    soi-mme aussi

    longtemps qu'il per

    svre dans la conscience de

    l'altrit;

    revenant

    l'intrieur,

    il

    poss

    de de nouveau le tout52. Les deux mouvements

    d'unification

    et

    d'altrit se succdent mais

    l'union

    permet

    ensuite une altrit sans

    scission

    et

    celle-ci ne met

    pas

    obstacle la recherche de l'union: ce

    mouvement

    de sorde et de retour en

    soi de l'me est rendu

    possible

    en

    raison

    de la

    purification dj opre;

    elle

    dfinit

    un

    processus spi

    rituel

    dj parfaitement

    labor.

    Ce

    qui

    intresse en

    particulier

    Plotin,

    suivant en cela la

    pente

    ontologique

    de la tradition

    grecque,

    c'est

    de

    concevoir

    alors l'union

    de l'me et du corps. Platon s'tait efforc dans le Phdon de montrer

    que l'intelligence

    (le nos),

    tant

    capable

    de s'lever du sensible

    l'Ide universelle et de

    poser

    des

    jugements

    de

    valeur,

    devait se

    souvenir d'une

    vie antrieure

    o elle

    avait

    contempl

    les

    Ides;

    sa vie

    n'est

    donc

    pas

    lie

    l'organisme corporei.

    Bien

    plus

    le nos est

    apparent

    l'Ide

    et

    participe

    donc de sa

    prennit53.

    Bref,

    selon le

    mot du

    Time,

    nous

    sommes

    une

    piante

    non

    pas

    terrestre,

    mais

    cleste

    54,

    une substance idelle et

    immortelle.

    De

    cette

    doctrine,

    Plotin

    recherche

    non

    plus

    une

    justification dialectique

    mais un

    tmoignage

    en

    quelque

    sorte

    exprientiel;

    la

    mtaphysique

    devient

    mystique: Souvent m'veillant moi-mme en sortant de mon corps

    et devenant extrieur

    tout le reste mais intrieur

    moi-mme,

    voyant

    une beaut mrveilleuse et

    tant surtout alors

    persuad

    d'tre

    l'objet

    d'une destine

    suprieure,

    devenu une mme chose avec le

    divin,

    difi en lui et

    exergant

    cette

    activit,

    m'tant

    lev au dessus

    de tout

    autre

    intelligible, aprs

    ce

    repos

    dans

    le

    divin

    tant redescen

    du de

    l'intelligence

    la

    pense

    discursive,

    je

    me demande comment

    52

    PLOTIN, Ennades,

    V,8,1I.

    53

    Platon,

    Phdon,

    78b-80b.

    54

    Platon, Time,

    90 a.

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    22/45

    LA DOCTRINE

    MYSTIQUE

    DE DENYS

    L'AROP AGITE 543

    j'efiectue

    alors cette descente

    et

    comment

    l'me

    a

    jamais pu

    entrer

    en

    mon

    corps, puisqu'elle

    est

    ce

    qu'elle

    m'est

    alors

    apparue

    en

    elle-mme,

    bien

    qu'elle

    soit

    dans un

    corps5

    5.

    Denys

    n'entre

    que

    trs difficilement

    dans cette

    perspective ploti

    nienne d'intriorisation.

    Il est vrai

    que lorsque

    Denys

    dcrit le mouvement

    circulaire de

    l'me

    grce auquel

    celle-ci

    s'lve vers le Beau et le

    Bon,

    il fait

    appel

    un effort

    pralable

    d'intriorisation

    et de recueillement:

    Le mou

    vement

    circulaire de l'me

    est,

    partir

    de

    l'extrieur,

    la rentre en el

    le-mme et

    le rassemblement

    unifi de

    ses

    puissances

    intellectuelles,

    ce

    qui

    lui

    donne,

    comme en un

    cercle,

    de

    ne

    plus

    errer;

    partir

    de

    la

    multiplicit

    extrieure elle

    se tourne et se rassemble

    d'abord en

    el

    le-mme

    puis,

    devenue

    unifie,

    s'unissant

    aux

    puissances

    dj

    uni

    fies,

    elle

    est

    conduite

    comme

    par

    la

    main,

    vers le Bon et le

    Beau,

    qui

    est

    au-dessus de

    tout,

    un

    et

    le

    mme,

    sans

    principe

    et

    sans fin56.

    Mais

    il faut

    remarquer qu'une

    telle intriorisation

    ne

    porte pas

    l'me

    la connaissance

    d'elle-mme;

    elle constitue

    simplement

    une condi

    tion

    pralable

    la

    perception

    de la

    Tharchie.

    Plus proche en cela de la position de Platon, rexpose

    en

    parti

    culier

    par

    Proclus,

    Denys

    considre le terme

    de l'ascension

    mystique

    en fonction

    de l'activit

    mtaphysique

    s'efforsant

    de

    penser

    l'tre.

    Alors ce terme lui

    apparati

    comme dfinissable seulement

    par nga

    tion;

    il

    n'est,

    comme

    l'explique

    le

    c. V de la

    Thologie mystique,

    rien

    d'intelligible,

    au sens o ce

    mot

    possde

    pour

    nous un contenu

    dfi

    nissable.

    De la Cause de tout

    intelligible,

    on

    dira donc

    que

    d'elle

    il

    n'y

    a

    pas

    de saisie

    intellectuelle;

    elle n'est

    ni

    science,

    ni

    vrit,

    ni

    royaut,

    ni

    sagesse57.

    Elle n'est mme

    pas,

    ce

    qu'affirmaient

    pour

    tant,

    et

    lgitimement,

    les

    Esquisses

    thologiques

    esprit

    (pneuma)

    comme nous le connaissons, ni filiation ni paternit, ni tnbre ni

    lumire58.

    Le mouvement

    dionysien

    est

    donc un

    mouvement

    de

    continuel

    dpassement,

    non seulement

    du

    sensible59,

    mais

    aussi de

    l'intelligible,

    vers le terme

    absolument transcendant.

    55

    Plotin,

    Ennades,

    IV,8,1.

    56

    DN 705

    A.

    On

    peut,

    avec

    Scazzoso,

    entendre

    l'expression

    s'unissant

    aux

    puissan

    ces des

    puissances

    angliques.

    Mais

    cela ne

    change pas

    beaucoup

    le

    sens de la ncessaire

    unification

    pralable.

    Simplement,

    l'accent

    est

    mis

    sin

    la mdiation des

    puissances

    angli

    ques

    dans la connaissance

    de Dieu. Cf.

    Scazzoso,

    Tutte

    le

    opere,

    p.

    304,

    n. 39.

    51

    Denys, MT,

    1048

    A.

    58

    Ibid.

    " Ibid., c. IV, 1040D.

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  • 7/25/2019 BERNARD, Ch-A., La Doctrine Mystique de Denys l'Aropagite

    23/45

    544

    CHARLES ANDR

    BERNARD,

    S

    I.

    Le don divin

    Comment

    alors

    poser

    ce terme dtach de tout

    et

    au del de

    tout?

    60

    En

    fait,

    ce n'est

    pas l'esprit qui

    le

    pose;

    mais lui se

    propose.

    Nous

    retrouvons

    ici la

    prire qui

    ouvre la

    Thologie

    mystique

    et

    qui

    seule

    rend

    possible

    les recommandations

    pratiques

    adresses au

    disciple

    Ti

    mothe.

    Denys part

    de la foi en la Trini t

    qui

    est la Tharchie en tant

    que

    manifestation

    de

    la

    fcondit

    transcendante

    (hyperousios)

    des trois

    personnes de laquelle toute paternit tire son existence et son nom au

    ciel et sur

    terre

    (Eph

    3,15)

    61. Sa

    mystique,

    et

    par

    l elle est

    profond

    ment

    chrtienne,

    se fonde donc sur une

    relation

    personnelle

    dont

    l'ini

    tiative

    appartieni

    Dieu.

    Une telle

    perspective apparait

    minemment

    paradoxale.

    D'un

    cot le

    disciple

    doit

    s'exercer en

    dpassant

    les

    oprations

    sensibles

    (symboliques,

    sans

    doute)

    et

    intelligibles;

    de