ANALYSE DE L’EFFET INTERACTIF DE L’ORIGINE...

siaka coulibaly, n’guessan kouame, jean-claude pineau

Revue Africaine d’Anthropologie, Nyansa-Pô, N°24- 2017 120

RESUMEL’objectif de cette étude est d’analyser l’effet des interactions entre

l’origine ethnique et le morphotype sur la performance athlétique. Elle a porté sur 661 filles et 1816 garçons âgés de 17 à 26 ans. Un recueil de données concernant l’appartenance ethnique a été effectué. Le morphotype a été identifié à travers le somatotype de chaque sujet selon la méthode anthropométrique de Heath et Carter (1990). Concernant la performance athlétique, les sujets ont été soumis à l’épreuve d’endurance, de course de vitesse et de lancer de poids. Après une répartition des sujets en tenant compte du somatotype et de l’appartenance ethnique, les 15 groupes constitués ont été comparés concernant les scores aux différentes épreuves à travers l’analyse de variance (ANOVA).

La comparaison des scores moyens réalisés par chaque groupe met en évidence l’existence d’un effet interactif de l’origine ethnique et du morphotype sur la performance athlétique (P<0,05). Chez les garçons les différences significatives s’observent aux épreuves d’endurance (p<0,001) et au lancer de poids (p<0,001). Les filles présentent des écarts significatifs aux épreuves de vitesse (p<0,001) et de lancer de poids (p=0,003).

La performance athlétique apparait dans cette étude comme la résultante d’une appartenance ethnique et d’un morphotype spécifique favorisant ou limitant la réalisation de bonnes performances chez ces jeunes ivoiriens selon la discipline.

Mots-clés : Origine ethnique, Morphotype, Endurance, Vitesse, Lancer de poids.

Siaka COULIBALY Docteur en Anthropologie mention : Paléoanthropologie de

l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody, Côte d’[email protected]

/N’Guessan KOUAME

Institut National de la Jeunesse et des Sports d’Abidjan (INJS), Côte d’Ivoire

/Jean-Claude PINEAU

CNRS UMR 5288. Dynamique de l’évolution humaine, Paris

Revue Africaine d’Anthropologie, Nyansa-Pô, n° 24 - 2017

ANALYSE DE L’EFFET INTERACTIF DE L’ORIGINE ETHNIQUE ET DU MORPHOTYPE SUR LA PERFORMANCE ATHLETIQUE CHEZ DES JEUNES DE COTE D’IVOIRE

analyse de l’effet interactif de l’origine ethnique et du morphotype...

Revue Africaine d’Anthropologie, Nyansa-Pô, N°24 - 2017 121

ABSTRACT

The aim of this study is to analyze the effect of interactions between ethnicity and morphotype on athletic performance. It covered 661 girls and 1816 boys aged 17 to 26 years. A collection of data on ethnicity was carried out. The morphotype was identified through the somatotype of each subject according to the anthropometric method of HEATH and CARTER (1990). Concerning the athletic performance, the subjects were subjected to the test of endurance, racing speed and launch of weight. After a distribution of subjects taking into account somatotype and ethnicity, the 15 constituted groups were compared for scores in the various tests through the analysis of variance (ANOVA).

Comparison of mean scores achieved by each group revealed an interactive effect of ethnicity and morphotype on athletic performance (P <0.05). In boys, significant differences were observed in endurance tests (p <0.001) and weight throw (p <0.001). Girls show significant differences in speed (p <0.001) and weight throw (p = 0.003).

Athletic performance appears in this study as the result of an ethnic belonging and a specific morphotype favoring or limiting the achievement of good performances in these Ivorian youth according to the discipline.

Keywords: Ethnic Origin, Morphotype, Endurance, Speed, Strength.

INTRODUCTION

La pratique du sport est caractérisée par des exercices, des épreuves que le sportif est amené à réaliser. Les processus d’apprentissage et d’acquisition de ceux-ci pourraient se réaliser à travers des confrontations interindividuelles, une sorte de compétition, le plus souvent mesurées ou évaluées. Le résultat de ces évaluations renvoie à ce que l’on appelle la performance sportive. Elle peut être définie comme une action motrice permettant à un individu d’exprimer ses capacités physiques. La performance sportive peut alors s’exprimer



sous la forme d’un classement, d’une distance, d’un temps ou d’un résultat chiffré lors d’un exercice physique ou de compétitions. Elle crée ainsi des différences entre les sportifs.

Autrement dit, les sportifs ne sont pas tous égaux devant le sport et devant la performance sportive. Plusieurs facteurs semblent être à l’origine de cette différenciation, notamment l’origine ethnique. En Côte d’Ivoire, la population, peut être repartie en sept groupes : les cinq grands groupes ethniques (Akan, Krou, Mandé du Nord, Mandé du Sud et Gur) plus les personnes naturalisées et celles qui ne déclarent pas leur ethnie lors du recensement (BENJAMIN et ALBERT, 2001).

En effet, une ethnie ou groupe ethnique est un groupe social de personnes qui s’identifient entre elles sur la base d’une ascendance commune, d’une histoire commune, d’une culture commune ou d’un vécu commun (PEOPLES et GARRICK, 2011). Ainsi, les individus d’un même groupe ethnique pourraient présenter plusieurs similitudes, notamment génétiques. Or, la prédisposition génétique a un rôle important dans le développement de la performance physique athlétique et se caractérise par un grand nombre de gènes (MACARTHUR et NORTH, 2005). En ce sens, l’appartenance ethnique serait un facteur de différenciation dans la pratique sportive.

A origine ethnique différente, les jeunes athlètes pourraient présenter des gènes ou morphotypes variables favorisants la réalisation de performances de qualité. Par exemple, certaines études ont mis en évidence l’existence d’une relation entre les différences raciales et le succès dans une variété de sports, y compris les courses de courte et de longue distance, le football, le baseball et la natation (ENTINE, 2000; EPSTEIN, 2013; IRVING and CHARLTON, 2010; SAILES, 1998). Aussi, ARMSTRONG et al. (2011) ont-ils identifié une relation significative entre les résultats aux tests de condition physique et les groupes ethniques chez des jeunes sud-africains.

KOUAME et al. (2017) ont par ailleurs identifié un lien significatif entre le somatotype et la qualité d’endurance chez des filles et des garçons ivoiriens. L’établissement d’un morphotype approprié en tenant compte de l’appartenance ethnique de l’individu pourrait donc constituer une base importante pour la détection, l’orientation et l’amélioration de la performance sportive. Dans la présente



étude, nous nous proposons de réexaminer cette corrélation chez 2477 jeunes ivoiriens en prenant en compte conjointement l’origine ethnique et le morphotype.

1. MATERIELS ET MÉTHODES

1.1. Matériels

L’examen de la performance athlétique par la prise en compte conjointe de l’origine ethnique et du somatotype a porté sur des jeunes gens de nationalité ivoirienne, en fin de cycle secondaire, titulaires d’un Baccalauréat. Tous ont postulé au test d’entrée à l’école normale supérieure de l’éducation physique et des sports au sein de l’Institut National de Jeunesse et des Sports (INJS) d’Abidjan. Les sujets ont été informés de l’étude et étaient libres d’y adhérer ou pas. Pour les moins de 18 ans, les parents ont fourni un document d’autorisation. Seuls les candidats déclarés aptes à la visite médicale, c’est à dire ne présentant aucune contre-indication à la pratique du sport pouvaient faire partir de l’échantillon de cette étude. En référence à ces critères, 2477 jeunes (661 filles et 1816 garçons) âgés de 17 à 26 ans ont été retenus sur 3156 qui se sont présentés pour les épreuves.

1.2. Méthodes

Cette étude observationnelle transversale et analytique a été réalisée à travers un recueil de données socioculturelles, notamment l’appartenance ethnique, l’âge et le genre. Ces données ont été recueillies à l’aide d’une fiche d’enquête. Le morphotype a été identifié à partir de la mesure du poids (kg), de la stature (cm), des circonférences du bras relâché (cm) et du mollet (cm), les diamètres bicondilaires de l’humérus (cm) et du fémur (cm) ainsi que la somme de quatre (4) plis cutanés (mm) (tricipital, sous-scapulaire, supra-iliaque et sural).

Ces données ont servi au calcul du somatotype selon la méthode anthropométrique de Heath et Carter (CARTER et HEATH, 1990; HEATH et CARTER; 1967). Le somatotype est basé sur la définition de trois composantes : l’endomorphie, la mésomorphie et l’ectomorphie, correspondant respectivement à la graisse relative (endomorphe), à la composante musculo-squelettique (mésomorphe) et à la linéarité (ectomorphe) (BUFFA et al., 2005). Les somatotypes intermédiaires n’ont pas été pris en compte dans la présente étude.



En effet, selon plusieurs auteurs, le morphotype constitue un indice révélateur de l’aptitude à l’exercice physique (MIMOUNI et al., 2009 ; HOUAR, 2014 ; BOULGAKOVA, 1980). Il serait donc intéressant d’apprécier les variations de ce paramètre selon l’appartenance ethnique à travers des tests qui permettent une expérimentation précise et reproductible. Dans le cadre de la présente étude, nous avons utilisé un adipomètre de type harpenden «Pince à plis cutanés Harpenden» pour mesurer les plis cutanés, une toise staturale (Toise Tanita pliable, mesure de 20 à 207 cm, graduation 1 mm), une balance médicale utilisée pour la pesée de la masse corporelle avec une précision de 50 gr (Tanita UM-075), un mètre-ruban à enrouleur plastique (Holtex) plage de mesure de 0 à 150 cm, graduation 1 mm et un compas d’épaisseur (Harpenden).

Chaque paramètre a été mesuré par le même opérateur, pour l’ensemble de la population, selon les techniques anthropométriques de base fixées au congrès de Monaco de 1912 (CHIBANE, 2010). Toutes les mesures ont été réalisées selon des procédures standardisées (CALLAWWAY et al., 1988 ; HARRISON et al., 1988 ; WILMORE et al., 1988).

Concernant l’appartenance ethnique, les sujets ont été classés en fonction des 5 grands groupes ethniques de la Côte d’Ivoire (Akan, Krou, Mandé du Nord, Mandé du Sud et Gour) (BENJAMIN et ALBERT, 2001). Les sujets ont ainsi été repartis en 15 groupes à partir de la combinaison des groupes ethniques (Akan, Krou, Mandé du Nord, Mandé du Sud et Gour) et des somatotypes (Endomorphe, Mésomorphe, Ectomorphe).

Ils ont été soumis à 3 épreuves pour apprécier la performance athlétique, notamment, l’endurance cardiovasculaire, la course de vitesse pure et l’épreuve de lancer de poids. Les sujets étaient tous en tenue de sport appropriée. Pour l’endurance cardiovasculaire, représentée ici par le nombre de paliers, ils ont été soumis à un test de course navette de 20m avec palier de 1minute (LEGER et al., 1988). Ce test d’endurance a été réalisé sur un terrain de Handball de l’INJS. La consommation maximale d’oxygène a ainsi été calculée selon la formule VO2max = 31,025 + (3,238×VP) – (3,248×AGE) + ((0,1536×VP) ×AGE)) ; [VP étant la vitesse en Km/h du dernier palier. VP= (palier/2) + 8].



En ce qui concerne la vitesse, les sujets ont été soumis à un test de course de vitesse sur 80 mètres pour les filles et sur 100 mètres pour les garçons sur une piste de course au sein de l’INJS. Les temps mis pour parcourir ces distances ont été enregistrés par des enseignants spécialistes d’athlétisme à l’aide de chronomètres à temps multiples au centième de seconde.

L’épreuve de lancer de poids a été réalisée par des enseignants de l’INJS spécialistes des épreuves de lancer. Chaque sujet devait lancer le plus loin possible un poids de 5kg pour les garçons et un poids de 4kg pour les filles. La distance atteinte par le poids a été relevée à l’aide d’un décamètre sur une fiche technique. Les tests de lancer ont été réalisés sur des aires de lancer aménagées au sein de l’INJS.

La distribution normale des variables de l’endurance, de course de vitesse et du lancer de poids a été vérifiée à travers le test de Kolmogorov-Smirnov et de Shapiro-Wilk. Une analyse des différences a ainsi été faite entre les valeurs moyennes par l’analyse ANOVA à l’aide du logiciel IBM SPSS 23. Une analyse des scores a été faite à travers la répartition des effectifs des admis et des ajournés pour les épreuves dont l’écart entre les différents groupes est significatif. Le seuil de signification a été fixé à 5% pour tous les tests.

2. RÉSULTATS

Les valeurs moyennes des scores aux épreuves d’endurance, de course de vitesse et de lancer de poids chez les garçons et chez les filles sont représentées dans le tableau I en fonction de l’origine ethnique et du somatotype.

Tableau 1 : Valeurs moyennes des performances athlétiques (Endurance, course de vitesse et lancer de poids) en fonction de l’origine ethnique et du somatotype chez les garçons et chez les filles

Origine Ethnique etSomatotype Performances athlétiques

Endurancecardiovasculaire

(ml/min/Kg)

Course devitesse (s)

Lancer depoids (m)

n m ± σ m ± σ m ± σ



Garçons Akan Endomorphe 34 35,73±6,61 14,02±0,98 8,74±1,11Akan Mésomorphe 341 39,87±5,59 13,64±0,78 9,12±1,07Akan Ectomorphe 504 40,86±5,21 13,68±0,80 8,74±1,03Gour Endomorphe 18 33,89±5,78 13,83±1,09 9,14±1,03Gour Mésomorphe 147 39,90±5,45 13,71±0,74 8,83±1,03Gour Ectomorphe 217 40,22±5,05 13,78±0,80 8,58±1,01Krou Endomorphe 7 33,46±5,54 14,00±0,40 8,65±0,50Krou Mésomorphe 75 38,38±6,68 13,68±0,81 9,32±1,05Krou Ectomorphe 76 39,60±6,14 13,71±0,76 8,40±1,08Mandé Nord Endomorphe 15 35,25±5,25 13,67±0,73 8,94±1,08

Mandé Nord Mésomorphe 104 39,98±6,05 13,49±0,66 8,99±1,04Mandé Nord Ectomorphe 166 40,50±6,02 13,69±0,82 8,56±1,00Mandé Sud Endomorphe 9 28,91±2,81 13,30±1,20 7,80±1,21Mandé Sud Mésomorphe 44 38,79±5,09 13,69±0,76 9,08±1,08Mandé Sud Ectomorphe 59 40,14±5,57 13,91±0,68 8,68±0,97ANOVA (P) 0,000* 0,050 0,000*Filles

Akan Endomorphe 201 26,20±5,92 13,64±0,98 6,03±0,88

Akan Mésomorphe 72 26,37±6,45 13,59±0,94 6,11±0,86

Akan Ectomorphe 84 27,42±5,60 13,25±0,83 5,88±1,05

Gour Endomorphe 70 25,60±5,63 13,96±1,02 5,93±1,01

Gour Mésomorphe 30 25,73±5,32 13,83±1,09 6,51±0,62

Gour Ectomorphe 25 27,43±5,57 13,49±0,86 5,68±0,62

Krou Endomorphe 39 28,00±5,95 13,31±1,03 6,07±0,79

Krou Mésomorphe 24 24,00±6,61 13,61±1,07 6,29±1,07

Krou Ectomorphe 15 27,58±5,91 12,93±0,77 6,18±0,74

Mandé Nord Endomorphe 35 25,55±5,81 13,84±0,95 5,87±0,74

Mandé Nord Mésomorphe 12 26,70±5,10 13,42±0,72 5,88±0,86

Mandé Nord Ectomorphe 13 27,78±3,35 13,50±0,66 5,49±0,75

Mandé Sud Endomorphe 18 29,24±5,12 13,14±0,94 6,27±0,88

Mandé Sud Mésomorphe 18 27,80±6,96 13,47±1,16 6,58±0,97

Mandé Sud Ectomorphe 5 27,30±6,21 13,43±0,96 5,90±0,91

ANOVA (P) 0,157 0,000* 0,003*

n : effectif ; m : moyenne ; σ : écart-type ; * : Différence significative au seuil de 5%



Ces résultats indiquent qu’en moyenne, il existe des différences significatives entres les différents groupes constitués concernant les épreuves d’endurance (p<0,001) et de lancer de poids (p<0,001) chez les garçons. Chez les filles, les écarts sont significatifs aux épreuves de vitesse (p<0,001) et de lancer de poids (p=0,03). Une analyse des écarts significatifs observés en endurance et au lancer de poids chez les garçons (Figures 1 et 2) et à la course de vitesse et au lancer de poids chez les filles (Figures 3 et 4) a donc été faite à travers la répartition des effectifs des admis et des ajournés.

2.1. Chez les garçons

En endurance, l’effectif des admis est plus élevé que celui des ajournés dans tous les groupes (Figure 1). Cet écart est plus prononcé chez les Akan Mésomorphe (314 sur 341 soit 92%), Akan Ectomorphe (474 sur 504 soit 94%), Gour Mésomorphe (139 sur 147 soit 94%), Gour Ectomorphe (201 sur 217 soit 93%), Krou Mésomorphe (67 sur 75 soit 89%), Krou Ectomorphe (65 sur 76 soit 86%), Mandé Nord Mésomorphe (97 sur 104 soit 93%), Mandé Nord Ectomorphe (155 sur 166 soit 93%), Mandé Sud Mésomorphe (42 sur 44 soit 95%), Mandé Sud Ectomorphe (54 sur 59 soit 92%).

Figure 1 : Variation des scores moyens et la répartition des effectifs des admis et des ajournées en endurance cardiovasculaire (test de Luc Leger) dans chaque groupe chez les garçons



Au lancer (Figure 2), c’est plutôt l’effectif des ajournés, c’est-à-dire les moins performants, qui est le plus élevé, particulièrement chez les Akan Endomorphe (26 sur 34 soit 76%), Akan Ectomorphe (379 sur 504 soit 75%), Krou Endomorphe (7 sur 7 soit 100%), Krou Ectomorphe (63 sur 76 soit 83%), Mandé Nord Ectomorphe (131 sur 166 soit 79%), Mandé Sud Endomorphe (7 sur 9 soit 78%), Mandé Sud Ectomorphe (48 sur 59 soit 81%).

Figure 2 : Variation des scores moyens et la répartition des effectifs des admis et des ajournées au lancer de poids (5kg) dans chaque groupe chez les garçons

2.2. Chez les filles

Le nombre d’ajournées à la course de vitesse sur 80m est plus élevé que celui des admis dans tous les groupes (Figure 3). Cet écart est réduit chez les Akan Endomorphe (25 admis soit 30% contre 59 ajournées soit 70%), Krou Ectomorphe (6 admis soit 40% contre 9 ajournées soit 60%) et les Mandé Sud Ectomorphe (2 admis soit 40% contre 3 ajournées soit 60%).



Figure 3 : Variation des scores moyens et la répartition des effectifs des admises et des ajournées à la course de vitesse (Vitesse sur 80m) dans chaque groupe chez les filles

Au lancer, l’effectif des ajournées est plus élevé que celui des admis dans tous les groupes (Figure 4). Cet écart est plus réduit chez les Gour Mésomorphe (9 admis sur 30 soit 30% contre 21 ajournés soit 70%), Krou Mésomorphe (7 admis sur 24 soit 29% contre 17 ajournées soit 71%) et Mandé Sud Mésomorphe (9 admis sur 18 soit 50% contre 9 ajournées soit 50%).

Figure 4 : Variation des scores moyens et la répartition des effectifs des admises et des ajournées au lancer de poids (4kg) dans chaque groupe chez les filles



3. DISCUSSION

La réussite des talents sportifs, la détection et l’orientation des espoirs ne semblent plus se fonder sur la seule évaluation des aptitudes physiques et énergétiques. Il faut tenir compte des facteurs modulateurs et incitateurs que sont les variables socio-culturelles, le mode de vie et le potentiel social du milieu dans lequel vit le sportif (BOUVET, 1991 ; BILLAT, 1991). Ainsi, à origine ethnique différente, les jeunes garçons comme filles pourraient présenter des avantages variables en fonction des disciplines sportives. Les résultats de la présente étude permettent de réexaminer ce rapport.

Les garçons majoritairement mésomorphes et ectomorphes dans tous les groupes ethniques (Tableau I) présentent des différences significatives concernant les scores réalisés aux épreuves d’endurances (p<0,001) et de lancer de poids (p<0,001). Les filles chez qui le type endomorphe prédomine à l’exception des Mandé Sud, présentent des écarts significatifs aux épreuves de vitesse (p<0,001) et de lancer de poids (p=0,003).

Plusieurs études menées sur différentes populations mettant en rapport les qualités physiques et l’appartenance ethnique corroborent les résultats de la présente étude (Ma et al., 2009 ; ARMSTRONG et al., 2011 ; LARSEN et al., 2005 ; CHENG et al., 2014 ; EMETERIO et al. 2010). L’étude de MA et al. (2009) a montré que le niveau des fonctions physiologiques et les capacités athlétiques (qualité en course, la force musculaire et l’endurance) variaient d’une ethnie à une autre et que ces avantages et caractéristiques pourraient être liés à leur milieu de vie.

En effet, selon la classification de SHELDON (1940), l’endomorphe correspond aux individus chez lesquels l’on note un grand développement du système digestif, en particulier l’estomac (endoderme) ; et on ne s’étonne pas que ces sujets aient une certaine tendance à la corpulence, avec un corps mou et des muscles peu développés. De telles caractéristiques morphologiques influencent négativement l’activité physique et seraient moins favorables à la réalisation d’une bonne performance dans les sports de course qui nécessitent le transport dans le temps et l’espace de sa masse corporelle. C’est le cas chez les filles majoritairement endomorphes dont le nombre d’ajournées est plus élevé (plus de 60%) que celui des admis à la course de vitesse et au lancer de poids dans tous les groupes (Figure 3, Figure 4).



Cependant, les mésomorphes correspondants à un grand développement de la musculature et du système circulatoire (mésoderme) ont une charpente plus large et une musculature plus développée. C’est le type morphologique traditionnel de l’athlète. Ces caractéristiques offrent à l’individu mésomorphe plusieurs avantages dans la pratique de plusieurs sports. De même, l’ectomorphe correspond à un grand développement du système nerveux et du cerveau (ectoderme) et à une tendance à être mince, élancé. Il serait à mesure de produire une performance de qualité dans la pratique de plusieurs sports, notamment les sports d’endurance et de vitesse. Les caractéristiques de ces deux types morphologiques semblent expliquer l’effectif élevé dans la présente étude (Figure 1), des admis à l’épreuve d’endurance (plus de 90%) dans tous les groupes chez les garçons mésomorphes et les garçons ectomorphes (KOUAME et al., 2017).

La performance athlétique apparait donc comme le résultat d’un ensemble de facteurs sociaux, structuraux, physiologiques et psychologiques qui exerce une influence directe sur la nature de la performance (CRATTY (1980) in THOMAS (1994)). Ces facteurs se proposent de rendre la production de l’athlète intelligible par l’appropriation de l’ensemble des faits observés dans la réalité processuelle du système environnement/athlète. La contribution prédominante des facteurs à proximité sociale est à ce propos mise en évidence, en ce sens que l’influence est exercée par le biais des groupes d’appartenance immédiats du sujet (BOUARRATA, 2001).

La réussite sportive et l’accès à l’élite sont donc conditionnés par des facteurs sociaux et psychologiques. Cette progression prend comme point de départ le système des valeurs et l’appartenance sociale du sujet, en mettant en évidence au passage tout ce qui contribue à façonner les caractéristiques personnelles (modèle 1 de THOMAS (1986) cité par BOUARRATA (2001)).

Les sujets ayant participé à cette étude proviennent tous de la population ivoirienne caractérisée par une hétérogénéité ethnique et des modes de vie spécifiques. Les données concernant l’origine ethnique ont été recueillies par interrogatoire à l’aide d’un questionnaire. La question de la généralisation de ces résultats à l’ensemble de la population ivoirienne peut être légitimement posée.



CONCLUSION

Dans l’analyse de la performance sportive, certains auteurs ont mis l’accent sur la prédisposition génétique (MACARTHUR et NORTH, 2005). D’autres se sont intéressés à la notion raciale comme facteur de différenciation dans la pratique sportive (ENTINE, 2000; EPSTEIN, 2013; IRVING and CHARLTON, 2010; SAILES, 1998). La présente étude a examiné l’effet interactif de l’origine ethnique et du morphotype sur la performance athlétique, notamment, l’endurance cardiovasculaire, la course de vitesse et le lancer de poids. Les résultats de cette étude confirment l’hypothèse selon laquelle l’origine ethnique et le morphotype de façon conjointe exercent une influence sur la performance athlétique chez les jeunes, filles comme garçons. La performance sportive apparait donc comme la résultante d’une appartenance ethnique et d’un morphotype spécifique favorisant ou limitant la réalisation de bonnes performances chez des jeunes selon la discipline. Dans une prochaine étude, l’analyse de l’effet d’un programme d’entraînement et du morphotype sur la performance athlétique sera nécessaire car cette interaction pourrait avoir une influence prépondérante.

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ANALYSE DE L’EFFET INTERACTIF DE L’ORIGINE...

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