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    Comment la crisetransforme lentreprise

    Recueil des contributions de dix chercheurs en sciences humaines et sociales publies

    dans le supplment Eco et entreprise du quotidien Le Monde

    Septembre-Novembre 2012

    En partenariat avec

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    Sommaire

    Eviter la catastrophe, retrouver une lgitimit 4

    Bernard Ramanantsoa

    Retour au rel : lconomie mondiale sans frontires nexiste pas 6

    Philippe dIribarne

    Le pige du milieu de gamme 8

    Emmanuel Combe

    Le mythe de la socit postindustrielle a fait long feu 10

    Thierry Weil

    Cooprer, dcentraliser, exprimenter : nous devons penser linnovation autrement 12Gilles Garel

    Du consommateur malin au consommateur contraint 14

    Dominique Desjeux

    La RSE simpose malgr la crise 16

    Jacques Igalens

    Rtablir la confiance et lengagement 18

    Franois Dupuy

    La crise, les entreprises et la communication 20

    Dominique Wolton

    Redfinir le pacte social entre dirigeants et salaris 22

    Jean-Marie Peretti

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    LAnvie est lorigine dune srie de dix chroniques parues dans lesupplment Eco et Entreprise du quotidien Le Monde, signes par des

    chercheurs en sciences humaines et sociales, sur les mutations delentreprise et les conditions de son adaptation dans un monde en crise.

    Vous retrouverez ici lensemble de ces chroniques parues entre septembreet novembre 2012.

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    VERS UN NOUVEAU LEADERSHIP

    Anvie-Le MondeComment la crise transforme lentreprise

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    Eviter la catastrophe,

    retrouver une lgitimit

    Bernard RamanantsoaBernard Ramanantsoa est dlgu gnral dHEC. Il a codirig

    Rinventer lentreprise. Repres pour une crise qui va dureravec Jean-

    Marc Leroux (Pearson, 2010) et Confiance et dfiance dans les

    organisations avec Roland Reitter (Economica, 2012).

    Les pays occidentaux traversent une crise

    majeure qui est en passe de devenir sociale

    et politique. Au-del de la redistribution

    des cartes que nous vivons dans les

    domaines conomiques et sociaux, il sagit

    mme probablement dune crise de la

    pense et du sens de laction. Serions-nous

    au bord dune catastrophe ?

    De plus en plus dinstitutions, et dabord

    les entreprises, sont assaillies par le court

    terme. La seule logique qui semble compter

    est celle de limmdiatet. Du coup, ces

    dernires souffrent dun processus dltre

    qui dtriore la confiance dont elles

    jouissaient, il y a encore peu de temps,

    parmi les consommateurs, les salaris et la

    socit en gnral. Leur lgitimit est

    remise en cause. Nous sommes au pied du

    mur. Aprs la famille, lcole, lglise, les

    entreprises semblent se dliter dans un

    magma informe o plus personne ne trouve

    de points de repre. Continuer dans cette

    voie permettra peut-tre certaines de

    passer le gu, mais elles en sortiront en

    lambeaux, moribondes.

    Ces 30 dernires annes de mondialisation

    galopante alimentes par les technologies

    de linformation ont t un vaste leurre

    collectif. Nous nous sommes laiss duper

    par beaucoup de discours qui se voulaient

    innovants, voire rvolutionnaires, et qui se

    sont rvls utopistes. On sest imagin

    quon pourrait spcialiser certains pays

    pour la production, dautres pour les

    services, dautres encore pour la finance et

    que tout le monde bnficierait de cette

    nouvelle spcialisation.

    Ctait oublier que la mondialisation na

    pas rendu les marchs plus efficients

    quauparavant. Comme lorsquil y a

    changement profond, on a pu assister

    lenrichissement fulgurant de certaines

    zones (les pays asiatiques notamment) et

    lappauvrissement abyssal dautres. La

    richesse mondiale a certes globalement cr,

    mais certains acteurs y ont perdu pendant

    que dautres progressaient. Difficile

    dexpliquer aux perdants que nous pouvons

    nous rjouir dun accroissement de la

    moyenne mondiale du pouvoir dachat !

    La dure de la crise remet en cause ces

    illusions. On sait quil faut, par exemple,

    rindustrialiser des pays comme la France,

    faute dtre forcs daccepter que notre

    spcialisation terme soit celle dun

    muse du monde . Pour russir ce dfi,

    les entreprises doivent retrouver le sens de

    la stratgie, de la vision long terme. Il ne

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    VERS UN NOUVEAU LEADERSHIP

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    sagit donc plus simplement pour elles de

    grer le changement, mais de se rinventer.

    Une vritable rvolution.

    Ces dernires annes ont donn beaucoupde poids aux actionnaires. On en connat les

    raisons lgitimes, mais de nouvelles rgles

    du jeu sont trouver pour sortir de cet

    objectif encore trop souvent unique quest

    la valeur court terme.

    Le dveloppement durable, qui se substitue

    aujourdhui la cration de valeur pour

    lactionnaire, exige que les entreprises

    tiennent compte de tous leurs partenaires.

    Elles ne pourront pas prosprer dans une

    socit en dcomposition sociale, avec uneforte baisse du pouvoir dachat et une

    confiance corne dans le systme

    conomique et financier, avec des

    ressources rares et une plante abme.

    Les socits doiventretrouver le sens de lastratgie, de la vision long

    terme. Il ne sagit donc plussimplement pour elles degrer le changement, maisde se rinventer. Unevritable rvolution

    La crise va imposer une refondation du

    dialogue social. Les entreprises pourront

    ainsi restaurer la confiance et redmarrer

    plus vite, plus fort et de faon plus durable,

    en mobilisant leurs quipes et en attirant

    les talents dont elles ont besoin. Enfin, pour

    tre pleinement responsables, elles devront

    aussi davantage travailler avec les

    territoires et les collectivits o elles sont

    implantes sur les sujets de socit. La

    gographie est plus que jamais importante

    dans les rflexions stratgiques.

    Ne nous leurrons pas, une telle approche

    ncessitera normment de courage. Les

    poncifs lnifiants de la gestion duchangement doivent tre dpasss. Il

    faudra accepter des larmes et esprons que

    nous viterons le sang. Il ne sera pas facile

    de grer simultanment laustrit et la

    relance. Tout le monde devra tre

    concern. Il nous faudra en particulier

    accepter de corriger le manque de

    leadership dont nos socits occidentales

    souffrent normment. Ce nouveau

    leadership devra se construire, au-del des

    comptences techniques, sur uneconscience socitale.

    On laura compris, il nous faut rapidement

    repenser nos modles, mais cest une

    occasion unique pour les entreprises. Il ne

    sagit pas seulement pour elles dviter la

    catastrophe court terme, mais de

    retrouver une indiscutable lgitimit.

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    CRISE ET EVOLUTION DES BUSINESS MODELS

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    Retour au rel : lconomie mondialesans frontiresnexiste pas

    Philippe dIribarnePhilippe dIribarne est directeur de recherche au CNRS. Son dernier

    ouvrage paru est Lenvers du moderne. Conversations avec Julien

    Charnay (CNRS, 2012).

    La crise conomique que nous traversons

    sonne un pnible retour au rel. Limage

    dune conomie mondiale que la houlette

    dun march sans frontires qui va porter

    un niveau sans prcdent defficience se

    dissipe comme la fin dun songe. Et, parmi

    les traits du monde dont on redcouvre la

    complexit, la diversit des peuples, deleurs cultures, de leurs manires de grer

    leurs Etats et leurs conomies, nest pas la

    moindre.

    Mme lintrieur de lUnion europenne,

    la crise rvle une profonde htrognit

    que, jusqualors, on avait tenu pour rvolue.

    Ainsi, on nen finit pas de dcouvrir

    combien les Grecs ont dautres rfrences,

    quand il sagit de grer un budget ou de

    tenir un engagement, que les Sudois ou les

    Finlandais et on sinterroge sur ce que leur

    ont lgu des sicles de frule ottomane.

    De plus on voit combien, quand il sagit de

    voler leur secours, les ractions des autres

    pays europens sont influences par la

    lecture, ancre dans leur culture, quils font

    de la situation de ceux qui appellent

    laide. Un sondage dopinion ralis dans un

    ensemble de pays europens en tmoigne.

    Ainsi, la question LEurope doit-elle

    aider financirement la Grce , 53 % des

    Franais ont rpondu positivement, contre

    24 % des Allemands et 22 % des

    Britanniques.

    Les scores trs proches des Allemands et

    des Britanniques voudraient-ils dire que

    ceux-ci voient les choses lidentique ?

    Nullement. Interrogs sur le fait de savoir si

    les rponses la crise conomique sont

    rechercher dabord au niveau national

    ou au niveau de lEurope , les Allemands

    sont les plus nombreux (52%) choisir

    lEurope alors que les Britanniques sont au

    contraire les moins nombreux (25%).

    Aux entreprises de se donnerles moyens de comprendre,

    dans leur diversit, lesattentes de ceux qui

    travaillent pour elles, ce quiles motive, ce quils

    attendent dun leader

    Cest que les conceptions de la socit

    divergent entre les pays concerns. Ct

    britannique, cest chacun, lchelle des

    Etats comme celle des individus,

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    MONDIALISATION ET MULTICULTURALISME

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    dassumer les consquences de ses actes,

    pour le meilleur et pour le pire.

    Si les Grecs sont en difficult, cest leur

    problme. Ct allemand, la communaut aun rle essentiel jouer mais elle doit

    veiller ce que chacun se conduise bien et

    ne doit pas encourager les comportements

    dviants. Si les Grecs ont mal agi, ils doivent

    tre punis. Ct franais, marchander son

    aide serait faire preuve dun attachement

    mesquin, donc bien peu honorable, ses

    intrts.

    Quand on sort de lEurope, les diffrences

    culturelles que la crise met en lumire sont

    encore plus radicales. Commentcomprendre la crise du march immobilier

    amricain, dont on sait le rle quelle a jou

    dans le dclenchement de ce que nous

    vivons, sans prendre en compte la

    fascination amricaine pour la libert

    absolue de contracter, labri de toute

    ingrence dun pouvoir surplombant,

    fascination que lon peut rapprocher de

    mille traits qui nous tonnent : le droit sacr

    tre arm ; la force des ractions face ce

    qui est peru comme une socialisation (enfait bien timide) de la sant ; la place des

    ngociations entre laccusation et la

    dfense dans la justice pnale. Ne parlons

    pas des Iraniens ou des Vietnamiens.

    Les dirigeants dentreprises, spcialement

    peut-tre des entreprises franaises, ont

    largement t sduits, tout comme les

    dirigeants politiques, par limage dun

    monde devenu homogne. Pour tre au

    diapason de celui-ci, ne fallait-il pas mettre

    en uvre un management indpendant des

    idiosyncrasies locales, en obtenant des

    managers, sur toute la surface de la

    plante, quils intgrent pleinement les

    recettes vues comme universelles de

    lefficacit ?

    Pour briser les rsistances, le fin du fin

    ntait-il pas de faire prcher ces recettes

    au sein duniversits dentreprise par des

    gourous venus dOutre-Atlantique ? Quand

    la crise met en lumire combien cette

    image reflte peu la ralit, les entreprises

    peuvent-elles encore faire limpasse sur la

    diversit du monde ?

    Il est vrai que celle-ci est une source de

    vraie complexit dont il serait biencommode de pouvoir faire lconomie; quil

    serait tentant de se dispenser de laffronter

    en simaginant que lon peut tout

    comprendre des Chinois ou des Brsiliens

    avec cinq chiffres et trois anecdotes. Mais,

    dans bien dautres domaines, la technique,

    les dsirs des consommateurs, le systme

    fiscal, le droit du travail, les entreprises se

    donnent les moyens de sadapter une

    complexit qui nest pas moins grande.

    Pourquoi nen feraient-elles pas autant

    quand il sagit de comprendre, dans leur

    diversit, les attentes de ceux qui travaillent

    pour elles, ce quils attendent dun leader,

    ce qui les motive, quelle est leur conception

    du devoir professionnel, quel est la

    meilleure manire de rgler les conflits o

    ils sont impliqus. Le jeu en vaut la

    chandelle.

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    CRISE ET EVOLUTION DES BUSINESS MODELS

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    Le pige du milieu de gamme

    Emmanuel CombeEmmanuel Combe est professeur lUniversit Paris-I et professeur affili

    ESCP-Europe. Il a rcemment publi Le low cost (La Dcouverte,

    2011).

    Les difficults conomiques poussent lesconsommateurs des arbitrages : baisse

    des dpenses de loisir, constitution dune

    pargne de prcaution, recours au march

    de loccasion et la revente, etc.

    Parmi ces nouveaux comportements, la

    polarisation des choix mrite que lon

    sy arrte, tant ses implications sur les

    stratgies dentreprise sont riches. Ce

    phnomne dsigne un consommateur qui

    achte la fois des produits low cost et

    haut de gamme de faon apparemmentantinomique. Une mme personne peut

    ainsi prendre un vol low costet frquenter

    le hard discount tout en soffrant le dernier

    smartphone ou des lunettes griffes.

    Cest bien souvent au prix dune moindre

    dpense sur les commodits que le

    consommateur parvient encore soffrir ces

    biens forte valeur ajoute. La crise

    acclre la tendance, en lincitant

    raisonner en permanence en termes de

    value for money, cest--dire comparer le

    prix de chaque bien avec la valeur ajoute

    espre.

    Si un produit tombe dans les

    commodits , le consommateur accepte

    une prestation minimaliste, en contrepartie

    dun prix faible. Tel est le sens profond du

    low cost dont la promesse, mme

    sommaire, est tenue : un prix bas en

    adquation avec le faible niveau de valeur

    ajoute demand. Dans le transport arien,

    lessentiel y est - scurit et ponctualit desvols -, tandis que le superflu est relgu en

    options payantes.

    A loppos, certains produits chappent,

    mme en priode de crise, la tyrannie de

    la fonctionnalit, du minimalisme et du prix

    bas, en entrant dans lunivers de

    lidentit , comme en tmoigne

    lengouement pour les smartphones ou les

    parfums de luxe. Le prix du produit - lev

    dans labsolu - nest pourtant pas considr

    comme injustifi ou excessif par leconsommateur, qui le met en relation avec

    la forte valeur ajoute attendue qui relve

    en partie du symbolique : statut, sentiment

    dappartenance un groupe, etc.

    Face des choix aussi radicaux de

    consommation, les entreprises positionnes

    sur le milieu de gamme, avec un prix jug

    trop lev par rapport la valeur ajoute

    attendue, nont dautre choix que de

    rorienter leur offre, sous peine de

    pricliter, la polarisation de la demande

    appelant celle de loffre. Reste savoir dans

    quelle direction les entreprises doivent

    voluer. Doivent-elles se lancer sur le

    terrain du low cost et du minimalisme ou

    miser au contraire sur la diffrenciation

    par le haut ?

    On affirme souvent que le salut passerait

    par la monte en gamme. Il est vrai que la

    diffrenciation par le haut permet

    dchapper la concurrence frontale et la

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    CRISE ET EVOLUTION DES BUSINESS MODELS

    Anvie-Le MondeComment la crise transforme lentreprise

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    tyrannie des prix bas. Le succs des voitures

    allemandes le dmontre amplement

    aujourdhui. Les marges confortables des

    constructeurs doutre-Rhin refltent unestratgie de monte en gamme, qui fait de

    la voiture un objet identitaire fort. De

    mme, dans la grande distribution, face

    lessor du hard discount, certaines

    enseignes ont ripost avec succs, en

    misant sur la qualit de service, la ractivit

    et la proximit, pour tre au plus prs des

    nouvelles attentes des consommateurs,

    notamment en milieu urbain : horaires

    douverture, livraison, etc.

    Pour autant, la diffrenciation par lehaut savre parfois dlicate valoriser

    aux yeux des consommateurs, en particulier

    dans les services, o la valeur ajoute relve

    largement de limmatriel et de la

    promesse. Par exemple, comment

    convaincre le client dune banque que les

    frais quil supporte ne sont en ralit pas

    plus levs que ceux dun concurrent low

    cost, pour peu quil tienne compte de la

    qualit et de la varit du service fourni ?

    En priode de crise, la capacit expliciter, justifier la valeur ajoute et tenir les

    promesses annonces devient essentielle.

    Plus encore, la diffrenciation par le

    haut nest pas toujours une option

    possible. Il ne suffit pas en effet de le

    vouloir, encore faut-il quil y ait une

    demande suffisante. La taille du march

    joue cet gard un rle dcisif. Si, comme

    dans larien, la majorit du march du

    court/moyen courrier - la situation est trs

    diffrente sur le long courrier- est amene

    basculer tt ou tard dans lunivers de la

    commodit , quoi bon offrir un produit

    haut de gamme puisque les clients ne sont

    plus disposs payer pour cela ?

    La diffrenciation par le hautsavre parfois dlicate

    valoriser

    Voil pourquoi les compagnies ariennes

    nont dautre choix aujourdhui que de se

    lancer dans laventure du low cost. Exercice

    au demeurant difficile quand on a na ni les

    gnes ni une histoire low cost, comme le

    montrent les tentatives, jusquici avortes,

    de transformation des compagnies

    ariennes classiques. On nat low cost, ou

    on le devient, mais pas sous la contrainte.

    A condition dtre le premier sur le

    march,afin de parvenir rapidement une

    taille critique et de bloquer ainsi lentre de

    futurs concurrents, il peut tre judicieux de

    se diffrencier par le bas plutt que par

    la monte en gamme. Lexemple de

    lautomobile est rvlateur. En misant trstt sur le low cost, la firme au losange sest

    impose sur ce segment de march et

    rcolte aujourdhui les fruits de son audace

    passe, captant les clients qui considrent

    la voiture comme une simple

    commodit .

    Dans lautomobile comme dans dautres

    secteurs, lessentiel en temps de crise est

    sans doute de ne pas se retrouver au milieu

    de la gamme.

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    INDUSTRIE ET COMPETITIVITE

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    Le mythe de la socit

    postindustrielle a fait long feu

    Thierry WeilThierry Weil est professeur MINES ParisTech et dlgu de La Fabrique

    de lindustrie. Il est lauteur de plusieurs contributions sur le site

    Wikiversit dont Introduction au management de linnovation.

    En trente ans, la France a perdu plus de

    deux millions demplois industriels.

    Pourtant, jusqu la crise actuelle, on sen

    inquitait peu. Certains prdisaient mme

    lavnement, dans les pays dvelopps,

    dune socit post-industrielle. La plupart

    des biens matriels seraient des

    commodits de faible valeur ; des pays au

    cot du travail faible nous les vendraient

    bas prix, en change du droit dutiliser nostechnologies pour les fabriquer, du savoir-

    faire de nos concepteurs et financiers, de

    quelques produits sophistiqus dont nous

    conserverions la production et du privilge

    de pouvoir dcouvrir notre culture et faire

    du shopping Paris.

    Cette vision est fausse.

    Il est certes normal que le poids apparent

    de lindustrie dans lconomie diminue.

    Dun part, la consommation dunepopulation qui senrichit contient plus de

    services, car les gains de productivit de

    lindustrie permettent dassurer ses besoins

    essentiels en travaillant moins et de

    consacrer plus de ressources aux loisirs, la

    sant ou lducation. Dautre part, les

    entreprises industrielles se spcialisent sur

    leur cur de mtier et externalisent

    certaines activits des socits de service.

    En revanche, un territoire ne peut

    durablement consommer plus quil ne

    produit. Or nos exportations de services

    sont loin de compenser notre

    consommation dnergie, de matires

    premires et de produits manufacturs.

    Aussi la France sendette, faute dexporter

    autant quelle importe. Sa balance

    commerciale, excdentaire en 2002, a

    toujours t dficitaire depuis. Ce nest pas

    une consquence inluctable de la

    mondialisation, puisque lEurope a

    globalement une balance commerciale

    quilibre avec le reste du monde. Elle

    exporte des systmes de haute technologie

    comme des Airbus (en partie franais), des

    biens dquipements (surtout allemands)

    dont les pays en croissance rapide ont

    besoin, des produits de luxe ou de terroir

    (souvent franais). Mais elle a surtout su

    conserver, plus que nous, une production

    importante dans des industries plus

    classiques, comme la mcanique,

    lautomobile ou la chimie.

    Jusqu ce que la crise rende les cranciers

    mfiants, nous avons pu vivre crdit. La

    Chine prte au reste du monde pour

    sassurer un accs durable aux matires

    premires et aux sources dnergie, et

    augmenter son poids politique en tant le

    premier crancier des pays occidentaux.

    LAllemagne prte ses voisins pour que

    leurs remboursements futurs financent ses

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    INDUSTRIE ET COMPETITIVITE

    Anvie-Le MondeComment la crise transforme lentreprise

    11

    retraites. Mais ces pays voudront un jour

    consommer le fruit de leurs efforts ou

    sassurer que leur crance sera honore. La

    crise nous a rappel quon ne peut vivreternellement au-dessus de ses moyens ! La

    France doit donc redvelopper son industrie

    pour rester prospre.

    Dautant que nos exportations de savoir-

    faire sont lies notre capacit

    industrielle, car linnovation, notamment

    technologique, dont dpend aussi notre

    offre de services, se fait mieux l o lon

    fabrique. Le Japon, les tigres asiatiques et

    aujourdhui la Chine, qui se sont dabord

    dvelopps grce des technologiesimportes, ont trs rapidement construit

    des capacits de recherche et de formation.

    Ils nauront pas besoin de nous pour

    innover et concevoir dexcellents produits.

    On peut vivre sans ptrole si lon a

    beaucoup dides, mais il est difficile de

    continuer avoir de bonnes ides si lon ne

    sait plus rien fabriquer.

    Notre dclin industriel vient du fait que

    nos produits ne se diffrencient pas assez

    de ceux proposs par les pays bas

    salaires. Pour assurer des marges

    suffisantes, il faut soit mal payer ses

    salaris, ce qui nest pas souhaitable, soit

    produire plus efficacement, soit obtenir un

    plus grand consentement payer du

    consommateur. Cest ce que font les

    Allemands, avec une organisation du travail

    performante et des produits rputs de

    meilleure qualit et accompagns dun

    meilleur service. Mais on peut aussi innover

    avec des produits dentre de gamme,

    comme IKEA, et dgager ainsi une forte

    marge.

    Pour investir dans la diffrenciation de leur

    offre ou lamlioration de leur productivit,

    les firmes franaises doivent trouver des

    comptences et des financements, sous

    forme de prts ou dinvestissements, ou

    dgager des marges suffisantes poursautofinancer.

    Il est difficile de continuer avoir de bonnes ides si lon

    ne sait plus rien fabriquer

    A cet gard, elles bnficieraient dun

    transfert significatif du financement de la

    protection sociale vers la fiscalit (revenus,

    consommation, patrimoine, atteintes

    lenvironnement) et de mesures facilitant

    lorientation de lpargne vers le

    financement des entreprises. Elles

    gagneraient aussi ce que les rgles du

    commerce international et la fiscalit

    favorisent des comportements sociaux et

    environnementaux vertueux, par une

    moindre taxation des biens et services

    produits de manire responsable, comme le

    bonus/malus cologique pour les vhicules.

    De mme, une meilleure flexibilit du

    march du travail leur permettrait de lancer

    des projets risqus sans craindre

    procdures incertaines et cots dissuasifs

    en cas dchec.

    La monte en gamme ou en varit repose

    enfin sur une main duvre plus qualifie.

    Un gigantesque effort est donc ncessaire

    pour la formation initiale et continue. Les

    formations professionnelles doivent tre

    attractives, dboucher sur des carrires

    ouvertes offrant de multiples opportunits

    de formation complmentaire etdvolution. Vaste chantier pour la France,

    seul pays en paix o leffort en faveur de

    lducation a diminu depuis dix ans,

    passant de 7,5% 6,5% du PIB.

  • 7/22/2019 Anvie-Le Monde - Comment la crise change l'entreprise.pdf

    12/24

    NOUVELLES FORMES DINNOVATION

    Anvie-Le MondeComment la crise transforme lentreprise

    12

    Cooprer, dcentraliser,exprimenter : nous devons penser

    linnovation autrement

    Gilles GarelGilles Garel est professeur au Conservatoire national des Arts et Mtiers

    et titulaire de la Chaire de gestion de linnovation. Il a publi en 2012

    chez Dunod La fabrique de linnovation avec Elmar Mock.

    La crise exige des formes dinnovation

    diffrentes dune approche, encore trs

    prgnante en France, faite de vision a priori,

    de grands groupes, de technologie, de

    brevets et de R&D.

    Historiquement, linnovation ne concernait

    que certains secteurs et certains produits,

    mais elle sest gnralise et intensifie

    sous leffet de nouvelles valeurs sociales, de

    changements de rgulations, de lentre en

    lice de nouveaux comptiteurs. Le rythme

    de renouvellement des offres sest accru, y

    compris sur les marchs matures o

    linnovation est la seule source de

    diffrenciation. Environ 30 000 nouveaux

    produits sont lancs chaque anne en

    Europe. Toutefois, la grande majorit

    dentre eux sont des simples rnovations,

    pas des innovations.

    La comptition, telle quelle reste largement

    conue aujourdhui, consiste rnover

    lidentit tablie des objets : plus rapides,

    moins chers, plus petits, plus srs

    Linnovation, au contraire, transforme

    lidentit des biens et des services, cest--

    dire leurs caractristiques communment

    admises. Les identits se rvisent, parfois

    totalement. Un vhicule lectrique innovant

    nest pas une automobile lectrifie ,

    mais relve, pour un acteur qui nest

    dailleurs plus forcment un constructeur

    automobile, de la conception de nouvelles

    formes de mobilit, dintermodalit et de

    services.

    Dans ces conditions, linnovation dstabilise

    et interroge de nombreuses organisations,

    trop habitues rnover. Innovez ! Il

    faut innover ! Les incantations des

    entreprises et des politiques masquent

    gnralement la ralit de lactivit de

    linnovation. Au del du constat rcurrent

    de lchec du systme dinnovation en

    France, il existe des leviers daction

    optimistes.

    Dabord, linnovation mobilise la fois

    concepts et connaissances. Le Cirque du

    soleil, qui a rvolutionn le cirque, emploieautant dingnieurs que dartistes. La

    montre Swatch, qui a sauv lindustrie

    horlogre suisse au dbut des annes 1980,

    a eu besoin, pour tre conue, dingnieurs

    cratifs et de designers ingnieriques . La

    rconciliation des cratifs et des savants

    implique ex ante de valoriser

    lenseignement technique et celui du design

    afin de prparer une activit intgre de

    conception.

  • 7/22/2019 Anvie-Le Monde - Comment la crise change l'entreprise.pdf

    13/24

    NOUVELLES FORMES DINNOVATION

    Anvie-Le MondeComment la crise transforme lentreprise

    13

    Par ailleurs, linnovation ne se ralise plus

    en solo ou autour dun entrepreneur, mais

    dans de larges systmes collaboratifs, entre

    entreprises concurrentes, avec sesfournisseurs, avec ses clients, entre

    associations, entreprises et territoires. On

    innove aussi hors systmes , dans la

    rencontre drudits et de praticiens, de

    potes et de hackers, de philosophes et de

    designers, de visionnaires et de bricoleurs.

    Linnovation dstabilise etinterroge de nombreusesorganisations, trop habitues

    rnoverSi la gouvernance de linnovation implique

    une coordination incitative de collectifs de

    concepteurs larges, ouverts et improbables,

    elle nest plus centralise, mais distribue.

    Le pouvoir de dcision relatif linnovation

    ne peut plus tre dvolu aux seuls

    actionnaires ou des dirigeants

    supposment clairs. Ce qui renvoie un

    dbat incontournable sur la refondation de

    lentreprise.

    Les stratgies dinnovation gagnantes se

    construisent aussi en plusieurs coups, sur

    la dure. Thomas Edison, James Dyson ou

    Steve Jobs sont des innovateurs en srie

    dans leur capacit articuler

    dveloppement de nouvelles connaissances

    et dveloppement rcurrent doffres

    innovantes. Une mme prestation

    innovante peut se dployer sur plusieurs

    gnrations de produits. Ces stratgies dites

    en ligne sont prudentes etconomiques, car elles rutilisent des

    ressources et des composants dune

    innovation lautre.

    Enfin, laction doit tre privilgie quand

    on innove. Face aux promesses

    dstabilisantes de linnovation, les

    managers dcideurs ne doivent pas trop

    cogiter avant dapporter leur soutien. Il

    ne sert rien de se rfugier derrire une

    analyse de risques ou de perdre du temps

    interroger des clients sur des objets quinexistent pas. Quand on ne sait pas bien o

    lon va, on essaye, on apprend, on ajuste.

    Tous les moyens dapprentissage sont

    pertinents : lexprimentation, lacquisition,

    la formation, la recherche, le partage

    Historiquement, les crises ont permis

    lmergence dinnovations parce quelles

    ont simultanment impos des contraintes

    nouvelles et libr des nouveaux espaces de

    conception. Dans la crise actuelle, se

    fabriquent les innovations de demain.

    Autorits publiques, managers et citoyens

    doivent contribuer lactivit dinnovation

    sans a priori. Il ny a pas dinnovations

    mineures ! Il y a celles qui touchent leur

    public et celles qui chouent trouver un

    sens.

  • 7/22/2019 Anvie-Le Monde - Comment la crise change l'entreprise.pdf

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    COMPORTEMENTS DE CONSOMMATION

    Anvie-Le MondeComment la crise transforme lentreprise

    14

    Du consommateur malin

    au consommateur contraint

    Dominique DesjeuxDominique Desjeux et professeur danthropologie sociale et culturelle

    lUniversit Paris-V. Il publiera prochainement, avec Fabrice Clochard,

    Le consommateur malin, face la crise, entre cadrage et marge de

    manuvre(LHarmattan).

    Le glanage la fin des marchs de rue en

    ville, la course aux coupons de rduction

    dans les supermarchs ou la revente des

    cadeaux de Nol par internet, etc., avec la

    crise, pour une partie des professionnels du

    marketing, le consommateur dvelopperait

    de nouvelles pratiques de consommation

    et serait devenu malin, se transformant enun consomacteur, voire un rsistant la

    consommation.

    La croissance des classes moyennes

    favorises des BRICs depuis 2000,

    fortement asiatique, notamment chinoise,

    pour prs 20%, a entran une

    augmentation de la demande et donc des

    prix des matires premires minrales,

    nergtiques et alimentaires. La pousse

    inflationniste mondiale explique pour une

    part le chass-crois entre la consommationen pleine ascension des BRICs et, linverse,

    la descente sociale, le dclassement, des

    classes les moins favorises des pays

    occidentaux dont la consommation est

    menace par la croissance des dpenses

    contraintes, phnomne qui bouleverse

    tous les marchs occidentaux.

    Daprs lINSEE entre 2001 et 2006, les

    dpenses incompressibles des Franais, ont

    fortement augment. Pour les 20 % des

    mnages aux revenus les plus bas, elles sont

    passes de 50% 70%. Leurs dpenses de

    logement atteignent 44%, contre 31% cinq

    ans plus tt. La prcarit nergtique

    lie aux factures de chauffage est en

    augmentation avec la monte des cours du

    gaz ou de llectricit. En province, la

    mobilit en voiture est touche par lescours du ptrole. La monte de ces

    dpenses contraintes fait baisser de fait le

    pouvoir dachat des dpenses non

    contraintes, le plus gros du march de la

    grande consommation.

    Dun point de vue macro-social, les

    consommateurs sous contraintes de

    pouvoir dachat sont donc en forte

    augmentation, les plus dmunis coupant

    dans leurs dpenses de sant ou

    dalimentation. On retrouve le march de la pauvret des annes 1990. Il

    concernerait aujourdhui prs de 50% des

    Franais et renvoie trois grandes pratiques

    de consommation conome comme

    observes par des enqutes ralises

    lchelle microsociale des familles.

    Le calculateur, dmuni ou non, compare et

    organise ses achats. Lexplorateur butine,

    fait appel son rseau pr-numrique ,

    les rseaux humains familiaux ou amicaux,

  • 7/22/2019 Anvie-Le Monde - Comment la crise change l'entreprise.pdf

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    COMPORTEMENTS DE CONSOMMATION

    Anvie-Le MondeComment la crise transforme lentreprise

    15

    et numriques. Enfin, celui qui se restreint

    cherche acheter moins cher, consommer

    moins, faire par lui-mme, rcuprer des

    produits gratuits. Il achte les denresalimentaires, un peu avant la fermeture du

    march, au moment o les prix sont brads.

    Sil na pas dargent, il glane les invendus ou

    fait les poubelles. Il peut aussi faire du troc

    sur la base dchanges lis des pratiques

    de bricolage ou de lavage. En supermarch,

    il cherche les produits en promotion, utilise

    les coupons de faon systmatique. Il

    attend les soldes. Il vend et achte des

    produits doccasion dans les vides-greniers

    ou sur internet qui surfe sur ce courant

    avec des sites de plus en plus nombreux,

    comme leboncoin.fr. Il rcupre les

    encombrants dans la rue. Il fait des

    conomies dnergie, pratique le

    covoiturage.

    Daprs lInsee, les dpensesincompressibles des Franaisont fortement augmententre 2001 et 2006. Elles sont

    passes de 50% 70% pourles 20% des mnages auxrevenus les plus bas

    Certes, la crise, qui affecte singulirement

    le pouvoir dachat des classes moyennes

    occidentales, donne de lampleur des

    comportements ou des formes de

    consommation inattendues. Mais toutes

    ces pratiques sont-elles si nouvelles ?

    Cette vision peut laisser sous-entendrequavant la crise la plupart des

    consommateurs taient stupides et passifs.

    Or, anthropologiquement parlant, ils ont

    toujours t des acteurs stratges, en

    fonction de leur groupe dappartenance,

    plus ou moins sous contrainte de pouvoir

    dachat, de normes culturelles et sociales,

    despace dans le logement ou de temps

    disponible tout au long de la journe,notamment les consommatrices des

    familles les plus dmunies. Dautre part,

    depuis lavnement de la socit de grande

    consommation dans les annes 1960 en

    Europe de lOuest, il y a toujours eu des

    rsistants la consommation, en particulier,

    aux tentatives de cadrage par la publicit.

    Enfin, les comportements actuels des

    consommateurs montrent aussi une

    rsistance plus forte aux tentatives de

    persuasion du marketing dont le modleindividualiste, libertaire et hdoniste a

    peut-tre atteint ses limites. Le

    dveloppement durable demande de sortir

    du principe de lobsolescence programme

    des produits et de lart du gaspillage ,

    sous peine de risque de guerres li la

    comptition pour laccs aux ressources

    naturelles. Au final, ce nest pas tant le

    consommateur qui change que le systme

    socital de consommation dont la

    recomposition est acclre par la crise dupouvoir dachat.

    Mais au moment o il faut aller vers une

    consommation plus raisonne, les

    marqueteurs issus des groupes favoriss et

    des grandes coles restent peu forms

    ces nouvelles approches socitales. Leur

    imaginaire et leurs reprsentations

    publicitaires se heurtent aux contraintes et

    aux pratiques du jeu social, comme au

    moment de lmergence de la

    consommation en 1960, mais en sens

    inverse. Le marketing doit se demander

    comment innover face un consommateur

    plus conome.

  • 7/22/2019 Anvie-Le Monde - Comment la crise change l'entreprise.pdf

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    RESPONSABILITE SOCIALE DENTREPRISE

    Anvie-Le MondeComment la crise transforme lentreprise

    16

    La RSE simpose

    malgr la crise

    Jacques IgalensJacques Igalens est professeur et directeur de la recherche Toulouse

    Business School. Il a dirig la publication de La responsabilit sociale

    des entreprises, dfis, risques et nouvelles pratiques (Eyrolles, 2012).

    Aprs la parution en 2001 du Livre vert de

    la Commission europenne de nombreuses

    entreprises ont pris des initiatives sociales

    et environnementales qui allaient au-del

    de leurs obligations rglementaires.

    Beaucoup se sont lances dans la RSE parce

    quelle rpondait aux attentes montantes

    des parties prenantes, mais aussi parce

    quelle correspondait lair du temps et que

    son adoption tait un moyen de faire bonne

    impression. Des critiques se sont leves

    lpoque, pointant leffet paillettes et le

    mauvais emploi des efforts comme des

    sommes consacres. Elles arguaient aussi

    que les directions devaient rester

    concentres sur les ralits financires et

    ne pariaient pas sur la longvit de la RSE.

    Pour beaucoup dobservateurs, le vrai test

    de la durabilit de la RSE devait tre la

    crise. Comme ce fut souvent le cas dans le

    pass, avec elle, les entreprises devaient

    retourner la dure ralit conomique

    ( back to basics ). Aujourdhui nous

    connaissons une crise conomique majeure

    qui succde la crise boursire de 2008 et

    de lendettement des Etats. Or non

    seulement la RSE est toujours l, mais elle

    sest renforce. Cette longvit rvle une

    transformation profonde : on est pass

    dune RSE cosmtique une RSE

    stratgique acclre par les turbulences

    socio-conomiques !

    La RSE est un moyen pour lesentreprises de renforcer ses

    profits court, moyen etlong terme

    Avec la crise, la pression des parties

    prenantes pour la RSE ne sest pas

    relche, bien au contraire. Si lon songe

    aux actionnaires, la demande pour

    lInvestissement Socialement Responsable

    (ISR) sest notablement accrue. Selon

    Novethic, le march franais de lISR est

    pass de 30 milliards deuros en 2008 115en 2011. Plus important encore, les critres

    RSE des financiers, appels ESG

    (environnement, social et gouvernance),

    sont de plus en plus utiliss pour tous les

    investissements, et pas simplement lISR. En

    intgrant dans chaque investissement des

    critres ESG, les bailleurs de fonds, qui ont

    une aversion traditionnelle vis--vis du

    risque, diminueraient leur exposition au

    risque social et environnemental.

  • 7/22/2019 Anvie-Le Monde - Comment la crise change l'entreprise.pdf

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    RESPONSABILITE SOCIALE DENTREPRISE

    Anvie-Le MondeComment la crise transforme lentreprise

    17

    Avec la crise, le client, partie prenante

    traditionnellement choye par les

    entreprises, est, certes, devenu trs attentif

    au prix, mais il ne veut pas arbitrer : il veut

    le prix ET la RSE. Dans un sondage ralis

    par Landor Associates, 77% des

    consommateurs dclarent quil est

    important pour les entreprises dtre

    socialement responsables. Ne parlons pas

    des salaris encore plus unanimes que les

    clients pour que leurs entreprises soient de

    plus en plus socialement responsables.

    Toutes les recherches montrent quils se

    sentent fiers de travailler pour un

    employeur socialement responsable et

    quils apprcient particulirement de

    participer des initiatives sur le sujet. Les

    universits et grandes coles peuvent

    galement tmoigner de limportance

    accrue accorde par les tudiants, depuis

    quatre ou cinq ans, la rputation RSE des

    entreprises dans leur recherche de stage ou

    demploi.

    Fortes des attentes des parties prenantes

    et ayant saisi tout lintrt conomique de

    la RSE, les entreprises osent

    aujourdhui voquer le business case

    de la RSE et cherchent en valuer le cot,

    lefficacit et mme la rentabilit. Ce que

    la prsidente du Medef exprime de faon

    trs directe : La RSE est un moyen pour

    lentreprise de renforcer ses profits court,

    moyen et long terme . Elles lancent des

    programmes RSE avec des objectifs prcis et

    mesurables. Ils sont de plus en plus intgrs

    dans les directions oprationnelles et les

    services supports (informatique, logistique,

    approvisionnement, etc.).

    Chez Danone, par exemple, la stratgie qui

    consiste participer au dveloppement des

    pays les plus pauvres en dveloppant des

    produits et un environnement daffaires

    adapt (stratgie qualifie par les anglo-

    saxons de BOP , base de la pyramide) est

    faite par la division des produits laitiers elle-

    mme. De mme, les actions RSE des

    fournisseurs les plus importants sont gres

    directement par les acheteurs, celles

    relevant de la diversit naturellement par laDRH, etc. Paradoxalement, cest en

    devenant moins visible au niveau des

    organigrammes que la RSE sest renforce.

    Certes, ce sont les grandes firmes qui font le

    plus parler delles sur le sujet, car elles

    disposent de meilleurs moyens de

    communiquer. Mais, sous limpulsion de

    leurs dirigeants, un nombre croissant de

    PME sengagent dans la recherche de la

    performance par la mise en uvre de

    programmes de RSE. Le Centre des jeunes

    dirigeants, qui entend promouvoir une

    conomie au service de lhomme et de la

    vie , a donn lexemple depuis longtemps,

    mais de plus en plus de clubs de dirigeants

    durables se crent galement dans les

    rgions, leur nombre et leurs initiatives

    nont pas non plus flchi avec la crise.

    La RSE est dsormais passe dans les

    murs. Il ne sagissait pas dun effet de

    mode mais bien dune lame de fond.

  • 7/22/2019 Anvie-Le Monde - Comment la crise change l'entreprise.pdf

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    NOUVEAUX MODELES MANAGERIAUX

    Anvie-Le MondeComment la crise transforme lentreprise

    18

    Rtablir la confianceet

    lengagement

    Franois DupuyFranois Dupuy est sociologue et directeur acadmique du CEDEP. Il est

    lauteur de Lost in managementDe la vie quotidienne des entreprises

    au XXIme sicle (Seuil, 2011).

    Plus que jamais les entreprises ont besoin

    de lengagement de leurs salaris. La

    concurrence exacerbe que la crise les

    crises ? ne fait que renforcer, exige que

    chacun apporte dans son travail bien plus

    que ce qui est crit dans les contrats. Ce

    nest pas seulement un travail qui est

    attendu, cest une participation active etdtermine laction collective, la vie de

    lentreprise, leffort permanent

    ncessaire.

    Or cest linverse qui se produit ! Jamais les

    tudes et les constats des DRH nont

    autant mis en vidence les phnomnes de

    retrait du travail, qui touchent toutes les

    catgories de salaris, cadres en tte, suivis

    de prs par les nouveaux entrants .

    Pour comprendre ce paradoxe, il faut partir

    dun constat banal: lengagement dans le

    travail est un choix qui, du point de vue

    du salari, est en concurrence avec bien

    dautres engagements possibles : la famille,

    les loisirs, les communauts chaudes ,

    celles qui permettent de se retrouver entre

    soi, sans pression, dans un cadre convivial

    et sont dautant plus attractives que le

    travail est devenu rpulsif.

    Car en fait qu'offre lentreprise ses

    salaris, qui en fasse une alternative

    crdible lengagement extrieur ? Peu de

    choses vrai dire. Le mode managrial

    dominant est celui de la coercition . Le

    mot fait dautant plus peur quil dcrit une

    ralit quotidienne des salaris bien

    diffrente du discours dominant quiprtend mettre lhumain au centre de

    tout . Les salaris sont tous les jours

    davantage contraints par des outils de

    gestion qui cherchent mettre ce quils

    font, la faon dont ils le font et les rsultats

    quils obtiennent sous un contrle toujours

    plus serr, tatillon et pourtant inefficace.

    Chacun de ces outils porte un nom

    vocateur : ce sont les process , qui

    visent dfinir avec toujours plus de

    prcision comment le salari doit faire ce

    quil a faire, lui apportant ainsi une

    marque tangible de dfiance dans sa propre

    capacit dcider de ses pratiques ; ils

    sappellent les systmes de reporting ,

    toujours plus nombreux, devenus une fin

    en soi et bien plus destins couvrir

    ceux qui les crent qu donner une vision

    exacte et utile de la ralit de lentreprise ;

  • 7/22/2019 Anvie-Le Monde - Comment la crise change l'entreprise.pdf

    19/24

    NOUVEAUX MODELES MANAGERIAUX

    Anvie-Le MondeComment la crise transforme lentreprise

    19

    ils se nomment enfin les indicateurs de

    performance (KPIs dans la novlangue

    managriale), qui cherchent enserrer

    lactivit du salari dans toujours plus de

    mesures.

    Le propos nest pas de dire que rien ne doit

    tre dfini ni mesur. Il est dattirer

    lattention sur le fait que la machine sest

    emballe et que plus personne ne sait o

    on en est dans lutilisation de ces outils.

    Ce que lon sait en revanche, cest dabord

    leur inefficacit, tant ils sont

    contradictoires, redondants ou

    inapplicables.

    Selon le vieux principe de la grve du zle, il

    suffit quun salari dcide de tous les

    appliquer et lensemble se grippe. Leffet

    produit est linverse de celui recherch : ce

    nest plus lentreprise qui contrle le salari,

    mais bien le salari qui contrle lentreprise.

    Rien ne fonctionne comme cest crit, mais

    plutt comme la bonne volont dusalari le fait fonctionner. Si engagement il y

    a, il est dans cette bonne volont qui pallie

    au quotidien les drives managriales.

    Ce que lon sait aussi, cest que ce

    management est dcourageant, frustrant

    et peu mobilisateur. Il envoie jour aprs

    jour des signaux de dfiance, prive le salari

    de la moindre initiative (donc de la moindre

    capacit dinnovation) selon une logiqueque Taylor avait souhait faire triompher.

    Dans ce contexte, demander au salari de

    sengager , de donner de lui-mme,

    c'est faire un vu pieux qui a peu de

    chances de se raliser aussi longtemps que

    le management restera crisp et

    bureaucratique comme il lest aujourdhui.

    Quelques entreprises en prennent

    conscience, qui tentent de rintroduire de

    la confiance et de la simplicit dans les

    relations de travail.

    La machine sest emballe,plus personne ne sait o lonen est dans lutilisation desoutils de reporting

    Mais confiance et simplicit sont difficiles

    mettre en uvre. La France notamment

    reste une socit de dfiance, on le sait

    depuis longtemps : le passage de rgles

    formelles, crites, codifies des rgles

    du jeu , dcides par les acteurs eux-mmes et dfinissant ce qui est acceptable

    et ce qui ne lest pas quand ils travaillent

    ensemble, prend lallure dune rvolution.

    Cependant, cest une premire condition du

    regain d'engagement des salaris.

    En revenir la simplicit nest pas plus ais.

    Et pourtant : comment penser quil serait

    possible dans une socit complexe, o les

    parties prenantes sont de plus en plus

    nombreuses, de tout rgir par les

    procdures ? Cela ne cre que confusion et

    frustration. Ces procdures sont mises par

    des acteurs qui ne se parlent pas et nont

    aucune vision globale de leffet produit :

    chacun se dsespre du poids des outils de

    management, mais tous participent leur

    production ! Le travail de remise plat nen

    est que plus compliqu, mais il est une des

    cls de la restauration de la confiance.

    Confiance et simplicit sont donc les deux

    faces dune mme nouvelle faon de

    manager les hommes sur le lieu de

    travail. Il ne sert rien de prcher pour

    lengagement des salaris si lon na pas

    dabord cr le contexte qui le rend non

    seulement possible mais attractif. Lchec

    du management contemporain devrait

    faciliter cette prise de conscience.

  • 7/22/2019 Anvie-Le Monde - Comment la crise change l'entreprise.pdf

    20/24

    MUTATIONS DE LA COMMUNICATION INTERNE

    Anvie-Le MondeComment la crise transforme lentreprise

    20

    Pourquoi la communication

    des entreprises est devenue inaudible

    Dominique WoltonDominique Wolton est directeur de lInstitut des Sciences de la

    Communication du CNRS. Son dernier ouvrage paru sintitule

    Indisciplin. 35 ans de recherches (Odile Jacob, 2012).

    La crise va acclrer la fin du modle

    dsuet de la communication-gadget, o les

    contenus sont faibles, destination de

    rcepteurs supposs plutt ignorants,

    crdules, voire manipulables. Nous allons

    assister un changement de sens et

    lapparition dune troisime dimension. A

    ct de la communication-partage lidal

    recherch par tous , de la ralit

    dominante de la communication-

    transmission o la hirarchie

    communique de haut en bas , se

    dveloppera la communication-ngociation,

    o lmetteur doit toujours tenir compte de

    lintelligence des rcepteurs et accepter un

    retour critique.

    Plusieurs phnomnes expliquent cette

    mutation de la communication interne delentreprise.

    La crise rend les salaris sceptiques. Le

    chmage, les restructurations dentreprises,

    les dmantlements, les dlocalisations, la

    vitesse de la spculation et ses dgts, la

    valse des marques font que les salaris sont

    dubitatifs. La ralit simpose, rendant

    caduques les formules aseptises et les

    directions sont plus ou moins dsacralises.

    Tout est trop instable, incertain, et va trop

    vite, dans un environnement le plus souvent

    hostile. Cinquante ans de publicit et de

    communication gnralise par les mdias

    et Internet ont rendu par ailleurs tout le

    monde plus critique et ironique.

    Les salaris, quel que soit leur niveau

    hirarchique, sont galement beaucoupplus informs. A lextrieur, avec la

    multitude de sources dinformations et

    dinteractions, ils savent tout sur la ralit

    conomique, financire et commerciale et

    noublient rien en franchissant les murs de

    lentreprise, ce qui reprsente une rupture

    radicale. Le rapport intrieur/extrieur a

    chang, et cest souvent la culture de

    lextrieur qui simpose. Pourtant, le travail

    et lentreprise ont besoin dun espace-temps qui leur soit propre. Lomniprsence

    de linformation sur tous les supports, les

    rvlations, accompagnes de rumeurs le

    plus souvent alarmistes laissent une marge

    de manuvre trs faible aux dirigeants

    lgard desquels ladmiration ou le respect

    sont dailleurs facilement compts. Cette

    crise de confiance larve est grave, dautant

    que ces dirigeants sont eux-mmes soumis

  • 7/22/2019 Anvie-Le Monde - Comment la crise change l'entreprise.pdf

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    MUTATIONS DE LA COMMUNICATION INTERNE

    Anvie-Le MondeComment la crise transforme lentreprise

    21

    des jeux de pouvoir. Ceci explique la

    tendance renforcer le secret,

    parfaitement contradictoire avec lidologie

    de la transparence et de la participation qui

    domine par ailleurs dans le discours sur le

    management moderne .

    La gnralisation des sites, blogs, tweets,

    et toutes les formes contemporaines de

    communication, ne facilitent pas la

    communication interne, contrairement aux

    apparences. Ces changes en rseau et

    lexpression facilite par ces technologies

    ne sont pas toujours compatibles avec lesjeux de pouvoir, conomiques, financiers,

    techniques ou commerciaux. Lentreprise

    ne peut pas tre un espace galitaire, et de

    lespionnage la traabilit, tout se termine

    souvent devant les tribunaux.

    De plus, lexpression gnralise ne cre

    pas lgalit et na rien voir avec laction.

    Il sagit de trois problmes bien diffrents.

    En outre, lomniprsence des interactions

    techniques rend encore plus ncessaire la

    valorisation de la communication humaine.

    Les hommes sont moins performants que

    les techniques, mais tellement plus

    sophistiqus dans leurs changes. Cest

    pourquoi aprs la rvolution de

    linformation au 20e sicle, le dfi du 21e

    sicle sera selon moi de penser la

    communication comme condition de

    confiance dans les rapports sociaux au seindun univers incertain, travers de toutes

    les informations.

    Face ces ruptures, il existe une marge de

    manuvre. Raliser que tous les salaris

    sont critiques, sceptiques et surinforms.

    Rduire alors le plus possible la langue de

    bois. Glisser du ct de la vrit. Essayer la

    confiance. Valoriser les directions de la

    communication. Utiliser lintelligence

    cratrice de tous, qui dailleurs ne demande

    qu se manifester. Changer ces journaux

    dentreprise souvent peu crdibles.

    Partager des informations. Lgitimer les

    syndicats. Remettre leur place les

    directions financires. Ecouter dautres

    logiques et propositions. Apprendre

    ngocier, cest--dire communiquer

    autrement. Faire confiance aux uns et aux

    autres pour aller vers un modle de

    communication moins vertical, plus

    horizontal et authentiquement interactif.

    Mais attention. Pas de confusion des rleset des genres. Mobiliser mieux

    lintelligence de tous ne signifie pas

    instaurer lgalit. Lentreprise, lcole,

    lhpital ou larme ne sont pas des

    phalanstres. Chacun doit rester sa place,

    mme si les rapports peuvent tre plus

    respectueux. Avec trois logiques faire

    cohabiter : la hirarchie, lgalit et la

    ngociation. En ralit, il faut arriver faire

    cohabiter hirarchie et ngociation, ce qui

    est la singularit de la culture

    dmocratique.

    Lomniprsence de linformation oblige

    valoriser la communication, comme

    ngociateur entre des points de vue

    contradictoires. Maintenir lhtrognit

    dans lentreprise, comme dans la socit,

    est indispensable pour viter le risque

    danomie. Cest le triomphe mme delinformation qui cre ce changement de

    modle de la communication dans

    lentreprise et ailleurs. Cela ne suffit pas

    changer la ralit, mais permet de mieux

    reconnatre lapport des uns et des autres,

    la complexit de la ralit et de la

    cohabitation de niveaux dexpriences.

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    ENGAGEMENT ET CONFIANCE

    Anvie-Le MondeComment la crise transforme lentreprise

    22

    Redfinir le pactesocial

    entre dirigeants et salaris

    Jean-Marie PerettiJean-Marie Peretti est professeur et chercheur en ressources humaines

    lEssec Business School et lIAE de Corse. Ses deux derniers ouvrages

    sont Tous DRH (Eyrolles, 2012) et Tous leaders (Eyrolles, 2011).

    La crise que nous traversons suscite

    inquitude et inscurit parmi les salaris et

    aggrave encore la perte de confiance dans

    lentreprise qui sest manifeste, partir

    des annes 2000 et larrive des nouvelles

    gnrations sur le march du travail, par

    une remise en cause du contrat implicite

    dengagement les liant leur employeur.

    Or, pour redmarrer, les entreprises ont

    besoin de sappuyer sur lengagement total

    de leurs salaris et non sur des troupes qui

    avancent reculons. Cest pourquoi, elles

    doivent leur proposer un nouveau pacte

    social motivant qui les mettent vraiment au

    cur de lorganisation, et non pas produire,

    une nouvelle fois, un catalogue de vux

    pieux en guise de politiques.

    Ce nouveau pacte social est labor au sein

    de lentreprise, en ligne avec ses

    orientations stratgiques et les aspirations,

    traditionnelles et mergentes, des salaris

    dans leur diversit, et, au-del, des parties

    prenantes. Il sagit dentrer enfin dans un

    cercle vertueux associant performance

    sociale, socitale, environnementale et

    performance conomique.

    Ce pacte social concrtise une relation de

    travail fonde sur un quilibre des droits et

    des devoirs rciproques entre lorganisation

    et ses salaris. Une rciprocit essentielle :

    lentreprise sengage et attend de ses

    salaris une adhsion aux principes de

    fonctionnement et ses valeurs. Pour tre

    crdible, le pacte formalise des ambitions et

    des valeurs, les traduit en engagements

    prcis, concrets, chiffrs, avec un calendrier

    de mise en uvre.

    Quels sont les grands engagements

    graver dans ce nouveau pacte social ?

    Ils sont dj, peu ou prou, en musique, mais

    rarement de faon orchestrs et dans la

    dure. Le premier consiste attirer,

    identifier, dvelopper et fidliser les

    talents, tous les talents. Les entreprises ont

    souvent t trop litistes dans leur

    slection , gaspillant leurs forces vives

    internes et restreignant ainsi leur potentiel

    de performance. A elles dtre

    motivantes , en sachant dtecter et faire

    grandir leurs talents ignors, en donnant

    tous lenvie comme les moyens de

    progresser et en leur offrant des

    perspectives durables.

  • 7/22/2019 Anvie-Le Monde - Comment la crise change l'entreprise.pdf

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    ENGAGEMENT ET CONFIANCE

    Anvie-Le MondeComment la crise transforme lentreprise

    23

    Le nouveau pacte social intgre galement

    bien-tre et efficacit au travail,

    troitement lis. Les entreprises

    diagnostiquent les diffrentes dimensions

    du bien-tre, forment et informent tous les

    acteurs, managers, reprsentants du

    personnel, salaris, etc. et mettent en place

    des actions rgulirement values par des

    baromtres sociaux. Le pacte social stipule

    en particulier que limpact humain des

    changements, trop souvent synonymes de

    stress et de risques psychosociaux, est

    vraiment pris en compte. Il prcise les

    rgles de conduite dun changement

    respectueux des hommes et le rle de

    chaque contributeur.

    Le nouveau pacte social favorise enfin les

    engagements citoyens, collectifs et

    individuels, veillant ce que lentreprise

    assume toutes ses responsabilits sociales,

    socitales et environnementales par ses

    actions et ses comportements. Il fait du

    dialogue social un levier de progrs et

    dinnovation sociale et largit dans une

    logique gagnant-gagnant les thmes de

    ngociation.

    Pour replacer lhomme au cur de

    lentreprise, travers engagements et mise

    en uvre, cest lensemble des politiques et

    pratiques managriales qui volue. Le pacte

    dessine un nouveau modle de manager

    bienveillant, empathique, proche de sescollaborateurs. Le manager efficace de

    demain aura une relle disponibilit pour

    ses collaborateurs, passant moins de temps

    et dnergie au reporting. Il contribuera

    leur bien-tre et prendra en compte les

    risques humains inhrents au changement,

    en pratiquant un management bienveillant,

    adapt la maturit de chaque membre de

    son quipe. Il saura faire de la diversit de

    ses collaborateurs une richesse, sans

    discrimination directe ou indirecte, faisant

    cooprer harmonieusement les

    gnrations, visant une relle galit

    professionnelle femme/homme, intgrant

    et faire progresser des personnes

    handicapes

    Au entreprises daider et de former leurs

    managers mettre en uvre et faire

    vivre le nouveau pacte social dans leur

    groupe humain. Au-del des outils et des

    process, il sagit de leur permettredacqurir les comportements managriaux

    appropris, dlever leurs comptences,

    tous niveaux hirarchiques, en particulier,

    celui des managers de proximit. De

    nouvelles chartes de management, de

    nouvelles grilles de leadership sont

    adoptes. Elles valorisent la contribution de

    chaque manager au dveloppement de

    leurs collaborateurs.

    Le manager efficace dedemain aura une relledisponibilit pour sescollaborateurs, en passantde temps et dnergie au reporting

    Ce changement de cap passe par le

    renforcement de la fonction RH de

    proximit, aujourdhui initi dans nombre

    dentreprises, qui doit apporter un soutien

    essentiel aux managers pour mettre en

    uvre le nouveau pacte social, en les aidant

    sapproprier la vision de leur rle,

    adapter laction locale aux besoins du

    terrain, accompagner la progression de

    chacun.

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