Amyotrophies focales

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Amyotrophies focales G Serratrice R é s u m é. Les amyotrophies focales, fréquentes en pratique, sont souvent de diagnostic difficile. On distingue, selon leur point de départ, différentes éventualités. Les atteintes musculaires pures sont rares. Il s’agit d’agénésies (en particulier des muscles pectoral et thénariens), d’atrophie des masses paravertébrales et de myosites inflammatoires (polymyosites localisées ou localisations multifocales des myosites à inclusions). Les atteintes des troncs nerveux sont fréquentes et aisément reconnues, traumatiques, compressives, inflammatoires. Un cas particulier est celui des neuropathies focales diabétiques. Les atteintes plexulaires ressortissent à des causes très diverses : traumatiques, tumorales, côte cervicale. La névralgie amyotrophiante de l’épaule a une individualité. Elle est à séparer de diverses causes familiales d’atrophie de l’épaule. L’étiologie radiculaire est fréquente et de causes diverses. Les atteintes médullaires sont variées. Parmi elles, le statut des atrophies monoméliques est discuté. Enfin, les amyotrophies d’origine cérébrale ou syndrome de Silverstein sont exceptionnelles. Introduction Une amyotrophie est dite focale lorsqu’elle est localisée à un muscle ou à un groupe de muscles [21, 37] . Une telle topographie exclut les amyotrophies localisées mais distribuées symétriquement (par exemple une amyotrophie péronière bilatérale, une atrophie des muscles des deux épaules), à l’exception des amyotrophies paravertébrales focalisées sur les muscles spinaux. En revanche, elle n’exclut pas les amyotrophies multifocales, c’est-à-dire distribuées, selon des territoires disséminés, à divers muscles ou groupes de muscles. Plusieurs modes de classification sont possibles. Le premier est une classification topographique (atrophie des muscles de la jambe, de la cuisse, du tronc, de la main, de l’épaule, éventuellement d’une hémiface). Il est également envisageable d’opposer les atrophies d’un muscle, d’un groupe de muscles et de muscles disséminés. Une classification étiologique sépare les formes traumatiques, mécaniques, inflammatoires ou infectieuses, vasculaires, métaboliques, congénitales. La classification présentée ici énumère, dans un but de simplicité, selon leur point de départ, les atteintes d’origine musculaire, tronculaire, plexulaire, radiculaire, médullaire ou centrale. Reconnaître une amyotrophie focale est parfois malaisé. Les erreurs les plus communes tiennent aux lipodystrophies et aux phacomatoses. Il est courant que des patients consultent avec le diagnostic d’amyotrophie localisée, surtout de la fesse ou de la cuisse, plus rarement de l’épaule ou de l’abdomen, alors que la lésion est limitée à la graisse sous-cutanée. La morphologie est souvent en « entonnoir ». Parfois la lésion est plus étendue, et l’absence de graisse sous-cutanée se répartit sur plusieurs centimètres avec des contours à bords nets. Cependant, le muscle sous-jacent est normal. Son volume est Georges Serratrice : Professeur de neurologie, centre hospitalier universitaire de La Timone, 1, chemin de l’Armée-d’Afrique, 13005 Marseille, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Serratrice G. Amyotrophies focales. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Neurologie, 17-044-B-10, 1998, 8 p. conservé. Sa contraction est indemne. Parfois une cause locale antérieure est mise en évidence, surtout l’injection locale de cortisone ou chez les diabétiques d’insuline. La panniculite nodulaire lipoatrophiante [23] débute par des nodules inflammatoires évoluant par poussées, laissant des zones lipoatrophiques de localisation distale et d’extension progressive. La graisse disparaît totalement, laissant voir un réseau veineux et le muscle sous-jacent. Il s’agit d’une nécrose graisseuse progressive, d’origine vraisemblablement dysimmune, mais pas d’une amyotrophie. Les phacomatoses sont souvent à l’origine de zones atrophiques des membres auxquelles participent les tissus sous-cutanés et en particulier les vaisseaux, avec une dysplasie artérielle ou veineuse ou une angiomatose sous-cutanée. La sclérodermie localisée, si l’on excepte certaines formes de myosite focale sclérodermique, s’accompagne, de même, de zones d’atrophie musculaire, sous-jacentes à la lésion cutanée. Enfin, les ruptures musculaires sont un cas particulier. Survenant après un effort brusque, connu ou méconnu, elles siègent souvent sur le biceps brachial ou le quadriceps. Elles se traduisent par une perte du relief musculaire formant une sorte de « coup de hache ». À la contraction, les deux bouts rompus s’écartent, et seul le reste du muscle, si une portion profonde est respectée, se contracte normalement. Tardivement, un certain degré d’amyotrophie peut compliquer la rupture. L’échographie musculaire affirme le diagnostic s’il en est besoin. Atteintes musculaires pures Elles sont rares. Agénésies musculaires Les agénésies musculaires s’expriment par l’absence ou par l’insuffisance de développement d’un muscle : trapèze, sternocléidomastoïdien, triangulaire des lèvres et autres. Certaines localisations sont moins rares. 17-044-B-10 ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 17-044-B-10 © Elsevier, Paris

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Amyotrophies focales

G Serratrice R é s u m é. – Les amyotrophies focales, fréquentes en pratique, sont souvent dediagnostic difficile. On distingue, selon leur point de départ, différentes éventualités.Les atteintes musculaires pures sont rares. Il s’agit d’agénésies (en particulier des musclespectoral et thénariens), d’atrophie des masses paravertébrales et de myositesinflammatoires (polymyosites localisées ou localisations multifocales des myosites àinclusions).Les atteintes des troncs nerveux sont fréquentes et aisément reconnues, traumatiques,compressives, inflammatoires. Un cas particulier est celui des neuropathies focalesdiabétiques.Les atteintes plexulaires ressortissent à des causes très diverses : traumatiques, tumorales,côte cervicale. La névralgie amyotrophiante de l’épaule a une individualité. Elle est à séparerde diverses causes familiales d’atrophie de l’épaule.L’étiologie radiculaire est fréquente et de causes diverses.Les atteintes médullaires sont variées. Parmi elles, le statut des atrophies monoméliques estdiscuté.Enfin, les amyotrophies d’origine cérébrale ou syndrome de Silverstein sont exceptionnelles.

IntroductionUne amyotrophie est dite focale lorsqu’elle est localisée à un muscle ou à ungroupe de muscles[21, 37]. Une telle topographie exclut les amyotrophieslocalisées mais distribuées symétriquement (par exemple une amyotrophiepéronière bilatérale, une atrophie des muscles des deux épaules), à l’exceptiondes amyotrophies paravertébrales focalisées sur les muscles spinaux. Enrevanche, elle n’exclut pas les amyotrophies multifocales, c’est-à-diredistribuées, selon des territoires disséminés, à divers muscles ou groupes demuscles.Plusieurs modes de classification sont possibles. Le premier est uneclassification topographique (atrophie des muscles de la jambe, de la cuisse,du tronc, de la main, de l’épaule, éventuellement d’une hémiface). Il estégalement envisageable d’opposer les atrophies d’un muscle, d’un groupe demuscles et de muscles disséminés. Une classification étiologique sépare lesformes traumatiques, mécaniques, inflammatoires ou infectieuses,vasculaires, métaboliques, congénitales. La classification présentée iciénumère, dans un but de simplicité, selon leur point de départ, les atteintesd’origine musculaire, tronculaire, plexulaire, radiculaire, médullaire oucentrale.Reconnaître une amyotrophie focale est parfois malaisé. Les erreurs les pluscommunes tiennent aux lipodystrophies et aux phacomatoses. Il est courantque des patients consultent avec le diagnostic d’amyotrophie localisée,surtout de la fesse ou de la cuisse, plus rarement de l’épaule ou de l’abdomen,alors que la lésion est limitée à la graisse sous-cutanée. La morphologie estsouvent en « entonnoir ». Parfois la lésion est plus étendue, et l’absence degraisse sous-cutanée se répartit sur plusieurs centimètres avec des contours àbords nets. Cependant, le muscle sous-jacent est normal. Son volume est

Georges Serratrice : Professeur de neurologie, centre hospitalier universitaire de La Timone,1, chemin de l’Armée-d’Afrique, 13005 Marseille, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Serratrice G. Amyotrophies focales.Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Neurologie, 17-044-B-10, 1998, 8 p.

conservé. Sa contraction est indemne. Parfois une cause locale antérieure estmise en évidence, surtout l’injection locale de cortisone ou chez lesdiabétiques d’insuline.

La panniculite nodulaire lipoatrophiante[23] débute par des nodulesinflammatoires évoluant par poussées, laissant des zones lipoatrophiques delocalisation distale et d’extension progressive. La graisse disparaîttotalement, laissant voir un réseau veineux et le muscle sous-jacent. Il s’agitd’une nécrose graisseuse progressive, d’origine vraisemblablementdysimmune, mais pas d’une amyotrophie.

Les phacomatoses sont souvent à l’origine de zones atrophiques des membresauxquelles participent les tissus sous-cutanés et en particulier les vaisseaux,avec une dysplasie artérielle ou veineuse ou une angiomatose sous-cutanée.

La sclérodermie localisée, si l’on excepte certaines formes de myosite focalesclérodermique, s’accompagne, de même, de zones d’atrophie musculaire,sous-jacentes à la lésion cutanée.

Enfin, les ruptures musculaires sont un cas particulier. Survenant après uneffort brusque, connu ou méconnu, elles siègent souvent sur le biceps brachialou le quadriceps. Elles se traduisent par une perte du relief musculaire formantune sorte de « coup de hache ». À la contraction, les deux bouts rompuss’écartent, et seul le reste du muscle, si une portion profonde est respectée, secontracte normalement. Tardivement, un certain degré d’amyotrophie peutcompliquer la rupture. L’échographie musculaire affirme le diagnostic s’il enest besoin.

Atteintes musculaires pures

Elles sont rares.

Agénésies musculaires

Les agénésies musculaires s’expriment par l’absence ou par l’insuffisance dedéveloppement d’un muscle : trapèze, sternocléidomastoïdien, triangulairedes lèvres et autres. Certaines localisations sont moins rares.

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Agénésie du grand pectoral

Elle est rarement totale. Il s’agit le plus souvent d’une hypoplasieprédominant sur le chef inférieur du muscle. Une agénésie du petit pectoralest fréquemment associée. La gêne fonctionnelle est très modérée, portantessentiellement sur la rotation interne.L’agénésie pectorale est tantôt isolée, tantôt intégrée dans le cadre d’unsyndrome de Poland[17] associant des malformations de la main homolatérale,plus souvent du côté droit, et plus fréquente chez l’homme. Cesmalformations sont de trois degrés.Le type I est une syndactylie avec brachyphalangie de la deuxième phalangedes quatre derniers doigts. Cette anomalie, la plus fréquente, atteint surtout lemédius.Le type II est une syndactylie avec biphalangie par absence de la deuxièmephalange. Ce type est plus rare.Le type III est l’ectrodactylie ou absence de doigts. La plus rare, cette formeest marquée par l’absence totale ou subtotale des doigts médians. Auxmalformations de la main s’ajoutent des malformations diverses : surtoutabsence ou agénésie de la glande mammaire et du mamelon homolatéraux,atrophie du sternum, absence de cartilages costaux, anomalies desdermatoglyphes, rarement malformation globale du membre supérieur. Enfin,une leucose aiguë serait parfois associée.

Aplasie des muscles thénariens

L’aplasie des muscles de l’éminence thénarienne, parfois méconnue, répondcependant à une sémiologie évocatrice, associant à une hypoplasie musculairelocalisée, des anomalies osseuses et vasculaires. Souvent, l’aplasie estdécouverte lors d’un examen systématique, parfois à l’occasion d’entorsesrécidivantes de la première articulation métacarpophalangienne pourlesquelles le diagnostic de syndrome du canal carpien a été posé. L’affectionest plus fréquente dans le sexe féminin. L’amyotrophie est souventunilatérale, parfois bilatérale. Il s’agit d’un aplatissement diffus de l’éminencethénarienne alors que les espaces interosseux sont normaux. Les mouvementsd’opposition et, à un moindre degré, d’abduction sont limités, mais le déficitdes muscles du pouce est souvent masqué par des mouvementscompensateurs essentiellement dus au long fléchisseur et aux extenseurs dupouce. La gêne fonctionnelle est minime. La dysplasie prédomine surl’opposant et le court abducteur du pouce. Le court fléchisseur, surtout sonchef superficiel, est quelquefois atteint. En revanche, l’adducteur estconstamment épargné. Cette sélectivité pourrait évoquer un trouble del’innervation : on sait que le court abducteur, l’opposant et le chef superficieldu court fléchisseur du pouce sont innervés par le nerf médian, alors quel’adducteur et le chef profond du court fléchisseur du pouce le sont par le nerfcubital. Cependant, aucun signe de dénervation n’est présent, et les vitessesde conduction motrice et sensitive du nerf médian sont normales.L’absence de pouls radial est un élément fréquent et oriente à tort vers unsyndrome de la traversée thoracobrachiale, surtout si une côte cervicale estassociée.L’atteinte osseuse, constante, porte surtout sur le scaphoïde, le trapèze, lepremier métacarpien et les phalanges du pouce. Le scaphoïde peut être absent,mais il est le plus souvent déformé : diminué de volume, aminci avecdisparition de son tubercule. Le trapèze est hypoplasique avec quelquefoisune forme allongée inhabituelle. Les diaphyses du premier métacarpien et desphalanges du pouce sont amincies. Dans certains cas, les anomalies plusétendues intéressent la styloïde radiale. Cette topographie évoque une atteintedistale du rayon radial qui comprend radius, scaphoïde, trapèze, premiermétacarpien et phalanges du pouce.La coexistence de malformations musculaires, nerveuses et vasculaires estsignalée au cours des anomalies osseuses du rayon radial[23, 31], dontl’hypoplasie de l’éminence thénarienne représente une forme mineure. Lafonction d’opposition du pouce définit, dans la hiérarchie animale, l’existencede la main : les animaux incapables d’opposition ont des extrémitéssupérieures et non des mains. L’hypoplasie de l’éminence thénar pourraitreproduire chez l’homme des dispositions anatomiques habituelles auxespèces inférieures.

Aplasie des muscles scapulairesUne aplasie du trapèze ou du rhomboïde est présente dans le syndrome deSprengel, associée à une surélévation de l’omoplate et à une faiblesse desmuscles de l’épaule. Les masses musculaires sont souvent rétractées, fixantla tête dans une attitude de torticolis. Parfois, diverses formations voisinesparticipent à la malformation, ce qui évoque une dysplasie régionale.

Absence des muscles abdominaux

L’absence des muscles abdominaux caractérise le syndrome du « ventrepruneau »(prune belly) et donne un aspect plissé à la peau de l’abdomen. Ledéfaut de contraction de ces muscles expliquerait les autres éléments dusyndrome : hydronéphrose avec méga-uretère, cryptorchidisme.Ces diverses anomalies de développement musculaire sont d’origineembryologique et s’installent dès les premières semaines de la vie fœtale. Dela première à la septième semaine, une masse de cellules mésenchymateusesfusiformes comporte les précurseurs des myoblastes présomptifs. Rien nedistingue ces derniers des autres cellules mésenchymateuses, si ce n’est unaspect plus fusiforme. Ils ne sont pas capables de fusion ni de production deprotéines contractiles. Secondairement, ils deviennent myoblastes et ont unaspect effilé, contenant de nombreux ribosomes synthétisant les protéinescontractiles. La prolifération des myoblastes devient intense. Les événementsde transcription nécessaires à la cytodifférenciation débutent. La fusion estalors possible. À ce stade, les cellules mésenchymateuses sont doncpluripotentielles, produisant aussi bien du tissu conjonctif que desmyoblastes. C’est alors que surviennent des maladies locales du mésodermeexpliquant à la fois l’agénésie d’un ou de plusieurs muscles, et parfois l’arrêtde développement d’une partie correspondante du corps. Une nécrose focaleembryonnaire rendrait compte des structures multiples atteintes et de leurrépartition focale dans l’aplasie des muscles thénariens.

Atrophie des muscles paravertébrauxCes formes, mal classées nosologiquement, comportent une atrophie et unefaiblesse des muscles paravertébraux dorsolombaires. On les nomme parfoismyopathies axiales, ou camptocormie, ou syndrome « de la colonnevertébrale fléchie » (bent spine syndrome) [35]. Elles diffèrent de la chute de latête en avant(dropped head syndrome) qui comporte habituellement peud’atrophie musculaire.Le début est progressif chez un adulte ou un sujet âgé, marqué par la chute dutronc en avant lors de la station debout et à la marche. Cette attitudecyphotique est réductible en décubitus. L’examen montre souvent un plicutané longitudinal au-dessus des muscles paravertébraux atrophiques. Lescanner musculaire met en évidence une hypodensité des massesparavertébrales dont le contour est respecté. La biopsie des musclesparavertébraux est habituellement de technique difficile, et les résultats sontpeu significatifs et variables : altérations inflammatoires parfois, lésions detype myopathique, anomalies mitochondriales. De ce fait, la nature même dusyndrome est en discussion bien que le terme demyopathie axialesoit parfoisretenu.

Myosites inflammatoires primitives focales

Polymyosites focales

Les polymyosites localisées s’expriment plus souvent par une tuméfactionmusculaire que par une atrophie[30]. On connaît cependant des cas de myositesinflammatoires primitives focales avec amyotrophie localisée[4, 14]. Cesformes siègent surtout sur le quadriceps. On signale aussi une atrophieassociée des muscles de l’avant-bras et du long supinateur[4] dans laquelle lagêne fonctionnelle est modérée, l’électromyogramme (EMG) comporte desaspects myogènes et des fibrillations, la biopsie montre des signesinflammatoires, et la corticothérapie entraîne une discrète amélioration,surtout biologique, avec diminution des activités de la créatine-kinasesérique. L’amyotrophie reste toujours localisée. Sont également connues[14]

des amyotrophies du membre supérieur, proximal ou distal, et de la logeantéroexterne de la jambe. Dans ces cas, la biopsie du muscle symétrique étaitnormale[14]. Enfin, une atrophie monomélique s’observe également.

Myosites à inclusions

Les myosites à inclusions, de définition morphologique (vacuoles bordées enmicroscopie optique sur la biopsie musculaire, inclusions de 18 nm dediamètre en microscopie électronique), s’expriment souvent au début par uneamyotrophie focale, asymétrique. Dans ces cas, la localisation à certainsmuscles d’une amyotrophie asymétrique a une grande valeur diagnostique,en particulier le quadriceps, les extenseurs ou fléchisseurs des doigts, lesmuscles de la loge antéroexterne de la jambe et le sternocléidomastoïdien[24].Plus tardivement, une extension distale et proximale survient.Certaines formes réalisent des amyotrophies asymétriques et multifocales.Ces formes sont fréquentes. Une faiblesse et une atrophie musculaires

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progressives atteignent progressivement le biceps, le long supinateur, lesextenseurs du poignet d’un côté, les muscles péroniers, mais aussi les musclesde la ceinture pelvienne. Chez d’autres patients, un déficit proximal estassocié à une faiblesse et à une atrophie distale asymétriques. Dans de rarescas, il s’agit d’une atteinte isolée du quadriceps ou d’une atrophie d’unsternocléidomastoïdien.

Un tel tableau chez un homme adulte est assez évocateur en raison de la lenteet inéluctable progression du déficit, de la répartition multifocale de l’atrophieet de la fréquente coexistence d’une aréflexie. Cependant, un diagnosticdifférentiel peut se poser cliniquement, notamment avec certainesneuropathies motrices, par exemple les neuropathies avec bloc de conductionet anticorps antigangliosides, au cours desquelles la topographie de l’atteintemusculaire peut également être multifocale. Les anomalies des vitesses deconduction nerveuse montrant des blocs persistants et l’élévation des titresd’anticorps rectifient alors le diagnostic.

Les amyotrophies focales myogènes sont en définitive rares et correspondentplus souvent à des anomalies de développement qu’à des lésions musculairesprimitives.

Atteintes des troncs nerveux

L’atteinte d’un ou de plusieurs troncs nerveux est, par des mécanismes trèsdivers, à l’origine d’atrophies focales marquées morphologiquement par dessignes de dénervation : fibres anguleuses se réunissant en petits groupes,fibres en cibles, puis tardivement réinnervation avec groupement des fibresde même type.

Neuropathies traumatiques

Le traumatisme entraîne des lésions nerveuses de trois degrés d’intensité :neurapraxie, axonotmésis, neurotmésis. Seuls les deux derniers modes sont àl’origine d’une amyotrophie, car la neurapraxie est une démyélinisationfocale simple n’entraînant pas de dénervation et récupérant en 3 à 10semaines.

L’ axonotmésissurvient surtout après écrasement, overdose chez untoxicomane ou anesthésie. L’exemple le plus fréquent est la paralysie radialepar compression dans la gouttière humérale. La démyélinisation focales’associe à une lésion axonale qui respecte l’épinèvre avec dégénérescencewallérienne, fibrillations, potentiels lents positifs en 2 semaines. Larécupération est variable.

Le neurotmésisrésulte d’une section ou d’un déchirement avec interruptionplus ou moins complète selon trois degrés, de l’axone, de la lame basale, dutissu connectif, entraînant une dégénérescence wallérienne. La régénérationest peu efficace. Une croissance axonale anarchique est à l’origine desyncinésies ou de névromes.

Les lésions traumatiques sont souvent mixtes en cas de lacération, decompression, d’étirement et de lésions dues au froid. Les faisceaux nerveuxsont endommagés à des degrés divers : démyélinisation focale avec bloc deconduction, dégénérescence wallérienne, altération de la perméabilitévasculaire, œdème endoneural, hémorragie de l’endonèvre et de l’épinèvre.La récupération dépend de l’étendue du traumatisme nerveux. Lesamyotrophies définitives sont souvent importantes et correspondentparfaitement au territoire d’innervation, accompagnées ou non de troublessensitifs ou autonomes selon le tronc nerveux atteint.

Compressions et constrictions nerveuses

Les compressions nerveuses provoquent une distorsion de la myéline qui serétracte le long des internodes. La dégénérescence wallérienne entraîne uneatrophie axonale distale avec dégénérescence rétrograde. Le tissu connectifendo- et périneural s’épaissit avec œdème et prolifération collagénique. Lerôle de l’ischémie est incertain. La compression, pression continue d’une zonelocalisée, la constriction, réduction de calibre due aux tissus adjacents,l’ entrapment[10] ou « prise au piège », distorsion mécanique par une bandefibreuse ou des tunnels ostéofibreux, sont trois mécanismes différents.

Anomalies congénitales

Des anomalies congénitales diverses sont facteurs de prise au piège :musculaires (fléchisseurs des doigts, lombricaux, muscle épitrochléen),bandes fibreuses (ligament de Struthers, dont le point de départ est un éperon

osseux supracondylien, lacertus fibrosus dans l’éminence des pronateurs,arcade de Frohse étirant le nerf interosseux postérieur).

Les côtes cervicales s’accompagnent parfois d’amyotrophiesthénariennes[19]. Ces amyotrophies sont encore dites « atrophies thénariennespartielles » de Wilson. Cette dénomination rend compte de la sélectivitéparticulière de l’atrophie pour le versant externe de l’éminence thénar, carsont surtout atteints les muscles opposant et abducteur. L’atrophie est uni- oubilatérale. Elle entraîne peu de gêne fonctionnelle, au maximum quelquesparesthésies d’effort. La radiologie met en évidence la côte cervicale. Lamême valeur doit être accordée à une apophysomégalie de C7. Ces formessont d’excellent pronostic. Elles s’aggravent peu. De ce fait, il ne convientpas de les opérer, d’autant que les résultats de ces interventions sont trèsaléatoires.

Au cours de l’hypersensibilité congénitale des troncs nerveux à lapression[3, 15] (neuropathies tomaculaires ou allantoïdiennes[29]),l’hypermyélinisation, bien que diffusément répartie, a une expression focalepar compression dans les défilés, et dans le cadre de ces atteintes focales, iln’est pas rare que des amyotrophies localisées persistent après l’épisodeparalytique. Reconnaître leur origine est possible lorsque l’on a la notiond’épisodes tronculaires récidivants (prédominant sur les troncs nerveuxdistaux, favorisés par un facteur postural, indolents et en général régressifs),d’un facteur familial (avec une transmission de type autosomique dominant).L’amyotrophie séquellaire est surtout fréquente dans le territoire cubital.

L’EMG est un élément important du diagnostic. Des tracés de dénervationsont présents dans les territoires déficitaires, parfois étendus à des territoiresvoisins, surtout dans les muscles distaux. Les activités spontanées témoignantd’une dégénérescence axonale sont présentes dans ces formesamyotrophiques. Les vitesses de conduction nerveuse motrice et sensitivesont diminuées, témoignant de l’altération de la gaine de myéline. Ladiminution siège électivement dans les défilés anatomiques. L’augmentationdes latences distales motrices dans les nerfs médians contraste avec uneaugmentation moindre dans les nerfs cubitaux. La latence des ondes F,affectée par les lésions segmentaires, quelle que soit leur répartition sur lemotoneurone, est augmentée aux quatre membres.

Un épaississement myélinique focal en forme de « petites saucisses »(tomacules ou allantoïdes) est visible sur les coupes transversales du nerf,prélevé par biopsie. La gaine de myéline, très épaissie, est concentrique,parfois latéralisée par rapport à l’axone qu’elle entoure avec de nombreusesboucles redondantes externes, fusionnées ou apposées, formant des spirales,avec un nombre variable de lamelles. En microscopie électronique,l’hypermyélinisation est visible sous forme d’épaississements concentriquesde myéline compacte, avec de nombreux enroulements de bouclesredondantes, souvent monstrueuses, fusionnant progressivement[28].

Actuellement, on préfère à une biopsie nerveuse une étude de génétiquemoléculaire qui met en évidence une délétion de 1,5 mégabase sur lechromosome 17, le produit génique anormal étant la protéine myéliniquePMP22.

Prise au piège dans les défilés

L’exemple le plus caractéristique est la compression du nerf médian. Sonatteinte entraîne parfois une atrophie élective des muscles de l’éminencethénarienne. Il peut s’agir d’une fonte musculaire profonde portant surl’opposant, le court fléchisseur et le court abducteur. Il peut aussi bien s’agird’un simple méplat, ce qui s’explique par une innervation commune avec lecubital. À l’examen, l’opposition et l’abduction sont surtout diminuées. Lepouce est éversé en légère adduction. L’amyotrophie est surtout marquée parune atteinte précoce du court abducteur et de l’opposant. Elle est souventprécédée par des troubles sensitifs. En fait, la sémiologie est variable et cettevariabilité est fonction de plusieurs facteurs. D’abord, dans une compressionnerveuse, les fibres superficielles sont les plus atteintes et elles protègent lesfibres profondes qui restent intactes. De plus, les fibres myéliniques de granddiamètre sont moins résistantes à la pression que les fibres de petit calibre.Cette notion explique la précession des paresthésies. Les signes orientant surl’origine carpienne de l’atrophie sont parfois très modérés. La provocation deparesthésies par pression, percussion ou mobilisation du poignet estinconstante. La manœuvre du garrot a une faible valeur. Le signe de Koppelet Thomson est parfois présent. Il s’agit de l’impossibilité de rotation de lapremière phalange du pouce dans la manœuvre d’opposition. On ne doit pasattendre la constance d’anomalies électrophysiologiques. En effet, ladiminution de la vitesse de conduction motrice implique une invagination de

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la gaine de myéline recouvrant les nœuds de Ranvier. Or l’expérimentationmontre que la force de compression doit dépasser 100 mm de mercure pourque cette invagination se produise.

Les formes familiales amyotrophiantes du syndrome du canal carpiens’accompagnent d’atrophie thénarienne souvent bilatérale[36]. Latransmission est de type autosomique dominant, mais ces formes n’ont pasété étudiées du point de vue génétique.

Des causes d’erreurs sont à connaître dans le diagnostic d’amyotrophie dusyndrome du canal carpien, en particulier l’existence d’amyotrophiespostcarpiennes en relation avec un syndrome acromédian, ces cas comportanthabituellement une atrophie et des fasciculations dues à une compression,souvent professionnelle, de la branche thénarienne du nerf médian.

Des compressions multiples portant sur plusieurs niveaux du nerf médian,décrites sous le nom de syndrome dedouble crush, pourraient rendre comptede certains échecs de la chirurgie. Dans ces cas, on doit rechercher unecompression en amont, par exemple sur une racine ou sur un plexus, dontl’origine est souvent un traumatisme antérieur.

Autant les amyotrophies thénariennes en relation avec une atteinte du nerfmédian sont fréquentes et importantes, autant les atrophies d’origine cubitalesont modérées, entraînant surtout une perte de l’adduction du pouceextériorisée par le signe de Froment.

Une forme d’amyotrophie focale originale a récemment été observée chez unsportif dont la musculature développée avait comprimé, lors des exercicesrépétés, le nerf du vaste externe, à l’origine d’une atrophie de ce muscle.

La paralysie isolée du grand dentelé est à séparer de la névralgieamyotrophique de l’épaule. Les principaux caractères sont le début aigu,après une période douloureuse de 8 à 10jours, la constitution d’une gouttièrescapulothoracique avec affaissement du moignon de l’épaule, effacement descreux axillaire et sous-claviculaire, diminution de l’abduction-rotation del’omoplate, douleur à la pression du nerf, à l’union de la ligne axillaire et duquatrième espace intercostal, et la ténacité fréquente des troubles. L’évolutionest habituellement progressive et chronique. Le mécanisme semble en êtreune compression des origines du nerf dans la traversée du scalène moyen ouune compression du nerf à son passage sur la deuxième côte. La causehabituellement invoquée est une pression prolongée sur l’épaule par le portd’une charge, ou encore une bursite par atteinte de la bourse sous-scapulaireou serratoscapulaire. On conçoit cependant que des formes spontanémentrégressives de cette neuropathie mécanique les aient fait parfois inclure dansle cadre des amyotrophies névralgiques de l’épaule.

La paralysie douloureuse isolée du nerf sus-scapulaire est à l’origine d’uneamyotrophie bifocale.Aux douleurs des fosses sus- et sous-épineuses pouvantirradier vers le cou, s’associent une amyotrophie et un déficit des muscles sus-et sous-épineux, dont l’évolution, ici encore, est prolongée, l’atrophiemusculaire pouvant être définitive. L’adduction croisée des bras exalte ladouleur. C’est lecross-body adduction test. Ce syndrome est dû à unecompression du nerf sus-scapulaire dans l’échancrure coracoïdienne ; ilappartient donc à la pathologie des défilés, ce que peut confirmer ladiminution des douleurs par infiltration d’anesthésiques locaux et decorticoïdes. Ce test thérapeutique justifie, si la symptomatologie se prolonge,la libération chirurgicale du nerf.

Les autres formes de neuropathie par prise au piège s’expriment plus par destroubles sensitifs ou moteurs que par une amyotrophie.

Neuropathies focales diabétiques

Diverses neuropathies focales ou multifocales surviennent au cours dudiabète sucré. À côté des mononeuropathies crâniennes, se situent desneuropathies des intercostaux, les neuropathies motrices proximalesasymétriques, les neuropathies par compression par prise au piège. Cesatteintes surviennent chez des diabétiques adultes ou âgés avec un diabèteancien. De ce fait, une sémiologie polyneuropathique, sensitivomotrice ouautonome, coexiste parfois. Dans l’ensemble, le pronostic de ces formesfocales est plutôt favorable, avec une récupération plus ou moins complète.

Neuropathie motrice proximale

Ce terme général préférable à celui, ambigu, souvent utilisé d’« amyotrophiediabétique »[1, 13], réunit les formes symétriques, non envisagées ici, et lesformes asymétriques. Le terme d’amyotrophie diabétique[11] correspondait àune faiblesse et à une amyotrophie asymétriques avec aréflexie dans desdiabètes récents. Mais des observations très diverses ont créé une certaine

confusion clinique quant à la durée des symptômes, la symétrie, l’importancede l’atteinte distale et des troubles sensitifs, la présence ou l’absence dedouleur, l’importance de l’amaigrissement. Aussi, le terme d’amyotrophiediabétique est-il remplacé par celui de « neuropathie motrice proximale »[1].Cette neuropathie survient chez des adultes ayant dépassé la cinquantaine,avec un degré variable de durée et de sévérité du diabète (qui parfois mêmeest révélé par la neuropathie) et la présence ou l’absence d’autrescomplications.Le début est parfois brutal, en 1 ou 2 jours, parfois subaigu, constitué en 1 ouplusieurs semaines. L’amyotrophie unilatérale est le signe majeur (ce quijustifiait le terme d’amyotrophie diabétique), suivant de 2 à 3semaines unefaiblesse musculaire focale. L’amyotrophie porte sur le quadriceps,l’iliopsoas et l’adducteur de la cuisse. L’aréflexie rotulienne estproportionnelle à l’importance de l’atrophie. Les muscles de la logepostérieure de la cuisse et les gastrocnémiens sont atteints dans la moitié descas. Les conséquences fonctionnelles sont l’instabilité du genou, unedifficulté au maintien de la station debout et à la marche, une gêne particulièredans les marches d’escalier.Bien que certains cas aient été rapportés comme neuropathie fémorale[8, 12],on estime habituellement que l’atteinte proximale est plus globale (plexulaireou radiculaire) avec une atrophie du psoas et de l’adducteur innervé par le nerfobturateur.La douleur est quasi constante, profonde, permanente, sévère, exacerbée lanuit avec une composante de brûlure. Parfois, elle débute dans la régionlombaire ou dans la fesse ou s’étend de la hanche au genou. Malgré sonintensité, son pronostic est favorable. Elle ne s’accompagne habituellementpas de signes sensitifs objectifs.On sépare parfois deux groupes selon la coexistence ou non d’unepolyneuropathie sensitive[38]. Dans la première éventualité, le début est plusprogressif, l’amyotrophie, bien qu’asymétrique, est bilatérale, la perte depoids est plus importante, le diabète est insulinodépendant,l’électrophysiologie montre une dénervation des muscles paravertébraux,tous caractères qui sont absents dans les formes sans polyneuropathie.Bien qu’une origine myogène ait été soupçonnée, l’EMG montre unedénervation, la vitesse de conduction est réduite dans le nerf fémoral.Dans l’ensemble le pronostic est favorable et la récupération survient en 1à 2 ans.L’origine de cette neuropathie est mal connue. Les autopsies, rares, montrentdes micro-infarctus dans la portion proximale des troncs nerveux portant surles faisceaux de petit diamètre, en relation avec une occlusion des petitsvaisseaux de l’épinèvre. Une origine ischémique de la neuropathie apparaîttrès probable et vérifiée par biopsie des nerfs sensitifs[18].

Neuropathies des intercostaux

Elles sont essentiellement douloureuses et comportent peu d’amyotrophie.Aumaximum, une dénervation est présente dans les muscles intercostaux.Parfois une atrophie et surtout une laxité des muscles de l’abdomenentraînent, surtout en position debout, une déformation ipsilatérale de celui-ci [7]. Une dénervation des muscles paraspinaux est quasi constante. Uneorigine ischémique est probable.

Neuropathies diabétiques par compression ou prise au piège

Identiques aux autres neuropathies de ce type, elles sont fréquentes au coursdu diabète, portant surtout sur les nerfs médian et cubital.Enfin, sont à rapprocher des neuropathies diabétiques amyotrophiantes, lesformes amyotrophiques des neuropathies ischémiques focales qui sont desvasculites des petites artères, à l’origine de dégénérescence centroaxonale.

Infection, inflammation, dysimmunité

Les neuropathies zonateuses sont à l’origine d’amyotrophies unilatérales, enparticulier des muscles de la main, correspondant au territoire de l’éruption etsurvenant quelques jours après elles. Une algoneurodystrophie est souventassociée. La récupération est lente, fonction de la remyélinisation. Chez unmême sujet, le degré d’amyotrophie peut varier considérablement parmi lesmuscles innervés par la même racine motrice. En cas d’atteinte des derniersnerfs intercostaux dorsaux, une atteinte focale des muscles de la paroiabdominale se traduit par l’amincissement en bande unilatérale des musclesabdominaux, et par une déformation oblique de l’abdomen en positiondebout.

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Les neuropathies par infection par le virus de l’immunodéficien humaine(VIH) sont souvent multifocales, mais plus sensitives que motrices. Lesneuropathies à virus HTLV-1 (human T-cell lymphoma virus) sont plussouvent amyotrophiantes.La lèpre est à l’origine d’amyotrophies focales, soit au cours de la lèpretuberculoïde atteignant les nerfs médian et cubital (avec une atrophie de typeAran-Duchenne, très évocatrice si elle s’associe à des mutilations digitales)ou sciatique poplité externe, soit au cours de la lèpre lépromateuse, enparticulier dans le territoire cubital.Diverses neuropathies dysimmunes sont à l’origine d’amyotrophies focales,en particulier dans leurs formes axonales. Au cours de la périartérite noueuseet des vasculites nécrosantes, l’amyotrophie, obéissant à une topographietronculaire, s’associe à des troubles sensitifs. Les séquelles trophiques sontfréquentes.Les formes les plus importantes sont les neuropathies multifocales avec blocsde conduction persistants[6]. Plus fréquentes, et chez l’homme, elles débutentsouvent avant 45 ans. L’atteinte motrice est paralytique ou amyotrophique oules deux. Elle siège dans le territoire d’un tronc nerveux : médian, cubital,radial au membre supérieur, à prédominance distale, quoiqu’à la main elle soitsouvent confluente sans topographie tronculaire. Au membre inférieur, elleporte surtout sur le nerf sciatique poplité externe avec une amyotrophiepéronière. Des cas d’hémiatrophie linguale sont connus. Crampes etfasciculations sont fréquentes. Les réflexes tendineux sont diminués ouabolis. Il n’y a pas de troubles sensitifs. L’étude des vitesses de conductionnerveuse montre des blocs de conduction sur les nerfs moteurs, témoignantd’une démyélinisation focale. Les titres d’anticorps anti-GM1 sont souventélevés[22]. Les immunoglobulines par voie veineuse entraînent dans beaucoupde cas une amélioration de la paralysie et de l’amyotrophie avec cependantdes récidives[2].

Atteinte des plexusUne atteinte plexulaire est très fréquemment le point de départ d’uneamyotrophie focale, dans des circonstances très diverses.

Plexopathies traumatiquesElles sont surtout importantes pour le plexus brachial.

Plexus brachial

Les traumatismes ouverts ont été observés surtout en temps de guerre, leslésions de la région sus-claviculaire atteignant les troncs primaires supérieuret moyen. Inversement, les lésions de la région sous-claviculaire ou del’aisselle portent surtout sur le tronc primaire inférieur ou sur le troncsecondaire du plexus brachial. Ces dernières sont habituellement plus gravesen raison de lésions importantes des gros vaisseaux à l’origine d’hémorragieselles-mêmes compressives. L’amyotrophie est importante et souventdéfinitive.Les traumatismes fermés sont le plus souvent causés par une élongation duplexus. La répartition des lésions dépend en grande partie de la position dumembre supérieur lors de l’accident. Ainsi, les traumatismes qui abaissentbrutalement le moignon de l’épaule tout en écartant la tête et le cou du côtéopposé, comme par exemple au cours d’une chute de motocyclette, lèsent la5e et la 6e racine cervicale. C’est la raison la plus commune des paralysiespartielles du plexus brachial d’origine traumatique. Lorsque le bras est enabduction lors de la chute, ce sont surtout la 7e et la 8e cervicale ainsi que la1re racine dorsale qui sont mises en tension. Lorsque se produit une tractiondu bras en abduction, la lésion porte sur le territoire de la 8e cervicale et de la1redorsale. Les fractures et les luxations sont également à l’origine de lésionsimportantes du plexus brachial. En particulier les luxations de l’épaule sont àl’origine de lésions du plexus inférieur qui peut être étiré, comprimé,contusionné ou lacéré. Les fractures de la grande tubérosité sont souvent encause. Les lésions de la partie inférieure du plexus brachial (paralysie deDejerine-Klumpke) comportent une paralysie assez globale de la main avecamyotrophie médiocubitale et évolution vers une main en « griffe ».En matière d’arrachement, on sépare les lésions du plexus lui-même de cellesdes racines cervicales. Le pronostic est plus grave si l’arrachement a porté surles racines.Les plexopathies postanesthésiques sont peu atrophiantes. Les plexopathiesradiques entraînent souvent une amyotrophie de la main homolatérale avecfasciculations par dégénérescence wallérienne distale.

Les paralysies obstétricales du plexus brachial sont actuellement rares. Laraison en était liée d’une part à la taille du fœtus, d’autre part à l’utilisationd’instruments de délivrance. L’atteinte la plus fréquente, de type Duchenne-Erb, entraîne une atrophie des muscles innervés par la 5e et la 6e racinecervicale. Les lésions apparaissent immédiatement après la naissance. Il estplus rare d’observer une atteinte plexulaire totale ou plexulaire inférieure. Lacroissance du membre supérieur est souvent retardée, la taille du membrediminuée, le pouls de faible amplitude.

Plexus lombosacré

Il est moins souvent le siège de lésions traumatiques car il est profond et bienprotégé, à l’inverse du plexus brachial. Lorsqu’un traumatisme grave dubassin se produit, l’atteinte du plexus est noyée parmi d’autres atteintesviscérales, en particulier urinaires ou intestinales. L’atteinte plexulaire peutêtre méconnue si les muscles adducteurs et fessiers ne sont pas examinés, etle diagnostic peut être celui d’une simple atteinte sciatique.

Seuls les traumatismes chirurgicaux sont relativement fréquents. Ilsentraînent, par un mécanisme mal connu, des lésions du plexus lombosacré.Ainsi, lors d’une hystérectomie, une plexopathie se constitue parfois avecatteinte de la face antérieure de la cuisse. Elle est due tantôt à un étirement ouà une compression des filets nerveux par un écarteur placé dans la région dupsoas, tantôt, et c’est le cas lors des hystérectomies vaginales, parcompression du crural, en particulier si la patiente est dans une attitude cuissesfléchies et en rotation externe. De même, la chirurgie de l’articulation de lahanche est parfois en cause. La récupération se fait en quelques mois ou enquelques années. Lors des accouchements, le plexus lombosacré peutégalement être atteint.

De rares plexopathies lombosacrées postradiques entraînent une amyotrophiede la cuisse ou de la jambe avec myokymies.

Tumeurs

Diverses compressions tumorales sont susceptibles d’entraîner uneamyotrophie focale, en particulier atrophie des muscles de la main en cas desyndrome de Pancoast-Tobias lié à un cancer de l’apex pulmonaire.

Un hématome du psoas, après traitement anticoagulant, est à l’origine d’uneamyotrophie douloureuse du quadriceps.

Compressions chroniques

Certaines sont à l’origine d’amyotrophies focales. Une amyotrophie de lamain survient dans certains cas de compression du défilé cervicobrachial,dont le diagnostic doit toujours être examiné avec réserve car cette cause estrare, contrairement à une opinion commune, et est justiciable d’une ablationde la première côte. Elle diffère des amyotrophies thénariennes en relationavec une côte cervicale, qui ne nécessitent pas de traitement chirurgical.

Plexites inflammatoires

Elles sont surtout fréquentes sur le plexus brachial.

Atteintes secondaires

Une amyotrophie scapulaire par atteinte du plexus brachial s’observe dans desinfections très diverses, qu’il s’agisse d’infections locales comme un panarisou une infection du membre supérieur, ou d’infections à distance, notammentamygdaliennes ou dentaires. La tuberculose et la syphilis, rares,provoqueraient une thrombose de la veine sous-clavière. Parmi les autrescauses infectieuses, sont à retenir la mononucléose infectieuse et latoxoplasmose.Au cours des toxicomanies, l’injection intraveineuse d’héroïneest à l’origine de douleurs et de déficit, principalement dans les musclesinnervés par le tronc supérieur et le tronc antéro-interne du plexus brachial.

Les paralysies vaccinales ou sériques du plexus brachial sont rares.L’antitoxine tétanique administrée à titre préventif est la moins rare, maisd’autres variétés de sérothérapie sont également susceptibles d’entraîner cetype d’atteinte. La sémiologie, survenant 3 à 10jours après l’injection desérum est faite de douleurs importantes, de déficit et d’atrophie, notammentdans le territoire de la partie supérieure du plexus brachial. L’atteinte est uni-

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ou bilatérale. Elle ne se fait pas forcément du côté où le sérum a été injecté.Quant aux neuropathies vaccinales, elles apparaissent soit après la premièreinjection, soit plus souvent après la seconde ou la troisième injection. Lavaccination en cause est surtout antityphoïdique, antivariolique ouantitétanique. La vaccination antigrippale est parfois invoquée.

Névralgie amyotrophiante de l’épaule

La névralgie amyotrophiante de l’épaule ou syndrome de Parsonage etTurner[39] est de loin la plus fréquente. Elle survient surtout chez l’adulte entre25 et 50 ans. L’homme est atteint deux fois plus souvent que la femme. Dansla moitié des cas, aucun facteur apparent n’est décelé. Dans l’autre moitié descas, un épisode traumatique ou infectieux précède le début, de 3 semaines à1 mois. Une douleur scapulaire aiguë apparaît brutalement, souvent la nuit ouau réveil, localisée à la région de l’épaule, irradiant souvent au bras, parfois àl’avant-bras, dans la région cervicale. Elle est parfois bilatérale. La douleurest intense, diurne et principalement nocturne, à l’origine d’une insomnie,profonde, lancinante. Elle subit parfois des recrudescences, notamment lorsdes mouvements du membre supérieur. Sans transition après 1 à 2semainesmais parfois avec une courte période de chevauchement, la douleur fait placeà une paralysie et à une amyotrophie d’un ou de plusieurs muscles de l’épaule,qui se constituent souvent en moins de 15 jours, parfois en 3 semaines ou plus.La paralysie, flasque, est de type périphérique, avec une amyotrophied’installation rapide dont la distribution est élective, les muscles le plussouvent concernés étant le grand dentelé, le deltoïde, les sus- et sous-épineux,également le biceps et le triceps. D’autres muscles sont plus rarement atteints,en particulier le trapèze, le rhomboïde, le sous-scapulaire, le grand pectoral etle sternocléidomastoïdien, parfois l’atrophie se localise à des muscles àdistance de l’épaule, notamment le brachial antérieur[32]. L’amyotrophie estsouvent massive, et le décollement de l’omoplate, parfois décelé par unproche, est dans certains cas révélateur. Les fasciculations sont rares. Unehypo- ou une aréflexie dans la topographie correspondant à la paralysie sontfréquentes. La régression survient spontanément dans un délai de l’ordre de6 mois, sans séquelles souvent, mais parfois incomplète, laissant dans environ10 à 20 % des cas persister le déficit d’un muscle, principalement le granddentelé[25].

Les formes familiales de névralgie amyotrophiante répondent à unetransmission autosomique dominante. Elles débutent également par unephase douloureuse suivie d’amyotrophie scapulaire. Les muscles atrophiéssont essentiellement les muscles proximaux innervés par le tronc supérieurdu plexus brachial. L’évolution se fait sur des semaines et des mois.L’amyotrophie s’accompagne parfois de fasciculations. Une lenteamélioration apparaît en 1 ou 2 ans. Cette longueur d’évolution différencieles formes familiales des formes sporadiques qui sont habituellement plusrapides dans la régression. De même, les rechutes et récidives sont fréquentes.Une atteinte des membres inférieurs dans le territoire du plexus lombosacréconstitue exceptionnellement de véritables plexopathies lombosacrées. Desatteintes bilatérales sont également signalées. L’élément le pluscaractéristique des formes familiales est la présence de dysmorphies,épicanthus, bec-de-lièvre, syndactylie et surtout hypotélorisme. Des facteursétiologiques sont parfois mis en évidence : infectieux, vaccinaux. Lacirconstance le plus fréquemment signalée est la grossesse. Le plus souvent,c’est après l’accouchement, quelques heures ou quelques jours après, ques’installe l’épisode de douleur scapulaire suivi rapidement de paralysie.L’accouchement lui-même s’est habituellement déroulé dans des conditionsnormales. Le diagnostic de ces formes familiales doit impérativement être faitavec celui d’une variété assez proche cliniquement : l’hérédopathietomaculaire du plexus brachial[27] qui s’inscrit dans le cadre des neuropathieshéréditaires avec hypersensibilité à la pression. Ces formes diffèrentsensiblement bien qu’elles répondent également à une transmission de typeautosomique dominant, liée à une délétion du chromosome 17. Les atteintesdu plexus brachial ne sont, au contraire des précédentes, que l’expressionlocalisée de l’atteinte plus diffuse signalée précédemment. Le début se faitsouvent le matin au réveil, favorisé par une posture anormale ou par un facteurprofessionnel. L’atteinte, habituellement strictement indolore, s’accompagneau maximum de paresthésies. L’amyotrophie de l’épaule témoigne le plussouvent d’une atteinte plexique, de topographie haute C5-C6 ou encore detopographie globale. La régression se fait de façon plus ou moins complète enquelques semaines ou quelques mois. Le caractère familial, l’absence dedouleurs et la notion d’épisodes antérieurs permettent habituellement lediagnostic[33].

Atteintes radiculaires

De très nombreuses amyotrophies focales unilatérales ressortissent à la lésiond’une racine nerveuse. Il va de soi que toute compression aiguë ou chroniqued’une racine motrice est susceptible de causer ce type d’atteinte. Les plusfréquentes sont les compressions discales et les tumeurs surtout bénignes,neurinomes, méningiomes. La topographie de l’amyotrophie, l’association desymptômes et de signes radiculaires, la neuro-imagerie permettenthabituellement le diagnostic.

Au membre inférieur, une amyotrophie persistante, en général unilatérale,souvent confluente, associée à une aréflexie achilléenne et parfois à destroubles trophiques cutanés, survient au cours de certaines dysraphies :méningocèles, anomalies de la queue de cheval et/ou filum terminale, vestigesmésenchymateux, lipomes.

Atteintes médullaires

De ce cadre sont exclues arbitrairement les amyotrophies localiséessecondaires à des lésions cervicales, myélopathies ou radiculomyélopathiescervicarthrosiques, tumeurs médullaires par exemple.

Sclérose latérale amyotrophique à début focal

Il est fréquent que le début d’une sclérose latérale amyotrophique soit marquépar une atrophie précédant la faiblesse. Les topographies le plus souventrencontrées sont une atrophie thénarienne, ou thénarienne et interosseuseévoluant vers une main d’Aran-Duchenne, une atrophie jambière avecsteppage progressif, parfois une amyotrophie plus ou moins étendue desmuscles de l’épaule. Parfois, une amyotrophie distale du membre inférieurdevient proximale et réalise une atrophie monomélique. Le diagnostic esthabituellement facilité par la rapidité d’évolution, la coexistence de crampes,de fasciculations, d’hyperréflexie, et la diffusion de la dénervation sur l’EMG.

Amyotrophie de la syringomyélie

Elle reste parfois unilatérale et même asymétrique lorsqu’elle se bilatéralise.Elle porte sur les muscles interosseux, thénariens et hypothénariens, évoluantvers une main en « griffe ». La coexistence d’aréflexie et de troublessensitivotrophiques suspendus, et l’imagerie de la moelle cervicalepermettent le diagnostic.

Amyotrophie unilatérale de la diastématomyélie

Une amyotrophie distale unilatérale à extension proximale d’un membreinférieur est associée à un raccourcissement du membre, à des troublessensitivotrophiques unilatéraux comportant parfois un mal perforantplantaire. Une hypertrichose localisée, présente dans la moitié des cas, esthautement évocatrice. Elle forme une touffe de poils en triangle lombaire àbase supérieure, avec pigmentation cutanée sous-jacente. Un éperon osseuxmédian est visible sur les radiographies. La myélographie met en évidence uncône terminal abaissé et surtout une duplication médullaire asymétrique, lecôté atrophique étant ipsilatéral à l’amyotrophie.

Poliomyélite antérieure aiguë

La poliomyélite antérieure aiguë est à l’origine des amyotrophies les plusvariées dans leur topographie. Après la phase initiale, elles se fixent, àl’origine de déformations. Elles s’accompagnent d’aréflexie, defasciculations et de tracés de dénervation sur l’EMG.

Le syndrome postpoliomyélitique[16], dont l’expression topographique estdiverse, se traduit souvent par une amyotrophie focale, se constituant delongues années après la période initiale. On doit remarquer que l’appellationancienne de « poliomyélite antérieure chronique » était née de la constatationselon laquelle une atrophie musculaire progressive pouvait apparaître chezun sujet atteint, de nombreuses années auparavant, de poliomyélite antérieureaiguë. Toutefois, le concept d’amyotrophie postpoliomyélitique tardive s’estactuellement modifié. À côté des formes à type de poliomyélite chronique,sont décrits des tableaux proches de la sclérose latérale amyotrophique, maisd’évolution plus lente, ou encore des formes segmentaires, soit localisées auterritoire initialement atteint, soit le débordant, soit même portant sur unterritoire symétrique réalisant une ou des amyotrophies focales.

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L’âge moyen de survenue du premier épisode est 5 ans, celui du second est45 ans, après un intervalle libre de plusieurs dizaines d’années. L’évolutiondes formes ressemblant à la maladie de Charcot est environ deux fois pluslente que celle de la sclérose latérale amyotrophique, avec des chiffresmoyens de 8,7 ans. Les formes focales paraissent plutôt évoluer vers lastabilisation après quelques mois.La nature du syndrome postpoliomyélitique est en discussion. Il ne s’agit pasd’une reviviscence virale. L’hypothèse d’un remaniement permanent desunités motrices devenant insuffisantes est soulevée. Ces formes sont à séparerdu syndrome musculosquelettique de cause mécanique survenant chezd’anciens poliomyélitiques, ne provoquant pas d’amyotrophie neurogène.

Amyotrophies monoméliques d’originevraisemblablement spinale

Leur statut n’est pas définitivement établi[34]. Certaines amyotrophiesmonoméliques prédominant chez le sujet jeune sont rattachées à une originespinale et considérées comme des expressions monoméliques de maladie dumotoneurone[20]. Ces formes sont parfois dites maladie d’Hirayama. Lamarque clinique de cette dernière est une amyotrophie très focalisée« oblique » unilatérale, ou à prédominance unilatérale, s’étendant du bordcubital de l’avant-bras au-dessous du coude aux muscles interosseux ethypothénariens. La faiblesse musculaire prédomine sur les extenseurs desdoigts, surtout des derniers doigts, et les fléchisseurs du poignet tandis que lapronation est respectée. Il n’y a pas ou peu de troubles sensitifs. Les réflexessont habituellement présents. L’amyotrophie est franchement monoméliquedans plus de la moitié des cas. Elle s’étend parfois aux muscles de la maincontrolatérale mais ne devient jamais symétrique. Un tremblement fin, rapideet dissocié des doigts survient à l’extension du membre supérieur. Unediscrète sémiologie autonome est parfois associée : troubles vasomoteursparticulièrement déclenchés par le froid, syndrome de ClaudeBernard-Horner.L’évolution se fait souvent en deux phases. Le début est insidieux, chez unsujet jeune, par une faiblesse des doigts et une atrophie de la main et del’avant-bras, sans facteur déclenchant apparent. L’augmentation progressetrès lentement, avec souvent une importante faiblesse des doigts. Sonimportance est variable selon les patients. Le processus paraît parfois sestabiliser en 1 à 3ans, parfois en quelques années.Les examens complémentaires apportent quelques arguments en faveur d’uneatteinte de la corne antérieure de la moelle[5]. L’EMG montre une dénervationavec des vitesses de conduction nerveuse motrice et sensitive normales.Parfois la dénervation est présente dans des muscles cliniquement sains,notamment le long supinateur, le biceps, le deltoïde et surtout le triceps. Elleest également fréquente du côté sain en l’absence de toute amyotrophie. Lesmembres inférieurs sont toujours indemnes. Le liquide céphalorachidien estnormal avec parfois une légère hyperprotéinorachie. L’épreuve deQueckenstedt est normale, sauf après hyperflexion de la nuque qui entraîneun retard d’élévation de pression. Une biopsie du muscle grand palmaire aparfois montré des aspects neurogènes caractéristiques : petites fibresanguleuses, groupement de fibres de même type. Les examensneuroradiologiques, surtout dynamiques, feraient apparaître un aplatissementde la moelle cervicale en hyperflexion, attribué à un déplacement en avant dela dure-mère postérieure. Ceci entraînerait une compression de la moelle surle corps vertébral, en particulier de la 6e cervicale, visible sur unemyélographie opaque. De même, le scanner X avec injection de métrizamide

montre un aplatissement antéropostérieur ou antérolatéral de la moelle,exagéré par la flexion et surtout plus marqué du côté de l’amyotrophie. Enfin,les images de résonance magnétique nucléaire comportent un élargissementde l’espace épidural postérieur prédominant dans la région cervicaleinférieure et attribué à une hypothétique congestion du plexus veineuxépidural. Cette origine médullaire a été confirmée dans de rares cas autopsiés :aplatissement de certains segments de la moelle cervicale, raréfaction descornes antérieures de la moelle, atrophie des racines antérieures. L’originepourrait en être non pas une dégénérescence, mais une compression desartères irriguant la corne antérieure de la moelle, lors de la flexion de la tête.Mais ceci demande confirmation. Selon certains[5], la maladie d’Hirayama estun syndrome pouvant relever d’un mécanisme précis, en particulier d’uneneuropathie à anticorps antigangliosides. Les immunoglobulines par voieveineuse ont été efficaces dans ces derniers cas.

Téphromalacie des cornes antérieures de la moelle

Ce concept ancien définit une forme bénigne encore appelée « atrophiethénarienne diffuse non évolutive des sujets âgés ». Cette atrophie se retrouvesous diverses dénominations dans la littérature : atrophie isolée nonprogressive des petits muscles de la main de Pierre Marie et Foix,amyotrophie thénarienne non évolutive du vieillard de Jean Lhermitte,téphromalacie des cornes antérieures de la moelle, atrophie thénariennepartielle de Wartenberg. Ce type d’atrophie, isolée et indépendante de toutsigne neurologique, est communément attribué à une atteinte localisée descornes antérieures de la moelle, qui sont le siège d’une raréfaction neuronale.L’EMG met en évidence des aspects neurogènes. Toutefois, certains de cescas auraient une origine carpienne.

Origine cérébrale

De telles formes sont exceptionnelles. Parfois dites syndrome de Silverstein,elles se manifestent par une amyotrophie d’une main consécutive à uneatteinte du lobe pariétal. Elles sont interprétées comme des amyotrophiestranssynaptiques[26]. La lésion initiale est ischémique ou métastatique.

•• •

Ainsi apparaît la complexité et la diversité des amyotrophies focales. Ilest des cas où la focalisation est véritablement anarchique (parexemple la poliomyélite antérieure aiguë, la neuropathie multifocaleavec blocs de conduction, la myosite à inclusions). D’autres fois, elleest segmentaire (atrophie monomélique). Le plus souvent, elle estrégionale et soulève alors d’importantes questions de diagnosticdifférentiel : amyotrophie de l’épaule (syndrome de Parsonage etTurner, paralysie plexique, atteinte sérique, paralysie du granddentelé), amyotrophie thénarienne (canal carpien, sclérose latéraleamyotrophique, syndrome du défilé thoracobrachial, côte cervicale),amyotrophie quadricipitale (compression du crural, diabète),amyotrophie péronière (neuropathie compressive, dystrophie distale).Parfois enfin, elle se limite à un seul muscle (agénésie, myosite focale).Dans tous les cas, au-delà du diagnostic, il convient de séparer lesformes d’évolution bénigne ou sévère et d’individualiser cellesjusticiables d’une thérapeutique médicale ou chirurgicale.

Références ➤

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AMYOTROPHIES FOCALES Neurologie17-044-B-10

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