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Article original Aspects cliniques et relations de la maladie de Horton et de la pseudopolyarthrite rhizomélique : étude effectuée dans la région nord-est de l’Espagne sur une période de 15 ans Temporal arteritis and polymyalgia rheumatica in north-eastern Spain: clinical spectrum and relationship over a 15 year period Javier Narváez a,b, *, Joan. M. Nolla-Solé a , M.T. Clavaguera a , J. Valverde-García a , D. Roig-Escofet a a Département de rhumatologie, hôpital « Príncipes de España », centre médical et universitaire de Bellvitge, Espagne b Unité de rhumatologie, département de médecine interne, centre medical delfos, Barcelone, Espagne Reçu le 26 novembre 2001 ; accepté le 4 avril 2002 Résumé Objectif. – Ce travail a eu pour but d’évaluer, sur une période de 15 ans, les caractéristiques cliniques et les relations entre la pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR) et la maladie de Horton (MH) dans une région du Nord-Est de l’Espagne. Patients et méthode. – Nous avons effectué une étude descriptive d’une population non sélectionnée de 163 patients atteints de PPR et/ou de MH dont le diagnostic a été porté au cours de la période 1985–1999. Résultats. – Les 163 patients inclus étaient atteints d’une PPR isolée dans 90 cas, d’une PPR associée à une MH dans 41 cas et d’une MH isolée dans 32 cas. Les caractéristiques cliniques de chacune de ces deux maladies étaient identiques à celles rapportées dans d’autres populations, y compris une nette prédominance féminine. Néanmoins, dans notre série, aucun patient n’a développé de cécité définitive ou d’accident ischémique sévère. Une PPR était présente chez 56 % des patients atteints de MH. Inversement, 7 % des patients présentant initialement un tableau isolé de PPR, sans signe clinique d’artérite, ont par la suite développé des symptômes de MH. Il n’a pas été mis en évidence de facteur prédictif de cette évolution. Dans aucun de ces cas il n’y a eu de complication oculaire ou ischémique. Le faible risque de complication sévère dans notre étude n’est pas en faveur de la pratique systématique d’une biopsie d’artère temporale chez les patients atteints d’un tableau clinique isolé de PPR. La comparaison entre les cas isolés de MH et ceux de PPR associées à une MH n’a pas mis en évidence de différence pouvant aller dans le sens d’une séparation de ces deux formes de MH. À l’inverse, la comparaison des cas de PPR isolée et de ceux associés à une MH a mis en évidence des différences significatives : les paramètres cliniques et biologiques de l’inflammation étaient plus élevés dans le groupe PPR associée à une MH. Ces différences semblent refléter une inflammation systémique plus importante due à la présence de la MH. Conclusion. – Dans notre région, la MH est actuellement une affection peu sévère ne comportant que rarement des complication graves comme une cécité. Notre expérience confirme que, même après une bonne réponse clinique et biologique au traitement, les patients atteints de PPR restent à risque de développer une MH. D’après notre étude, la MH isolée et la PPR associée à la MH semblent constituer une même entité, elle-même distincte de la PPR isolée. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Objective. – To examine the clinical spectrum of polymyalgia rheumatica (PMR) and temporal arteritis (TA) and their relationship over a period of 15 years in an area of north-eastern Spain. Methods. – We undertook a descriptive study of an unselected population of 163 patients with PMR and/orTA diagnosed from 1985 to 1999. * Auteur correspondant. C/ Llobregat n° 5, 3° 1 a , Hospitalet de Llobregat 08904, Barcelona, Spain Adresse e-mail : [email protected] (J. Narváez). Revue du rhumatisme 70 (2003) 37–44 www.elsevier.com/locate/revrhu © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. PII: S 1 1 6 9 - 8 3 3 0 ( 0 2 ) 0 0 0 0 7 - 8

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Article original

Aspects cliniques et relations de la maladie de Hortonet de la pseudopolyarthrite rhizomélique : étude effectuée

dans la région nord-est de l’Espagne sur une période de 15 ans

Temporal arteritis and polymyalgia rheumatica in north-eastern Spain:clinical spectrum and relationship over a 15 year period

Javier Narváeza,b,*, Joan. M. Nolla-Soléa, M.T. Clavagueraa,J. Valverde-Garcíaa, D. Roig-Escofeta

a Département de rhumatologie, hôpital « Príncipes de España », centre médical et universitaire de Bellvitge, Espagneb Unité de rhumatologie, département de médecine interne, centre medical delfos, Barcelone, Espagne

Reçu le 26 novembre 2001 ; accepté le 4 avril 2002

Résumé

Objectif. – Ce travail a eu pour but d’évaluer, sur une période de 15 ans, les caractéristiques cliniques et les relations entre lapseudopolyarthrite rhizomélique (PPR) et la maladie de Horton (MH) dans une région du Nord-Est de l’Espagne.

Patients et méthode. – Nous avons effectué une étude descriptive d’une population non sélectionnée de 163 patients atteints de PPR et/oude MH dont le diagnostic a été porté au cours de la période 1985–1999.

Résultats. – Les 163 patients inclus étaient atteints d’une PPR isolée dans 90 cas, d’une PPR associée à une MH dans 41 cas et d’une MHisolée dans 32 cas. Les caractéristiques cliniques de chacune de ces deux maladies étaient identiques à celles rapportées dans d’autrespopulations, y compris une nette prédominance féminine. Néanmoins, dans notre série, aucun patient n’a développé de cécité définitive oud’accident ischémique sévère. Une PPR était présente chez 56 % des patients atteints de MH. Inversement, 7 % des patients présentantinitialement un tableau isolé de PPR, sans signe clinique d’artérite, ont par la suite développé des symptômes de MH. Il n’a pas été mis enévidence de facteur prédictif de cette évolution. Dans aucun de ces cas il n’y a eu de complication oculaire ou ischémique. Le faible risque decomplication sévère dans notre étude n’est pas en faveur de la pratique systématique d’une biopsie d’artère temporale chez les patients atteintsd’un tableau clinique isolé de PPR. La comparaison entre les cas isolés de MH et ceux de PPR associées à une MH n’a pas mis en évidence dedifférence pouvant aller dans le sens d’une séparation de ces deux formes de MH. À l’inverse, la comparaison des cas de PPR isolée et de ceuxassociés à une MH a mis en évidence des différences significatives : les paramètres cliniques et biologiques de l’inflammation étaient plusélevés dans le groupe PPR associée à une MH. Ces différences semblent refléter une inflammation systémique plus importante due à laprésence de la MH.

Conclusion. – Dans notre région, la MH est actuellement une affection peu sévère ne comportant que rarement des complication gravescomme une cécité. Notre expérience confirme que, même après une bonne réponse clinique et biologique au traitement, les patients atteints dePPR restent à risque de développer une MH. D’après notre étude, la MH isolée et la PPR associée à la MH semblent constituer une mêmeentité, elle-même distincte de la PPR isolée.

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Abstract

Objective. – To examine the clinical spectrum of polymyalgia rheumatica (PMR) and temporal arteritis (TA) and their relationship over aperiod of 15 years in an area of north-eastern Spain.

Methods. – We undertook a descriptive study of an unselected population of 163 patients with PMR and/or TA diagnosed from 1985 to1999.

* Auteur correspondant. C/ Llobregat n° 5, 3° 1a, Hospitalet de Llobregat 08904, Barcelona, SpainAdresse e-mail : [email protected] (J. Narváez).

Revue du rhumatisme 70 (2003) 37–44

www.elsevier.com/locate/revrhu

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.PII: S 1 1 6 9 - 8 3 3 0 ( 0 2 ) 0 0 0 0 7 - 8

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Results. – Of the 163 patients included, 90 had isolated PMR, 41 had PMR associated with TA, and 32 had isolated TA. The clinicalspectrum of both conditions in our area was similar to that reported in other populations, including a marked female predominance. However,in our series, no patient developed permanent blindness or other major ischemic complications. PMR was observed in 56% of patients with TA.Conversely, 7% of patients originally suffering from PMR without clinical evidence of arteritis at presentation developed later symptoms ofTA, and there were no predictive features for this. Interestingly, none of these patients suffered visual loss or other ischemic complications. Thelow risk of major complications in these cases does not support the need for systematic arterial biopsy in all patients with symptoms of PMRalone. On comparing patients with isolated TA with patients with PMR associated with TA, no differences were observed, thus discarding thepossibility that the second constitutes a distinct and independent subgroup of TA. In contrast, when comparing patients with isolated PMR withpatients with PMR associated with TA, we found significant differences between both the groups, with greater abnormality of clinical andlaboratory markers of inflammation in patients with PMR associated with TA. These differences seem to reflect a greater degree of systemicinflammation linked to the presence of TA.

Conclusion. – In our area, TA appears nowadays as a benign disease which infrequently presents blindness or other major complications.Our experience confirms that even after a good clinical response with normalization of a high ESR in PMR, the patient is at risk for clinicaldevelopment of TA. Finally, our study also shows that isolated TA and PMR associated with TA seem to be the same condition, different fromisolated PMR.

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Mots clés : Pseudopolyarthrite rhizomélique ; Maladie de Horton ; Artérite giganto-cellulaire ; Espagne ; Clinique

Keywords: Polymyalgia rheumatica; Temporal arteritis; Spain; Clinical spectrum; Relationship

La pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR) et la maladiede Horton (MH), encore appelée artérite temporale ougiganto-cellulaire, sont des pathologies survenant chez lessujets âgés qui constituent des entités distinctes mais ayantdes relations étroites. La PPR est caractérisée par une raideurdouloureuse touchant la région cervicoscapulaire et la cein-ture pelvienne, habituellement associée à des signes géné-raux et à des signes d’ inflammation systémique avec uneaugmentation de la vitesse de sédimentation (VS). La MH estune vascularite atteignant les artères de gros et moyen calibreet comportant une forte prédilection pour les artères de larégion cervico-céphalique. Des relations très proches exis-tent entre ces deux entités comme en témoigne leur fréquenteassociation chez un même patient. Néanmoins, la natureprécise de ces relations n’est pas connue. On ne peut trancherentre l’hypothèse de deux expressions cliniques différentesd’une même maladie et celle de deux maladies différentesayant des formes de chevauchement, ceci même si au coursdes dernières années de nombreux arguments ont étéavancésen faveur de l’hypothèse d’une même maladie [1–4].

Des signes de PPR sont présents dans 40 à60 % des cas deMH [5–11]. À l’ inverse, des signes histologiques de MH ontété mis en évidence à la biopsie d’artère temporale (BAT),chez des patients atteints de PPR sans signe clinique d’arté-rite temporale et ceci avec une fréquence allant parfoisjusqu’à 15 ou 20 % [11–13]. La fréquence de l’association aété diversement appréciée selon les populations. Il a ététrouvé une fréquence d’association élevée en Scandinavie,basse en Israël et intermédiaire dans les autres populationsétudiées [11]. Dans la plupart de ces séries, il n’a pas étéobservé de différence clinique entre les patients atteints dePPR avec une BAT positive et ceux avec une BAT négative[14–17]. De plus, il a été rapportédes cas d’apparition d’uneMH chez des patients traités au long cours pour une PPR[18–19]. En conséquence, il n’existe pas de consensus sur le

caractère unitaire ou séparéde ces deux entités. Toutefois, denombreux auteurs pensent que la PPR est l’expression d’uneMH sous-jacente qui ne s’exprime pas toujours cliniquement[4,14–16]. Le diagnostic précoce de la MH est important cardes complications ischémiques graves, comme celle pouvantaboutir à la cécité, peuvent survenir précocement et parfoisbrutalement. Pour cette raison, de nombreux efforts ont étéfaits pour essayer de définir des facteurs prédictifs d’uneBAT positive chez des patients se présentant avec un tableaude PPR isolée [20–23], mais la valeur de ces modèles deprédiction dans la pratique quotidienne n’a pas étéclairementdémontrée.

Peu d’études cliniques concernant la PPR et la MH ont étéeffectuées dans l’Europe du Sud. Nous avons donc menéuneétude sur une période de 15 ans évaluant les caractéristiquescliniques et les relations de la PPR et de la MH, ceci dans larégion de Barcelone, dans le Nord-Est de l’Espagne. Nousavons analysé tout particulièrement la fréquence et les rela-tions d’apparition dans le temps de cette association. Nousavons aussi recherché si la PPR associée à la MH constituaitun groupe distinct et indépendant de la MH et si les patientsatteints de PPR avec MH possédaient des caractéristiquescliniques et biologiques permettant de les différencier deceux atteints d’une forme pure de PPR.

1. Patients et méthodes

1.1. Patients

Nous avons menéune étude rétrospective concernant tousles patients atteints d’une PPR et/ou d’une MH diagnosti-quées au cours de la période 1985–1999 dans le Départementde Rhumatologie de l’Hôpital de Bellvitge qui est un hôpitaluniversitaire de référence, d’une capacitéde 1000 lits, situé àBarcelone en Espagne. Les patients inclus étaient recrutés

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soit par le biais de la consultation, soit par le biais de l’hos-pitalisation. En général, les patients étaient adressés dansnotre centre par leur médecin généraliste ou se présentaientd’eux-mêmes aux Urgences de l’Hôpital. Au cours de lapériode couverte par l’étude, notre centre a été le principalcentre de référence en Rhumatologie dans notre secteur géo-graphique et la population de notre étude peut donc êtreconsidérée comme un échantillon représentatif de ces patho-logies dans notre secteur.

Le diagnostic de PPR a été basé sur la présence des 3critères proposés par Chuang et al. [23]. Ces trois critèresétaient un âge supérieur ou égal à 50 ans, une VS supérieureou égale à 40 mm/1°h et une raideur douloureuse bilatéralepersistant au moins un mois et atteignant au moins 2 des sitessuivants : région cervicale ou thoracique, épaules ou partieproximale des membres supérieurs, hanches ou partie proxi-male des cuisses. Nous avons considéré que les patientsétaient atteints d’une PPR s’ ils répondaient àces 3 critères etsi la corticothérapie entraînait rapidement une réponse favo-rable et durable. La présence d’une autre maladie susceptibled’expliquer les symptômes, comme une infection chronique,une connectivite ou une pathologie maligne, a étéconsidéréecomme un critère d’exclusion.

Le diagnostic de MH a été porté selon les critères del’ACR 1990 [10] : 1) âge supérieur ou égal à 50 ans, 2)céphalées récentes, 3) anomalie de l’artère temporale àl’exa-men physique (diminution du pouls, nodules, épaississe-ment, gonflement, sensibilité à la palpation), 4) VS supé-rieure ou égale à 50 mm/1°h, 5) BAT montrant unevascularite principalement caractérisée par une infiltrationcellulaire mononuclée et granulomateuse, avec le plus sou-vent des cellules géantes multinucléées. Dans notre étude, lediagnostic de MH a étéportéquand la BAT était positive ou,en cas de BAT négative ou non réalisée, quand le patientrépondait aux 4 autres critères et que la corticothérapie en-traînait rapidement une réponse favorable et durable.

Après le diagnostic porté, les patients ayant une PPRisolée ont été traités par une dose quotidienne de 10 à20 mgde prednisone ou équivalent ; ceux atteints d’une MH ont ététraités avec une dose quotidienne initiale de 40 à60 mg. Lespatients ont étésuivis régulièrement en consultation jusqu’audécès ou jusqu’à l’arrêt du traitement décidé devant unerémission complète persistante. Les données cliniques etbiologiques ont été extraites des dossiers de consultation etdes dossiers d’hospitalisation selon un protocole préétabli.Dans la plupart des cas, ces données étaient notées de façonadéquate dans les dossiers médicaux. La date de fin du suiviétait constituée par celle de la dernière visite dans notrecentre ou celle du décès du patient.

La rechute a été définie par une augmentation ou unerécidive des signes ou symptômes initiaux, associée à uneaugmentation de la VS, survenant au cours de la phase dedécroissance de la corticothérapie ou dans le mois suivantson arrêt, ainsi que par la régression de ces signes aprèsaugmentation de la posologie ou reprise de la corticothéra-pie. Une élévation isolée de la VS n’a pas été considérée

comme suffisante pour décider de l’augmentation de la cor-ticothérapie. La récidive a étédéfinie par la reprise des signesde la maladie plus d’un mois après l’arrêt du traitement.L’analyse du traitement et du suivi à long-terme n’a pasconstitué un objectif de l’étude que nous présentons ici carles données concernant l’évolution et la durée de traitementchez ces patients ont été rapportées en détails par ailleurs[24].

1.2. Analyse statistique

Nous avons exprimé les variables quantitatives enmoyenne ± déviation standard, et les variables qualitatives enpourcentages. Nous avons mené des analyses comparativesdans le but de déterminer si les patients atteints d’une PPRassociée à une MH constituaient un sous-groupe distinct etindépendant de l’ensemble du groupe MH, et dans le but dedéterminer si les patients atteints d’une PPR associée à uneMH avaient des caractéristiques cliniques et biologiques per-mettant de les différencier de ceux atteints d’une PPR isolée.Pour les variables quantitatives indépendantes, les comparai-sons entre les groupes ont été faites, soit en utilisant le test tde Student, soit en utilisant le test de Mann-Whitney quand lanormalitéde la distribution n’était pas atteinte. L’analyse desvariables qualitatives a fait appel au test du v2 ou au testexact de Fischer quand la valeur attendue était inférieure à5.Le seuil de signification statistique a été défini par un p ≤0,05.

2. Résultats

Au cours de la période d’ inclusion 1985–1999, 163 pa-tients (107 femmes et 56 hommes, rapport femme/homme de1,9) ont eu un diagnostic de MH et/ou de PPR. Il s’agissaitd’une PPR isolée chez 90 patients et d’une MH chez 73patients, dont 41 avaient une PPR associée et 32 n’avaientaucun signe de PPR. Les patients étaient classés commeayant une PPR isolée s’ ils répondaient aux critères diagnos-tiques précités et si les signes de la PPR régressaient rapide-ment et durablement sous une faible dose de prednisone (10 à20 mg/j ou équivalent). Chez ces patients, la possibilitéd’uneMH associée était exclue soit par la négativitéde la BAT, soitpar la régression complète des signes sous une corticothéra-pie à faible dose associée à l’absence de signes cliniques deMH au cours de l’évolution. Dans cet esprit, devant unpatient se présentant avec des manifestations de PPR, uneBAT n’était envisagée que s’ il existaient des signes générauxsévères et/ou si un interrogatoire systématique retrouvait laprésence de céphalées. Parmi nos 90 patients ayant une PPRisolée, 24 avaient eu une BAT qui s’étaient révélée négative.

L’âge moyen au diagnostic était, pour l’ensemble despatients, de 72 ± 8 ans (extrêmes 51–89 ans), sans différenceentre les hommes et les femmes. L’âge au moment du débutdes symptômes est précisé, pour les différents groupes depatients, au Tableau 1. La durée moyenne d’évolution dessymptômes avant le diagnostic était de 2,7 ± 2,6 mois. Nous

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avons constaté avec intérêt que le délai diagnostique, aussibien pour la PPR que pour la MH, avait diminuéau cours desdernières années. Concernant la PPR, ce délai était de 3,1mois pour la période 1985–1990 et 2,6 mois pour la période1991–1999. Concernant la MH, ce délai était respectivementde 2,9 mois et de 2 mois.

Les principales données cliniques et biologiques de cha-que groupe sont présentées aux Tableaux 2 et 3.

2.1. Données cliniques et biologiques

La quasi totalité des patients atteints d’une PPR isoléeavaient une atteinte des épaules ou de la partie proximale desmembres supérieures et une atteinte des hanches ou de lapartie proximale des cuisses (Tableau 2). L’atteinte du rachiscervical ou du tronc était moins fréquente. Les signes géné-raux étaient fréquents, présents chez plus de la moitié despatients. À l’ inverse, une fièvre (supérieure à 38 °C) ou unedépression étaient rares (moins de 10 % des patients). Desarthrites périphériques distales sont survenues lors du dia-gnostic ou au cours de l’évolution chez 18 des 90 patients(20 %) ayant une PPR isolée. Ces données suggèrent que lessynovites ne sont pas rares dans la PPR et semblent être undes principaux mécanismes responsables des symptômes.

Ces synovites étaient peu sévères, de topographie mono- ouoligoarticulaire, asymétriques, d’évolution transitoire etn’étaient pas destructrices. Les autres manifestations distalesque nous avons observée chez ces patients étaient un syn-drome du canal carpien (2 %) et un œdème prenant le godet(1 %). Ces manifestations sont survenues au cours d’unephase active de la PPR. Nous avons rapporté par ailleurs cesmanifestations rhumatologiques périphériques distales [25].

Les signes présents chez les patients ayant une MH (Ta-bleau 3) étaient, pour l’essentiel, similaires à ceux rapportésdans d’autres séries. Néanmoins, dans notre série, nousn’avons eu aucun cas de cécitédéfinitive, même si 14 patients(19 %) avaient signalé une baisse transitoire de l’acuitévisuelle ou une amaurose fugace lors de l’examen initial. Lesprincipaux signes initiaux étaient les céphalées (100 %), lesanomalies physiques de l’artère temporale (88 %) et lessignes généraux (63 %). Parmi les 73 patients ayant une MH,49 (67 %) avaient une BAT positive. Les 24 autres patientsavec MH (33 %) avaient une BAT négative (ou non pratiquéechez 4 patients) : le diagnostic a donc été porté sur leséléments cliniques, biologiques et évolutifs.

Des signes de PPR étaient présents àun moment quelcon-que de l’évolution chez 41 des 73 patients (56 %) ayant uneMH : avant les signes de MH dans 7 cas, en même temps queles signes de MH dans 33 cas (moins d’un mois), après lediagnostic de MH dans un cas (lors d’une rechute). Chez les7 patients qui ont débuté leur maladie par des signes de PPR,le diagnostic initial avait étécelui de PPR isolée car aucun neprésentait alors de signe clinique de MH et aucun n’avait eude BAT initiale. Les principales caractéristiques initiales de

Tableau 1Age au début de la maladie chez 163 patients atteints de maladie de Horton(MH) et de pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR) isolée

Age (ans) Groupe MH(n = 73)

Groupe PPR isolée(n = 90)

Population totale(n = 163)

50–59 4 (5,5 %) 8 (8,8 %) 12 (7,3 %)60–69 26 (35,6 %) 26 (29 %) 52 (32 %)70–79 28 (38,4 %) 40 (44,4 %) 68 (41,7 %)≥ 80 15 (20,5 %) 16 (17,8 %) 31 (19 %)

Tableau 2Données cliniques et biologiques des patients atteints d’une pseudopoly-arthrite rhizomélique (PPR) isolée*

Nombre de patients 90Age (ans) 72 ± 8Rapport femmes/hommes 58/32 (1,8)Délai diagnostique (mois) 2,8 ± 2,8Signes cliniquesRaideur douloureuse de siège :– épaules ou partie proximale des bras 90 (100 %)– hanches ou partie proximale des cuisses 83 (92 %)– cou ou tronc 65 (72 %)Asthénie/anorexie/amaigrissement 49 (54 %)Fièvre 7 (8 %)Dépression 8 (9 %)Arthrite périphérique 18 (20 %)Signes biologiques sanguinsVS (mm/1°h) 76 ± 21Hémoglobine (g/dl) 11,8 ± 1,2Augmentation des transaminases (ASAT/ALAT)** 8 (9 %)Augmentation des phosphatases alcalines** 16 (18 %)

* Les valeurs sont indiquées, soit en moyenne ± déviation standard, soiten nombre de cas (et pourcentage).

** Augmentation définie par une valeur ≥ × 1,5 valeur normale.

Tableau 3Données cliniques et biologiques des patients atteints d’une maladie deHorton*

Nombre de patients 73Age (ans) 72 ± 8Rapport femmes/hommes 49/24 (2)Délai diagnostique (mois) 2,6 ± 2,2Signes cliniquesCéphalées 73 (100 %)Anomalie physique de l’artère temporale 64 (88 %)Claudication de la mâchoire 25 (34 %)Asthénie/anorexie/amaigrissement 46 (63 %)Fièvre 9 (12 %)Diminution transitoire de l’acuitévisuelle 14 (19 %)Cécitédéfinitive 0Claudication artérielle de membre 2 (3 %)Pseudopolyarthrite rhizomélique 41 (56 %)Arthrite périphérique 8 (11 %)Biopsie d’artère temporale positive** 49 (67 %)Signes biologiques sanguinsVS (mm/1°h) 85,9 ± 23,2Hémoglobine (g/dl) 11,4 ± 1,4Augmentation des transaminases (ASAT/ALAT)*** 8 (11 %)Augmentation des phosphatases alcalines*** 17 (23 %)

* Les valeurs sont indiquées, soit en moyenne ± déviation standard, soiten nombre de cas (et pourcentage).

** Non réalisée dans 4 cas.*** Augmentation définie par une valeur ≥ × 1,5 valeur normale.

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ces 7 patients sont exposées au Tableau 4. Tous avaient euinitialement une réponse rapide à la corticothérapie (10 à20 mg/j de prednisone ou équivalent) avec normalisation dela VS. L’un a présenté une récidive sous la forme d’une MH26 mois après l’arrêt de la corticothérapie (qui avait étéprescrite pendant 29 mois). Les 6 autres patients ont eu unerechute avec manifestations artérielles au cours de la cortico-thérapie (médiane du délai entre le début du traitement et larechute : 26 ± 16 semaines). Il n’a pas été trouvé de facteurprédictif de cette évolution. Les rechutes sont survenueshabituellement dans les phases de décroissance de la cortico-thérapie ou, dans un cas, lors d’un arrêt inopiné du traite-ment. Dans ces 7 cas, le diagnostic de MH a étéprouvépar laBAT. Dans aucun de ces 7 cas il n’y a eu de complicationvisuelle ou ischémique grave. Parmi les 73 patients atteintsde MH, en surplus des manifestations rhumatologiquesproximales, 8 patients (11 %) ont développé des synovitespériphériques dont les caractéristiques cliniques étaient iden-tiques à celles observées dans le groupe PPR isolé. Il estintéressant de noter que ces manifestations rhumatologiquesdistales ne sont survenues qu’en association avec des signesproximaux de PPR active.

Nous n’avons pas observé, dans notre série, de présenta-tion silencieuse, masquée, trompeuse de MH. Si 9 patients ontconsulté pour de la fièvre et une altération de l’état général,l’ interrogatoire retrouvait la présence de céphalées dans tousles cas. Parmi les signes extra-crâniens de la MH, les signeshépatiques étaient présents chez environ 25 % des patients,avec le plus souvent une augmentation des phosphatasesalcalines sériques et moins fréquemment une élévation destransaminases. Nous avons observé 2 patients ayant une at-teinte clinique ischémique des artères de grands calibres res-ponsable, dans un cas d’une claudication artérielle unilatéraled’un membre inférieur qui a régressé sous corticothérapie, etdans l’autre cas d’un accident ischémique cérébral vertébro-basilaire responsable du décès 10 j après le début du traite-ment (mais il n’a pas étépossible de pratiquer une vérificationpost-mortem de l’artérite des artères vertébrales).

2.2. Étude comparative entre groupes

En dehors des manifestations céphaliques, la comparaisondes patients ayant une PPR isolée et de ceux ayant une PPRassociée àune MH (Tableau 5), a montréque dans le groupePPR avec MH, une réaction inflammatoire significativement

plus importante, responsable de valeurs plus élevées de la VSet de valeurs plus basses de l’hémoglobine. Il est ànoter queces patients avaient aussi plus fréquemment des signes géné-raux (asthénie, anorexie, amaigrissement), de la fièvre et dessignes hépatiques, mais ces différences n’étaient pas statisti-quement significatives. Ces différences semblent refléter undegré plus important de réaction inflammatoire systémiqueliée à la présence de la MH.

En revanche, les patients ayant une PPR associée à uneMH avaient des caractéristiques similaires à ceux ayant uneMH isolée (Tableau 6). D’après ces résultats, la MH isolée etcelle associée à une PPR semblent constituer une mêmemaladie, qui elle-même semble différer de la PPR isolée.

3. Discussion

À l’exception d’une plus faible fréquence des complica-tions oculaires et ischémiques graves, les caractéristiquescliniques de la MH et de la PPR observées dans notre série

Tableau 4Principaux signes initiaux chez 7 patients présentant initialement un tableau de pseudopolyarthrite rhizomélique sans signe de maladie de Horton (MH) et ayantdéveloppé une MH au cours de l’évolution

Patient Survenue de la MH (délai) Age (ans) Signes céphaliques VS mm/1°h Hb (g/dl) Synovite distale

1 Récidive artérielle 65 Non 74 12 Non2 Rechute artérielle (4,5 mois) 76 Non 70 11,6 Oui3 Rechute artérielle (7 mois) 61 Non 96 10 Non4 Rechute artérielle (6 mois) 68 Non 54 11 Oui5 Rechute artérielle (8 mois) 66 Non 70 11,5 Non6 Rechute artérielle (5 mois) 63 Non 66 13,1 Non7 Rechute artérielle (3 mois) 79 Non 115 12,6 Non

Tableau 5Analyse comparative des caractéristiques des patients atteints d’une pseudo-polyarthrite rhizomélique isolée (PPR) et de ceux atteints d’une PPR asso-ciées à une maladie de Horton (MH)*

Donnée PPR isolée PPR + MH p**

Nombre de patients 90 41 NSAge au début de la maladie (ans) 71,7 ± 8,5 71,41 ± 8,1 NSRapport femmes/hommes 58/32 (1,8) 28/13 (2,1) NSDélai diagnostique (mois) 2,8 ± 2,8 3,3 ± 2,6 NSSignes cliniquesAtteinte des épaules 90 (100 %) 41 (100 %) NSAtteintes des hanches 83 (92 %) 37 (90 %) NSAtteinte du cou 65 (72 %) 30 (73 %) NSAsthénie/anorexie/amaigrissement 49 (54 %) 27 (66 %) NSFièvre 7 (8 %) 7 (17 %) NSDépression 8 (9 %) 2 (5 %) NSSignes biologiques sanguinsVS (mm/1°h) 76 ± 21 90 ± 24 0,02Hémoglobine (g/dl) 11,8 ± 1,2 11,2 ± 1,3 0,039Augmentation des transaminases(ASAT/ALAT)***

16 (18 %) 10 (24 %) NS

Augmentation des phosphatasesalcalines***

8 (9 %) 5 (12 %) NS

* Les valeurs sont indiquées, soit en moyenne ± déviation standard, soiten nombre de cas (et pourcentage).

** p : signification statistique (NS = non significatif).*** Augmentation définie par une valeur ≥ × 1,5 valeur normale.

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sont similaires à celles décrites dans les autres séries de lalittérature. Si au moment du diagnostic de MH, 19 % de nospatients signalaient des signes ophtalmologiques transitoires(diminution de l’acuitévisuelle, amaurose), aucun n’a déve-loppé de cécité définitive. Dans les séries antérieures, lafréquence de survenue d’une cécité définitive au cours de laMH a variéconsidérablement, allant de 0 à65 % des cas. Lesséries les plus anciennes faisaient état d’une prévalence al-lant de 30 à 60 % pour les troubles visuels sévères [26–27].Dans les séries plus récentes, la fréquence de survenue d’unecécité définitive a nettement diminué, au dessous de 16 %dans la plupart des études [7–8,28–29]. Cette diminution durisque oculaire est attribuée àun diagnostic plus précoce et àun traitement plus efficace [7–8,28–29]. Notre observationd’une diminution du délai diagnostique dans la PPR et la MHau cours des 15 dernières années va dans ce sens et confirmeque le diagnostic de MH est plus facilement évoquéqu’aupa-ravant. La rareté ou l’absence complète de complicationsophtalmologiques graves au cours de la MH avaient déjà étéobservée dans plusieurs séries [16–17,30–32]. Nos résultatssont en accord avec ces études et tendent actuellement àdonner à la MH un statut de maladie moins sévère n’entraî-nant que rarement la cécité. À cet égard, on pourrait penserque notre population ait été l’objet d’un biais de sélection.Dans la mesure où notre série n’a inclus que des patients prisen charge dans un hôpital universitaire de référence, il estpossible que notre population ne soit pas parfaitement repré-sentative. Mais dans ce cas, le biais de sélection se serait fait

vers les formes les plus sévères, ce qui ne fait qu’accentuer lavaleur de nos constatations à cet égard.

La survenue d’une baisse transitoire de la vision, dont lafréquence moyenne était de 12 % dans les études antérieures[33], en accord avec la fréquence de 19 % que nous avonsobservée, a étéassociée avec la survenue d’une cécitédéfini-tive dans certaines études [34–35], mais pas dans d’autres[28]. Dans notre expérience, la survenue d’une amaurosetransitoire n’est pas un facteur prédictif évident de cécité.

Comme les autres grandes séries, nous avons trouvé unenette prédominance féminine tant pour la PPR (rapportfemme/homme = 1,8) que pour la MH (rapport = 2). Laprédominance féminine de la MH observée dans notre régiondiffère de la prédominance masculine rapportée dans uneétude effectuée dans une région du Nord-Ouest de l’Espagne[6]. Les raisons de ces observations contradictoires ne sontpas évidentes. Gonzalez Gay et al. [36] ont récemment rap-porté les résultats d’une étude épidémiologique de la MH,faite dans cette région du Nord-Ouest de l’Espagne et ayantportésur une période de 18 ans (1981–1998). Ils ont observéune augmentation progressive de l’ incidence de la MH.Comme cela a été observé dans d’autres pays où la MH estplus fréquente, cette augmentation de l’ incidence était prin-cipalement due àune augmentation du nombre des cas fémi-nins. Dans ces études [6], même si la MH a étéplus fréquentechez l’homme au cours de la période 1981–1994, elle estdevenue plus fréquente chez la femme au cours des annéessuivantes. De plus, une autre étude effectuée dans le Nord-Ouest de l’Espagne et rapportée récemment [37] a trouvé,comme dans notre série, une plus grande fréquence de la MHchez la femme, ce qui confirme que la prédominance fémi-nine en Espagne est la même que celle observée dans lesautres pays.

Il a été souvent rapportéune augmentation de l’ incidencede la MH et de la PPR avec l’âge [36]. Dans notre expérience,la survenue de ces pathologies après 80 ans n’apparaît cepen-dant pas très fréquente (voir Tableau 1). Aussi bien pour laMH que pour la PPR, la majoritéde nos patients étaient âgésde 60 à 79 ans, alors que seulement 19 % de nos patientsétaient âgés de plus de 79 ans.

Dans notre série, 56 % des patients ayant une MH avaientaussi une PPR. Cette prévalence est comparable à cellesprécédemment rapportées (51 à 64 %) en Espagne [6,37].Dans la plupart des cas, la PPR et la MH débutent en mêmetemps. Plus rarement, elles apparaissent séparément, parfoisespacées par un long intervalle, chacune d’entre elles pou-vant précéder l’autre. Nous avons observé que 7 % despatients se présentant avec un tableau de PPR sans signeclinique de MH, développaient ultérieurement des symptô-mes d’artérite temporale. Cette fréquence est similaire àcelles précédemment rapportées (habituellement 5 à7 %) desrechutes avec atteinte artérielle inflammatoire [32,38–44].Chez aucun de nos 7 patients correspondant à ce cas defigure, il n’y avait initialement pas de signe permettant d’évo-quer l’existence d’une MH associée à la PPR et dans tous cescas une corticothérapie à faibles doses avait entraîné une

Tableau 6Analyse comparative des caractéristiques des patients atteints d’une pseudo-polyarthrite rhizomélique (PPR) associées àune maladie de Horton (MH) etde ceux atteints d’une MH isolée*

Donnée MH isolée PPR + MH p**

Nombre de patients 32 41 NSAge au début de la maladie (ans) 73,7 ± 8,7 71,41 ± 8,1 NSRapport femmes/hommes 21/11 (1,9) 28/13 (2,1) NSDélai diagnostique (mois) 2,5 ± 2,8 3,3 ± 2,6 NSSignes cliniquesCéphalées 32 (100 %) 41 (100 %) NSAnomalie clinique de l’artèretemporale

30 (94 %) 34 (83 %) NS

Claudication de la mâchoire 10 (31 %) 15 (36 %) NSDiminution transitoire acuitévisuelle

5 (16 %) 9 (22 %)

Asthénie/anorexie/amaigrissement 19 (59 %) 27 (66 %) NSFièvre 2 (6 %) 7 (17 %) NSSignes biologiques sanguinsVS (mm/1°h) 80 ± 22 90 ± 24 NSHémoglobine (g/dl) 11,4 ± 1,4 11,2 ± 1,3 NSAugmentation des transaminases(ASAT/ALAT)***

7 (22 %) 10 (24 %) NS

Augmentation des phosphatasesalcalines***

3 (9 %) 5 (12 %) NS

* Les valeurs sont indiquées, soit en moyenne ± déviation standard, soiten nombre de cas (et pourcentage).

** p : signification statistique (NS = non significatif).*** Augmentation définie par une valeur ≥ × 1,5 valeur normale.

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réponse rapide avec normalisation de la VS. Malgrécela, unerechute sous la forme d’une MH est survenue ultérieurement,sans que ne soit mis en évidence de facteur prédictif d’unetelle évolution. Ceci confirme que les patients atteints dePPR, même après une très bonne réponse clinique et biologi-que à la corticothérapie, peuvent développer une MH symp-tomatique. Nous avons déjà souligné que la BAT pratiquéechez des patients atteints de PPR sans signes cliniques cépha-liques peut montrer des signes de MH et ce avec une fré-quence pouvant aller jusqu’à 15 à20 % [11–13]. La questionde la détection de ces cas se pose et l’utilité de la BATsystématique au cours de la PPR cliniquement isolée restedébattue. Les rhumatologues discutent souvent entre euxpour savoir si tel ou tel signe clinique ou biologique doit faireévoquer une MH chez un patient ayant un tableau cliniqueisolé de PPR. Des tentatives d’ identification de modèlesprédictifs du risque de MH dans cette situation ont été faites[20–23], mais la valeur de ces modèles dans la pratiquequotidienne n’a pas été clairement démontrée. Par exemple,aucun de ces modèles n’aurait indiqué la pratique d’une BATchez nos 7 patients ayant eu une rechute avec MH. L’absencede variables suffisamment sensibles et spécifiques dans cettesituation doit nous inciter à étudier la valeur potentielled’autres méthodes comme l’écho-Doppler couleur des artè-res temporales [45].

Il est important de noter qu’aucun de nos patients ayant euune rechute avec apparition d’une MH n’a développé decomplication ophtalmologique ou ischémique grave. Notreexpérience est similaire à celles précédemment rapportéesavec une faible fréquence des rechutes artérielles et un faiblerisque ischémique et oculaire [38,41–44]. Nous pensons quel’ensemble de ces données n’est pas en faveur de la pratiquesystématique d’une BAT chez les patients ayant un tableauclinique de PPR isolée et que le risque de développer ulté-rieurement des complications oculaires sévères est faible encomparaison des risques associés à l’utilisation d’une corti-cothérapie àforte dose. On peut ajouter que la prise en chargede ces patients peut être améliorée par la recherche régulière,au cours du suivi, de signes évoquant l’apparition d’une MH.

Nos résultats montrent que la MH et la PPR associée à laMH semblent constituer une même maladie qui elle-mêmesemble être différente de la forme isolée de PPR. Nos com-paraisons entre les populations de MH avec ou sans PPR nemontrent pas de différence qui pourrait faire individualiser laforme associée. Ces résultats confirment ceux précédemmentrapportés [38]. En revanche, la comparaison des patientsayant une PPR isolée avec ceux ayant une PPR associée àuneMH, semble montrer chez ces derniers une réaction inflam-matoire plus sévère se traduisant par une VS plus élevée et untaux d’hémoglobine plus bas. Nous avons aussi noté que cesous-groupe de patients avait une fréquence plus élevée d’al-tération de l’état général (asthénie, anorexie, amaigrisse-ment), de fièvre et de perturbations biologiques hépatiques,même si ces différences ne sont pas statistiquement signifi-catives. Nos résultats vont dans le même sens que ceux del’étude de Gonzalez Gay et al. [46] qui avaient trouvé des

différences significatives entre ces deux groupes avec, chezles patients ayant une PPR associée à une MH prouvéehistologiquement comparés àceux ayant une PPR isolée, unefréquence plus élevée des signes cliniques généraux et desparamètres biologiques de l’ inflammation (VS, taux de pla-quettes et d’hémoglobine). Ces différences semblent refléterl’existence d’une inflammation systémique plus importanteliée à l’existence de la MH.

L’hypothèse selon laquelle la PPR constituerait une formefruste de MH avec une vascularite infraclinique a étéappuyéepar de nombreux arguments au cours des dernières années[2–4]. Les mécanismes physiopathologiques à l’échelon mo-léculaire de la PPR et la MH sont très proches, ce qui est enfaveur de deux syndromes d’une même entité pathologique[4]. Dans le sens de cette hypothèse, il a été montré dans laparoi de l’artère temporale des patients atteints de PPR,même en l’absence de vascularite histologique, une produc-tion in situ d’ARN messager spécifique des cytokines pro-duites par les macrophages, mais pas de production d’ inter-féron gamma. Ces données peuvent suggérer que l’ interférongamma constituerait le facteur nécessaire à la transformationd’une inflammation artérielle infraclinique en une véritableartérite [4]. L’absence de cette cytokine serait protectrice visà vis du développement d’une authentique MH et pourraitexpliquer la différence de degré d’ inflammation entre lespatients avec ou sans MH.

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