Ateliers d'analyse de situations violentes

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La signification des comportements violents, et la gestion des interactions dans une classe ou dans l’établissement. Jacques Pain Professseur Émérite Paris Ouest/ Nanterre La Défense Site : jacques-pain.fr 31 janvier 2012 ESEN De la violence « fondamentale ». 1- Violence et violences, comportements violents, situer la problématique actuelle : repérages des violences rapportées aux terrains et place de l’institution dans le procès acteur. 2- Signification et construction de la situation violente, du contexte au réactionnel : la subjectivité en perte d’institution, et la règle victimaire. 3- Violences dans la classe, violence de classe : un psychodrame concentré d’histoires de vie scolaires. 4- Violences d’établissement : un sociogramme de vie et d’histoires de quartier. Métaboliser la violence ? Cf site : conférence ESEN ; articles « Définition de la violence », « violences verbales », « violences institutionnelles »… ; voir aussi thèse Philippe Bernier.

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Reprise et application de la conférence "Signification des comportements violents" en ateliers de responsables de l'Éducation Nationale, sur des situations-type

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La signification des comportements violents, et la gestion des interactions dans une classe ou dans l’établissement. Jacques Pain Professseur Émérite Paris Ouest/ Nanterre La Défense Site : jacques-pain.fr 31 janvier 2012 ESEN De la violence « fondamentale ».

1- Violence et violences, comportements violents, situer la problématique actuelle : repérages des violences rapportées aux terrains et place de l’institution dans le procès acteur. 2- Signification et construction de la situation violente, du contexte au réactionnel : la subjectivité en perte d’institution, et la règle victimaire. 3- Violences dans la classe, violence de classe : un psychodrame

concentré d’histoires de vie scolaires.

4- Violences d’établissement : un sociogramme de vie et d’histoires de quartier.

Métaboliser la violence ? Cf site : conférence ESEN ; articles « Définition de la violence », « violences verbales », « violences institutionnelles »… ; voir aussi thèse Philippe Bernier.

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ESEN 31 Janvier 2012 Ateliers « Situations » de « violence », En établissement scolaire ou en classe. En règle générale, on part de situations qui ont fait problème à l’établissement, et qui sont « typiques » de situations répertoriées par ces établissements. On parle alors de « situations-type ». Les situations « institutionnelles », au sens simple où elles se déroulent dans ou en lien avec l’institution, se construisent toujours dans la dynamique de cette institution, et s’en nourrissent. Toute situation se développe sur 3 niveaux de significations.

1- Le contexte. C’est la partie cachée de l’iceberg, que l’analyse à plusieurs peut débrouiller. Il y a « derrière » une situation des logiques et des histoires de familles, de personnes, de quartiers, d’institutions. Souvent l’événement violent est la résultante d’une conjonction de circonstances. On parle de « montage » et d’hypothèses de situation.

2- La situation, c’est l’iceberg. Elle a une temporalité, un lieux, des personnages, une dimension physique et une dimension psychologique, elle confronte des interactions et

des attitudes. C’est un film, une série de « photos » avec une logique liée aux protagonistes. Les protagonistes sont les personnes présentes ou « représentées », par exemple les référents imaginaires des protagonistes (familles, bandes, appartenances…).

2- La situation présente des seuils d’interaction, des attitudes réactionnelles de relance ou de temporisation de la part des uns et des autres. Les positions « basses », qui autorisent une entente, alternent avec des positions « hautes » qui renvoient la balle. Il y a plusieurs scénarios possibles à chaque seuil. C’est en déconstruisant cet ensemble que l’on met à plat une situation, qui, ainsi dépliée, permettra de tramer des hypothèses de prévention : structurelles (contexte), conjoncturelles (les lieux « sensibles »), interactionnelle (régulation des attitudes), mais aussi de dresser un répertoire des « situations-type » de l’établissement. JP Janvier 2012

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Déroulement de l’atelier du 31 janvier

En amont de la formation : -vous pensez à une situation vécue qui pourrait correspondre à une situation typique -vous notez simplement comme sur un carnet de bord ce qui s’est passé, joué, comment ça s’est déroulé, en détail, et vous notez en complément vos interprétations, librement, comme vous les entendez. Nous garantissons l’anonymat. Vous pouvez donc arriver avec cette situation, ce qui facilitera la mise en groupes d’analyse. -vous pouvez trouver des ressources ou des textes d’analyses sur le site de J Pain : http://www.jacques-pain.fr/jacques-pain/Accueil.html ou plus simplement jacques-pain.fr Sur le site jacques-pain.fr, vous pouvez aussi: Lire « Définition de la violence, micro-synthèse ». Définitions et échelles. Dans la rubrique « Articles ». Voir « L’injure …l’autre pas », dans la rubrique Docs audio-visuels. Et « Gérer les comportements et les transgressions », « Perception de la violence. Permanence et variations », « La récré c’est sérieux », dans la même rubrique (conférences filmées). Consulter la thèse de Philippe Bernier, sur la formation des maîtres à la violence, rubrique Thèses.

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Les « Situations », dites « Etudes de cas ». Les « commentaires » de Jacques Pain sont ici a posteriori. Mais dans l’analyse en groupes des « situations-type », les groupes proposent un scénario d’analyse, repris et commentés en direct par l’intervenant. Etude de cas 1 Salle de prière. Contexte : un collège dans un quartier populaire de banlieue, 480 élèves, une équipe avec un principal, une principale adjointe, une CPE, 4 AED (ETP) Après s’être lavé les mains un élève de 3ème récemment arrivé au collège a demandé à un AED la possibilité de faire sa prière dans une pièce de l’établissement. Ce dernier lui a signalé l’interdiction d’une telle pratique religieuse. Sans un mot, le jeune a tout de même pris dans un sac un petit tapis, des vêtements et s’est rendu dans une classe libre. Alerté par un professeur, la CPE a convoqué l’élève lors de la pause du milieu de l’après-midi. L’entretien a tourné court car le jeune s’est énervé et lui a tenu des propos injurieux et menaçants. Les jours suivants, des messages désobligeants concernant le collège ont circulé sur les réseaux sociaux. Quelques graffitis sont apparus à l’extérieur de l’établissement. Des professeurs et des parents ont dit leur inquiétude face à la dégradation du climat scolaire. Quelques parents musulmans se mobilisent et viennent en délégation pour rencontrer le chef d’établissement. Note Jacques Pain : l’établissement se centrera sur le règlement intérieur et la loi. Il communique et reste ferme. Ce que l’on voit bien ici c’est le « test » mis en place, ce passage à l’acte transgressif (Seuil 1, l’acte ; seuil 2 l’altercation avec la CPE) et ses implications en réseau (Seuils de renforcement et de confrontation ) . ____________________________________________________________________________ Eude de cas 2 : Un jeune exclu du groupe. 5ème ERS : Elève plus jeune, arrivé après la rentrée. Dans le groupe, un chef caïd L’élève connaît des problèmes familiaux (prison pour certains des membres) Il souhaite se positionner en vain. Attitude de peur, agressé par les autres. C’est un élève très absentéiste dans le passé. Il est en recherche d’une identité Comment faire pour intégrer le jeune dans le groupe ? -Moments de paroles -Rencontre avec tous les intervenants -Vie de classe le soir au foyer de l’internat. -Implication forte du DASEN

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-Désignation du correspondant académique : pivot central comme accompagnateur, interlocuteur, facilitateur. -Connaissance du pilotage académique : conseillers, assistants sociaux, PVS ? IENIO, DV, Santé. (Note Jacques Pain) C’est un cas-type. La situation est ainsi posée, mais le contexte est complexe : changement d’équipe, scission dans l’établissement de départ entre les élèves et entres les adultes. Un climat de caïdisme est instauré (seuil « zéro », de « degré zéro »). Il y a des signes parlants d’agressivité, des injures, des menaces (seuil 2). Comme on le voit dans le « Comment faire », c’est en réseau de compétences et d’autorité que le problème sera réglé (seuil 3). C’est un « redressement » de contexte Etude de cas 3 La galette des rois La situation : en cours de sciences physiques, Théa et Sylvain sont côte à côte. Echanges verbaux entre Théa et Sylvain non pris en compte par le professeur. Théa mord Sylvain, lequel lui rend un coup de poing dans le ventre. Le contexte : Fabrication de la galette des rois le jeudi précédent par les élèves de l’ERS avec invitation à dégustation à l’ensemble du personnel du collège le soir (jeudi). Une galette des rois proposée aux élèves a été laissée de côté par les élèves par suspicion de garniture aux crachats et produits ménagers. Le lendemain matin (vendredi) à la récréation Théa et une copine viennent voir la principale adjointe pour lui signaler qu’elle a été malade à la suite de la dégustation des galettes et qu’une galette était frelatée. Elles accusent Nicolas avec écrit à l’appui (demandé par la principale adjointe). Nicolas est convoqué au bureau de la principale adjointe. Elle lui propose de manger un reste de galette. Il en mange en précisant ne pas avoir craché sur la galette. Un professeur se rendant à l’administration surprend Sylvain et Nicolas en train d’écouter derrière la porte du bureau de la principale adjointe. Le voyant, ils quittent les lieux en disant « on va la fracasser ». Prévenue, la principale adjointe prend une mesure de protection en faisant reconduire les jeunes filles chez elles, plutôt que de les laisser prendre le bus (vendredi). Le lundi, venant déposer sa fille au collège, la mère de Théa demande à rencontrer la principale adjointe et lui montre un SMS reçu par Théa. Ce SMS la menace physiquement. Quittant le collège, la mère ira déposer plainte en suivant à la gendarmerie. La principale adjointe convoque Sylvain , lui fait un rappel à l’ordre et lui précise qu’il pourra faire l’objet de mesure de sanctions et de suites possibles. Dans la matinée, les gendarmes viennent dans l’établissement au moment où Nicolas est dans le bureau de la principale adjointe. Ils lui font aussi un rappel à la loi. Le mardi : dans le minibus emmenant les élèves aux activités sportives, Théa et Sylvain côte à côte. Quelques échanges verbaux mais rien de grave. Le jeudi : violences physiques entre Théa et Sylvain. Seuil 1 : sentiment d’injustice ressenti par Nicolas et Sylvain qui expriment une dénonciation calomnieuse. Seuil 2 : les menaces physiques, Seuil 3 : le SMS

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Seuil 4 : le dépôt de plainte et la rencontre avec les gendarmes Seuil 5 : les altercations verbales non prises en compte par l’enseignant de sciences physiques. Hypothèses : des effets de contexte -dépit amoureux de Sylvain envers Théa -personnalité fragile de Sylvain qui conduit Nicolas à se poser en protecteur -le père de Théa est devenu femme. Quelle relation aux garçons ? Pour dédramatiser la situation un travail a été fait au sein de la classe. Théa a formulé des excuses et regrette que ses accusations mensongères aient conduit à l’exclusion de Nicolas. (Note jacques Pain) La situation a regroupé beaucoup d’acteurs et est restée obscure, elle est en fait un enjeu contradictoire d’intérêts. Elle se joue, mais indirectement, sur l’identité sexuelle et la reconnaissance. Il suffit de le savoir, et de répondre par le détail aux faits, avec la distance nécessaire. Se tenir à la position « institutionnelle » et en même temps Écouter. Note de travail : (Jacques Pain) Encore une fois, il convient de garder la tête froide et de « lire » les événements comme une « série » institutionnelle ; les situations sont des langages et des indicateurs ; rien n’est gratuit, tout est construit dans une imbrication complexe de transfert « en situation ». Brain-storming, débriefing, mise en réseau des analyses, entretiens d’intervention (élèves, parents ?..), recours mesuré et explicité à la loi et à la règle, fonctionnent toujours. Les sanctions doivent être connues et « déposées », « publicitées ».

JP 28-2-2012