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ARRÊT DU 23. 2. 1984 - AFFAIRE 93/83 ouvraison. Des opérations affectant la présentation d'un produit aux fins de son utilisation, mais n'entraînant pas une modification qualitative impor tante de ses propriétés, ne sont pas susceptibles de déterminer l'origine dudit produit. 3. L'article 5 du règlement n° 802/68 doit être interprété en ce sens que le fait de désosser, dénerver, dégraisser, découper en morceaux et empaqueter sous vide la viande provenant de quar tiers de bœufs ne confère pas à celle-ci l'origine du pays ces opéra tions ont lieu. Dans l'affaire 93 / 83 , ayant pour objet une demande adressée à la Cour , en vertu de l'article 177 du traité CEE, par le Finanzgericht Düsseldorf et tendant a obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre ZENTRALGENOSSENSCHAFT DES FLEISCHERGEWERBES E. G. (ZENTRAG), Francfort- sur-le-Main, et HAUPTZOLLAMT BOCHUM, une décision à titre préjudiciel sur les règles régissant la détermination de l'origine des marchandises au regard du désossage, de la denervation, du dégraissage, du découpage et de l'emballage de quartiers de bœufs, LA COUR (troisième chambre), composée de MM. Y. Galmot , président de chambre, U. Everling et C. Kakouris, juges, avocat général : M me S. Rozès greffier: M. H . A. Rühi , administrateur principal rend le présent 1096

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ouvraison. Des opérations affectant laprésentation d'un produit aux fins deson utilisation, mais n'entraînant pasune modification qualitative impor­tante de ses propriétés, ne sont passusceptibles de déterminer l'originedudit produit.

3. L'article 5 du règlement n° 802/68doit être interprété en ce sens que lefait de désosser, dénerver, dégraisser,découper en morceaux et empaquetersous vide la viande provenant de quar­tiers de bœufs ne confère pas àcelle-ci l'origine du pays où ces opéra­tions ont lieu.

Dans l'affaire 93/83,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en vertu de l'article 177du traité CEE, par le Finanzgericht Düsseldorf et tendant a obtenir, dans lelitige pendant devant cette juridiction entre

ZENTRALGENOSSENSCHAFT DES FLEISCHERGEWERBES E. G. (ZENTRAG), Francfort-sur-le-Main,

et

HAUPTZOLLAMT BOCHUM,

une décision à titre préjudiciel sur les règles régissant la détermination del'origine des marchandises au regard du désossage, de la denervation, dudégraissage, du découpage et de l'emballage de quartiers de bœufs,

LA COUR (troisième chambre),

composée de MM. Y. Galmot, président de chambre, U. Everling etC. Kakouris, juges,

avocat général: Mme S. Rozèsgreffier: M. H. A. Rühi, administrateur principal

rend le présent

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ARRÊT

En fait

Les faits de la cause, le déroulement dela procédure et les observations présen­tées en vertu de l'article 20 du statut dela Cour de justice de la Communautéeuropéenne peuvent être résumés commesuit:

I — Faits et procédure

1. En applicaton de l'article 10, para­graphe 3 du règlement CEE n° 805/68du Conseil du 27 juin 1968, portantorganisation commune des marchés dansle secteur de la viande bovine (JO L 148,p. 24) ainsi que du règlement CEE n°611/77 de la Commission du 18 mars1977, relatif à la détermination ou prélè­vement spécifique pour les bovins vivantset les viandes bovines autres que lesviandes congelées (JO L 77, p. 14), desprélèvements à un taux spécifique, réduitpar rapport au taux général applicableaux importations en provenance de paystiers, sont appliqués à l'importation deviande bovine originaire et en prove­nance d'Autriche, de Suède et de Suisse,parce que ces pays possèdent une struc­ture commerciale et des systèmes deproduction du bétail comparables à ceuxexistants dans la Communauté et que leniveau des prix pour les viandes bovinesest relativement élevé.

Le règlement (CEE) n° 802/68 duConseil du 27 juin 1968 relatif à la défi­nition commune de la notion d'originedes marchandises (JO L 148, p. 1)dispose en son article 5:

«Une marchandise en la productionde laquelle sont intervenus deux ou

plusieurs pays est originaire du paysoù a lieu la dernière transformation ououvraison substantielle, économiquementjustifiée, effectuée dans une entrepriseéquipée à cet effet et ayant aboutit à lafabrication d'un produit nouveau oureprésentant un stade de fabricationimportant».

Aux fins de l'application de cette disposi­tion, la Commission a, sur la base del'article 14 du règlement n° 802/68,arrêté dans son règlement (CEE) n°964/71 du 10 mai 1971 relatif à la déter­mination de l'origine des viandes et abatsfrais, réfrigérés ou congelés, de certainsanimaux des espèces domestiques (JOL 104, p. 12), les dispositions suivantes:

«Article 1 :

L'abattage des animaux des espècesdomestiques repris aux n os 01.01 à 01.04du tarif douanier commun ne confère,aux viandes et abats commestibles, frais,réfrigérés ou congelés qui en sont issus,l'origine du pays ou de la Communautéoù il a eu lieu que s'il fait suite à l'en­graissement des animaux considérés dansce pays ou dans la Communauté pendantune période au moins égale à trois moispour les animaux des espèces chevaline,asine, mulassière et bovine et à deuxmois pour les animaux des espècesporcine, caprine et ovine.

Article 2:

Lorsque l'abattage ne satisfait pas à lacondition prévue à l'article précédent, lesviandes et abats visés audit article sontoriginaires du pays où les animaux dontils proviennent ont été engraissés ouélevés pendant la plus longue période.»

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Au cours de la période du 18 févrierau 18 mai 1982, la Zentralgenossen-schaft des Fleischergewerbes e. G.(Zentrag) a fait meure en libre pratiquepar le Hauptzollamt de Bochum 23 lotsde viande de bœuf accompagnés de certi­ficats d'origine autrichiens émanant de laChambre de commerce et d'industrie deGraz. En conséquence, le Hauptzollamtde Bochum a perçu des prélèvements surla base du taux de prélèvement particu­lier prévu pour l'Autriche.

Par la suite, le Hauptzollamt de Bochuma constaté que la viande ne provenait pasd'animaux abattus en Autriche maisqu'elle avait été achetée en Hongrie sousforme de quartiers de bœufs par le four­nisseur de la Zentrag et qu'elle avait étéensuite, sous contrôle douanier,désossée, dénervée, dégraissée, découpéeen morceaux et empaquetée sous videpar une entreprise d'ouvraison enAutriche. Sur la base de cette constata­tion, le Hauptzollamt de Bochum a, paravis de 3 novembre 1982, exigé le paie­ment de la différence par rapport auxtaux de prélèvement général applicableaux pays tiers, soit un 1 918 709 DM.

2. La Zentrag a formé un recourscontre cette décision devant le Finanzge­richt de Düsseldorf. Elle a, en outre,demandé le sursis à l'excécution de ladécision attaquée au motif qu'il existaitdes doutes sérieux quant à sa légalitéparce que l'ouvraison de la vianderéalisée en Autriche déterminerait l'ori­gine au sens de l'article 5 du règlementn° 802/68.

La décision dans la procédure précitéedépend, de l'avis du Finanzgericht deDüsseldorf, de la validité de l'article 1 durèglement n° 964/71 de la Commissionainsi que de l'interprétation de l'article 5du règlement n° 802/68 du Conseil.

De l'avis du Finanzgericht Düsseldorf, iln'est d'abord pas certain qu'en arrêtantle règlement n° 964/71, la Commissionait respecté les pouvoirs que la Commis­sion lui a conférés pour l'exécution desdispositions du règlement n° 802/68 duConseil. Dans le cadre de l'article 5 durèglement n° 802/68, l'origine d'unemarchandise pourrait être déterminée surla base d'une description technique oud'une appréciation économique (règle dupourcentage de la valeur ajoutée), unecombinaison des deux méthodes étant àcet égard également possible. La produc­tion de viande serait l'aboutissementtechnique des stades de transformationsuivants: l'élevage et l'engraissement desanimaux; l'abattage des animaux et lesopérations qui y sont directement liées, àsavoir ľéviscération, le dépouillement, ladécoupe et la réfrigération; la transfor­mation ultérieure de la viande telle que ledésossage, la dénervation, le dégraissageet le découpage en morceaux; la prépara­tion des morceaux destinés à être vendusau consommateur sur le marché. Ladernière transformation ou ouvraisonessentielle se produirait au dernier stade.Puisque l'article 1 du règlement n°964/71 suppose en tout cas que l'abat­tage détermine l'origine, il serait incom­patible avec l'article 5 du règlement n°802/68. Au reste, il y aurait égalementinégalité de traitement de la viande àl'importation (perception de prélève­ments) et à l'exportation (octroi de resti­tutions) parce que aucun règlement d'ap­plication correspondant au règlement n°964/71 n'a été publié pour le règlement(CEE) n° 885/68 du Conseil du 28 juin1968, établissant dans le secteur de laviande bovine les règles généralesconcernant l'octroi des restitutions àl'exportation, et les critères de fixationde leur montant.

Au cas où l'article 1 du règlement n°964/71 ne serait pas valide, il importe­rait, de l'avis du Finanzgericht Düssel-

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dorf, de savoir si le fait de désosser, dedénerver, de dégraisser et de découper laviande en morceaux et de l'emballer sousvide constitue un processus d'ouvraisondéterminant l'origine au sens de l'article5 du règlement n° 802/68, une question àlaquelle le Finanzgericht de Düsseldorfest enclin à donner une réponse affirma­tive. L'emballage sous vide répondraitcertes seulement aux exigences de lacommercialisation. En revanche lesautres processus d'ouvraison aboutiraientà de nouveaux produits, à savoir desmarchandises ayant leur propre valeurmarchande, en particulier des morceauxspécifiques de viande comme, parexemple, le filet, le roastbeef, l'entrecôte,la poitrine, la viande ouvrée. Il en résul­terait une transformation substantielle dela viande originaire qui présenterait dèslors des caractères particuliers et possé­derait une qualité spécifique qu'ellen'avait pas auparavant.

Le Finanzgericht Düsseldorf a donc, parordonnance du 20 avril 1983, sursis àstatuer et déféré à la Cour, en applica­tion de l'article 177 du traité CEE, lesquestions préjudicielles suivantes:

1. L'article 1 du règlement n° 964/71 dela Commission du 10 mai 1971, est-ildépourvu de validité pour violationdes dispositions du règlement n°802/68 du 27 juin 1968?

2. Le fait de désosser, de dénerver, dedégraisser et de découper de la vian­de en morceaux constitue-t-il uneouvraison déterminant l'origine ausens de l'article 5 du règlement n°802/68?

3. L'ordonnance de renvoi a été inscriteau registre de la Cour le 25 mai 1983.

Conformément à l'article 20 du proto­cole sur le statut de la Cour CEE, des

observations écrites ont été déposéespar la Walter Schürmann und PartnerSteuerberatungsgesellschaft mbH à Franc­fort-sur-le-Main, l'Hauptzollamt deBochum, représenté par son directeur, etpar la Commission des Communautéseuropéennes, représentée par Jörn Sack,membre de son service juridique.

La Cour, sur rapport de juge rapporteur,l'avocat général entendu, a décidé d'ou­vrir la procédure orale sans qu'il y aitlieu de procéder à des mesures d'instruc­tion préalable. Par ordonnance du 18octobre 1983, la Cour a décidé, en appli­cation de l'article 95, paragraphe 1, durèglement de procédure, de renvoyerl'affaire devant la troisième chambre.

II — Observations écrites desparties

1. Les observations de la Zentrag

De l'avis de la Zentrag se pose d'abordla question de la portée de l'article 1 durèglement n° 964/71. Celui-ci donneraitseulement une définition de l'abattaged'animaux des espèces domestiquesconsidéré comme une des diverses opéra­tions possibles déterminant l'origine; àcet égard, il résulterait des considérantsdu règlement que le «fait de découper enmorceaux» n'entre dans la notion d'abat­tage que dans le mesure ou il constitueune opération «qui lui est directementliée». Ceci ne serait vrai que pour ladécoupe en moitiés ou en quartiers quidoit permettre ou faciliter la suitedu transport et la transformation oul'ouvraison ultérieure des animauxabattus.

Cette disposition n'exclurait donc pasque, dans la mesure où, par ailleurs, les

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conditions générales fixées à l'article 5du règlement n° 802/68 sont remplies,l'origine soit déterminée par les opéra­tions de transformation ou d'ouvraisonqui interviennent après l'abattage, c'est-à-dire également par la découpe enmorceaux qui n'est plus liée au processusd'abattage.

Il y aurait lieu de tenir compte égalementde l'existence de l'emballage sous videdans la décision relative à la deuxièmequestion. Il ne serait pas exact que l'em­ballage sous vide ne touche pas auxqualités essentielles de la viande.

2. Les observations du HauptzollamtBochum

Le Hauptzollamt Bochum examined'abord l'interprétation de l'article 5 durèglement n° 802/68. A son avis, unetransformation ou ouvraison ne serait«substantielle» que si le produit qui enrésulte présente des propriétés et unecomposition spécifique propre qu'il nepossédait pas auparavant. Des opérationsaffectant la présentation du produit auxfins de son utilisation mais n'entraînantpas une modification qualitative impor­tante de ses propriétés, ne serait passusceptible de déterminer l'origine.

Sur la base de ces critères, la découpe dela viande ne saurait déterminer l'originecar la transformation ultérieure de laviande après l'opération d'abattage, telleque l'éviscération, le dépouillement, ladécoupe et la réfrigération, ne modifie­rait pas les qualités matérielles spécifi­ques de la viande. L'opération de ladécoupe en différents morceaux tels quefilet, roastbeef, tende de tranche,semelle, qui suppose des connaissancesprofessionnelles, entraînerait certes uneplus-value non négligeable — environ30 % selon les indications données par laZentrag —, mais celle-ci tiendrait exclu­sivement à une modification affectant la

présentation de la viande aux fins de larevente, sans que les divers morceaux nesubissent aucune modification.

Il y aurait lieu de retenir sur cette baseque, comme le prévoit le règlementn° 964/71, seule l'opération d'abattageentraîne une modification qualitativesubstantielle. Mais parce que cela consti­tuerait une opération relativementsimple, il faudrait qu'un élément supplé­mentaire intervienne, à savoir l'engraisse­ment ou l'élevage. A l'inverse, il devraittoutefois être possible pareillement deprendre également en considération uneopération supplémentaire intervenantaprès l'abattage. C'est ainsi qu'en l'es­pèce, l'origine autrichienne pourrait êtreadmise sans réserves si l'abattage avaitégalement été réalisé en Autriche.

L'article 1 du règlement n° 964/71 neserait donc pas applicable en l'espèce.Ce règlement traiterait exclusivement laquestion de savoir quelles opérations,antérieures à l'opération d'abattage,doivent s'ajouter à celui-ci pour qu'ildétermine l'origine.

3. Les observations de la Commission

La Commission examine d'abord le pointde savoir si la première question relativeà la validité du règlement n° 964/71 estsomme toute pertinente pour la solutiondu litige au principal. Ce ne serait pas lecas parce que le règlement n° 964/71 nerègle pas la question de savoir si lesopérations de transformation citées dansl'ordonnance de renvoi suffisent à ellesseules à déterminer l'origine de lamarchandise ou si elles doivent avoir étéprécédées de l'abattage. Il disposeraitsimplement que l'abattage et certainesopérations connexes telles que l'éviscéra­tion, le dépouillement, la découpe et laréfrigération ne peuvent être considéréescomme propres à déterminer l'origine dela marchandise que si l'abattage des

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animaux a été précédé, dans le mêmepays, de leur engraissement pendant unepériode d'au moins trois ou deux moisparce que l'abattage n'ajouterait que trèspeu à la valeur de la marchandise«viandes» (environ 2 % de la valeurmarchande du poids vif). Le règlement n°964/71 ne contiendrait aucune disposi­tion permettant de déterminer si d'autresopérations de transformation des viandes— plus poussées que l'abattage, peuventou non conférer à la marchandise sonorigine au sens de l'article 5 du règle­ment n° 802/68.

Le pays d'origine et le pays d'abattage nedevraient pas nécessairement être identi­ques dans tous les cas. Le fait que l'abat­tage précédé d'une période d'engraisse­ment appropriée dans le même paysconfère à la marchandise son origine, nepermettrait pas de conclure que danstous les cas l'origine ne peut être déter­minée que par une relation existant entrel'engraissement et l'abattage. A tout lemoins, une interprétation conforme autraité du règlement n° 964/71 entreraiten ligne de compte en ce sens de sortequ'il ne serait pas nécessaire de conclureà sa nullité.

Il y aurait donc lieu de répondre à lapremière question préjudicielle que lerèglement n° 964/71 ne règle pas la ques­tion de savoir si une opération de trans­formation de viande bovine autre quel'abattage et les opérations connexes,considérées en liaison avec une périodeminimaľe d'engraissement, sont de natureà conférer à la marchandise son origine.

En ce qui concerne la deuxième questionpréjudicielle, la Commission estime quele désossage, la dénervation, le dégrais­sage et le découpage en morceaux de laviande bovine ne constituent pas unetransformation ou ouvraison substantielleaboutissant à la fabrication d'un produitnouveau ou représentant un stade defabrication important et ne sont donc passusceptibles de déterminer l'origine de lamarchandise au sens de l'article 5 durèglement n° 802/68.

Ces opérations n'exigeraient que desconnaissances professionnelles mais nerequerraient pas de machines ou d'ins­truments spéciaux. La viande désossée nese vendrait pas toujours plus facilementet ne serait donc pas toujours «plus facileà écouler» que la viande non désosséeparce que beaucoup de transformateurset de bouchers préféreraient procédereux-mêmes au désossage en fonction deleurs besoins propres. En outre, la facilitéd'écoulement ne serait pas le critèredécisif. Les activités décrites ne modifie­raient pas les caractéristiques principalesde la marchandise et n'augmenteraientpas non plus notablement sa valeur. Auregard de l'ensemble du processuséconomique nécessaire à la productionde viande bovine, le désossage, la déner­vation, le dégraissage et l'empaquetagene représenteraient qu'une faible part dela valeur de la marchandise. Dans lecadre de la politique agricole commune,le désossage de la viande bovine, ycompris les coûts de mise en entrepôt, nereprésenterait environ que 5 % de lavaleur marchande du poids vif des bovinset la plus-value que représente le désos­sage et les activités connexes comme ladénervation et le dégraissage seraientassurément nettement inférieures à 10 %.Si ces opérations améliorent dans unetrès faible mesure aussi la qualité de lamarchandise, elles ne lui ajouteraient entout cas pas de nouvelles qualités commece serait le cas si l'on fabriquait à partirde viande bovine un produit de transfor­mation tel, par exemple, le «cornedbeef»ou la saucisse.

La Commission souligne enfin qu'auxtermes de l'article 10, paragraphe 3 durèglement n° 805/68 ainsi que du règle­ment d'application n° 611/77, le prélève­ment spécifique prévu pour la viandeoriginaire d'Autriche, de Suède et deSuisse ne concerne que la viande dont leprix se situe au niveau des cours relevésdans ces pays. Or, ce ne serait pas le casen l'espèce puisque la viande originairede Hongrie se serait trouvée sous douaneen Autriche et qu'elle n'y aurait pas été

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soumise aux droits d'entrée qui y sontapplicables.

III — Réponses à la questionposée par la Cour

En réponse à une question posée à cetégard par la Cour, les parties ont fourniune description détaillée des opérationsen question et des modifications quecelles-ci apportent aux caractéristiques età la valeur de la viande.

La Zentrag a, à cet égard, insisté surtoutsur l'importance de l'emballage sousvide, lequel constituerait un procédécompliqué et moderne qui prolonge ladurée de conservation de la viande et enaméliore le mûrissement. L'augmentationtotale de la valeur résultant des opéra­tions en question atteindrait, selon lesindications de la Zentrag, plus de 200 %par rapport à des morceaux de viandeparticuliers et 17,6 % par rapport à unecomparaison entre le produit de la vented'un demi-bœuf et le produit total de laviande découpée, désossée, dégraissée etemballée sous vide de cette moitié.

L'Hauptzollamt a exposé qu'une modifi­cation de la qualité de la viande résultait

tout au plus de l'emballage sous vide etqu'elle consistait simplement en uncertain prolongement de la possibilitéd'entreposage de la viande et en uneréduction d'environ 5 % de la perte depoids. L'augmentation de la valeur seraiten tout cas inférieure à 10 %.

La Commission a réaffirmé qu'à son avis,aucune des opérations en cause ne cons­tituait un stade de transformation impor­tant.

IV — Procédure orale

La Zentrag, représentée par M. HinrichGlashoff, conseiller fiscal à Francfort, leHauptzollamt Bochum, représenté parM. Ambs, Regierungsdirektor au Minis­tère fédéral de l'alimentation, de l'agri­culture et des forêts, et la Commissiondes Communautés européennes, repré­sentée par M. Jörn Sack, membre de sonservice juridique, ont été entendus enleurs observations orales et — assistésdes experts les accompagnant — en leursréponses à des questions posées par laCour à l'audience du 1er décembre 1983.

L'avocat général a présenté ses conclu­sions à l'audience du 26 janvier 1984.

En droit

1 Par ordonnance du 20 avril 1983, parvenue à la Cour le 25 mai 1983, leFinanzgericht Düsseldorf a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE,deux questions préjudicielles sur la validité du règlement n° 964/71 de laCommission, du 10 mai 1971, relatif à la détermination de l'origine desviandes et abats frais, réfrigérés ou congelés, de certains animaux des espècesdomestiques (JO L 104, p. 12) et sur l'interprétation de l'article 5 du règle­ment n° 802/68 du Conseil, du 27 juin 1968, relatif à la définition communede la notion d'origine des marchandises (JO L 148, p. 1).

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2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant la Zentral­genossenschaft des Fleischergewerbes e. G. (ci-après Zentrag) à Francfort-sur-le-Main à l'administration allemande des douanes. Le litige porte sur lepaiement des prélèvements applicables, en vertu de l'article 10 du règlementn° 805/68 du Conseil, du 27 juin 1968, portant organisation commune desmarchés dans le secteur de la viande (JO L 148, p. 24), à l'importation enRépublique fédérale d'Allemagne, en provenance d'Autriche, d'un certainnombre de lots de viande de bœuf, morceaux frais sans os. La Zentragréclame pour cette importation le bénéfice, refusé par l'administration desdouanes, du taux réduit du prélèvement spécifique pour les produits origi­naires et en provenance de l'Autriche, de la Suède et de la Suisse, conformé­ment au paragraphe 3 de cet article et au règlement n° 611/77 de la Commis­sion, du 18 mars 1977, relatif à la détermination du prélèvement spécifiquepour les bovins vivants et les viandes bovines autres que les viandes congelées(JO L 77, p. 14).

3 Les lots de viande en question ont été livrés à la Zentrag par un fournisseurautrichien sous couvert de certificats d'origine autrichienne de la chambre ducommerce et de l'industrie de Graz. Ce fournisseur avait acheté en Hongriedes quartiers de bœuf, et il les avait ensuite fait désosser, dénerver,dégraisser, découper en morceaux et empaqueter sous vide, sous contrôledouanier, par une entreprise d'ouvraison située en Autriche. Selon laZentrag, il s'agissait, du fait de ces opérations effectuées en Autriche, deviande d'origine autrichienne; l'administration des douanes soutient parcontre que lesdites opérations n'ont pas modifié l'origine hongroise de laviande en question.

4 Au sujet de l'origine des marchandises, l'article 5 du règlement n° 802/68 duConseil dispose qu'

«une marchandise dans la production de laquelle sont intervenus deux ouplusieurs pays est originaire du pays où a eu lieu la dernière transformationou ouvraison substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans uneentreprise équipée à cet effet et ayant abouti à la fabrication d'un produitnouveau ou représentant un stade de fabrication important».

Faisant usage de la possibilité que l'article 14 de ce règlement lui confèred'arrêter les dispositions d'exécution nécessaires pour l'application de l'article5 précité, la Commission a disposé, par l'article premier de son règlement

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n° 964/71, que l'abattage des animaux ne confère aux viandes qui en sontissues l'origine du pays où il a eu lieu «que s'il fait suite à l'engraissement desanimaux considérés dans ce pays ... pendant une période au moins égale àtrois mois pour les animaux des espèces... bovine».

5 En vue d'être mis en mesure, aux fins de l'application du règlementn° 611/77, de déterminer l'origine de la viande importée par la Zentrag,le Finanzgericht Düsseldorf a posé à la Cour les questions préjudiciellessuivantes :

1. L'article 1 du règlement n° 964/71 de la Commission, du 10 mai 1971,est-il dépourvu de validité pour violation des dispositions du règlementn° 802/68 du Conseil, du 27 juin 1968?

2. Le fait de désosser, de dénerver, de dégraisser et de découper de la viandeen morceaux constitue-t-il une ouvraison déterminant l'origine au sens del'article 5 du règlement n° 802/68?

Sur la première question

6 Il ressort de l'ordonnance de renvoi que la première question du Finanz­gericht, portant sur la compatibilité du règlement n° 964/71 avec les critèresd'origine établis par l'article 5 du règlement n° 802/68, implique d'examinersi le règlement n° 964/71 a pour effet d'exclure que des opérations de trans­formation de la viande postérieures à l'abattage, et notamment la préparationde morceaux destinés à être vendus aux consommateurs, puissent conférer àla viande l'origine du pays où ces opérations ont lieu et est, pour ce motif,entaché d'invalidité.

7 A cet égard, la Zentrag, l'administration des douanes et la Commission ontsoutenu, dans leurs observations devant la Cour, que le règlement n° 964/71n'a pas pour objet de régler la question de savoir si et dans quelles conditionsdes opérations de transformation postérieures à l'abattage sont de nature àconférer à la viande qui y est soumise l'origine du pays où elles ont lieu.

8 Il ressort des deuxième et troisième considérants du règlement n° 964/71qu'en l'arrêtant, la Commission estimait que le seul fait de l'abattage et decertaines opérations connexes ne pouvait pas être considéré comme unetransformation ou ouvraison substantielle de la viande, au sens de l'article 5

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du reglement n° 802/68, et que c'est pour cette raison qu'elle a disposé quel'abattage confère à la viande l'origine du pays où il a lieu lorsqu'il estprécédé dans ce même pays de l'engraissement des animaux pendant unecertaine période. Cette motivation du règlement n° 964/71 montre que laCommission n'a pas voulu se prononcer sur la question de savoir quellesopérations de transformation ultérieures peuvent, le cas échéant, entrer enconsidération pour conférer une nouvelle origine à la viande. Cette constata­tion est confirmée par le libellé des articles 1 et 2 du règlement n° 964/71 quine font aucune allusion à la transformation de la viande après l'abattage.

9 II y a lieu, dès lors, de répondre à la première question posée par le Finanz­gericht Düsseldorf, que le règlement n° 964/71 de la Commission, du 10 mai1971, n'a pas pour effet d'exclure que des opérations de transformation de laviande postérieures à l'abattage puissent conférer à la viande l'origine dupays où ces opérations ont lieu.

10 La question de savoir si le fait de désosser, dénerver, dégraisser, découper enmorceaux et empaqueter sous vide la viande peut conférer à celle-ci unenouvelle origine devant être résolue sur la base du seul article 5 du règlementn° 802/68, la question de validité du règlement n° 964/71 posée à cet égardpar le Finanzgericht Düsseldorf est sans objet.

Sur la deuxième question

11 En ce qui concerne la deuxième question, visant l'interprétation de l'article 5du règlement n° 802/68 au regard des opérations de transformation en cause,la Zentrag estime que ces opérations correspondent aux exigences prévuespar cette disposition. Elles auraient pour effet de faire de la viande unemarchandise destinée à l'écoulement direct au consommateur. L'empaquetagesous vide augmenterait la durée de conservation de la viande et amélioreraitsa maturation. En outre, la valeur marchande de la viande serait considéra­blement augmentée du fait de ces opérations, cette augmentation s'élevant,en ce qui concerne certains morceaux particuliers de viande de qualité, à plusde 20 % et, en ce qui concerne la totalité des morceaux issus du découpaged'un quartier de bœuf à 17,6 % ou même, selon les indications fournies pai­la Zentrag au cours de la procédure orale, à 22 % par rapport à la valeur parkilogramme du quartier de bœuf.

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ARRÊT DU 23. 2. 1984 — AFFAIRE 93/83

12 Selon l'administration des douanes et la Commission, il ne s'agit pas de lafabrication d'un produit nouveau ou d'un stade de fabrication important ausens de l'article 5 du règlement n° 802/68, parce que les opérations en ques­tion ne concernent que la présentation du produit et elles n'en affectent pasles caractéristiques essentielles. L'augmentation de valeur de la viandequ'elles entraînent serait de 10 % au plus.

13 A cet égard, il y a lieu de rappeler, ainsi que la Cour l'a dit dans son arrêt du26 janvier 1977 (Gesellschaft für Überseehandel, affaire 49/76, Recueilp. 41), que la dernière transformation ou ouvraison visée à l'article 5 durèglement n° 802/68 n'est «substantielle», au sens de cette disposition, que sile produit qui en résulte présente des propriétés et une composition spéci­fique propres qu'il ne possédait pas avant cette transformation ou ouvraison.Des opérations affectant la présentation d'un produit aux fins de son utilisa­tion, mais n'entraînant pas une modification qualitative importante de sespropriétés, ne sont pas susceptibles de déterminer l'origine dudit produit.

1 4 En l'espèce, on peut admettre que les opérations en question facilitent l'écou­lement de la viande en permettant de l'offrir aux consommateurs par la voied'entreprises commerciales qui ne disposent pas de leur propre boucher. Parcontre, aucune modification caractéristique des propriétés et de la composi­tion de la viande ne résulte de ces opérations dont l'effet principal est derépartir les différentes parties d'une carcasse selon la qualité et les caractéris­tiques préexistants et d'en modifier la présentation aux fins de l'écoulement.Une certaine augmentation de la durée de conservation et un ralentissementdu processus de maturation de la viande ne constituent pas une modificationqualitative suffisamment caractérisée de la substance pour répondre auxexigences susmentionnées. Enfin, si, selon les calculs présentés par la Zentragà l'audience, la valeur marchande de l'ensemble d'un quartier de bœufsoumis aux opérations en question augmentait de 22 %, cette circonstance neserait pas, en elle-même, de nature à faire regarder ces opérations commeconstituant la fabrication d'un produit nouveau ou même un stade de fabrica­tion important.

15 II y a dès lors lieu de répondre à la deuxième question posée par le Finanzge­richt Düsseldorf que l'article 5 du règlement n° 802/68 du Conseil, du 27juin 1968, doit être interprété en ce sens que le fait de désosser, dénerver,dégraisser, découper en morceaux et empaqueter sous vide la viande prove­nant de quartiers de bœufs ne confère pas à celle-ci l'origine du pays où cesopérations ont lieu.

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ZENTRAG / HAUPTZOLLAMT BOCHUM

Sur les dépens

16 Les frais exposés par la Commission des Communautés européennes, qui asoumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un rembourse­ment. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractèred'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-cide statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (troisième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Finanzgericht Düsseldorf, parordonnance du 20 avril 1983, dit pour droit:

1) Le règlement n° 964/71 de la Commission, du 10 mai 1971 (JOL 104, p. 12) n'a pas pour effet d'exclure que des opérations de trans­formation de la viande postérieures à l'abattage puissent conférer à laviande l'origine du pays où ces opérations ont lieu.

2) L'article 5 du règlement n° 802/68 du Conseil, du 27 juin 1968 (JOL 148, p. 1) doit être interprété en ce sens que le fait de désosser,dénerver, dégraisser, découper en morceaux et empaqueter sous videla viande provenant de quartiers de bœufs ne confère pas à celle-cil'origine du pays où ces opérations ont lieu.

Galmot Everling Kakouris

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 février 1984.

Le greffier

P. HeimLe président de la troisième chambre

Y. Galmot

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