Archives d'histoire du Moyen Age (E. Gilson) - 1927

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    RCHVES

    D'msmEBMm~En unatiHBE))

    DIEESJARt.&ILSnN ET G.THRY,0.'P.

    PROFESSEURA LA SORBONNE DOOTEPB EN THOLOGIE

    ~y- ANNE 1927

    A. WiLMART. Les HomHesatMbnes&S. Anselme 6

    M.-D.CEBNn~ LaThologiecommescienceaaXmssicle. 31J.RoBmtEB. StirIadocMaeranoiscamedesdeaxfacesderSme. 73

    J.CtniLLET. La

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    ."t! *~

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    D'HISTOIRE DOCTRINALEET LITTRAIREDU MOYEN AGE

    ARCHIVES

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    D'HISTOIREDOCTRINALEETLITTRAIRE

    DU

    ARCHIVES

    MOYEN AGE

    DEUXIME ANNE

    1927

    PARIS

    LIBRAIRIE PHILOSOPHIQUE J. VRIN

    6, PLACE DE IA SORBONNE (V)

    t927

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    LESHOMELIESATTRIBUESA S. ANSELME

    Sous ce titre Sancti Anselmi Cantuariensis ~~C~'~tSCO~~homiliaeet exhortationes, Gerberon a group dans son dition gnrale desuvres (1675, puis 1721) seize morceaux, auxquels la tradition

    attache, tort ou raison, le nom du plus illustre docteur bn-dictin 1. Il reste voir comment se prsente cette tradition littraire.

    I. Constatons tout de suite, aprs Gerberon lui-mme 2, qu'Ead-mer, le plus intime confident et le biographe de saint Anselme, nedit nulle part que celui-ci ait rdig ni laiss des homlies.

    Le tmoignage d'Eadmer touchant les crits de son matre est

    capital. Les donnes qu'il nous livre 3 correspondent non seulement ses propres souvenirs, mais sans doute aussi une connaissancedirecte des manuscrits. Un peu plus tard, ces indications reparaissentdans la liste formelle, rdige, vers le milieu du XIIs sicle, parRobert de Torigny, et ceci en double exemplaire En outre, Robert

    avait vu les manuscrits des uvres qui taient conservs au Bec,puisqu'il a lui-mme tabli le catalogue dtaill de la bibliothque

    Les anciennes listes laisses par Sigebert de Gembloux s, par Orde-ric Vital 7, par le mystrieux Honorius Augustodunensis 8, m-ritent galement l'attention. D'homlies, il n'est encore questionnulle part, cette poque. Seul Orderic, dans une phrase d'un tour

    i. ditionde yzi, p. 155et suiv. P. L., t. CLVIII,col. 585-674.z. CensuraHomiliarum P. L., ib., 26B.3. VitaauctoreEadmero,1. i n (dans l'dition de MARTINRm.E, 1884,8)

    25-27(R. 19-20) 1.il, io (=. R.) 43(R. 30) 54(K. 44) 71(R.64) P. L., ib., 56,62-64,84,100,107,114 Ot Historianovorum,1.I P. L.,CUX,414sq. (R.p. io5sq.).

    4. GestaNormannorumducum,1. iv, 9 P. L., cxnx, 842 (dans la nouvelleditionde J. MARX,Rouen,1914,p. 245) CAfOKteaSigeberti(ad CKM.rroo)P. L., ci.x, 429 sq. (dansles ditionsplus rcentesde L. DELISLE,Rouen, 1872,t. I, p. 135sq., et de R. HoWLETT,Londres,1889,t. IVdes Chronicleso/ thereignso/ Stephen,HenryII andRichardI, p. 90).

    5. Cf..P. L., CL,775.6. De scriptoribusec

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    6 ARCHIVES D'HISTOIRE DOCTRINALE ET LITTRAIRE DU MOYEN AGE

    gnral, parle de sermones, qu'il qualifie typicos , entendant parl, semble-t-il, les discours de tout genre tenus par Anselme etrecueillis par ses disciples. Nous comprenons qu'il s'agit, soit desouvrages thologiques, pralablement enseigns, dont Orderic nespcifie qu'un petit nombre, soit des entretiens familiers qui abou-tirent ensuite au recueil classique des Similitudes. Ainsi, le silenced'Eadmer et des autres historiens du XIIe sicle est, croyons-nous,significatif, et mme, pour sa part, dcisif, avant tout examen destextes proposs.

    C'est propos des homlies vulgarises par les diteurs de 1573,

    1612 et 1630 que Gerberon reconnat l'absence de rfrences dansle rcit d'Eadmer. Il aurait d s'apercevoir que cet argument por-tait loin, et qu'il atteignait les autres textes du mme genre quis'offraient au nouvel diteur. Aucontraire, il s'est abus, en faisant

    remarquer que saint Anselme a eu des occasions frquentes des'adresser au peuple chrtien, et qu'Eadmer, en effet, eum diversisin locis concionatum /MMS6~s~M~ )) Il-est vrai qu'en deux circons-

    tances, Eadmer mentionne les prdications publiques de l'arche-vque exil une fois Vienne, en 1000, pour la fte de saint Mau-rice, patron du lieu une autre fois, peu aprs, Saint-Vincent deMcon Mais nous ne savons rien de plus, et ces faits n'ont pas deforce probante toutes les chances sont pour que l'orateur, accou-tum la parole, n'ait pas compos, avant de les dbiter, de tels

    sermons. Dans un seul cas, nous apprenons que les paroles du saintfurent recueillies, et par Eadmer en personne, la demande d'unami. Ce fut pour une confrence faite Cluny, en l't de 1104 pro-bablement, sur la batitude temelle et, prcisment, ce discours

    qui nous est parvenu aussi anselmien que possible, est fort loigndu type convenu de l'homlie scripturaire.

    II. Pour la majeure partie des homlies imprimes treize

    pices exactement on ne nous donne d'autre garantie que lesditions de Cologne (1573 et 1612) et de Lyon (1630), aucun exem-

    i. Cf. P. L., ci.vin, 26A. c2. Vita,1.n, 51et 54 (~ 4et 43) P. I. ib., 104,x06.

    3. Texte dans P. L., eux, 587sq. l'adressenousrenseigneclairementsur lescirconstancesdu discourset l'originedela rdaction.4. ? i, m-vni, x-xv. Gerberona recomposla srie entire, en suivantl'ordre

    de la Bible(Censura P. L., CLVIII,26 B) en fait, ces homliesdveloppentdestextesde l'vangile,exceptles nont (Eccu. xxiv, i) et xvi (HEBR.11,10).Lesditeursde 1544(549)et de 1573(1612)numraientainsi leurstreize pices(parrapport la nouvellesrie) in, vu-vin, vt, xv, X!-XK,iv, , xni, x, xiv, v Ray-naud (1630)se contentade reporter lafinfen"r.

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    LES HOMHES ATTRIBUES A S. ANSELME 7

    plaire manuscrit n'ayant t retrouv. Cependant, l'dition pari-sienne de 1544, en deux parties 1, aurait fait connatre Gerberonl'auteur probable de ces compositions, Herv de Bourgdieu (t v.1150), auquel tait restitu en mme temps, dans une lettre deddicace Charles de Bourbon, vque de Nevers, le remarquablecommentaire des ptres de saint Paul 2.

    Peut-tre suis-je trop timide, de ne pas dire plutt l'auteurvritable. Il est certain qu'Herv laissa des morceaux de ce genre('~~MMt!S expositiones de lectionibus S~MC~MM~MMg~Ko~Wt)), ditla lettre encyclique rdige lors de son dcs 3. Mais on voudrait

    pouvoirvrifier mieux les dires de l'diteur de

    1544.Le manuscrit de la Grce-Dieu employ par ce Simon Fontainea malheureusement disparu. En revanche, son tmoignage est plusqu' moiti confirm par un recueil de la Bibliothque Vallicellane 4

    qui date du XIIe sicle et runit, parmi divers ouvrages, le commen-taire de saint Paul, l'opuscule De correctione quayundam lectionum,un commentaire indit du livre de Tobie et huit des homlies enquestion 5.

    i. Ces deux volumes, rimprims l 'un e t l 'au tre en 1549, sont complmentaires,distincts toutefois (i.) D. Anselmi Cantuariensis afe~te~Mco~t. luculentissimae

    in omnes sanctissimi Pauli s~. ~s!o~M aliquot evangelia Enarrationes (avec cettenote en sous-titre Has enarrationes s/M D. ~e~M~o ascribunt) (2.) Omnia diuiAnselmi Cantuariensis a~cAte~co~ Opuscula. Il parat bien que le travail avaitt partag entre des sous-diteurs qui s'ignoraient pour la premire partie, Simon

    e Fontanus (Fontaine), frre Mineur de Sens (f v. 1557) pour la seconde, De-mochares c'est--dire le clbre docteur de Sorbonne Antoine de Mouchy (f 1574),recteur de l 'Universit en 1539. Fontaine est videmment responsable de l'attribu-

    t ion Herv, sa lettre-ddicace n'ayant pas d'autre sens, et dut mettre dans l 'em-barras le libraire-diteur, qui ne songeait sans doute qu' redonner les commentaires

    imprims en 1533 sous le nom de saint Anselme. Quant Mouchy, il n'a gure fait

    que reproduire l'dition princeps des opuscules (Nuremberg 1491). Il est notable

    que cette srie des opuscules comprenait l 'homlie sur la Vierge ceci suffit mon-

    trer l'indpendance des collaborateurs. Gerberon n'a connu, semble-t-il, que cetteseconde partie de l 'dition de 1544, quoiqu'il mentionne l'attribution du commen-

    taire des ptres Herv (.P~o&~Mt'MMP. L., ib., 16 A). En tout cas, il dpend pourses homlies de l'dition de Cologne (1612), qui supprimait le nom d'Herv.

    2. D ans P. L., CLXxxi, 391-1692. Les rudits du XVIIe sicle connaissaient

    quelques manuscrits qui donnaient galement le nom d'Herv. Outre celui de la

    Vallicellane, je ne puis signaler qu'un seul exemplaire, l'Arsenal, n I52 (XIIe s.)mais il est anonyme. Sur les ouvrages d'Herv, voir notre note de la Revue ~M~-

    tique, IV (1923), p. 271 sq.3. Cf. L. DELISLE, Rouleaux des morts, 1866, p. 355 sq.

    4. Vallic. E. 5, signal tout d'abord par D. G. MoRiN, Revue Bndictine, xxiv

    (1907), p. 37. Je dois une description dtaille de cette collection un correspondant.

    5. Ces homlies sont donnes en deux groupes le premier, aprs le commentaire

    des ptres, form des n

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    Sur ce point, nous voici donc peu prs fixs il est raisonnabled'admettre la rclamation prsente en faveur d'Herv. Gerberonse croyait prudent, en dclarant .edidimus, nihil tamen inde

    asserentes, sed quod scc~MMMstradentes bien plutt, il tait malrenseign.

    III. Mis en got, Gerberon a lui-mme insr dans l'anciennesrie, suivant une fcheuse tendance laquelle il a cd tout au

    long de son dition, deux nouvelles homlies ses nos II et XVI.L'une est tire d'un manuscrit de Saint-vroul, l'autre d'un manus-

    crit de CorbieJe ne saurais dire si ces exemplaires ont t conservs. Des deuxtextes publis, je ne vois non plus rien dire, si ce n'est qu'ils n'ontaucun air d'authenticit. La seconde, d'ailleurs, sur HEBR. II, io,tait livre avec cette rfrence secMM~M~magistrum Anselmum ce

    qui fait penser tout de suite Anselme de Laon 3, car il est fort rare

    qu'on donne du matre )) l'archevque de Cantorbry.

    IV. Il est intressant d'observer, ce propos, de quelle faon lerecueil des uvres de saint Anselme tait interpol, habituellement,au XIVs sicle. Dans un manuscrit reprsentatif, qui est de cette

    poque et se trouve maintenant la Bibliothque Bodleienne,

    cotLaud M~c.

    26~,on

    remarque, aprsles

    opuscules authentiques,une srie complexe, dont je vais analyser rapidement les articles

    1 De similitudinibus savoir le rpertoire dfinitif des ~M~MO~-

    ( la suitede xi) e CMM:natusessetIesusin Bethleem. [MT.n, i] Quodevange-lica lectiosemelM~ottaH~'/ac

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    bilia du saint 1, pass ainsi sous son nom et partout copi au XIIIesicle pourtant, il n'est pas son ouvrage, ni celui d'Eadmer,comme Gerberon l'a imagin en cet tat, il n'est pas non plusoriginal 2

    2 De coMc~~oM~ beatae Virginis l'opuscule dsormais fameux

    qui, sorti des mmes milieux monastiques, constitue le premiertrait o la doctrine de l'Immacule Conception soit formellementsoutenue on l'a restitu rcemment son auteur, Eadmer, surla foi du manuscrit 37~ de Corpus Christi (Cambridge), qui donnepeut-tre le texte autographe s

    3 De excellentia beataeVirginis

    autreopuscule

    d'Eadmer,jointd'ordinaire au prcdent et qui le complte 4 Gerberon avait

    retrouv cette tradition dans ses manuscrits franais et a eu le bonsens de l'accrditer 5

    ~ De antichristo nous voici en pleine matire apocryphe avecce morceau, trs disput, qui roule sur la venue de l'Antchristrevendiqu aussi pour saint Augustin, Alcuin, Raban, il appartientsrement l'abb de Montirender, Adson (t 002), qui l'avaitadress la reine Gerberge, femme de Louis IV d'Outremer s

    5 De co~o~e s~K~MKgChristi dveloppement important surl'Eucharistie, plus prcisment sur la communion faite sous les deux

    espces et sur la transsubstantiation en dpit de son caractre

    dialectique, Gerberon n'a pas craint d'diter ce texte parmi les

    lettres de l'archevque de Cantorbry 7 dans l'Histoire littraire s,Rivet en a dfendu l'autorit mais, nagure, des historiens aviss

    i. Texte dansP. L., eux, 605-708 rditer d'aprs les innombrablesmanus-crits qui subsistent, et surtout comparer avecles recensionsplus anciennesquisont indites.

    2. Sur la premire rdaction et son auteur, voir Revue des ~ct'~MCM~Moso~At~MMet thologiques, xv (1926), p. 326, n. 2.

    3. Cf. H. THURSTON-T. SLATER, Eadmeri monachi Cantuariensis tractatus de con-

    ceptione sanctae Mariae, Fribourg en Br. (1904). L'ancien texte est dans P. L.,

    ib., 301-318, class parmi les .S~MfM: de saint Anselme. Le splendide manuscrit

    C. C. C. C. renferme encore tout un groupe d'opuscules indits d'Eadmer que jetcherai de publier.

    4. LeP. THCRSTONa donnun aperudes principauxmanuscritsdanssonexcel-lente prface,op. p. XXHsq.

    5. P. L., ib., 557-580.6. Voir l'dition des Mauristes parmi les uvres de saint Augustin P. L., xi.,1131-113~ ie texte complet, avec l'adresse, est donn sous le nom d'Alcuin

    ib., ci, 1289-1298 et cf. cxxxvil, 597 (pour Adson).

    7..E'~ts

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    ont commenc de ragir bravement contre cette opinion, en dcla-

    rant la prtendue lettre douteuse 1, et mme fort douteuse 2on peut renchrir maintenant sans se compromettre il n'y a

    aucune apparence qu'elle provienne des mains de saint Anselme ni

    de ses disciples on l'aura simplement confondue, de bonne heure,avec l 'une des clbres lettres Walram de Schwarzemberg, vquede Naumbourg (-)-1111) s, qui fut jointe aux opuscules ds le XIIe

    s

    sicle, sous le titre De sac~MMCK~s ecclesiae 46 De occupatione bona ingnieux discours dramatis dont les

    vertus cardinales sont les protagonistes, une parabola , comme

    le dfinissent exactementplusieurs exemplaires

    on le rencontre

    aussi sous le titre De custodia interioris Ao~MMs qui correspond

    J. Cf. J. DE GHELLINCK,I.eMOMM)M~MMo!o~Me~M~f~e~e~ (1914), P. 62, n. 3.a. Cf. M. ANDRIEU,.fMMM~toet Co~Mce~to (1924); p. 47, n. 3.

    3. JE~. 7/ n cxxxvi, d'aprs la distribution faite par le premier diteurdu recueil des lettres, le Victorin Jean Picard (Cologne, 1612). Les n" cxxxiv-cxxxvi ne sont plus dans nos ditions, que le souvenir de cette correspondanceexcept la propre lettre de Walram (n cxxxv), les textes avaient t dj donnsparmi les opuscules, en sorte qu'ils sont demeurs finalement dans ce contexte,comme s'ils taient des livres leurs titres n'ont gure vari depuis 1544 De

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    LES HOMUES ATTRtBUES A S. ANSELME Il

    en effet aux premiers mots Ad insinuandam interioris hominiscusiodiam talem Dominus dat S~~~M~t.'Roc autem SC~O~[Le. XII, 39] il est assez probable que ce dbut mme donna lieu un rapprochement avec le Livre des similitudes que personnene disputait saint Anselme les diteurs, cependant, n'ont paseu souci de le recueillir il faut en aller chercher le texte dans laquatrime partie d'un ouvrage factice qui se pare, sans le moindredroit, du nom de Hugues de Saint-Victor au surplus, cette para-bole a circule anonyme, surtout en France, et semble avoir t

    beaucoup gote 3 l'auteur vivait, apparemment, au XIIe sicle,

    mais sa personnalit nous chappe.y Super Intravit Iesus. -Cette homlie sur la Vierge, pour la fte

    de l'Assomption, peut servir de point d'arrive cette petite en-qute. Elle mrite une tude part, et les autres pices supposesque l'on devrait encore noter s'il fallait dcrire compltement lemilieu littraire des opuscules, n'ont pas la mme valeur d'ensei-gnement que les prcdentes.

    Tout cet assemblage caractristique se prsente, quelques dif-frences prs, dans une demi-douzaine de collections anglaises, qui,sans se recouvrir absolument, fournissent une norme Il traduit

    I. 13-15 P. L., CLXXVII,185-188.2. Cf. B. HAURAU, Les M~M de Hugues de Saint-Victor (1886), p. 174 sqq.,

    183 sq.3. Cf. B. HAURAU, Notices et extraits de quelques manuscrits latins de la Biblio-

    thque Nationale, II (1891), p. 248 sq. Il y aurait beaucoup d'autres manuscrits

    noter, outre ceux que j'indique ailleurs, par exemple Cambridge, Corpus I54,XVe s., et Trinity ~9, XVe s. ;Londres B. M. ~)

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    } 2 ARCH IVES D 'H ISTOIRE DOCTR INALE ET LIT TR AIRE D U MOYEN AGE

    donc l'tat d'esprit des lecteurs, au XIVe sicle, et rsume, en mme

    temps, l'poque antrieure, o dj, plus modrment, se mani-festait l'intention de prter saint Anselme de fausses richessesdont sa gloire n'avait que faire. Or, on voit que ce travail d'accrois-sement s'est accompli, somme toute, selon un assez juste sens del'uvre authentique. Ces compilateurs non moins nafs qu'auda-cieux ont pens tout, sauf aux homlies, encore bien qu'une hom-lie se ft, longtemps avant, glisse dans le recueil, et qu'elle aurait

    pu servir d'amorce. Ceci signifie, le bien prendre premirement,qu'il n'y avait pas d'autre homlie en circulation, presque ds l'ori-

    gine (comme nousle

    verrons), qui se prvalt du nom de l'arche-vque et secondement, que le prestige tout artificiel et accidentelde cet unique morceau ne russit pas faire illusion dans la suite,au point d'garer les copistes sur la vraie nature de l'hritagequ'ils devaient sauvegarder. On sut, dans l'erreur mme, respecterpresque touj ours le bel ensemble qu'avait ralis un des plus har-monieux gnies spculatifs que le christianisme ait produits.

    Sans vouloir accabler la mmoire de Gerberon, qui n'tait pasun sot, cause des textes qu'il a eu la faiblesse de recevoir et deceux qu'il n'a pas eu le courage d'carter, force est de reconnatreque l'diteur mauriste a montr,, ce faisant, moins d'intelligencedu pass que ses prdcesseurs du moyen ge.

    Des homlies de l'espce accoutume, partir d'un thme scrip-

    turaire, Anselme en pronona peut-tre, pour remplir ses devoirsd'tat, soit au Bec soit Cantorbry soit mme en exil. Mais pluttson penchant tait-il de verser dans le discours moins dfini, o lesvrits morales et mtaphysiques se lvent naturellement autourde la doctrine vanglique, sans avoir besoin de prendre un appuiconstant sur la lettre du texte inspir. Le sermon relatif la vieternelle, transcrit par Eadmer, et, davantage encore, le livre desSimilitudes nous sont garants des habitudes oratoires que le carac-tre du docteur permettait dj d'imaginer. En tout cas, s'il a cul-tiv, dans une certaine mesure et en certaines occasions, le genrehomiltique, l'auteur n'a pas jug propos de transmettre ses

    disciples la rdaction de ces essais ce que nous osons affirmer, pour

    autant que l'histoire littraire est encore capable d'atteindre lesralits qui la concernent. Et quant au cercle des copistes post-

    Albans, les exemplairesde Cambridge,Peterhousea~6et UniversityLibraryD~.2'.2.r, d'Oxford,Magdalen~6, de WorcesterF. r~ en secondeligne,moinscom-pletset plusdivergents ceux d'Oxford,Lincolnj-S,Mertonjrpet M.Touscesmanu-scritsdoiventtrerapportsau XIVsicle.

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    LES HOMLIES ATTRIBUES A S. ANSELME !3

    rieurs, il est remarquable, selon l'exemple observ, que la pice la

    plus semblable une homlie dont ils ont augment la collectiontraditionnelle est la parabole sur les vertus gardiennes de l'mec'est--dire une composition qui rappelait aisment plusieurs cha-

    pitres des Similitudes, et qui, d'ailleurs, n'est point indigne par elle-mme du patronage de saint Anselme.

    Il convenait d'insister un peu sur des faits suggestifs, qui sont, mon sens, la partie essentielle de cette tude. Aussi bien, il y a une

    contre-partie assez instructive.Aprs avoir examin curieusement une forme dtermine du

    recueil des opuscules, un moment et dans un milieu capables denous renseigner le mieux possible sur l'tat de la tradition et sur lamentalit des compilateurs, on peut prendre d'ensemble les manu-scrits de toutes espces qui renferment des uvres attribues saint

    Anselme, afin d'y relever des traces d'homlies. J'ai eu, en ces der-nires annes, l'occasion d'tudier, de plus ou moins prs, environdeux centaines de ces manuscrits. Rserve faite pour ce qui m'achapp et pour ce qui pourrait encore surgir, je propose ds main-tenant le simple compte des pices, toutes apocryphes selon moi 1,qui se sont introduites et l et qu'on parat avoir regardes commedes homlies. Ce surplus encombrant et aberrant ne pse pas lourd,et c'est l justement o je vois une apprciable confirmation des

    prcdentes remarques.1 Dans un manuscrit tardif, conserv Valenciennes 2, on lit,sous le titre Omelia magistri Anselmi, un dveloppement sur lethme de S. Luc x, 38 (Intravit Iesus), qui commence par ces mots

    NM~MM~,~7c~ssMM~/s,caMsa: nominis lecti. Cette attribu-tion procde vraisemblablement de celle qui tait ds lors familireaux copistes, le nom d'Anselme tant attach une homlie quitait partout rpandue, pour la fte de l'Assomption, et traitait lemme thme.

    2 Un des tmoins du recueil anglais qui a t dcrit plus haut,

    l'exemplaire de Magdalen (Oxford), a fait accueil, sans doute pourla mme raison qu'on vient d'entrevoir, un morceau De assump-tione beate Marie virginis: Quia ~0/MM~!s[st)M]c vera dignitatealtissime sum ~s~o~j~M~Ms. 3 Il est dj clair que ce n'est pas

    t. Le n n'est pas, matriellement,apocryphe mais,en tant que sermon,il nesaurait chapper cette qualification.

    2. ? S.3~(fol.ns~), du XIVe ou du XVesicleet provenant de la familledeCroy.

    3. MagdalenCollege,n" ~6 (fol.130') le texte est dfectueuxpar endroits.

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    tout fait une homlie. Un autre manuscrit anglais du mme temps,plus traditionnel dans l'ensemble, maintenant Pembroke (Cam-bridge) 1, dfinit mieux Liber de ~ssM~cMM~ Pourtant, l'appa-rence est que ce texte fut directement tir d'une de ces collectionsd'homlies De Beata comme on en a formes vers le XIe sicle en

    beaucoup d'endroits, avec un nombre de pices qui ne varie gure2 Corpus (Cambridge) par exemple, un recueil, qui semble avoir t

    copi Christchurch de Cantorbry 3, runit ce groupe un sermon

    anonyme qui est celui de Magdalen. Mais il faut ajouter que cemme texte, qui n'est pas sans mrites, tait connu depuis l'poque

    carolingienne, laquelle il doit appartenir 4, et qu'on le faisait passerpour une composition de saint Augustin c'est parmi les ouvragesdu docteur africain qu'il a t imprim 5.

    3 Un dernier sermo s. Anselmi ~c~t~Mco~t s. Maria a jouide quelques faveurs Omnium sanctorum, dilectissimi, laus et~matris domini resohst%one tem~oralis. (m4a-rr43) .es manuscrifs ne manquent

    pas les Mauristes en ont employ trois. Autre dition dans la Bibliotheca Pa~MM

    Concionatoria de F. CoMBEns, t. VII (1662), p. 662 sq. (Ttt ~MtOK~tOMe b. M. t~.AOM{H

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    LES HOMHES ATTRIBUES A S. ANSELME 15

    titres, dans trois manuscrits au moins 1. Il appartient rellement saint Anselme mais, non moins rellement, il a t dcoup dansune lettre de l'archevque une petite communaut de religieusesanglaises 2.

    5 Deux manuscrits du British Museum et d'origine anglaiserunissent sous le nom de saint Anselme, la suite d'une ractionancienne des Similitudes, un double commentaire, indit, de SAP.XVIII, I~-l6 DM~Mquietum S!7cM

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    16 ARCHIVES D'HISTOIRE DOCTRINALE ET LITTRAIRE DU M OYEN AGE

    notice est correcte mais le premier terme n'est qu'une conjecturesans valeur.

    C'est, croirais-je, le mme volume de Merton qu'on avait signal Gerberon, et de la composition duquel il s'est inquit par excsde zle Nous pouvons dsormais, les manuscrits ayant dit leur

    conte, oublier tous ces morceaux de Merton et d'ailleurs, et perdrele souci de rechercher des homlies attribuables saint Anselme.

    V. Il en reste une, cependant, dont le crdit a t si grand dans

    lepass

    moins d'un demi-sicle aprs la mort du saint et jus-

    qu' nos jours 2, qu'il semblait tmraire de rvoquer en doute sonauthenticit. Deux critiques allemands, plus attentifs, ont indiqunagure les difficults trs relles auxquelles, en dpit des solides

    garanties qui l'entourent, elle vient se heurter s. Ils n'ont certes paseu tort de poser exactement les termes du problme. Mais enfin ils

    n'ont pas russi le rsoudre. Leurs arguments ngatifs, tout perti-nents qu'ils soient, nous enveloppent, avec la malheureuse pice,trop fortune jusqu'alors, d'un brouillard dsolant. Je laisserais l

    cette discussion, si un clair indice qu'on a nglig, bien petit en effet,ne faisait clater de faon imprvue la lumire, en rvlant la per-sonne du vritable auteur. Ceci tant, il convient de reprendre la

    question d'un peu plus haut.

    L'dition ~Kc~s des opuscules de saint Anselme (1491)comprend une homlie de mdiocre tendue 4 (expositiuncula, ratittn-

    i. Censurahomiliarum P. L., CLVIII,26 G.2. Cf.B. HAURAU,Noticeset extraits de quelquestHOMMMft~latinsde la Biblio-

    thqueNationale,II (1891),p. 313 P RAGEY,Eadmer[1892],p. 112 Ch.PoRE,Histoirede l'abbayedu Bec,1 (1901),p. 184.sq. H. TtHjRSTON,dans The Month(juin !904),p. 565sq., et .Ea'a'MMf!tractatus ConceptionesanctaeMariae (1904),p. xxii, xxvn sq. R. HEURTEVENT,Durand de Troarn (1912),p. 107,n. 5 Ch.FILLIATRE.Gerberonditeur~SK~MM~des

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    LES HOMUES ATTRIBUES A. S. ANSELME 17

    Archives d'Histoire. ? 2. 2

    cula) 1 sur la pricope de Marthe et Marie 7M< 7~SMsin ~o~-dam castellum (Le. x, 38-42) c'est--dire destine, selon, l'usageliturgique, la fte de l'Assomption 2 7~ scriptura sacra res unaet eadem ~M~O~S~3 invenitur diversa significare.

    Cet exorde, donne le ton du reste on prtend nous y expliquer,suivant la mthode allgorique, comment la Vierge singularis etintemerata se trouve tre un chteau , savoir une tour et un murtout ensemble tour de virginit, mur d'humilit, l'une protgepar l'autre bien plus, nous y apprenons que le mot quoddam estici lourd de sens, dsignant l'unique Vierge-mre. Il est lui-mme

    prcd d'une prface explicative et fortement personnelle, assezinattendue dans un pareil contexte Quid ad g~o~oMM dei geni-~tC

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    t8 ARCHIVES D'mSTOtRB DOCTMNALB ET UTTRAtM DU MOYEN AGE

    Carcassonne, qui subsiste, datant du XIIe sidp reprsente cer-tainement la part de l'homuaire mdival.Il n'est d'ailleurs pas trop malais, en recourant de nouveau auxmanuscrits, de reconnatre la fortune de ladite homlie, et mme de

    distinguer les principaux tournants de son histoire. J'ai comptsans prtendre tablir un compte absolu .-< plus de cinquante exem'

    plaires de tout geSi l'on tche de classer ce matriel, relativement considrable, on

    constate que, ds le XII~ sicle, la. tradition qui se greffe sur l'ho~mliaire de Paul Diacre tait forme, jetant de toutes parts ses

    rameaux. Quinze manuscrits, que je sache, copis cette poquesont encore tmoins du succs qu'immdiatement le texte obtint.Il en est mme plusieurs sur ce nombre, dont le caractre graphiqueparat marquer la premire moiti du XIIe sicle s. L'criture, sans

    doute, est parfois trompeuse et, dans tel cas particulier qui n'est

    pas autrement spcifi, une marge de cinquante ans convient assez.Mais nous avons ici, sous les yeux, un groupe d'exemplaires dontchacun devrait tre report normalement, pour prendre des termes

    larges, la priode 1125-1150. Or, c'est en ce mme quart de sicle

    que M. Max Frster voudrait aussi placer notamment pour desraisons d'ordre linguistique, une version anglaise, conserve dansun manuscrit du British Museum s et qui, pour moi, se rattache

    encore, trs probablement, la tradition des bomliaires. Le Dr.Frster fait, en outre, observer que cette version, dj fautive,suppose un archtype.

    L'attribution du morceau saint Ansehne se laisse donc saisir,de ce ct, une date peu loigne du dcs de l'archevque. Il esttvrai qu'un titre explicite fait quelquefois dfaut, et que, d'occasion,

    ParisB N .rz~rjr,fol 52-57 cesfeuilletssont distinctsdu leste.2. J'attendrai une autre occasionpour donnercette liste complte.J'avais d'a-

    bord collationnune dizained'exemplaires,dans le desseind'tablir un nouveautexte. Cetteditionn'aurait plus maintenantbeaucoupd'intrt,le nomd'Anselmedisparaissant.Maisle texte pr&posepar Gerberonpourrait tre encoreamliorenbeaucoupd'endroits.

    3. J'numre Berlin Phil. J'~y~ Cambridge Peterhouse ~30 (manuscrit d'ori-

    gine allemande) Paris,Mazarine

    6p~Vendme Les autres manuscri ts du

    XII~ sicle sont Berlin 2~. fol. ~70 Cambrai ~&~ et ~o~t Chlons .M LondresBr. M. Cleopatra C. X (seconde moiti du XII", mon avis) Oxford Bodley I49(&n du XII"), Paris B. N. js~jT (voir ci-dessus) Poitiers 76 Rome, Vaille. E.Soissons ~39 Tours 336.

    4. 0~. laud.,p. 53 sq.5. ~M~iMMMtMD..XT~, fol. 151-158,dans le fondsGottoadu BritishMuseum.

    Cetexte avaitt dj dit cinqfoisla publication'deM. F8RSTERsemble tredfinitiveet son tndeexhaustive.

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    LES HOMLIES ATT'RtBUES A S. ANSELME t

    les scribes ont raccourci ou, mme, compltement omis le prologue.C'est le cas, par exemple, de l'ancienne version anglaise publiepar le Dr. Frster 1. Ces anomalies, pourtant, ne doivent pas faireillusion, et l'on peut dire avec assurance que titre et prologue repr-sentent la forme normale de cette rdaction, la seule dont il failletenir compte finalement.

    De l'autre ct, au contraire, celui des opuscules , que voit-on ?Le total des manuscrits est moins lev; il ne dpasse point la

    vingtaine. Mais, surtout, l'ge et la qualit de ces tmoins montrentla situation sous son vrai jour. Le recueil primitif des opuscules, quel'on connat bien grce aux historiens du XII~ sicle, subsiste, sanschangements apprciables, en de nombreux exemplaires du mmetemps. Aucune de ces copies n'offre l'homlie sur la Vierge. Cetteexclusion constante ne semble pouvoir tre l'effet du hasard. Demme, ce ne peut tre un accident que les exemplaires du XIIIe si-cle qui admettent l'homlie ne forment encore qu'un groupe res-treint parmi les autres plus fidles l'ancien type. Il faut arriverau XIVe sicle pour trouver l'homlie promue dcidment au rangdes opuscules mais alors, comme nous l'avons observ, parta-geant cet honneur impunment avec des pices peu recomman-dables

    De ces faits, il ressort videmment que l'homlie est passe, sur

    le tard, du milieu des homliaires en celui des opuscules. Ainsi, la

    x. On y lit ce titre Sermoin festissancteMarie virginis. M.FRSfBRvoudraitse persuaderquecetterdactionen Vieilanglais,quiestjuste surlalimitedel'anglo-saxon, fut tablie pour un grand monastredu diocsede Londres il n'exclutpastoutefoisl'influencede Winchester.Maispourquoipas Cantorbrytout simplement?

    2. Je puis citer Londres,Lambeth ~a~, Paris B. N. ~r~, Rome Vatic.lat.jo&r-r,Troyes~36, et renvoyerau cataloguede~Rievaub:publipar M.R. JA-MBS,A ~sscW~peC~a~op

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    20 ARC HIVES D 'HIST OIRE DOCT RINALE ET LITT RAIR E D U MOYEN AGE

    double tradition n'a plus qu'un seul point de dpart le moinsfavorable la cause de l'authenticit.

    Il reste se demander comment, vers le second quart du XIIe si-cle, notre texte a pu, grce l'autorit que lui confrait son auteur

    suppos, se glisser dans un homliaire qui le transmit aussitt avecun succs retentissant ses congnres car on ne saurait, en rfl-chissant bien, imaginer un autre dveloppement littraire. Il ne

    s'agit donc plus maintenant que d'carter le prte-nom pour saluerl'auteur vritable.

    Ce dernier acte s'accomplit prestement. Je ne m'arrte pas

    considrer, dans la pice elle-mme, l'abus de l'allgorie, sensibleds l'exorde, ni la faiblesse du style ou de la pense. Oudin a dclarcette composition absurde, incohrente, l'ouvrage d'un insens,etc. 1 Maison sait de reste qu'Oudin manque frquemment de sr-nit et, sous prtexte de jouer, au justicier, fait tort la justice.Accordons que l'homlie, sans tre tout fait mdiocre, n'est pluspour nous un chef d'oeuvre, et qu'elle rappelle assez peu la manired'crire ou de raisonner de saint Anselme, pour passer directe-ment l'examen du prologue, qui est un objet plus consistant. On

    y verra d'ailleurs que l'auteur tait assez satisfait de son travailet sut en mme temps, l'en croire, satisfaire de nombreux audi-teurs. Faute de ce prcieux couplet, il serait dimcile l'historien

    de remplir sa tche 2.Intravit TesMs in quoddam castellum. Quid ad gloriosam

    virginem dei genitricem lectio ista pertineat, ut in eius festi-vitate legatur, plerique soient querere. Unde quid [ego] senti-rem, in conventu fratrum, prout potui, vulgariter iam plus

    5 semel exposui. Et quia quod dixi auditoribus placuit, dictalitteris mandare ab eisdem et maxime a domnis abbatibus Wil-lelmo Fiscamnensi Arnulfo Troarnensi iussus, immo coactussum. Quod ideo praedixi, ut expositiuncula ista, tamquam apresumptuoso edita, non displiceat, quia non hanc presumptio,

    10 sed oboedientia edidit. Iam nunc igitur ratiunculam istam salvafide ac sine melioris preiudicio ad laudem eiusdem virginis etmatris lesu humiliter scribere aggrediar.

    2 in om. A 3 quer. sol. ord. A. ego add. plures 4 ut A vul-

    gariter:

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    LES HOMLIES ATTRIBUES A S. ANSELME 21

    L'auteur vivait donc en Normandie et devait tre abb. Maisest-ce bien au Bec ? Et peut-on le confondre, style part, avecAnselme l'abb de ce monastre (lo~S-io~, un maitre ds lors

    rput fort au-del des frontires de Normandie ? Car il n'est pasvraisemblable qu'Anselme ait besoin de rpondants, qu'on le force crire un sermon, et qu'il redoute de passer pour prsomptueux.Mais il y a plus selon la perspective propose depuis plus de septgicles, on constate une impossibilit matrielle dans les date? del'un, au moins, des rpondants. Ils sont tous deux connus. Guillaumede Ros, d'abord clerc de Bayeux, puis moine de Saint-tienne de

    Caen, remplaa en 1078, Fcamp, le vieil abb Jean ou Jannelin(f 22 fvrier) il mourut l en 1107 ou 1108 Il tait donc exacte-ment contemporain de saint Anselme, lequel n'avait que faire d'un

    patronage de cette sorte. Mais Arnoul (t 1112) ne passa de Saint-Martin de Sez, o il iemplissait les fonctions du prieur, Saint-Martin de Troarn qu'en l'anne 1088, pour prendre la successionde Durand, premier abb du lieu (t 11 fvrier) 2. A supposer que lardaction du discours ait t dcide ds 1088, l'abb du Bec avaitalors cinquante-quatre ans rvolus 3. A cet ge, dans sa situation,

    aprs ses succs d'coltre, la veille d'tre primat d'Angleterre, onne l'imagine pas, comme un crivain novice, hsitant mettre en

    latin une simple homlie, et ne se dcidant la publier que sur lesinstances et sous la recommandation d'un de ses cadets.

    Mais on peut sortir de cette impasse. Dans le catalogue des manus-crits de Christchurch (Cantorbry), qui fut compil vers 1330 parle prieur Henry Eastry, l'article suivant figure deux fois

    4

    Sermo Radulfi archiepiscopi super Intravit /MMSin quoddamcastellum.

    Le rpertoire alphabtique de John Bale (~ 1563), qui correspond des ouvrages conservs ou signals au XVIe sicle, est plus expli-cite. Ces deux notices jointes lvent les doutes qui pourraient encoresubsister aprs la lecture du catalogue de Christchurch s

    l. Cf. GalliaChristiana,xi (1759),col.207.Voir en outre L. DEMSLE,C~fotM'~Mg

    de Robertde Torigny,il (1873),p. 149 et du mme Robert, le De immutationeordinismonachorum,ib., p. 193.2. Cf. Gallia Christiana, ib., col. 417.

    3. Cf. VitaauctoreEadmeroH, 73(P. L.,CLvm,115sq.4. Cf. M. R. JAMES, The ancient Libraries of Canterbury and Dot~f (1903), p. 32

    (n ~6) et 33 (n .r6.r).

    5. Index Britanniae se~~o~M~: (d. R. L. PooLE, 1902), p. 334. J'ai en vain

    recherch les traces des manuscrits indiqus. Le Dr. H. E. CRASTER, bibliothcaire

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    22 ARCHIVES D'HISTOIRE DOCTR~ALE ET LiTTRAtRE DU AIOYEN AGE

    Radulphus primo Roffensis episcopus, postea Can.tua.risnsisarchiepiscopus, scripsit quasdam homilias li. 1 Intravit Iesus!'Mquoddam caiS~M~M,etc. ~M~ ad gloriosam virginem dei geni-tricem lectio. Ex oSicina Ricardi Kele.

    Radulphus pater veherbilis, afchlepiscpug Cantuariensis,scripsit super 7~M~ f~SMS~K~Mo~~M castellm Th. I: Quidad gloriosam virgitte;n dei g~M~CMMlectio ista ~$MM~. ExBibliotheca Gtialtheri.

    Raoul d'Escures avait t successivement moine de Saint-Martinde Sez, prieur de cette maison en 1088 aprs le dpart d'Arnoul

    pourTroarn,

    puisabb l'anne suivante. Perscut

    parle comte

    de Bellesme, il dut se rfugier en Angleterre vers l'anne 1100. Ildevint vque de Roohester le 29 juin 1108 la. place de Gondulphe,un des plus chers amis d'Anselme il tait en effet li avec l'un etl'autre, et ce fut Anselme qui le fit nommpr, Enfin, il monta sur lesige de Cantorbry le ~6 avril 1114, recueillant l'hritage de saintAnselme aprs une longue vacance il-mourut le 20 octobre 1122 1.

    L'histoire de l'homlie sur la Vierge est en quelque sorte parallle.Elle fut d'abord librement dbite en patois normand nonseulement Sez, mais Fcamp et Troarn, ailleurs encore sansdoute. Raoul tait alors abb de Sez. Son discours plut. Incitet rassur par son ancien prieur, l'abb de Troarn, il en fit une rdac-tion latine, en prenant la prcaution de rappeler les circonstances

    de cette publication. Ceci fut accompli certainement avant le dpartpour l'Angleterre, vers la fin du XIe sicle. A Christchurch plustard, la pice fut connue du vivant mme de l'auteur et l'on en pritcopie il suffit de se souvenir, par exemple, que le nouveau primateut d'excellents rapports avec Eadmer et le retint pour un temps son service 2. Peu aprs sa mort, plutt en France, semble-t-il,

    quelque lecteur, la recherche d'une homlie pour la fte de

    l'Assomption, dut remarquer le texte oubli. Le titre mentionnaitun archevque de Cantorbry du nom de Raoul. Celui d'Anselme

    la Bodleienne,m'a confirmque te !naauscritJe Laad .MMC.~07(= D. ~p),men-tionn par TANNER(BibliothecaB~t~MMo-R't~Mtes,1748,p. 6t~),ne renfermaitpasd'homliesau nom deRaoul.

    i. Cf. Gallia Chnstiana,th., col. yS-~zo.Voir aussi iSnombreusesrfrences

    d'Eadmer (cf.M.Rui.B, jSa~MsW.S~

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    L ES HO M UE S AT TMBU ES A S. AN SEL ME 23

    parut plus croyable ou plus convenable. Grce ce changement, eneffet, l'homlie devint bientt clbre, et c'est ainsi qu'aux siclessuivants elle put prendre place parmi les crits sincres et avrsdfendue dsormais contre sa propre faiblesse et contre la navetde son prologue par le prestige d'une grande mmoire.

    ADDITIONS

    I. LA CRITIQUE DE L. BOURGAIN.

    L. Bourgain a pris la peine d'diter, l'estimant authentique, voire aussi curieuse pour la forme que pour le fond , une Omelia beatiAnselmi super Iokannem de Planctu Afa;g~gM~, laquelle l'his-torien de la littrature doit donc une mention Maria stabat.

    [lOH. xx, II] ~M~'MMtMS/S Mariam ad monumentum lorisstantem quia vidi dominum et haec dixit mihi. 3Bourgain avoueseulement que son manuscrit ne dsigne pas expressment l'arche-vque de Cantorbry 4. Ce scrupule est de trop quel auteur le

    copiste pouvait-il avoir en vue, dans ce contexte, sinon l'arche-

    vque ? Nanmoins, Gerberon, qui rencontra, semble-t-il, le mme

    manuscrit, a t mieux avis de laisser ce morceau s. Haurau a faitobserver que le style en est plus barbare que celui de saint

    Anselme 6. Sans s'arrter cet argument, il suffit de rappeler quela pice portait couramment, depuis le XIIIe sicle, le nom d'Ori-

    gne, et qu'elle fut maintes fois imprime parmi les uvres du vieuxSocteur alexandrin, quoique, sans doute, elle soit une uvre latine 7.dous ce patronage traditionnel, elle est souvent plus complte, au

    dbut, que le texte du XVe sicle, imprim par Bourgain 7~ ~ag-

    i. C'estla rubrique mmede l'Histoirelittraire,IX, p. 428.2. Je groupe sous ce titre plusieurs dtails complmentaires, qui ont t recueillis

    pendant que le manuscrit tai t l'impression. Il m'a fallu dvelopper quelque peula premire et la dernire note, le sujet s'y prtant aussi ai-je marqu des titres

    particuliers.

    3. La Chairefranaiseau XIIe sicled'aprs les manuscrits(1879),p. 373-383,etcf. p. 225-227 l'diteur emploiele manuscritlatin a6a~dela BibliothqueNatio-

    nale (fol.12-18),qu'il voudraitrapporter au XIVesicle le XVeest unedate plusprobable.4. Ib., p. 30, n. i.5. Cf..P.L., CLVIII,27A le manuscritsetrouvait alorsdansla collectiond'Eme-

    ric Bigot,composeen majeurepartie de volumesnormands.6. Journal des.?at'

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    24 ARCHIVES D 'H ISTOIRE DOCTRINALE ET LITTRAIRE DU MOYEN AGE

    senti SO~MMM~ /OC~W~~MM&MSvestrae caritatis, ~~C~MSt' ~~M-cimur ad memoriam. i

    Bourgain, d'autre part, reoit sans hsiter toutes les homlies

    que Gerberon a reproduites et, notamment, l'homlie sur la Vierge,dont il constate le succs prodigieux )) Mais, pour mieux fairede saint Anselme un prdicateur illustre )) il se prvaut de plu-sieurs passages d'Eadmer que je n'avais pas cru devoir relever.Deux de ces citations, tout le moins, sont dtournes de leur sensobvie. Eadmer ne dit pas prcisment que son matre fut zl

    prcher sans relche , comme on l'entend aujourd'hui il indique,

    au chapitre des vertus monastiques, que le religieux du Bec tait assidu aux saintes exhortations , et il ajoute, emport par unemalheureuse rhtorique, qu'Anselme, toujours infatigable encette tche, russissait fatiguer presque tous ses auditeursce pauvre compliment, toutefois, ne saurait garer le lecteur sin-cre. Il convient encore moins de verser au dossier de la prdicationune phrase relative la dernire maladie de l'archevque d'unevoix haletante, il exhortait tous ceux qui avaient l'honneur de

    l'approcher vivre pour Dieu, chacun son rang. 5 Enfin, l'onn'est gure plus avanc d'apprendre que l'abb du Bec tait invit se rendre dans les abbayes voisines, ann d'y administrer auxfrres les paroles de vie, soit en public au chapitre, soit en des entre-tiens

    privs

    avec ceux qui le dsiraient )) Tout ceci,que

    nous

    admettons sans peine, ne garantit en rien la rdaction ni la publi-cation d'homlies identiques ou semblables celles que Gerberona recueillies. Un dernier propos du biographe, assez dvelopp, tou-chant la merveilleuse facult qu'avait Anselme d'adapter ses paroles(dicta, verba) aux besoins de ses auditeurs , et de se servir d'exem-

    l. Cf. MERLIN,OperaOrigenisAdamantii(1512),t. III (fol.115~-132~)dernierarticle de la srie intitule Origenisin diversos~ot TestamentiHomiliae de l,dans les ditionslatinesdu XVI*et du XVII"sicle.CoMBEKSa comprisce textedans sa Bibliothecapatrumconcionatoria,t. IV (1662),p. 186-190.Je puisrenvoyeren particulier au manuscritde Berlin Lat. fol. y~ (Goerres6) fol. 95~ (premiremoitidu XIII" sicle).Maisla formebrve AudivimusfratresMariam avec lemmetitre OmeliaOrigenis,est plusfrquente,surtout la findu moyenge voir,par exemple Avignon60~, fol. 180 (xin-xrv) Berlin, Theol. qu. ~03,fol. 198

    (xiv*),et 2~, fol.i (xv) Copenhague,Gl. Kgd.S. 206fol., fol. 6v(xv),et 338680,fol. 175v(xv) Le Mansjrp~,fol. 12~(xv).2. Op. p. 31.3. Ib., p . 29.

    4. Vita, 1.I, 10 P. L., CLvm,55c.5. 7& II, yz P. L., 115 A. Bourgain interprte (o~. l., p. 29) Pendant sa

    dernire maladie, il ne cherchait d'allgement . son mal que dans la prdication, n

    6. 7& 1. I , 35 P, L., 69 D sq.

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    L ES H OML IES AT TRtBUE S A S. ANSELME 25

    pies faciles semble bien n'avoir de rapport qu'aux entretiensfamiliers (colloquium) 2 et aux consultations de toute sorte. C'est

    toujours au recueil des S~M~ss, et de plus aux lettres, qu'il faut

    renvoyer, si l'on veut saisir cet aspect de la personnalit du sainthomme, par o il a charm ses contemporains et mrit la note

    suprme d'affabilit. Le tmoignage d'Orderic, par exemple, estsuffisamment net cet gaid.

    n.'2. Le manuscrit d'Oxford Laud M

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    2 6 A RCHI VE S D' HI ST OIRE D OCTRI NA LE ET L!TTRA!RE DU MOYEN AGE

    caractre lgendaire de cette pice, E. Bish&p a. indique fort proposque la mmoire de l'archevque avait pu tre mle cette affaire

    par suite de l'intervention de son propre neveu, l'abb Anselme, quifut en effet l'un des agents de la croisade en faveur de la Concep-tion 1. Quoi qu'il en soit, cette fausse encyclique trouva vite crdit,et les copies en sont encore nombreuses, notamment dans les recueilsde Miracula. On la rencontre de la mme manire qu' Saint-Ours

    d'Aoste, formant six leons, dans le brviaire de Hereford du XIIIe

    sicle, mais, cette fois, pourvue de son titre rgulier AnselmusCantuariensis C~tSCO~MS ~S~ Anglorum, COB~MCO~Ssalutem et

    benedictionem L'ancien brviaire d'York la donnait aussi 3.

    Le mme brviaire de Hereford, selon la rdaction originaledu XIIIe sicle fait lire pour l'octave de l'Assomption trois leonstires de l'homlie sur l pricope de saint Luc ZM~K)~ lesus.C'tait aussi l'usage d'York, qui, en outre, tirait parti de la suite

    pour la fte de la Nativit s.' On donc l, vraisemblablement,

    l'explication directe des rglements de Grandisson pour Exeter, ausicle suivant. D~ lors, aussi, cette pratique parat dpendre del'homliaire du XIIe sicle, et non de la collection interpole des opuscules .

    5. L'historien anglais W. Stubbs, dont la critique tait gnra-lement fort svre, n'a gure sourcill devant la tradition littraire

    qui attribuait saint Anselme l'homlie sur la Vierge Cette bonnefoi tenace est d'autant plus remarquable que Stubbs a connu lanotice de Leland que je vais mettre en lumire Il a bien vu,d'ailleurs, que l'homlie n'avait pu tre rdige aprs la mort deGuillaume de Ros (ito~), mais non point l'invraisemblance de lasituation. C'est que, comme tant d'autres, semble-t-il, il n'a pas

    3St D 11-322 C.1. 3. Un doubletpartiel(dela fin duXIIIe sicleselonmoi)a tpublipar H. THURSTON,Eadmeri.

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    LES HOMLtPS ATTRIBUES A S. ANSELME 27

    pris la peine de lire le texte, ni de faire rflexion sur la teneur du

    prologue l'opinion courante avait prvenu son jugement. Le suf-

    frage dlibr de B. Haurau, rappel ci-dessus, offre le mme intrtpsychologique, ce grand rudit ne se prononant d'ordinaire, lui

    aussi, que lorsqu'il tait deux fois sr d'un fait.

    6. L'HOMLl* SUt! tA VlRG A SAINT-ALBANS.

    John Leland (v. 1506-1552), un des familiers d'Henri VIII, cha-

    pelain royal en 1530, c'est--dire avant le schisme, dcor ensuite

    (i533) du titre officiel d'Antiquaire nous a laiss les plus prcieuxrapports sur l'tat des bibliothques anglaiser la veille de leur

    dispersion, tandis que les listes de John Bale se rapportent la

    priode mme du pillage. Le pauvre Leland, plus tard inconsolabledevant le dsastre au point d'en perdre la raison 2, accomplit eneffet des voyages littraires, de 1533 1545, visitant les moindrescollections et prenant des notes. Cette documentation, trop maigreencore notre gr, a survcu dans les cinq volumes des CoMec~M.A Saint-Albans, le grand monastre au nord de Londres, qui devaitrecevoir le coup de mort au terme de l'anne 153~ l'antiquaire

    reut le plus courtois accueil du prieur Kingsbury, et put admirertout son aise la bibliothque Sa liste des manuscrits notables

    n'est pas longue, on ne sait pourquoi mais les lignes suivantessont pleines de sens, dsormais, pour nous

    Radulphi, Cantuar. archiepiscopi, omelia super IntravitJesus in quoddam castellum quae a plerisqu~ creditur fuisseAncelmi praedecessofis eius. Raditlphus, ut tnemitii, Gallusfuit.

    Ce signalement du texte de Saint-Albans permet d'interprter coup sr l'une des rfrences de Baie rappeles plus haut, celle quimet en cause la Bibliothque de Walter . Car il ne s'agit plusmaintenant, comme on pourrait l croire au premier abord, d'unrudit contemporain de Bale et dont celui-ci aurait examin la

    i. Voirune charmantenotice de P. A. CORNEWAU.Lelandthe J~M~'sAnti-

    quary dans The ~~t~e/o~AyoM?-Ma/(1927),p. 108-121.a. Cf. F. A. GAssusT, The Old Engdish Bible and o~f ~ay~ (1897), p . 23 sq.

    3. Cf. DUGDALE, AfoM~S

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    28 ARCH IVES D'HISTOIR E D OC TR INALE ET UTT RAtR E D U MOYEN AGE

    collection. Bale, il est vrai, se recommande une autre fois ExBibliotheca G~M~~g~ Mais si l'on continue de parcourir sonrpertoire, on trouve encore une quinzaine de notices, pourvues d'in-dications plus explicites Ex Gualtero cantore ~4~MgKM? 2, Ex6~.a~~O~S.a~O" jE'M~'CM~OGMa~A~~cantoris S. Albani ~))Cette dernire mention, enfin, devient parfaitement intelligible,lorsqu'elle est rapproche de l'article suivant, le plus importantde tous s

    Gualtherus, cantor S. Albani, scripsit px omnibus l ibrorum

    monumentis e iusdem cenobii BibHothecam quandam sub titulo

    Indiculi vel d e libris ecclesie li. 1 Prima ~a~s Ribliothece a&ea

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    LES HOMUES ATTRtBUES A S. ANSELME 29

    nom de Walter n'est pas donn dans les Gesta Abbatum, appa-remment parce que ce n'tait point le lieu. Mais lorsque le chroni-queur officiel nous explique par deux fois 1 que Simon a rtabli le

    sc~~Mo~wMjusqu'alors

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    LA THOLOGIE COMME SCENCEAU xnr SICLE

    GENSE DE LA DOCTRINEDE~8. THOMAS

    SUM. y~EO~ 7' Pars, q. r, art. a et 8.

    Si l'on voulait dessiner gros traits le dveloppement de lamthode et de la technique rationnelles dans les ouvrages tholo-

    giques au XIIe sicle, c'est--dire non pas seulement la struc-ture gnrale de ces ouvrages, ou leur genre littraire, ni dj direc-tement les rapports de la raison et de la foi qu'impliquent leurs con-clusions doctrinales, mais proprement le dispositif, la coupe logique,de leurs procds d'exposition et de raisonnement, on pourraiten marquer ainsi les tapes successives.

    Au dpart, dans un labeur encore fruste malgr la lente perfec-tion acquise depuis le XIe sicle, un simple recueil de sentences,

    de flores, dsormais ordonn et systmatique, mais qui dpasse peine la compilation, o, par suite, l'laboration spculative estquasi nulle. Puis (sans s'arrter aux monographies puissantesd'Anselme, qui en fait dpassent leur poque et ne fructifierontvraiment qu'au XIIIe sicle), l'oeuvre abelardienne, uvre djcritique, o le souci d'harmonisation par recours la dialectiqueintroduit avec soi un effort rationnel de mise au point, de discussion,de prcision conceptuelle, qui va devenir un ferment trs actif de

    raisonnement, de science thologique. Pierre Lombard, j us-qu'en son allure traditionaliste, est un premier fruit de cet effortmais son prcieux recueil reste encore bien sommaire en fait d'argu-mentation, et les Hic solet ~M

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    32 ARCHIVES D 'H ISTOIRE DOCTR INALE ET LIT TRAIRE DU M OYEN AGE

    adverses qui amneraient la dispute , plus audacieuses, trsvives de ton, sans ordre, telles, dirait-on avant la lettre, des repor-tations de quodlibets, chez Odon d'Ourscamp, appuy lui aussi auMatre des Sentences dcidment envahissantes, au pointd'touffer le texte, dans les commentaires pauliniens du Pseudo-

    Hugues, si bien que le textus )) n'est plus qu'un fil tnu reliant unesrie de discussions thologiques, o se dessine maintenant la struc-ture d'un problme pos et d'une solution recherche enfin,dtaches compltement du commentaire textuel, organises entreelles plus ou moins logiquement, elles deviennent fermes de tenue

    logique, serres mme dans leur dveloppement, construites djsur le schme tripartite objections pour et contre, corps de lasolution, rponse aux difficults Ainsi, chacun leur manire,Simon de Tournai, dans sa Somme, Matre Martin, qui le critique,Prvostin, tous les matres de l'Universit naissante de Paris, pro-duisent leur 5'M~~a quaestionum, o vraiment nous avons faire une fscience )) thologique. Les Sommes de Guillaume d'Auxerre,de Philippe le Chancelier, et, de suite aprs eux, la srie des Senten-tiaires, achvent en tout cas, dans l'ensemble et dans le dtail deleur travail, cette uvre d'introduction de la ratio et de son mca-nisme dans l'explication et l'laboration du rvl et des donnes

    patristiques. Et si Bacon se plaint, en 1267, que le got des questio-M~sait fait abandonner

    depuistrente ans le textus sac~ et son com-

    mentaire littral, c'est que, son esprit obstinment retardatairen'avait pas compris la ncessit et la lgitimit. d'une volu-tion qui tablissait efficacement, au cur mme de la ~oc~MMsacra,ce facteur de progrs thologique,. de science thologique laraison.

    La doctrina sacra se dveloppait ds lors en deux espces diff-rentes, non seulement comme genre littraire, mais comme objetla pure expositio, commentaire scripturaire ou patristique, atta-che son texte et serve de l'occasion que ce texte suscite, et d'autre.

    part, la spculation thologique, ordonne de soi une systma-tisation indpendante de toute attache textuelle, comme unelaboration intrinsque de chacun des lments proposs. Ce souci

    rationnel, plus ou moins actif, plus ou moins conscient surtout,

    t. PIERREDEPOITIERS,Liber Sententiarum,P. L., 2I ODOND'OURSCAMP,QtsaestionesMag. OdonisSisessionensis,dans AnalectanovissimaSpicilegiiSoles-mensis,de Pitra, t. II, Paris, 1888,dans ~4M

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    LA THOLOGIE COMME SCIENCE AU XIIIe SICLE 33

    Archives d'Histoire.?2. 3

    chez les matres de 1200 1240, est trs nettement exprim parsaint Thomas dans le prologue de sa Somme Consideravimus

    namque hujus doctrinae novitios in iis quae a diversis scripta sunt,

    plurimum impediri. quia ea quae sunt necessaria talibus ad scien-dum, non traduntur secundum ordinem disciplinae, sed secun-dum quod requirebat librorum expositio. . Les livres dont ilabandonne ainsi la tutelle pour construire un ordo disciplinae ,ce sont ces rpertoires positifs dont les Sentences du Lombardtaient le type dj classique, ce sont mme des textes plus autoriss,qui, au point de vue formel de la science thologique, ne pouvaient

    satisfaire le besoin de structure et d'ordre rationnels que toutescience implique en sa formule mme.La Somme T"A~og~M&est prcisment l'oeuvre o, pour la pre-

    mire fois, mme chez saint Thomas, le travail thologique rflchitsur lui-mme, et dans ce retour prend conscience de son procd,en discerne la porte, l'extension, l'efficacit, et par l dgage sa

    mthode, se rendant compte qu'il dborde la sacra pagina (ycompris ses gloses patristiques), et devient une science, une scienceau sens aristotlicien du mot. Jusque l, le rvl, le dogme, ledonn thologique, les conclusions thologiques, tous ces lments,si diffrencis fussent-ils dj en fait dans les uvres du temps,restaient envisags en principe et formellement comme une exposi-tion de la sacra

    pagina,laquelle exposition

    s'appelait

    couramment

    doctrina sacra, appellation ample et confuse o textes rvls,articles de foi, interprtations authentiques, commentaires all-

    goriques et anagogiques, systmatisations techniques, opinionslibres mme, taient embrasss, sans notation prcise de leur qua-lit et valeur, thologiques ou scientifiques.

    Saint Thomas le premier a su et os poser nettement le

    principe d'une intgrale application du mcanisme et des procdsde la science au donn rvl, constituant par l une disciplineorganique o l'criture, l'article de foi est non plus la matire

    mme, le sujet de l'expos et de la recherche, comme dans la sacradoctrina du XIIe sicle, mais le ~MCt~, pralablement connu partir duquel on travaille, et on travaille selon toutes les exigences

    et les lois de la demonstratio aristotlicienne. Tel est le sens profondde la premire question de la .So?~M Utrum sacra doctrina sitscientia. Ce n'est pas l question banale par peu prs, c'est un pointde vue formel en vertu duquel sera lgitime l'installation de la

    l. fidei, qui sunt principiahujus scientiaead cognitionemdivinam,.SM~OMKM~-in scientiaK

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    ratio ? avec tout son appareil sur le domaine de la foi, en

    dpendance d'ailleurs et au service de cette foi. Ce rationalisme ,si l'on ose dire, auquel les augustiniens de tous les temps, et d'abordceux du XIIIe sicle, n'ont jamais pu se rsoudre entirement, n'arien de surprenant pour qui a saisi la nouveaut de l'introductionde l'aristotlisme dans la pense chrtienne toujours est-il qu'ilen est, au seuil mme de la Somme thologique, l'application la plusaudacieuse, le cas le plus typique et le plus gros de consquence,puisqu'il gouverne toute la thologie, en en fixant la mthode et

    l'esprit.On

    voudrait,dans cette

    tude,mettre en relief

    parune

    appli-cation aussi prcise que possible des ressources de la mthode gn-tique et de l'histoire compare la profonde originalit et la

    puissance rationnelle de la doctrine de saint Thomas sur la natureet la mthode de la thologie. Les rsistances qu'il rencontra autourde lui, les hsitations et les ttonnements de ses prdcesseursimmdiats, inquiets au pressentiment du caractre scientifique dela doctrina sacra s'affirmant presque malgr eux jusque dans leursuvres, le lourd bagage d'lments vieillis que Thomas lui-mme trane encore avec lui dans son Commentaire des Sentences,

    bien plus, jusque dans la Somme, de ci de-l, des vestiges, dsor-mais inoffensifs, des anciennes conceptions, tels seront lestmoins, souvent trs expressifs, de l'originalit de saint Thomas.

    Ce sela une manire de 'commentaire historique de la premirequestion de la Somme, ou plus exactement des articles 2 et 8, surla thologie comme science (Utrum sacra doctrina sit scientia),et sur ses procds rationnels ~!7~M?Khaec doctrina sit a~gM~MM-~t! Et l'on peut croire que l'intelligence spculative elle-mmedu texte de la Somme tirera quelque profit de cet essai historique.

    Pour mener bien cette besogne, on s'est astreint lire les intro-ductions et prologues des Sommes les plus importantes, indites

    pour la plupart, uvres des matres entre 1190 et 1230. En fait1

    ce problme de la thologie comme science, au sens fort du mot,ne s'est pose explicitement que sous l'influence de Guillaumed'Auxerre (t 1231) l'Universit de Paris, et Oxford chez Fis-hacre

    (t 1248)et

    Kilwardby (enseigneenviron de

    12~.8

    1261).Car, encore une fois, il ne s'agit pas ici du fait matriel de l'usagede la dialectique dans le domaine du rvl, fait depuis longtemps

    r. On trouverait sans doute quelqueslmentsintressants travers d'autrestraits, en particulierdansle trait de la foi et nousy recourronsici ou l. Maisla dispersionmmede ceslmentset le dcousude cesallusionsfontsupposerquele problmenese posaitpas explicitementet formellement.

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    LA THOLOG!E COMME SCIENCE AU xnf StCLE 35

    acquis et usage dj largement fcond dans les quaestiones ,mais de l'effort de rflexion par lequel, aprs avoir pris conscience decet usage de la raison dans la doctrina sacra, on en a accept expli-citement la lgitimit, proclamant que, ayant droit au titre descience (Utrum sacra doctrina sit scMK

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    L'examen de leur prologue au Commentaire des Sentences con-firme et claire ces indications extrieures la continuit de leurrecherche est trs apparente, mme dans les dtails, et non moinsle progrs accompli par Kilwardby dans les cadres mmes tracs

    par Fishacre Le point sensible de ce progrs est prcismentl'application mthodique du concept de science, et de son contenuaristotlicien, la doctrine sacre Fishacre y renonce, Kilwardbyl'accepte, mais en la surchargeant de distinctions qui trahissenten lui la rsistance irrductible d'une mentalit augustinienne. Desorte que nous atteignons l le point aigu et l'indice le plus rvla-

    teur de la crise.Avant d'en suivre les ractions, il importe de noter que le dispo-sitif mme des questions souleves, les obscurits persistantes dessolutions proposes, dnoncent chaque pas, chez ces deux tholo-

    giens, le centre de leurs proccupations A quoi rpond cette doc-trina sacra qu'on traite la manire d'une science ?.

    Ainsi, Fishacre, faute d'avoir peru le sens de la science et de sesexigences, n'a pas distingu dans la doctrine sacre ce qui est cons-truction scientifique de ce qui est simple exposition scripturaire.Ds lors, quand il veut dterminer la fin (c'est la premire des quatrecauses, pour lui) de la doctrine sacre, il apporte des arguments quitendent prouver la ncessit d'une rvlation de vrits divines

    par l'criture, mais ne touchent pas la question d'une thologie,d'une spculation rationnelle et thologique partir de ce donnscripturaire

    i. Non seulement maints dtails, doctrinaux et littraires, rvlent la continuitde pense des deux matres d'Oxford, mais Kilwardby adopte le plan mme queFishacre avait suivi pour analyser, dans son prologue, la notion de doctrine sacre.Fishacre l'tudie par les quatre causes De qua quatuor videamus secundum

    quatuor geiera causarum, scil. necessitatem vel utilitatem, quod spectat ad causamnnalem auctorem, quod spectat ad efficientem subjectum, quod spectat adcausam nuterialem unitatem et divisionem, quod spectat ad causam formalem .L'analyse de K., beaucoup plus ferme et plus technique, s'en tient ce cadre causematrielle (qu. 2-3, avec deux appendices, qu. 4-6, en particulier sur le rle de la< dispute magistrale ), cause formelle (qu. 7-8), cause efficiente (qu. 9), causefinale (qu. 9-i i), plus une reprise trs significative du problme de la science)'

    thologique (qu. 12-14).Nousciteronsla Sommede RichardFishacred'aprsle ms.de Londres,Brit.

    Mus.,10.B. VII (aprsavoir revu le texte sur le ms. Paris,Nat., lat., 15754) etla Sommede Robert Kilwardbyd'aprsle ms. d'Oxford,MertonCollege131(revusurle ms.Worcester,F. 43).

    2. Et, fait curieux,pour prouver la ncessitd'unervlationet d'une criture,son argumentdveloppele thme aristotliciende l'originesensiblede toute con-naissancehumaine. Sedomniascripta sunt in mente divina quid ergo necesseest homini desiderantiscire omnia nisi in illum beatum librum inspicere? Sedheu,quamvishunelibrumpriussignatumet clausumsigillisseptemaperuitagnus

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    LA THOLOGIE COMME SCIENCE AU Xm" SICLE 37

    Kilwardby ne se dgage pas encore de cette vue uniforme etconfuse de deux tches pourtant si diverses, et son dveloppement,plus psychologique que celui de Fishacre, tend montrer en bloc

    la ncessit du surnaturel pour atteindre la vision de Dieu, et,

    par elle, la consommation de l'univers.

    Consequenter queritur de fine sive utilitate hujus scripture. Etvidetur quod nulla sit ejus utilitas, sed quod omnino superfluat. Finisenim sive utilitas scientie est reparare vel aspectum nostrum vel affec-tum sed ad hoc sufficiunt alie scientie philosophice, quarum quedamsunt speculative reformantes aspectum, et quedam practice reformantesaffectum. Item satis sunt alie entia

    manifestantes ergohec

    super-fluunt.Respondeo. Hec scriptura horum reparationem et ntium manifes-

    tationem alio modo intendit, ad quem nulla alia potest attingere.Quod multipliciter potest declarari. Primo sic, secundum Magistrumin 11 Sententiarum. Rationalis creatura omnis facta est ad Dei visio-nem et fruitionem et hoc habes De fide ad Petrum, cap. 17 et 18.

    Hujus una pars, ut ibi ostenditur, consistit in bonis angelis, jam hochabentibus ad quod sunt alia in hominibus, qui nondum hoc habentalienatus enim et longe factus est homo a Deo per peccatum. Et ite-rum quamvis mundus ostenderet Deum esse querendum, non tamenevidenter ostendit medi'atorem, propter quem necessaria fuit scientia

    ipsum in hiis omnibus instruens et informans, ut sciret homo quomodotenderet ad salutem, et quo tenderet, et unde, et per quem, ut essetinexcusabilis si in Deum non tenderet ad quem factus est, nec posset

    allegre ignorantiam.Sic

    igiturutilis et necessaria est sacra

    scripturaad instruendum hominem super salutem suam.Sed quia cognitio ordinatur ad opus, ideo ulteriorem habet utilita-

    tem. etc. Ulterior autem adhuc finis et omnino ultimus videturesse universi consummatio. 2

    Voil certes qui rend raison de la rvlation (et de la ncessit dela foi), mais non pas proprement de la thologie. Kilwardby discerne

    cependant, ct de cette fin supra-thologique, une double fin

    spciale )' de la doctrine du livre des Sentences (il ne dit plus de

    qui occisus est, tamen fulgorem litterarum hujus libri lippientes cculi humani nonsustinent intueri. Omnis enim nostra cognitio intellectualis incipit a sensu undePhilosophus Deficiente sensu, necesse est scientiam deficere. Sed non ab unicosensu incipit nostra cognitio, sed duplici, scil. auditu et visu, qui ideo sensus disci-

    plinales nuncupantur. Ad hoc enim ut occulta sufficienter fiant manifesta, exigiturdoctrina audibilis et exemplum visibile. Sic ergo patet sacre scripture ncessitas(Prol., Ms.Brit. Mus., Old Roy. Lib., 10.B. VII, f. 2 '").

    i. Plus psychologique, car il est tout pntr d'lments et d'esprit augustiniens.K. tait connu comme lecteur assidu de saint Augustin .Libros Augustin! fereomnes. per parva distinxit capitula, sententiam singulorum sub brevibus annotan-do (N. TREVET,~KKa/M,d. Hog, London, 1845,p. 278).

    2. Qu. 10 (Ms. Merton 131, f. 3*').

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