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    CRITIQUE DU DONNJocelyn Benoist

    Centre Svres | Archives de Philosophie

    2010/1 - Tome 73

    pages 9 27

    ISSN 0003-9632

    Article disponible en ligne l'adresse:

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2010-1-page-9.htm

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    Pour citer cet article :

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Benoist Jocelyn, Critique du donn ,

    Archives de Philosophie, 2010/1 Tome 73, p. 9-27.

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    JOCELYN BE NOIST

    Universit Paris 1 Panthon-Sorbonne Archives Husserl de Paris

    Il est difficile de prtendre donner une caractrisation gnrale du mou-vement qui, au XXe sicle, a port le nom de phnomnologie. Ce sont eneffet des doctrines philosophiques bien diffrentes qui, tout au long de cesicle, se sont tour tour prsentes sous ce titre.

    Contre cet apparent clatement on invoquera la thse heideggrienne,dj en un sens (sans doute diffrent) prsente chez Husserl, selon laquellelide de phnomnologie renverrait dabord et essentiellement un conceptde mthode. Il ne parat pas impossible, en effet, quune mme mthode,applique des objets diffrents, ou dans des perspectives diffrentes, abou-tisse des rsultats diffrents.

    Une mthode, cependant, nest pas neutre. Elle porte avec elle son pro-pre prsuppos, qui dtermine les rsultats quon peut en attendre.

    Quel serait donc le prsuppos de la phnomnologie en gnral, au-delde cette diversit apparente de doctrines qui portent son nom?

    Il semble que la phnomnologie en gnral, en tant que mthode phi-losophique, repose sur lide de donne (Gegebenheit). Les diverses ph-nomnologies peuvent diverger quant linterprtation de cette notion

    cest--dire soit sur ce qui est donn, soit sur comment cest donn. Elles sac-cordent nanmoins sur lide que la tche de la philosophie est de consid-rer cette donne et, en un certain sens, rien quelle. La phnomnologie estproprement lexamen des modes de donnes (Gegebenheitsweisen, disaitHusserl) des choses.

    Une telle reprsentation de la tche de la philosophie, dans sa neutralitallgue mme, nest pas sans soulever des difficults de principe. Celles-ciont trait la grammaire mme du verbe donner qui se voit sollicite dans

    le concept de donne . Quelle est la syntaxe de la phnomnologie? Cettequestion simpose dans la mesure o il semble que la phnomnologie ait unusage technique , proprement philosophique, de ce qui constitue sa for-mule essentielle: celle suivant laquelle les choses seraient donnes . Il

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    importe donc danalyser cet usage linguistique si on veut identifier les pr-supposs de la phnomnologie.

    A lanalyse, la difficult majeure parmi celles lies cet usage apparatrade plus en plus comme celle rsultant de lautonomie de principe que ladmarche phnomnologique semble attribuer au champ de la donne cette autonomie constituant, de son point de vue, la condition de celle de laphnomnologie mme. Or, de la possibilit pour la phnomnologie dtreautonome, cest la lgitimit mme de celle-ci qui dpendrait: il ne peut, eneffet, y avoir de phnomnologie que purement phnomnologique; lintru-sion en elle de tout ingrdient non phnomnologique (donc ne renvoyant

    pas la donne ) la disqualifie comme phnomnologie.En interrogeant ce sens absolu de la donne , cest donc le sens mme

    de ce qui est appel phnomnologie que nous chercherons clarifier.

    On connat le slogan constitutif du mouvement phnomnologique: Retour aux choses mmes! (Zu den Sachen selbst!) Certainement, beau-coup de difficults sont attaches ce motif, ne serait-ce quen vertu du nomqui y est donn ce quoi il faudrait revenir : car, en parlant de choses ,

    na-t-on pas dj trop dit? Cest--dire: plus et autre chose que lvidencephnomnologique. Il est vrai, on y a insist, que lallemand porte iciSachen, et non Dinge, et nenferme donc pas lappel formul dans une dter-mination chosique. On pourrait dire quil sagit plutt ici de ce quoi la pen-se a de toute faon affaire, selon une traduction mise en avant parHeidegger qui, dans ces Sachen de la phnomnologie, nous invite recon-natre lcho de quelque chose comme les pragmata grecs. Cependant yaurait-il l une dtermination plus neutre? Non, certainement, mais toutjuste une autre dtermination.

    Quelle est ladresse de la phnomnologie? Cest--dire: quelle adressea-t-elle toujours dj fixe pour son interrogation? cette question, on trou-vera probablement autant de rponses quil y a de phnomnologies, preuvedu caractre minemment prsuppositionnel dun savoir qui sest voulu sansprsupposition.

    Quoi quil en soit de ces difficults, on entend pourtant sans nul doutedans cet appel retour aux choses mmes! une exigence essentielle, laquelle on ne peut que regretter que la philosophie contemporaine croie,

    dans son ensemble, des deux cts de la fracture qui la traverse (et y com-pris, en rgle gnrale, dans le camp des supposs hritiers de la traditionphnomnologique) pouvoir se soustraire impunment. De quoi en effet laphilosophie devrait-elle parler, sinon des choses mmes , ou en tout cas de

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    la faon dont nous parlons de ces choses (et de rien dautre quelles 1), etdont nous pensons elles (et rien dautre quelles)?

    La phnomnologie introduit cependant immdiatement une interpr-tation spciale de son propre motif qui, toute innocente quelle paraisse,est source de nombreuses difficults. Selon cette interprtation, retouraux choses mmes! signifie retour aux choses telles quelles sont don-nes !

    Comment donc entendre cette condition de donne (Gegebenheit)? Leschoses mmes et les choses telles quelles sont donnes , est-ce la mmechose?

    En un certain sens, cest bien le cas, ou en tout cas celapeut ltre. Laforce de la phnomnologie consiste en ce quelle affirme prcisment quela chose mme peut tre donne, que, au moins dans certains cas privilgis,ce qui est donn , cest la chose mme. Nest-ce pas l le sens tymologi-que de ce que nous appelons ordinairementperception : que la chose soitbien rellement, compltement saisie , et quil y ait donc donne de lachose mme ?

    Cependant, mme dans ce cas-l, une question demeure: quest-ce quap-porte et quest-ce que comporte implicitement de qualifier cette mmechose de donne ?

    Considrons de plus prs la mtaphore de la donne. Il nest pas inutilede remarquer quil sagit dune mtaphore: aucun transfert de proprit relnest ici en effet en jeu.

    Quest-ce qui est donc compris dans lide de don, telle quelle forme leradical de la notion de donne ? Pour faire sortir cette question du simpleregistre de lassociation et de la suggestion dide ide, et lui donner unevritable rigueur et objectivit, on reviendra au langage et on se demandera:

    quelle est la syntaxe du verbe donner ?Quelquun donne quelque chose quelquun : telle est la syntaxe nor-

    male du verbe donner .

    Nous pouvons donc remarquer, en premier lieu, que le verbe donner requiert normalement un sujet, et plus prcisment un sujet personnel. Biensr, il est possible de dire, par exemple, que la nature donne quelque chose.Il sagit cependant dj l dune mtaphore, dans laquelle nous sommesconfronts la personnalisation dune instance qui nest pas personnelle.

    1. Ce qui constitue le principe, grammatical, de leur mmet la phnomnologie,avec sa mise en uvre trs particulire de lide de donne , reposant dans une large mesuresur loubli de cette grammaticalit.

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    De ce point de vue, il y a quelque chose de particulier dans lusage phi-losophique traditionnel du concept de donn , tel que la phnomnologiele reprend 2 : savoir que ce donn nest donn par personne (en tout cas parpersonne en particulier).

    Il y aurait, en ce sens, un anonymat essentiel de ce don auquel la ph-nomnologie sintresse. Cest un aspect de la soi-disant radicalit duconcept phnomnologique de la donne . Ce point est ressorti rcemmentdans le dbat contemporain sur la nature ( thologique ou non) de la ph-nomnologie. Dominique Janicaud 3 a souponn Jean-Luc Marion de vou-loir, par le rle central quil accorde ce quil appelle donation (qui se

    prsente comme une rinterprtation maximalisante de la donne hus-serlienne) dans sa propre phnomnologie, indiquer le pralable dune ins-tance donatrice. Jean-Luc Marion a rpliqu 4, de faon parfaitement cor-recte, que, selon le concept phnomnologique de donn ou de la donation , aucun donateurnest requis. On pourrait dire que, dans unetelle perspective, le don lui-mme est plus radical que tout donateur: sil ya un tel donateur, il devrait tre lui-mme constitu phnomnologiquementdepuis le fait premier du don. Le concept dun possible donateur dpendde celui du donner, et non linverse.

    Ainsi le donn phnomnologique (tout comme, vraisemblablement,celui des philosophes en gnral, dans la tradition moderne de la thorie dela connaissance) reprsente un cas bien singulier de donn: celui dun donnqui nest donn par personne. Il y a l une premire infraction la gram-maire usuelle du donner .

    De lautre ct, cette mme grammaire suppose quelquun qui il soitdonn. Le concept du donner est comme tel un concept corrlationnel.Dans le dictionnaire des frres Grimm, larticle Geben , on peut lire:

    le fait que lautre prenne, accepte, appartient au concept du donner (alorsquil y a un prendre sans donner correspondant), car l o il sagit dun gesteunilatral de la part du donateur, cela sappelle prcisment offrir.

    2. Il faut remarquer que celui-ci, sil appartient la tradition empiriste moderne, laquelletait directement confront Husserl il est notamment central chez Mach nest nullement lefait de la tradition empiriste classique; on le chercherait en vain chez Locke ou Hume. Cest,dans une trs large mesure, une invention de la philosophie transcendantale, et ceci pour desraisons qui nont rien dincident: traiter quelque chose comme donn , cest toujours dj leplacer sous le contrle de lesprit.

    3. Dominique JANICAUD, Le tournant thologique de la phnomnologie franaise,Combas, d. de lclat, 1991.

    4. Jean-Luc MARION, tant donn, Paris, PUF, 1997 et Le visible et le rvl, Paris, d.du Cerf, 2005.

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    Cette remarque grammaticale est dune importance dcisive. Elle dcledans le donner au sens ordinaire du terme un acte essentiellement social.Donner nest pas un acte solitaire, mais implique au moins deux personnes.Plus prcisment: donner est un acte qui, en lui-mme, demande tre com-plt. Ce nest pas un acte autonome; il ne peut se complter, et par suitetre pleinement lacte quil est, que l o intervient un autre acte: un pren-dre ou plutt recevoir car inversement, comme il renvoie la prise dece qui est donn en tant que cela lest, ce prendre devient un recevoir .

    Les frres Grimm parlent ce propos de rciprocit ou mutualit (Wechselseitigkeit). Sans doute la formule est-elle excessive et un peu ga-

    rante. En effet, la grammaire du verbe donner suppose une asymtrieessentielle. Il faut distinguer ici deux rles opposs: celui de qui donne etcelui de qui reoit. Ces rles ne sont absolument pas interchangeables. Bienquune certaine anthropologie ait mis en lumire comment le don nestjamais quun moment dun cycle dchange 5, il reste que le don en tant quetel ne rclame aucune rciprocit immdiate. Il est essentiel que le retour,mme sil appartient la logique du don, soit temporellement diffr; cerenvoi est ncessaire afin, pour ainsi dire, disoler logiquement le don en tantque don. Qui donne, donne gratuitement, et celui qui il est donn est, au

    moins en principe, libre de contre-donner quelque chose ou non.Cette libert dinitiative apparente du contre-don ne rend pas le don enquoi que ce soit moins social : l o il sagit bien dun don au sens usuel duterme, ce qui est en question, cest un coup dtermin dans une interactionentre des personnes diffrentes 6, que ce coup entrane ou non des cons-quences ultrieures.

    Au contraire, lusage phnomnologique du mot semble le dsocialiseressentiellement. Cela ne signifie bien sr pas que la phnomnologie nepuisse pas prendre en compte le phnomne du don au sens ordinaire du

    terme, ni ne puisse rien en dire. Une phnomnologie rgionale du don-ner au sens restreint du terme est assurment possible, et vraisemblablementindispensable. Cela signifie seulement que, dans la mesure o la phnom-nologie, comme dautres philosophies avant elle, veut galement mettre enuvre un concept purement philosophique du donner en gnral, elle metentre parenthses cette socialit, et ne la tient pas pour une condition designification essentielle dudit concept.

    5. Voir le commentaire magistral de Bruno Karsenti sur Mauss : Bruno KARSENTI,Lhomme total. Sociologie, anthropologie et philosophie chez Marcel Mauss, Paris, PUF, 1997.

    6. Qui peuvent, dans le cas limite, tre le mme individu, comme lorsque je me fais uncadeau moi-mme . Il ne sagit pas moins alors depersonnes diffrentes. Mais on frle ici lab-surdit comme partout o une syntaxe est dtourne.

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    La bonne question ds lors est de savoir, si nous essayons de soustraire leconcept de donner cette interaction qui semble constituer son fondessentiel, quelle condition minimale nous permet encore de parler, en quel-que sens que ce soit, de donner ?

    Cette condition minimale qui maintient quelque pertinence pour lanotion, il est trs difficile de ne pas la voir dans le fait quil y ait bien l (aumoins) quelquun pour recevoir. Cest par rapport ce quelquun et seule-ment par rapport lui que cela peut continuer avoir un sens de prsenterles choses comme donnes . Que serait un don qui ne serait pas donn quelquun?

    On sait que, historiquement, il y a eu des tentatives dintroduire unconcept de donn sans rcepteur ou renvoyant une fonction logiquefaible, non dterminante, du rcepteur. Le donn, selon le mot de Machrepris par Carnap, serait sans sujet . Dans la premire phnomnologie deHusserl aussi (dans la premire dition des Recherches logiques 7), et peut-tre chez Heidegger (mais au moment o il ne caractrise plus sa pensecomme phnomnologie) on trouve quelque chose de ce genre. Ce nestcependant pas la tendance fondamentale de la phnomnologie : en rglegnrale, les phnomnologues semblent reconnatre quappartient essen-

    tiellement leur concept du donner lide de quelquun qui (en un sensou en un autre) reoit. Le maintien dune telle ide semble constituer unecondition ncessaire pour que le donn phnomnologique en demeureun en un sens largi du terme. Si on supprime cette condition, il est relle-ment difficile daccorder quelque sens que ce soit cet usage du mot. Aussi,on pourrait dire jusqu un certain point que la lgitimit du donn phno-mnologique en tant que donn rside dans linstance rceptrice et que,en consquence, la doctrine phnomnologique de la donne est essen-tiellement une doctrine de la rception.

    Par aprs, il y a de multiples identifications possibles de linstance rcep-trice: conscience anonyme (ce serait la position de la premire dition desRecherches logiques), ego absolu (ce serait la position des Ideen), Dasein(premier Heidegger) ou sujet (Levinas). Autant de phnomnologies diff-rentes en rsultent. Cependant elles ont toutes pour fondement communcette ide du donner comme donner quelquun, ou en tout cas quel-que chose .

    Ainsi pourrait-on dire que la phnomnologie ne retient quune face dela structure sociale du don, isole cette face et, en un certain sens, labsolu-tise. Comme si la vrit de lacte de donner rsidait dans la simple rception.

    7. Voir le 8 de la Recherche V.

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    Cette dformation dune structure essentiellement sociale, qui la dsocia-lise, est en soi un fait assez remarquable (bien que peu remarqu).

    Tout se passe comme si la phnomnologie ne retenait quun certainaspect de la structure, pour utiliser celui-ci indpendamment de ce avec quoiil est essentiellement li et qui est une condition de son sens.

    Ce renversement de la logique du don qui, dans une telle perspective, sevoit systmatiquement reconduit au rcepteur (ou en tout cas ce qui reoit),a une consquence importante: la relativisation de la ralit du donn.

    La grammaire usuelle du verbe donner porte, comme celle de beau-coup dautres verbes, que ce qui est donn doive tre effectif du moins

    doive avoir le genre de ralit quil peut avoir. L o il ny a rien donner, ilne peut pas y avoir de don.

    Bien sr, je peux toujours donner une chose pour une autre. Comme ondit par exemple : se donner pour autre quon nest. Parfois je peux aussiessayer de faire comme si je donnais, sans donner quoi que ce soit. Dans lepremier cas il faudra dire cependant que je nai donn que ce que jai en effetdonn, et non pas ce que jai prtendu donner. Dans le second cas, que je naipurement et simplementpas donn. Ne rien donner, cest ne pas donner.

    Ainsi donner suppose-t-il quil y ait quelque chose donner quil yait un objet du donner qui, en un certain sens, est indpendant de ce don(quand bien mme il sagit de pur amour ou despoir).

    Il y a l un trait grammatical important du donner .

    Ce point est tout fait essentiel. Certains usages philosophiques sensont nourris. Par exemple, lorsque Frege parle du genre dtre donn dun objet (cest une dfinition de son concept du sens 8 ), il est clair quele fait que quelque chose soit donn implique que ce quelque chose soit.En premier lieu quelque chose est, puis cela peut tre donn de diffrentes

    faons.Cela signifie, soit dit en passant, que le concept frgen de sens nest pas

    homogne, puisque, dans le cas particulier de la fiction, le dfaut dobjetexclut que le sens puisse tre un genre dtre donn 9. De quoi donc pour-rait-il, alors, tre ltre donn? L o la valeur cognitive (Erkenntniswert)manque, un autre concept de sens entre en lice ou du moins un autre pointde vue sur le sens.

    8. Voir Gottlob FREGE, Sens et rfrence , tr. fr. Jocelyn Benoist, in Bruno AMBROISEet Sandra LAUGIER, Philosophie du langage, T. I, collection Textes cls , Paris, Vrin, 2009,p. 53.

    9. Sur ce point, voir Gareth EVANS, The Varieties of Reference, John McDowell ed.,Oxford, Oxford University Press, 1982.

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    En revanche, l o Frege mobilise le concept de donn , cest toujoursen un sens strictement raliste. De ce point de vue, sa faon den user sins-crit dans le prolongement du concept naturel de donn.

    Quen est-il, inversement, du concept de donn mis en jeu par la ph-nomnologie, qui parfois a t rapproch du concept frgen 10 ?

    Le moins quon puisse dire est quil nest pas vident de rpondre cettequestion. Do tous les atermoiements dont lhistoire de la phnomnolo-gie a pu tre le thtre, partir du moment o celle-ci a d rpondre uncertain type de critique raliste 11, dveloppe dabord dans son sein, puisde faon externe 12.

    Cette absence de clart mme nest pas insignifiante. Elle est le symp-tme que lusage phnomnologique du lexique du don viole dans unelarge mesure la grammaire naturelle de ce lexique, sans que la nature exactede cette violation soit toujours bien dfinie.

    En effet, selon la perspective phnomnologique, il peut parfois semblerque quelque chose puisse tre donn sans quil y ait quelque chose quisoit donn.

    De toute vidence cet nonc est ambigu et appelle une plus ample ana-

    lyse. Il nest possible que dans la mesure o il y a deux faons dentendreque quelque chose est donn . Les phnomnologues nont jamais ni que,l o il y a donation , en un certain sens, il faut ncessairement que quel-que chose soit donn. Il ny a donation que dans la mesure o il y a undonn, et ladite donation est alors prcisment donation de ce donn. Ladiffrence fondamentale entre leur usage et lusage courant du verbe don-ner est quilsfont dpendre ce donn de cette mme donation . Cela signi-fie que, dans leur perspective, il peut y avoir un donner sans donn ind-pendant. Ou, plus prcisment, sans quil puisse y avoir de certitude quant

    au fait que ce donn soit indpendant du donner qui le donne.Ainsi la phnomnologie introduit-elle une signification non naturelle

    du donn. Quelque chose est donn. Mais suis-je sr que quelque chose estrellement donn? En aucun cas! Pourtant, dit-on, cela conserve tout sonsens de parler ici de donn . Ce serait mme l le sens dans lequel nous

    10. Voir, classiquement, Dagfinn FLLESDAL, La Notion husserlienne de Nome (1969),tr. fr. par Jean-Michel Roy, in Les tudes philosophiques, 1995, p. 5-12.

    11. On peut penser ici Scheler, dont il faudrait rvaluer les recherches mtaphysiquesultimes.

    12. Au dpart, on peut penser Russell contre Brentano. Plus prs de nous, aux critiquesroboratives de Vincent Descombes (voir, notamment, La denre mentale, Paris, d. de Minuit,1995).

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    devrions, en gnral, parler de donn , un sens dans lequel il est indiff-rent quil y ait rellement un donn ou non.

    En dautres termes, on pourrait dire que la phnomnologie ne privil-gie pas tant le concept dtre-donn (Gegebensein, comme dirait Frege) quecelui de donne ou donnit (Gegebenheit). Le simple fait que quel-que chose soit donn constitue le thme de la phnomnologie indpendam-ment de ltre de ce donn. Une certaine phnomnologie dirait que lobjetde la phnomnologie sidentifie en consquence au donn en tant que tel au pur donn. Cette faon de parler est cependant trange, puisque, nor-malement, ce qui est donn est, et cet tre appartient son concept. Le rqui-

    sit phnomnologique est que cela ait un sens de considrer ce donn ind-pendamment de son tre et du fait quun tre authentique lui revient ounon.

    Ainsi lanalyse phnomnologique se dveloppe-t-elle au pur royaumedes modes de donne (Gegebenheitsweisen) cest--dire, en un certainsens, en considrant comment sont donnes les choses indpendamment dufait quelles soient rellement donnes ou non, ou, en dautres termes, quel-les soient des choses donnes relles ou non.

    Il serait pourtant erron den infrer que ce qui est donn au sens de laphnomnologie doive ncessairement manquer dtre, ou que cet tre quidevrait revenir au donn (dans certains cas sinon dans tous) ne serait abso-lument pas pensable du point de vue phnomnologique. Comme si la ph-nomnologie ntait pas capable de traiter le don au sens propre du terme.

    Or il est certain que la phnomnologie essaie de thmatiser le donauthentique comme un cas particulier du donner en gnral. On pourraitmme dire que ce cas particulier se taille la part du lion dans lanalyse ph-nomnologique.

    La thse fondamentale de la phnomnologie est bien connue: les cho-ses mmes peuvent tre donnes. Cette possibilit dune donne danslaquelle la chose mme est donne, en dautres termes dune donne enpersonne , dune auto-donne (Selbstgegebenheit), est fondatrice du sensphnomnologique de la donne en gnral. Cela ne signifie pas que toutedonne phnomnologique soit auto-donne, mais que lauto-donne est unepossibilit essentielle de la donne phnomnologique.

    Or la phnomnologie affirme bien que, dans ce cas, ce qui est donn,est. Elle est donc capable de thmatiser un don qui est un authentique don:le don de quelque chose qui est.

    Toutefois le concept phnomnologique de la donne demeure unconcept plus large que celui de lauto-donne. En phnomnologie, il a un

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    sens de parler dune donne l o ce qui est donn nest pas au sens propredu terme, ni nest donn comme tant. Dun tel point de vue, ltre semble,pour ainsi dire, une proprit optionnelle particulire du donn. En revan-che, la structure gnrale de la donne ninclut en tant que telle aucune pr-supposition ontologique.

    La phnomnologie naissante a mis en avant le cas des objets inexis-tants comme sa pierre de touche. Lextension du concept de la donne, quiporta avec elle ce privilge accord au non-existant (en renversement du soi-disant prjug philosophique traditionnel en faveur du rel ), sembleavoir t une condition ncessaire de lessor dune problmatique phnom-

    nologique.Dans une telle perspective, on pourrait dire que quelque chose est daborddonn,puis, en un second temps seulement, se pose la question de savoir sicela est ou non. La phnomnologie peut et probablement doit conduire une ontologie; elle conserve cependant son autonomie par rapport lonto-logie, et une sorte de primat par rapport celle-ci. Du point de vue phno-mnologique, ltre est constituer depuis la donne, et non linverse.

    Cette libert ontologique de la donne phnomnologique, ou ce primatthorique de cette donne par rapport ltre, comporte des consquences

    qui concernent aussi linterprtation du cas o le donn est au sens propredu terme. Cest--dire: ce donn tant est donc considr par la phnom-nologie comme un donn dont il nest pas ncessairement vrai quil est, etdont ltre est justifier.

    De ce point de vue, il est indispensable de mditer lambigut de lanotion phnomnologique de l auto-donne . Nous avons fait comme si auto-donne voulait dire la mme chose que: tre-donn (Gegebensein)de la chose. Ce nest cependant pas si clair. Lauto-donne nest rien dautrequune certaine modalit de la donne. Aussi, mme si, en celle-ci, la chosemme semble tre donne, on ne peut pas compltement exclure que, enfait, rien dtant (ou un autre tant quil ny parat) ne soit donn par l.

    Cette affirmation semble aller lencontre de la doctrine fondamentalede la phnomnologie. Un principe essentiel de cette doctrine semble trequil y a des situations d vidence , dans lesquelles la chose est donneen personne , et les choses sont ncessairement ce quelles paraissent. Cequi est usuellement nomm perception est de ce point de vue un modle,comme le terme allemand correspondant (Wahrnehmung) le suggre.

    Husserl fait son tour le jeu de mots philosophique traditionnel queBrentano avait dj repris: cette perception nest-elle pas essentiellement vraie (wahr) ? Il en rsulterait que, partout o il y a perception , le peru devrait tre, et tre exactement comme il est peru.

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    Pourtant il est inexact didentifier strictement le soi-disant phnomnephnomnologique fondamental de lauto-donne avec une perception ence sens philosophiquement labor. Bien que cette ide dauto-donne setrouve au fondement de la doctrine phnomnologique de la connaissance,il nest pas si clair quelle appartienne essentiellement cette doctrine (entant que doctrine de la connaissance), ni quelle inclue le concept de vrit et encore moins celui de ralit .

    Significative ici est la diffrence que Husserl fait parfois entre Wahrnehmung et Perzeption 13. Une perception au sens de Wahrnehmungest ncessairement vraie cest analytiquement inclus dans son concept.Nanmoins, il y a aussi ce que Husserl nomme Falschnehmungen desperceptions qui sont fausses (falsch) serait-on tent de dire; cependant, sion leur applique le concept de perception comme Wahrnehmung, cela napas de sens; il ne peut sagir de perceptions en ce sens-l.

    En fait une Falschnehmung est une modalit de conscience danslaquelle la conscience a le mme genre de prtention la vrit que dans laWahrnehmung, mais est dans le faux.

    Cela signifie quil y a des actes qui sont de mme type que les percep-tions au sens de la Wahrnehmunget qui, pourtant, ne peuvent pas tre dter-

    mins, contrairement celles-ci, par leur valeur cognitive positive (le vrai ).Naturellement, le concept de perception au sens de la Wahrnehmungest,

    en vertu de son caractre purement gnosologique, extrmement gnral etil se rapporte des actes qui, du point de vue phnomnologique, sont trsvaris. Si, cependant, nous nous limitons au cas o il sagit de perception ausens usuel du terme, cest--dire de ce quon appelle perception sensible (sinnliche Wahrnehmung, ce qui est le modle dont part Husserl), il sembleclair quune constitution phnomnologique particulire revient ce genredactes, ct de leur prtention constitutive la vrit. Ce sont des actes

    dun genre quon pourrait appeler perception (Perzeption) encore en unautre sens, un sens cognitivement neutre, ou disons indiffrent.

    Le point intressant est que Husserl nexige pas dun acte quil soit vraipour tre une perception au sens de Perzeption. Dire quil sagit dune per-ception en ce deuxime (mais peut-tre en un senspremier, au sens de: plusfondamental) sens du terme nest pas attribuer lacte ou son contenu quelque valeur de vrit que ce soit.

    13. Voir notamment lessai de 1898 sur la perception dit par Thomas Vongehr et RegulaGiuliani comme complment I du volume XXXVIII des Husserliana, Wahrnehmung undAufmerksamkeit. Texte aus dem Nachlass (1893-1912), Dordrecht, Kluwer, 2004, que jai com-ment au chapitre I de Sens et sensibilit. Lintentionalit en contexte, Paris, d. du Cerf, 2009.On trouverait galement une telle distinction, plus marginalement, dans Chose et espace (1907).

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    Il y a l une relle difficult phnomnologique. La prtention la vritsemble, premire vue, tre essentielle aux actes perceptuels, y compris ausens le plus familier du terme. Pourtant, bien y regarder, ce nest peut-trepas si vident. Est-il correct de dcrire toute perception comme une connais-sance? De l dpend quil soit sens de lappeler Wahrnehmungau sens pr-gnant du terme.

    Nous pouvons laisser cette question en suspens 14, puisque Husserl nesest pas toujours montr absolument clair en ce qui la regarde. En revan-che, il est clair, de son point de vue, quune perception au sens de Perzeptionpeut certainement trefausse cest alors un cas de Falschnehmung.

    Or le point dcisif est le suivant: une telle perception fausse (autre-ment dit : illusion) est pourtant bien caractrise par cette auto-donne qui est un trait caractristique de la perception en gnral, commePerzeption. Cest comme si cette chose qui nest pas (ou nest pas commeelle parat) tait elle-mme donne. Plus exactement: elle est auto-don-ne indpendamment du fait quelle soit ou non. Ainsi, par exemple, le poi-gnard que voit Macbeth est-il auto-donn (puisque vu ).

    Is this a Dagger, which I see before me

    Lauto-donne nest donc en elle-mme ni une proprit gnosologiqueni une proprit ontologique, mais une proprit purement phnomnolo-gique, qui se rapporte la qualit phnomnologique de la donne. De ceque quelque chose est auto-donn il ne rsulte pas toujours que ce quel-que chose est, cela mme lorsque lauto-donne encourage son interprta-tion comme donne de quelque chose qui est.

    Encore une fois, cela ne signifie pas que, partout o quelque chose estauto-donn, ce quelque chose ne soit pas, ou ne soit pas comme il est

    donn . Tout au contraire, les choses, dans ce cas, sont, en rgle gnrale,exactement comme elles paraissent. Il y a assurment des cas o les choses elles-mmes sont donnes (et mme plus: auto-donnes), et cet tre-donn,et tre-auto-donn de la chose mme est, dans ces cas, une dimension de l(auto-) donne elle-mme: cest prcisment ce qui qualifie cette donnecomme perception au sens pistmique de la Wahrnehmung. Ce nest pasalors comme sil y avait, par exemple, un acte perceptuel, qui vaudrait ext-rieurement comme perception au sens cognitif du terme, parce quil se trou-

    14. Le gnie de Merleau-Ponty est dy avoir rpondu par la ngative: la perception, en sonfond (cest--dire en ses termes propres), ne doit pas tre dcrite comme connaissance . Lefaire, cest toujours avoir perdu le sens de la perception. Voir le texte dcisif du Primat de la

    perception et ses consquences philosophiques (1946), Paris, ditions Verdier, 1996.

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    verait par hasard tre vrai. Le fait quil soit vrai est bien plutt une partde sa constitution phnomnologique et le dtermine comme lacte quil est.Les perceptions au sens de Wahrnehmungsont un genre dactes en soi : desactes qui se caractrisent par cela quils atteignent leur but (cognitif).

    Or le fait que le but est atteint ne peut gagner un sens, du point de vuephnomnologique, que par cela quil devient une dtermination interne dela donne.

    Dans cette vue selon laquelle ltre-donn de la chose elle-mme est uncaractre interne dun certain genre de donne, il y a assurment un noyaude vrit. Il ny a pas lieu den douter: il y a un certain genre dexprience

    dans laquelle nous sommes confronts quelque chose qui est et, qui plusest, ltre de cette chose. Il me semble mme que cest l la leon la plusconcrte quon puisse retirer de la phnomnologie, et voil, je crois, ce quoi nous ne devons pas renoncer.

    Tout dpend cependant de ce quon entend lorsquon dit, dans ce genrede donne, que la chose elle-mme est donne.

    Dun ct, on peut simplement constater cela comme un fait. Il y a ungenre de donne dans laquelle les choses elles-mmes sont donnes. Il ny a

    rien de plus dire. Ainsi par exemple devons-nous rendre justice au simplefait de la perception (au sens usuel du terme). Dans cette exprience notreenvironnement immdiat nous est donn. Cet tre-donn est un fait, quenous ne pouvons ignorer, et dont nous devons partir.

    Dun autre ct, une certaine philosophie peut tre encline interprterce fait primitif comme quelque chose qui devrait trefond et constitu.Dans ce cas, cet tre-donn, bien quil soit bien reconnu dans sa spcificit,est trait comme un cas particulier dun sens plus large de la donne uncas particulier dont la spcificit doit tre constitue en adoptant le point de

    vue de ce sens plus large de la donne. Alors la donne propre (eigentli-che Gegebenheit) est elle-mme encore considre dans la perspective de ladonne en gnral, comme un cas particulier dune donne qui pourrait treimpropre (cest--dire sans tre-donn rel), cas de donne dont il faudraittablir quil est propre .

    Tel est, je le crains, le point de vue de la phnomnologie. On en trou-vera une preuve dans le fait que celle-ci, dans son auto-interprtation de sadoctrine de lvidence, accorde au concept de vrit la priorit sur celuidtre. Du point de vue phnomnologique, est exactement ce qui est lob-jet dune vise vraie. Ainsi le concept dtre dpend-il de celui de vrit.

    Il ny a pas de mystre. La phnomnologie considre toujours les cho-ses du point de vue de leur accessibilit. On pourrait aussi bien la caract-

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    riser comme une doctrine de laccs en gnral. Or il nest pas du tout vi-dent quil soit sens de dcrire le cas o la chose est purement et simplementdonne comme une forme daccs . Parler d accs prsuppose toujoursquon considre la situation dun point de vue selon lequel la chose ne seraitpas donne, et serait donner.

    En adoptant un tel point de vue, na-t-on pas toujours dj outrepass lesens dexpriences fondamentales telle que la perception? La perception ausens usuel de ce mot nest pas tant accs la chose mme que prsence pureet simple de cette chose. Dans cette mesure mme il nest pas clair que celaait un sens de la caractriser comme une connaissance, pas plus que comme

    vraie . Elle est exactement ce quelle est, et le peru comme tel est trepur et simple un tre par rapport auquel certainement des questions peu-vent se poser quand nous essayons de dvelopper une conception cohrentedu monde, mais cela ne retire cet tre rien de son tre propre 15.

    On demandera pourtant encore: les choses sont-elles donc toujours tel-les quelles apparaissent dans la perception? La rsilience de cette question,quon ne parvient, tant quon se situe dans une certaine optique, ni rsou-dre, ni liminer, comme si elle navait pas vraiment de rponse, est cepen-dant le symptme quon cherche ici, encore et toujours, mesurer la per-

    ception autre chose quelle-mme et donc quon lui pose bel et bien unequestion laquelle elle ne peut pas rpondre. Il semble quil y ait uneincroyable rsistance de la part de la philosophie accepter la perceptionpour elle-mme, cest--dire pour la forme dpreuve de ltre quelle est. Eninterprtant la perception comme un genre de donne , la phnomnolo-gie a simultanment essay de surmonter cette rsistance, et la conserve,puisque, dans ce concept de la donne , on trouve toujours la possibilitdune distance entre ce qui est donn et son don.

    Il est donc temps de se demander: quel pourrait tre le contraire de laphnomnologie?Contraire veut dire ici autant que contrepartie celle qui adopte, en

    cohrence avec ce que nous avons dit, le point de vue de ltre, et non plusdu donn, mais, en un certain sens, strictement propos de la mme chose. savoir la chose mme.

    En premier lieu, il parat clair que ce contraire ou cette contrepartiedevra traiter la perception et, en gnral, le cas o la chose est rellement

    15. Ces questions, vrai dire, se rapportent plus aux concepts que nous lui appliquons etqui le mettent en jeu (ce quon appelle usuellement concepts perceptuels ) qu cet tre lui-mme, mais nous rserverons le traitement de cette difficult purement grammaticale pourun autre texte.

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    donne, non pas comme un cas particulier de la donne, mais comme soncas paradigmatique.

    Dans un essai important, John McDowell invite, l o nous interrogeonslintentionalit, privilgier les intuitions, dans lesquelles des objets relssont rellement prsents des sujets, plutt que des actes intellectuels telsque la pense dune montagne dor 16. Cela pourrait avoir un air de phno-mnologie. Nest-il pas connu que la phnomnologie se distingue par le pri-vilge quelle accorde lintuition? Cette exigence, pourtant, contresigne unrenversement de la perspective phnomnologique. Il est en effet caractris-tique de cette dernire perspective que le cas que McDowell tient pour exem-

    plaire y soit considr comme cas particulier dune structure plus gnrale;et, dans la dtermination historique et conceptuelle dune telle structure,des objets fantomatiques tels que la montagne dor ont jou un rle fonda-mental 17. Aussi McDowell ne nous propose-t-il pas seulement une phno-mnologie dans laquelle ce serait larbre en face de nous et non pas le cen-taure qui joue de la flte qui serait paradigmatique, mais bien un sensalternatif de la donne, selon lequel celle-ci est essentiellement tre-donnrel. En dautres termes, lide fondamentale de McDowell est que la discus-sion sur les soi-disant objets intentionnels ne constitue pas la voie royale

    vers le sens vritable de lintentionalit. Cette voie pourrait mme, en rglegnrale, savrer garante.

    Dans une telle perspective, la perception nest plus un cas particulier(mme privilgi) de lintentionalit, mais sa forme fondamentale.

    En second lieu, cela ne signifie cependant pas quil ny en ait pas dau-tres formes. Il est clair que lesprit peut adopter des attitudes trs diverses lgard de son environnement. Dont certaines dans lesquelles il soccupede montagnes dor ou de labsence de la bien-aime perdue. Cest l une partde la ralit de lesprit.

    L-dessus sur cette intentionalit non percevante (au sens vritatifdu terme) McDowell dit fort peu, ou en tout cas pas grand-chose dint-ressant. Il ne la rcuse pas. Cependant, comme il veut prouver avant tout quelintentionalit peut tre quelque chose dautre et primairement lest, il neressent pas la ncessit de dvelopper une vritable thorie nuance (cest--dire diffrencie) de tels cas 18.

    16. John MCDOWELL, Woodbridge Lectures, III, The Journal of Philosophy, Bd. 95, 9,sept. 1998, p. 482.

    17. Voir lenqute historique que jai prsente dans Reprsentations sans objet. Aux ori-gines de la phnomnologie et de la philosophie analytique, Paris, PUF, 2001.

    18. On trouverait plus de suggestions, de ce point de vue, dans EVANS, The Varieties ofReference, op. cit.

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    Ds lors, si nous voulons offrir une philosophie de lesprit complte, nousdevons en un certain sens inverser le programme de la phnomnologie: toutcomme la phnomnologie montre que lintentionalit peut aussi tre uneperception au sens dune Wahrnehmung, nous devons montrer quelle peutaussi viser quelque chose dirrel. Nous devons disposer dune thorie delintentionalit fausse et, plus encore, de lintentionalit fictionnelle .

    En ce qui concerne le cas de lintentionalitfausse, la difficult nest passi grande, car quelque chose ne peut tre faux que si cest faux de quelquechose ce quiprsuppose prcisment ce second quelque chose .

    Dcisive pour le concept phnomnologique de lintentionalit est la

    mtaphore de la vise. Or cette mtaphore peut tre garante, et elle appelleune analyse plus prcise, si on veut en viter une msinterprtation couranteen phnomnologie.

    Quand je vise quelque chose, il peut bien sr y avoir mprise sur ce quevise. Je peux viser une biche et tuer une princesse. Pourtant on ne peut pasdire, en rgle gnrale, que je naie rien vis. Il y a rellement quelque choseque jai vis, mme si je lai pris pour autre chose. Mme ce frmissementdu feuillage nest pas rien, bien quil ne sagisse pas dune biche.

    Bien sr, il y a aussi le cas-limite de la pure et simple hallucination. Cestcependant, prcisment, un cas-limite, et il ne saurait tre tenu pour le casnormal de la vise. Du reste, sil peut nous arriver incidemment de viser dansune hallucination quelque chose qui nexiste purement et simplement pas,cest justementparce que et dans la mesure o, en gnral, nous sommescapables de viser quelque chose qui existe. (Il y aurait du reste lieu de sedemander sil ny a pas toujours quelque chose qui, en un certain sens,constitue lobjet rel de lhallucination. Cependant nous laisserons ici ceproblme de ct, la question de lhallucination 19 constituant certainement

    un des points les plus difficiles, et les moins clairs de la philosophie de laperception.)

    La logique de cette mtaphore de la vise (dont il nest pas dit du restequelle soit pertinente pour lensemble des phnomnes mentaux, ni mmepour une part importante dentre eux, mais cest une autre question) ne nousconduit donc nullement lhypothse gnralise dune intentionnalit sanscorrlat rel et dune donne sans vritable tre-donn, mais encore une foisau simple tre pr-donn de lobjet. Quelque chose doit bien exister, pour

    19. A bien distinguer de celle de lillusion autour de laquelle tournent les trois quarts dudbat contemporain dans le domaine de la philosophie de la perception. Lillusion est une per-ception quon a envie de dire fausse . Lhallucination est illusion dune perception. Le dis-

    jonctivisme (choisi par McDowell) tend, mais tort, rduire les illusions des hallucinations.

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    que nous le manquions ou nous trompions sur lui. Il ny a pas dintentiona-lit sans quelque sol ontologique (prdonn). Ce sol est toujours dj donn et la question de savoir sil peut tre donn au sensphnomnolo-gique du terme (cest--dire selon une donne ou une autre) se pose seu-lement par aprs. L aussi, il y a primat du Gegebensein sur la Gegebenheit.Lorsque nous visons quelque chose, alors nous lavons dj en un certainsens. Or de cet avoir primordial comme tel, qui est un avoir pur et simple,la phnomnologie na, en rgle gnrale, en tant que doctrine de laphno-mnalisation, que trs peu dire. Elle se croit oblige de lexpliqueret, parl-mme, perd de vue son caractre deprsupposition absolue.

    Cet avoir est pourtant prsuppos partout o lintentionalit peut rus-sir ou chouer. Partout o nous parlons de quelque chose qui nexiste pas,ou pensons quelque chose qui nexiste pas, selon la formule du problmephilosophique traditionnel, au fondement de notrre prise de position il y ala relation relle quelque chose qui existe. Nos erreurs ou illusions sonttoujours de quelque chose quelque chose qui est rellement donn. Nousdevons donc renverser le point de vue phnomnologique pour ainsi direle remettre sur ses pieds , comme Marx la fait pour Hegel et, chaquefois, partir de cela mme qui est donn.

    Digne de considration est cependant aussi le cas de la fiction, dans cesens tendu du mot qui est cher aux philosophes : savoir le cas dans lequellagent pensant vise intentionnellement (au sens ordinaire du mot inten-tion , et non, technique, d intentionalit 20) quelque chose qui nexistepas, et nen exige pas que cela existe.

    Dans la perspective gnrale selon laquelle nous labordons, ce cas nestpas si singulier quil pourrait y paratre. Cest un simple cas particulier. Onne peut pourtant pas dcrire lintentionalit fictionnelle comme une inten-tionnalit rate cest--dire qui aurait chou puisquelle nlve aucuneprtention la vrit. Cependant, le fait quelle nambitionne dapprhen-der aucun tre comme tel ne signifie pas qu son fondement on ne trouveaucun contact avec de ltre authentique. Dans un certain sens, toute fictionest aussi de quelque chose , et de quelque chose qui est. Dire cela ce nestavancer aucune explication externe de la fiction qui prtendrait la com-prendre depuis autre chose quelle-mme, mais simplement dvoiler le pro-pre contenu objectif de celle-ci. A propos de quoi ce que nous nommons fiction pourrait-il tre, si ce nest du monde autrement dit: du monderel?

    20. Il sagit donc ici dune intention au sens o il arrive Frege demployer ce terme(Absicht, et non Intentionalitt) pour dsigner les intentions du locuteur .

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    Pourtant cette vidence peut ne pas tre si immdiate. Un certain travailphilosophique un travail danalyse peut tre requis pour la faire ressor-tir. Il faut alors demander de quelle ralit dtermine il y va dans une fic-tion dtermine 21. Il pourrait sembler quil sagisse alors dune pure irra-lit (comme par exemple Madame Bovary , qui est typiquement un objetintentionnel). Cependant la bonne question est: de quelle ralit cette irra-lit est-elle la prsentation (Darstellung, et non reprsentation ,Vorstellung)? Sans cette question possible, et ncessaire, sur le (rellement)donn, tout le discours sur la donne et les modes de donne resteraitvain.

    Puisque lirrel, comme soi-disant entit intentionnelle22

    , peut recou-vrir le rel et, dans beaucoup de faons de parler et de penser, le recouvreen effet, du moins l o nous interprtons celles-ci excessivement littrale-ment comme une certaine philosophie a coutume de le faire nous devonspour ainsi dire exhumer le rel dans lirrel mme. Or une telle recherchepeut requrir une certaine altration de notre attitude dans le monde, uncontre-mouvement de notre esprit lencontre de ce quon pourrait appelernotrepenchant phnomnologique naturel 23.

    En dautres termes, si la phnomnologie se distingue par la mthode de

    la rduction, le contraire de la phnomnologie requerra un acte analo-gue, mais de signe oppos: quelque chose comme une contre-rduction.Nonplus revenir systmatiquement du donn la donne, en un sens ou en unautre, mais faire systmatiquement un pas en avant de la donne vers ledonn, ce qui est rellement donn. Non pas mettre entre parenthses quoique ce soit (encore moins le monde), mais lever les mises entre parenthsesapparentes que notre pense se croit autorise effectuer, et dans lesquelleselle semptre, oubliant quil ny a de parenthses que l o elle en a mises,afin de regagner le monde cest--dire dapprendre accepter notre contact

    donn avec le monde.Ainsi le contraire de la phnomnologie remplirait sa tche: savoir

    librer le donn au-del, ou plus prcisment en de de la soi-disant don-ne.

    21. Voir ma tentative prcdente dlaboration de cette question, au chapitre V de monlivre Les limites de lintentionalit, Paris, Vrin, 2005 : Esquisse dune thorie non intentio-naliste de la fiction . Maintenant je corrigerais ainsi: non pas tant non intentionaliste que intentionaliste en un autre sens , qui nappartient plus la tradition phnomnologique.

    22. Qui a ses spcialistes, et galement sa fausse science: lontologie, en un certain sens per-verti (mais peut-tre le seul rel historiquement) du terme.

    23. On nen finira pas de remarquer lattachement manifest par la conscience commune la thorie intentionaliste de la fiction, qui a presque valeur defolk psychology.

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    Rsum: La phnomnologie a t caractrise par ce geste qui consiste faire du donn un principe absolu. Cependant, une analyse grammaticale de l tre-donn rvle quun

    tel usage absolu de la notion la spare de ses conditions naturelles de signification. Cetteanalyse met en vidence la conditionnalit essentielle de cette donne , qui requiert dela ralit que celle-ci vienne remplir les trois dimensions inhrentes la syntaxe du don.Sur la base dune telle critique, lauteur suggre un autre point de vue sur la donne, quilinterprte selon une perspective intgralement raliste, ce qui implique aussi bien unemthode philosophique particulire, quon pourrait appeler contre-phnomnologie .

    Mots-cls: Phnomnologie. Donn. Ralisme. Perception. Grammaire.

    Abstract: Phenomenology has been characterized by the move to make the given an absoluteprinciple. However, a grammatical analysis of being-given reveals that such absoluteuse of the notion separates it from its natural conditions of meaning. Such an analysisshows the essential conditionality of givenness, which requires reality to fill in its three

    syntactical dimensions. On the basis of that criticism, the author suggests another takeon givenness, that interprets it in a completely realist perspective, which entails a philo-sophical method as well, that might be described as a counter-phenomenology.

    Keywords: Phenomenology. Given. Realism. Perception. Grammar.

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