Arte Flamenco : corps et âme

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Corps et âme 26 e édition d’Arte Flamenco Du 30 juin au 5 juillet à Mont-de-Marsan Supplément gratuit au journal du mercredi 18 juin 2014. Ne peut être vendu séparément Les suppléments du quotidien

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Un supplément du journal Sud Ouest édité à l'occasion du festival "Arte Flamenco" 2014 à Mont-de-Marsan

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Corpset

âme

26e édition d’Arte Flamenco Du 30 juin au 5 juillet à Mont-de-Marsan

Supplément gratuit au journal du mercredi 18 juin 2014. Ne peut être vendu séparément

Les suppléments du quotidien

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MERCREDI 18 JUIN 2014WWW.SUDOUEST.FR

« Les spectateurs, les journalistes me demandent souvent com-ment je bâtis la programmation d’Arte Flamenco. C’est finalement très simple. L’important, c’est ce que je ressens, souligne la direc-trice artistique du festival, San-drine Rabassa. Je ne travaille ni par mail, ni sur dossier. Je travaille avec le cœur. Si je sens sur ma peau l’émotion que l’artiste entend faire partager, c’est gagné. »

Partage et respect. Qualité artis-tique et état d’esprit. Flamenco le plus pur et magie de l’improvisa-tion. Grands maîtres et jeunes gé-nérations. Une fois de plus, et pour la 26e année consécutive, le festi-val Arte Flamenco, créé et porté par le Conseil général des Landes, va faire partager à un large public cet art qui va chercher la vie. Une fois de plus, les corps vont se ten-dre et les regards s’enflammer, les âmes vibrer et les cœurs palpiter.

Seconde patrie du flamenco C’est le Ballet flamenco de Anda-lucia, l’un des plus grands ballets flamenco du monde, habitué du festival landais, qui ouvre le bal, lundi 30 juin, avec le vibrant et élé-gant « En la memoria del cante : 1922 ». Un spectacle qui se souvient quand le flamenco est passé de l’ombre à la lumière, comment il a acquis ses lettres de noblesse.

« Arte Flamenco est l’un des plus grands festivals de flamenco au monde. Une nouvelle fois, sa pro-grammation est spectaculaire. La qualité de ses propositions ne peut que nous pousser à renouve-ler notre soutien, en dépit de la crise économique et de la situa-tion financière délicate de l’Espa-gne », explique le directeur de l’Ins-titut de promotion du flamenco et de la culture andalouse, de la Ré-gion Andalousie, lors de la présen-tation de la 26e édition d’Arte Fla-menco, à Séville, le 5 juin.

« L’Andalousie aime comment Mont-de-Marsan prend soin des artistes. Arte Flamenco confirme que la France est la seconde patrie du flamenco », appuie encore le di-recteur l’Institut de promotion du flamenco et de la culture anda-louse.

En vingt-six ans, Arte Flamenco est devenu l’un des lieux de mé-moire et de transmission les plus

complets de cet art. Une mémoire vivante, une transmission vi-brante. Les plus grands ont encore répondu présents : Manuela Car-rasco et Antonio Canales, mercre-di 2 juillet, El Pele, jeudi 3 juillet, dans une rencontre improvisée par la jeune espoir du chant Encar-na Anillo, sans oublier Concha Var-gas, samedi 5 juillet.

Se bâtir un avenir Le festival de Mont-de-Marsan, c’est là, aussi, que le flamenco se bâtit un avenir. Les jeunes talents y retrouvent une flamme et une écoute propices à leur évolution, à l’image de Selene Muñoz ou de Manuel « El Carpeta », à découvrir vendredi 4 juillet.

Ni plus tout jeunes, ni encore grands maîtres, ils viennent et re-viennent à Arte Flamenco : le chan-teur Miguel Poveda et le guitariste Antonio Rey, mardi 1er juillet, les danseurs Rafael et Adela Campal-lo, jeudi 3 juillet, et Farruquito, vendredi 4 juillet. Sans oublier Je-sus Carmona, Karime Amaya et Pa-loma Fantova réunis dans une même soirée, samedi 5 juillet, pour révéler toute la richesse et la diversité du baile d’aujourd’hui.

Pour son directeur général, François Boidron, « Arte Flamen-co, c’est un festival durant lequel les artistes deviennent de vérita-bles amis. C’est un rendez-vous qui, année après année, a permis d’encourager la création. C’est un lieu de rencontre où l’Andalousie dévoile les secrets de son identité, grâce à une relation de confiance patiemment tissée depuis vingt-six années. C’est aussi un moyen de repousser les frontières, et, d’une certaine manière, de lutter contre les préjugés et l’obscuran-tisme. »

26E ÉDITION Revoilà Arte Flamenco : les artistes qui s’offrent corps et âmes à la vie, à la mort

Avec l’art et de belle manièreSandrine Rabassa, directrice artistique du festival, avec François Boidron, directeur général. PHOTO NICOLAS LE LIÈVRE

par le poète Federico Garcia Lorca et le compositeur Manuel de Falla. C’est avec ce concours que le fla-menco est sorti de l’ombre. Il s’est placé au centre de la scène, sous les projecteurs, pour y révéler ses let-tres de noblesse.

Raviver ses racines Honorer le passé pour mieux y pui-ser toute l’énergie nécessaire au fla-menco d’aujourd’hui. Rendre hom-mage aux anciens, à ses passeurs de techniques et de traditions. Raviver sans cesse ses racines dans une cul-ture flamenco essentiellement orale. S’il devait y avoir un fil rouge dans la carrière d’artiste de Rafaela Carrasco, ce serait celui-là.

En 2008, avec « ConCierto Gusto », la danseuse confronte sa vie consa-

crée au flamenco avec son besoin de se libérer de la tradition. En 2011, avec « Vamos al tiroteo, versiones de un tiemp pasad », Rafaela Carrasco met en scène les chansons populai-res de Lorca. Elle revisite, à sa ma-nière, des airs de 1931 qui ont inspi-rés et forgés de nombreux avant elle. Et, en 2014, voici donc la créa-tion « En la memoria del cante : 1922 » qui explore la tentative d’affir-mation du flamenco.

L’année prochaine, pour les vingt ans du Ballet flamenco de Andalu-cia, la chorégraphe pense déjà à une création hommage centrée sur ces vingt ans d’existence qui riment avec reconnaissance et résistance.

Formée dès l’âge de 6 ans à l’école sévillane auprès de Matilde Coral qui en reste la figure la plus emblé-

matique, Rafaela Carrasco s’initie également à la danse classique et contemporaine. Elle rencontre les plus grands : Manolete, El Guito ou La Tona. C’est au sein de la compa-gnie de Mario Maya qu’elle s’épa-nouit en tant qu’artiste interprète, avant de créer sa propre compa-gnie.

Elle prend la tête du Ballet flamen-co de Andalucia, l’année dernière, après avoir répondu à un appel d’of-fres. « Nous étions 11 candidats. C’est mon projet qui a été retenu », expli-que la chorégraphe, consciente de la fragilité de sa situation à la tête de l’institution. A l’image de ce flamen-co, qui, depuis des siècles, passe de corps en corps, de bouche en bou-che, de famille en famille, de géné-ration en génération.

Précédée notamment par l’im-mense Christina Hoyos, la danseuse et chorégraphe Rafaela Carrasco a pris la direction du Ballet flamenco de Andalucia. Cette compagnie, am-bassadrice du flamenco sur les scè-nes du monde entier, est de retour à Mont-de-Marsan, pour Arte Fla-menco, avec sa dernière création « En la memoria del cante : 1922 ».

Avec ce spectacle, Rafaela Car-rasco revient sur le concours de cante jondo, de « chant profond », organisé à Grenade, en juin 1922,

PORTRAIT La directrice du Ballet flamenco honore le passé pour y puiser la danse de demain

Rafaela Carras co ne veut pas perdre la mémoire

Rafaela Carrasco a été soliste dans le ballet avant d’en prendre la direction. PHOTO NICOLAS LE LIÈVRE

LUNDI 30JUIN 10 heures. Ouverture du village Arte Flamenco. 18 heures. Inauguration du festivaL. 21 heures. « En la memoria del cante : 1922 » par le Ballet Flamenco de Andalucia, à l’espace François-Mitterrand et soirée bodega avec la compagnie Meneito, place de la mairie.

MARDI 1ER JUILLET 12 h 30. Projection de courts métrages à la médiathèque. 14 heures. Scène amateur avec Flam’Co à la bodega, place de la mairie. 18 heures. Projection de « Sin Ruido » au Royal. 20 heures. Café cantante avec Antonio Rey et Miguel Poveda, au marché couvert Saint-Roch. 21 heures. Soirée bodega avec la compagnie la Cueva Flamenca, place de la mairie. 23 heures. Scène ouverte au CaféMusic’.

MERCREDI 2 JUILLET

10 heures. Baile pour enfants de 5 à 7 ans à la bodega. 11 heures. Baile pour les enfants de 8 à 12 ans à la bodega, place de la mairie. 14 heures. Scène amateur avec Alma del Sur à la bodega. 15 h 30. « El Duende de los sentidos », spectacle jeune public de la compagnie José Galan, au théâtre municipal. 18 h 30. Flamenco de rue avec la compagnie Rafael de Carmen sur l’esplanade du Midou. 20 heures. Café cantante avec Manuela Carrasco et Antonio Canales au marché couvert Saint-Roch. 21 heures. Soirée bodega avec la compagnie Laura Clemente, place de la mairie. 23 heures. Scène ouverte au CaféMusic’.

JEUDI 3 JUILLET 11 heures. Conférence de José Alberto Guez Estapia, au marché couvert. 12 h 30. Projection de courts métarges à la médiathèque. 14 heures. Scène amateur avec Flama Flamenca et les collégiens de Grenade-sur-l’Adour à la bodega. 18 heures. Projection de « Los Tarantos »

au cinéma Le Royal. 18 h 30. Rencontre avec le romancier David Fauquemberg, à la médiathèque. 18 h 30. Flamenco de rue avec la compagnie Pepe Torres sur l’esplanade du Midou. 20 heures. Café cantante avec El Pele et Encarna Anillo, puis Rafael et Adela Campallo. 21 heures. Soirée bodega avec la compagnie El Compas Brujo, place de la mairie. 23 heures. Scène ouverte au CaféMusic’.

VENDREDI 4 JUILLET 14 heures. Scène amateur avec Chispas Flamencas à la bodega. 18 h 30. Lecture et dédicaces avec le romancier David Fauquemberg, à la librairie Caractères. 18 h 30. Flamenco de rue avec la compagnie Rafael de Carmen sur l’esplanade du Midou. 20 heures. Café cantante avec les jeunes talents du flamenco, Selene Muñoz et Manuel « El Carpete », puis avec Farruquito, marché couvert Saint-Roch. 21 heures. Soirée bodega avec la compagnie Bartholoa Claveria, place de la mairie. 23 heures. Scène ouverte au CaféMusic’. Minuit. Compagnie Luisa au CaféMusic’.

SAMEDI 5 JUILLET 10 heures. Baile pour enfants de 5 à 7 ans à la bodega. 11 heures. Baile pour les enfants de 8 à 12 ans à la bodega. 14 heures. Scène amateur avec 44 Danse Studio, à la bodega. 15 heures. Conférence de Corinne Frayssinet-Savy à la médiathèque. 17 heures. « Il était une fois Concha », spectacle pour le jeune public de la compagnie Concha Vargas au Théâtre municipal. 18 h 30. Flamenco de rue avec la compagnie Pepe Torres sur l’esplanade du Midou. 20 heures. Cantate gourmand avec Jesus Carmona, Karime Amaya et Paloma Fantova, marché couvert. 20 h 30. Kejaleo en concert à la bodega. 22 h 30. « Maestros », spectacle de Taller Flamenco de Séville.

Farruquito se produit vendredi 4 juillet, au Cafe cantante. ARCHIVES N. L. L.

Miguel Poveda. PHOTO M. DEL CAMPO

Festival Arte Flamenco 2014

« aujourd’hui, en Espagne, le fla-menco souffre d’un manque de re-connaissance. Ses lettres de no-blesse lui sont davantage données par les festivals européens que par l’Espagne ! Le flamenco reste un art gitan, ni salué, ni exporté. Même en Andalousie, les salles sont rem-plies en grande partie par les afi-cionados étrangers. »

Lundi 30 juin, en ouverture du festival, le Ballet flamenco de An-dalucia devrait balayer toutes réti-cences, toutes résistances, et con-firmer, une fois encore, toute la puissance émotionnelle et expres-sive du flamenco.

BENOÎT MARTIN [email protected]

Que s’est-il passé en juin 1922, sur la place des Citernes, à l’Alhambra de Grenade ?

Un concours de flamenco. Plus précisément de cante jondo, de chant profond. Ce concours – le premier à l’échelle nationale – est organisé par le poète Federico Gar-cia Lorca et le compositeur Manuel de Falla.

Mais pourquoi diable des artis-tes célèbres convoquent-ils d’au-tres intellectuels européens pour se pencher sur le flamenco ? Pour l’inscrire parmi les arts et le faire rentrer dans l’histoire de l’art.

« Un cri d’alarme » Jusqu’à maintenant, le flamenco est considéré comme un art mar-ginal. Il est vu comme un art gitan, populaire, trop populaire, presque vulgaire. Un art venu de la nuit, gorgé de mauvaises fréquenta-tions et imbibé d’alcool. Pourquoi, alors, venir jusqu’à lui pour le met-tre sous la lumière ? Parce que jus-tement le flamenco vaut bien plus que ce ramassis de clichés.

Organiser le concours de Gre-nade, en juin 1922, « c’est pour pousser un cri d’alarme, explique Federico Garcia Lorca. Car les vieux emportent avec eux dans leur sé-pulture de véritables trésors des générations qui les ont précé-dées. »

Ce concours de chant et de danse est donc une ruse. Il cache un sursaut d’orgueil, une affirma-tion de soi, une démonstration de force. Comme une naissance et une renaissance simultanées.

Pour le flamenco, il y a un avant et un après Grenade. Plus de qua-tre-vingt-dix ans après cet événe-ment, le Ballet flamenco de Anda-lucia, l’un des plus grands ballets de flamenco du monde, dirigé par Rafaela Carrasco, décide de se pen-cher sur cette rupture via son der-nier spectacle, créé le 17 janvier à Cordoba. « Ce concours a permis

de contrer les a priori de certains bien pensants qui s’appliquaient à dévaloriser le flamenco. D’aller voir au-delà de cette obscurité où certains voulaient l’y laisser. Le con-cours de Grenade a permis de sor-tir le flamenco des bas-fonds pour le mettre sous la lumière, de dé-couvrir toute la richesse que cet art et cette culture avaient à offrir à la société espagnole toute entière », développe Rafaela Carrasco.

Le spectacle « En la memoria del cante : 1922 » rend hommage aux artistes qui ont participé à ce con-cours : Manuel Torre, Caracol, la Nina de los Peines… C’est finale-ment à Diego Bermudez Cala « El Tenazas » que le jury, présidé par Antonio Chacon, a attribué le pre-mier prix.

Rien n’est jamais gagné Archives, enregistrements de l’épo-que ont permis de retrouver l’état d’esprit du concours de Grenade. « Il ne s’agit pas d’être réaliste. C’est un spectacle hommage, un trait d’union entre deux époques », sou-ligne Rafaela Carrasco.

Ce travail de mémoire traduit-il une crainte de ne pas assez exis-ter ? « Aujourd’hui, même si le fla-menco est présent dans les plus beaux théâtres et dans les plus grandes salles, c’est une lutte per-pétuelle pour rester dans la lu-mière tout en conservant la beau-té primitive et originale du cante

jondo », assure la directrice du Bal-let.

Avant et après Grenade. Tout a changé mais rien n’est jamais ga-gné. En 1976, dans « Théorie roman-tique du chant flamenco », Luis La-vaur s’en prend, cinquante ans plus tard, à Lorca et à Falla. Le con-cours de Grenade est décrit comme « une cérémonie de haut niveau intellectuel, organisée pour rendre un hommage lyrique à l’es-thétique de la laideur, à la beauté de ce qui peut être considéré comme exotique et inculte, hir-sute, spontané et irrationnel ».

Sans aller jusqu’à de telles extré-mités, Sandrine Rabassa, directrice artistique d’Arte Flamenco depuis quatre ans, confirme qu’encore

OUVERTURE Habitué du festival, le Ballet flamenco de Andalucia est de retour. Sur le mode futur antérieur

De l’obscurité à la lumière

Le spectacle convoque les ancêtres – Manuel Torre, Caracol, la Nina de los Peines – qui se sont illustrés au concours de Grenade, au printemps 1922. PHOTO LUIS CASTILLA

Supplément gratuit au journal du 18 juin 2014

Président-directeur général : Olivier Gerolami Directeur général délégué,

directeur de la publication : Patrick Venries N° commission paritaire : 0410 C 86477

Chef de projet : Pierre Sabathié Illustration de Une : Nicolas Le Lièvre

Secrétariat de rédaction : Aurélie Champagne Rédaction : Benoît Martin

Publicité : Hervé Richet Siège social : Journal Sud Ouest 23, quai des Queyries, CS 20001

33094 Bordeaux Cedex Tél. 05 35 31 31 31 www.sudouest.fr

Manuela Carrasco sera sur la scène du Cafe Cantante, mercredi 2 juillet. ARCHIVES J.-L.D.

« Le concours de Grenade a permis de contrer les a priori des bien-pensants qui s’appliquaient à dévaloriser le flamenco. Ce concours l’a sorti des bas-fonds »

Voix chaude et profonde, battement de cœur, fanfare, chant de procession accompagnent les danseurs. PHOTO N. LE LIÈVRE

« Partage et respect. Qualité artistique et état d’esprit. Flamenco le plus pur et magie de l’improvisation. Grands maîtres et jeunes générations »

Festival Arte Flamenco 2014 Festival Arte Flamenco 2014

Achat des places et des abonne-ments sur le site Internet artefla-menco.landes.org, à la Boutique culture de Mont-de-Marsan, 11 rue Wlérick. Téléphone : 05 58 76 18 74.

À partir du lundi 30 juin jusqu’au samedi 5 juillet, directement au vil-lage du festival place Saint-Roch, de 10 à 20 heure ou par téléphone au 05 58 46 54 55.

RÉSERVATIONS

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Aussi bon, grand et célèbre soit-il, un artiste reste un artisan, un ou-vrier de la danse et du chant. Au quotidien, il se remet à l’ouvrage, perfectionne ses outils : sa voix, la musicalité qu’est capable de dé-ployer son corps tout entier, son sens du rythme… C’est un travail presque besogneux que d’inscrire au plus profond de soi le rythme et le mouvement reçus en héritage, pour pouvoir les mobiliser le mo-ment venu, les transcender à la se-conde la plus opportune.

Partager un petit bout de studio et quelques minutes de répétition de la danseuse Adela Campallo, c’est comprendre toute la rudesse

et la noblesse de ce travail-là, c’est saisir comment se fabrique le fla-menco.

Faire fructifier l’héritage Le flamenco, Adela, 37 ans, et son frère Rafael, 41 ans, l’ont dans le sang. Celui-là même qu’ils parta-gent et qui fonde l’existence du spectacle « Sangre », présenté à Arte Flamenco, jeudi 3 juillet à 20 heu-res. « Avec cette création, mon frère et moi, on veut vraiment voir ce qui coule dans nos veines. On a reçu le même flamenco en héritage, puis chacun l’a travaillé de son côté. Avec ce spectacle, on veut voir comment on va se retrouver », explique Ade-

la Campallo, formée auprès des plus grands comme José Galvan ou Manolo Marin, et finaliste du con-cours des jeunes interprètes de la Biennale de Séville, en 2002.

Si un héritage, ça se préserve, ça se protège, il est hors de question de l’économiser, de le laisser s’en-

gourdir. Un héritage, ça se fait fruc-tifier, ça s’exalte, en mettant du cœur à l’ouvrage.

Guitare, percussions, chant… Dans le studio de répétition de Sé-ville, Adela aiguillonne ceux qui l’ac-compagnent en musique et en rythme. Elle marque les temps. Ça, le petit bout qu’elle vient de danser, elle le garde. La danseuse recom-mence la séquence. Elle semble dé-fier le guitariste du regard, des han-ches et des épaules. D’une main, elle donne. De l’autre, elle reprend. Al-lez, on reprend. Le rythme se com-plexifie. La sueur ruisselle dans son cou et plaque ses cheveux sur ses épaules et la naissance de sa poi-

trine. « Oui, ça aussi, on le garde », semblent dire les sourires de la dan-seuse et des trois musiciens.

Par accumulation, par strates, elle bâtit son spectacle. Elle fluidifie son sang en le mêlant de sueur. Elle con-solide l’héritage par le travail. Tel un maître artisan asiatique qui appli-que couche de laque sur couche de laque pour transformer un objet de bois en œuvre d’art, Adela Campal-lo l’Andalouse peaufine et affûte ce flamenco séculaire, venu d’on ne sait trop où. Son frère a fait de même de son côté. Les retrouvailles et le résultat sont à découvrir au Café cantante d’Arte Flamenco, jeu-di 3 juillet.

UNE HISTOIRE DE FAMILLE... Le flamenco se transmet de génération en génération. Le frère et la sœur Rafael et Adela Campallo révèlent comment il se reçoit, comment il se travaille et fait grandir

Le sang est fait de sueurAdela Campallo, en pleine répétition de son spectacle, dans un studio de l’école Taller, à Séville, le 2 juin dernier. PHOTO NICOLAS LE LIÈVRE

Festival Arte Flamenco 2014

« Par accumulation, par strates, Adela Campallo peaufine et affûte ce flamenco séculaire, venu d’on ne sait trop où »

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Cristalliser l’énergie. Immobi-liser le mouvement. Immor-taliser la tension extrême.

Fixer un duende pour l’éternité. Voilà le défi relevé par Miguel An-gel Gonzalez depuis vingt ans : photographier le flamenco. Une partie de sa quête est à découvrir dans l’exposition « A compas del tiempo » (« Au rythme du temps »), présentée au musée Despiau-Wlé-rick, pendant un mois, dès le pre-mier jour du festival.

« Je suis convaincu du potentiel esthétique du flamenco, de sa beauté visuelle, de sa richesse mu-sicale et de sa capacité à transmet-tre des émotions, explique Miguel Angel Gonzalez, photographe de presse depuis 1991. En reportage comme avec le flamenco, j’ai be-soin de cette émotion pour faire une photo. »

Corps tendus. Poings serrés. Mains écartées. Bouches déformées par le chant. Visages transfigurés. Avec ces portraits noir et blanc, Miguel

Angel Gonzalez transforme dan-seurs, guitaristes et chanteurs fla-menco en révolutionnaires armés de rage et de désespoir, en combat-tants désarmants, dépassés par la puissance de leur acte artistique qu’ils livrent ici et maintenant.

Pas question, ici, de faire de ces artistes des héros. Si le fond totale-ment noir et opaque achève de les mettre en lumière, c’est en tant que hérauts qu’ils s’avancent vers la foule, chargés par les générations antérieures de continuer à chanter la vie et la mort, l’amour et la perte.

L’émotion à son point limite Pour Miguel Angel Gonzalez, il n’est pas question de mitrailler et de récupérer un cliché parmi des milliers : « Je me concentre sur la musique et le rythme pour sentir quand ça va venir, quand l’émotion va atteindre son point limite. »

D’un clic, voilà une fraction d’es-pace et de temps gravée sur la pu-pille et le papier. À la vue de ces œu-vres, une évocation du duende par Federico García Lorca remonte à la surface : « Le pouvoir magique du duende transforme une belle jeune fille en paralytique de la lune, ou donne les roseurs de l’adoles-cence à un vieillard en haillons qui fait l’aumône dans les débits de boisson. »

DESPIAU-WLÉRICK Miguel Angel Gonzalez expose ses portraits au musée

Duende pour l’éternitéLa Macanita, Antonio Agujetas, Diego Carrasco, tout en clairs-obscurs, immortalisés par le maître. PHOTOS MIGUEL ANGEL GONZALEZ

José MercéLa Paquera de Jerez

« Pas question de mitrailler. Je me concentre sur le rythme pour sentir quand ça va venir »

Festival Arte Flamenco 2014

Le photographe de presse et de flamenco Miguel Angel Gonzalez. PHOTO NICOLAS LE LIÈVRE

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Avec Arte Flamenco, il y a du fla-menco partout et pour tout le monde. C’est l’une des mar-

ques de fabrique de ce festival créé il y a vingt-six ans et porté par le Con-seil général des Landes. Sur les places et dans les bars. À l’hôpital, dans les crèches et les maisons de retraite. Pour les grands et les petits. Dans des salles et à l’air libre. Du payant et beaucoup de gratuit. À voir et à pra-tiquer.

1 Et si on se mettait tous au flamenco ?

Baile, guitare, chant, cajon… Du lun-di 30 juin au samedi 5 juillet, 27 cours par jour sont proposés par une quin-zaine de professeurs de l’école Taller flamenco de Séville, tous choisis pour leur talent et aussi pour leur sens de la pédagogie. À noter cette année, la venue exceptionnelle du grand maître Manolo Marin qui donnera une Master class. Pour tous ceux qui veulent tester sans passer par un cours en bonne et due forme, le festival a prévu du flamenco de rue. Du mercredi 2 au samedi 5 juillet, une compagnie attend le pu-blic sur l’esplanade du Midou. Pour tout lui dévoiler et le faire participer.

2 La place de la Mairie devient bodega

En plus des spectacles « in » payants, il y a des tonnes d’occasion pour croi-ser un flamenco et pourquoi pas le duende. Beaucoup de choses se pas-

sent place de la Mairie. L’après-midi, à 14 heures, de jeunes compagnies, des associations, des écoles ont l’oc-casion de présenter leurs derniers travaux au public. C’est gratuit. Le soir, la place accueille les soirées bo-dega. Du lundi 30 juin au vendredi 4 juillet, à 21 heures, et le samedi 5 juillet, à 22 h 30, Arte Flamenco pro-pose une sélection de spectacles de compagnies professionnelles espa-gnoles. C’est encore gratuit.

3 Le flamenco en mots, lettres et images

Si le flamenco ça se vit et ça se ressent, ça peut aussi se comprendre, s’expli-quer, s’écrire. Une rencontre avec un romancier qui s’est immergé dans l’univers flamenco, jeudi 3 juillet, à 18 h 30, à la médiathèque, une con-férence sur le flamenco et le cinéma, jeudi 3 juillet, à 11 heures, au Café can-tante, une autre sur la relation qu’en-tretient la danse flamenca avec la musique, samedi 5 juillet, à 15 heu-res, à la médiathèque, des séances de cinéma au Royal… Le flamenco et le festival, c’est aussi tout ça !

4 Les grands… et les petits aussi

Deux spectacles sont programmés à l’attention des plus jeunes specta-teurs, ce qui ne veut pas dire qu’ils leur sont exclusivement réservés… « El duende de los sentidos », mercre-di 2 juillet, à 15 h 30, au théâtre mu-nicipal, avec la Cie José Galan (gratuit).

Et « Il était une fois Concha », au théâ-tre, samedi 5 juillet, à 17 heures, (payant), par la Cie Concha Vargas. Les jeunes pratiquants ne sont pas ou-bliés avec le traditionnel baile pour enfants, des cours d’une heure, en matinée, pour les 5-7 ans et les 8-12 ans, le mercredi 2 et le samedi 5 juillet.

5 Pousser la porte du CaféMusic’

Du mardi 1er juillet au vendredi 4 juillet, la Scène de musiques actuel-les, le CaféMusic’ se transforme en grande auberge espagnole. Entre 23 heures et 2 heures du matin, cha-cun peut y venir pour discuter, jouer, s’exprimer ou déguster de la danse, de la guitare, du cajon et du chant. Bref, perfectionner sa culture flamen-ca. En hôte des lieux : le musicien et DJ Juan Manuel Cortes. Il fait partie de la Cie Luisa, en résidence au Café-Music’ pendant tout le festival, qui présentera le fruit de son travail sur scène le vendredi 4 juillet, à partir de minuit.

6 Le Off, jusqu’au bout de la nuit

Pendant six jours, le centre-ville de Mont-de-Marsan vit au rythme du baile et du cante flamenco. Bars, ca-fés, restaurants, commerces propo-sent les artistes amateurs ou confir-més de leur choix. Flamenco, tapas et cerveza… Mont-de-Marsan de-vient Séville.

LE IN ET LE OFF Pendant les six jours de festival, il y a du flamenco partout, tout le temps et pour tout le monde

Le jour et la nuit

La place Pitrac est devenue un haut lieu des soirées off du festival. PHOTO ARCHIVES NICOLAS LE LIÈVRE

Festival Arte Flamenco 2014

Jean-Louis Duzert, photographe de presse, découvre le flamenco lors de la première édition du festival Arte Flamenco, créé et porté par le Con-seil général des Landes. Depuis 1989, la fièvre de la danse et du chant ne l’ont plus lâché. En vingt-cinq ans, le photographe rencontre les plus grands artistes, saisit les détails, par-court Mont-de-Marsan et l’Andalou-sie, expose et publie.

Pour cette 26e édition du festival montois, Jean-Louis Duzert propose à 12 stagiaires de le suivre sur les voies riches et intenses du flamen-co. « Ce sont des gens qui font déjà de l’image et qui s’intéressent au fla-menco. Il n’y a pas eu de sélection sur le niveau », précise Jean-Louis Duzert.

Critiques, trucs et astuces Lundi 30 juin, le stage débutera par deux ou trois heures de théorie : comment utiliser son boîtier, son objectif, mais aussi comment res-pecter les artistes, comprendre ce qui est possible ou pas… Après, place à la pratique, jusqu’à vendre-di. « On sera constamment dans un aller-retour entre la prise de photo-graphies et la critique d’images », ex-plique Jean-Louis Duzert qui distille-ra trucs et astuces.

« Pourquoi pas faire une exposi-tion pour la 27e édition avec le fruit du travail des stagiaires ? C’est un travail qui est appelé à se perpétuer, année après année, assure le photo-graphe. Cela permettra de nourrir le festival d’images, au-delà du “In”. Off, bodega, flamenco de rue, sta-ges… C’est important de garder des traces. »

STAGE Jean-Louis Duzert photographie le flamenco depuis vingt-cinq ans. Cette année, il transmet sa passion

Le flamenco à l’œil et au doigt

Jean-Louis Duzert assure un stage de photographie pendant le festival. ARCHIVES J.-L. D.

1990

Le 3 juillet, le grand « Ca-marón » est attendu. Il n’est pas là. L’heure tourne. L’orga-nisation propose au public qui le souhaite le rembourse-ment des billets. La majorité des spectateurs restent dans la salle. En fin de compte, Ca-marón, qui s’était perdu dans la nuit, débarque. Le récital fut grandiose.

1992 Le 7 juillet, trois grands évé-nements se déroulent au hall de Nahuques : Le grand gui-tariste Pedro Bacán présente « Nuestra historia al Sur » avec sur scène Antonio Var-gas, Pepa de Benito, Antonio Peña, Concha Vargas, Car-men Ledesma… José Antonio Camacho offre son œuvre théâtrale flamenca « Amante » et Pedro Peña se retrouve à la tête d’une distribution unique dans « La Fragua del Cante ».

1997 À la fin janvier éclate la terri-ble nouvelle de la mort du guitariste Pedro Bacán, qui avait triomphé l’année pré-cédente au festival. Le 11 juillet, Arte Flamenco con-sacre une soirée entière à ce défenseur du flamenco le plus pur.

2010 Le 6 juillet, la danseuse Jua-na Amaya est à l’affiche du Café cantante. C’est la pre-mière fois qu’elle remonte sur scène, après deux ans de deuil, à la suite du décès de son époux. Toute vêtue de noir, la bailora gitane danse la vie, l’amour, la mort dans un solo endiablé qui convo-que le duende. Cinq minutes pour l’éternité…

2013 Le 5 juillet, pour son 25e anni-versaire, le festival décide de programmer des « rencon-tres » inédites sur la scène du Café cantante. Succès mons-tre. Le festival accueille 30 000 spectateurs et achève son quart de siècle en beauté.

EN CINQ DATES

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Attention électrochoc ! Atten-tion coup de cœur ! L’année dernière, à l’occasion de son

25e anniversaire, le festival Arte Fla-menco avait osé la magie des ren-contres artistiques. Entre les pianis-tes David Dorantes et Diego Amador. Entre les chanteurs José Va-lencia et Pedro El Granaino. Et entre les chanteurs Esperanza Fernandez et Arcangel. Arte Flamenco y a pris goût, ne peut plus s’en passer et pro-gramme, cette année encore, deux rencontres au sommet.

Sandrine Rabassa – pressée par la presse de dévoiler ses coups de cœur de 2014, alors qu’elle rechigne, à raison, de scinder sa programma-tion – finit par concéder que ce se-rait « peut-être la rencontre entre Manuela Carrasco et Antonio Cana-les. Je me souviens encore d’une de ces fois où elle est venue danser. Après elle, personne ne pouvait plus danser ! Parfois, il ne faut pas atten-dre que des artistes disparaissent pour dire que ce sont des dieux vi-vants. »

Deux monstres sacrés Mercredi 2 juillet, à 20 heures, la scène du Café cantante accueille deux monstres sacrés : Manuela Car-rasco et Antonio Canales. Elle, la diva, la reine, l’impératrice du baile flamenco gitan dans la plus pure tradition, avait été l’invitée d’hon-neur du festival en 2012. Lui, est l’un des premiers à avoir exporté le fla-menco sur les scènes du monde en-tier, en l’imprégnant, parfois, de danse classique, qu’il est allé parta-ger avec Maguy Marin, Rudolf Nour-rev, Sylvie Guillem ou Patrick Du-pond. Avec ces rencontres, Arte Flamenco se place au cœur de ce qui constitue le côté magique du spec-

tacle vivant. Le temps d’une soirée à Mont-de-Marsan, spectateurs et ar-tistes vont partager un moment in-égalable. Un instant unique, ici et maintenant.

Jeudi 3 juillet, à 20 heures, toujours au Café cantante, la seconde soirée rencontre permettra de souligner combien la notion de transmission entre générations est primordiale

dans l’art flamenco. La chanteuse de 31 ans, Encarna Anillo, était à peine née que El Pele remportait plusieurs premiers prix au concours Cayeta-no Muriel et au concours national

de Cordoue, en soléa et en bulerias. Ce sont deux musicalités extraordi-naires qui vont se jauger et se mêler, entre solis et duo. Vite, vite… Ce sera ces deux soirs-là ou jamais.

ICI ET MAINTENANT Dialogue, jeu, union, confrontation entre deux artistes. Ces tête-à-tête entêtent. Dès la deuxième année, ils sont devenus une tradition dont Arte Flamenco ne veut plus se passer

Le coup de foudre de la rencontre

La rencontre de deux « dieux vivants » du baile, Manuela Carrasco et Antonio Canales, mercredi 2 juillet, précèdera l’union des voix d’ Encarna Anillo et El Pele, jeudi 3 juillet, au Café cantante. PHOTOS ARCHIVES PASCAL BATS/NICOLAS LE LIÈVRE/PACO SANCHEZ/KRISTINA ROSA

Un visage rond, un sourire avenant et serein, de longs cheveux noirs. C’est à peine si Encarna Anillo fait ses 31 ans. La jeune femme est l’un des plus grands espoirs du chant flamenco. De retour d’une tournée en Amérique du Sud et en Europe de l’Est, Encarna Anillo vient au Café cantante, jeudi 3 juillet, pour y rencontrer le public d’Arte Fla-menco et l’expérimenté El Pele.

« Un cadeau » « Lorsque je suis née, en 1983, à Ca-diz, El Pele était déjà un grand du cante jondo. Toute petite, je l’écou-

tais avec ma mère. Alors, être sur scène à ses côtés, c’est un véritable cadeau qui m’est fait », explique,

toujours l’air serein, Encarna Anillo, un mois avant de rencon-trer le maître. La jeune chanteuse

n’a pas l’air d’être nerveuse le moins du monde. Ou alors, elle ca-che bien son jeu. « Avec El Pele, on ne s’est pas encore vu, ni parlé. On ne sait pas ce que l’on va faire en-semble sur scène. On sait juste que ce sera du flamenco traditionnel ! Il faut laisser à l’improvisation la possibilité de faire naître de la ma-gie », glisse encore Encarna Anillo, tout aussi prête à vivre un moment de grâce qu’à envisager la possibi-lité que cela ne prenne pas autant qu’on le souhaiterait.

« Force qui vient, qui sort » Sur scène, Encarna y monte depuis l’âge de 5 ans. Elle a commencé par danser puis elle est venue au chant « naturellement ». « J’aime le chant. C’est comme une force qui vient, qui sort. Je ne peux pas l’expli-quer », précise celle qui a déjà croi-

sé les chemins artistiques de Far-ruquito, Israel Galvan ou Antonio Canales.

En 2006, à 23 ans, elle com-mence à se produire en solo dans des festivals avec son style riche, rythmé et structuré. C’est en 2008 qu’elle réalise son premier album, « Barcas de plata », produit par Mi-guel Poveda. « Dès que j’ai sorti mon premier disque, ma carrière a pris un autre tournant. Je suis in-vitée en tant que chanteuse à part entière, plus pour accompagner les danseurs », explique la chan-teuse.

Encarna Anillo, El Pele, rencon-tre au sommet. Union, commu-nion, magie ? Rien n’est moins sûr, mais il devrait sûrement se passer quelque chose qui méritera de l’at-tention, sur la scène du Café can-tante.

CANTE JONDO La jeune Encarna Anillo rencontre El Pele l’expérimenté, le jeudi 3 juillet. Même pas peur

La sérénité n’attend pas le nombre des années

Encarna Anillo, 31 ans, mêlera sa voix à celle d’un grand maestro du cante jondo, El Pele. PHOTO NICOLAS LE LIÈVRE

Festival Arte Flamenco 2014

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Concha Vargas, c’est la danse gitane par excellence. Née dans une famille parente des

Pinini et des Peña, les grandes dynas-ties flamencas, Concha Vargas est l’héritière d’un flamenco tradition-nel, séculaire, originel. Avec son spectacle « Il était une fois Concha », elle convoque tous les styles. De tout son corps et avec toute son âme, elle écrit l’histoire du flamenco, entre épique et ludique. Un conte dansé qu’il serait dommage de ne laisser qu’aux enfants.

« Sud Ouest ». Comment vous est venue l’idée de créer « Il était une fois Concha » ? Concha Vargas. Ce spectacle est né d’une proposition de mon agent ar-tistique ! Un jour, il m’a dit, tel un défi : « Dis donc, Concha, pourquoi tu ne raconterais pas ton histoire ? Ce serait celle du flamenco ! » Il vou-lait un spectacle très éducatif, très pédagogique. Au début, je n’y croyais pas trop. Et maintenant, quand je vois le résultat, je suis très surprise. Avant de rentrer sur scène, les jeunes s’agitent dans la salle. Ça crie, ça bouge. De quoi se dire « Mon Dieu, ce n’est pas gagné… » Dès que je rentre sur scène et que je com-mence à danser et à raconter mon histoire, le silence se fait. Le flamen-co impose le respect, même chez les plus turbulents.

Justement, sur scène, que se passe-t-il ? Qu’est-ce que vous montrez ? « Il était une fois Concha » a vraiment été créé comme une conférence

dansée, très didactique. Il y a un nar-rateur, qui raconte, explique, dé-taille tous les styles de flamenco. Et moi, j’illustre ses propos. On débute par le style alegría, puis on passe aux différents styles de soleá…

Le flamenco, c’est vraiment l’histoire de votre vie… Je danse depuis que j’ai 5 ans. Année après année, mon corps a intégré tout ça. Cela commence par les fêtes de famille. Mon père, négociant en bétail et biens immobiliers, n’était pas un artiste. Il ne chantait pas, ne dansait pas. Mais c’était un amou-reux et un connaisseur de l’art. Il fai-sait venir des grands artistes à la maison. Camaron, Juan Talega… Lors des veillées, je côtoie de grands maîtres et j’apprends avec eux.

À partir de là, l’histoire ne s’arrête plus ?

À l’âge de 12 ans, je me produis au fes-tival El gazpacho de Moron. Puis je danse dans les tablaos de Séville ou de Madrid. Et c’est en 1976 que je re-joins la compagnie Mario Maya. On crée le spectacle « Camelamos na-quelar ». En dialecte gitan, en caló, ça signifie : « Nous voulons parler ». À cette époque, on allait à Paris aus-si souvent et facilement, comme on irait au marché faire ses courses. On a joué à l’Olympia, au théâtre Montparnasse, etc.

Comment était le public français ? C’est un public réceptif, comme ja-mais je n’aurais pu l’imaginer. Dans les années 1980, j’ai travaillé avec Pe-dro Bacan. Il s’est adressé au public français avec un flamenco familial, traditionnel, pur. Ce n’était plus le flamenco auquel le public était ha-bitué, celui des robes à pois et à vo-lants, celui des danseuses avec des

peignes dans les cheveux. Eh bien le public français a suivi, avec enthou-siasme. À chaque fin de spectacle, il était debout. On est rappelé deux, trois, quatre fois… Pourtant, c’est un flamenco plus dur, plus difficile.

Et le public de Mont-de-Marsan ? Avec lui, c’est comme si on était en famille, à la maison. C’est un public exceptionnel. Chants, danses, spec-tacles et surtout fêtes… C’est fou tout ce qu’on a pu vivre ensemble.

Aujourd’hui, le flamenco et vous, où en êtes-vous ? On ne vit plus ou pas bien du fla-menco en Espagne. C’est fini ce temps-là. Il y a bien du flamenco dans les tablaos à Séville, mais c’est du flamenquito, du petit flamenco. Ce flamenco-là, je le respecte aussi car tout le monde doit travailler.

Ce n’est quand même pas la mort du flamenco ? Tout ça me fait très peur. Qu’est-ce qui va rester ? Qui va garder ce fla-menco puro ? Ma fille tente d’ap-prendre le chant grâce à des vidéos sur le Net. C’est impossible. On ne peut pas danser en restant sur son sofa. Il faut y aller, un point c’est tout ! Il y a bien une nouvelle géné-ration, magnifique, mais… J’ai quand même l’impression qu’un certain courage, une certaine ar-deur, une certaine profondeur, e perdent.

« Il était une fois Concha », par la Compa-gnie Concha Vargas, samedi 5 juillet, à 17 heures, au Théâtre municipal.

INTERVIEW Avec « Il était une fois Concha », la bailaora raconte son histoire, celle du flamenco. Comme une conférence dansée, didactique et ludique

Dis, Concha, raconte-moi le flamenco…

« Qu’est-ce qui va rester ? Qui va garder ce flamenco puro ?», se demande Concha Vargas. PHOTO ARCHIVES PASCAL BATS/S.O.

Concha Vargas : «Avec le public de Mont-de-Marsan, c’est comme si on était à la maison. » PHOTO NICOLAS LE LIÈVRE

Festival Arte Flamenco 2014

« Tous les arts peuvent accueillir le duende, mais là où il trouve le plus d’espace, bien naturellement, c’est dans la musique, dans la danse, et dans la poésie déclamée, puisque ces trois arts ont besoin d’un corps vivant pour les inter-préter, car ce sont des formes qui naissent et meurent de façon perpétuelle et dres-sent leurs contours sur un présent exact. » « Les grands artistes du sud de l’Espagne, gitans ou flamencos, quand ils chantent, quand ils dansent, quand ils jouent, savent qu’aucune émotion n’est possible avant l’arrivée du duende. Ils peuvent donner l’impression du duende alors qu’il n’est pas là et abuser les gens, comme vous abusent, tous les jours, des auteurs, des peintures et des faiseurs de modes littéraires dépourvus de duende » « Pour chercher le duende, il n’existe ni carte ni ascèse. On sait seulement qu’il brûle le sang comme une pommade d’éclats de verre, qu’il épuise, qu’il rejette toute la douce géométrie apprise, qu’il brise les styles, qu’il s’appuie sur la douleur humaine qui n’a pas de consolation. »

« Avec l’idée, le son ou le geste, le duende aime mener, sur ces bords du puits, un combat loyal avec le créateur. Le duende blesse, et dans la guérison de cette blessure qui ne se referme jamais, réside l’insolite, l’invention à l’intérieur de l’œuvre de l’homme. »

A propos du duende « Cette danseuse, elle a le duende… » « Ce guitariste, il a eu le duende hier soir ! » Le mot duende en espagnol, désigne à la fois une sorte de petit lutin, un chardon d’Andalousie, et surtout cet esprit mystérieux, ce charme qui se dégage du flamenco. En 1933, à Buenos Aires, en Argentine, et en 1934, à Montevideo, en Uruguay, le poète et dra-maturge espagnol Federico Garcia Lorca a donné une conférence intitulé « Juego y teoría del duende »(jeu et théorie du duende). Voici quelques extraits pour approcher ce duende insaisissable.