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Approche économique de la pollution et taxation Document 1 – La pollution comme externalité négative Pour (des) biens environnementaux, comme la qualité de l’air ou le bruit, il n’existe pas de marché, donc pas de prix, ce qui conduit souvent à considérer ces biens comme gratuits, et (…) à les surexploiter. Ce dysfonctionnement des marchés, qui échoue à protéger l’environnement, provient de la sous-estimation des coûts impliqués par les décisions des acteurs concernés. Ces décisions (combien produire, donc polluer, prendre ou non sa voiture pour un déplacement…) sont en effet prises en compte sur la base des coûts directement supportés par le décideur, sans tenir compte de ceux qu’il fait subir à la société dans son ensemble (produire en polluant moins coûte plus cher au producteur, prendre sa voiture peut entraîner des pertes de temps pour tous ceux qui prennent cette décision à cause des bouchons que cela engendre…). Philippe Bontems, Gilles Rotillon, L’économie de l’environnement, Repères, La Découverte, 3 ème édition, 2007 Document 2 - Réduire la pollution mais jusqu’où ? : le niveau de pollution optimal L’humanité doit aujourd’hui faire à un risque global très grave, sous la forme du changement climatique. Il est abondamment clair qu’en émettant des gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone, nos activités économiques ont largement contribué à l’augmentation observée de la température moyenne sur Terre. En ce sens, l’approche économique du changement climatique part de l’analyse de la pollution en général. (…) Tous les processus de production polluent, à des degrés divers. Pour un état donné des techniques, nous ne pourrions donc supprimer toute pollution qu’en renonçant à produire, ce qui nous amènerait à la pauvreté absolue. En revanche, il arrive un point où, la pollution s’accumulant et devenant de plus en plus insupportable, il serait préférable de réduire la production. Il existe donc un niveau intermédiaire de pollution qui concilie au mieux la nécessité de produire et l’objectif de contrôle de la production : c’est ce que l’on appelle le « niveau de pollution optimal ». Je suis conscient de ce que cette formule peut avoir d’inacceptable pour les écologistes les plus purs, pour qui accoler le qualificatif « optimal » au mot pollution est scandaleux. Il est clair que ce niveau de pollution « optimal » dépend des préférences sociales et de l’état des techniques : si une société est particulièrement sensible à la pollution, ou si elle dispose de technique de pollution peu polluante alors ce niveau optimal y sera très bas. 1 Coût d’opportunité : il correspond à l’alternative la plus favorable à laquelle un agent économique renonce lorsqu’il réalise un choix. Bernard Salanié, L’économie sans tabou, Le Pommier, 2011 Document 4 – La difficile évaluation monétaire des dégâts environnementaux

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Approche économique de la pollution et taxation

Document 1 – La pollution comme externalité négative Pour (des) biens environnementaux, comme la qualité de l’air ou le bruit, il n’existe pas de marché, donc pas de prix, ce qui conduit souvent à considérer ces biens comme gratuits, et (…) à les surexploiter. Ce dysfonctionnement des marchés, qui échoue à protéger l’environnement, provient de la sous-estimation des coûts impliqués par les décisions des acteurs concernés. Ces décisions (combien produire, donc polluer, prendre ou non sa voiture pour un déplacement…) sont en effet prises en compte sur la base des coûts directement supportés par le décideur, sans tenir compte de ceux qu’il fait subir à la société dans son ensemble (produire en polluant moins coûte plus cher au producteur, prendre sa voiture peut entraîner des pertes de temps pour tous ceux qui prennent cette décision à cause des bouchons que cela engendre…).

Philippe Bontems, Gilles Rotillon, L’économie de l’environnement, Repères, La Découverte, 3ème édition, 2007

Document 2 - Réduire la pollution mais jusqu’où ? : le niveau de pollution optimal L’humanité doit aujourd’hui faire à un risque global très grave, sous la forme du changement climatique. Il est abondamment clair qu’en émettant des gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone, nos activités économiques ont largement contribué à l’augmentation observée de la température moyenne sur Terre. En ce sens, l’approche économique du changement climatique part de l’analyse de la pollution en général. (…) Tous les processus de production polluent, à des degrés divers. Pour un état donné des techniques, nous ne pourrions donc supprimer toute pollution qu’en renonçant à produire, ce qui nous amènerait à la pauvreté absolue. En revanche, il arrive un point où, la pollution s’accumulant et devenant de plus en plus insupportable, il serait préférable de réduire la production. Il existe donc un niveau intermédiaire de pollution qui concilie au mieux la nécessité de produire et l’objectif de contrôle de la production : c’est ce que l’on appelle le « niveau de pollution optimal ». Je suis conscient de ce que cette formule peut avoir d’inacceptable pour les écologistes les plus purs, pour qui accoler le qualificatif « optimal » au mot pollution est scandaleux. Il est clair que ce niveau de pollution « optimal » dépend des préférences sociales et de l’état des techniques : si une société est particulièrement sensible à la pollution, ou si elle dispose de technique de pollution peu polluante alors ce niveau optimal y sera très bas. 1Coût d’opportunité : il correspond à l’alternative la plus favorable à laquelle un agent économique renonce lorsqu’il réalise un choix.

Bernard Salanié, L’économie sans tabou, Le Pommier, 2011

Document 4 – La difficile évaluation monétaire des dégâts environnementaux

Page 2: Approche économique de la pollution et taxation Document 1 ... · « prix » plus élevé à la protection de leur environnement que nous-mêmes (particulièrement les pays en développement)

Cf. Article de Schubert dans les Cahiers Français (en pièce jointe)

Document 5 – La question intergénérationnelle : l’actualisation Faut-il agir dès maintenant ? Cette question est au cœur des controverses actuelles. Pour certains, ce serait gaspiller inutilement des ressources productives que d’agir dès maintenant, car il ne coûtera pas si cher aux générations futures de s’adapter progressivement. (…) Supposons que nous puissions évaluer en termes monétaires l’effort que l’humanité devra consentir en 2100 pour s’adapter aux conséquences du changement climatique si ni nous, ni les générations suivantes n’entreprennent rien avant. Supposons que cet effort soit de 100 et supposons, à ce stade, que nous acceptions de traiter la génération de 2100 exactement comme nous-mêmes. Quel est le coût que nous devrions être prêts à supporter pour éviter ce dommage de 100 ? L’essentiel du raisonnement est le suivant. Tout d’abord, dans cent ans, ils seront plus riches que nous. Admettons qu’ils le soient cinq fois plus ; il est alors normal que nous n’acceptions un coût que s’il représente la même fraction de la richesse globale que celle qu’ils supporteront, soit 100 / 5 = 20. Ensuite, étant cinq fois plus riches, leurs besoins fondamentaux seront plus amplement satisfaits ; il est donc normal qu’ils accordent un « prix » plus élevé à la protection de leur environnement que nous-mêmes (particulièrement les pays en développement) sommes aujourd’hui prêts à le faire. Admettons que ce prix relatif soit deux fois plus élevé ; le coût maximal que nous devrions être prêts à supporter est donc réduit à 20 / 2 = 10. Il suffit d’évaluer le coût des mesures qui, prises aujourd’hui, permettraient d’éviter que les générations vivant en 2100 aient à supporter des dommages de 100. Si ce coût est inférieur à 10, et si, encore une fois, nous les traitons « comme nous-mêmes », alors il faut agir dès maintenant. Sinon, il vaut mieux leur transférer le fardeau, car il leur sera « moins coûteux » d’agir pour réparer qu’à nous d’agir pour prévenir.

Pierre-Noël Giraud, « La lutte contre le changement climatique » in Etudes, Tome 401, octobre 2004

Document 6 – La taxation (1) Une taxe environnementale sur les émissions vise précisément à introduire une incitation à réduire les atteintes à l’environnement en leur donnant un prix. L’idée en revient à Arthur Cecil Pigou, un économiste britannique qui en décrivit le principe dès 1920 : comme le marché ne donne aucune valeur aux biens environnementaux « gratuits » d’accès communs à tous, tels que l’air, l’eau ou le vent, il convient que le gouvernement taxe leur usage pour les protéger d’une surexploitation. Le niveau de prix retenu, autrement dit le taux de la taxe, correspond à la valeur que la société accorde à la protection de ces ressources. L’intérêt d’utiliser un système de taxe pour tarifier la nuisance environnementale est d’envoyer un signal prix clair aux entités économiques. Chaque pollueur compare en effet le coût de réduction de sa pollution au prix de la taxe. Le calcul économique le guidera à réduire la pollution jusqu’au point où son coût marginal de dépollution égalise le prix de la taxe. Tous les émetteurs agissant de la sorte, les coûts marginaux de dépollution égalisent le prix de la taxe et, à l’équilibre, on aura réduit la plus grande quantité de pollution possible compte tenu des ressources engagées.

Christian de Perthuis, Suzanne Shaw, « Normes, écotaxes, marchés de permis : quelle combinaison optimale ? » in Cahiers français n°355, mars-avril 2010

Document 7 – La taxation (2) Si une taxe est mise en œuvre, celle-ci incite chaque pollueur à diminuer ses rejets jusqu’au point où le coût marginal de réduction des rejets égale sa taxe à payer. En effet, il vaut mieux payer la taxe que dépolluer à un coût supérieur, et, inversement, il est préférable de dépolluer plutôt que de payer la taxe quand celle-ci est plus élevé que le coût marginal de dépollution. La répartition des efforts est alors efficace puisque le coût total de réduction de la pollution est minimisé grâce à l’égalisation des coûts marginaux avec la taxe. Les pollueurs dotés des coûts marginaux de dépollution les plus faibles sont ainsi incités à réduire leurs émissions plus fortement que les autres. En revanche, si une norme uniforme pour tous les pollueurs est adoptée, la répartition des efforts entre les sources de pollution est nécessairement inefficace si les coûts marginaux respectifs de dépollution des entreprises diffèrent. Les entreprises qui présentent les coûts marginaux de dépollution les plus élevés doivent procéder à une réduction de la pollution dont une partie aurait pu être assurée à moindre coût par les entreprises présentant des coûts marginaux de dépollution plus faibles. Pour atteindre un même objectif de pollution, une norme se révèle plus coûteuse qu’une taxe.

D’après P. Bontemps, G.Rotillon, L’Économie de l’environnement, La Découverte, coll. « Repères », 2007