Art & #2 - The Blood Next Door

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Le choix d’un pseudonyme est parfois motivé par une volonté d’anonymat, procuré par la neutralité du nom de remplacement qui est choisi. Changer de nom revient alors presque à disparaître. Tout au moins on l’espère. D’autres pseudos en revanche sonnent comme un programme. The Blood Next Door est de ceux là. Vous en prendrez bien un peu, juste pour goûter ? Alors allons-y ! Nazheli Perrot et anthony peskine officient sous ce nom aux accents de film de série B depuis 2007. Ils se rencontrent aux Beaux Arts de Paris en 2004 et commencent rapidement à réaliser ensemble des photos mises en scènes. Trois ans plus tard, constatant que ce qui était initialement un jeu a gagné en consistance et ouvre des pistes en tant que travail à quatre mains, ils décident de se constituer en duo. Le programme établi dès le départ pourrait être formulé comme suit : observer, démonter et re-configurer en un joyeux chaos les rapports sociaux dans leur dimension institutionnalisée. Qu’il s’agisse de conventions a priori banales et anodines ou de points de tension plus palpables, The Blood Next Door en propose une représentation jubilatoire, à travers des photographies de grand format ou des films très courts, les microfilms. Dans leurs réalisations, l’humour décapant est lancé contre les travers omniprésents et pourtant refoulés de la société, pour devenir une forme de résistance à l’aliénation dans laquelle l’époque est engluée. Les ressorts de ce comique résident dans le déplacement, le détournement et l’exacerbation des impasses, contradictions ou stéréotypes culturels qui jalonnent voire structurent la civilisation de la consommation de masse. La photographie et la vidéo se prêtent particulièrement bien à leur démarche, en tant que vecteurs hégémoniques de projections d’un réel conforme à la société marchande, forts du pari de la confusion du spectateur conditionné en ce qui concerne le monde et sa représentation. Leur qualité narrative, perçue avec le plus grand naturel par les individus nourris d’images techniques, est pleinement mise à contribution. Mais la narration qui s’en dégage est tour à tour d’une cinglante ironie, transgressive ou simplement absurde et au lieu de créer du désir, provoque une sorte de court-circuit. L’argent, le pouvoir, la communication, la frustration, la barbarie, la satisfaction immédiate des pulsions, l’idiotie et l’anarchie potentielle d’un monde pourtant organisé jusque dans ses moindres recoins, sont autant de sujets d’inspiration de leurs photographies volontairement outrancières. Le traitement de ces images va dans le sens du propos ironique, entre mise en scène évidente et retouche numérique appuyée, accentuant les ressorts de la photographie publicitaire qui assume moins volontiers ces arrangements avec le réel. Et quand on fréquente leur univers pendant quelque temps, The Blood Next Door s’affirme dans sa dimension de programme, devenant un potentiel qui envahit le réel, comme une étrange substance aux vertus déstabilisantes et hilarantes. Vous en reprendrez bien encore un peu ? Paul Frèches Commissaire d’expositions et galeriste DOOR Corbeaux 2010

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Portfolio - The Blood Next Door - Art & #2

Transcript of Art & #2 - The Blood Next Door

Le choix d’un pseudonyme est parfois motivé par une volonté d’anonymat, procuré par la neutralité du nom de remplacement qui est choisi. Changer de nom revient alors presque à disparaître. Tout au moins on l’espère. D’autres pseudos en revanche sonnent comme un programme. The Blood Next Door est de ceux là.Vous en prendrez bien un peu, juste pour goûter ? Alors allons-y !Nazheli Perrot et anthony peskine officient sous ce nom aux accents de film de série B depuis 2007. Ils se rencontrent aux Beaux Arts de Paris en 2004 et commencent rapidement à réaliser ensemble des photos mises en scènes. Trois ans plus tard, constatant que ce qui était initialement un jeu a gagné en consistance et ouvre des pistes en tant que travail à quatre mains, ils décident de se constituer en duo. Le programme établi dès le départ pourrait être formulé comme suit : observer, démonter et re-configurer en un joyeux chaos les rapports sociaux dans leur dimension institutionnalisée. Qu’il s’agisse de conventions a priori banales et anodines ou de points de tension plus palpables, The Blood Next Door en propose une représentation jubilatoire, à travers des photographies de grand format ou des films très courts, les microfilms.Dans leurs réalisations, l’humour décapant est lancé contre les travers omniprésents et pourtant refoulés de la société, pour devenir une forme de résistance à l’aliénation dans laquelle l’époque est engluée. Les

ressorts de ce comique résident dans le déplacement, le détournement et l’exacerbation des impasses, contradictions ou stéréotypes culturels qui jalonnent voire structurent la civilisation de la consommation de masse. La photographie et la vidéo se prêtent particulièrement bien à leur démarche, en tant que vecteurs hégémoniques de projections d’un réel conforme à la société marchande, forts du pari de la confusion du spectateur conditionné en ce qui concerne le monde et sa représentation. Leur qualité narrative, perçue avec le plus grand naturel par les individus nourris d’images techniques, est pleinement mise à contribution. Mais la narration qui s’en dégage est tour à tour d’une cinglante ironie, transgressive ou simplement absurde et au lieu de créer du désir, provoque une sorte de court-circuit. L’argent, le pouvoir, la communication, la frustration, la barbarie, la satisfaction immédiate des pulsions, l’idiotie et l’anarchie potentielle d’un monde pourtant organisé jusque dans ses moindres recoins, sont autant de sujets d’inspiration de leurs photographies volontairement outrancières. Le traitement de ces images va dans le sens du propos ironique, entre mise en scène évidente et retouche numérique appuyée, accentuant les ressorts de la photographie publicitaire qui assume moins volontiers ces arrangements avec le réel. Et quand on fréquente leur univers pendant quelque temps, The Blood Next Door s’affirme dans sa dimension de programme, devenant un potentiel qui envahit le réel, comme une étrange substance aux vertus déstabilisantes et hilarantes. Vous en reprendrez bien encore un peu ?

Paul FrèchesCommissaire d’expositions et galeriste

DOOR

Corbeaux 2010

Poisson 2007

Poisson 2007

Ticket 2010

Park 2011

Ticket 2010

Park 2011

Famille 2010

Famille 2010

Concert 2010

Concert 2010

La Pause 2008

La Pause 2008

Rond-Point 2009

En haut, de g. à dr. : Supermarché 2011, La Banque 2008, Le Thé 2007

Rond-Point 2009

En haut, de g. à dr. : Supermarché 2011, La Banque 2008, Le Thé 2007

École 2010

École 2010