Amplification d'impulsions brèves de haute énergie par ... · Listedesacronymesetdesvariables...

139
Amplification d’impulsions brèves de haute énergie par effet Raman stimulé dans les fibres optiques Mémoire Maxime Hardy Maîtrise en physique Maître ès sciences (M.Sc.) Québec, Canada © Maxime Hardy, 2016

Transcript of Amplification d'impulsions brèves de haute énergie par ... · Listedesacronymesetdesvariables...

Amplification d’impulsions brèves de haute énergiepar effet Raman stimulé dans les fibres optiques

Mémoire

Maxime Hardy

Maîtrise en physiqueMaître ès sciences (M.Sc.)

Québec, Canada

© Maxime Hardy, 2016

Résumé

Le développement au cours des dernières décennies de lasers à fibre à verrouillage demodes permet aujourd’hui d’avoir accès à des sources fiables d’impulsions femtosecondes quisont utilisées autant dans les laboratoires de recherche que pour des applications commerciales.Grâce à leur large bande passante ainsi qu’à leur excellente dissipation de chaleur, les fibresdopées avec des ions de terres rares ont permis l’amplification et la génération d’impulsionsbrèves de haute énergie avec une forte cadence. Cependant, les effets non linéaires causés parla faible taille du faisceau dans la fibre ainsi que la saturation de l’inversion de populationdu milieu compliquent l’utilisation d’amplificateurs fibrés pour l’obtention d’impulsions brèvesdont l’énergie dépasse le millijoule. Diverses stratégies comme l’étirement des impulsions à desdurées de l’ordre de la nanoseconde, l’utilisation de fibres à cristaux photoniques ayant uncœur plus large et l’amplification en parallèle ont permis de contourner ces limitations pourobtenir des impulsions de quelques millijoules ayant une durée inférieure à la picoseconde.

Ce mémoire de maîtrise présente une nouvelle approche pour l’amplification d’impul-sions brèves utilisant la diffusion Raman des verres de silice comme milieu de gain. Il est connuque cet effet non linéaire permet l’amplification avec une large bande passante et ce dernierest d’ailleurs couramment utilisé aujourd’hui dans les réseaux de télécommunications par fibreoptique. Puisque l’adaptation des schémas d’amplification Raman existants aux impulsionsbrèves de haute énergie n’est pas directe, on propose plutôt un schéma consistant à transférerl’énergie d’une impulsion pompe quasi monochromatique à une impulsion signal brève étiréeavec une dérive en fréquence. Afin d’évaluer le potentiel du gain Raman pour l’amplificationd’impulsions brèves, ce mémoire présente un modèle analytique permettant de prédire les ca-ractéristiques de l’impulsion amplifiée selon celles de la pompe et le milieu dans lequel elles sepropagent. On trouve alors que la bande passante élevée du gain Raman des verres de siliceainsi que sa saturation inhomogène permettent l’amplification d’impulsions signal à une éner-gie comparable à celle de la pompe tout en conservant une largeur spectrale élevée supportantla compression à des durées très brèves. Quelques variantes du schéma d’amplification sontproposées, et leur potentiel est évalué par l’utilisation du modèle analytique ou de simulationsnumériques. On prédit analytiquement et numériquement l’amplification Raman d’impulsionsà des énergies de quelques millijoules, dont la durée est inférieure à 150 fs et dont la puissancecrête avoisine 20 GW.

iii

Abstract

The development in the last decades of mode-locked fiber lasers resulted in the avail-ability of reliable sources of femtosecond pulses that are both used for fundamental researchand commercial applications. The wide gain bandwidth and excellent heat dissipation of rare-earth-doped optical fibers have made possible the amplification and generation of high-energyultrashort pulses with high repetition rates. However, phenomena such as nonlinear effects dueto the small size of the beam and saturation of the population inversion in the gain mediumtend to complicate their use for the amplification of pulses to energies exceeding the millijoule.Several strategies such as stretching the pulses to durations over the nanosecond, using pho-tonic crystal fibers that have a wider core and parallelization have been used to circumventthese limitations, leading to pulses of a few millijoules with durations lower than a picosecond.

This master’s thesis presents a novel approach for amplification of ultrashort pulsesusing stimulated Raman scattering in silica fibers as a gain mechanism. It is well known thatthis nonlinear effect allows the amplification with a wide bandwidth, such that it is nowadayscommonly used in optical-fiber telecommunication networks. Because the adaptation of exist-ing Raman amplification schemes to high-energy ultrashort pulses is not straightforward, wepropose instead to transfer energy from a quasi-monochromatic pump pulse to a copropagatingultrashort signal pulse, stretched to comparable durations with a frequency chirp. In order toevaluate the potential of the Raman gain for the amplification of ultrashort pulses, this thesispresents an analytical model allowing the prediction of the amplified pulse’s features, depend-ing upon those of the pump and upon the medium in which they are propagated. We thus findthat the wide bandwidth of the Raman gain in silica glass, in addition to its inhomogeneoussaturation, allows the amplification of signal pulses to energies of the same magnitude thanthat of the pump, while keeping their spectrum wide enough to support their compressionto ultrashort durations. A few variants of the amplification scheme are presented, and theirpotential is evaluated using the analytical model or numerical simulations. We predict ana-lytically and numerically the Raman amplification of pulses to energies of a few millijoules,whose durations are lower than 150 fs and having peak powers close to 20 GW.

v

Table des matières

Résumé iii

Abstract v

Table des matières vii

Liste des figures ix

Liste des acronymes et des variables xi

Remerciements xvii

Introduction 1

1 Propagation non linéaire d’impulsions brèves dans les fibres optiques 51.1 Modélisation de la propagation selon l’équation de Schrödinger non linéaire 71.2 Dérive en fréquence (chirp) d’une impulsion . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91.3 Dispersion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111.4 Effet Kerr . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141.5 Amplification par des fibres dopées à l’ytterbium . . . . . . . . . . . . . . . 201.6 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

2 Diffusion Raman stimulée dans les fibres optiques 272.1 Transfert d’énergie entre deux faisceaux par diffusion Raman stimulée . . . 292.2 Description mathématique de la diffusion Raman stimulée . . . . . . . . . . 302.3 Réponse impulsionnelle et fonction de transfert Raman . . . . . . . . . . . . 322.4 Formalisme de l’amplification Raman d’impulsions . . . . . . . . . . . . . . 372.5 Effet Raman intra-impulsion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 412.6 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

3 Amplification Raman d’impulsions brèves étirées 453.1 Considérations théoriques pour l’amplification Raman en régime saturé . . . 463.2 Modèle analytique pour l’amplification Raman d’impulsions brèves . . . . . 503.3 Influence de l’énergie et du contenu spectral de la pompe sur l’amplification 543.4 Phase de l’impulsion amplifiée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 593.5 Stabilité du processus d’amplification Raman . . . . . . . . . . . . . . . . . 633.6 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65

4 Applications du schéma d’amplification Raman 67

vii

4.1 Schéma de décalage et d’amplification microjoule d’impulsions brèves . . . . 684.2 Adaptation du schéma d’amplification aux très hautes énergies . . . . . . . 744.3 Amplification simultanée de la pompe et du signal . . . . . . . . . . . . . . 784.4 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90

Conclusion 91

A Algorithme et fonctionnement du code de simulation numérique 97A.1 Algorithme de Fourier à pas alternés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97A.2 Discrétisation et transformées de Fourier rapides . . . . . . . . . . . . . . . 100A.3 Implémentation des différents opérateurs dans le code de simulation numérique 101

B Amplification laser dans les fibres dopées à l’ytterbium 105B.1 Population des dopants à l’équilibre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105B.2 Amplification d’impulsions dans les fibres dopées . . . . . . . . . . . . . . . 107

C Approximation de la dérive en fréquence constante durant l’amplifica-tion Raman 113

Bibliographie 115

viii

Liste des figures

1.1 Illustration d’un train d’impulsions brèves . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61.2 Impulsion chirpée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101.3 Automodulation de phase . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151.4 Élargissement spectral par automodulation de phase . . . . . . . . . . . . . . . 191.5 Effet de la dispersion sur l’élargissement spectral . . . . . . . . . . . . . . . . . 201.6 Spectroscopie et sections efficaces des ions d’ytterbium . . . . . . . . . . . . . . 211.7 Gain de l’ytterbium selon l’inversion de population . . . . . . . . . . . . . . . . 25

2.1 Effet Raman . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 282.2 Illustration de la diffusion Raman stimulée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 302.3 Réponse impulsionnelle et fonction de transfert Raman d’un oscillateur amorti 332.4 Modes de vibration du gain Raman . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 352.5 Réponse impulsionnelle et fonction de transfert Raman . . . . . . . . . . . . . . 36

3.1 Effet de la dérive en fréquence sur l’amplification Raman . . . . . . . . . . . . . 483.2 Saturation inhomogène de l’amplification Raman . . . . . . . . . . . . . . . . . 493.3 Simulation de l’amplification Raman pour différents gains . . . . . . . . . . . . 553.4 Simulation de l’amplification Raman pour des pompes ayant différents spectres 563.5 Simulation de l’amplification Raman pour des pompes supergaussiennes . . . . 583.6 Phase de l’impulsion amplifiée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 603.7 Impact de la pompe sur la phase du signal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 613.8 Impulsions comprimées avec pompe supergaussienne . . . . . . . . . . . . . . . 623.9 Fluctuations de la pompe Raman . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64

4.1 Montage proposé pour la génération d’impulsions brèves par effet Raman . . . 694.2 Pompe et signal pour l’amplification Raman microjoule . . . . . . . . . . . . . 714.3 Impulsion signal amplifiée par une pompe provenant du même laser . . . . . . . 724.4 Fibre à cristaux photoniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 744.5 Amplification Raman à haute énergie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 774.6 Schémas pour l’amplification simultanée par effet Raman et par terres rares . . 804.7 Impulsions pompe et signal avant l’amplification simultanée Raman et ytterbium 824.8 Amplification Raman d’impulsions dans une fibre dopée à l’ytterbium . . . . . 834.9 Profils des impulsions comprimées après leur amplification Raman et ytterbium 844.10 Montage proposé pour l’amplification d’impulsions millijoules par effet Raman

dans une fibre de gain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 864.11 Puissances moyenne et populations pour l’amplification à haute énergie . . . . 874.12 Impulsions millijoules comprimées après leur amplification Raman et ytterbium 884.13 Amplification millijoule avec une fibre-tige ayant un dopage plus élevé . . . . . 89

ix

Liste des acronymes et des variables

Acronymes

GVD Dispersion de vitesse de groupe (group velocity dispersion en anglais)

SPM Automodulation de phase (self-phase modulation en anglais)

XPM Modulation de phase croisée (cross-phase modulation en anglais)

SRS Diffusion Raman stimulée (stimulated Raman scattering en anglais)

ASE Émission spontanée amplifiée (amplified spontaneous emission en anglais)

CW Faisceau continu (continuous wave en anglais)

Nd :YLF Laser formé d’un cristal de fluorure d’yttrium-lithium dopé au néodyme

Nd :YAG Laser formé d’un cristal de grenat d’yttrium-aluminium dopé au néodyme

FWHM Pleine largeur à mi-hauteur (full width at half maximum en angalis)

Variables

r, x, y, z Position dans une fibre optique ; la position z est dans la direction de l’axe desymétrie de la fibre optique

t Temps, généralement choisi dans un référentiel en mouvement avec une impulsionde fréquence porteuse ω0, de sorte que t = 0 corresponde au centre de l’impulsion

ω Fréquence angulaire (aussi appelée pulsation)

λ Longueur d’onde dans le vide

Propriétés des impulsions

E(r, t) Champ électrique à la position r et au temps t

A(z, t) Amplitude complexe d’une impulsion, normalisée de telle sorte que le carré de sonmodule corresponde à son profil de puissance P (z, t)

xi

A(z, ω) Amplitude spectrale d’une impulsion, dont le module au carré correspond à la den-sité spectrale de puissance S(z, ω)

P (z, t) Profil de puissance (ou puissance instantanée) d’une impulsion

F (z, t) Fonction proportionnelle au flux de photons d’une impulsion, soit F (z, t) = γ−1P (z, t)

S(z, ω) Densité spectrale de puissance (spectre) d’une impulsion (en J/Hz)

φ(z, t) Profil de phase d’une impulsion

C Coefficient de dérive en fréquence (ou chirp) normalisé d’une impulsion

∆t Durée d’une impulsion, définie comme le double de l’écart type de son profil depuissance à moins d’indication contraire ; les indices e et c indiquent s’il s’agit del’impulsion étirée ou comprimée

∆ω Largeur spectrale (en rad/s) d’une impulsion, définie comme le double de l’écarttype de son spectre à moins d’indication contraire

Pmax Puissance crête d’une impulsion

ω0 Fréquence angulaire porteuse d’une impulsion

λ0 Longueur d’onde porteuse d’une impulsion (dans le vide)

Γ Facteur de confinement d’un faisceau dans le cœur d’une fibre optique

Propriétés du milieu dans lequel l’impulsion se propage

P(r, t) Polarisation du milieu dans lequel la lumière se propage ; les indicesK et R indiquentles polarisations non linéaires dues à l’effet Kerr et à l’effet Raman

χ Tenseur de susceptibilité non linéaire de l’effet Kerr (indice K) ou de l’effet Raman(indice R)

ε0 Permittivité électrique du vide

c Vitesse de la lumière dans le vide

hR(t) Réponse impulsionnelle de l’effet Raman dans une fibre optique

hR(ω) Fonction de transfert de l’effet Raman dans une fibre optique

β(ω) Constante de propagation d’une fibre optique, généralement décomposée en série deTaylor : β(ω) = β0 + β1(ω − ω0) + 1

2β2(ω − ω0)2 + . . .

βm Coefficient de dispersion d’ordre m d’une fibre optique

γ Paramètre de non linéarité d’une fibre optique

n Indice de réfraction

n2 Coefficient de non linéarité de l’indice de réfraction

D Opérateur décrivant l’action de la dispersion d’une fibre optique sur une impulsion

xii

K Opérateur décrivant l’action de l’effet Kerr d’une fibre optique sur une impulsion

G Opérateur décrivant l’action du gain et des pertes d’une fibre optique sur une im-pulsion

R Opérateur décrivant l’action de l’effet Raman entre deux impulsions

LD Longueur caractéristique de dispersion

L′D Longueur caractéristique de dispersion pour des impulsions étirées avec une dériveen fréquence

LW Longueur caractéristique de décalage temporel (walk-off en anglais) entre deux im-pulsions

LK Longueur caractéristique de l’effet Kerr subi par une impulsion se propageant dansune fibre optique

LR Longueur de saturation de l’effet Raman entre deux impulsions

r(t) Fonction déterminant la forme du gain Raman entre deux impulsions

N Nombre solitonique ; correspond à√LD/LK

g(z, ω) Coefficient représentant le gain d’une impulsion

σjk Section efficace d’émission (j > k) ou d’absorption (j < k) entre les niveaux j et kd’une terre rare

Nj Population du niveau j d’une fibre dopée aux terres rares

xiii

Pour Saccharomyces Cerevisiae,celle qui transforme le blé

en pain, l’orge en bièreet les idées en résultats

xv

Remerciements

Je voudrais d’abord remercier mes superviseurs Michel Olivier et Michel Piché qui ontguidé mon projet de recherche au cours des dernières années. À chaque fois que j’arrivais àune impasse, je pouvais me fier sur le savoir encyclopédique et les judicieux conseils de MichelPiché pour m’aiguiller dans les bonnes directions. L’esprit analytique et critique de MichelOlivier m’a permis d’éviter plusieurs erreurs et de rediriger mon projet de recherche vers denouvelles possibilités. J’ai beaucoup apprécié chez mes superviseurs la confiance qu’ils avaientenvers moi et la liberté qu’ils me laissaient quant à mon rythme de travail, donnant priorité àla qualité du travail plutôt qu’à la possibilité de le publier rapidement.

J’aimerais aussi remercier Ylang qui m’a accompagné tout au long de ce projet derecherche, qui m’a écouté parler de physique dans mon sommeil et qui m’a enduré lorsque mamotivation diminuait. Merci aussi à mes parents qui m’ont encouragé à m’appliquer dans mesétudes et qui m’ont appris qu’il était important de faire ce que l’on aime.

D’autre part, j’aimerais remercier trois personnes qui m’ont encouragé alors que monprojet s’allongeait, soit Chris Sanford pour les idées qu’elle a fait germer, Garrett Lautenpour ses conseils structurels et Ruth Ella Lauten qui m’a poussé à dépasser mes limites. Jevoudrais aussi souligner la présence d’Élie Lemieux-Huard et de Maxime Fradette qui ontbrassé quelques idées avec moi, alors que Manuel Barrette a pu donner du rythme à certainspassages.

Finalement, ce travail n’aurait pas pu être réalisé sans le support financier du Conseilde recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et du Fonds de recherchedu Québec – Nature et technologies (FRQNT). Si j’ai eu la chance d’obtenir des fonds de cesorganismes, ce n’est malheureusement pas le cas de toutes les personnes qui entreprennentdes études supérieures. Plusieurs de celles-ci, en particulier celles qui étudient en dehors dessciences naturelles, doivent s’endetter pour réaliser un projet de recherche qui profitera pour-tant à l’ensemble de la société. Par conséquent, j’aimerais utiliser ce paragraphe pour reven-diquer, outre la gratuité scolaire à tous les niveaux, que toutes les personnes effectuant unemaîtrise ou un doctorat puissent obtenir des bourses d’étude leur permettant d’avoir un niveaude vie décent sans s’endetter.

xvii

Introduction

Le développement des lasers au cours de la seconde moitié du XXième siècle a entraînéune véritable révolution technologique qui a, entre autres, permis la création de réseaux detélécommunication très efficaces, d’appareils servant à traiter des maladies avec une précisioninégalée et d’instruments permettant une meilleure compréhension de l’environnement. Depuisleur première démonstration par Maiman en 1960 [1], les lasers ont très rapidement créé unengouement qui a mené à leur utilisation pour de nombreuses applications. Par exemple, deslasers ont été utilisés dès 1962 en ophtalmologie pour traiter le décollement de la rétine [2]. Lesapplications des lasers en médecine se sont ensuite multipliées considérablement à l’aide duconfinement des faisceaux dans des fibres optiques, ce qui les rend plus facilement orientables ;cela a conduit, par exemple, aux premières opérations par gastroscopie laser en 1973 [3].De façon parallèle, des compagnies de téléphone comme la Standard Telephone and Cables enAngleterre avaient compris le potentiel de ces mêmes fibres optiques pour la télécommunication[4], ce qui entraîna une course à la purification des verres de façon à produire en 1970 des fibresmonomodes permettant la transmission de faisceaux avec des pertes inférieures à 20 dB/km.Ces pertes sont aujourd’hui inférieures à 0.18 dB/km, ce qui a entraîné l’établissement lorsdes dernières décennies d’un important réseau international de télécommunications par fibreoptique.

En plus d’être excellentes pour transmettre de l’information, les fibres optiques pos-sèdent aussi plusieurs propriétés qui favorisent leur utilisation dans une cavité laser de façonà produire des faisceaux laser de haute qualité. Leur excellente propension à dissiper la cha-leur, causée par leur faible ratio volume/surface, ainsi que la possibilité de distribuer le gainsur plusieurs kilomètres permettent aux lasers à fibre d’émettre des faisceaux continus dontla puissance peut atteindre jusqu’à quelques dizaines de kilowatts [5]. De plus, les propriétésde guidage des fibres provoquent un filtrage automatique du profil spatial, ce qui entraîne laproduction de faisceaux d’une remarquable qualité optique même si leur puissance est trèsélevée.

On trouve aussi des cavités laser fibrées émettant des impulsions brèves, c’est-à-direpouvant atteindre des durées d’environ 100 fs. En effet, les fibres dopées avec des terres rarescomme l’ytterbium, l’erbium ou le thulium possèdent une ou plusieurs raies d’émission dont la

1

bande passante est suffisamment large pour supporter l’amplification et la génération d’impul-sions brèves. Même si elles ne peuvent pas produire des impulsions aussi brèves que certainsmilieux solides comme le laser titane-saphir, les cavités laser fibrées sont plus facilement trans-portables et ont une fiabilité accrue. Par conséquent, le développement des lasers à fibre s’estaccompagné d’une facilitation de l’accès à la génération d’impulsions brèves, ce qui a favorisél’apparition d’applications comme l’usinage et la chirurgie de précision. Dans le premier cas,la réponse non linéaire des matériaux permet aux impulsions brèves focalisées d’inscrire desstructures plus petites que la longueur d’onde porteuse et que la taille du faisceau [6]. Côtémédical, la concentration de l’énergie lumineuse dans une impulsion de courte durée permet deremplacer le scalpel lors de chirurgies délicates de façon à améliorer la précision de la coupe ;elle rend aussi possible l’élimination de cellules malades ou cancéreuses tout en limitant auminimum les dommages sur les cellules saines [6].

Il est cependant plus difficile de générer, avec des oscillateurs et amplificateurs laserà fibre, des impulsions brèves dont l’énergie dépasse le millijoule. L’intensité élevée due à lafaible taille du faisceau peut alors occasionner une accentuation de différents phénomènes nonlinéaires et même entraîner l’autofocalisation du faisceau, ce qui résulterait inévitablement enl’endommagement irréversible de la fibre [7]. Même si elle est moins spectaculaire, la saturationdes populations du milieu de gain lors du passage des impulsions est aussi un effet indésirablequi survient lors de l’amplification d’impulsions à haute énergie. Comme elle entraîne un gainplus important pour l’avant que pour l’arrière de l’impulsion, la saturation est responsabled’une réduction de la bande passante effective, ce qui nuit à l’obtention d’impulsions brèves dehaute énergie. Ce mémoire présente donc une nouvelle approche pour l’amplification d’impul-sions brèves dans les fibres optiques basée sur l’utilisation d’un phénomène non linéaire appelédiffusion Raman stimulée (ou effet Raman). Comme le gain occasionné par l’effet Raman etcelui des fibres dopées aux terres rares saturent de façon complètement différente, l’approcheprésentée ici pourrait servir à contourner les limitations dues à la saturation et à obtenir desimpulsions énergétiques dont la durée est plus brève.

L’effet Raman est un phénomène non linéaire qui a été découvert par les physiciensindiens Chandrasekhara Venkata Raman et Kariamanickam Srinivasa Krishnan en 1928. S’ins-pirant des travaux du physicien américain Arthur Compton sur les rayons X [8], Raman etKrishnan montrent que la diffusion de la lumière visible par les milieux transparents est gé-néralement accompagnée d’une diffusion à une fréquence plus faible [9, 10]. Bien qu’elle a étérapidement utilisée pour la caractérisation des milieux, ce n’est qu’en 1962 que Woodburyet Ng découvrent par accident que la diffusion Raman peut être stimulée de façon à favori-ser la conversion d’une partie importante de la puissance du faisceau initial vers le faisceaudiffusé [11]. Plusieurs articles ont par la suite été publiés pour montrer que ce phénomènepouvait se produire dans plusieurs milieux, notamment dans les fibres de silice dont le gainRaman possède une bande passante très large [12, 13]. Dans les années 1980, les amplifica-

2

teurs Raman fibrés ont été très étudiés pour servir dans les réseaux de télécommunication surlongues distances puisque leur gain peut être distribué sur des centaines de kilomètres dansles mêmes fibres servant pour la transmission des données. De nos jours, les amplificateursRaman sont utilisés de façon courante dans les réseaux commerciaux de télécommunicationpar fibre optique [14].

L’importante largeur de la bande passante du gain Raman dans les fibres optiques desilice a conduit certains groupes de recherche à tenter de l’exploiter pour l’amplification d’im-pulsions brèves. Une première approche consistait à exploiter ce phénomène en collaborationavec l’automodulation de phase pour amplifier les impulsions de manière non linéaire, résultanten des impulsions paraboliques (similaritons) à 1.55 µm de longueur d’onde avec une dérive enfréquence linéaire et pouvant être comprimées à des durées autour de 1 ps [15, 16]. Quelquesannées plus tard, Zhou et al. ont publié des résultats montrant que la propagation non linéaired’impulsions brèves énergétiques à 1030 nm ayant une dérive en fréquence pouvait entraînerle transfert de leur énergie vers des impulsions générées à partir du bruit par effet Raman [17].Bien que leur article prétende que ces impulsions peuvent être comprimées jusqu’à 90 fs avecune énergie de 1 µJ, cette conclusion est contredite par Lefrançois et Wise [18]. Se basant surdes résultats de simulations numériques, ces derniers affirment que la large bande passantedu gain Raman dans les fibres optiques entraîne simultanément l’amplification de bruit forméde différentes fréquences, ce qui ne permet pas l’obtention d’impulsions cohérentes pouvantêtre comprimées à des durées aussi brèves. Ils mentionnent cependant que la génération d’im-pulsions brèves et cohérentes par effet Raman est possible dans les milieux cristallins puisqueceux-ci ont un spectre de gain beaucoup plus étroit, ce qui limite l’interférence entre les dif-férentes fréquences de bruit. Des cristaux de nitrate de baryum ont par exemple été utiliséspour la génération d’impulsions millijoules pouvant être comprimées à 115 fs (à une longueurd’onde de 800 nm) [19].

Une autre approche explorée dès la fin des années 1980 consiste plutôt à transférerl’énergie d’une impulsion pompe intense à une impulsion signal plus faible alors que celles-cise propagent de façon synchrone dans une fibre optique. Pour que les impulsions soient émisesavec la même cadence, Gouveia-Neto et al. [20] ont généré le signal en décalant la fréquenceporteuse d’une partie de l’impulsion pompe grâce à l’effet Raman intra-impulsion dans unefibre optique à dispersion anomale ; le reste de la pompe était ensuite injecté avec le signal dansune seconde fibre afin de lui transférer son énergie. Des solitons de 390 fs ayant une énergied’environ 600 pJ à une longueur d’onde de 1.4 µm ont été obtenus avec cette méthode [20].Un montage semblable, où les impulsions signal étaient produites par une cavité laser pompéede façon synchrone par une fraction de l’énergie des impulsions pompe, a plutôt produit desimpulsions de 1.5 ps, 5 pJ [21]. Horiguchi et al. ont ensuite implémenté en 1992 l’amplificationRaman synchrone d’impulsions ayant une durée d’environ 100 ns pour des applications entélécommunications (à 1.55 µm) [22]. Ce mémoire étudie théoriquement et numériquement

3

la possibilité d’utiliser une adaptation de ces schémas d’amplification Raman synchrone afind’amplifier des impulsions brèves (ayant une durée d’environ 100 fs) jusqu’à atteindre desénergies de l’ordre du microjoule ou même du millijoule. De façon à faciliter l’atteinte de cesénergies élevées, on propose d’étirer les impulsions à l’aide d’éléments dispersifs (ex : pairesde réseaux) tel que proposé par Strickland et Mourou [23], puis de les comprimer à nouveau àl’extérieur de la fibre optique. Un article publié avec mes superviseurs Michel Olivier et MichelPiché durant l’été 2015 présente un modèle analytique permettant de prédire l’amplificationRaman synchrone d’impulsions brèves étirées et suggère qu’il est possible de générer, avec latechnologie actuelle, des impulsions de quelques millijoules pouvant être comprimées à desdurées d’environ 150 fs [24]. Plusieurs des résultats présentés dans ce mémoire recoupent parconséquent ceux publiés dans cet article.

Le premier chapitre de ce mémoire décrit les principaux phénomènes se produisant lorsde la propagation d’impulsions brèves dans les fibres optiques. Après une description mathé-matique des profils d’impulsions et de leur dérive en fréquence, la dispersion chromatique estabordée, suivie de l’effet Kerr, un phénomène non linéaire pouvant entraîner l’élargissementspectral des impulsions. Ce chapitre se conclut par une présentation simplifiée de l’amplifica-tion d’impulsions par des fibres optiques dopées aux terres rares ; une approche plus complèteest présentée dans l’annexe B. Le chapitre 2 explique en détail la théorie décrivant la diffusionRaman dans les fibres optiques [25, 26] en lui ajoutant les résultats publiés par Hollenbecket Cantrell [27] sur la fonction de transfert du gain Raman des fibres de silice. L’étude del’amplification Raman d’impulsions brèves à haute énergie débute au chapitre 3 alors qu’unmodèle analytique développé durant ce projet de maîtrise est présenté afin de prédire les pro-fils temporels et spectraux des impulsions amplifiées. Ce modèle analytique est ensuite utilisépour comprendre l’influence des caractéristiques de l’impulsion pompe sur l’amplification dusignal. Le quatrième et dernier chapitre décrit quatre schémas d’amplification utilisant l’effetRaman pour la génération d’impulsions brèves de haute énergie. On peut prédire à l’aide dumodèle analytique les caractéristiques du faisceau amplifié dans les deux premiers cas, soitla génération d’impulsions microjoules brèves décalées en fréquence et l’amplification d’im-pulsions millijoules dans des fibres microstructurées. Les deux dernières situations étudiéescorrespondent à l’amplification Raman d’impulsions dans une fibre dopée aux terres rares.Puisque le modèle analytique n’est plus valide dans cette situation, un programme de simula-tion numérique développé au cours de ce projet de maîtrise a été utilisé pour les prédictions.Le fonctionnement de ce programme est décrit en détails dans l’annexe A.

4

Chapitre 1

Propagation non linéaire d’impulsionsbrèves dans les fibres optiques

Les faisceaux lumineux émis par une source laser sont des oscillations du champ élec-tromagnétique qui se propagent dans une direction donnée avec une très faible divergence. Cesoscillations sont souvent composées d’une seule fréquence porteuse déterminant ses propriétés.Les lasers peuvent cependant aussi opérer en mode impulsionnel. Les impulsions qu’ils pro-duisent alors sont des oscillations transitoires du champ électromagnétique et sont catégoriséesbrèves ou longues selon le nombre de cycles optiques qu’elles comportent. Puisque l’impulsionest limitée dans le temps, les relations de Fourier prédisent qu’elle ne peut pas être composéed’une seule fréquence et que son spectre, qui décrit les fréquences qui la composent, s’élar-git autour de sa fréquence porteuse. Un train d’impulsions brèves doit par conséquent êtreinterprété comme le battement entre plusieurs faisceaux ayant des fréquences différentes. Enmoyenne, les faisceaux ne sont pas en phase et s’annulent par interférence destructive, mais, àun certain moment t, tous deviennent accidentellement en phase, ce qui produit une impulsiondont la durée est très courte. La figure 1.1 permet de visualiser cette situation en illustrantun train d’impulsions formé à partir de sept faisceaux continus d’amplitudes et de fréquencesdifférentes. Dans la situation où les impulsions sont très éloignées les unes des autres, les com-posantes spectrales se rapprochent, de sorte que le contenu en fréquences peut sembler continuplutôt que discret.

Dans les fibres optiques, la lumière est guidée grâce à l’interface qui sépare le cœur de lagaine. Comme le cœur possède un indice de réfraction plus élevé que la gaine, la lumière y estconfinée grâce au mécanisme de réflexion totale interne. Si le cœur de la fibre est relativementgros, il existera plusieurs parcours optiques permettant de guider la lumière et la fibre sera ditemultimode. C’est pourtant avec des fibres monomodes, dont le cœur est très étroit et d’indicelégèrement surélevé (faible saut d’indice), que les télécommunications optiques ont pu naître,puisque ces fibres ont pu être optimisées pour diminuer leurs pertes jusqu’à des valeurs aussi

5

−T 0 Tt

ν0

Figure 1.1 – Illustration d’un train d’impulsions brèves formé à partir de l’interférence entresept faisceaux continus de fréquences réparties uniformément et dont l’amplitude varie defaçon gaussienne par rapport à la fréquence ν0. Après chaque délai correspondant à la périodeT , tous les faisceaux continus sont en phase, ce qui implique que l’interférence est constructiveet qu’une impulsion ayant une fréquence porteuse ν0 est formée.

faibles que 0.18 dB/km. Dans les fibres optiques monomodes, la lumière se propage selon unprofil quasi gaussien, soit le mode fondamental LP01 (pour linearly polarized) qui peut êtredécrit comme un champ électromagnétique transverse à la direction de propagation.

La propagation d’impulsions dans les fibre optiques donne lieu à plusieurs phénomènesphysiques reliés à la nature du verre qui les transmet. La dispersion, l’effet Kerr, les pertesintrinsèques, le gain si le milieu est dopé et surtout l’effet Raman sont ceux qui sont les plussignificatifs pour ce projet de recherche. Tout d’abord, la dispersion décrit le phénomène selonlequel les différentes composantes spectrales voyagent à des vitesses différentes dans un milieucomme le verre (section 1.3). L’effet Kerr optique (section 1.4) est causé par la diffusion nonlinéaire élastique de la lumière par les électrons d’un milieu et est responsable de la situationoù la lumière de forte intensité voyage plus lentement que celle de faible intensité. Des phéno-mènes plus spécifiques, comme l’automodulation de phase (self-phase modulation en anglais,ou SPM) et la modulation de phase croisée (cross-phase modulation en anglais, ou XPM),découlent de cet effet. De son côté, l’effet Raman est relié à la diffusion élastique (similaire àl’effet Kerr) et inélastique des photons par les molécules du milieu dans lequel ils se propagent,ces dernières ayant un délai de réponse à l’échelle femtoseconde. Plus spécifiquement, l’effetRaman permet de transférer de l’énergie d’un faisceau à un autre si ceux-ci n’ont pas la mêmefréquence porteuse. Comme il est très important pour ce projet, ce phénomène bénéficie de sonpropre chapitre, soit le chapitre 2. Finalement, il est possible d’amplifier des impulsions laser

6

dans des fibres optiques si celles-ci sont dopées avec des ions, généralement des terres rares,qui présentent une raie d’absorption à la longueur d’onde porteuse du faisceau et dont la duréede vie moyenne du niveau supérieur de la transition est suffisamment longue. En utilisant unfaisceau pompe stimulant une autre transition électronique, il est possible d’inverser la popu-lation électronique et de remplacer l’absorption du faisceau signal par un gain (section 1.5).Chacun de ces différents phénomènes influence l’amplitude et la phase d’une impulsion laserselon ses caractéristiques propres, mais ils ne peuvent être traités de façon complètement in-dépendante. L’évolution de l’impulsion peut être modélisée au niveau mathématique par uneéquation différentielle non linéaire dont il sera question à la section 1.1.

1.1 Modélisation de la propagation selon l’équation deSchrödinger non linéaire

Si une impulsion est décrite physiquement par son champ électrique E(r, t) à chaquepoint de l’espace r et à chaque temps t, il est plus commode de la représenter à partir decaractéristiques plus facilement observables, soit son intensité lumineuse et son contenu enfréquence. En plus de s’approcher plus facilement de mesures faites en laboratoire, ces deuxpropriétés sont suffisantes pour obtenir par calcul la durée, l’énergie, la largeur spectrale etpresque toute autre information qui caractérise une impulsion. Une troisième caractéristique,soit le déphasage instantané de l’impulsion par rapport à une valeur de référence, doit êtreajoutée afin d’obtenir une description complète de l’impulsion à chaque instant.

Lorsque l’impulsion se propage dans une fibre optique monomode, un seul parcoursoptique est permis, impliquant que le profil transverse reste constant tout au long de la pro-pagation du faisceau. Il est par conséquent possible de découpler les variations d’intensitélumineuse selon la direction de propagation, qu’on choisit comme étant z, de celles qui luisont transverses. Plutôt que d’utiliser plusieurs propriétés pour décrire les impulsions dans lesfibres optiques, on utilisera tout au long de ce mémoire l’amplitude complexe A(z, t) de l’im-pulsion, normalisée pour correspondre à la racine carrée de la puissance P (z, t) de la lumière,soit P (z, t) = |A(z, t)|2. La fonction A(z, t) décrit à la fois l’amplitude de l’enveloppe lentede l’impulsion ainsi que la variation lente de son déphasage φ(z, t) par rapport à la phase del’onde porteuse φ0(z, t) = β0z − ω0t, elle-même causée par l’oscillation rapide à la fréquenceω0 et par le déplacement du front de phase selon le nombre d’onde β0. Cette amplitude peutêtre reliée au champ électrique par la relation suivante qui définit explicitement la propagationselon l’axe z de la fibre optique :

E(r, t) =f(x, y)

2

(A(z, t) ei(β0z−ω0t) x

)+ c.c., (1.1)

où la fonction f(x, y), constante tout au long de la propagation, détermine la distributionspatiale du mode alors que l’abréviation c.c. représente le complexe conjugué de l’expressionsituée à sa gauche, ce qui permet de simplifier l’écriture. On considère ici un faisceau polarisé

7

linéairement en x. Comme le profil d’intensité spatiale f(x, y) dépend des caractéristiquesphysiques de la fibre (saut d’indice, taille du cœur, etc.) ainsi que de la longueur d’onde dufaisceau, sa taille et sa forme exacte varient d’une fibre à l’autre. Ainsi, lorsqu’une impulsionest couplée entre deux segments de fibres différentes, une fraction de son énergie est perdue pardiffusion dans la gaine alors que le mode de propagation change pour s’adapter aux nouvellesconditions de guidage. En dehors du couplage entre deux fibres, le profil spatial du modef(x, y) est considéré constant lors de la propagation, ce qui implique que l’amplitude A(z, t)

est suffisante pour décrire l’intensité lumineuse dans la fibre. De plus, la fonction A(z, t) a étédéfinie de manière à contenir l’information sur la phase φ(z, t) de l’impulsion, soit :

A(z, t) =√P (z, t) exp [iφ(z, t)] , (1.2)

ce qui lui permet de décrire tous les paramètres d’un faisceau pulsé. En effet, comme l’ampli-tude A(z, t) inclut la phase de l’impulsion, il est aussi possible de la relier à son spectre. Ilconvient alors de définir l’amplitude spectrale A(z, ω) d’une impulsion comme étant associéeà l’amplitude temporelle A(z, t) par les relations de Fourier symétrisées suivantes :

A(z, ω) = F [A(z, t)] =1√2π

∫ ∞−∞

A(z, t) ei(ω−ω0)t dt, (1.3)

A(z, t) = F−1[A(z, ω)

]=

1√2π

∫ ∞−∞

A(z, ω) e−i(ω−ω0)t dω, (1.4)

où ω0 est la fréquence porteuse de l’impulsion. Alors que l’amplitude temporelle correspond à laracine carrée de la puissance instantanée, l’amplitude spectrale permet de retrouver le spectremesurable de l’impulsion d’après la relation S(z, ω) = |A(z, ω)|2. Le spectre en puissanceS(z, ω) obtenu ainsi est donc comparable à celui qu’on pourrait mesurer, par exemple, à l’aided’un analyseur de spectre optique. La forme et la largeur du spectre d’un signal sont souventrévélatrices de beaucoup d’information sur le profil temporel de celui-ci, ce qui en fait un outilindispensable puisque ce dernier ne peut généralement pas être directement mesuré pour desimpulsions brèves.

Lorsqu’un faisceau constitué d’impulsions est transmis dans une fibre optique, sonamplitude et son spectre se modifient selon plusieurs phénomènes physiques provoqués parles propriétés du système de guidage et du matériau (verre). Pour ce projet, les phénomènesles plus importants sont la dispersion, l’effet Kerr, le gain associé au dopage avec des terresrares et la diffusion Raman stimulée. Même si tous ces phénomènes agissent simultanémentsur l’amplitude de l’impulsion, il est pratique de considérer leur effet individuellement, cequi sera fait en détail dans les prochaines sections (à l’exception de la diffusion Raman, quimonopolisera le chapitre 2). L’évolution de l’impulsion lors de sa propagation dans une fibreoptique ne peut être prédite que si tous les phénomènes sont considérés en même temps àtravers une équation différentielle :

∂A(z, t)

∂z= D[A(z, t)] +K[A(z, t)] + G[A(z, t)] +R[A(z, t)], (1.5)

8

où les opérateurs D, K, G etR représentent respectivement la dispersion, l’effet Kerr, le gain etla diffusion Raman stimulée dans les fibres optiques. Chaque phénomène génère une variationde l’enveloppe et de la phase du signal laser A(z, t) selon ses propres conditions et sera décriten détail dans la section appropriée. Dans la situation où une seule impulsion se propagedans une fibre optique, l’évolution d’une impulsion polarisée linéairement représentée par lafonction A(z, t) peut être décrite par l’équation différentielle suivante :

∂A(z, t)

∂z= −β1

∂A

∂t− iβ2

2

∂2A

∂t2︸ ︷︷ ︸Dispersion

+ iγ|A|2A︸ ︷︷ ︸Effet Kerr

+g(ω)

2A− α

2A︸ ︷︷ ︸

Gain et pertes

, (1.6)

où les paramètres βj et γ déterminent respectivement les conséquences de la dispersion etde l’effet Kerr sur le profil temporel de l’impulsion. L’équation (1.6) est appelée équation deSchrödinger non linéaire généralisée pour sa ressemblance avec la célèbre équation en méca-nique quantique, mais cette terminologie peut être appliquée à toute équation différentiellepermettant de décrire la propagation d’impulsions dans une fibre optique [25]. Le caractèrenon linéaire de cette équation rend sa résolution analytique difficile, ce qui explique pourquoila simulation numérique est souvent le moyen privilégié pour prédire l’évolution des impulsionsdans les fibres optiques.

Les équations (1.5) et (1.6) correspondent généralement à la situation où une seuleimpulsion polarisée linéairement se propage dans la fibre optique. Dans le cas où plusieursimpulsions se propagent en même temps dans la fibre, il est préférable de séparer l’équa-tion d’évolution (1.5) (ou (1.6)) en plusieurs équations différentielles couplées par des termesd’interaction. Chaque impulsion a alors sa propre équation différentielle régissant son évolu-tion, couplée avec toutes les autres à travers les opérateurs d’évolution de chaque phénomène.Comme la plupart des effets non linéaires, l’effet Kerr et l’effet Raman génèrent une relationdirecte entre les différents faisceaux, alors que le gain fourni par un milieu atomique dépendde tous les faisceaux implicitement à travers l’énergie accumulée par le milieu de gain. Quantà elle, la dispersion agit de façon indépendante sur chaque faisceau.

1.2 Dérive en fréquence (chirp) d’une impulsion

Avant de traiter avec davantage de détails de chaque phénomène physique, il est im-portant d’avoir une compréhension intuitive de la dérive en fréquence, ou chirp en anglais,d’une impulsion. Si tout le contenu fréquentiel est localisé temporellement au même instant,l’impulsion est compressée à sa durée minimale ; on dit alors que cette dernière est limitée parla transformée de Fourier. Il est possible cependant que les composantes fréquentielles soientdécalées temporellement (et donc arrivent à des instants t différents à un point z donné). Ondit d’une telle impulsion qu’elle est étirée et qu’elle possède une dérive en fréquence, ou chirp,non nulle. Cela correspond typiquement à la forme d’une impulsion brève après qu’elle se soitpropagée dans un milieu dispersif (par exemple du verre) où les hautes fréquences (bleu) ont

9

−10 −5 0 5 10

t

−1.0

−0.5

0.0

0.5

1.0

E

Champ elect.

Amplitude

Freq. instant.

Figure 1.2 – Illustration d’une impulsion chirpée. L’oscillation de l’impulsion est de plusen plus rapide à mesure que le délai t augmente, correspondant à une augmentation linéairede sa fréquence instantanée (en vert) dans une enveloppe gaussienne (en pointillés rouges)définissant son amplitude.

une vitesse différente des basses fréquences (rouge). La fréquence instantanée ω(t) de l’impul-sion varie alors selon la position à l’intérieur de celle-ci, tel qu’illustré sur la figure 1.2. Cettedernière dépend donc du temps et peut être calculée comme la dérivée temporelle de la phaseφ(t) de l’impulsion, soit

ω(t) = −∂φ(t)

∂t. (1.7)

Pour simplifier les calculs, on choisit généralement de centrer la fréquence de la porteuseà ω0 = 0, ce qui implique qu’une fréquence instantanée ω négative [positive] représente undécalage vers le rouge [bleu]. Souvent, sur la partie principale d’une impulsion, la dérive enfréquence est quasiment linéaire, ce qui a amené la définition du coefficient de chirp normaliséC qui quantifie la variation de la fréquence instantanée d’une impulsion

C =(∆t)2

2

∂ω(t)

∂t

∣∣∣∣t=0

= −(∆t)2

2

∂2φ

∂t2

∣∣∣∣t=0

, (1.8)

où ∆t est une mesure de la durée de l’impulsion, qui est choisie ici comme deux fois l’écarttype de la distribution de puissance. La normalisation du coefficient de chirp C est choisiede sorte qu’il corresponde approximativement au ratio des durées temporelles étirée ∆te etcomprimée ∆tc d’une impulsion, soit

C ≈ ±∆te∆tc

. (1.9)

De plus, le signe du coefficient de chirp C indique quelles fréquences sont en avance et lesquellesen retard ; un chirp positif indique une avance du rouge sur le bleu et correspond souvent à une

10

propagation dans un milieu de dispersion normale (voir section 1.3) alors que s’il est négatif,cela indique une avance du bleu sur le rouge liée à une dispersion anomale.

Dans le cas où les impulsions sont considérées gaussiennes, leur chirp peut être ajoutécomme une phase quadratique complexe dans l’amplitude du champ électrique, soit

A(0, t) =√Pmax exp

[−(1 + iC)

(t

∆te

)2], (1.10)

ce qui signifie que sa fréquence instantanée ω(t) vaut 2Ct/(∆te)2. Pour une impulsion gaus-

sienne, le ratio entre les durées étirée ∆te et comprimée ∆tc s’exprime de façon exacte commeétant ∆te/∆tc =

√1 + C2, mais équivaut à l’équation (1.9) pour les dérives en fréquence

élevées (C � 1).

1.3 Dispersion

Tout verre présente une variation d’indice de réfraction selon la longueur d’onde λ (oula fréquence ν = ω/2π = c/λ). De plus, le confinement du faisceau impose une transmissionavec un indice de réfraction effectif dépendant des propriétés géométriques de la fibre et dontla variation selon la fréquence est plus prononcée. Comme les impulsions ont un contenu en fré-quences élargi autour de leur porteuse, la variation d’indice de réfraction induit une dispersionpuisque les différentes fréquences dont elles sont composées voyagent à des vitesses différentes.La variation de l’indice de réfraction se traduit donc par un nombre d’onde β(ω) = 2πn(ω)/λ0

propre à chaque fibre, lequel détermine la transmission linéaire du signal. En pratique, lenombre d’onde est souvent approximé par une série de Taylor autour de sa valeur à la fré-quence porteuse ω0 de l’impulsion, soit

β(ω) = β0 + (ω − ω0)β1 +1

2(ω − ω0)2β2 +

1

6(ω − ω0)3β3 + . . . , (1.11)

où βi = ∂iβ(ω)/∂ωi, évalués à ω = ω0, sont les différents paramètres de dispersion. Lescomposantes β0 et β1 sont associées aux vitesses de phase et de groupe par les relationsvφ = ω/β|ω0 = ω0/β0 et vg = ∂ω/∂β|ω0 = 1/β1 alors que β2 et β3 sont les composantes lesplus significatives de la dispersion chromatique. La dispersion de second ordre causée par β2

est appelée dispersion de vitesse de groupe (GVD pour group-velocity dispersion en anglais).Elle a pour conséquence un élargissement uniforme de l’impulsion ainsi que l’apparition d’unchirp linéaire puisque les différentes fréquences acquièrent un retard ou une avance linéaire enω. Si β2 > 0, la dispersion est dite normale et les basses fréquences voyagent plus rapidementque les hautes, alors que l’inverse se produit pour β2 < 0 (dispersion anomale). Ainsi, uneimpulsion brève (sans dérive en fréquence initiale) qui subit de la dispersion s’étire et safréquence instantanée varie alors selon un chirp positif ou négatif d’après le type de dispersion— normale ou anomale — qu’introduit la fibre à la longueur d’onde du faisceau. Cependant,si une impulsion chirpée se propage dans une fibre ayant une dispersion opposée à sa dérive

11

en fréquence, ses composantes spectrales redeviennent graduellement en phase jusqu’à ce quel’impulsion devienne comprimée à une durée minimale. Enfin, on note que les fabricants defibres optiques spécifient souvent leur constante de dispersion D = dβ1

dλ plutôt que de donner lavaleur de β2 = dβ1

dω de leurs fibres ; elle peut cependant être reliée à β2 par la relation suivante[25]

β2 = − λ2

2πcD. (1.12)

La dispersion de troisième ordre causée par β3 a un effet beaucoup plus complexe surla forme de l’impulsion, puisqu’elle ne produit pas un délai variant linéairement en fonctionde l’écart entre les différentes fréquences composant l’impulsion. En général, son effet est dedéformer l’impulsion de façon asymétrique, ce qui peut aller jusqu’à la briser en un traind’impulsions inégales. Cependant, si β2 n’est pas nul et ∆t > 100 fs, cet effet ne domine pas lapropagation, bien qu’il ne soit pas possible de le négliger complètement pour des impulsionsplus courtes que la picoseconde.

La dispersion se traduit mathématiquement par l’opérateur D dans l’équation de Schrö-dinger non linéaire (équation (1.5)). Cependant, la dépendance du nombre d’onde β(ω) étantavant tout spectrale, il est avantageux d’écrire l’opérateur D dans l’espace des fréquences,c’est-à-dire agissant sur la transformée de Fourier A(z, ω) de l’amplitude de l’impulsion,

D[A(z, ω)] =∂A(z, ω)

∂z

∣∣∣∣D

= i (β(ω)− β0) A(z, ω). (1.13)

La résolution de l’équation (1.13) dans la situation où la dispersion est le seul effet agissantsur l’impulsion permet de comprendre l’origine de cet opérateur. En effet, on trouve

A(z, ω) = A(0, ω) eiβ(ω)z−iβ0z. (1.14)

La soustraction du déphasage iβ0z est nécessaire puisque la fonction A(z, t) a été définie parl’expression (1.1) comme étant l’amplitude complexe de l’impulsion, incluant son déphasagepar rapport au front de phase de l’onde porteuse φ0(z, t) = ω0t − β0z. En effet, sans lasoustraction de β0 au vecteur d’onde β(ω) dans l’équation (1.13), le déphasage causé par lavitesse de phase vφ = ω0/β0 serait calculé en double. En général, les paramètres de dispersiondes fibres sont caractérisés jusqu’au deuxième ordre (β2), parfois jusqu’au troisième, ce quirend plus pratique l’écriture en série de Taylor l’opérateur de dispersion

D[A(z, ω)] = i

(β1(ω − ω0) +

β2

2(ω − ω0)2 +

β3

6(ω − ω0)3 + . . .

)A(z, ω). (1.15)

Le remplacement du vecteur d’onde β(ω) par son approximation en série de Taylor (équa-tion (1.11)) et la résolution de l’amplitude spectrale à la position z permet de comprendre

12

l’effet de chacune des constantes dispersives βi sur la forme de l’impulsion. Si on arrête l’ap-proximation de Taylor au second ordre, on obtient

A(z, ω) = A(0, ω) exp

[iβ1(ω − ω0)z +

i

2β2(ω − ω0)2z

], (1.16)

ce qui permet de visualiser les phénomènes physiques reliés aux premiers termes dispersifs.Si on prend la transformée de Fourier pour retrouver A(z, t) à partir de A(z, ω), le terme enβ1 devient une translation du système de coordonnées, ce qui correspond au déplacement del’impulsion à sa vitesse de groupe. Comme A(z, t) dépend alors de A(0, t − β1z), on préfèresouvent utiliser le temps du référentiel en mouvement t′ = t−β1z se déplaçant à la même vitessede groupe que l’impulsion, ce qui permet d’exprimer plus simplement les formes d’impulsions.Quant à lui, le terme en β2 est une gaussienne d’argument imaginaire, qui restera gaussienneaprès la transformée de Fourier si l’impulsion est de forme gaussienne. Le terme de dispersionde second ordre cause donc généralement un déphasage quadratique selon le temps t qui peutêtre identifié comme une relation linéaire entre la fréquence instantanée et le temps, c’est-à-direune dérive en fréquence (voir section 1.2).

Les équations (1.15) et (1.16) permettent de visualiser comment la dépendance fré-quentielle de la constante de propagation affecte l’amplitude spectrale A(z, ω) d’une impul-sion laser. Dans ce mémoire, des simulations numérique de propagation d’impulsions dansdes fibres optiques seront présentées, lesquelles utilisent l’algorithme de Fourier à pas alter-nés (voir annexe A). Puisque cet algorithme traite la dispersion dans l’espace des fréquences,les équations (1.15) et (1.16) peuvent être utilisées directement. Néanmoins, l’équation deSchrödinger non linéaire est souvent exprimée d’après l’amplitude temporelle A(z, t) et nonspectrale A(z, ω). L’adaptation de l’opérateur de dispersion D n’est cependant pas très com-pliquée puisque, avec la transformée de Fourier, chaque terme ω − ω0 se transforme en ladérivée temporelle i∂/∂t [25]. On retrouve :

D[A(z, t)] =∂A(z, t)

∂z

∣∣∣∣D

= i

(iβ1

∂A

∂t− β2

2

∂2A

∂t2− iβ3

6

∂3A

∂t3

). (1.17)

Enfin, il est possible de simplifier davantage l’opérateur de dispersion en étudiant la variationde l’amplitude temporelle de l’impulsion dans le référentiel en mouvement à la vitesse degroupe de l’impulsion, soit

D[A(z, t′)] = −iβ2

2

∂2A

∂t′2+β3

6

∂3A

∂t′3. (1.18)

À partir de ce point, la variable t désignera désormais le temps du référentiel en mouvementà la place de t′, ce qui permettra de simplifier l’écriture.

Il est important de définir une distance caractéristique de propagation pour laquelleles effets dispersifs sont significatifs, ce qui permet de déterminer si la dispersion doit êtreprise en considération pour prédire une situation donnée. La longueur de dispersion LD est

13

définie comme la distance au-delà de laquelle la durée du profil de puissance d’une impulsiongaussienne, valant initialement ∆t, s’est accrue par un facteur

√2, soit :

LD =∆t2

2 |β2|, (1.19)

où seule la dispersion d’ordre 2 est considérée. Bien que l’expression (1.19) semble différentede celle donnée par Agrawal [25], elle est totalement équivalente. Seule la définition de ladurée initiale de l’impulsion gaussienne, qu’on choisit ici comme le double de l’écart type enpuissance instantanée, est différente de celle donnée par Agrawal. On note que l’expressionde LD est uniquement valide pour des impulsions qui ne sont pas initialement étirées en fré-quences (voir section 1.2). Dans cette situation, leur durée augmente d’abord de façon presquequadratique, puis se stabilise ensuite en une augmentation linéaire lorsque les impulsions ontobtenues une dérive en fréquence appréciable (C > 1) [25]. Il est alors possible de transformerl’équation (3.2.19) d’Agrawal [25] pour obtenir l’expression simplifiée d’une longueur L′D aprèslaquelle la durée d’une impulsion déjà très étirée (C � 1) change par un facteur 2, soit :

L′D =∆te∆tc2 |β2|

=LDC. (1.20)

Finalement, si deux impulsions ayant des fréquences porteuses différentes se propagentsimultanément dans un milieu dispersif, leurs vitesses de groupe seront différentes. Il est alorspertinent de déterminer une longueur de décalage LW , ou walk-off length en anglais, aprèslaquelle les impulsions ne seront plus superposées. Elle sera définie comme la distance depropagation au-delà de laquelle les centres de deux impulsions sont décalés temporellementpar un délai ∆t correspondant à la durée de l’impulsion la plus longue, soit :

LW =∆t

|β1(ω1)− β1(ω2)|≈ ∆t

|(ω1 − ω2)β2|, (1.21)

où la durée ∆t est toujours définie comme le double de l’écart type en puissance de l’impulsion.Comme la durée de l’impulsion n’est pas définie de la même manière que dans Agrawal [25],l’équation (1.21) diffère par un facteur

√2 de celle donnée par Agrawal. On note que, dans la

situation où la dispersion est significative jusqu’à l’ordre 2, la différence β1(ω1)− β2(ω2) peutêtre approximée en série de Taylor par le coefficient de dispersion β2 multiplié par l’écart entreles fréquences porteuses.

1.4 Effet Kerr

Lorsque l’intensité lumineuse d’un faisceau se propageant dans un verre est élevée,son évolution se comporte de façon non linéaire puisque l’indice de réfraction dépend alorsdu champ électrique. Dans la plupart des milieux, l’effet Pockels et l’effet Kerr sont les deuxphénomènes non linéaires les plus significatifs en introduisant respectivement un terme linéaireet quadratique en champ électrique dans l’indice de réfraction. Comme l’effet Pockels nécessite

14

un matériau anisotrope alors que les verres sont des matériaux amorphes et donc isotropes,seul l’effet Kerr agit sur les signaux se propageant dans les fibres optiques [25].

L’effet Kerr, découvert par le physicien écossais du même nom, consiste en un change-ment d’indice de réfraction selon l’intensité du champ électrique, soit :

n = n0 + n2|E|2, (1.22)

où n2 est le coefficient de non linéarité de l’indice de réfraction. Il est causé par le fait que lepotentiel électrique reliant les électrons aux noyaux est anharmonique, ce qui implique que ladiffusion élastique de la lumière par ceux-ci entraîne une réponse non uniforme du milieu selonl’intensité du champ électrique le traversant. La diffusion de la lumière par les molécules dumilieu (effet Raman) comporte aussi une contribution élastique non linéaire (voir section 2.2),mais celle-ci est beaucoup plus lente vu leur masse plus élevée. Néanmoins, pour des faisceauxcontinus ou des impulsions longues, la diffusion Raman élastique devient similaire à l’effet Kerret entraîne un changement d’indice presque identique. Comme le déphasage non linéaire causépar la diffusion Raman est alors indistinguable de celui causé par l’effet Kerr, le coefficient n2

inclut les contributions des deux phénomènes [26, 27].

La principale manifestation de l’effet Kerr dans les fibres optiques est l’automodula-tion de phase (SPM pour self-phase modulation en anglais), qui survient lors de la propagationd’une impulsion brève et intense. Puisque l’indice de réfraction est plus élevé au centre de l’im-pulsion qu’à l’avant ou l’arrière grâce à son intensité plus élevée, les fronts d’onde du centre

−10 −5 0 5 10

t

−1.0

−0.5

0.0

0.5

1.0

E

Champ elect.

Freq. instant.

(a) Impulsion initiale

−10 −5 0 5 10

t

−1.0

−0.5

0.0

0.5

1.0

E

Champ elect.

Freq. instant.

(b) Automodulation de phase

Figure 1.3 – Déformation du front de phase d’une impulsion par l’effet Kerr lorsqu’elle sepropage dans un milieu non linéaire. Comme les fronts d’onde au centre de l’impulsion sedéplacent plus lentement, on observe en (b) une compression des fronts de phase à l’arrière del’impulsion (fréquences plus élevées) et un étirement à l’avant (fréquences plus faibles) alorsque l’impulsion initiale en (a) présente une oscillation porteuse à fréquence constante. Cettedéformation des fronts de phase entraîne une dérive en fréquence (chirp) bien visible en (b).

15

sont ralentis par rapport au reste de l’impulsion. Cela a pour conséquence de comprimer lesfronts d’onde à l’arrière de l’impulsion et de les étirer à l’avant, ce qui génère de nouvellesfréquences. La figure 1.3 montre l’oscillation porteuse d’une impulsion avant et après l’auto-modulation de phase. On y remarque que l’effet Kerr a créé des basses fréquences à l’avant del’impulsion (t < 0) et des hautes fréquences à l’arrière, ce qui cause une dérive en fréquence(chirp) non linéaire positive en son centre ainsi qu’un élargissement spectral de l’impulsion. Enpropageant des impulsions en régime non linéaire dans des fibres optiques dont la dispersionest anomale, il arrive que le chirp causé par l’automodulation de phase compense parfaitementcelui obtenu par la dispersion, ce qui résulte en une impulsion qui ne se déforme pas lors desa propagation. Ce type d’impulsion est appelé soliton. L’automodulation de phase peut aussiêtre utilisée pour élargir le contenu spectral d’une impulsion, ce qui sera présenté dans lasous-section 1.4.1.

Comme l’indice de réfraction non linéaire, relié à la polarisation non linéaire du milieu,dépend du carré du champ électrique, la présence de plusieurs faisceaux se propageant en-semble dans une fibre peut créer de l’interaction croisée entre ceux-ci. Pour bien comprendrele phénomène, il faut s’intéresser à la forme que prend la polarisation non linéaire en pré-sence d’un ou plusieurs faisceaux. D’abord, l’effet Kerr étant un phénomène d’ordre trois, lapolarisation du milieu PK(r, t) dépend du cube du champ électrique, soit

PK(r, t) = ε0χKE(r, t) [E(r, t) ·E(r, t)] , (1.23)

où χK est le tenseur de la la susceptibilité non linéaire reliée à l’effet Kerr [26]. Dans lasituation où plusieurs ondes sont présentes et polarisées dans la même direction, le champélectrique doit s’écrire

E(r, t) =x

2

(Ej(r, t) e−iωjt + Ek(r, t) e−iωkt

)+ c.c., (1.24)

où les indices j et k représentent deux faisceaux distincts. En entrant cette définition du champélectrique dans l’équation (1.23) de la polarisation non linéaire, on retrouve plusieurs termesqui sont caractérisés par les fréquences auxquelles ils oscillent, soit ωj , ωk, 2ωk−ωj , 2ωj −ωk,2ωk +ωj et 2ωj +ωk. Les oscillations aux quatre dernières fréquences représentent du mélangeà quatre ondes et ne sont significatifs que lorsqu’il y a adaptation de phase entre les faisceaux.Ainsi, seules les oscillations aux fréquences ωi et ωj sont toujours présentes et forment ce qu’onappelle l’automodulation de phase et la modulation de phase croisée. En effet, la polarisationnon linéaire du verre prend la forme suivante [26]

PK(r, t) =3ε0χK

8x(Ej e−iωjt

(|Ej |2 + 2 |Ek|2

)+ Ek e−iωkt

(|Ek|2 + 2 |Ej |2

))+ c.c.. (1.25)

On constate que tous les faisceaux se propageant dans un milieu contribuent à sa polarisationnon linéaire. Cependant, leur contribution est asymétrique puisque la polarisation non linéaireà une fréquence donnée est deux fois plus importante lorsqu’elle est causée par un faisceau

16

ayant une fréquence différente. Puisque le déphasage acquis par une impulsion lors de sapropagation est proportionnel à la polarisation non linéaire du milieu à sa fréquence porteuse,le déphasage qu’elle reçoit d’une impulsion ayant une fréquence différente est deux fois plusélevé que celui qu’elle produit sur elle-même.

Pour étudier quantitativement la présence d’effet Kerr sur la propagation d’impulsions,il est nécessaire de ramener l’équation (1.25) à un opérateur K agissant sur l’amplitude A(z, t)

d’une impulsion. Cet opérateur s’exprime comme

K[Aj(z, t)] =∂Aj(z, t)

∂z

∣∣∣∣K

= iγjAj(z, t)(|Aj |2 + 2 |Ak|2

), (1.26)

dont la constante γ permet de simplifier l’écriture en incluant à la fois les paramètres de nonlinéarité de la fibre et les paramètres physiques du faisceau [25]. Une définition commune decette constante la relie à l’indice de réfraction non linéaire n2 par l’expression suivante :

γ =2n2

λw20

, (1.27)

avec λ représentant la longueur d’onde de la lumière dans le vide et w0 le rayon effectif dumode guidé par la fibre. L’indice de réfraction non linéaire n2 des verres de silice a été mesurépar Milam et Weber [28] comme étant 2.7 ± 0.3 × 10−20 m2/W. L’équation (1.26) permetde quantifier l’effet Kerr présent dans une fibre optique et de déterminer son action sur laphase des différentes impulsions s’y propageant. Ces prévisions quantitatives sont au cœur duraisonnement permettant de concevoir un élargisseur spectral pour l’amplification Raman, unélément crucial dans la réalisation de ce projet.

La distance de propagation nécessaire pour que l’automodulation de phase d’une im-pulsion soit significative est donnée par la longueur LK . On définit LK comme la distanceaprès laquelle le centre d’une impulsion a acquis un retard de phase d’un radian par rapportà ses ailes [25], c’est-à-dire :

LK =1

γPmax, (1.28)

où Pmax est la puissance crête de l’impulsion initiale.

1.4.1 Élargissement spectral par automodulation de phase

Comme on l’a montré plus haut, l’automodulation de phase causée par l’effet Kerrpermet d’accroître le contenu spectral d’une impulsion laser grâce à l’étirement et la compres-sion des fronts d’ondes. Puisque la durée minimale d’une impulsion dépend de son contenuen fréquences d’après les relations de Fourier, il est souvent avantageux d’exploiter cet effetpour élargir le spectre d’une impulsion avant de la comprimer, par exemple avec une paire deréseaux. Des impulsions ayant un spectre déjà très large, pouvant provenir d’un laser titane-saphir, peuvent alors être compressées jusqu’à des durées aussi courtes que 6 fs en utilisant

17

une fibre optique monomode comme milieu non linéaire [29, 30]. Puisque les impulsions tropénergétiques peuvent causer des dommages irréversibles aux fibres de verre, des méthodessimilaires comme la propagation dans une fibre optique creuse remplie de gaz ont été dévelop-pées, permettant la compression d’impulsions très énergétiques (∼ 1 mJ) jusqu’à des duréesde l’ordre de 5 fs [31–33].

Comme la non linéarité par automodulation de phase et la dispersion sont les deuxphénomènes les plus significatifs qui déforment les impulsions lors de leur propagation dansles fibres optiques, il est important de connaître dans quel régime de déformation une impul-sion donnée se trouve. Les longueurs de dispersion LD et d’effet Kerr LK , définies dans lessections 1.3 et 1.4, sont utilisées pour situer une situation de propagation selon différents ré-gimes. Lorsque l’impulsion est brève, mais de faible énergie (LD � LK), l’automodulation dephase est négligeable et l’impulsion se propage en acquérant une dérive en fréquence linéairetout en voyant sa durée augmenter ; son spectre reste identique. D’autre part, si l’impulsionest relativement longue, mais très énergétique (LK � LD), la forme temporelle de l’impulsionne changera pas, mais la compression et l’étirement des fronts d’onde causera un élargissementde son spectre. Cela n’est cependant pas la situation idéale puisque la présence de plusieurspoints dans l’impulsion ayant la même fréquence provoque de l’interférence dans son spectre,qui prend alors une forme oscillante. La figure 1.4 illustre le spectre d’une impulsion gaussienneaprès que celle-ci se soit propagée sur une distance de 10LK lorsque la dispersion est négli-geable. Puisque l’impulsion propagée possède un spectre plus large, elle peut être compriméeà une durée beaucoup plus courte qu’initialement (voir l’encart de la figure 1.4). Cependant,le déphasage acquis durant la propagation est aussi non linéaire, ce qui implique que la com-pression des impulsions propagées n’est pas toujours aussi simple qu’il peut sembler a priori.Il peut arriver parfois qu’il soit difficile d’obtenir la majeure partie de l’énergie dans le lobeprincipal et qu’une impulsion brève peu énergétique se retrouve entourée par un long piédestalde faible intensité.

La situation est différente lorsque l’élargissement spectral est accompagné d’un élar-gissement temporel dû à la dispersion (LD ∼ LK). Dans ce cas, la dérive en fréquence causéepar la dispersion permet de séparer spatialement les différentes fréquences, ce qui élimine lesoscillations dans le spectre de l’impulsion après la propagation. Le paramètre qui régit alors lapropagation de l’impulsion est ce qu’on appelle le nombre solitonique N , relié au rapport deslongueurs de dispersion et d’effet Kerr selon N2 = LD/LK . Dans la situation où la dispersionest anomale (β2 < 0) avec N = 1, la dérive en fréquence causée par celle-ci est parfaitementcompensée par celle provenant de l’automodulation de phase, ce qui permet la propagationd’une telle impulsion, appelée soliton, sur de très longues distance lorsque les pertes d’énergiesont négligeables. Lorsque la dispersion est normale (β2 > 0), les dérives en fréquence causéespar la dispersion et par l’effet Kerr s’additionnent, ce qui a pour résultat d’accroître la du-rée de l’impulsion plus rapidement que sans effet non linéaire. L’élargissement spectral dû à

18

−3 −2 −1 0 1 2 3 4 5

(ν − ν0)∆t0

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

S(u

.a.)

z = 0z = 10LK

−1.0 −0.5 0.0 0.5 1.0

t/∆t0

0

1

2

3

4

5

6

7

P(u

.a.)

Figure 1.4 – Élargissement spectral par automodulation de phase d’une impulsion gaussienneavant et après une propagation sur une distance de 10LK en l’absence de dispersion. Lorsquel’impulsion se propage sur une distance beaucoup plus élevée que la longueur Kerr, son spectres’élargit et prend une allure oscillante, ce qui permet de comprimer l’impulsion à une durée pluscourte (voir l’encart). Les échelles des fréquences (graphique principal) et du temps (encart)sont normalisées d’après la durée initiale ∆t0 de l’impulsion.

l’automodulation de phase se transforme aussi en élargissement temporel puisque les nouvellescomposantes spectrales s’ajoutent à l’avant et à l’arrière de l’impulsion ; une impulsion chirpéelinéairement a en effet la même forme dans les domaines spectral et temporel. C’est donc cerégime qui permet d’obtenir les meilleurs élargissements spectraux tout en conservant uneforme spectrale sans oscillation.

Lorsque les longueurs de dispersion et d’effet Kerr sont du même ordre de grandeur,l’élargissement temporel dû à la dispersion entraîne une diminution de la puissance crête, ce quidiminue progressivement l’ampleur des effets non linéaires. Ainsi, l’augmentation de la largeurspectrale s’effectue rapidement au commencement de la propagation, pour ensuite saturerlorsque la durée de l’impulsion a été considérablement allongée. La figure 1.5(a) présentedes simulations, effectuées durant ce projet de recherche, montrant que pour trois situationsdifférentes, l’impulsion atteint presque sa largeur spectrale maximale avant de s’être propagéesur sa distance de dispersion LD. On remarque aussi que lorsque la dispersion est plus élevée(nombre solitonique N plus petit), la largeur spectrale sature à une valeur plus faible puisquel’impulsion est écrasée avant que son centre n’ait acquis un grand déphasage non linéaire. Pouraugmenter considérablement la largeur spectrale d’une impulsion, il importe alors de réduirela dispersion et d’augmenter l’automodulation de phase en ayant, par exemple, des impulsionstrès énergétiques. Enfin, comme on peut le voir sur la figure 1.5(b), la propagation jusqu’àune distance LD permet d’adoucir les oscillations causées par l’automodulation de phase en

19

0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 1.4 1.6

z/LD

0

1

2

3

4

5

6

7∆ν

∆t 0

N = 5

N = 10

N = 15

(a) Largeur spectrale selon la distance propagée

−5 0 5 10

(ν − ν0)∆t0

0.0

0.5

1.0

1.5

2.0

2.5

3.0

3.5

S(u

.a.)

N = 5

N = 10

N = 15

z = LD/4

z = LD/2

z = LD

(b) Spectre après la propagation

Figure 1.5 – Élargissement spectral d’une impulsion brève en présence d’automodulation dephase et de dispersion normale. En (a), la largeur spectrale est affichée en fonction de la dis-tance parcourue pour trois situations correspondant aux nombres solitoniques N =

√LD/LK

valant 5, 10 et 15. Le spectre de l’impulsion dans chaque situation est affiché en (b) pourtrois distances différentes, soient LD (lignes pleines), LD/2 (tirets) et LD/4 (pointillés). Bienque sur une échelle arbitraire, les amplitudes relatives des spectres sont correctes pour troisimpulsions d’énergies différentes se propageant dans le même milieu non linéaire.

s’assurant, grâce à la dérive en fréquence, que chaque fréquence d’oscillation ne correspondequ’à une seule position dans le profil temporel de l’impulsion. Le spectre de l’impulsion estalors exempt de toute oscillation, ce qui permet de réduire la proportion d’énergie qui pourraitse retrouver dans un piédestal advenant une recompression.

1.5 Amplification par des fibres dopées à l’ytterbium

L’amplification laser par des ions de terre rares est souvent la solution privilégiée pourbeaucoup d’applications en optique fibrée. L’existence d’une raie d’émission des ions d’erbium(Er3+) autour de 1550 nm, soit environ la même longueur d’onde où les pertes intrinsèquesdes fibres optiques de silice sont les plus faibles (inférieures à 0.2 dB/km), a permis l’établis-sement du réseau de télécommunications par fibre optique en rendant possible la générationet l’amplification des signaux. L’ytterbium, une autre terre rare utilisée en optique fibrée, al’avantage d’avoir un spectre d’émission très large entre 1000 et 1100 nm, ce qui permet lagénération d’impulsions très brèves. Même s’il n’est pas compétitif face au laser titane-saphirpour la durée des impulsions, il sature beaucoup moins rapidement. Comme l’ytterbium peutêtre utilisé comme dopant dans les fibres optiques, qui possèdent une remarquable habilité àdissiper la chaleur, il est possible de l’utiliser pour générer des faisceaux à haute puissancemoyenne, pouvant correspondre à des impulsions d’énergie élevée émises à forte cadence. Ilest intéressant de noter qu’une carrière du village d’Ytterby en Suède est à l’origine de la

20

découverte à la fois de l’yttrium, de l’ytterbium, du terbium et de l’erbium. Le thulium, uneautre terre rare utilisée pour l’émission laser, tire d’ailleurs son nom de Thule, un ancien nompour désigner la Scandinavie.

L’amplification laser par des atomes d’ytterbium Yb3+ se fait grâce aux transitionsentre les niveaux 2F7/2 et 2F5/2, qui seront nommés respectivement 1 et 2 à partir de main-tenant pour plus de simplicité. Bien que l’émission laser soit en général impossible pour unetransition à deux niveaux, les divisions de chaque niveau par effet Stark permettent alterna-tivement des schémas de pompage à trois ou quatre niveaux selon les longueurs d’onde de lapompe et du signal. Cela est possible même si l’élargissement spectral homogène et inhomo-gène de ces sous-niveaux fait qu’ils se confondent partiellement à température ambiante [34].La figure 1.6 permet de visualiser la spectroscopie des ions d’ytterbium et son effet sur leursections efficaces d’émission et d’absorption.

2F7/2

2F5/2

Niveau 2

Niveau 1

915 nm 975 nm 1020 - 1100 nm

(a) Spectroscopie

850 900 950 1000 1050 1100 1150

λ (nm)

0.0

0.5

1.0

1.5

2.0

2.5

3.0

σ(×

10−2

4m

2)

Absorption (σ12)

Emission (σ21)

(b) Sections efficaces

Figure 1.6 – En (a), schéma simplifié de la spectroscopie des deux niveaux, et de leursdivisions par effet Stark, impliqués dans la transition laser de l’ytterbium autour de λ =1 µm. Les différentes longueurs d’onde d’émission et d’absorption sont reliées aux sous-niveauxcorrespondant d’après Pask et al. [35]. En (b) sont affichées les sections efficaces d’absorptionet d’émission de l’ytterbium.

Bien que les atomes d’ytterbium puissent en principe être dans n’importe quel étatd’énergie, leur état le plus stable correspond à celui de plus faible énergie. À l’équilibre ther-modynamique pour une température ambiante (∼ 300 K), à peine 6 % des atomes se trouventdans le second sous-niveau d’énergie (expliquant la faible absorption possible à λ > 1 µm),alors que les populations dans les autres niveaux sont encore plus faibles [35]. De plus, l’équi-libre est atteint très rapidement puisque les sous-niveaux sont suffisamment élargis pour seconfondre légèrement. Si des atomes sont pompés au niveau 2 dont le temps de vie est del’ordre de la milliseconde, ils atteindront rapidement un équilibre temporaire où ceux-ci serontmajoritairement dans le sous-niveau inférieur. Il est donc correct de considérer que toutes

21

les excitations partent du sous-niveau inférieur de l’état 1 vers n’importe quel sous-niveau del’état 2 alors que les désexcitations partent du sous-niveau inférieur de l’état 2 vers n’importequel sous-niveau de l’état 1.

Puisque le milieu amplificateur possède une température relativement élevée (∼ 300 K),les différents niveaux de la structure fine du spectre s’élargissent, ce qui implique qu’un signaldont la fréquence est légèrement à côté de la transition peut être tout de même être absorbé ouentraîner une émission stimulée (élargissement homogène). De plus, les dopants peuvent occu-per différentes positions par rapport aux molécules de SiO2, ce qui déplace les fréquences derésonance des transitions. Cela se traduit par un élargissement inhomogène puisque des signauxayant différentes fréquences peuvent être amplifiés par des dopants dans différentes configu-rations moléculaires. Ces deux phénomènes ont pour conséquence de confondre les transitionsimpliquant des sous-niveaux proches, ce qui adoucit les spectres d’absorption et d’émission.On peut donc associer à chaque transition atomique une pondération σ qu’on appelle sectionefficace et qui peut être interprétée comme étant une surface autour de chaque dopant par la-quelle doit passer un photon pour qu’il soit absorbé ou qu’il entraîne une émission stimulée. Lasection efficace dépend de la fréquence du photon et prend généralement la forme d’une courbeen cloche en fonction de celle-ci. De plus, dans le cas d’un dopage à l’ytterbium, le remplissageinégal des sous-divisions de chaque niveau oblige à considérer une section efficace σ différentepour l’absorption et l’émission stimulée de lumière. Les sections efficaces de l’ytterbium, affi-chées sur la figure 1.6(b), représentent l’absorption et l’émission globale du niveau 1 au niveau2, pondérées selon les probabilités respectives de chaque transition illustrée sur la figure 1.6(a).Ces courbes sont toutes deux obtenues par régression manuelle d’une lorentzienne et de troisgaussiennes d’après les données de la figure 1 de Paschotta et al. [34]. Puisque la transition à976 nm n’implique que deux sous-niveaux des ions d’ytterbium (voir figure 1.6(a)), ses raiesd’absorption et d’émission ne peuvent être élargies que de façon homogène, ce qui justifie lechoix d’une forme lorentzienne. Les autres zones d’absorption autour de 915 nm et d’émissionà plus de 1 µm font intervenir une combinaison de plusieurs paires de sous-niveaux, ce quise traduit par un élargissement inhomogène et justifie le choix d’une régression gaussienne.Les courbes ainsi estimées sont très proches de celles présentées dans Paschotta et al. [34] etpermettent de calculer rapidement le gain d’une fibre dopée à l’ytterbium dans un algorithmede calcul numérique (voir annexes A et B).

Vu la structure des sections efficaces d’émission et d’absorption, l’ytterbium peut êtreemployé pour quatre différentes configurations d’amplification [34]. D’abord, on peut pompervers 910 nm pour émettre à 975 nm, ce qui permet un gain très élevé vu l’importante sectionefficace de même que la possibilité pour la pompe d’inverser presque totalement le milieu.Cependant, puisque l’absorption est aussi très élevée à 975 nm, l’amplification sature facile-ment, ce qui limite l’atteinte de hautes énergies. De plus, la raie d’émission est très étroite,ce qui ne permet pas la génération ou l’amplification d’impulsions brèves. Si la pompe est

22

toujours à 910 nm, mais qu’on a l’intention de générer du gain autour de 1030 nm, le gainobtenu est très élevé dû à l’absence d’émission à la longueur d’onde de la pompe. De plus, cetteconfiguration permet une bande passante très large pour le gain, de même qu’une saturationfaible (peu de réabsorption à 1030 nm), ce qui en ferait un amplificateur idéal si ce n’étaitde l’amplification du bruit à 975 nm (ASE pour amplified spontaneous emission) qui videraitl’inversion. Plusieurs solutions ont été proposées pour répondre à ce problème, comme parexemple l’utilisation d’erbium pour absorber le bruit à 975 nm [34].

Il est beaucoup plus simple de régler le problème de l’ASE à 975 nm en pompant à cettelongueur d’onde pour émettre autour de 1030 nm. Dans cette configuration, le gain diminuepar contre de moitié puisque l’émission à la longueur d’onde pompe a pour effet de diminuerl’inversion de population pour atteindre 50 % au maximum. Cela permet tout de même desgains appréciables autour de 1030 nm. Si on désire plutôt du gain pour des longueurs d’ondeplus élevées, l’ASE à 1030 nm devient importante, ce qui suggère le quatrième schéma depompage. Le pompage se fait alors à 1047 nm par un laser Nd :YLF ou à 1064 nm avec unNd :YAG, ce qui ne permet pas d’atteindre l’inversion (respectivement 3.4 % et 1.7 % de lapopulation dans le niveau excité). Un gain est tout de même généré aux longueurs d’ondeélevées avec une amplification du bruit beaucoup plus faible [34].

Il est possible d’intégrer le gain à l’évolution d’un faisceau lumineux en observant com-ment l’émission stimulée et l’absorption par les ions de terres rares se compensent à la longueurd’onde porteuse de celui-ci. Il est alors nécessaire de connaître les densités de population N1

et N2 des niveaux impliqués dans la transition puisqu’elles déterminent lequel de ces deuxphénomènes est le plus important. Ces populations sont obtenues en calculant l’état d’équi-libre qui survient entre l’excitation d’atomes causée par la présence d’un faisceau pompe etla relaxation naturelle du niveau supérieur. Dans les fibres dopées à l’ytterbium, le tempsde vie du niveau supérieur vaut généralement 0.8 ms, mais peut prendre des valeurs jusqu’à1.5 ms dans certaines fibres ne contenant pas de germanium [34]. Le niveau d’inversion entreles populations s’obtient aisément lorsque tous les faisceaux sont continus ou lorsque le délaientre chaque impulsion amplifiée est suffisamment long pour permettre de remplir à nouveaule niveau supérieur de la transition. Lorsque les impulsions se succèdent trop rapidement, lespopulations acquièrent un équilibre moyen qui peut être beaucoup plus difficile à déterminer.L’annexe B décrit en détail le calcul des populations N1 et N2 pour chaque situation.

Quand un faisceau laser se propage dans un milieu dopé, il excite la transition atomiqueet peut être absorbé ou provoquer de l’émission stimulée à sa longueur d’onde (ou fréquence).Son gain en puissance correspond donc à la différence entre ces deux phénomènes, soit :

g(ω) =1

P

dP

dz= [σ21(ω)N2 − σ12(ω)N1]Γ, (1.29)

avec Γ représentant le facteur de confinement du faisceau dans le cœur de la fibre, généralementsupérieur à 75 % dans les fibres monomodes bien ajustées. L’expression (1.29) est valide tant

23

pour un laser continu que pulsé (dont le spectre est beaucoup plus large) puisqu’il s’agit alorsd’amplifier chaque fréquence de son spectre S(ω) séparément avec l’expression de g(ω) :

dS(ω)

dz= g(ω)S(ω). (1.30)

Pour intégrer les équations du gain dans la résolution de l’équation de Schrödinger nonlinéaire, il faut considérer l’amplitude complexe du champ électrique plutôt que la puissance. Ilest important de noter que toute fonction de transfert, incluant le coefficient de gain g(ω), doitêtre composée d’une partie imaginaire et d’une partie réelle reliées par les relations de Kramers-Kronig pour que la causalité des événements soit respectée [36]. Puisque les sections efficacesaffichées à la figure 1.6(b) sont entièrement réelles, il est alors important de calculer leur partieimaginaire à l’aide des relations de Kramers-Kronig avant de les inclure dans un programmede simulation. Cette partie imaginaire est nécessaire pour connaître le déphasage produit parle gain sur l’impulsion. Enfin, comme l’équation (1.29) représente le gain en puissance, il estnécessaire de diviser le coefficient de gain par 2 pour qu’il s’applique à l’amplitude. Ainsi, onobtient :

G[A(z, ω)] =∂A(z, ω)

∂z

∣∣∣∣G

=g(ω)

2A(z, ω), (1.31)

où A(z, ω) est la transformée de Fourier de l’amplitude A(z, t) du champ électrique. À l’ex-ception de l’amplification des lasers continus ou à impulsions longues, le gain doit être prisen considération dans l’espace fréquentiel afin que les différents phénomènes liés à la réponsespectrale des dopants soient considérés. Dans un programme de simulation numérique, l’opé-rateur gain G doit donc être traité de la même façon que l’opérateur de dispersion D (voirannexe A).

L’expression du gain donnée par l’équation (1.29) indique que celui-ci prend la formecorrespondant à la différence entre les sections efficaces d’émission et d’absorption, pondéréespar les population N1 et N2. D’après les sections efficaces d’émission et d’absorption affichéessur la figure 1.6(b), j’ai calculé quelle forme prend la courbe de gain pour différentes inversionsde population, définies comme N2/N . La figure 1.7 montre les courbes de gain pour desinversions allant de 0 % à 100 % par sauts de 10 %. On remarque d’abord que, peu importe neniveau d’excitation, il y a presque toujours du gain autour de 1030 nm et de l’absorption vers920 nm. Puisque l’absorption est équivalente à l’émission si un seul faisceau d’une longueurd’onde de 975 nm est propagé dans la fibre, il y aura un fort gain si la majeure partie des ionssont dans l’état 1 et de fortes pertes en cas contraire, stabilisant chaque population à 50 %(courbe rouge). La figure 1.7(b) indique que le gain est toujours très présent à 1030 nm pourune inversion de 50 % typique d’un pompage à 975 nm.

Lorsque la puissance du signal amplifié devient comparable à celle de la pompe, sonamplification réduit considérablement l’inversion de population, ce qui se traduit généralement

24

850 900 950 1000 1050 1100 1150

λ (nm)

−1.0

−0.5

0.0

0.5

1.0

g(u

.a.)

(a) Spectre de gain et d’absorption complet

1000 1010 1020 1030 1040 1050 1060 1070

λ (nm)

−0.05

0.00

0.05

0.10

0.15

0.20

0.25

g(u

.a.)

(b) Agrandissement du spectre de gain

Figure 1.7 – Effet de l’inversion de population des ions d’ytterbium sur la forme du gain. Lacourbe de gain pour une inversion de 50 % est affichée en rouge puisqu’elle correspond à uneamplification typique avec une pompe de 975 nm. La figure (b) présente un agrandissement dela courbe de gain autour des longueurs d’ondes d’émission, correspondant à l’encadré en (a),ce qui permet d’observer le décalage vers le rouge de son maximum lorsque la population duniveau supérieur diminue. Des marqueurs noirs relient les maxima de chaque courbe de gain,ce qui permet de mieux visualiser ce décalage.

par une amplification en régime saturé. Dans ce régime, le coefficient de gain devient inverse-ment proportionnel à l’intensité lumineuse, entraînant une augmentation de puissance linéaire,plutôt qu’exponentielle comme en régime non saturé [36], qui se poursuit jusqu’à l’absorptiontotale du faisceau pompe. On dit de la saturation du gain de l’ytterbium qu’elle est quasi-homogène puisque le gain conserve une forme en cloche presque identique lorsque l’inversiondiminue. La courbe de gain se déplace néanmoins graduellement vers le rouge (grandes lon-gueurs d’ondes) tel qu’illustré sur la figure 1.7(b) et disparaît dès que l’inversion approche 0 %.Enfin, si le signal amplifié est un train d’impulsions très étirées, la saturation du gain est pluscomplexe puisque leur front subira un gain élevé alors que leur queue sera peu amplifiée dûà la diminution de l’inversion de population causée par le passage du devant. Cette situationsera discutée dans la section B.2 de l’annexe B.

1.6 Conclusion

Le projet de recherche décrit dans ce mémoire présente une nouvelle approche permet-tant d’amplifier des impulsions laser brèves par effet Raman à des énergies élevées (jusqu’aumillijoule). Des schémas d’amplification sont étudiés de manière théorique et numérique, ce quinécessite la compréhension des différents phénomènes impliqués lors de la propagation d’im-pulsions dans des fibres optiques. Par conséquent, les sections 1.1 et 1.2 reprennent le forma-lisme d’Agrawal [25] décrivant les profils temporel et fréquentiel des impulsions et introduisent

25

l’équation différentielle permettant de résoudre leur évolution alors qu’elles se déplacent dansune fibre optique. Comme la dispersion et l’effet Kerr sont les phénomènes les plus importantslors de la propagation d’impulsions dans des fibres passives, ils sont décrits dans les sections 1.3et 1.4. La définition de longueurs caractéristiques sur lesquelles se produisent ces phénomènespermet de poser différents régimes de propagation, dont certains permettent d’utiliser la fibreoptique comme un élargisseur spectral pouvant favoriser la compression des impulsions à desdurées plus brèves (section 1.4.1). Enfin, la section 1.5 introduit l’amplification des impulsionspar des fibres dopées à l’ytterbium, une terre rare pouvant fournir du gain pour des longueursd’onde autour de 1 µm.

Bien que ce chapitre ne présente pas de nouveaux résultats, il permet de synthétiser lathéorie nécessaire aux développements des prochains chapitres tout en uniformisant les défini-tions et la nomenclature (qui peuvent varier d’un ouvrage à l’autre). L’équation de Schrödingernon linéaire (section 1.1) sera par exemple réutilisée au chapitre 3 pour développer un modèleanalytique décrivant la propagation d’impulsions en présence d’effet Kerr (section 1.4) et d’ef-fet Raman (phénomène décrit au chapitre 2). Le chapitre 4 présente plusieurs configurationspratiques d’amplification Raman, dont certaines sont étudiées à l’aide de simulations numé-riques. Ces simulations sont décrites en détail dans l’annexe A, mais elles font intervenir lesopérateurs de dispersion (section 1.3), d’effet Kerr (section 1.4) et de gain (section 1.5) décritsdans le présent chapitre.

26

Chapitre 2

Diffusion Raman stimulée dans lesfibres optiques

L’effet Raman est un phénomène non linéaire qui se produit lorsqu’un ou plusieursfaisceaux d’intensité élevée se propagent dans un milieu non linéaire. Ce phénomène a étédécouvert en 1928 par Raman et Krishnan [9] alors qu’ils tentaient de montrer que la diffusionde la lumière, tout comme celle des rayons X, devait être accompagnée d’une seconde diffusionà une longueur d’onde différente liée aux fluctuations des atomes et molécules autour d’unétat d’équilibre. En utilisant une paire de filtres de couleur, ils démontrèrent que la propa-gation d’un faisceau concentré de lumière du soleil dans un milieu transparent entraînait ladiffusion à des longueurs d’onde qui n’étaient pas présentes initialement. Pour confirmer leurhypothèse, un faisceau monochromatique provenant d’une lampe au mercure a permis dès1928 de mesurer par spectroscopie la diffusion Raman de plusieurs liquides et de quelques gaz[10]. Ils observèrent même une forte corrélation entre les polarisations des faisceaux incidentset diffusés par effet Raman. Cette découverte a été un pas fondamental dans la confirmationde la nature quantique de la lumière et valut à Raman le prix Nobel de physique en 1930.

L’effet Raman peut être expliqué comme l’interaction entre la lumière et les vibrationsdu milieu. La description quantique de ce phénomène correspond donc à un changement defréquence d’un photon incident selon la fréquence d’un phonon (quantum de vibration) absorbéou émis par un niveau quantique virtuel. Lorsque le photon diffusé est de plus faible énergieque le photon incident, cela signifie qu’un ou plusieurs phonons sont émis, ce qui augmentel’état de vibration du milieu, c’est-à-dire sa température ; on appelle alors le faisceau diffuséfaisceau Stokes. À l’inverse, on parle de faisceau anti-Stokes lorsque le milieu combine unphoton incident avec un ou plusieurs phonons pour produire un photon diffusé de fréquenceplus élevée. Ces transformations par le milieu non linéaire ont pour effet de décaler la fréquenceνγ du photon incident en y ajoutant ou soustrayant la fréquence νR du phonon absorbé ou émis.La figure 2.1(a) illustre cet effet en décrivant la diffusion Raman comme si les photons étaient

27

absorbés par un niveau d’énergie virtuel pour être ensuite réémis vers un niveau d’énergie devibration plus élevé ou plus faible que l’état initial. Comme les états de vibration de plus faibleénergie du milieu non linéaire sont en général plus remplis que ceux de haute énergie, l’effetRaman de type Stokes est beaucoup plus facile à observer que celui de type anti-Stokes.

Niveau optique virtuel

Éne

rgie

devi

brat

ion A

nti-

Stok

es

Stok

es

(a) Schéma simplifié de l’effet Raman (b) Gain Raman de la silice

Figure 2.1 – En (a), un photon incident est absorbé par un niveau virtuel du milieu, quiémet ensuite un photon de fréquence légèrement inférieure (photon Stokes) ou légèrementsupérieure (photon anti-Stokes) dont la différence d’énergie correspond à un changement del’état de vibration du verre par l’absorption ou l’émission d’un phonon. La dépendance dugain Raman des verres de silice selon la différence de fréquence entre les faisceaux pompe etsignal est affichée en (b) [13].

L’effet Raman peut se produire dans différents matériaux, que ce soit des gaz, desliquides, des solides amorphes ou des cristaux ; il est d’ailleurs très utile comme méthode decaractérisation puisque chaque matériau possède son propre spectre d’émission Raman. Depar la régularité de leur configuration moléculaire, les cristaux ont généralement des modes devibrations bien déterminés et puissants, car les vibrations se propagent facilement à traversle réseau. À l’opposé, les verres et autres milieux amorphes permettent plusieurs positionne-ments différents pour les mêmes molécules, ce qui entraîne l’existence de modes de vibrationsimilaires, mais dont la résonance diffère légèrement d’une molécule à l’autre. Ainsi, le spectred’émission Raman des verres est souvent beaucoup plus large en fréquence, ce qui les rendpotentiellement utiles pour l’amplification et la génération d’impulsions brèves.

Dans les verres de silice (SiO2), la diffusion Raman de type Stokes survient spontané-ment lorsque la puissance instantanée d’un faisceau est élevée ; elle peut aussi être stimulée parde la lumière de fréquence inférieure à la lumière pompe 1. La section 2.1 décrit cette diffusion

1. La diffusion de type anti-Stokes, beaucoup plus faible, nécessite une adaptation de phase pourpouvoir être observée dans les fibres de verre de silice.

28

Raman stimulée de façon qualitative et reprend le développement mathématique de Headleyet Agrawal [26] permettant l’obtention de la polarisation non linéaire Raman. Des mesures deStolen et Ippen [13] ont montré que la courbe du gain Raman de la silice (figure 2.1(b)) prendgrossièrement la forme d’une courbe en cloche centrée autour d’une différence de fréquence∆νR = 13 THz entre les photons incident et diffusé ; elle s’étend sur une largeur à mi-hauteurde 8.5 THz. Cette cloche est cependant la somme de plusieurs modes de vibrations du verre etpeut être représentée de façon adéquate par le modèle de Hollenbeck et Cantrell [27] compor-tant treize raies d’émission élargies de façon partiellement inhomogène, ce qui est détaillé dansla section 2.3. La section 2.4 continue le développement mathématique de Headley et Agrawal[26] en décrivant comment l’amplification Raman peut être ajoutée à l’équation de Schrödingernon linéaire décrivant la propagation d’impulsions lasers ultrabrèves dans les fibres optiques.Cette section inclut aussi des approximations permettant de simplifier l’expression mathéma-tique de l’amplification Raman pour des impulsions brèves étirées via des éléments dispersifs(par exemple des paires de réseaux) ou pour des impulsions longues presque monochroma-tiques. Finalement, comme les impulsions brèves ont un spectre très large, il peut se produirede l’effet Raman entre les parties bleue et rouge de leur spectre, ce qui entraîne le phénomèned’auto-dérive en fréquence du soliton, découverte par Mitschke et Mollenauer [37] et décrite àla section 2.5.

2.1 Transfert d’énergie entre deux faisceaux par diffusionRaman stimulée

Lorsque deux faisceaux ayant des fréquences différentes sont copropagés dans un milieunon linéaire, par exemple une fibre optique de silice, ils se transfèrent de l’énergie de façonpassive par l’intermédiaire de la diffusion Raman stimulée. D’abord, les faisceaux initiauxpompe et signal interfèrent et créent un battement dans la polarisation non linéaire du milieucorrespondant à une fréquence de vibration de celui-ci, tel qu’illustré sur la figure 2.2. D’autresphotons pompes traversant le milieu sont ensuite stimulés par le battement et se convertissenten photons signaux en subissant un décalage vers le rouge correspondant à la fréquence dubattement. L’énergie de vibration du milieu augmente, ce qui est décrit quantiquement parl’émission d’un phonon (quantum de vibration) dans le milieu non linéaire pour chaque photonconverti. En pratique, l’augmentation de l’énergie de vibration du milieu se traduit par undégagement de chaleur.

Comme le transfert d’énergie est stimulé par le battement entre le signal et la pompe,l’efficacité à laquelle il s’effectue dépend directement de l’amplitude du battement. C’est donclorsque la puissance du signal équivaut à celle de la pompe, ce qui donne un battement puissant,qu’il y a un maximum de conversions Raman. Si initialement le faisceau pompe est beaucoupplus puissant que le signal, le gain du signal augmente d’abord lors de la propagation jusqu’à ce

29

PompeSignal

Battement

Vibration

Diffusion Raman stimuléePompe

PompeSignal

Signal

Niveau optique virtuel

ωp ωs

ωbatt

n

n+ 1

ωR

Figure 2.2 – Illustration de la diffusion Raman stimulée causée par le battement entre deuxfaisceaux. La fréquence de battement entre la pompe et le signal excite un mode de vibrationdu milieu non linéaire, ce qui stimule la conversion de photons de la pompe au signal Stokes.Par conservation de l’énergie, un phonon (quantum de vibration) est émis dans le milieu nonlinéaire pour chaque photon pompe converti en photon signal.

que le battement soit maximal (pompe et signal de même puissance), puis diminue jusqu’à ceque la majorité de la puissance soit convertie. Une autre propriété intéressante de la diffusionRaman stimulée est qu’elle se produit dans la direction du signal, qu’il soit en copropagationou en contrapropagation avec la pompe [38]. En effet, le battement entre les ondes se produitnécessairement sur l’axe optique, ce qui force le transfert d’énergie sur ce même axe. À l’opposé,l’effet Raman spontané émet dans toutes les directions puisqu’il se produit grâce à l’interférenceavec du bruit, provenant des fluctuations du vide ainsi que de photons présents de façonaléatoire.

2.2 Description mathématique de la diffusion Raman stimulée

Mathématiquement, on décrit la diffusion Raman stimulée comme une susceptibiliténon linéaire d’ordre trois χR(t) dépendant du temps et qui affecte la polarisation non linéairedu milieu (χR(t) est reliée à la figure 2.1(b) pour la silice). Contrairement à l’effet Kerr causépar la réponse des électrons, l’effet Raman se produit grâce aux modes de vibration du milieucausés par le mouvement des noyaux et s’effectue beaucoup plus lentement, soit à l’échellefemtoseconde. Comme la réponse temporelle de l’interaction Raman ne peut être négligée, sacontribution à la polarisation non linéaire s’écrit [26]

PR(r, t) = ε0E(r, t)

∫ t

−∞χR(t− t′)E(r, t′) ·E(r, t′) dt′, (2.1)

où E(r, t) est le champ électrique dans le milieu non linéaire. L’équation (2.1) montre que lapolarisation non linéaire dépend de la réponse impulsionnelle Raman χR(t) du milieu convoluéeavec l’interférence entre deux champs électriques. Cette interférence modifie la façon dont untroisième champ électrique se propage. Le transfert d’énergie par diffusion inélastique entre unphoton pompe et un photon signal, affiché sur la figure 2.2, peut être modélisé en ne considérantque le battement Es(r, t) ·Ep(r, t) entre les champs électriques des faisceaux signal et pompe

30

dans la polarisation non linéaire, soit

PIER (r, t) = ε0[Es(r, t) + Ep(r, t)]

∫ t

−∞χR(t− t′)Es(r, t′) ·Ep(r, t′) dt′, (2.2)

où l’indice IE souligne que seuls les termes de diffusion inélastique, menant au transfertd’énergie entre deux faisceaux, sont considérés. Si les champs électriques sont définis commeEj(r, t) = 1

2 x (Ej(r, t) exp(−iωjt) + c.c.) et qu’on considère uniquement le battement à fré-quence ωp − ωs, on peut montrer à partir de l’équation (2.2) que le terme de polarisation nonlinéaire de diffusion Raman inélastique devient

PIER (r, t) = x

ε04Ep(r, t) e−iωst

∫ t

−∞χR(t− t′) e−i(ωp−ωs)(t−t

′)E∗p(r, t′)Es(r, t′) dt′

+ xε04Es(r, t) e−iωpt

∫ t

−∞χR(t− t′) ei(ωp−ωs)(t−t

′)E∗s (r, t′)Ep(r, t′) dt′

+ c.c.. (2.3)

Le premier terme de l’équation (2.3) indique la conversion de lumière pompe (Ep) en uneoscillation à la fréquence du signal ωs grâce au battement entre la pompe et le signal ; lesecond terme transcrit quant à lui la perte d’énergie de la pompe en fonction de l’amplitudedu signal et du battement. La polarisation non linéaire donnée par l’expression (2.3) peut êtreréécrite comme un opérateur agissant sur l’amplitude complexe d’un faisceau lumineux, ce quisera décrit en détail à la section 2.4.

La polarisation non linéaire liée au mouvement des molécules possède aussi des termesde diffusion élastique qui n’entraînent pas de changement d’énergie, mais qui sont responsablesd’une modulation de phase selon la puissance de chaque faisceau, tout comme l’effet Kerr.Cette situation est causée par l’influence du battement d’un faisceau avec lui-même, soitEj(r, t) ·Ej(r, t) (ou j peut représenter le signal ou la pompe), sur la propagation de la lumièreet à travers les vibrations du réseau. Cela mène à une polarisation non linéaire de la forme

PER(r, t) = x

ε04

(Ep e−iωpt + Es e−iωst

) ∫ t

−∞χR(t− t′)

(∣∣Ep(t′)∣∣2 +∣∣Es(t′)∣∣2) dt′

+ c.c., (2.4)

où l’indice E indique qu’il s’agit de la contribution à la polarisation non linéaire causée parla diffusion élastique liée au mouvement des molécules du milieu. Le terme de polarisationnon linéaire Raman PR(r, t), donné par l’équation (2.1), correspond donc à la somme de sescontributions élastique PE

R(r, t) et inélastique PIER (r, t). Lorsque les impulsions sont longues

devant la réponse temporelle de la susceptibilité Raman χR(t), on peut approximer cette der-nière par un delta de Dirac, ce qui implique que la modulation de phase Raman s’additionne àl’automodulation de phase (SPM) et à la modulation de phase croisée (XPM) occasionnées parl’effet Kerr. À l’opposé, si les impulsions sont d’une durée comparable à la réponse temporelle,le terme donné par l’équation (2.4) est responsable d’un effet Raman dit intra-impulsion quisera abordé avec plus de détails dans la section 2.5.

31

2.3 Réponse impulsionnelle et fonction de transfert Raman

À la section 2.1, on a décrit qualitativement la diffusion Raman stimulée comme untransfert d’énergie entre deux faisceaux qui se produit lorsque le battement entre leurs fré-quences porteuses correspond à une fréquence de vibration du milieu. De son côté, le dévelop-pement mathématique de la sous-section 2.2 fait plutôt référence à une susceptibilité Ramandépendante du temps qui influence la polarisation non linéaire d’un milieu lors du passaged’un champ électrique. Cette section permettra de comprendre que les deux descriptions sontdeux aspects du même phénomène puisqu’il s’agit des réponses temporelle et spectrale d’unmilieu lorsqu’il est excité par le passage d’un faisceau lumineux.

Une modification intéressante au formalisme de la section 2.2 consiste à redéfinir lasusceptibilité Raman pour normaliser les intégrales temporelles des équations (2.3) et (2.4).Le changement proposé consiste à poser χR(t) = χRhR(t) où χR est l’amplitude de la suscep-tibilité Raman alors que hR(t) représente la réponse impulsionnelle (temporelle) normaliséepar la relation suivante :

∫ ∞0

hR(t) dt = 1. (2.5)

On note aussi que pour que la causalité soit respectée, le milieu ne peut émettre une réponseavant d’être excité, ce qui implique que la réponse impulsionnelle est nulle pour t < 0. Cettecondition sur hR(t) permet de modifier la borne supérieure de la convolution Raman dans leséquations (2.1) à (2.4) pour l’infini (∞), ce qui sera utile dans la section 2.4 pour transformerla convolution en transformée de Fourier. La réponse impulsionnelle Raman prend en généralla forme d’une oscillation décroissante ; pour les verres de silice, la réponse est décalée d’unetrentaine de femtosecondes par rapport à l’excitation et s’atténue en quelques centaines defemtosecondes. Comme la réponse Raman d’un milieu est trop rapide pour être mesurée direc-tement, il est souvent plus pratique de l’observer dans le domaine des fréquences. La fonctionde transfert Raman hR(ω) et la réponse impulsionnelle hR(t) sont reliées entre elles par lestransformées de Fourier symétrisées suivantes :

hR(ω) = F [hR(t)] =1√2π

∫ ∞−∞

hR(t) eiωt dt, (2.6)

hR(t) = F−1[hR(ω)

]=

1√2π

∫ ∞−∞

hR(ω) e−iωt dω. (2.7)

Une propriété intéressante de la fonction de transfert est que sa valeur pour ω = 0 cor-respond à la condition de normalisation de la réponse impulsionnelle et vaut 1/

√2π. Les

sous-sections 2.3.1 et 2.3.2 décriront comment calculer la réponse impulsionnelle et la fonctionde transfert selon le modèle simple d’un oscillateur harmonique amorti et plus complet d’unsystème possédant plusieurs modes de vibration.

32

2.3.1 Oscillateur harmonique amorti

Dans un verre, les différentes molécules sont disposées de façon quasi aléatoire etpeuvent être amenées à osciller selon plusieurs modes de vibration. L’effet Raman peut ce-pendant être décrit sans trop d’erreur en ne considérant qu’un seul mode de vibration corres-pondant à une excitation importante survenant lorsque le verre est stimulé à des fréquencesavoisinant 13 THz. Le modèle le plus simple pouvant représenter ce mode de vibration consisteà décrire le mouvement moléculaire du verre comme une oscillation harmonique amortie. L’ef-fet Raman stimulé se produit lorsque le battement entre deux faisceaux lumineux correspondà une fréquence naturelle de l’oscillation des molécules, ce qui permet d’échanger de l’énergieentre la lumière (photons) et la vibration du milieu (phonons). En 1989, Blow et Wood ontmontré dans un article théorique [39] comment la formulation suivante décrit adéquatementla réponse impulsionnelle comme une oscillation harmonique amortie :

hR(t) =2π(τ2

1 + τ22 )

τ1τ22

e−2πt/τ2 sin (2πt/τ1) θ(t), (2.8)

où τ1 et τ2 représentent respectivement la période d’oscillation naturelle et son temps d’amor-tissement alors que θ(t) est la fonction échelon de Heaviside valant 0 pour t < 0 et 1 pourt ≥ 0. On note aussi que cette définition de la réponse impulsionnelle est compatible avec lacondition de normalisation (équation (2.5)).

0 50 100 150 200 250 300 350 400

t (fs)

−2

−1

0

1

2

3

4

5

6

hR

(u.a

.)

×1013

(a) Réponse impulsionnelle

−30 −20 −10 0 10 20 30

ν (THz)

−0.6

−0.4

−0.2

0.0

0.2

0.4

0.6

hR

(u.a

.)

(b) Fonction de transfert

Figure 2.3 – Réponse impulsionnelle (a) et fonction de transfert (b) correspondant à la diffu-sion Raman stimulée lorsque celle-ci est modélisée comme un oscillateur harmonique amorti.La réponse impulsionnelle est plus courte que la picoseconde, ce qui signifie qu’elle peut êtreconsidérée comme instantanée pour la propagation d’impulsions plus longues. Dans l’espacede Fourier (b), elle devient une fonction de transfert dont la partie imaginaire (en vert) estliée au gain Raman alors que la partie réelle (en bleu) correspond au déphasage qui lui estassocié.

La fonction de transfert Raman associée à la réponse impulsionnelle d’un oscillateur

33

harmonique amorti est obtenue d’après la transformée de Fourier de l’expression (2.8) et vaut

hR(ω) =τ2

1 + τ22

2i√

2πτ1τ2

1

1− i τ22π

(ω + 2π

τ1

) − 1

1− i τ22π

(ω − 2π

τ1

) . (2.9)

Les deux termes dans la parenthèse de l’expression (2.9) correspondent à des courbes lorent-ziennes complexes centrées aux fréquences ω0/2π = ±1/τ1. La figure 2.3 montre la réponseimpulsionnelle hR(t) et la fonction de transfert hR(ω) Raman du verre, pour lequel l’oscillationharmonique a une période τ1 estimée à 76.7 fs et s’atténuant en τ2 = 201 femtosecondes [39].La partie réelle de la fonction de transfert, représentée en bleu sur la figure 2.3(b), indique undéphasage non linéaire acquis par un faisceau lorsqu’il se propage parallèlement à un autre.Contrairement à la modulation de phase croisée (XPM), ce déphasage dépend de la différencede fréquence entre les photons des deux faisceaux lumineux. Quant à elle, la partie imaginairede la fonction de transfert (courbe verte de la figure 2.3(b)) correspond à l’échange d’énergieentre les deux faisceaux via l’effet Raman. Pour la silice, on peut approximer que la fréquencede vibration est excitée par l’effet Raman lorsque la différence de fréquence entre deux fais-ceaux est située dans une courbe lorentzienne centrée en ω0/2π = 1/τ1 = 13 THz et d’unelargeur à mi-hauteur de ∆ω/2π = 2/τ2 = 6.25 THz.

2.3.2 Modèle des modes de vibration multiples

Bien entendu, les verres de silice n’ont pas une réponse impulsionnelle correspondantexactement à un oscillateur harmonique amorti. La figure 2.1(b) montre que le gain Raman,proportionnel à la partie imaginaire de la fonction de transfert, est bel et bien centré à environ13 THz, mais sa forme exacte ne peut être expliquée que par la présence de plusieurs modesde vibration confondus [13]. Walrafen et Krishnan [40] ont étudié en 1982 la question duspectre de gain Raman du verre en considérant qu’il était constitué d’une dizaine de modesde vibration pour des fréquences situés entre 0 et 30 THz. Les auteurs ont considéré quechacun des modes de vibration était élargi de façon totalement inhomogène, ce qui signifieque la courbe de résonance qui leur est associée est composée d’un nombre très élevé de raiestrès étroites voisines les unes des autres. Par le théorème de la limite centrale, la courbe derésonance du mode de vibration moyen prend alors la forme d’une gaussienne. L’hypothèse estcrédible puisque les molécules du verre ne vibrent pas de la même manière selon la positionsdes molécules environnantes, ce qui rend la vibration de chaque molécule différente de sesvoisines. Cependant, Hollenbeck et Cantrell [27] montrent en 2002 qu’une telle hypothèse nepeut pas se traduire par une courbe de gain Raman qui colle sur celles mesurées [41, 42]. Leurarticle suggère que pour les verres de silice, l’élargissement inhomogène dû aux variations defréquence d’un même mode entre les molécules n’est peut-être pas beaucoup plus grand quel’élargissement homogène, lié par exemple à la température. Pour appuyer cette hypothèse,leur article propose un modèle basé sur treize modes de vibration dont l’élargissement està la fois partiellement homogène et inhomogène. La réponse impulsionnelle proposée est la

34

suivante :

hR(t) =13∑i=1

Ai e−γit e−Γ2i t

2/4 sin (ω0,it) θ(t), (2.10)

où ω0,i/2π est la fréquence de résonance du mode i alors que γi et Γi sont respectivement leslargeurs lorentzienne (homogène) et gaussienne (inhomogène) du mode ; Ai est son amplitudenormalisée [27].

0 5 10 15 20 25 30 35 40

ν (THz)

0.0

0.1

0.2

0.3

0.4

0.5

hR

(u.a

.)

Figure 2.4 – Fonction de transfert Raman du verre modélisée comme treize modes de vibrationayant un profil de Voigt et dont les fréquences de résonance sont situées entre 0 et 40 THz.La forme de chaque raie est calculée avec l’équation (2.11) d’après les paramètres donnés dansl’article d’Hollenbeck et Cantrell [27]. La courbe grise représente la somme des contributionsde chaque mode de vibration.

Dans l’espace de Fourier, la fonction de transfert hR(ω) peut être obtenue comme lasomme des raies de résonance obtenues par la convolution d’une lorentzienne de largeur γiet d’une gaussienne de largeur Γi. On appelle une telle courbe de résonance profil de Voigt,qui peut être obtenue à l’aide de la partie réelle d’une fonction dite de Faddeeva w(z) 2. Leprofil de Voigt est une courbe en cloche dont la forme est quelque part entre la gaussienneet la lorentzienne, selon les paramètres qui lui sont donnés. La phase correspondant à unerésonance ayant un profil de Voigt peut quant à elle être calculée à l’aide de la partie imaginairede la fonction de Faddeeva. La fonction de transfert Raman peut donc s’écrire sous la formesuivante :

hR(ω) =13∑i=1

iA′i

[w

(ω − ω0,i + iγi

Γi

)− w

(ω + ω0,i + iγi

Γi

)]. (2.11)

2. Le Faddeeva package contient un algorithme C++ écrit par Steven G. Johnson qui permet de calculerla fonction de Faddeeva avec plusieurs logiciels de calcul numérique (Matlab, GNU Octave, Python, R, etc.).Cette fonction est implémentée dans Python via la commande scipy.special.wofz [43].

35

On reconnaît dans l’équation (2.11) les résonances aux fréquences positives ω0,i (terme degauche dans la parenthèse) et leurs résonances réciproques aux fréquences négatives −ω0,i

(terme de droite).

L’article d’Hollenbeck et Cantrell indique les amplitudes relatives A′i, les fréquencesde résonance ω0,i et les paramètres de largeur γi et Γi pour treize raies des verres de silicesituées entre 0 et 40 THz et compare la fonction de transfert correspondante à la forme dugain Raman donnée par Stolen [41]. La figure 2.4 montre ces treize raies (courbes de couleur)ainsi que la somme de leur contribution (courbe grise). On y remarque que deux modes degrande amplitude situés à 10.9 THz et à 13.9 THz contribuent à créer une courbe de gainRaman centrée autour de 13 THz et d’une largeur à mi-hauteur de 8.5 THz. D’autres modesde vibration de plus faible amplitude contribuent à des raies de gain Raman situées à 14.9 THz,18.3 THz, 23.8 THz, 25.0 THz et 32.4 THz. La fonction de transfert hR(ω) indiquée par lacourbe grise sur la figure 2.4 est très semblable aux courbes mesurées du gain Raman dansles fibres optiques et elle sera utilisée pour la suite de ce mémoire pour simuler l’amplificationd’impulsions brèves par effet Raman.

0 100 200 300 400 500 600 700 800

t (fs)

−2

−1

0

1

2

3

4

5

hR

(u.a

.)

×1013

(a) Réponse impulsionnelle

−30 −20 −10 0 10 20 30

ν (THz)

−0.4

−0.2

0.0

0.2

0.4

hR

(u.a

.)

(b) Fonction de transfert

Figure 2.5 – Réponse impulsionnelle (a) et fonction de transfert (b) correspondant à ladiffusion Raman stimulée pour le modèle des modes de vibration multiples. Dans l’espace deFourier, elle devient une fonction de transfert dont la partie imaginaire (en vert) est liée augain Raman alors que la partie réelle (en bleu) correspond au déphasage qui lui est associé.

La réponse impulsionnelle hR(t) reliée aux treize résonances présentées par Hollenbecket Cantrell [27] est affichée sur la figure 2.5(a). Tout comme celle liée à un seul oscillateurharmonique amorti (figure 2.3(a)), il s’agit d’une réponse oscillatoire très rapide (échelle fem-toseconde) qui s’atténue rapidement en moins d’une picoseconde. Cependant, la réponse impul-sionnelle obtenue avec les modes de vibration multiples continue d’osciller à faible amplitudependant plusieurs centaines de femtosecondes, alors que celle liée à un oscillateur harmoniqueseul est déjà complètement atténuée après seulement 200 femtosecondes. Ce comportement est

36

dû à la présence de certains modes de vibrations étroits dans la fonction de transfert Raman,ces derniers correspondant à une oscillation dont l’amortissement est plus lent.

Finalement, les parties réelle et imaginaire de la fonction de transfert Raman sontaffichées sur la figure 2.5(b). Sa partie imaginaire (en vert) est liée au gain Raman et elle estconstituée de la somme de treize raies de vibration alors que sa partie réelle (en bleu) représentele déphasage lié au gain Raman. Pour satisfaire la condition de normalisation de la réponseimpulsionnelle, la fonction de transfert vaut 1/

√2π pour ω = 0. De plus, la figure 2.5(b)

permet d’observer que la partie réelle de la fonction de transfert Raman est paire par rapportau changement de signe de la fréquence ν alors que sa partie imaginaire est impaire.

2.4 Formalisme de l’amplification Raman d’impulsions

Dans la section 2.1, le transfert d’énergie par effet Raman entre deux faisceaux defréquences différentes a d’abord été décrit qualitativement, puis mathématiquement à traversle formalisme de la polarisation non linéaire du milieu. Cependant, il est préférable d’écrirel’effet du gain Raman comme un opérateur de l’équation de Schrödinger non linéaire (équa-tion (1.5)) agissant sur l’amplitude complexe A(z, t) du faisceau lumineux, ce qui simplifie lacompréhension du phénomène Raman et permet d’effectuer plus facilement des simulationsnumériques pour prédire les résultats d’éventuelles expériences. La sous-section 2.4.1 définitl’opérateur Raman de l’équation de Schrödinger non linéaire pour le cas général des impulsionsbrèves, c’est-à-dire ayant une durée comparable à la durée de la réponse impulsionnelle Raman(femtoseconde). Cet opérateur est ensuite simplifié dans les sous-sections 2.4.2 et 2.4.3 pourdes situations d’amplification où la durée des impulsions est longue devant le délai Raman, enincluant le cas où des impulsions femtosecondes sont étirées via une dérive en fréquence, ouchirp (voir section 1.2).

2.4.1 Amplification d’impulsions ultrabrèves (femtoseconde)

Lorsque la diffusion Raman sert à amplifier des impulsions très brèves (durée inférieureà la picoseconde), le caractère polychromatique du faisceau ne peut pas être négligé, tandisque le temps de réponse Raman du milieu non linéaire s’approche de l’ordre de grandeur dela durée des impulsions. Le spectre des faisceaux, souvent large de quelques dizaines de na-nomètres (quelques terahertz en fréquence), est alors du même ordre de grandeur que la raied’émission Raman, ce qui complique la physique du phénomène. Pour ces raisons, il devientalors nécessaire de différencier l’effet Raman de l’effet Kerr puisque ce dernier, causé par laréponse des électrons du milieu, reste instantané devant la durée des impulsions. Puisque le pa-ramètre γ représente la totalité des effets non linéaires, il convient alors de désigner la fractionfR de ceux-ci qui sont causés par la vibration moléculaire, ou l’effet Raman. La contributionRaman doit donc être soustraite à l’automodulation de phase (SPM) et à la modulation de

37

phase croisée (XPM) afin de ne considérer que la réponse électronique. L’opérateur d’effetKerr s’écrit alors

K[Aj(z, t)]fs =∂Aj∂z

∣∣∣∣fsK

= iγj(1− fR)(|Aj |2 + 2 |Ak|2

)Aj , (2.12)

en remplacement du terme défini par l’équation (1.26) dans la section 1.4 (j et k peuventtous deux représenter la pompe ou le signal) [26]. Dans la silice, la fraction Raman de la nonlinéarité est estimée à 0.18 [26, 41].

De son côté, l’opérateur décrivant l’effet Raman sur l’enveloppe des impulsions doitêtre obtenu d’après le formalisme de la polarisation non linéaire PR(r, t) décrit par les équa-tions (2.3) et (2.4) (section 2.2). En utilisant la définition de l’amplitude complexe A(z, t)

du champ électrique (équation (1.1), section 1.1), il est possible de ramener les équations depolarisation non linéaire à un opérateur Raman R agissant sur l’amplitude et la phase duchamp électrique et s’ajoutant à l’équation de Schrödinger non linéaire (équation (1.5)). Leséquations (2.3) et (2.4) sont alors modifiées en remplaçant la susceptibilité Raman χR(t) parla réponse impulsionnelle normalisée hR(t) et en associant les termes oscillants aux amplitudesdes champs électriques. La polarisation non linéaire du verre étant liée à l’indice de réfrac-tion, elle permet d’obtenir l’opérateur Raman décrivant le déphasage et le gain perçu par unfaisceau j lorsqu’il se propage dans le même milieu qu’un faisceau k, soit [26]

R[Aj(z, t)] =iγjfRAj

∫ ∞−∞

hR(t− t′)(∣∣Aj(t′)∣∣2 +

∣∣Ak(t′)∣∣2) dt′

+ iγjfRAk

∫ ∞−∞

hR(t− t′) e−i(ωk0−ω

j0)(t−t′)Aj(t

′)A∗k(t′) dt′, (2.13)

où le premier terme représente la contribution Raman à l’automodulation de phase (SPM) et àla modulation de phase croisée (XPM) par diffusion élastique alors que le second terme décritle transfert d’énergie par diffusion Raman inélastique. On note que la contribution Raman à lamodulation de phase croisée (XPM) n’est pas précédée d’un facteur 2 comme avec l’effet Kerr ;cette distinction sera discutée dans la sous-section 2.4.3. La réponse impulsionnelle Raman estaussi intéressante dans l’espace de Fourier, où elle devient la fonction de transfert hR(ω)

dont la partie imaginaire correspond au spectre de vibration du verre (voir section 2.3). Laconvolution de l’équation (2.13) devient alors le produit de la fonction de transfert hR(ω) avecla transformée de Fourier de Aj(t)A∗k(t). Puisque l’amplification Raman subie par un faisceaucontinu dépend directement de hR(ω), il est possible de relier la partie imaginaire la fonctionde transfert à l’amplitude du gain, alors que sa partie réelle est responsable d’un déphasagequi dépend de la différence de fréquence entre les deux faisceaux. Cette interprétation n’estcependant pas totalement adéquate pour l’amplification d’impulsions puisque le gain dépendaussi des profils de puissance instantanée des impulsions pompe et signal.

38

2.4.2 Amplification d’impulsions ultrabrèves étirées

Il est possible de simplifier davantage l’expression de l’opérateur Raman lorsqu’il affectedes impulsions femtosecondes étirées à des durées plus grandes que la picoseconde par unedérive en fréquence (chirp). Lorsque les impulsions sont étirées à ces durées, leur amplitude etleur phase varient lentement devant la réponse impulsionnelle hR(t) du milieu Raman. Pourdes enveloppes définies comme Aj(t) =

√Pj(t) exp[iφj(t)], la puissance et la phase au temps

t′ de l’expression (2.13) peuvent être approximées comme suit [24]

Pj(t′) ≈ Pj(t), (2.14)

φj(t′) ≈ φj(t) +

∂φj∂t′

∣∣∣∣t

(t′ − t). (2.15)

Un terme supplémentaire de la série de Taylor est conservé pour la phase puisque la fréquenceinstantanée des impulsions étirées, et donc leur phase, varie de façon importante sur la durée del’impulsion. Pour des impulsions sans dérive en fréquence, c’est-à-dire dont la durée compriméeserait beaucoup plus longue que la réponse Raman, l’approximation de la phase pourraits’arrêter au premier terme. Dans l’équation (2.15), la dérivée de la phase par rapport autemps est reliée à la fréquence instantanée selon la relation

∂φj∂t′

∣∣∣∣t

= −(ωj(t)− ωj0), (2.16)

où la fréquence porteuse ωj0 doit être soustraite pour ne pas être calculée deux fois (voir ladéfinition de l’amplitude A(z, t) selon l’équation (1.1), page 7). Il est alors possible de réécrirel’amplitude complexe Aj(t′) en fonction de celle au temps t, soit

Aj(t′) ≈

∣∣Aj(t′)∣∣ ei(φj(t)−(ωj(t)−ωj0)(t′−t)),

= Aj(t) ei(ωj(t)−ωj0)(t−t′). (2.17)

Ces approximations permettent de sortir les profils de puissance de la convolution et modifientle second terme de l’équation (2.13) pour qu’il prenne la forme d’une transformée de Fourier

R[Aj(z, t)] =iγjfRAj

(|Aj(t)|2 + |Ak(t)|2

)∫ ∞−∞

hR(t− t′) dt′

+ iγjfR |Ak|2Aj∫ ∞−∞

hR(t− t′) ei(ωj(t)−ωk(t))(t−t′) dt′. (2.18)

Alors que la première intégrale vaut 1 à cause de la normalisation de la réponse impulsionnelle,la seconde peut être réécrite avec la fonction de transfert hR(ω), qui est sa transformée deFourier,

R[Aj(z, t)] = iγjfR

(|Aj |2 + |Ak|2

)Aj + i

√2πγjfRhR(ωj(t)− ωk(t)) |Ak|2Aj . (2.19)

Ainsi, le premier terme de l’équation (2.19) s’ajoute à l’automodulation de phase et à la modu-lation de phase croisée ; le second est quant à lui responsable d’un déphasage et d’un transfert

39

d’énergie qui dépendent de la différence de fréquence instantanée entre les deux faisceauxlumineux qui se propagent dans le même milieu. Comme indiqué à la section 2.3, la partieimaginaire de la fonction de transfert hR(ω) correspond au gain ou aux pertes dues à l’effetRaman et se traduit par un changement d’amplitude du faisceau. Cela a pour conséquence ladépendance du gain Raman en fonction de la différence de fréquence instantanée, un conceptqui sera utile pour concevoir un schéma d’amplification Raman en régime saturé (chapitre 3).

2.4.3 Amplification de faisceaux continus et d’impulsions longues

Lorsque l’effet Raman sert à amplifier des faisceaux continus ou des impulsions longuessans dérive en fréquence (dont les durées sont plus longues qu’une picoseconde [25, 26]), laphysique se simplifie davantage puisque la réponse Raman est approximativement instantanéealors que les faisceaux peuvent être considérés monochromatiques. Puisque la différence defréquence instantanée entre les deux faisceaux est constante, on peut simplifier l’opérateurRaman décrit par l’équation (2.19) en considérant un coefficient de gain Raman gjkR constantdéfini comme :

gjkR = 2i√

2πγjfRhR(ωj0 − ωk0 ). (2.20)

On obtient alors l’expression élégante suivante pour le gain :

R[Aj(z, t)] =∂Aj(z, t)

∂z

∣∣∣∣R

= ±gjkR2|Ak|2Aj . (2.21)

L’équation (2.21) montre que l’amplification du faisceau signal par le faisceau pompe dépendde la puissance instantanée de ce dernier alors que sa phase n’est pas transférée, ce qui diffèrede certains processus paramétriques. Le signal acquiert tout de même une phase par effetRaman, mais cette dernière est liée au gain et à la puissance du faisceau conjugué ; la phasedu faisceau pompe n’affecte pas le signal. Pour que l’expression (2.21) soit correcte, il estnécessaire d’ajouter le terme de modulation de phase causée par effet Raman à celui produitpar la réponse non linéaire des électrons (effet Kerr), c’est-à-dire :

K[Aj(z, t)]ps = iγjAj

(|Aj |2 + (2− fR) |Ak|2

). (2.22)

On note que dans l’expression (2.22), le terme de modulation de phase croisée (XPM) estdifférent de celui présenté dans la section 1.4 (équation (1.26)). En effet, l’expression présentéeici indique un facteur 2 − fR pour la modulation de phase croisée alors que la section 1.4indiquait un facteur 2. Les deux définitions sont cependant équivalentes puisque le terme degain Raman inélastique présenté dans cette section contient aussi un déphasage non linéaire quidépend quant à lui de la différence entre les fréquences porteuses des deux faisceaux. Ainsi, pourdes faisceaux de même fréquence porteuse, la fonction de transfert Raman hR(ω) vaut (2π)−1/2

d’après la normalisation de la réponse impulsionnelle (sa partie imaginaire est nulle), ce quiimplique que l’opérateur Raman ne contient qu’un déphasage non linéaire supplémentaire

40

complétant la modulation de phase croisée. Par conséquent, le terme de modulation de phasecroisée donné dans la section (1.4) n’est valide que pour des faisceaux de fréquence porteuseidentique ou très proche ; pour des faisceaux de fréquences différentes, l’équation (2.22) doitêtre utilisée.

Enfin, l’effet Raman est aussi plus difficilement observable pour les faisceaux continuset impulsions très longues à cause de la dominance de la diffusion Brillouin [25]. Ce phénomènedevient cependant négligeable dès que les impulsions sont relativement brèves (∆t < 1 ns),qu’elles possèdent une largeur spectrale importante (∆λ� 10 MHz) ou qu’elles sont moduléesen fréquence [25, 44], ce qui facilite l’observation de l’effet Raman.

2.5 Effet Raman intra-impulsion

Même lorsqu’un seul faisceau se propage dans une fibre optique, l’effet Raman peutinfluencer sa propagation en décalant sa fréquence porteuse vers les basses fréquences (vers lerouge). Dans une fibre à dispersion anomale, il est possible de compenser la dérive en fréquencecausée par la dispersion avec de l’automodulation de phase, ce qui résulte en des impulsionsqu’on appelle solitons et qui peuvent se propager sur plusieurs kilomètres sans se déformer.Mitschke et Mollenauer observèrent cependant en 1986 que la fréquence porteuse des solitonsse décalait vers le rouge pendant leur propagation [37], ce qui fut expliqué la même annéecomme étant relié à un pompage Raman de la partie rouge du spectre par sa partie bleue [45].

Ce phénomène provient du spectre des impulsions brèves qui est suffisamment largepour que ses composantes se transfèrent de l’énergie par diffusion Raman. Les hautes fré-quences de l’impulsion transfèrent donc graduellement leur énergie aux basses fréquences, cequi implique un décalage de la fréquence porteuse vers le rouge. Cet effet est généralement ob-servé avec la propagation de solitons puisque ces derniers ne s’étirent pas, et donc conserventl’entièreté de leurs composantes spectrales comprimées dans une même impulsion brève. Àpartir du formalisme mathématique développé dans ce chapitre pour décrire l’effet Raman, ilest possible d’obtenir une expression approximative pouvant expliquer ce changement de lafréquence porteuse. Pour ce faire, on reprend l’équation (2.13) en ne considérant qu’un seulfaisceau d’amplitude complexe A(z, t), soit

R[A(z, t)] =∂A

∂z

∣∣∣∣R

= iγfRA(z, t)

∫ ∞−∞

hR(t− t′)∣∣A(z, t′)

∣∣2 dt′. (2.23)

On suppose cependant que l’impulsion est relativement longue devant la durée de la réponseimpulsionnelle Raman, mais assez courte pour que l’effet Raman ait un impact, soit géné-ralement pour des durées inférieures à la picoseconde pour les verres de silice [45]. Pour cesimpulsions, on peut approximer le profil de puissance au temps t′ comme très proche de celui

41

au temps t ∣∣A(t′)∣∣2 ≈ |A(t)|2 +

∂ |A(t′)|2

∂t′

∣∣∣∣t

(t′ − t). (2.24)

En utilisant l’approximation (2.24) dans l’opérateur Raman et en utilisant la condition denormalisation de la réponse impulsionnelle, on obtient l’expression suivante :

R[A(z, t)] = iγfRA |A|2 − iγτRA∂ |A|2

∂t, (2.25)

où τR est un paramètre temporel valant τR = fR∫∞−∞ hR(t)t dt. On remarque que le premier

terme de droite de l’équation (2.25) s’ajoute à la modulation de phase causée par effet Kerr(équation (2.12)) pour obtenir l’expression habituelle en régime d’impulsions longues (équation(1.25)). Le second terme de droite est quant à lui responsable de l’effet Raman intra-impulsionet, par conséquent, de la dérive en fréquence du soliton. La constante de temps τR peut êtrecalculée en la reliant à la pente de la fonction de transfert Raman hR(ω) (déterminée à lasection 2.3). En remplaçant hR(t) dans l’intégrale par sa définition en transformée de Fourier(expression (2.7)) et en intégrant par parties, on obtient que la valeur du paramètre de tempsτR équivaut à l’expression

τR = fR√

2π∂

∂ω

(Im[hR(ω)

]) ∣∣∣∣ω=0

, (2.26)

qui peut être estimée à 2.70 fs à partir du modèle des vibrations multiples (section 2.3.2). Cettevaleur est compatible avec les mesures effectuées par Atieh et al. qui estiment ce paramètre àτR = (3± 1) fs [46].

La question qui demeure pour l’instant consiste à expliquer comment l’équation (2.25)peut résulter en un décalage vers le rouge de la fréquence porteuse de l’impulsion. Supposonsici qu’une impulsion se propage dans une fibre de dispersion anomale de façon solitonique,c’est-à-dire que sa dispersion est complètement compensée par son automodulation de phase.Cela implique que son profil de puissance reste inchangé selon la distance z parcourue, demême que sa durée et sa puissance instantanée. Par conséquent, seule la phase de l’impulsionchange, et la contribution principale à ce changement devient l’effet Raman intra-impulsion,soit

∂φ(z, t)

∂z= −γτR

∂ |A(t)|2

∂t. (2.27)

Puisque le terme de droite de l’expression précédente est indépendant de z, la phase de l’im-pulsion augmente linéairement selon la distance parcourue. On sait aussi que la fréquenceinstantanée d’une impulsion laser est reliée à la dérivée de sa phase, ce qui implique

ω(z, t) = ω0 −∂φ(z, t)

∂t= ω0 + γτR

∂2 |A(t)|2

∂t2z. (2.28)

Or, comme les solitons ont généralement un profil de puissance en forme de sécante hyperbo-lique, la dérivée seconde de ce profil est négative sur la quasi entièreté de l’impulsion, ce quiimplique une diminution de fréquence linéaire selon la distance parcourue.

42

2.6 Conclusion

Ce chapitre poursuit l’objectif du chapitre 1 en présentant, résumant et synthétisant lathéorie décrivant la diffusion Raman stimulée dans les fibres optiques de silice. La section 2.1décrit d’abord qualitativement comment l’interaction entre des photons (lumière) et phonons(vibrations acoustiques) peut entraîner un transfert d’énergie entre deux faisceaux laser defréquences porteuses différentes lorsqu’ils se propagent dans un milieu non linéaire. En utili-sant le même formalisme que pour la présentation de l’effet Kerr (section 1.4), la section 2.2présente comment la réponse non instantanée de la polarisation non linéaire du milieu, liée auxvibrations des molécules, permet de convertir des photons pompe en photons signal. La formede la réponse impulsionnelle non instantanée due à l’effet Raman et la fonction de transfert quilui est associée sont discutées à la section 2.3. Deux modèles sont étudiés, soient l’oscillateurharmonique amorti (section 2.3.1) et celui plus complet des modes de vibrations multiples(section 2.3.2) dont certaines propriétés permettront d’expliquer des résultats obtenus au cha-pitre 4. Par la suite, la section 2.4 présente l’opérateur lié à l’effet Raman qui doit être ajouté àl’équation de Schrödinger non linéaire décrite au chapitre 1. Le code de simulation numériqueécrit pour ce projet de recherche (annexe A) utilise l’opérateur Raman le plus général pourdécrire l’amplification d’impulsions brèves (section 2.4.1), mais une version approximée pourdes impulsions brèves étirées à plus d’une picoseconde (section 2.4.2) permet de développerle modèle analytique qui est décrit au chapitre 3. Finalement, la section 2.5 décrit commentl’effet Raman peut entraîner un décalage de la fréquence porteuse d’une impulsion lorsqu’ily a transfert d’énergie entre les parties rouge et bleue de son spectre. Bien que cette dérivede la fréquence porteuse ne soit pas directement utilisée pour les schéma d’amplification Ra-man présentés au chapitre 4, elle pourrait s’avérer utile si on désirait produire des résultatssimilaires en régime de dispersion anomale plutôt que normale.

43

Chapitre 3

Amplification Raman d’impulsionsbrèves étirées

Dans ce chapitre, on propose un schéma d’amplification permettant de transférer l’éner-gie d’une impulsion pompe à une impulsion signal par diffusion Raman stimulée. La situationconsidérée correspond à celle où on souhaite amplifier un signal laser d’une durée ultrabrèved’environ une centaine de femtosecondes. Puisque la diffusion Raman se produit sur une échellede temps de quelques dizaines de femtosecondes 1, il est préférable de l’utiliser pour l’ampli-fication d’impulsions brèves seulement si leur durée n’est pas trop courte (∆t > 50 fs dansles verres de silice selon Agrawal [25]) afin d’éviter des effets transitoires indésirables. Aussi,les intensités élevées pourraient causer de l’autofocalisation et de l’auto-raidissement de cam-brure (respectivement self-focusing et self-steepening en anglais), en plus de poser des risquesde bris optiques pour le milieu amplificateur. L’utilisation d’éléments dispersifs tels une pairede prismes, de réseaux ou même un réseau de Bragg chirpé inscrit directement dans la fibreoptique permettrait d’étirer temporairement les impulsions à des durées plus longues (> 1

ps) pour lesquelles l’intensité est plus faible et le délai Raman devient négligeable, ce qui leurdonnerait une dérive en fréquence approximativement linéaire (voir section 1.2).

Lorsque l’effet Raman stimulé est utilisé pour amplifier des impulsions laser, l’absencede stockage d’énergie dans le milieu impose que le faisceau pompe soit aussi pulsé afin d’évi-ter de gaspiller son énergie puisqu’il n’y a aucun signal entre deux impulsions successives. Leschéma présenté consiste donc à amplifier le signal à partir d’une impulsion pompe très énergé-tique se propageant simultanément dans une même fibre optique passive. L’impulsion pompepeut soit être quasi-monochromatique, soit posséder le spectre d’une impulsion ultrabrève ; sadurée étirée doit néanmoins être similaire à celle du signal.

On s’intéresse ici aux situations d’amplification où les impulsions sont suffisamment

1. On notait à la section 2.3 du chapitre 2 que la réponse impulsionnelle Raman de la silice pouvaitêtre approximée par une oscillation décroissante ayant une période de 76.7 fs atténuée en 201 fs.

45

énergétiques pour qu’un transfert important d’énergie par effet Raman s’effectue sur unelongueur d’interaction beaucoup plus courte que la longueur caractéristique de dispersionLD (voir section 1.3). Cela permet de s’assurer qu’il n’y a pas de déformation significativedu profil de puissance de chaque impulsion due à la dispersion, ce qui rendrait l’amplificationRaman beaucoup moins prévisible. De plus, il est important que les impulsions pompe et signalvoyagent à la même vitesse de groupe afin qu’elles puissent échanger leur énergie tout au longde leur propagation. La distance de propagation doit donc être plus courte que la longueur dedécalage (ou de walk-off en anglais) LW , ce qui est possible si la dispersion est assez faible. Lasituation typique considérée dans ce chapitre consiste en l’amplification d’un signal d’énergienanojoule par une pompe ayant une énergie approchant ou dépassant un microjoule alors queles durées étirées de chaque impulsion dépassent la dizaine de picosecondes. Cette combinaisonde paramètres répond aux différentes conditions sur la longueur d’amplification Raman LR,qui sera définie à la section 3.2.

Les considérations générales du schéma d’amplification proposé, soient l’effet de la dé-rive en fréquence et la saturation inhomogène du gain Raman, seront d’abord traitées de façonqualitative à la section 3.1. Un modèle analytique et ses solutions seront ensuite présentés à lasection 3.2, ce qui permettra d’observer quantitativement dans la section 3.3 différentes situa-tions d’amplification. Une attention particulière sera apportée, à la section 3.4, au traitementdu déphasage acquis durant l’amplification puisque celui-ci affecte directement la possibilitéde comprimer l’impulsion amplifiée. Finalement, une discussion sur la stabilité du schémad’amplification Raman proposé lorsque l’énergie et la durée des impulsions pompe successivesvarient est présentée à la section 3.5.

3.1 Considérations théoriques pour l’amplification Raman enrégime saturé

Ce chapitre présente un schéma d’amplification d’impulsions femtosecondes par effetRaman dans des fibres optiques qui consiste en la copropagation d’impulsions signal et pompeétirées à une durée de plusieurs picosecondes. Comme cet étirement engendre une dérive enfréquence de l’impulsion, l’amplification est alors déterminée par la différence de fréquenceinstantanée ∆ω(t) entre la pompe et le signal à chaque temps t du référentiel en mouvement(voir section 2.4.2). L’enveloppe du signal perçoit alors une amplification équivalente à cellede faisceaux continus pour chaque instant selon sa différence de fréquence, indépendammentde ce qui s’est passé pour la lumière arrivée un peu plus tôt à un point z donné et sansinfluencer celle qui arrivera plus tard. De plus, comme chaque parcelle de l’enveloppe dusignal est amplifiée séparément selon sa différence de fréquence instantanée avec la pompe,l’enveloppe de cette dernière se vide de façon proportionnelle au gain s’y produisant. C’estce qu’on appelle la saturation inhomogène du gain Raman. En régime saturé, la presque

46

totalité de l’intensité lumineuse est transférée autour du centre des impulsions si la différencede fréquence instantanée est ajustée pour que le gain y soit maximal. Ce régime est doncpréconisé pour ce chapitre puisqu’une portion importante de l’énergie de la pompe peut êtretransférée au signal.

3.1.1 Effet de la dérive en fréquence des impulsions

Étirer des impulsions brèves en étalant leurs fréquences selon une dérive en fréquencelinéaire (voir section 1.2) présente de nombreux avantages pour l’amplification Raman. Toutd’abord, comme la durée des impulsions étirées est élevée pour leur contenu en fréquences,il est beaucoup plus facile de les synchroniser pour qu’elles voyagent l’une sur l’autre. Ellessont aussi beaucoup moins sensibles au délai qui se forme lorsqu’elles n’ont pas la mêmevitesse de groupe. Enfin, ces impulsions ont une puissance crête beaucoup plus faible pour lamême énergie, ce qui permet de réduire l’importance des autres effets non linéaires, commel’automodulation de phase (SPM) ou la modulation de phase croisée (XPM).

La dérive en fréquence des impulsions a cependant un effet un peu moins évident en mo-difiant directement le transfert d’énergie d’une impulsion à l’autre. Supposons d’abord qu’uneimpulsion signal très brève qui a été étirée temporellement avec une dérive en fréquence linéairese propage avec une impulsion pompe quasi-monochromatique dont la durée est équivalente àcelle du signal étiré (situation de la figure 3.1(a)). Pour favoriser le gain Raman, la fréquencede la pompe est choisie plus élevée que celle du signal par une différence de fréquence ∆ω

au centre des impulsions correspondant au maximum de la courbe de gain Raman (13 THzpour les verres de silice). La figure 3.1(a) montre que la différence de fréquences à l’avantet à l’arrière des impulsions n’est pas identique à celle du centre. La différence de fréquenceaux extrémités de l’impulsion signal pourrait même être en dehors du pic principal de gainRaman, ce qui limiterait considérablement leur amplification. Or, pour une impulsion ayantune dérive en fréquence linéaire, ses extrémités contiennent les hautes et basses fréquences deson spectre. Par conséquent, une telle amplification a pour effet de réduire la bande passanteeffective du gain. Comme cette bande passante est alors limitée par la largeur de la fonctionde transfert Raman hR(ω), ce régime sera désigné limité par la bande passante Raman. On amontré à la section 2.3.2 que la largeur à mi-hauteur de la fonction de transfert Raman desverres de silice vaut environ 8.5 THz, ce qui correspond à une bande passante suffisammentlarge pour l’amplification d’impulsions brèves (∼ 100 fs). Ce régime est cependant beaucoupplus limitatif si la fonction de transfert du milieu est très étroite, ce qui est le cas des cristauxnon linéaires souvent utilisés pour la génération de faisceaux Stokes par effet Raman (le nitratede baryum par exemple [47]).

Si on suppose plutôt que la pompe est aussi une impulsion très brève étirée pour avoirla même dérive en fréquence que le signal, le régime d’amplification est sensiblement différent.La figure 3.1(b), correspondant à ce régime, montre que la différence de fréquence instantanée

47

t

ω0,s

ω0,p

ω(t

)

(a) Pompe non chirpéet

ω0,s

ω0,p

ω(t

)

(b) Chirps identiquest

ω0,s

ω0,p

ω(t

)

(c) Chirps différents

Figure 3.1 – Effet de la dérive en fréquence des impulsions sur l’amplification. Lorsque lapompe n’est pas chirpée (a), la différence des fréquences instantanées varie selon l’endroit,ce qui implique que le gain est déterminé par la fonction de transfert Raman. Si la pompea le même chirp que le signal (b), la différence de fréquence est constante à tout endroit etla largeur spectrale du gain Raman est alors limitée par le spectre de l’impulsion pompe. Lasituation (c) est un compromis entre les cas (a) et (b).

∆ω(t) est constante pour tout temps t du référentiel en mouvement, ce qui implique une cer-taine égalisation du gain. Il devient alors possible d’amplifier toutes les parties de l’impulsionsignal avec le gain maximal permis par la fonction de transfert du milieu. Le gain Raman dé-pend cependant aussi de la puissance instantanée de l’impulsion pompe ; pour une impulsionen cloche (gaussienne, sécante hyperbolique, etc.), cela implique que le centre de l’impulsionvoit tout de même un gain plus élevé. Puisque l’impulsion pompe est aussi chirpée, les extré-mités de l’impulsion correspondent à ses hautes et basses fréquences. Par conséquent, la bandepassante du gain est désormais limitée par la largeur spectrale du faisceau pompe et ce régimesera identifié comme limité par le spectre de la pompe. Malgré le fait que l’élargissement dugain Raman effectif peut être considérable, ce régime nécessite une pompe ayant un contenuen fréquences élevé. Il n’est donc pas approprié pour les situations où on cherche uniquementà produire l’impulsion la plus brève possible puisqu’il déplace le problème sur l’obtention d’unfaisceau pompe adéquat. Néanmoins, ce régime peut être utile pour générer des répliques d’unfaisceau d’impulsions brèves à de nouvelles longueurs d’onde puisqu’il présente la bande pas-sante la plus large et ne nécessite pas une différence de fréquences correspondant au maximumde la courbe de gain Raman. En effet, la différence de fréquences pourrait prendre n’importequelle valeur du pic principal de gain ou même correspondre à un pic secondaire (par exemple18 THz et 24 THz dans les verres de silice).

La situation de la figure 3.1(c) est l’intermédiaire entre les deux autres situations puis-qu’elle permet de tirer profit du contenu en fréquences des impulsions pompe sans nécessiterqu’il soit aussi large que celui du signal. En ajustant l’étirement des impulsions pour que leursdurées soient comparables, la différence de fréquences instantanées ∆ω(t) n’est pas constante,mais varie plus lentement que si la pompe était monochromatique. Par conséquent, l’ampli-fication des extrémités de l’impulsion signal n’est pas autant limitée par la bande passantede la fonction de transfert Raman hR(ω) que si la pompe était monochromatique. La bande

48

passante effective du processus d’amplification est alors plus élevée, ce qui permet l’amplifica-tion d’impulsions plus courtes. Par exemple, un faisceau d’impulsions picosecondes pourraitservir de pompe pour un faisceau signal d’impulsions ayant une durée d’environ 100 fs, si lesimpulsions sont étirées à des durées similaires.

3.1.2 Saturation inhomogène

Un autre aspect important de l’amplification par diffusion Raman stimulée d’impulsionsbrèves étirées consiste en la saturation inhomogène du gain. Comme l’amplification n’impliquepas de stockage d’énergie et peut être considérée paramétrique si la durée étirée des impulsionsdépasse le délai Raman , les impulsions amplifiées ne conservent pas nécessairement leur formelorsque leur énergie s’accroît. Si l’amplification est saturée, les impulsions prennent plutôt uneforme particulière qui dépend des paramètres initiaux des faisceaux pompe et signal ainsique de la forme de la fonction de transfert Raman hR(ω). Au commencement du processus,le centre de l’impulsion signal est amplifié davantage que ses extrémités selon la forme et ladérive en fréquence de l’impulsion pompe, ainsi qu’en fonction de la courbe de gain Raman(voir figure 3.2(a)). Comme les impulsions étirées ont leurs hautes et basses fréquences situéesaux extrémités, l’amplification a d’abord pour effet de réduire la largeur spectrale du signal.

t

P

(a) Régime non saturét

P

(b) Régime saturé

Figure 3.2 – Saturation inhomogène du gain Raman. Lorsque l’amplification n’est pas saturée,en (a), le centre de l’impulsion signal voit un gain plus élevé. La saturation du gain en (b)réduit la puissance du centre de l’impulsion pompe ; le gain devient alors plus élevé pour lesextrémités que pour le centre. La longueur des flèches représente l’intensité du gain.

Cependant, lorsque la puissance instantanée du signal devient comparable à celle de lapompe, un creux se forme dans le profil d’amplitude de la pompe puisque davantage d’énergiea été transférée à partir de son centre où le gain était plus élevé. Cela a pour conséquence deréduire le gain du centre du signal en comparaison avec celui de ses extrémités, tel qu’indiquésur la figure 3.2(b). Alors que l’amplitude des extrémités de l’impulsion signal rattrape cellede son centre, son spectre est élargi de nouveau puisque ses extrémités contiennent ses hauteset ses basses fréquences si elle est étirée avec une dérive en fréquence linéaire. Cette propriétéest un avantage du gain Raman sur d’autre méthodes d’amplification, comme l’amplification

49

par des ions de terres rares, puisque ces dernières ont généralement une saturation homogènequi implique un rétrécissement spectral ininterrompu durant tout le processus.

3.2 Modèle analytique pour l’amplification Ramand’impulsions brèves

Le schéma d’amplification proposé, soit la copropagation d’impulsions pompe et signaldans une fibre optique en régime de transfert d’énergie saturé, demande une analyse pluspoussée que les considérations de la section 3.1 afin d’en évaluer le potentiel. Cette analysepourrait être réalisée par la simulation numérique des équations différentielles présentées auchapitre 2 selon l’algorithme présenté à l’annexe A, mais des solutions analytiques à l’équationde Schrödinger non linéaire (équation (1.5)) seront plutôt développées dans cette section.Outre le fait qu’elles permettent d’extraire beaucoup plus facilement les résultats souhaités, lessolutions analytiques offrent aussi une meilleure compréhension des phénomènes sous-jacents.J’ai développé le modèle analytique présenté dans cette section et ce dernier a fait l’objetd’une publication [24].

D’autres publications proposent déjà des solutions analytiques pour l’amplification pareffet Raman de faisceaux continus [48] ou d’impulsions picosecondes [49–51] qui pourraientêtre adaptées pour les impulsions femtosecondes étirées dont il est question pour ce pro-jet. C’est cependant le formalisme d’Agrawal [25], beaucoup plus simple, qui est choisi icipour exprimer les solutions analytiques de l’amplification Raman d’impulsions brèves éti-rées. L’enveloppe du champ électrique Aj(z, t) est d’abord exprimée selon sa puissance et saphase, soit Aj(z, t) =

√Pj(z, t) exp[iφj(z, t)] et la puissance est ensuite reliée à la fonction

Fj(z, t) = γ−1j Pj(z, t) proportionnelle au flux de photons. En effet, puisque le paramètre de non

linéarité γj dépend linéairement de la fréquence de l’onde porteuse (et donc de l’énergie d’unphoton à cette fréquence) il est possible d’affirmer que Fj(z, t) est proportionnel au nombre dephotons qui traversent la section de la fibre à la position z par unité de temps t. Lorsque lesimpulsions sont étirées suffisamment et possèdent une puissance élevée, la distance sur laquelles’effectue le transfert d’énergie par effet Raman est beaucoup plus petite que la longueur dedispersion, donnée par l’équation (1.20), ce qui permet de négliger les effets dispersifs et dene considérer que les effets non linéaires électroniques (Kerr) et moléculaires (Raman) pourl’évolution des profils d’amplitude et de phase des impulsions. Par conséquent, l’opérateurd’effet Raman décrit par l’équation (2.19), valide pour des impulsions femtosecondes étirées àdes durées picosecondes, et l’opérateur d’effet Kerr donné par l’équation (2.12) peuvent êtreutilisés pour obtenir des équations différentielles régissant l’évolution des impulsions en sépa-rant les composantes réelle et imaginaire de la dérivée partielle de l’amplitude Aj(z, t) par

50

rapport à la distance z.

∂Fj∂z

= 2i√

2πfRγjγk i Im[hR(ωj(t)− ωk(t))]FjFk, (3.1)

∂φj∂z

= γj

({fR√

2πRe[hR(ωj(t)− ωk(t)] + 2− fR}γkFk + γjFj

). (3.2)

Il est possible d’utiliser les propriétés de symétrie de la fonction de transfert Raman hR(ω) afinde transformer les équations (3.1) et (3.2) en un système d’équations plus facile à interpréter.Le caractère pair de sa partie réelle et impair de sa partie imaginaire (voir section 2.3.2) 2

permettent de définir un coefficient de gain gR(t) unique pour le système d’équations, soit

gR(t) = ifR√

2πhR(ωs(t)− ωp(t)). (3.3)

En utilisant cette définition dans les équations différentielles (3.1) et (3.2), on obtient le systèmesuivant :

∂Fs∂z

= 2Re[gR(t)]γsγpFsFp, (3.4)

∂Fp∂z

= −2Re[gR(t)]γsγpFsFp, (3.5)

∂φs∂z

= γs( {Im[gR(t)] + 2− fR} γpFp + γsFs), (3.6)

∂φp∂z

= γp( {Im[gR(t)] + 2− fR} γsFs + γpFp), (3.7)

où les indices p et s indiquent respectivement les faisceaux pompe et signal. Bien que lavariation de la phase, et par conséquent celle de la fréquence instantanée ωj(t), n’est pas nulle,on peut montrer que le coefficient de gain Raman gR(t) reste approximativement constant lorsde l’amplification Raman si les impulsions sont étirées à des durées supérieures à 10 ps (voirannexe C, inspirée de l’annexe B de Hardy et al. [24]).

En additionnant les équations (3.4) et (3.5), on observe que la quantité F (t) = Fs(z, t)+

Fp(z, t), proportionnelle au flux total de photons dans la fibre, est inchangée tout au longde l’amplification. Cette propriété du système d’équations est cohérente avec le fait que ladiffusion Raman stimulée est un phénomène qui préserve le nombre de photons et permet dedécoupler les équations différentielles. Il est alors possible d’obtenir les expressions analytiquespour Fs(z, t) et Fp(z, t) en résolvant chaque fois une seule intégrale :

Fs(z, t) = F (t)Fs(0, t) exp{2Re[gR(t)]γsγpF (t)z}

Fp(0, t) + Fs(0, t) exp{2Re[gR(t)]γsγpF (t)z}, (3.8)

Fp(z, t) = F (t)Fp(0, t)

Fp(0, t) + Fs(0, t) exp{2Re[gR(t)]γsγpF (t)z}. (3.9)

Les expressions précédentes permettent de déterminer le profil d’amplitude des impulsionspompe et signal étirées après une propagation d’une distance z dans une fibre optique, tant

2. Cela signifie que Re[hR(ωj − ωk)] = Re[hR(ωk − ωj)] et que Im[hR(ωj − ωk)] = −Im[hR(ωk − ωj)].

51

que les paramètres de non linéarité γj et la fonction de transfert Raman hR(ω) sont connus.Puisque les effets dispersifs sont considérés négligeables par les équations différentielles (3.6)et (3.7), le déphasage acquis durant la propagation ∆φj(z, t) = φj(z, t) − φj(0, t) est reliéuniquement à l’amplification Raman, l’automodulation de phase (SPM) et la modulation dephase croisée (XPM). En intégrant les résultats analytiques pour Fs(z, t) et Fp(z, t), il estpossible d’obtenir une expression décrivant le déphasage acquis par chaque impulsion durantsa propagation. Après quelques simplifications, on obtient :

∆φs(z, t) =1

2Re[gR(t)]

({Im[gR(t)] + 2− fR} ln

Fs(z, t)

Fs(0, t)− γsγp

lnFp(z, t)

Fp(0, t)

), (3.10)

∆φp(z, t) =1

2Re[gR(t)]

(−{Im[gR(t)] + 2− fR} ln

Fp(z, t)

Fp(0, t)+γpγs

lnFs(z, t)

Fs(0, t)

). (3.11)

Les déphasages décrits par les équations (3.10) et (3.11) peuvent être décomposés en leurscontribution Raman (termes suivant Im[gR(t)]), de modulation de phase croisée (2 − fR) etd’automodulation de phase (termes commençant par γj/γk). Même si ces déphasages sontpetits devant celui causé par la dérive en fréquence linéaire initiale des impulsions étirées, ilsinfluencent directement le spectre des impulsions du faisceau signal ainsi que la possibilité deles comprimer à des durées très brèves après leur amplification.

Pour faciliter l’analyse des solutions analytiques, il est utile d’introduire une longueurde saturation Raman LR dans les équations, ce qui permet de réécrire les solutions (3.8) et (3.9)en fonction de la distance de propagation normalisée z/LR. Cette longueur de saturation seradéfinie comme la distance de propagation après laquelle la valeur maximale du flux de photonsdu faisceau signal correspond à la moitié de la valeur maximale du flux de photons total, soitFs(LR, 0) = 1

2F (0) ou, de façon équivalente, Fs(LR, 0) = Fp(LR, 0). Elle correspond à :

LR =1

2Re[gR(0)]γsγpF (0)ln

[Fp(0, 0)

Fs(0, 0)

], (3.12)

où le temps t = 0 correspond à la position des crêtes des impulsions pompe et signal, c’està dire à la valeur maximale de F (t). On remarque d’après l’équation (3.12) que la longueurde saturation Raman LR est proportionnelle à la longueur caractéristique non linéaire LK =

(γPmax)−1 puisque γpF (0) vaut approximativement la puissance crête de la pompe avantl’amplification. La longueur de saturation LR est cependant généralement plus grande queLK puisque le gain Raman vaut approximativement la fraction fR à son maximum alors quela puissance crête initiale de la pompe est plus élevée que celle du signal ; pour un gain de30 dB, on trouve LR ∼ 40LK . De par sa définition, la longueur de saturation permet doncde différencier les régimes d’amplification non saturée (z � LR) et saturée (z > LR). Elle estincluse dans les solutions analytiques comme suit :

Fs(z, t) = F (t)Fs(0, t) exp[r(t)z/LR]

Fp(0, t) + Fs(0, t) exp[r(t)z/LR], (3.13)

Fp(z, t) = F (t)Fp(0, t)

Fp(0, t) + Fs(0, t) exp[r(t)z/LR]. (3.14)

52

Nous avons introduit dans les expressions (3.13) et (3.14) la fonction r(t) qui regroupe lesdépendances temporelles du coefficient de gain tout en explicitant la dépendance des profilsde flux Fj(z, t) envers la distance normalisée z/LR. Cette fonction est définie comme :

r(t) =Re[gR(t)]F (t)

Re[gR(0)]F (0)ln

[Fp(0, 0)

Fs(0, 0)

]. (3.15)

D’après l’équation (3.15), la fonction r(t) dépend implicitement des profils de puissancede la pompe et du signal via la fonction décrivant le flux total F (t), ainsi que de leurs dérivesen fréquences respectives à travers la partie réelle du coefficient de gain gR(t). Lorsque le signalest beaucoup plus faible que la pompe, soit Fs(0, t) � Fp(0, t), on remarque que la quantitéexp[r(t)z/LR] correspond au gain à faible signal des impulsions (F (t) peut être approximé parle flux de photons de la pompe Fp(0, t)). C’est donc r(t) qui détermine le profil d’amplificationà faible signal, soit à quel point les extrémités d’une impulsion perçoivent un gain différent deson centre. Comme elle dépend du flux F (t) et de la courbe de gain Raman gR(t), la fonctionr(t) est généralement une courbe en cloche, ce qui implique que le centre de l’impulsionsignal voit un gain plus élevé que ses extrémités. Puisque les impulsions étirées par une dériveen fréquence linéaire ont leurs hautes et basses fréquences aux extrémités, il est préférablede privilégier des situations où r(t) varie lentement sur la durée de l’impulsion signal afind’augmenter la bande passante de l’amplification.

Il existe plusieurs stratégies permettant d’élargir le profil temporel du gain r(t). Toutd’abord, si les impulsions du faisceau pompe sont aussi brèves que celles du faisceau signal etqu’elles sont étirées de façon à avoir la même dérive en fréquence, le coefficient de gain gR(t) estalors relativement plat, ce qui élargit la bande passante effective du gain. L’amplification estalors en régime limité par le spectre de la pompe, puisque la largeur de r(t) est alors déterminéepar la fonction de flux total F (t). D’autre part, il est possible d’étirer la pompe pour qu’elle aitune durée supérieure à celle du signal. Dans cette situation, la durée de la fonction de flux dephotons F (t) est plus grande que celle du signal, ce qui permet une meilleure amplification deses extrémités. Une impulsion pompe dont l’amplitude aurait été modifiée pour correspondreà une supergaussienne ou une impulsion carrée aurait aussi pour avantage d’égaliser le gainentre le centre du signal et ses extrémités, ce qui augmenterait la bande passante effective.

Comme on l’a décrit à la section 3.1.2, l’amplification débute en régime non saturé(z � LR) où le signal est trop faible pour altérer le profil de puissance de la pompe. Le signalsubit alors un rétrécissement spectral qui dépend de la largeur du profil temporel r(t) ducoefficient de gain Raman. Ensuite, lorsque le flux de photons dans l’impulsion signal devientcomparable à celui de la pompe, la saturation inhomogène du gain se manifeste. La déformationdu profil de la pompe permet alors une meilleure amplification des extrémités de l’impulsionsignal, ce qui cause un élargissement de son spectre. La formulation des expressions analytiquesdonnée par les équations (3.13) et (3.14) permet de conclure que, pour un ratio donné deflux entre le signal et la pompe Fp(0, 0)/Fs(0, 0), la puissance crête de l’impulsion signal est

53

déterminée uniquement par sa valeur initiale et la distance normalisée z/LR. L’évolution desautres paramètres de l’impulsion, comme son énergie et sa largeur spectrale, est déterminéeimplicitement par la forme et la largeur de la fonction r(t).

3.3 Influence de l’énergie et du contenu spectral de la pompesur l’amplification

Pour approfondir l’analyse de l’effet des paramètres d’amplification sur la forme queprendront les impulsions signal après leur amplification et recompression, il est utile d’observeren détail les profils de puissance et de phase à l’aide des équations développées à la section 3.2.Dans cette section, on a étudié l’impact du niveau de gain, déterminé à partir de l’énergie del’impulsion pompe, et du contenu en fréquences de la pompe sur les paramètres de l’impulsionamplifiée. On compare les situations où un faisceau signal composé d’un train d’impulsionsgaussiennes d’une durée initiale de 100 fs à une longueur d’onde porteuse de 1.078 µm estamplifié par trois impulsions pompe gaussiennes d’énergies différentes, mais ayant toutes unedurée de 1 ps à une longueur d’onde de 1.030 µm. Afin que l’amplification corresponde aurégime de gain Raman présenté dans ce chapitre, les impulsions signal et pompe sont res-pectivement étirées à 60 ps et 75 ps, correspondant à un ratio de 1.25. L’énergie initiale desimpulsions du signal est choisie comme étant 1 nJ et celles-ci subissent alternativement ungain de 20, 30 ou 40 dB par effet Raman (après une propagation de z = 3LR dans la fibre)grâce à des impulsions pompe ayant respectivement des énergies de 145 nJ, 1.45 µJ et 14.5 µJ.Les données obtenues grâce aux calculs de la propagation avec les équations (3.10) et (3.13)sont affichées sur la figure 3.3. Cette figure indique la durée compressée, la largeur spectrale,la puissance crête lorsqu’étirée et l’énergie des impulsions du faisceau signal en fonction de ladistance normalisée z/LR sur laquelle elles ont été amplifiées 3.

Pour calculer les paramètres affichés sur la figure 3.3, le spectre de l’impulsion am-plifiée est d’abord obtenu par une transformée de Fourier numérique de l’amplitude et de laphase de l’enveloppe du champ électrique As(z, t) =

√γsFs(z, t) exp{i[φs(0, t) + ∆φs(z, t)]},

obtenues d’après les équations (3.13) et (3.10). Il est ensuite possible d’obtenir le profil tem-porel de l’impulsion comprimée en égalant toutes les phases du spectre de l’impulsion entreelles et en effectuant une transformée de Fourier inverse. Ce processus revient à supposer unecompensation parfaite de la phase spectrale, ce qui a pour effet de fournir le profil temporelde l’impulsion la plus courte qui puisse être obtenue à partir d’un spectre donné. La duréede ce profil de puissance est donc une limite inférieure à ce qui pourrait être obtenu avecdes méthodes de compression traditionnelles telles les paires de prismes ou de réseaux ; elleest par conséquent appelée durée limitée par la transformée de Fourier. La puissance crêtede l’impulsion étirée est obtenue directement d’après l’équation (3.13) alors que son énergie

3. Les durées présentées et la largeur spectrale sont définies comme la pleine largeur à mi-hauteur(FWHM pour Full width at half maximum).

54

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0

z/LR

100

150

200

250

∆t

(fs)

(a) Durée de l’impulsion compressée

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0

z/LR

5

10

15

20

∆λ

(nm

)

20 dB

30 dB

40 dB

(b) Largeur spectrale

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0

z/LR

0

25

50

75

100

Ps/Pp(0

)(%

)

(c) Transfert de puissance crête

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0

z/LR

0

25

50

75

100

Es/Ep(0

)(%

)

(d) Transfert d’énergie

Figure 3.3 – Amplification Raman d’une impulsion signal d’une durée de 100 fs par uneimpulsion pompe de 1 ps, étirées respectivement à 60 ps et 75 ps. L’énergie de l’impulsionsignal est initialement de 1 nJ alors que celle de la pompe vaut alternativement 145 nJ (courbebleue), 1.45 µJ (tirets verts) et 14.5 µJ (tirets et points rouges), correspondant à des gains de20 dB, 30 dB et 40 dB à z = 3LR. La durée minimale de l’impulsion signal compressée esttracée en (a) et sa largeur spectrale en (b) en fonction de la distance normalisée z/LR, alorsque les figures (c) et (d) indiquent respectivement les ratios de la puissance crête et l’énergie dusignal sur les valeurs équivalentes initiales de la pompe. Les durées et largeurs sont calculéescomme étant la largeur totale à mi-hauteur (FWHM).

est calculée en intégrant le profil de puissance instantanée. Finalement, le coefficient de gainRaman est évalué le plus précisément possible en utilisant le modèle des modes de vibrationmultiples présenté par Hollenbeck et Cantrell [27] et détaillé à la section 2.3.

La figure 3.3(b) démontre remarquablement l’effet de la saturation inhomogène décrit àla section 3.1. En effet, la largeur spectrale de l’impulsion signal diminue considérablement lorsde l’amplification non saturée (z � LR), mais recommence à augmenter dès que la distancede propagation s’approche ou dépasse la longueur de saturation Raman. Cela a pour effetd’augmenter dans un premier temps la durée minimale de compression de l’impulsion, affichéesur la figure 3.3(a), jusqu’à des valeurs aussi élevées que 215 fs (pour des impulsions d’une duréeinitiale de 100 fs). Puisque la largeur spectrale augmente de nouveau en régime d’amplificationsaturée, les impulsions peuvent alors être comprimées jusqu’à des durées à mi-hauteur en deçàde 150 fs si la distance de propagation excède 2.5LR.

En comparant les sous-figures 3.3(c) et 3.3(d), on remarque que le transfert d’énergie,qui atteint environ 70 % à z = 3LR, ne suit pas l’augmentation de la puissance crête qui satureplutôt à 90 % de celle de la pompe avant l’amplification. Dans cette situation d’amplification,

55

la pompe est choisie comme ayant une durée étirée plus longue que le signal (75 ps versus60 ps) afin d’élargir la fonction r(t) déterminant le profil temporel du gain, et donc sa bandepassante effective. Par conséquent, le front et la queue de l’impulsion pompe ne sont pastransférés au signal, ce qui réduit l’énergie disponible. Un compromis doit donc être fait entrel’efficacité du transfert d’énergie et l’amplification des extrémités du signal lorsque l’on choisitles durées étirées du signal et de la pompe pour une situation donnée.

Un autre aspect de ce schéma d’amplification Raman d’impulsions ultrabrèves étiréesest qu’un gain plus faible permet la compression du signal à des durées plus courtes. Néan-moins, en régime d’amplification Raman saturée, la réduction de la largeur spectrale ne dépendpas uniquement du niveau de gain puisque le transfert d’énergie s’effectue de façon inhomogèneentre les impulsions pompe et signal. Le rétrécissement spectral dépend également du spectrede la pompe, de sa dérive en fréquence et de la saturation du gain. Par conséquent, la duréede l’impulsion comprimée augmente très peu avec le gain. La figure 3.3(a) indique que lorsquele gain augmente de 10 dB, la durée de l’impulsion amplifiée et comprimée augmente de moinsde 7 % pour une distance de propagation de 2LR et de moins de 4 % pour z = 2.5LR. De plus,l’augmentation de la durée de l’impulsion comprimée est beaucoup plus faible lorsqu’on passede 30 dB à 40 dB que de 20 dB à 30 dB. Cela signifie que ce schéma d’amplification Ramandevrait particulièrement exceller pour des étapes d’amplification à fort gain.

Comme on l’a indiqué à la section 3.1.1, l’utilisation d’une pompe ayant un largecontenu en fréquences contribue à augmenter la bande passante effective de l’amplificationRaman. La figure 3.4 illustre quantitativement cet effet en montrant comment trois pompesayant la même énergie et la même durée étirée, mais un spectre différent, influencent la duréede l’impulsion signal après son amplification et sa compression. La situation illustrée par lescourbes pleines bleues s’approche du régime limité par le spectre de la pompe puisque le signal

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0

z/LR

100

125

150

175

200

∆t

(fs)

(a) Durée de l’impulsion compressée

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0

z/LR

5

10

15

20

25

∆λ

(nm

)

∆tp = 100 fs

∆tp = 500 fs

∆tp = 75 ps

(b) Largeur spectrale

Figure 3.4 – Amplification par trois pompes différentes d’une impulsion signal d’une duréeinitiale de 100 fs étirée à une durée de 60 ps. Les pompes ont la même énergie de 1.45 µJ etla même durée étirée de 75 ps, mais ont un contenu spectral différent puisque leurs duréescomprimées sont de 100 fs (courbes bleues), 500 fs (tirets verts) et 75 ps (tirets et pointsrouges). Cela correspond respectivement à des largeurs spectrales ∆λp de 11.27 nm, de 2.25 nmet de 15 pm. La figure (a) montre la durée du signal à mi-hauteur après une amplification d’unedistance normalisée z/LR alors que la figure (b) indique sa largeur spectrale à mi-hauteur ∆λ.

56

est amplifié par une impulsion qui possède une durée comprimée de 100 fs. Les durées étiréesdu signal et de la pompe sont cependant différentes (60 ps et 75 ps), ce qui implique queleurs dérives en fréquences ne sont pas parfaitement identiques. Dans cette situation, la dériveen fréquence élevée de la pompe permet d’augmenter substantiellement la bande passanteeffective du gain puisque la différence de fréquence instantanée aux extrémités des impulsionsest très proche de celle en leur centre. Des impulsions aussi courtes que 130 fs sont obtenueslorsque la distance d’amplification dépasse 2.5LR.

Il est aussi intéressant d’observer quels sont les avantages à utiliser une pompe consti-tuée d’impulsions plus courtes que la picoseconde (500 fs dans cet exemple) en comparaisonavec une pompe sans dérive en fréquence (presque monochromatique). La figure 3.4(a) montreque la pompe courte permet de comprimer plus efficacement les impulsions amplifiées puis-qu’elles sont 4 % plus brèves pour une longueur d’amplification de z = 2.5LR. Cependant,cette amélioration est plutôt modeste, ce qui signifie que la disponibilité d’impulsions brèvespouvant servir de pompe n’est pas absolument requise pour ce schéma d’amplification Raman.Des faisceaux constitués d’impulsions de quelques dizaines de picosecondes pourraient en effetamplifier par diffusion Raman des impulsions signal de 100 fs sans problème. Si leur duréeest beaucoup plus longue, il serait néanmoins nécessaire d’utiliser une méthode permettant lasuppression du transfert d’énergie par diffusion Brillouin stimulée, un effet non linéaire im-portant lors de la propagation d’impulsions quasi-monochromatiques dans les fibres optiques.Similaire à l’effet Raman, la diffusion Brillouin peut transférer une partie importante de l’éner-gie de l’impulsion à un faisceau en contrapropagation dont la fréquence porteuse est décaléede quelques gigahertz [25]. L’effet Brillouin est généralement supprimé dès que le spectre del’impulsion est beaucoup plus large que quelques dizaines de mégahertz, mais peut aussi êtreatténué par une modulation de phase de l’impulsion [25, 44].

D’autre part, il est mentionné à la section 3.2 que l’utilisation d’une pompe constituéed’impulsions ayant une forme supergaussienne pourrait égaliser le profil temporel r(t) ducoefficient de gain Raman gR(t) et ainsi améliorer l’amplification des extrémités des impulsionsdu signal. Bien que les impulsions laser possèdent généralement un profil de puissance suivantune courbe en cloche (souvent de forme gaussienne ou sécante hyperbolique), il serait possiblede modifier leur profil pour qu’il adopte une forme différente avec, par exemple, un filtragespectral puisque les profils temporels et spectraux d’une impulsion étirée avec une dérive enfréquence linéaire sont proportionnels. En plus d’égaliser le gain du signal, une pompe dontles impulsions auraient un profil supergaussien pourrait augmenter l’énergie transférée ausignal puisque sa durée pourrait être ajustée pour couvrir celle du signal en entier sans quel’énergie dans ses extrémités soit gaspillée. L’équation suivante définit le profil d’amplitudesupergaussien des impulsions de la pompe :

A(t) =√Pmax exp

[−(t

∆t

)2m]

exp

[−iC

(t

∆t

)2], (3.16)

57

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0

z/LR

100

125

150

175

200∆t

(fs)

(a) Durée de l’impulsion compressée

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5

z/LR

5

10

15

20

25

∆λ

(nm

)

Ordre 1

Ordre 2

Ordre 4

(b) Largeur spectrale

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0

z/LR

0

25

50

75

100

Ps/Pp(0

)(%

)

(c) Transfert de puissance crête

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0

z/LR

0

25

50

75

100

Es/Ep(0

)(%

)

(d) Transfert d’énergie

Figure 3.5 – Effet du profil de la pompe sur l’amplification Raman d’une impulsion signaldont l’énergie est de 1 nJ et la durée initiale est de 100 fs, étirée à 60 ps. Les impulsions pompeont une énergie de 1.45 nJ et une durée comprimée de 1 ps, mais possèdent alternativementun profil supergaussien d’ordre 1 (courbes bleues), 2 (tirets verts) et 4 (tirets et points rouges)et ont respectivement une durée étirée de 75 ps, 90 ps et 105 ps. La figure (a) montre la duréeà mi-hauteur du signal comprimé après une amplification d’une distance normalisée z/LR,(b) indique sa largeur spectrale à mi-hauteur, alors que (c) et (d) illustrent le transfert depuissance crête et d’énergie entre la pompe et le signal.

où m est l’ordre de l’impulsion supergaussienne et C son coefficient de dérive en fréquencelinéaire ; on note qu’une supergaussienne d’ordre m = 1 correspond à une gaussienne. L’effetde la forme du profil d’amplitude des impulsions est vérifié sur la figure 3.5 en considérantl’amplification d’impulsions ayant une énergie de 1 nJ, une durée comprimée de 100 fs etune longueur d’onde porteuse de 1.078 µm par trois faisceaux pompe de différentes formes.Les impulsions des faisceaux pompe ont une énergie de 1.45 µJ, un spectre de 1.5 nm delargeur (supportant une durée minimale de 1 ps) et présentent alternativement une forme su-pergaussienne de premier, de second et de quatrième ordre. Aussi, afin d’optimiser le transfertd’énergie pour chaque situation, la durée à mi-hauteur des impulsions de la pompe est choisiecomme étant 75 ps pour celle du premier ordre, 90 ps pour celle du second ordre et 105 pspour celle du quatrième ordre.

La figure 3.5(a) montre que l’utilisation de pompes ayant un profil supergaussien permetde réduire la durée minimale de l’impulsion signal après son amplification et sa compression.Cela est cohérent avec la discussion de la section 3.2 qui indiquait que la dépendance du coeffi-cient de gain Raman gR(t) envers la puissance instantanée de la pompe permettait de justifierl’emploi de pompes supergaussiennes puisque celles-ci ont une puissance instantanée presqueconstante sur toute leur durée. Lorsque la pompe est une supergaussienne du quatrième ordre

58

(tirets et points rouges), l’impulsion signal atteint une durée comprimée aussi courte que122 fs après une amplification sur une distance de z = 2.5LR. En effet, la largeur spectralede l’impulsion signal, affichée sur la figure 3.5(b), est beaucoup moins réduite durant l’ampli-fication non saturée. De plus, la figure 3.5(d) montre que le transfert d’énergie provenant del’impulsion pompe atteint 75 %. Ces résultats indiquent clairement qu’il existe un avantageà moduler l’amplitude du faisceau pompe pour lui faire prendre une forme presque carréesi l’impulsion amplifiée est comprimée par compensation exacte de sa phase. La section 3.4montre cependant qu’il n’est pas possible d’utiliser uniquement des méthodes traditionnellesde compression comme des paires de prismes ou de réseaux. Finalement, la réduction d’énergielors de la modulation d’amplitude du faisceau pompe peut être évitée si celle-ci est effectuéeavant son amplification jusqu’à l’énergie souhaitée. Puisque le faisceau pompe proviendraitvraisemblablement d’un oscillateur laser d’énergie plus faible et serait amplifié par une ouplusieurs fibres optiques dopées aux ions de terres rares, une modulation d’amplitude des im-pulsions initiales serait moins difficile à intégrer et ne changerait pas l’énergie obtenue aprèsamplification.

3.4 Phase de l’impulsion amplifiée

Visualiser le profil de phase de l’impulsion signal après son amplification permet demieux comprendre comment elle peut être comprimée pour atteindre une courte durée. Eneffet, l’expression (3.10) du profil de phase du signal peut être difficile à interpréter, mais per-met d’afficher directement une courbe illustrant ses principales caractéristiques. La figure 3.6contient plusieurs courbes représentant le déphasage ∆φs(z, t) acquis par une impulsion si-gnal gaussienne après des amplifications Raman avec des paramètres différents. Comme pourl’analyse de la section 3.3, les impulsions du signal possèdent initialement une énergie de 1 nJet une durée de 100 fs avec une longueur d’onde porteuse de 1.078 µm. Elles sont préala-blement étirées à 60 ps avec une dérive en fréquence linéaire, puis elles sont amplifiées pardes impulsions pompe d’une durée comprimée de 1 ps à une longueur d’onde porteuse de1.030 µm, elles-mêmes étirées à 75 ps. Cette situation correspond à l’amplification de 30 dBde la figure 3.3.

On observe sur la figure 3.6(a) que la phase acquise par l’impulsion amplifiée diffèred’un profil parabolique, qui correspondrait à une dérive en fréquence linéaire. Lorsque l’ampli-fication est faiblement saturée, le profil de phase correspond d’abord à une courbe en clochegaussienne, mais une déformation apparaît nettement si la distance de propagation dépasse2LR. Cette distance correspond, selon la figure 3.3, à la longueur d’amplification nécessairepour que le transfert d’énergie sature et pour que la largeur spectrale du signal amplifié soitéquivalente à sa valeur initiale. Si la distance de propagation augmente encore, la déforma-tion prend encore plus d’importance. Il est possible de comprendre cette caractéristique endécomposant sur la figure 3.6(b) la phase acquise pour z = 2.5LR en ses contributions Raman,

59

−2 −1 0 1 2

t/∆ts

0

10π

15π

∆φs

(a) Amplification de 30 dB

−2 −1 0 1 2

t/∆ts

0

10π

15π

∆φs

SPM

XPM

Raman

Total

(b) Contribution de chaque effet

Figure 3.6 – Illustration de la phase de l’impulsion amplifiée par effet Raman. Le profil dephase d’une impulsion amplifiée de 30 dB dans les mêmes conditions que celles de la figure 3.3est affiché en (a) pour des distances d’amplification z de LR, 1.5LR, 2LR et 2.5LR (du basvers le haut). En (b), le profil de phase de la sous-figure (a) correspondant à z = 2.5LR estdécortiqué selon ses contributions Raman, d’automodulation de phase (SPM), de modulationde phase croisée (XPM).

d’automodulation de phase (SPM) et de modulation de phase croisée (XPM). On remarquealors que la modulation de phase croisée se creuse puisque, vers la fin de l’amplification satu-rée, l’impulsion pompe est elle-même vidée de son centre. Ce trou dans le profil de l’impulsionpompe après l’amplification du signal n’est pas non plus uniforme puisqu’il dépend de la fonc-tion de transfert Raman qui possède plusieurs structures en plus du pic de gain principal pourune différence de fréquences de 13 THz. La contribution de l’automodulation de phase n’étantpas autant déformée, elle ne peut complètement compenser le trou de la modulation de phasecroisée. La phase asymétrique causée par le gain Raman s’ajoute aussi aux déformations, maisavec moins d’impact.

Pour les simulations présentées dans ce mémoire, on considère que la fonction de trans-fert Raman des verres de silice hR(ω) est déterminée par le modèle réaliste des modes devibrations multiples détaillé à la section 2.3 [27]. Or, cette fonction de transfert inclut unpic secondaire étroit à une différence de fréquences de 14.8 THz qui s’ajoute au pic principalà 13.2 THz ayant une largeur de 8.5 THz. On interprète donc le creux secondaire dans lacontribution de la modulation de phase croisée (à environ t/∆ts = −0.75 sur la figure 3.6(b))comme étant lié à la structure située à 14.8 THz dans la fonction de transfert Raman. Il estpossible de confirmer cette hypothèse en calculant la phase acquise durant l’amplification àpartir de la fonction de transfert Raman hR(ω) du modèle simplifié de l’oscillateur amorti,décrit à la section 2.3 et proposé par Blow et Wood [39]. En utilisant cette approximation,les déformations dans les contributions de la modulation de phase croisée (XPM) et de l’au-tomodulation de phase (SPM) disparaissent complètement ; seule l’asymétrie due à la phaseRaman altère alors la phase acquise par l’impulsion amplifiée. Puisque le modèle des modes devibrations multiples est beaucoup plus réaliste, on doit s’attendre à ce que ces déformations

60

soient présentes dans la phase d’impulsions amplifiées expérimentalement.

Ces déformations dans le profil de phase peuvent être difficiles à compenser avec desméthodes traditionnelles comme une paire de réseau ou de prismes. Il existe cependant dessystèmes basés sur des modulateurs ou des cristaux liquides qui permettent d’appliquer uncertains nombres de déphasages différents pour différentes parties d’une même impulsion [52–54]. Par exemple, le système Fastlite Dazzler HR45 1030, basé sur la technologie présentée parTournois [53], permet de donner un profil de phase arbitraire à une impulsion dont le spectreest contenu entre 910 nm et 1150 nm avec une résolution de 0.3 nm. Un système comme celui-ci serait donc probablement suffisant pour compenser presque parfaitement la phase acquisedurant l’amplification et pour comprimer l’impulsion à sa durée limitée par la transformée deFourier. Cependant, si un tel système est inaccessible pour un montage expérimental donné,les méthodes traditionnelles de compression ne pourront permettre l’obtention d’impulsionsaussi brèves. En compensant uniquement la phase spectrale avec un polynôme du deuxièmeordre, il est possible d’atteindre une durée de 179 fs pour une distance de propagation de2.5LR dans la situation simulée plus haut avec un gain de 30 dB, comparativement une duréelimitée par la transformée de Fourier de 147 fs. La durée comprimée est réduite à 171 fs si laphase est compensée au quatrième ordre.

−2 −1 0 1 2

t/∆ts

0

10π

15π

∆φs

(a) Pompe à large spectre

−2 −1 0 1 2

t/∆ts

0

10π

15π

∆φs

(b) Pompe supergaussienne

Figure 3.7 – Illustration de l’impact du spectre et du profil de la pompe sur la phase dusignal amplifié. Le profil de phase d’une impulsion amplifiée par une pompe brève de 100 fsdans les mêmes conditions que celles de la figure 3.4 est affiché en (a) pour des distancesd’amplifications z de LR, 1.5LR, 2LR et 2.5LR (du bas vers le haut). La sous-figure (b)montre la phase du signal lorsque la puissance instantanée de la pompe est décrite par unesupergaussienne d’ordre 4, correspondant à la situation de la figure 3.5.

Les sections 3.2 et 3.3 indiquent que l’utilisation d’impulsions pompe ayant un spectreaussi large que celui du signal ou un profil supergaussien permet d’obtenir des impulsionsamplifiées beaucoup plus brèves après leur compression. La figure 3.7 illustre les profils de phasede l’impulsion signal après son amplification dans l’une ou l’autre des situations précédentes.Lorsque la pompe est une impulsion de 100 fs étirée à 75 ps comme pour la figure 3.7(a), lavariation de la différence de fréquence instantanée est beaucoup plus faible, ce qui permet un

61

élargissement du profil temporel r(t) du gain Raman. Cela s’accompagne d’un effet bénéfiquesur la phase puisque les déformations liées aux sous-structures de la fonction de transfertRaman hR(ω) correspondent maintenant à des instants situés en dehors de la durée d’impulsion∆ts. Par conséquent, le profil de phase du signal est alors beaucoup plus lisse, ce qui devraitfaciliter sa compression, même lorsqu’une compensation parfaite de la phase n’est pas possible.On calcule que dans cette situation, une compensation de la phase par un polynôme d’ordre2 suffirait pour obtenir des impulsions de 144 fs, soit à peine 9 % plus longues que la limitede la transformée de Fourier, soit 132 fs.

−3 −2 −1 0 1 2

t (ps)

0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

P(M

W)

Ordre 2

Ordre 4

Exacte

1060 1070 1080 1090

λ (nm)

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

S(u

.a.)

Figure 3.8 – Illustration des profils de puissance après compression des impulsions amplifiéespar une pompe supergaussienne. L’impulsion signal initiale a une durée de 100 fs, une énergiede 1 nJ et elle est étirée à 60 ps. Elle est amplifiée par une impulsion pompe d’une durée de1 ps d’une énergie de 1.45 µJ étirée selon un profil supergaussien d’ordre 4 et d’une durée de105 ps. Les impulsions comprimées avec une compensation de phase d’ordre 2, d’ordre 4 etparfaite sont affichées. L’encart illustre le spectre des impulsions.

La situation est différente lorsqu’une impulsion supergaussienne est utilisée commepompe. Bien que la figure 3.5 de la section 3.3 montre que l’utilisation d’une pompe ayantun profil supergaussien permet de réduire la durée des impulsions amplifiées, le déphasageacquis par ces dernières est plus compliqué que dans les autres situations étudiées. En effet, lasous-figure 3.7(b) indique que le déphasage du signal amplifié ∆φs(z, t) prend alors une formecarrée due à la modulation de phase croisée (XPM), mais un creux apparaît à partir d’unedistance d’amplification de z = 1.5LR. Contrairement à l’amplification par une pompe gaus-sienne (figure 3.6(a)), ce creux n’est pas majoritairement compensé par l’automodulation dephase (SPM), ce qui donne une allure non triviale au déphasage acquis pendant l’amplificationpar une pompe supergaussienne. Cela peut alors compliquer considérablement la compressiondes impulsions du signal, sauf si une méthode de compensation parfaite de la phase est implé-

62

mentée pour la compression des impulsions. En effet, une compensation de second ou mêmede quatrième ordre de la phase spectrale serait insuffisante pour comprimer les impulsionsamplifiées puisqu’il n’est pas alors possible de maximiser l’énergie dans une seule impulsionprincipale. Comme le montre la figure 3.8, seule la compression par une compensation parfaitede la phase permet d’obtenir une impulsion qui contient la majeure partie de l’énergie et ayantune durée ultracourte, soit 122 fs. Les compensations de phase par des polynômes du second etquatrième ordre donnent plutôt des paquets d’impulsions presqu’aléatoires. Par conséquent, ilest donc nécessaire d’utiliser un système permettant une compression d’impulsions basée surune compensation presque parfaite de la phase si on désire utiliser des impulsions supergaus-siennes comme faisceau pompe.

3.5 Stabilité du processus d’amplification Raman

Puisque les impulsions successives provenant d’un laser ne sont pas parfaitement iden-tiques malgré la stabilité de l’oscillation laser, il est pertinent d’évaluer les conséquences quepeuvent entraîner la fluctuation de paramètres entre des impulsions pompe consécutives. Eneffet, si la durée ou l’énergie de l’impulsion pompe n’est pas constante, cela affectera nécessai-rement l’amplitude et la phase de l’impulsion signal amplifiée. Nous avons donc voulu vérifiercomment ces deux paramètres influencent l’impulsion amplifiée.

Une simulation est effectuée dans laquelle des impulsions signal d’une durée initiale de100 fs et d’une énergie de 1 nJ à 1.078 µm sont amplifiées par un train d’impulsions pompedont l’énergie moyenne est de 〈Ep〉 = 1.45 µJ et d’une durée moyenne de 〈∆tp〉 = 1 psétirées à environ 75 ps par un déphasage parabolique. Les profils d’amplitude et de phase del’impulsion signal amplifiée sur une distance de propagation z = 2.5LR sont ensuite calculésd’après les expressions analytiques (3.13) et (3.10) (section 3.2) lorsque les impulsions pompeont des énergies et des durées variant respectivement jusqu’à 15 % et 8 % par rapport à leursvaleurs moyennes. On considère alors que le déphasage spectral acquis par l’impulsion signalaprès son amplification par la pompe moyenne est parfaitement compensé afin d’obtenir sadurée limitée par la transformée de Fourier ∆tFourier. Dans une situation réelle, il ne seraitpas possible d’ajuster parfaitement la compensation de la phase pour chacune des impulsionssuccessives produites par le laser. Il est cependant réaliste de considérer qu’il soit possible decompenser parfaitement le déphasage causé par l’amplification par une pompe moyenne touten acceptant le fait que les fluctuations de la pompe affectent la durée du signal comprimé.Par conséquent, les calculs présentés à la figure 3.9 présentent la durée ∆t du signal compriméen compensant parfaitement le déphasage moyen, mais amplifié par une pompe possédant uneénergie ou une durée différente par rapport à la moyenne.

La figure 3.9(a) permet d’abord de constater que la durée comprimée de l’impulsionamplifiée est peu affectée par les fluctuations d’énergie de la pompe. En effet, la durée com-

63

0.85 0.90 0.95 1.00 1.05 1.10 1.15

Ep/〈Ep〉0.98

1.00

1.02

1.04

1.06

1.08

1.10

1.12

1.14

1.16∆t/

∆t F

ouri

er

(a) Fluctuations de l’énergie de la pompe

0.85 0.90 0.95 1.00 1.05 1.10 1.15

∆tp/〈∆tp〉

1

2

3

4

∆t/

∆t F

ouri

er

(b) Fluctuations de la durée de la pompe

Figure 3.9 – Conséquences d’une fluctuation de l’énergie ou de la durée de l’impulsion pompesur la durée comprimée du signal après son amplification. Lorsque la phase spectrale du signalest parfaitement compensée pour une pompe d’énergie moyenne 〈Ep〉 et de durée moyenne〈∆tp〉, la durée ∆t comprimée du signal est évaluée si la pompe a plutôt une énergie Ep en(a) ou une durée ∆tp en (b). La durée comprimée du signal est normalisée par rapport à sadurée limitée par la transformée de Fourier lorsqu’elle est amplifiée par la pompe moyenne.La régression d’une exponentielle en valeur absolue (courbe verte) est affichée en (b).

primée du signal varie très peu avec ces fluctuations, présentant un écart par rapport à savaleur limitée par la transformée de Fourier inférieur à 5 % pour une variation équivalente del’énergie de la pompe. De plus, l’impact de ces fluctuations est asymétrique et est beaucoupplus faible lorsque l’énergie de la pompe est supérieure à l’énergie moyenne, ce qui pourraitêtre dû à une augmentation de l’élargissement spectral causé par l’automodulation de phase(SPM) et la modulation de phase croisée (XPM). Pour de plus faibles variations (environ de2 % à 4 %), la durée comprimée du signal est même plus faible que sa valeur lorsqu’il estamplifié par la pompe moyenne. Cette constatation peut probablement être expliquée par unelégère augmentation du contenu spectral due aux effets non linéaires alors que l’amplificationest suffisamment semblable pour produire presque le même déphasage.

De son côté, la figure 3.9(b) montre cependant que la durée comprimée de l’impulsionsignal amplifiée est davantage influencée par la variation de la durée de la pompe. La duréedu signal, amplifié avec une pompe dont la durée diffère de la moyenne par moins de 8 %,augmente jusqu’à prendre des valeurs quatre fois plus longues qu’avec la pompe moyenne.Pour estimer la dépendance entre la durée des impulsions comprimées et les fluctuations dedurée de la pompe, on effectue la régression d’une fonction exponentielle en valeur absolue(courbe verte). Cette dépendance semble valide si la durée de l’impulsion pompe est différentede celle de la pompe moyenne par moins de 6 %. Si les fluctuations sont plus importantes,le profil de puissance instantanée du signal comprimé s’éloigne d’une impulsion unique et sadurée à mi-hauteur n’a plus aucun sens physique. Cependant, il est raisonnable de s’attendre

64

à ce que les fluctuations de durée d’un train d’impulsions pompe soient inférieures à 1 % sicelui-ci provient d’un oscillateur laser à fibres optiques. Dans ces circonstances, les impulsionsamplifiées seraient sujettes à des variations de durées inférieures à 2 % malgré leur dépendanceexponentielle envers la durée de la pompe.

3.6 Conclusion

S’appuyant sur la théorie présentée aux chapitres précédents, ce chapitre présente uneméthode d’amplification d’impulsions faisant intervenir l’effet Raman comme source de gain.La situation étudiée correspond à celle où une impulsion signal brève (∼ 100 fs) étirée àquelques picosecondes est propagée dans une fibre optique passive avec une impulsion pompede durée similaire, mais dont la fréquence porteuse est plus élevée d’environ 13 THz. L’énergiede l’impulsion pompe est alors transférée de façon cohérente à l’impulsion signal, qui voitcependant sa forme et son contenu spectral changer d’après les propriétés de la pompe et dumilieu non linéaire. La section 3.1 décrit qualitativement ce transfert d’énergie en soulignantl’effet de la dérive en fréquence des impulsions (section 3.1.1) et de la saturation inhomogènedu gain (section 3.1.2) sur sa bande passante effective. Un modèle analytique est ensuite dé-veloppé dans la section 3.2 en résolvant l’équation de Schrödinger non linéaire en présence deseffets Kerr et Raman, mais sans dispersion. Ce modèle est ensuite utilisé pour étudier quan-titativement, dans la section 3.3, l’amplification d’une impulsion nanojoule de 100 fs par despompes dont l’énergie, le contenu spectral et le profil temporel sont variés. Le comportementde l’amplification est analysé et peut être expliqué d’après les équations du modèle analytiqueou à l’aide de la forme de la fonction de transfert Raman, décrite au chapitre 2. La section 3.4montre de son côté que le déphasage acquis par l’impulsion amplifiée correspond à une courbeen cloche lisse contenant certaines structures reliées à la forme du gain Raman et aux pro-priétés de la pompe. On remarque que ce déphasage peut en général être facilement compensépar une dispersion polynomiale (jusqu’à l’ordre 2 ou plus), sauf dans la situation où la pompepossède un profil supergaussien. Il est cependant raisonnable de s’attendre à ce qu’une com-pensation plus précise de ce déphasage soit possible au laboratoire. Finalement, la section 3.5présente une analyse de la stabilité de ce schéma d’amplification lorsque les impulsions pompesuccessives ne possèdent pas exactement la même énergie ou la même durée.

65

Chapitre 4

Applications du schémad’amplification Raman

Dans le chapitre 3, on a proposé une méthode d’amplification par effet Raman oùune impulsion signal ultrabrève, dont la durée a été étirée avec des composantes dispersives,est copropagée dans une fibre optique avec une impulsion pompe plus énergétique. Pour quel’amplification fonctionne, on a montré que les durées étirées des impulsions pompe et signaldoivent être comparables et que la différence de fréquence porteuse entre celles-ci doit êtresituée dans la bande passante du gain Raman du milieu (verre de silice). On a ensuite proposéun modèle analytique permettant le calcul des profils de puissance instantanée et de la phasedes impulsions après une amplification par effet Raman. L’utilisation d’un code de simulationnumérique de l’équation de Schrödinger non linéaire (annexe A) permet de vérifier la validité dumodèle analytique. Cependant, même si le chapitre 3 contient le calcul de quelques situationsd’amplification pour appuyer la méthode proposée, celles-ci restent avant tout académiques etne permettent pas une comparaison directe avec des situations réalistes d’amplification laserd’impulsions brèves très énergétiques.

Dans ce chapitre, l’objectif est donc de montrer comment la méthode d’amplificationproposée dans ce mémoire pourrait être utilisée pour générer des impulsions brèves de trèshaute énergie. Tout d’abord, la section 4.1 décrit un schéma où des impulsions d’énergiemicrojoule et d’une durée d’environ 100 fs sont produites à l’aide du transfert d’énergie pareffet Raman entre des impulsions signal nanojoules et des impulsions pompe provenant dumême oscillateur laser. Comme le schéma proposé à la section 4.1 utilise des fibres optiquescommerciales, des paires de réseaux de diffraction et une diode laser multimode de quelqueswatts en plus de l’oscillateur principal, il pourrait vraisemblablement être implémenté de façoncompacte sur une table optique. De son côté, la section 4.2 présente un schéma d’amplificationplus extrême où les impulsions amplifiées atteignent des énergies dépassant le millijoule etdes puissances crêtes de plus de 10 GW. Ce faisant, on montre que l’amplification par effet

67

Raman dans les fibres optiques peut être adaptée aux régimes très énergétiques en remplaçantprincipalement la fibre amplificatrice par une fibre à cristaux photoniques possédant un largecœur. Les sections 4.1 et 4.2 sont adaptées d’un article, publié à l’été 2015, dont je suisl’auteur [24]. Finalement, la section 4.3 décrit comment les schémas précédents peuvent êtresimplifiés en amplifiant par effet Raman dans une fibre dopée aux terres rares. Dans cettesituation, les impulsions signal bénéficient à la fois du gain provenant des dopants de terresrares et du gain Raman, ce qui augmente la bande passante effective du gain et permet laproduction d’impulsions plus énergétiques pouvant être comprimées à des durées plus courtes.Comme cette dernière situation sort des conditions de validité du modèle analytique présentéau chapitre 3, les résultats présentés dans la section 4.3 sont obtenus à l’aide d’une résolutionnumérique de l’équation de Schrödinger (voir annexe A).

4.1 Schéma de décalage et d’amplification microjouled’impulsions brèves

Une considération technique importante pour l’amplification d’impulsions femtose-condes étirées par effet Raman a été passée sous silence au chapitre 3. En effet, lorsqu’unepompe pulsée est choisie pour procéder à l’amplification Raman du faisceau signal, les cadencesd’émission des deux trains d’impulsions doivent être fortement synchronisées pour s’assurerque les impulsions successives subissent le même gain et sortent identiques de l’amplificateur.Par exemple, une différence aussi minime que 0.1 % entre les deux cadences entraîne, aprèsune seconde d’opération, un décalage temporel aussi énorme qu’une milliseconde entre deuxsources laser initialement synchronisées 1. Pire encore, synchroniser les cadences d’émission dedeux sources laser au hertz près, si leur valeur moyenne est de 1 MHz, est loin d’être suffisantpour que deux impulsions d’une durées de quelques dizaines de picosecondes soient encoreémises simultanément après une seconde d’opération puisqu’elles sont alors décalées d’une mi-croseconde. Pour pallier ce problème, on propose dans cette section un schéma d’amplificationRaman où les faisceaux pompe et signal proviennent du même oscillateur laser. Dans unetelle situation, les impulsions de la pompe et du signal sont émises avec exactement la mêmecadence, ce qui implique que les faisceaux restent synchronisés, et ce, même si cette dernièredérive lentement durant la durée d’opération.

Le schéma d’amplification présenté dans cette section consiste à diviser le faisceau émispar l’oscillateur en deux branches via un séparateur de faisceaux tel qu’illustré sur la figure 4.1.Chacune de ces deux branches aura pour mandat de transformer le train d’impulsions d’originesoit en pompe en lui fournissant beaucoup d’énergie, soit en signal en décalant sa fréquenceporteuse pour que les deux faisceaux se transmettent de l’énergie par effet Raman (∆ω/2π =

1. On calcule la différence entre les durées que prennent deux sources pour émettre x impulsions avecla relation ∆t = x∆r/r2 où la différence ∆r entre les cadences est considérée faible par rapport à sa valeurmoyenne r.

68

Laser

Diode pompe

Élargisseur de spectre

Ampli DCF Yb Ampli Raman

Figure 4.1 – Diagramme illustrant le montage expérimental proposé pour la génération d’im-pulsions brèves par effet Raman. Les impulsions émises par un oscillateur laser femtosecondesont divisées dans une branche signal (rouge) où elles sont élargies en fréquence par automo-dulation de phase et une branche pompe (bleue) où elles sont amplifiées dans une fibre doublegaine dopée à l’ytterbium. Les deux faisceaux sont ensuite superposés dans un amplificateurRaman où l’énergie est transférée de la pompe au signal. Les lignes à délai et les élémentsdispersifs ne sont pas affichés pour clarifier le montage.

13 THz pour les verres de silice). L’objectif de la branche pompe est de transférer la plus grandequantité d’énergie possible au faisceau sans se soucier d’une réduction de sa largeur spectrale.Pour ce faire, le faisceau peut par exemple traverser un amplificateur à double gaine dopé àl’ytterbium (ou autres terres rares), ce qui réduira légèrement la largeur de son spectre maissans compromettre son utilisation comme pompe pour une amplification Raman ultérieure. Sila bande passante du milieu de gain est large, ce qui est le cas pour l’ytterbium, il y a de forteschances que la largeur spectrale de l’impulsion pompe change très peu, même si sa durée initialeest relativement courte (∼ 1 ps). Comme décrit au chapitre 3, les faisceaux pompe Ramandont la durée comprimée est inférieure à la picoseconde permettent d’obtenir des faisceauxsignal amplifiés plus courts que pour l’amplification avec une pompe monochromatique.

Comme les faisceaux pompe et signal ont initialement la même fréquence, le signal doitvoir sa fréquence porteuse décalée vers le rouge afin de correspondre à la raie d’amplificationpar effet Raman (décalage de 13 THz par rapport à la pompe dans le verre). Les différentes mé-thodes existantes pour arriver à cet objectif dépendent principalement du régime de dispersiondu faisceau dans son milieu de propagation. Lorsque la dispersion est anomale (λ > 1.27 µm

dans les verres de silice [25]), l’auto-dérive en fréquence du soliton, décrite à la section 2.5,permet de décaler le signal à la longueur d’onde appropriée sans changer ni sa forme, ni celle deson spectre. Pour être décalé sans être déformé, le signal doit cependant être un soliton, ce quiimplique certaines conditions quant à sa puissance crête et sa durée qui peuvent être contrai-gnantes si le laser source n’émet pas des impulsions sous forme solitonique. Un tel schémade décalage a été réalisé en 1988 pour l’amplification Raman de solitons par Gouveia-Neto etal. [20, 21]. Lorsque la dispersion des fibres est normale pour la longueur d’onde du faisceau,il est possible d’élargir suffisamment le spectre de l’impulsion pour qu’une partie de celui-cicorresponde au maximum du gain Raman de la pompe. La section 1.4.1 (chapitre 1) décriten détail comment élargir le spectre d’un train d’impulsions en le propageant dans une fibre

69

optique en dispersion normale. Dans cette situation, les dérives en fréquence causées par l’au-tomodulation de phase et par la dispersion s’additionnent, ce qui transforme l’élargissementspectral en étirement temporel et adoucit les oscillations du spectre causées par le premierphénomène. L’élargissement spectral sature donc après une propagation correspondant à lalongueur de dispersion LD et sa valeur maximale dépend de la puissance crête et de la duréede l’impulsion via le nombre solitonique N (voir section 1.4.1).

L’étape finale de ce schéma d’amplification consiste à recombiner la pompe très éner-gétique avec le signal décalé en fréquences dans une même fibre optique passive pouvant servird’amplificateur Raman. Il est alors nécessaire d’étirer les impulsions des deux faisceaux à desdurées similaires via des composantes dispersives (prismes, paires de réseaux ou autres) et deleur donner le bon délai temporel pour que leurs centres aient un décalage en fréquence cor-respondant au maximum de la courbe de gain Raman. Dans cette situation, la pompe pourratransférer au signal approximativement 70 % de son énergie tout comme dans les simulationsprésentées à la section 3.3 du chapitre 3. Comme la compression des impulsions amplifiées pareffet Raman dépend très peu du gain total, elles peuvent alors être comprimées à des duréesà peine plus longues que leur durée initiale. De plus, dans le cas où le faisceau signal estgénéré par l’élargissement spectral du faisceau émis par l’oscillateur, les impulsions amplifiéeset comprimées peuvent même être plus brèves que celles d’origine. Cela s’explique par le faitque le signal élargi peut couvrir la totalité de la bande passante du gain Raman, ce qui n’étaitpas nécessairement le cas pour les impulsions émises par le laser source.

On présente ici la simulation d’une situation qui se veut réaliste dans laquelle l’amplifi-cation par effet Raman pourrait s’avérer utile, soit l’amplification d’impulsions gaussiennes de250 fs avec une énergie de 5 nJ jusqu’à des énergies de l’ordre du microjoule. On considère icique le faisceau a pour origine un oscillateur laser dont le milieu de gain est une fibre dopée àl’ytterbium émettant à une longueur d’onde de 1.030 µm. Au lieu de propager directement lefaisceau dans un amplificateur à l’ytterbium, celui-ci est d’abord divisé entre les deux branchesmentionnées plus haut à l’aide d’un séparateur de faisceau envoyant 95 % de l’énergie au si-gnal et 5 % de l’énergie à la pompe. Il peut paraître curieux de donner davantage d’énergieà la branche signal, mais les calculs montrent qu’une telle énergie est nécessaire pour que lesimpulsions d’une durée de 250 fs voient leur spectre élargi jusqu’à recouvrir la bande de gainRaman. En simulant la propagation du signal dans un segment de 92 cm d’une fibre mono-mode commerciale Corning HI 1060 ayant un diamètre modal de 6.2 µm (β2 = 26.5 ps2/km

et γ = 5.7 × 10−3 W−1m−1 à 1.030 µm), le spectre du signal est élargi jusqu’à 70.4 nmà mi-hauteur. Cet élargissement spectral est suffisant pour générer du spectre autour de lalongueur d’onde Raman, située autour de 1.078 µm pour une pompe à 1.030 µm. Pour laseconde branche, on simule l’amplification de la pompe dans un segment de 1.5 m de fibreoptique double gaine dopée à l’ytterbium ayant les caractéristiques de la fibre Coractive DCFYb 10/128P, soit un cœur de 5 µm de diamètre, une absorption de 1.7± 3 dB/m à 915 nm et

70

un paramètre de non linéarité γ = 1.6 ×10−3 W−1m−1. L’amplification du train d’impulsions,dont la cadence est fixée à 1 MHz, est simulée selon le modèle décrit à la section 1.5 lorsquele milieu est pompé par un faisceau continu de 5.3 W, ce qui permet d’obtenir des impulsionspompe ayant une énergie de 2.75 µJ. Les effets non linéaires sont minimisés en considérantque ces impulsions pompe sont initialement étirées à une durée de 83 ps avec des élémentsdispersifs, mais cette durée est réduite à 75 ps après leur amplification puisque les hautes etbasses fréquences situées aux extrémités sont filtrées par le gain.

−150 −100 −50 0 50 100 150 200 250 300

t (ps)

0

2

4

6

8

10

P(W

)

90 ps

0.95 1.00 1.05 1.10

λ (µm)

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0S

(u.a

.)

(a) Faisceau signal

−150 −100 −50 0 50 100 150 200 250 300

t (ps)

0

5

10

15

20

25

P(k

W)

75 ps

1.020 1.025 1.030 1.035 1.040

λ (µm)

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

S(u

.a.)

(b) Faisceau pompe

Figure 4.2 – Profils des impulsions pompe et signal du schéma d’amplification microjoule oùle faisceau initial est divisé en deux branches servant ultérieurement à l’amplification Raman.En (a), le graphique principal montre le profil temporel de l’impulsion signal, dont le spectrea été élargi et filtré alors que sa durée a été étirée par des éléments dispersifs. Son encartaffiche le spectre de l’impulsion signal (ligne pleine rouge) en comparaison avec celui qu’elleavait avant de passer par le filtre, mais après l’élargissement spectral (tirets noirs). La sous-figure (b) montre en graphique principal le profil temporel de l’impulsion pompe après sonamplification par la fibre dopée ytterbium et en encart son spectre avant (tirets noirs) et après(ligne pleine bleue) l’amplification.

L’étape finale de la situation simulée ici consiste à synchroniser les deux faisceaux dansla même fibre passive agissant comme amplificateur Raman. Pour ce faire, une ligne à délaidoit synchroniser les impulsions de sorte que la différence de fréquences instantanée au centrede l’impulsion pompe soit d’environ 13 THz. On applique aussi aux impulsions signal un filtrepasse bas de Butterworth centré à 1.060 µm, d’ordre m = 100 et dont l’effet sur l’amplitudespectrale du faisceau A(z, ω) est le suivant :

A′(z, ω) =A(z, ω)√

1 +(ωω0

)2m. (4.1)

Ce filtre permet de s’assurer que la partie du spectre à hautes fréquences du signal n’inter-

71

fère pas avec l’amplification Raman 2. D’un point de vue pratique, le filtre pourrait être unmiroir dichroïque qui servirait à coupler les branches pompe et signal dans la même fibre enréfléchissant un des faisceaux vers la fibre tout en laissant traverser l’autre comme illustré surla figure 4.1. On simule ensuite la propagation des deux faisceaux dans un segment de 28 cmd’une fibre passive HI 1060 identique à celle servant à élargir le spectre du signal. Comme lescaractéristiques de la fibre de gain d’ytterbium et de la fibre passive de transfert Raman nesont pas identiques, on s’attend à une perte d’énergie d’au minimum 30 % pour la pompe, cequi diminue son énergie disponible pour l’amplification Raman à 2.0 µJ. Les profils temporelset spectraux des impulsions pompe et signal immédiatement avant le transfert d’énergie pareffet Raman sont affichées sur la figure 4.2.

−400 −200 0 200 400 600

t (fs)

0

2

4

6

8

10

12

P(M

W)

131 fs

112 fs

1.04 1.06 1.08 1.10

λ (µm)

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

S(a

.u.)

Figure 4.3 – Profil de l’impulsion signal après son amplification Raman par un faisceaupompe originaire du même oscillateur laser. L’impulsion est comprimée à sa durée limitée parla transformée de Fourier (pointillés noirs) ou avec une dispersion d’ordre 2 (ligne pleine bleue).Les impulsions amplifiées ont une énergie de 1.20 µJ, correspondant à un transfert d’énergiede 66.5 % provenant du faisceau pompe de 2.0 µJ et à un gain net de 23.8 dB par rapport auximpulsions initiales de 5 nJ ayant une durée de 250 fs. L’encart montre les spectres normalisésde l’impulsion amplifiée (ligne bleue) et de l’impulsion initiale (tirets et points verts). Dansles deux cas, les tirets rouges indiquent les résultats obtenus par la résolution numérique del’équation de Schrödinger non linéaire en tenant compte des effets dispersifs et de la réponsecomplète du gain Raman (voir annexe A).

Le calcul du transfert d’énergie par effet Raman entre les deux faisceaux est effectuéalternativement en utilisant les solutions analytiques décrites à la section 3.2 du chapitre 3 ou àl’aide d’une simulation numérique de l’équation différentielle de Schrödinger non linéaire (équa-

2. Il faut noter que l’équation 4.1 n’est pas causale puisque seule l’amplitude du filtre est indiquée.Cependant, comme l’amplification Raman ne dépend pas directement de la phase de l’impulsion, on estimeque le déphasage associé au filtre n’influencerait pas significativement le profil de l’impulsion amplifiée et sadurée comprimée.

72

tion (1.5), chapitre 1) incluant la dispersion (équation (1.18)), l’effet Kerr (équation (2.12))et la réponse Raman complète (équation (2.13)) pour des impulsions femtosecondes (voir an-nexe A). Le profil d’amplitude et de phase du signal As(z, t) obtenu après l’amplification dansles deux cas est ensuite comprimé à sa durée minimale en égalant toutes ses phases spectrales(durée limitée par la transformée de Fourier) ou en compensant sa phase spectrale par unedispersion d’ordre 2. La figure 4.3 montre l’impulsion signal comprimée par les deux méthodesainsi que son spectre. Comme le spectre du signal avant l’amplification Raman est très large, lesignal peut profiter de la bande passante Raman afin de résulter en des impulsions amplifiéesde 1.20 µJ à 1.078 µm pouvant être comprimées jusqu’à une durée à mi-hauteur de 112 fs.Cette durée est augmentée à 131 fs si la phase spectrale est uniquement compensée par de ladispersion d’ordre 2, ce qui correspond à des durées beaucoup plus courtes que celle de l’im-pulsion émise par l’oscillateur, soit 250 fs. La figure 4.3 montre aussi que les approximationsqui ont mené au modèle analytique développé à la section 3.2, soient l’absence de dispersionet la réécriture de l’opérateur Raman pour des impulsions chirpées (section 2.4.2), sont validespour la situation étudiée. En effet, les courbes de puissance instantanée et du spectre pour lecalcul analytique et la simulation numérique, dans laquelle les effets dispersifs sont considérésau 3e ordre, sont presqu’indistinguables.

On remarque que le spectre de l’impulsion amplifiée, affiché sur la figure 4.3, comporteune structure secondaire à une longueur d’onde de 1.089 µm. Pour le calcul analytique commepour la simulation numérique, la fonction de transfert Raman hR(ω) est obtenue d’après lemodèle des vibrations multiples décrit à la section 2.3.2 qui comporte un pic secondaire à unefréquence de 14.8 THz faisant partie de la courbe principale centrée à 13 THz. Cette structureapparaît aussi dans la phase des impulsions amplifiées montrée à la figure 3.6 et dans lespectre de l’impulsion amplifiée par une pompe supergaussienne (figure 3.8). Tout comme cequi avait été fait pour comprendre cette structure dans la phase, une simulation similaireà celle présentée dans ce chapitre, mais utilisant la définition approximative de la fonctionde transfert Raman décrite à la section 2.3.1, montrerait la disparition de cette structurespectrale. Par conséquent, ce pic secondaire dans le spectre de l’impulsion amplifiée est lié àla forme du gain Raman du verre de silice et on doit s’attendre à l’observer dans d’éventuelsrésultats expérimentaux.

Comme le schéma présenté dans cette section implique l’utilisation d’un seul oscilla-teur ainsi que de fibres disponibles commercialement, sa réalisation expérimentale devrait êtrepossible. Une telle expérience confirmerait les propriétés de l’effet Raman pour l’amplificationd’impulsions brèves étirées et agirait comme point de départ pour la génération d’impulsionsultrabrèves de haute énergie par effet Raman. De plus, puisque ce schéma implique de décalervers le rouge la fréquence porteuse de l’impulsion amplifiée par rapport à celle du faisceauémis par l’oscillateur, il serait possible de l’utiliser pour générer des impulsions brèves à denouvelles longueurs d’onde. Ce schéma d’amplification peut facilement être adapté en décaleur

73

de fréquence si l’énergie de l’impulsion initiale est suffisante pour en envoyer une faible fraction(ex : 1 %) dans la branche signal et obtenir un élargissement spectral adéquat par automodu-lation de phase. La plus grande partie de l’énergie resterait dans la branche pompe pour êtreensuite transférée par effet Raman au signal, et ce, sans nécessiter un passage par une fibredopée aux terres rares. Ce procédé pourrait même être effectué plusieurs fois successivement,ce qui pourrait générer des impulsions ultrabrèves à des longueurs d’onde où aucun milieuconnu ne possède un gain à large bande passante.

4.2 Adaptation du schéma d’amplification aux très hautesénergies

Malgré les différents avantages qu’offrent les amplificateurs et oscillateurs lasers fibrés,leur utilisation pour la génération ou l’amplification d’impulsions brèves jusqu’à des énergiesde l’ordre de la millijoule demeure un défi. En effet, le confinement de l’énergie dans le cœurtrès étroit d’une fibre monomode augmente considérablement les effets non linéaires commel’effet Kerr, mais peut aussi entraîner des phénomènes indésirés comme l’autofocalisation,l’auto-raidissement de sa cambrure ou l’instabilité de modulation [25]. L’intensité élevée dansle cœur de la fibre présente aussi le risque de bris optiques. Pour réduire l’importance de cesphénomènes, beaucoup d’efforts ont été consacrés au développement de fibres ayant un cœurplus large tout en restant monomode. Les fibres à cristaux photoniques (figure 4.4) sont lerésultat d’une technologie permettant la suppression des modes supérieurs d’une fibre optiqueen remplaçant le cœur de la fibre par un réseau de trous autour d’une région non percée aucentre de la fibre. Puisque la région centrale a un indice de réfraction plus élevé que l’indicemoyen de la région trouée qui l’entoure, elle agit alors comme le cœur de la fibre et peut guiderles faisceaux en les propageant selon un ou plusieurs modes propres. Cependant, l’intérêt detelles fibres réside dans le fait qu’elles peuvent posséder un large cœur effectif puisque les

Figure 4.4 – Détails de la microstructure d’une fibre à cristaux photoniques courante. Destrous dans le profil de la fibre (en blanc) sont disposés selon une structure triangulaire, àl’exception d’un orifice manquant au centre agissant comme cœur. Source de l’image : www.rp-photonics.com/photonic_crystal_fibers.html

74

modes supérieurs sont fortement atténués par la microstructure de trous qui dissipe la lumières’y propageant. Pour des fibres à cristaux photoniques ayant un cœur très large (plusieursdizaines de micromètres), la dissipation des modes supérieurs peut changer si la fibre estpliée. Par conséquent, certaines fibres sont dites de type tige puisqu’elles sont manufacturéesplus larges et non flexibles de manière à réduire le couplage du mode fondamental avec lesmodes supérieurs. L’utilisation des fibres à cristaux photoniques pour l’amplification laserd’impulsions brèves a permis à plusieurs équipes d’obtenir des impulsions ayant une énergiesurpassant le millijoule pouvant être comprimées à une durée inférieure à la picoseconde [55–57]. En utilisant une fibre dopée à l’ytterbium dont le diamètre du cœur est de 108 µm, legroupe de Tünnermann (Friedrich-Schiller-Universität Jena) a réussi à obtenir des impulsionsd’une énergie de 2.2 mJ avec une puissance crête de 3.8 GW lorsqu’elles sont comprimées àune durée de 480 fs [57].

Afin d’améliorer davantage le processus d’amplification à haute énergie et de réduirela durée des impulsions amplifiées, une nouvelle approche consistant à diviser l’amplificationen plusieurs branches est explorée depuis 2013 [58]. En effet, l’amplification en parallèle defaisceaux permet d’obtenir des impulsions très énergétiques tout en divisant leur énergie parle nombre de branches durant leur propagation. Cela a pour conséquence de diminuer les effetsnon linéaires indésirés et d’améliorer l’amplification en réduisant le filtrage par le gain dû àla saturation (voir annexe B). Pour qu’un tel schéma fonctionne, les impulsions dans chaquebranche doivent cependant être mises en phase lorsqu’elles sont recombinées afin de maximiserl’impulsion de sortie, ce qui peut s’avérer difficile pour des impulsions femtosecondes de grandeénergie. Néanmoins, cette technique a permis d’obtenir des impulsions plus brèves que 350 fs etd’une énergie de 1.1 mJ en séparant spatialement [59] ou temporellement [60] le faisceau initialen quatre faisceaux amplifiées en parallèle dans une ou des fibres à cristaux photoniques dopéesà l’ytterbium dont le diamètre du mode fondamental est de 60 µm. De plus, en améliorant lastabilité thermique du montage et en augmentant le diamètre du mode fondamental de chaquebranche à 80 µm, des impulsions de 200 fs ayant une énergie de 5.7 mJ et une puissance crêtede 22 GW ont été produites [61].

Dans cette section, on tentera de montrer que l’amplification Raman a le potentiel devenir en aide aux chaînes d’amplification laser millijoule en réduisant la durée des impulsionset en augmentant leur énergie. D’après les calculs et les simulations numériques effectuées pource projet, il est raisonnable de croire que le schéma d’amplification Raman présenté au cha-pitre 3 peut s’adapter pour des impulsions dont l’énergie est de l’ordre du millijoule. Commeprésenté dans les paragraphes précédents, plusieurs groupes de recherche ont déjà réussi àobtenir des impulsions brèves dont l’énergie est de l’ordre du millijoule après leur amplifica-tion dans une ou plusieurs fibres à cristaux photoniques dopées à l’ytterbium. Des faisceauxsemblables à ceux-ci pourraient alors servir de pompe en transférant une grande part de leurénergie par effet Raman à un train d’impulsions plus courtes (étirées) dans une fibre passive.

75

La large bande passante de gain Raman de la silice ainsi que sa saturation complètementinhomogène permettraient au spectre des impulsions amplifiées de demeurer très large. Uneautre option pour le faisceau pompe Raman consisterait à utiliser des impulsions nanosecondesgénérées par une diode laser et déclenchées par le passage du faisceau signal pour assurer leursynchronisme. De tels faisceaux pompe pourraient par contre produire une diffusion Brillouinimportante puisque leur largeur spectrale serait très faible, ce qui pourrait néanmoins êtrecorrigé avec une modulation de phase [25, 44]. Pour ce qui est du faisceau qui servirait designal dans l’amplification Raman, plusieurs articles ont montré qu’il était possible de générerdes impulsions ayant une énergie de l’ordre d’un microjoule et une durée autour de 100 fs.Ces impulsions ont été générées soient directement d’un oscillateur laser à l’ytterbium (0.9 µJ,91 fs) [62], soit en utilisant l’amplification non linéaire de similaritons (3.1 µJ, 141 fs) [63]ou même l’amplification en parallèle d’un faisceau divisé en huit branches spatio-temporelles(3.1 µJ, 50 fs) [64]. D’autre part, si la méthode d’amplification Raman proposée à la section 4.1est validée expérimentalement, les impulsions microjoules qu’elle produirait seraient adéquatespour servir comme signal dans un étage supplémentaire d’amplification jusqu’à une énergiede l’ordre de la millijoule. Ces impulsions auraient d’ailleurs l’avantage d’avoir leur fréquenceporteuse dans la bande passante Raman du faisceau pompe. De plus, si le faisceau pompe estchoisi comme provenant du même oscillateur laser d’origine, sa cadence serait parfaitementsynchronisée avec celle du signal (voir section 4.1). Finalement, lorsqu’on souhaite amplifierdes impulsions jusqu’à une énergie de l’ordre de la millijoule, il est nécessaire de s’assurer queleur puissance crête ne dépasse jamais le seuil d’autofocalisation du milieu, estimé à 3.8 MWà une longueur d’onde d’environ 1 µm dans les verres de silice [65, 66]. On estime que si lesimpulsions sont étirées à des durées de l’ordre de la nanoseconde, leur puissance crête serasuffisamment faible pour respecter cette condition.

Au chapitre 3, un modèle analytique a été présenté montrant que la diffusion Ramanstimulée pouvait être exploitée pour amplifier des impulsions ultracourtes en conservant leurdurée en deçà de 150 fs après recompression. Ce modèle est ici encore utilisé pour simulerle transfert d’énergie par effet Raman entre un faisceau pompe dont les impulsions ont uneénergie de 3.0 mJ et un signal composé d’impulsions de 1 µJ. Le faisceau pompe est choisicomme ayant un spectre permettant une durée minimale de 1 ps (centré à λp = 1.030 µm),mais dont la durée est étirée avec une dérive en fréquence linéaire jusqu’à une durée de 2.0 ns.Le spectre du signal est beaucoup plus large puisque ce dernier est composé d’impulsions de100 fs étirées à une durée de 1.6 ns ; il est centré à 1.078 µm, soit dans la bande de gain Ramandu faisceau pompe. On note que le rapport entre les durées étirées de la pompe et du signal estle même que pour les simulations décrites à la section 3.3 (chapitre 3), soit un ratio de 1.25.La simulation effectuée ensuite correspond à la propagation des deux trains d’impulsions dansun segment de 80 cm d’une fibre-tige ayant une large surface modale valant 3300 µm2, soitun diamètre de mode de 65 µm. Une telle fibre est actuellement commercialement disponibleavec un dopage à l’ytterbium sous le nom de aeroGAIN-ROD module par NKT Photonics,

76

mais il est raisonnable de croire que la technologie actuelle permettrait la fabrication d’unefibre similaire sans dopant. D’après l’équation (1.27) et la taille du mode, on estime la valeurdu paramètre de non linéarité comme étant γs = 4.8 × 10−5 W−1m−1, ce qui implique quela longueur du segment considéré correspond à 3.1LR, où LR est la longueur de saturationRaman calculée selon la relation (3.12) d’après les paramètres de la fibre et des impulsions.

−500 0 500 1000

t (fs)

0

2

4

6

8

10

12

14

16

P(G

W)

174 fs

149 fs

214 fs

1060 1070 1080 1090

λ (nm)

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

S(u

.a.)

Figure 4.5 – Simulation de l’amplification Raman à haute énergie (millijoule) à l’aide d’unepompe picoseconde étirée à une durée de 2.0 ns d’après le modèle présenté au chapitre 3.L’impulsion amplifiée a une énergie de 2.24 mJ, soit un transfert d’énergie de 75 % par rapportà la pompe et un gain de 33.5 dB par rapport au signal initial de 1 µJ d’une durée de 100 fs.Cette impulsion est comprimée avec une compensation de phase au second ordre (tirets verts),au quatrième ordre (ligne bleue) et à sa durée minimale de Fourier (pointillés noirs). Le spectrede l’impulsion est affiché en encart.

Les résultats de la simulation sont affichés sur la figure 4.5 présentant le profil tempo-rel des impulsions signal amplifiées après leur compression de trois manières différentes. Cesimpulsions ont alors une énergie de 2.24 mJ, soit 75 % de l’énergie initiale de la pompe, ainsiqu’une largeur spectrale de 19.9 nm. En compensant exactement la phase spectrale des impul-sions, ces dernières ont alors une durée minimale de 149 fs et atteignent une puissance crêtede 14.4 GW. Si une compensation parfaite de la phase n’est pas possible, il est tout de mêmepossible d’obtenir des résultats intéressants avec une compensation de second ou quatrièmeordre puisque leur durée est alors respectivement 214 et 174 fs.

Un examen plus rigoureux de la figure 4.5 révèle que la durée comprimée des impulsionsamplifiées est légèrement plus élevée que ce qui est présenté à la section 3.3 du chapitre 3 pourun gain et une longueur d’amplification normalisée z/LR similaires. En résumé, la propagationd’une impulsion de 100 fs étirée à 60 ps ayant une énergie de 1 nJ avec une pompe de 1 ps étiréeà 75 ps et d’une énergie de 1.45 µJ donnait comme résultat une amplification de 30 dB du signal

77

après z = 3LR alors que ce dernier pouvait être comprimé à une durée minimale de 139 fs.De plus, si l’impulsion était plutôt comprimée par une dispersion de second ou de quatrièmeordre, la durée comprimée du signal amplifié valait plutôt respectivement 201 fs et 166 fs.On peut trouver curieux que ces durées soient toutes plus courtes que celles obtenues aprèsune amplification à des énergies millijoules pour un gain et un ratio de durées pompe/signalsimilaires, mais on peut expliquer ce résultat en considérant ce qui se produit lorsque lesimpulsions sont étirées à une durée beaucoup plus grande (nanoseconde au lieu de picoseconde).Puisque l’automodulation de phase et la modulation de phase croisée diminuent lorsque lesimpulsions sont davantage étirées, les simulations montrent que l’élargissement du spectre dûà ces phénomènes est alors moins important même lorsque la propagation se fait sur une mêmedistance normalisée par rapport à la longueur de saturation Raman. La durée minimale partransformée de Fourier de l’impulsion amplifiée est donc affectée par l’étirement des impulsionset leur dérive en fréquence. Cependant, on calcule que cette durée augmente de seulement 7 %alors que l’étirement des impulsions est multiplié par 25. Il est plus difficile de prévoir ladurée de l’impulsion amplifiée lorsqu’elle est comprimée à l’aide de la dispersion puisque sonprofil de phase spectral est relié de façon non triviale à sa phase temporelle (qui est décrite parl’équation (3.10) et expliquée à la section 3.4). Des différences de phase spectrale existent pourdes simulations semblables, dont les impulsions sont étirées par des facteurs différents, maiselles demeurent relativement faibles et n’influencent que légèrement leur durée comprimée. Parconséquent, on peut conclure que le schéma d’amplification Raman présenté au chapitre 3 peutêtre utilisé pour l’amplification d’impulsions laser à très haute énergie dans des fibres optiques.Les meilleurs résultats seraient bien entendus obtenus si une stratégie est implémentée pourcompenser précisément la phase spectrale des impulsions amplifiées, mais leur durée compriméereste néanmoins courte lorsqu’elles sont compressées par des éléments dispersifs entraînant undéphasage polynomial d’ordre inférieur.

4.3 Amplification simultanée de la pompe et du signal

Dans les sections précédentes, on a toujours considéré que le signal était amplifié pareffet Raman à l’aide d’un faisceau pompe énergétique qui avait été préalablement amplifié pard’autres moyens. Le faisceau pompe, qui doit être pulsé pour produire le type de gain Ramanprésenté dans ce mémoire, était donc initialement amplifié dans une fibre de gain dopée auxterres rares afin que l’énergie de ses impulsions soit suffisante. Pour les schémas présentés auxsections 4.1 et 4.2, les impulsions du faisceau pompe devaient respectivement être amplifiéesà 2 µJ et 3 mJ avant l’étape de gain Raman. Dans cette section, on propose plutôt d’intégrerdans une même fibre l’amplification de la pompe par des dopants de terres rares avec l’am-plification Raman d’un signal décalé en fréquences. Un tel schéma a déjà été employé pourl’amplification Raman de faisceaux continus à haute puissance, permettant la génération d’unfaisceau de 1.28 kW de puissance à 1120 nm dans un amplificateur fibré dopé à l’ytterbium

78

et conçu pour opérer à 1080 nm [67]. Cette section présente une adaptation de ce schéma oùdes impulsions signal et pompe auraient des énergies du même ordre de grandeur à l’entrée del’amplificateur, seraient superposées et leurs fréquences porteuses seraient décalées pour quele spectre du signal soit dans la bande passante Raman de la pompe. Le faisceau pompe auraitson spectre situé au centre de la bande passante du milieu de gain de façon à ce qu’il reçoivela majeure partie de l’énergie donnée par le milieu de gain. Durant la propagation, l’impul-sion pompe serait rapidement amplifiée tout en redistribuant par effet Raman une partie deson énergie accumulée au signal. Un tel schéma aurait pour avantage de réduire significative-ment la complexité de l’implémentation d’un système d’amplification Raman dans une chaîned’amplificateurs existante, tout en profitant de la saturation inhomogène du gain Raman quipermet au signal amplifié de conserver un spectre large (voir chapitre 3). Pour la suite decette section, seule la situation plus spécifique de l’amplification Raman d’impulsions dansune fibre dopée à l’ytterbium sera considérée. Même si chaque milieu de gain est différent, lesconclusions qui découleront des simulations effectuées avec l’ytterbium pourront être adaptées,du moins partiellement, pour d’autres milieux de gain.

Comme indiqué à la section 1.5 du chapitre 1, l’ytterbium est une terre rare dontles sections efficaces d’absorption et d’émission permettent un gain très large centré à unelongueur d’onde λ0 = 1.030 µm lorsque pompée par un faisceau laser continu à 975 nm.La figure 1.6(a) montre aussi que sa courbe de gain présente une longue aile qui s’étend de1.050 µm à 1.150 µm en diminuant de façon presque linéaire avec la longueur d’onde. Malgréle fait que ce gain pourrait sembler optimal pour l’amplification d’impulsions brèves puisqu’ilréduirait très peu leur largeur spectrale et ne ferait que décaler leur fréquence porteuse versle bleu, il se produit en pratique trop d’émission spontanée amplifiée (ASE en anglais pouramplified spontaneous emission) autour de 1.030 µm, ce qui diminue de façon drastique legain disponible. Si, pour contourner ce problème, l’ytterbium est pompé à 1.030 µm, il esttrès difficile d’inverser les populations et le gain reste limité à de faibles valeurs [34]. Le schémad’amplification simultanée d’un signal par effet Raman et par l’ytterbium, proposé dans cettesection, viendrait régler le problème de l’émission spontanée amplifiée puisque le faisceaupompe à 1.030 µm s’accaparerait l’énergie disponible pour l’ASE tout en la transférant defaçon cohérente par effet Raman au signal dont le spectre serait centré autour de 1.080 µm.Ainsi, le signal bénéficierait à la fois du gain de l’ytterbium à sa longueur d’onde, mais ausside celui à 1.030 µm via le transfert d’énergie par effet Raman entre les impulsions pompe etsignal.

4.3.1 Adaptation du schéma d’amplification à source laser unique

Dans la section 4.1, un schéma d’amplification Raman a été présenté permettant l’ob-tention d’impulsions d’énergie microjoule en séparant le faisceau d’un seul oscillateur laser enbranches pompe et signal. Le signal voyait son spectre élargi par la propagation non linéaire

79

Laser

Diode pompe

Élargisseur de spectre

Ampli DCF Yb Ampli Raman

(a) Amplification séparée de la pompe et du signal

Laser

Diode pompe

Élargisseur de spectre

Ampli DCF YbRaman

(b) Amplification simultanée de la pompe et du signal

Laser

Diode pompe

Élargisseur de spectre

Ampli DCF Yb

Ligne à délai

Raman

(c) Signal et pompe comme les parties rouge et bleue du faisceau élargi

Figure 4.6 – Variations autour du schéma d’amplification Raman où le signal et la pompeproviennent du même oscillateur laser. La sous-figure (a) reprend la figure 4.1 où le faisceauinitial est séparé en une branche qui amplifie une pompe Raman et l’autre qui élargit spec-tralement le faisceau pour générer du signal dans la bande de gain Raman. En (b), le schémaest modifié pour que l’amplification de la pompe se produise simultanément à l’amplificationRaman du signal. À l’entrée de la fibre de gain, la pompe et le signal ont des énergies du mêmeordre, mais leurs fréquences porteuses diffèrent par le décalage Raman optimal du milieu (13THz pour les verres de silice). Le schéma illustré en (c) montre que la pompe Raman peutêtre choisie comme la partie bleue du spectre élargi s’il est décalé temporellement pour sesuperposer à la partie rouge avant leur entrée dans l’amplificateur.

dans une fibre monomode pendant que la pompe était amplifiée par une fibre dopée à l’ytter-bium, puis les deux impulsions étaient synchronisées dans une dernière fibre agissant commeamplificateur Raman. La figure 4.6 rappelle le schéma original d’amplification présenté à lasection 4.1 (en (a)) et lui ajoute deux variations permettant de superposer l’amplification Ra-man au gain de l’ytterbium. Il est en effet possible de simplifier considérablement ce schémad’amplification Raman si l’amplificateur à l’ytterbium est aussi utilisé pour fournir du gainRaman au signal. La première modification consiste simplement à retirer la fibre servant au

80

gain Raman du montage et à la remplacer par l’amplificateur à l’ytterbium (figure 4.6(b)).Les impulsions pompe pour l’amplification Raman sont alors des copies de celles émises parl’oscillateur et sont seulement étirées avec une dérive en fréquence avant d’être synchroniséesavec le signal. La branche signal reste quant à elle identique avec une propagation non linéairedans une fibre pour élargir son spectre, un étirement temporel via des composantes dispersiveset le passage par un filtre (ou miroir dichroïque) pour sélectionner un faisceau dont le spectreest centré autour de 1.078 µm, soit au centre de la courbe de gain Raman (décalage d’environ13 THz).

Bien que cette modification au schéma permette d’éviter l’utilisation d’un segment defibre supplémentaire pour l’amplification Raman, on peut observer qu’un gaspillage impor-tant d’énergie demeure lors du filtrage de la partie bleue du signal élargi spectralement. Unemodification supplémentaire illustrée à la figure 4.6(c) permet de s’affranchir de ce gaspillageen utilisant la partie bleue du signal comme pompe Raman. Dans ce schéma, le faisceau n’estpas séparé en branches pompe et signal, mais est plutôt propagé directement dans la fibre nonlinéaire permettant son élargissement spectral. Par la suite, alors que les impulsions élargiesspectralement sont aussi étirées temporellement, des miroirs dichroïques permettent de sépa-rer momentanément leurs parties bleue et rouge afin de leur donner le bon délai pour qu’ellessoient superposées temporellement. En choisissant adéquatement la fréquence de coupure desmiroirs dichroïques et le délai, il est possible d’obtenir une différence de fréquences instanta-nées d’environ 13 THz au centre des impulsions, permettant ainsi un transfert d’énergie pareffet Raman dans une fibre de silice. Les impulsions signal et pompe sont ensuite amplifiéesdans une fibre dopée à l’ytterbium pompée par un laser continu à 975 nm comme dans leschéma précédent, puis séparées pour que seul le signal à environ 1.080 µm demeure aprèsl’amplification.

Dans la situation illustrée par la figure 4.6(c), la pompe Raman possède un spectretrès large, ce qui implique que sa dérive en fréquence s’approche de celle de l’impulsion signal.Comme cette situation se rapproche du régime limité par le spectre de la pompe, présenté à lasection 3.2 (chapitre 3), on pourrait croire qu’elle est optimale puisqu’elle favorise une faibleréduction de la bande passante du signal ainsi que des pertes d’énergie minimes. Cependant,des simulations numériques permettent de remarquer que les spectres du signal et de la pomperésiduelle après l’amplification se chevauchent, ce qui rend la séparation des faisceaux délicate.Puisqu’un chevauchement des spectres du signal et de la pompe entraînerait un battementdifficilement compressible, il est alors nécessaire de filtrer les hautes fréquences du signalamplifié afin d’éliminer complètement le faisceau pompe. Cela a pour conséquence de réduirela largeur spectrale des impulsions signal et d’augmenter la durée minimale à laquelle ellespeuvent être comprimées.

Une simulation similaire à celle de la section 4.1 est effectuée en utilisant le schémadécrit par la figure 4.6(b) pour générer les impulsions pompe et signal qui s’amplifieront dans

81

une fibre unique dopée à l’ytterbium. Un faisceau d’impulsions de 5 nJ d’une durée de 250 fsémises à une cadence de 1 MHz est d’abord divisé en branches signal et pompe à l’aide d’unséparateur de faisceau. Afin que les impulsions signal et pompe aient des énergies comparablesà l’entrée de l’amplificateur, le séparateur de faisceaux envoie 85 % de l’énergie dans la branchesignal, ce qui permet de compenser pour les pertes ultérieures dues au filtrage. Le faisceau si-gnal est ensuite propagé dans 92 cm de fibre monomode Corning HI 1060, simulée comme ayantà 1.030 µm une non linéarité γ = 5.7 × 10−3 W−1m−1 et une dispersion β2 = 26.5 ps2/km.Ces impulsions dont le spectre est élargi à 67 nm sont ensuite étirées temporellement à 183 psà l’aide d’une dispersion d’ordre deux de 1.5 ps2, équivalant à une cinquantaine de mètresde fibre HI 1060 supplémentaires. De leur côté, les impulsions pompe sont étirées à 83 ps àl’aide d’une dispersion de 7.5 ps2. Les branches pompe et signal sont finalement superposéesà nouveau à l’aide d’un miroir dichroïque d’ordre m = 100 choisi ici comme ayant sa coupureà 1.060 µm (voir équation (4.1)). La figure 4.7 montre les profils temporels et spectraux desimpulsions pompe et signal avant leur amplification dans la fibre dopée à l’ytterbium.

On simule l’amplification des impulsions dans un segment de 1.5 m de fibre CoractiveDCF Yb 10/128P ayant un cœur de 5 µm et une absorption de gaine de 1.7 ± 3 dB/m à915 nm (γ = 1.6 × 10−3 W−1m−1). Puisque la dispersion et le profil d’indice de réfractionde cette fibre ne sont pas fournis par le fabriquant, on estime β2 comme étant 16 ps2/km

−150 −100 −50 0 50 100 150 200 250 300

t (ps)

0

2

4

6

8

10

P(W

)

Signal

Pompe

950 1000 1050 1100

λ (nm)

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

S(u

.a.)

Figure 4.7 – Puissance instantanée et spectre des impulsions pompe et signal immédiatementavant leur amplification dans une fibre dopée à l’ytterbium. L’impulsion initiale de 5 nJ, 250 fsà 1030 nm est séparée en branches pompe (tirets bleus) et signal (ligne pleine rouge). Le signalest élargi par 92 cm de fibre HI 1060, étiré à 183 ps puis filtré pour ne garder que ses bassesfréquences, ce qui réduit sa durée à 84 ps, devenant alors comparable aux 83 ps de l’impulsionpompe. Les spectres des impulsions signal et pompe sont affichés en encart, de même que celuide l’impulsion signal suite à son élargissement spectral, mais avant le filtrage (pointillés noirs).

82

0.00 0.25 0.50 0.75 1.00 1.25 1.50

z (m)

0

1

2

3

4

5

6

〈P〉(

W)

Signal

Pompe Raman

Pompe continue

(a) Transfert de puissance entre les pompes et le signal

0.00 0.25 0.50 0.75 1.00 1.25 1.50

z (m)

0.0

0.5

1.0

1.5

2.0

2.5

3.0

E(µ

J)

Ytterbium

Raman

(b) Répartition de l’énergie gagnée par le signal

Figure 4.8 – Amplification du signal simultanément par effet Raman et par le gain de l’ytter-bium dans un amplificateur fibré à double gaine. La sous-figure (a) montre la répartition de lapuissance moyenne entre les faisceaux signal (λ0 ∼ 1.078 µm), pompe Raman (λ0 ∼ 1.030 µm)et pompe continue (λ0 = 975 nm) en fonction de la distance de propagation dans l’amplifi-cateur (fibre Coractive DCF Yb 10/128P). L’énergie gagnée par chaque impulsion du signalest affichée en (b) et séparée selon ses deux contributions, soit si elle provient directement dugain de l’ytterbium ou indirectement à travers le gain Raman.

à 1.078 µm, ce qui correspond à la dispersion du verre de silice lorsqu’il n’est pas fibré. Onestime cependant que les effets dispersifs sont faibles puisque la longueur de dispersion L′Dpour l’impulsion signal dépasse la centaine de mètres (voir équation (1.20), page 14). Cettefibre est pompée par un faisceau continu multimode d’une puissance de 6 W à 975 nm defaçon à fournir de l’énergie aux impulsions pompe et signal. Puisque la cadence des impulsionsest élevée (1 MHz), on simule la saturation de l’amplificateur comme étant moyennée sur lepassage de plusieurs impulsions, mais l’utilisation du modèle complet de la saturation propre àchaque impulsion donnerait le même résultat (voir section B.2 de l’annexe B). La figure 4.8(a)indique la puissance moyenne des trains d’impulsions signal et pompe en comparaison aveccelle du faisceau continu. On y remarque que le train d’impulsions pompe à 1.030 µm (tiretsbleus) est amplifié dans les premiers 80 cm de fibre pour atteindre une puissance moyennede 1.33 W (1.33 µJ par impulsion), mais transmet ensuite sa puissance au faisceau signal(en rouge) par effet Raman. De son côté, le train d’impulsions signal est à la fois amplifiépar la queue du gain de l’ytterbium (λ > 1.050 µm) et par le gain Raman provenant desimpulsions pompe. La figure 4.8(b) permet d’observer l’augmentation de l’énergie du signalen fonction de sa distance de propagation dans la fibre dopée ainsi que sa répartition entrel’énergie obtenue via le gain Raman et celle directement du gain de l’ytterbium. Cette figurepermet d’observer que le signal reçoit du gain de l’ytterbium pendant les premiers 60 cm où lapompe n’est pas encore très énergétique, puis est amplifié considérablement par effet Raman

83

durant les 40 cm suivants. Après 1 m d’amplification, le gain Raman sature et un trou est formédans le profil de l’impulsion pompe. Le signal ne cesse cependant pas d’être amplifié puisquel’ytterbium contribue alors à augmenter significativement son énergie, allant presque jusqu’àla doubler. De plus, alors que la saturation inhomogène du gain Raman contribue à élargirle spectre de l’impulsion, le gain de l’ytterbium ne réduit pas sa largeur spectrale puisqu’ilest relativement plat aux longueurs d’onde du signal (∼ 1.080 µm). Par conséquent, on aavantage à continuer l’amplification après l’épuisement des impulsions pompe (1.030 µm) ;l’amplification doit cependant être arrêtée avant qu’il ne se forme un faisceau Stokes vers1.130 µm.

−400 −200 0 200 400 600

T (fs)

0

5

10

15

20

25

30

P(M

W)

85 fs

96 fs

113 fs

1.04 1.06 1.08 1.10

λ (µm)

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

S(u

.a.)

Figure 4.9 – Profils temporels et spectraux des impulsions après l’amplification simultanéepar effet Raman et par l’ytterbium lorsqu’elles sont comprimées par un déphasage polynomiald’ordre 4 (ligne pleine bleue) ou 2 (tirets verts). Ces profils de puissance instantanée sontcomparés avec celui de l’impulsion la plus courte permise par le spectre du faisceau, soit leprofil limité par la transformée de Fourier (pointillés noirs).

Après une amplification sur une distance de 1.5 m dans la fibre dopée, on sépare lesimpulsions signal des impulsions pompe et du faisceau continu à l’aide d’un dernier filtrepasse-bas d’ordre m = 100 et dont la coupure est à 1.060 µm. Le spectre des impulsionssignal est alors assez large pour que les impulsions comprimées puissent avoir une durée àmi-hauteur aussi faible que 85 fs et une puissance crête de 24.9 MW pour une énergie de2.2 µJ (voir figure 4.9). Ainsi, cette simplification du schéma d’amplification permet d’obtenirdes impulsions plus brèves que le minimum de 112 fs obtenu à l’aide de l’amplificateur Ramanséparé de la fibre double gaine dopée aux terres rares. On remarque aussi d’après la figure 4.9que la compression imparfaite des impulsions avec un déphasage polynomial permet tout demême d’obtenir des impulsions très brèves. En effet, une compression avec un déphasagepolynomial d’ordre 2 ou 4 permet respectivement de comprimer les impulsions à 113 fs et96 fs, ce qui est inférieur à la durée minimale permise par le schéma d’amplification séparée

84

(section 4.1). On en conclut donc que le schéma d’amplification simultanée par effet Ramanet par l’ytterbium est avantageux par rapport à l’amplification séparée puisqu’il réduit lesmodifications nécessaires à apporter à un montage déjà existant tout en permettant l’obtentiond’impulsions microjoule ayant un spectre supportant une compression inférieure à 100 fs.

Une simulation similaire à celle présentée a été effectuée pour la situation illustrée parla figure 4.6(c) où les impulsions pompe et signal sont les parties bleue et rouge de l’impul-sion dont le spectre est élargi par automodulation de phase. L’amplification simultanée parl’ytterbium et l’effet Raman permet en principe au signal d’être comprimé à une durée de89 fs. Cependant, l’impulsion pompe Raman résiduelle possède toujours, après l’amplificationdu signal, une énergie de 144 nJ principalement située entre 1.045 µm et 1.065 µm. Cetteénergie interfère avec le signal aux mêmes longueurs d’onde, créant un battement parasite quicomplique la compression du signal. Ce battement peut être supprimé en filtrant le faisceauamplifié à l’aide d’un miroir dichroïque d’ordre m = 100 à 1.070 µm, ce qui réduit cepen-dant la largeur spectrale du signal et augmente sa durée comprimée minimale à 104 fs. Onpeut néanmoins affirmer que les deux situations d’amplification simultanée illustrées par lesfigures 4.6(b) et 4.6(c) ont le potentiel de produire des impulsions laser ayant une durée del’ordre de 100 fs et une énergie de quelques microjoules.

4.3.2 Amplification millijoule d’impulsions par l’ytterbium et l’effetRaman dans un même segment de fibre

Les simulations présentées à la section 4.2 portant sur le transfert d’énergie par effetRaman entre une impulsion millijoule au spectre étroit et une impulsion microjoule au spectrelarge peuvent aussi être adaptées pour que l’amplification Raman se produise simultanémentà l’amplification par l’ytterbium. Dans les chaînes fibrées d’amplification à haute énergie d’im-pulsions femtosecondes, la dernière étape consiste généralement en l’amplification d’impulsionschirpées d’énergie microjoule dans un segment de fibre à cristaux photoniques ayant une doublegaine dopée à l’ytterbium (ou autres terres rares) [55, 57, 59–61, 68]. Pour cette dernière étaped’amplification, la cadence des impulsions est généralement réduite à quelques dizaines de kilo-hertz de façon à maximiser l’énergie gagnée par chaque impulsion, sans trop réduire l’efficacitédu transfert de puissance moyenne. Tel que discuté à la section 1.5 et de façon plus détailléedans l’annexe B, l’amplification d’un train d’impulsions de faible cadence fait en sorte que lemilieu de gain voit chaque impulsion de façon quasiment indépendante et dispose d’un délaiassez long avant la suivante pour ramener partiellement ses populations à l’équilibre. Bienque le gain en énergie de chaque impulsion est alors plus élevé, cette situation a comme désa-vantage que les populations de l’ytterbium changent lors du passage de l’impulsion, ce quioccasionne une amplification plus importante de sa tête par rapport à sa queue. Si l’impulsionpossède une dérive en fréquence, sa largeur spectrale est alors réduite et sa fréquence porteuseest décalée. Ceci pourrait expliquer pourquoi il est difficile d’obtenir, à l’aide d’amplificateurs

85

fibrés dopés à l’ytterbium, des impulsions millijoules d’environ 100 fs, malgré le fait que cettedurée est supportée par la bande passante du gain et qu’elle est régulièrement atteinte lorsquel’énergie est de l’ordre du microjoule ou inférieure.

Signal

Pompe Raman

Pompe CW Yb-DCFA

Figure 4.10 – Diagramme illustrant le montage proposé pour la génération d’impulsionsbrèves millijoule par effet Raman dans une fibre dopée à l’ytterbium. Les impulsions signal à1080 nm (rouge) et pompe à 1030 nm (bleu) sont synchronisées et amplifiées dans une fibredouble gaine dopée à l’ytterbium dont l’inversion de population est assurée par un faisceaumultimode continu (CW) à 976 nm (gris). Tout comme indiqué à la section 4.1, les impulsionspompe (1030 nm) et signal (1080 nm) doivent provenir du même oscillateur pour que leurscadences soient identiques, mais comme le schéma présent n’illustre que le dernier étage d’am-plification, il ne pose pas de contrainte sur ce que ces impulsions ont pu subir au préalable.

Comme on l’a mentionné au chapitre 3, le gain Raman permet d’obtenir des impulsionssignal très brèves même si les impulsions pompe qui leur transmettent l’énergie n’ont pas unspectre assez large pour pouvoir être comprimées à des durées plus courtes que la picoseconde.On a donc proposé à la section 4.2 une méthode d’amplification où une impulsion millijouledont le spectre supporte la compression à 1 ps transfère son énergie à une impulsion microjoulede 100 fs, toutes deux étirées à des durées de l’ordre de la nanoseconde. Dans cette section,on montre qu’il est possible d’utiliser une fibre dopée à l’ytterbium afin d’amplifier par effetRaman une impulsion signal à λ0 ∼ 1.080 µm à partir d’une impulsion pompe à λ ∼ 1.030 µm

selon le diagramme de la figure 4.10, de façon à ce que le signal atteigne une énergie del’ordre du millijoule. On montre aussi que ces impulsions peuvent être comprimées à desdurées approchant 100 fs. La simulation qui suit s’inspire des paramètres de Klenke et al. [61]en considérant des impulsions pompe et signal ayant initialement la même énergie de 10 µJ

(émises à une cadence de 40 kHz) se propageant dans un segment de fibre-tige aeroGAIN-ROD(NKT Photonics) de 80 cm ayant un diamètre modal de 45±5 µm (γ = 1.0 ×10−4 W−1m−1).Cette fibre-tige est vendue en segments de 80 cm équipés d’un système de refroidissement etson dopage est évalué d’après les données d’absorption du module, soit (5.0±0.5) dB pour unfaisceau multimode à 915 nm circulant dans la gaine. Initialement, les impulsions signal sontgaussiennes et ont un spectre supportant leur compression à 100 fs, mais sont étirées à unedurée à mi-hauteur de 1.6 ns avec une dérive en fréquence linéaire. De même, les impulsionspompe sont aussi gaussiennes et ont une durée étirée de 2 ns, mais pourraient être compriméesà 1 ps. Puisque seul le devant de la pompe sera amplifié par l’ytterbium (voir section B.2 de

86

l’annexe B), celle-ci est retardée de 1 ns de façon à ce que son devant soit synchronisé avec lecentre du signal lors du transfert d’énergie par effet Raman.

0 10 20 30 40 50 60 70 80

z (cm)

0

20

40

60

80

100

120

140

160

〈P〉(

W)

Signal

Pompe Raman

Pompe CW

(a) Transfert de puissance entre les pompes et le signal

0 10 20 30 40 50 60 70 80

z (cm)

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

Pop

ula

tion

s

N1

N e1

N2

N e2

(b) Populations des niveaux de l’ytterbium

Figure 4.11 – Simulation de l’amplification Raman à haute énergie d’impulsions femtose-condes étirées dans deux segments de fibre-tige aeroGAIN-ROD 2 de NKT Photonics. Letransfert de puissance moyenne entre le faisceau continu multimode (150 W à 976 nm), lesimpulsions signal (100 fs étirées à 1.6 ns, 1.078 µm, 10 µJ) et pompe (1 ps étirées à 2 ns,1.030 µm, 10 µJ) est affiché en (a). La faible cadence de 40 kHz des impulsions entraîne unesaturation du gain de l’ytterbium, illustrée en (b), puisque ses populations passent d’une va-leur à l’équilibre N e

j (tirets) à une valeur minimale Nj(t) (lignes pleines) à chaque passaged’une paire d’impulsions.

L’amplification des impulsions pompe et signal se produit dans le segment de fibre-tigealors que les populations des niveaux 1 et 2 de l’ytterbium sont inversées par un faisceaumultimode continu de 150 W à 975 nm. Comme la puissance de ce faisceau est très élevée,il sature le milieu de gain et sa puissance diminue lentement jusqu’à 79 W. La figure 4.11(a)montre que l’inversion de population dans la fibre de gain est suffisante pour que le faisceaupompe soit amplifié jusqu’à 22.2 W (0.55 mJ par impulsion) avant qu’il ne transfère son énergiepar effet Raman au signal. L’action combinée de l’ytterbium et du gain Raman permettrontaux impulsions signal d’atteindre 1.1 mJ après une longueur d’amplification de 80 cm. Lafigure 4.11(b) permet de visualiser l’impact du passage des impulsions sur les populations desniveaux de l’ytterbium. Dès que l’énergie de la pompe devient importante (z > 30 cm), lespopulations N1 et N2 deviennent affectées par le passage des impulsions. Le milieu est alorsmoins inversé lorsque la queue des impulsions le traverse, ce qui donne un gain plus faibleà leur queue qu’à leur tête et réduit leur largeur spectrale. On note que la faible cadencede 40 kHz permet au milieu de retrouver une valeur à l’équilibre de façon cyclique (courbespointillées) avant le passage des impulsions suivantes.

Après leur amplification, les impulsions signal peuvent être facilement séparées des

87

impulsions pompe avec un miroir dichroïque puisque leurs spectres sont très éloignés l’unde l’autre. Les impulsions signal sont ensuite comprimées à l’aide d’un déphasage spectralqui peut être causé par une paire de prismes ou de réseaux et même raffiné à l’aide d’unsystème de compensation presque parfaite de la phase [52–54]. Puisque les impulsions signalont alors un spectre ayant une largeur à mi-hauteur de 21 nm, elles pourraient être compriméesjusqu’à une durée minimale de 121 fs à mi-hauteur, atteignant une puissance crête de 8.8 GWpour une énergie de 1.1 mJ (voir figure 4.12). De plus, même si le déphasage permettantla compression des impulsions ne peut être aussi précis, les impulsions comprimées peuventmalgré tout atteindre des durées valant respectivement 131 ou 165 fs pour une compressionavec un déphasage polynomial d’ordre allant jusqu’à l’ordre 4 ou 2.

−200 0 200 400 600 800

T (fs)

0

2

4

6

8

10

P(G

W)

121 fs131 fs

165 fs

1.06 1.07 1.08 1.09

λ (µm)

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

S(u

.a.)

21 nm

Figure 4.12 – Profils temporels et spectraux des impulsions comprimées après leur ampli-fication Raman dans le segment de fibre-tige aeroGAIN-ROD de NKT Photonics dopée àl’ytterbium. Les impulsions amplifiées atteignent 1.1 mJ et peuvent être comprimées à unedurée minimale de 121 fs limitée par la transformée de Fourier (pointillés noirs), atteignant unepuissance crête de 8.8 GW. Si une dispersion polynomiale d’ordre 4 (ligne bleue) ou d’ordre 2(tirets verts) est plutôt utilisée pour la compression, les impulsions ont alors respectivementune durée de 130 fs ou de 165 fs avec des puissances crêtes de 8.1 GW et 5.2 GW.

L’utilisation de plusieurs combinaisons de paramètres pour l’amplification Raman dansune fibre-tige dopée à l’ytterbium a permis d’établir que la principale limitation à l’énergie quipeut être obtenue provient du faible choix de dopages et de longueurs des modules disponiblescommercialement. Bien que ces modules soient optimisés pour fournir un gain appréciable àun seul faisceau, les simulations effectuées pour ce projet montrent qu’ils sont généralementtrop courts pour pouvoir pleinement exploiter le schéma d’amplification hybride (Raman etytterbium) proposé dans cette section. Cependant, il est peut-être possible de fabriquer desfibres-tiges ayant un dopage plus élevé (une longueur plus élevée serait difficile compte tenude leur rigidité), et ces dernières pourraient être utilisées pour pousser l’amplification Raman

88

et ytterbium du signal à des énergies plus élevées. On obtient des résultats particulièrementintéressants si on choisit plutôt le module d’amplification aeroGAIN-ROD 2 ayant un diamètremodal de 65 ± 5 µm et qu’on modifie son dopage pour avoir une absorption de 7.5 dB à915 nm. Pour cette situation, on augmente aussi la puissance de la pompe continue (976 nm)à 300 W. La figure 4.13 résume les résultats obtenus. Dans cette situation, les impulsions signalà 1.078 µm atteignent une énergie de 3.1 mJ, une puissance moyenne de 124 W et peuventêtre comprimées à une durée minimale de 121 fs. Leur puissance crête peut alors atteindre24.4 GW. Il est possible cependant que des considérations techniques empêchent actuellementla fabrication de fibres-tiges ayant un dopage en ytterbium plus élevé. C’est pourquoi dessimulations ont été effectuées avec les données réalistes des modules déjà commercialisés.Néanmoins, les résultats de simulation pour l’amplification avec un dopage plus élevé sontnettement prometteurs, ce qui permet d’espérer que de telles fibres pourront éventuellementêtre disponibles.

0 10 20 30 40 50 60 70 80

z (cm)

0

50

100

150

200

250

300

〈P〉(

W)

Signal

Pompe Raman

Pompe CW

(a) Transfert de puissance entre les pompes et le signal

−200 0 200 400 600 800

T (fs)

0

5

10

15

20

25

P(G

W)

121 fs

137 fs

154 fs

1.06 1.07 1.08 1.09

λ (µm)

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

S(u

.a.)

22 nm

(b) Impulsions comprimées après amplification

Figure 4.13 – Simulation de l’amplification millijoule dans un segment de fibre-tigeaeroGAIN-ROD 2 dont le dopage est augmenté. L’énergie est transférée du faisceau continu(300 W à 976 nm) aux impulsions signal (100 fs étirées à 1.6 ns, 1.078 µm, 10 µJ) et pompe(1 ps étirées à 2 ns, 1030 µm, 10 µJ) émises avec une cadence de 40 kHz. Les impulsionsamplifiées atteignent 3.1 mJ et peuvent être comprimées à une durée minimale de 121 fs li-mitée par la transformée de Fourier (pointillés noirs) avec une puissance crête de 24.4 GW.Une compression avec une dispersion polynomiale d’ordre 4 (ligne bleue) ou d’ordre 2 (tiretsverts) entraîne respectivement des durées de 137 fs et de 154 fs avec des puissances crêtes de19.7 GW et 11.0 GW.

De façon plus générale, les résultats présentés dans cette section démontrent commentle potentiel du gain Raman pour l’amplification à haute énergie d’impulsions courtes peutêtre exploité en ne requérant que peu de modifications aux montages déjà existants. La sous-section 4.3.1 a présenté comment le schéma d’amplification d’impulsions produites par unseul oscillateur laser dont le faisceau est divisé en deux branches pompe et signal, présenté

89

à la section 4.1, pouvait être simplifié en combinant l’amplification de la pompe par l’ytter-bium avec celle du signal par effet Raman. De son côté, la sous-section 4.3.2 a montré quel’amplification simultanée d’impulsions pompe et signal dans une fibre à cristaux photoniquespouvait produire des impulsions femtosecondes de plusieurs millijoules sans complexifier outremesure les schémas d’amplification existants. On montre de plus que dans les deux situations,l’amplification simultanée par les deux phénomènes produit des résultats semblables ou plusintéressants que l’amplification séparée, soit en amplifiant à des énergies plus élevées ou enpermettant une compression à des durées plus courtes. Par conséquent, on estime que la bandepassante effective pour la combinaison des deux mécanismes de gain est vraisemblablementplus large que celle de l’effet Raman seul.

4.4 Conclusion

Ce quatrième et dernier chapitre a pour objectif de présenter différentes situationsd’amplification pour lesquelles le gain Raman pourrait s’avérer utile. Tout d’abord, la sec-tion 4.1 décrit la situation où les impulsions produites par un oscillateur laser nanojouleunique sont séparées en deux branches afin d’être transformées en impulsions signal et pompeayant exactement la même cadence, mais dont la fréquence porteuse est décalée de 13 THz.En plus de souligner l’importance pour les impulsions d’avoir une cadence identique, cettesection expose des résultats de simulation utilisant le modèle analytique développé au cha-pitre 3 qui montrent que les impulsions amplifiées peuvent atteindre une énergie de plus d’unemicrojoule tout en pouvant être comprimées à près de 100 fs. D’autre part, une adaptationdu schéma d’amplification est présentée à la section 4.2 en simulant la propagation d’im-pulsions brèves étirées à plus d’une nanoseconde dans une fibre à cristaux photoniques. Ladiminution de l’intensité lumineuse permet de simuler la production d’impulsions brèves dontl’énergie dépasse le millijoule et dont la durée est inférieure à 200 fs. Finalement, comme ladiffusion Raman stimulée se produit dans toutes les fibres optiques, la section 4.3 montre queles schémas d’amplification présentés aux sections 4.1 et 4.2 peuvent être adaptés pour quele transfert d’énergie se produise dans une fibre de gain. Pour cette situation, les impulsionspompe (λ0 = 1030 nm) et signal (1080 nm) possèdent la même énergie à l’entrée de l’ampli-ficateur. La pompe est d’abord amplifiée par l’ytterbium puisque ce dernier fournit un gainplus élevé à sa longueur d’onde, mais son énergie est par la suite transférée au signal, quipeut ensuite être comprimé à des durées brèves. On préconise par conséquent l’amplificationRaman dans une fibre de gain puisque les simulations dans ces conditions, présentées dans lessous-sections 4.3.1 et 4.3.2, donnent des résultats plus performants que leurs équivalents dansune fibre passive (sections 4.1 et 4.2).

90

Conclusion

Ce mémoire permet la synthèse des différents aspects étudiés lors de ce projet derecherche théorique sur l’amplification d’impulsions brèves par effet Raman dans les fibresoptiques. Alors que les chapitres 1 et 2 reprennent les théories existantes permettant de modé-liser la propagation d’impulsions dans les fibres optiques et leur amplification par effet Raman,les chapitres 3 et 4 présentent de nouveaux résultats qui indiquent comment l’amplificationRaman d’impulsions brèves jusqu’à des énergies élevées serait possible. Ce projet de recherchemontre que des schémas existants d’amplification Raman synchrone [20–22] peuvent être adap-tés aux impulsions brèves de haute énergie en étirant ces dernières avec des éléments dispersifsà des durées plus longues que le temps de réponse Raman du milieu. Dans ces conditions, legain Raman devient paramétrique et dépend de la différence de fréquence instantanée entreles impulsions signal et pompe, ce qui permet d’élargir sa bande passante effective lorsque lespectre de l’impulsion pompe est suffisamment large. Un autre aspect intéressant de ce schémaréside dans le fait que la saturation inhomogène du gain entraîne un réélargissement spectralde l’impulsion signal si son amplification est prolongée au delà de la distance après laquelleson énergie devient comparable à celle de la pompe.

Le chapitre 3 présente un modèle analytique, publié en 2015 [24], qui permet de prédirela puissance instantanée et la phase des impulsions pompe et signal lorsqu’elles sont étiréesà plus de 10 ps de manière à ce que les effets dispersifs puissent être négligés. Le calculde l’amplification d’impulsions avec ce modèle indique que la saturation inhomogène du gainpermet aux impulsions amplifiées d’être comprimées à des durées qui dépendent principalementdu profil de la pompe et de la différence de fréquence instantanée qu’elle possède par rapport ausignal. Bien que l’énergie de la pompe, qui détermine le gain en décibels du signal, influenceaussi cette durée, son effet est nettement moins important. Par conséquent, l’amplificationsynchrone par effet Raman permet aux impulsions d’atteindre des énergies élevées tout enconservant une largeur spectrale appréciable même si le gain est élevé. Des calculs, présentésdans ce mémoire, prédisent que des impulsions dont la durée initiale est de 100 fs peuvent êtreamplifiées de 40 dB tout en conservant une durée inférieure à 150 fs.

Le développement d’un modèle analytique a aussi permis une étude plus complète dudéphasage non linéaire qu’acquièrent les impulsions lors de leur amplification. Toujours au

91

chapitre 3, on montre que ce déphasage provient principalement de l’automodulation de phaseet de la modulation de phase croisée avec la pompe. Comme ce déphasage est lisse et prendla forme d’une courbe en cloche si l’impulsion pompe est gaussienne, on peut s’attendre à ceque la compression des impulsions amplifiées avec des éléments dispersifs tels les paires deréseaux résulte en des durées proches de leur durée minimale, dite limitée par la transforméede Fourier. On montre cependant que le déphasage acquis prend une forme moins idéalelorsque l’impulsion pompe a un profil supergaussien. Par conséquent, l’utilisation d’appareilspermettant de corriger ce déphasage serait nécessaire afin de profiter de l’élargissement de labande passante effective relié à ce profil de pompe.

Le chapitre 4 de ce mémoire introduit quatre schémas pratiques d’amplification Ramaninspirés du modèle du chapitre précédent. Le premier schéma est basé sur la considération queles impulsions doivent être émises avec la même cadence afin de demeurer synchronisées sur unedurée d’opération adéquate. Une implémentation modifiée du montage de Gouveia-Neto et al.[20] permettrait à un seul oscillateur laser de générer les impulsions signal et pompe de façon às’assurer que leurs cadences soient identiques. La fréquence porteuse de l’impulsion signal doitcependant être décalée pour correspondre au maximum de la bande passante du gain Raman.Des simulations suggèrent que si le signal est suffisamment énergétique, sa propagation dansune fibre optique génèrerait suffisamment d’effets non linéaires pour élargir son spectre jusqu’àla bande de gain. On utilise ensuite le modèle analytique développé au chapitre précédentpour montrer que des impulsions de 1.20 µJ ayant une durée de 112 fs à une longueur d’ondede 1.078 µm pourraient être générées à partir d’un oscillateur émettant des impulsions de5 nJ et de 250 fs à 1.030 µm. Ces impulsions atteindraient une durée inférieure à celle desimpulsions initiales puisque leur spectre a été élargi pour exploiter la presque totalité de labande passante Raman. Les composantes choisies pour cette simulation sont actuellementdisponibles commercialement et pourraient être utilisées pour produire un système compactd’émission d’impulsions brèves microjoules à haute cadence. De plus, ce schéma d’amplificationpourrait être utilisé en cascade de façon à produire des impulsions brèves dans des plages delongueurs d’onde où on ne connaît aucun dopant ayant une raie d’émission laser suffisammentlarge pour les générer directement.

Ce chapitre se poursuit en montrant que l’amplification Raman synchrone pourraitêtre adaptée pour atteindre des énergies de l’ordre du millijoule à l’aide d’un schéma basé surdes fibres optiques microstructurées dont le cœur est plus large, ce qui accroît la puissancedes impulsions sans augmenter leur intensité. On montre alors qu’il serait possible d’utiliserdes impulsions énergétiques dont le spectre supporte une compression à environ 1 ps (quipourraient être produites par une chaîne d’amplification à l’ytterbium) afin d’amplifier pareffet Raman des impulsions brèves étirées. Un calcul de l’amplification d’une impulsion signalde 1 µJ, 100 fs étirée à 1.6 ns avec une pompe de 3 mJ, 1 ps étirée à 2 ns permet de prédirel’obtention d’une impulsion de 2.24 mJ pouvant être comprimée à une durée de 149 fs, ce qui

92

correspond à une puissance crête de 14.4 GW.

Puisque les deux schémas précédents impliquent l’amplification préalable d’une impul-sion pompe à haute énergie via d’autres moyens que l’effet Raman, on suggère de les adapterpour que l’impulsion pompe transfère son énergie au signal pendant qu’elle la reçoit. Pour lesdeux derniers schémas d’amplification Raman, il est proposé que les deux impulsions soientinjectées avec une énergie comparable dans un amplificateur dopé aux terres rares de façon àce que l’énergie gagnée par la pompe soit immédiatement transférée au signal par effet Raman.La dernière section du chapitre 4 présente donc des adaptations des schémas précédents oùl’amplification Raman du signal se déroule dans une fibre dopée à l’ytterbium. L’adaptationdu schéma d’amplification à partir d’une source unique permet d’obtenir des impulsions de2.2 µJ qui peuvent être comprimées à 85 fs alors que la simulation de l’amplification dansune fibre microstructurée dopée à l’ytterbium résulte en des impulsions de 121 fs ayant uneénergie de 3.1 mJ (124 W de puissance moyenne). Dans les deux cas, la durée des impulsionsobtenue est plus faible que lorsque l’amplification est séparée, ce qui peut s’expliquer par lefait que l’ytterbium complète le gain Raman pour l’amplification du signal à une longueurd’onde de 1.078 µm. On en déduit alors que la bande passante effective de la combinaison dugain de l’ytterbium avec le gain Raman est probablement plus large que celle du gain Ramanseul. Outre le fait que l’amplification Raman dans une fibre de gain améliore les résultats parrapport à l’amplification Raman seule, on estime qu’elle pourrait plus facilement être implé-mentée à partir des montages de génération d’impulsions millijoules existants. Les résultatsprésentés dans cette section seront l’objet d’un article qui devrait être soumis en 2016.

Lors de ce projet de recherche, d’autres approches d’amplification ont été étudiées pa-rallèlement à celles qui ont été présentées dans ce mémoire. Dans les amplificateurs Ramanutilisés en télécommunications optiques, plusieurs faisceaux pompes de fréquences différentessont parfois utilisés de manière à élargir et à aplatir la courbe de gain Raman [69]. Pourcette situation, la répartition initiale de la puissance entre les faisceaux pompes est choisiesoigneusement, en tenant compte du transfert de puissance entre ceux-ci lors de leur propa-gation, de manière à ce que la courbe de gain résultante soit plate sur la plus grande étenduede fréquences possible. Des simulations ont été effectuées durant ce projet dans l’intentionde reproduire cette astuce afin de vérifier si la bande passante élargie du gain autoriseraitl’amplification d’impulsions plus brèves. Il semblait cependant que le spectre des impulsionsobtenues de cette manière avait un profil de phase qui présentait des coupures entre les sectionsamplifiées par les différentes pompes. Après compression de l’impulsion, celle-ci se divisait enplusieurs impulsions rapprochées plutôt que d’en former une seule qui aurait une durée encoreplus brève. Cette approche a par conséquent été mise de côté et ne fait pas partie des schémasdécrits en détails dans ce mémoire.

Le gain Raman dépend aussi fortement de la polarisation et il est très faible entre deuxfaisceaux dont les champs électriques oscillent de façon orthogonale. On a tenté de vérifier si

93

cette propriété pouvait être exploitée en amplifiant une impulsion signal dont la polarisationest à mi-chemin entre celles de deux pompes de fréquences différentes et de polarisationsorthogonales. Dans cette situation, le signal recevrait du gain des deux pompes, mais cesdernières n’échangeraient pas d’énergie entre elles. On a néanmoins pu montrer que cetteapproche n’était pas fonctionnelle puisque le signal ne conservait pas sa polarisation, chaquepartie de son spectre adoptant plutôt celle de la pompe qui l’avait amplifiée.

D’autre part, on s’est aussi interrogé sur les avantages d’utiliser une pompe pulséepour l’amplification des impulsions signal par rapport à l’utilisation d’un faisceau pompecontinu et monochromatique. Tout d’abord, comme la rapidité du transfert d’énergie par effetRaman dépend de la puissance instantanée de la pompe, il serait nécessaire, dans le cas d’unepompe continue, de propager l’impulsion signal sur des distances beaucoup plus longues, ce quientraînerait un accroissement des effets dispersifs et non linéaires. Il serait aussi nécessaire depropager le faisceau pompe dans la direction inverse à celle de l’impulsion signal afin d’éviterqu’il ne se creuse un trou dans le premier qui voyagerait à la même vitesse que la seconde.Comme les fibres passives n’emmagasinent pas l’énergie fournie par le faisceau pompe, celle-ciserait absorbée uniquement pendant le passage d’une impulsion signal, ce qui entraînerait àchaque fois une diminution importante et rapide de la puissance pompe. Il est par conséquentraisonnable de croire que la tête de l’impulsion signal verrait un gain plus important que saqueue, ce qui résulterait en une saturation similaire à celle des amplificateurs dopés aux terresrares. J’ai donc l’intuition qu’une telle configuration ne pourrait pas profiter de l’élargissementde la bande passante effective induit par la saturation inhomogène du gain Raman, ce quiramènerait sa bande passante à celle de sa fonction de transfert.

Une approche actuellement employée pour obtenir des impulsions millijoules brèvesconsiste à diviser le faisceau en plusieurs branches de façon à paralléliser l’amplification dansplusieurs fibres optiques afin de réduire les effets indésirables causés par une intensité tropélevée dans la fibre de gain [58]. Les faisceaux sont ensuite remis en phase afin de produireun train d’impulsions plus énergétiques que ce qu’aurait pu supporter chaque amplificateur.Les résultats présentés dans ce mémoire sur l’amplification d’impulsions à haute énergie pareffet Raman semblent compatibles avec cette méthode. En contournant les difficultés liées àla saturation du gain dans les fibres dopées à l’ytterbium, l’utilisation de l’effet Raman per-mettrait d’atteindre des énergies plus élevées dans chaque amplificateur tout en conservantune largeur spectrale élevée. On a aussi montré dans ce mémoire que le déphasage acquispar le signal lors de l’amplification Raman était relativement simple à compenser malgré desvariations de l’énergie ou de la durée de l’impulsion pompe. Cela signifie que l’introductiondu gain Raman dans les chaîne d’amplification divisées ne devrait pas compliquer davantagela superposition en phase des impulsions provenant des différentes branches. L’introductiondu gain Raman dans les schémas d’amplification parallèle pourrait donc permettre de faciliterla tâche du International Coherent Amplifier Network (ICAN), dont l’objectif est de généra-

94

liser cette approche à plus de 1000 amplificateurs parallèles afin de produire des impulsionsfemtosecondes à des cadences de l’ordre du kilohertz et à des énergies dépassant la dizainede joules [70]. La recherche présentée dans ce mémoire est donc directement liée à la volontéde remplacer les systèmes générant des impulsions brèves très énergétiques à faible cadence(basés sur des oscillateurs à l’état solide) par des chaînes d’amplification fibrées plus efficaceset à plus haute cadence.

Les résultats présentés dans ce mémoire permettent de croire que la diffusion Ramanstimulée dans les fibres optiques est une option intéressante pour amplifier des impulsionsultrabrèves à des énergies allant jusqu’au millijoule. Un modèle théorique et des simulationsnumériques réalistes ont fourni des informations quantitatives sur l’énergie, la durée et la formedes impulsions qui seraient obtenues pour différentes situations d’amplification se rapprochantde montages existants. Ces simulations montrent de plus que son implémentation pourrait sefaire sans trop modifier les schémas d’amplification aux terres rares actuellement utilisés. Fina-lement, la diffusion Raman est compatible avec les méthodes existantes comme l’amplificationen parallèle et pourrait mener à une amélioration des performances de tels systèmes.

95

Annexe A

Algorithme et fonctionnement du codede simulation numérique

L’objectif principal du projet de recherche présenté dans ce mémoire est la prédictionthéorique de nouveaux schémas d’amplification d’impulsions brèves à haute énergie en utili-sant le gain causé par la diffusion Raman stimulée dans les verres de silice. Pour y arriver,un modèle analytique a été développé permettant le calcul des profils d’amplitude complexeAj(z, t) des impulsions pompe et signal après une amplification Raman sur une distance zdans un segment de fibre donné. Ce modèle est présenté au chapitre 3 et il a conduit à lapublication d’un article [24]. Afin de s’assurer qu’il soit adéquat pour les simulations d’ampli-fication Raman d’impulsions brèves étirées dans les fibres optiques, sa validité a été comparéeà un programme de simulation numérique que j’ai développé durant ma maîtrise et qui estbasé sur des approximations moins contraignantes. D’autre part, comme le modèle analytiquenécessite la conservation du nombre de photons, il n’est pas valide dans le cadre d’un transfertd’énergie par effet Raman lors d’une amplification des impulsions dans une fibre dopée auxterres rares, ce qui est le cas des situations décrites dans la section 4.3. La plus grande généra-lité du code de simulation numérique permet donc une flexibilité accrue des prédictions touten permettant de déterminer les critères de validation d’un modèle analytique. Dans cette an-nexe, l’algorithme au cœur du code de simulation numérique, soit la méthode de propagationFourier à pas alternés, sera d’abord décrite dans la section A.1. La section A.2 abordera ladiscrétisation des fonctions numériques ainsi que les transformées de Fourier rapides, puis l’im-plémentation numérique des différents phénomènes affectant les impulsions (automodulationde phase, dispersion, gain Raman, gain des terres rares) sera précisée dans la section A.3.

A.1 Algorithme de Fourier à pas alternés

L’algorithme de Fourier à pas alternés (split-step Fourier method en anglais) permet derésoudre de façon numérique des équations à dérivées partielles en utilisant la transformée de

97

Fourier pour remplacer une partie des opérateurs différentiels en simples facteurs multiplica-teurs. Il est connu que certaines équations différentielles peuvent être résolues plus facilementdans l’espace de Fourier en remplaçant chaque dérivée par une multiplication par la variablede fréquence appropriée et le nombre imaginaire i. La réponse obtenue en résolvant l’équationalgébrique dans l’espace fréquentiel peut ensuite être convertie par transformée de Fourier in-verse pour obtenir la solution de l’équation différentielle. Dans le cas d’une équation à dérivéestemporelles, la résolution par transformée de Fourier permet de remplacer les dérivées par unemultiplication par iω où ω est la fréquence angulaire (pour les définitions de transformées deFourier données par les équations (1.3) et (1.4), page 8). L’algorithme de Fourier à pas alternésest inspiré de cette méthode, mais s’applique plutôt lorsque l’équation à résoudre possède desdérivées partielles sur plus d’une variable, ce qui est le cas de l’équation de Schrödinger nonlinéaire décrivant la propagation d’impulsions laser dans les fibres optiques. Dans cette situa-tion, l’utilisation de la transformée de Fourier par rapport à une variable permet de modifierl’équation aux dérivées partielles en une équation différentielle ordinaire qui peut être résolueplus simplement.

Pour le cas plus précis de la propagation d’impulsions dans les fibres optiques, on désirecalculer le profil de leur amplitude complexe A(z, t) après qu’elles aient parcouru une distancez en résolvant l’équation de Schrödinger non linéaire généralisée (équation (1.5)). Dans lechapitre 1, cette équation est formulée de manière à ce que la dérivée partielle de A(z, t) parrapport à la distance z corresponde à la somme de plusieurs opérateurs représentant chacunun phénomène physique se produisant dans la fibre. Alors que certains de ces opérateurs sontdirectement reliés à des fonctions dans l’espace temporel (par exemple l’automodulation dephase qui est proportionnelle à la puissance instantanée), d’autres correspondent plutôt à desdérivées temporelles (dispersion) ou sont plus simples à calculer dans l’espace des fréquences(gain des terres rares). Si la résolution par force brute d’une telle équation est assez difficile, ellepeut être simplifiée en calculant de façon séparée les opérateurs agissant dans l’espace temporelde ceux dans l’espace fréquentiel. Il s’agit alors de diviser la distance de propagation z enéléments plus petits δz, ou pas, pour lesquels l’équation différentielle est résolue analytiquementen ne considérant d’un côté que les opérateurs agissant dans l’espace temporel et de l’autreceux agissant dans l’espace fréquentiel, d’où l’appellation à pas alternés. Le calcul successifdes opérateurs temporels et spectraux, séparé par des transformées de Fourier, permet dedéterminer l’évolution de l’amplitude complexe A(z, t) pour le pas δz ; cette procédure estensuite répétée en boucle pour chaque pas δz jusqu’à ce que la distance z soit atteinte.

On peut remarquer que les opérateurs agissant dans l’espace des fréquences décritsau chapitre 1 sont tous proportionnels à la transformée de Fourier de l’amplitude complexede l’impulsion, soit A(z, ω) (voir l’équation (1.15) pour la dispersion et (1.31) pour le gaindes terres rares). L’opérateur représentant l’effet Kerr est de son côté proportionnel au carréde l’amplitude complexe A(z, t) (voir l’équation (1.26)). On note que l’effet Raman – dont

98

l’opérateur est plus complexe – sera aussi résolu dans l’espace temporel, mais les spécificitésde son implémentation seront décrites dans la section A.3. Ces considérations permettent derésoudre facilement les équations différentielles pour chaque pas δz si les opérateurs temporelset fréquentiels sont résolus séparément, soit :

A(z′ + δz, t) = A(z′, t) exp (Φ(t)δz) , (A.1)

A(z′ + δz, ω) = A(z′, ω) exp(

Φ(ω)δz), (A.2)

où Φ(t) et Φ(ω) sont des coefficients de gain complexes dont les parties réelle (gain) et ima-ginaire (phase) décrivent les effets occasionnés par la totalité des opérateurs agissant danschaque espace. Ces coefficients sont définis par les relations suivantes :

∂A(z, t)

∂z≈ K[A(z, t)]︸ ︷︷ ︸

Effet Kerr

+R[A(z, t)]︸ ︷︷ ︸Effet Raman

= Φ(t)A(z, t), (A.3)

∂A(z, ω)

∂z≈ D[A(z, ω)]︸ ︷︷ ︸

Dispersion

+G[A(z, ω)]︸ ︷︷ ︸Gain

= Φ(ω)A(z, ω), (A.4)

et peuvent être obtenus d’après les équations décrivant chacun de ces opérateurs, décrites dansle chapitre 1 (chapitre 2 pour l’effet Raman). Ainsi, pour chaque pas δz, l’effet des opérateursagissant sur l’espace temporel est d’abord calculé en multipliant l’amplitude A(z′, t) de l’im-pulsion par l’exponentielle du coefficient de gain temporel Φ(t)δz, puis une transformée deFourier rapide permet de calculer A(z′, ω). On multiplie ensuite l’amplitude spectrale A(z′, ω)

par l’exponentielle du coefficient Φ(ω)δz puis, par transformée de Fourier inverse, on obtientl’amplitude A(z′ + δz, t). L’algorithme peut être résumé par l’équation suivante :

A(z′ + δz, t) = F−1[F[A(z′, t) eΦ(t)δz

]eΦ(ω)δz

], (A.5)

où F et F−1 sont respectivement les transformées de Fourier directe et inverse.

La précision de l’algorithme de Fourier à pas alternés est généralement du deuxièmeordre selon la taille de δz, mais peut être facilement augmentée à l’ordre 4 en symétrisantl’action des opérateurs temporels et fréquentiels [25]. Il s’agit alors d’appliquer l’opérateur fré-quentiel pour un pas δz/2, d’appliquer l’opérateur temporel pour le pas complet δz et termineravec une seconde application de l’opérateur fréquentiel pour δz/2. Si, à priori, l’implémenta-tion de l’algorithme symétrisé pourrait sembler plus lent, le temps de calcul supplémentaireest minime puisque la seconde application de l’opérateur fréquentiel peut être combinée avecla première du pas suivant. En pratique, l’algorithme symétrisé diffère de l’algorithme de baseuniquement par les premiers et derniers pas du calcul puisque le premier commence avec l’opé-rateur fréquentiel pour une distance δz/2 alors que le dernier termine avec ce même opérateur ;tous les autres opérateurs fréquentiels sont calculés une seule fois par pas pour une distancede δz.

99

A.2 Discrétisation et transformées de Fourier rapides

Pour simuler la propagation d’impulsions dans les fibres optiques, les profils d’amplitudetemporelle A(z, t) et spectrale A(z, ω) doivent être discrétisés en des tableaux numériques quicontiennent une approximation de leur valeur continue. Des opérations numériques sur cestableaux permettent de déterminer l’évolution des impulsions via l’algorithme présenté à lasection A.1 et d’obtenir des données mesurables comme leur spectre, leur énergie, leur durée,leur profil d’autocorrélation, etc. Puisque les profils d’amplitude A(z, t) et A(z, ω) sont reliéspar des transformées de Fourier, les tableaux qui les représentent doivent par conséquent êtrechoisis comme étant la transformée de Fourier discrète l’un de l’autre. Cette situation impliqueque les axes temporels t et fréquentiels ω ne peuvent être définis arbitrairement puisque qu’ilssont alors liés par certaines conditions qui dépendent de la nature des transformées de Fourierdiscrètes. On rappelle ici les définitions des transformées de Fourier discrètes directe TFD etinverse TFD−1 [71], soient :

TFD[X]k = Yk =

n−1∑m=0

Xm e−2πimk/n, (A.6)

TFD−1[Y ]m = Xm =

n−1∑k=0

Yk e2πimk/n, (A.7)

où k et m sont les indices des tableaux transformés X et Y alors que n est le nombre dedonnées dans chaque tableau. Dans la situation qui nous intéresse, les tableaux à transformersont les amplitudes A(z, t) et A(z, ω) ; on souhaite aussi relier les indices k et m à des tempst et fréquences angulaires ω. La variable temporelle t est donc choisie comme un tableau den éléments valant chacun tk = k δt et dont δt, représentant l’incrément entre deux éléments,est relié à l’intervalle temporel ∆t que couvre le tableau par la relation δt = ∆t/(n − 1).La conversion de l’exponentielle exp (±2πimk/n) des transformées de Fourier discrètes encelle exp (±iωmtk) de leur équivalent continu permet d’obtenir la définition du tableau desfréquences comme étant ωm = 2πm/nδt (pour m allant de 0 à n− 1). On peut alors résumerpar les relations suivantes l’incrément de fréquence δω et la taille ∆ω du domaine fréquentielcouvert par le tableau :

∆ω =

(n− 1

n

)2π

δtet δω =

(n− 1

n

)2π

∆t. (A.8)

Les relations (A.8) indiquent que la taille du domaine fréquentiel est inversement proportion-nelle à la grandeur de l’incrément temporel δt alors que la précision sur les fréquences étudiéesdépend de la durée de l’intervalle temporel ∆t. Pour la simulation de la propagation d’im-pulsions brèves dans les fibres optiques, il est souvent nécessaire d’étudier un grand intervalletemporel et un large domaine spectral, surtout si les impulsions sont étirées avec une dériveen fréquence. Il est alors parfois incontournable d’utiliser un grand nombre de points n danschaque tableau (jusqu’à 218 = 262 144 dans mes simulations).

100

La définition des transformées de Fourier discrètes (équations (A.6) et (A.7)) fait ensorte que le temps t = 0 et les fréquences nulles sont situées au premier élément de leurstableaux respectifs. De plus, les transformées de Fourier discrètes considèrent des domainespériodiques [71], ce qui signifie que les fréquences et temps négatifs sont situés dans la secondemoitié du tableau 1. Cependant, dans la plupart des langages de programmation scientifiques,une fonction existe permettant d’afficher le tableau en plaçant les temps nuls ou fréquencesnulles au centre (numpy.fft.fftshift dans Python).

La résolution numérique de la propagation d’impulsions dans les fibres optiques de-mande de diviser la distance de propagation en pas δz et de calculer deux transformées deFourier pour chaque pas ; on a donc intérêt à utiliser un algorithme assez rapide pour le calculde ces transformées de Fourier. Dans le code de simulation écrit pour ce projet de recherche, j’aichoisi de calculer les transformées de Fourier à l’aide du programme FFTW (pour Fastest Fou-rier Transform in the West) écrit par Matteo Frigo et Steven G. Johnson du MassachussettsInstitute of Technology [71]. L’avantage de FFTW dépend du fait qu’on peut lui demanderde chercher dans une banque d’algorithmes celui le plus rapide pour le type de transforméede Fourier à effectuer et spécifiquement pour le processeur de l’ordinateur sur lequel il estexécuté. Le programme garde ensuite en mémoire l’algorithme optimal, qui est ensuite utilisépour toutes les transformées similaires à effectuer ; il est aussi possible d’inscrire cette mémoiredans un fichier afin de profiter de la rapidité pour les utilisations ultérieures. Le programmeFFTW est écrit en C, mais peut être appelé par plusieurs langages de programmation dontPython (via le paquet pyfftw). De son côté, MATLAB utilise par défaut une version nonoptimisée de FFTW pour le calcul de toutes ses transformées de Fourier, mais il est possiblede l’optimiser en appelant la fonction fftw permettant de trouver l’algorithme optimal.

A.3 Implémentation des différents opérateurs dans le code desimulation numérique

Dans la section A.1, on a décrit comment la propagation d’impulsions dans des fibresoptiques peut être simulée numériquement en séparant les différents phénomènes physiquesen fonction de leur application dans l’espace temporel ou fréquentiel. Dans cette section,on résumera comment chaque phénomène est spécifiquement implémenté dans le code desimulation écrit pour ce projet. En premier lieu, la dispersion des fibres optiques est inscritedans le programme de simulation à travers la fonction β(ω), qu’on écrit comme une série deTaylor centrée autour de la fréquence à laquelle la dispersion a été mesurée. L’opérateur dedispersion, donné par l’équation (1.15), permet de déterminer le déphasage spectral Φ(ω) pourchaque impulsion en évaluant la fonction β(ω) pour son vecteur de fréquences ω. Il est possible

1. Pour simplifier l’interprétation des résultats, on considère dans les simulations ω = 0 comme étant lafréquence porteuse. Les fréquences positives ou négatives correspondent à une variation locale de la fréquencepar rapport à la porteuse.

101

de garder l’impulsion centrée dans sa fenêtre temporelle en fixant le terme de vitesse de groupeβ1 à zéro.

L’effet Kerr est aussi facilement implémenté en calculant à chaque pas δz la puissanceinstantanée de l’impulsion P (z, t) = |A(z, t)|2 et en utilisant l’équation (1.26) pour déterminerle déphasage temporel Φ(t). Si plusieurs impulsions sont propagées simultanément dans lemême segment de fibre, elles s’influencent mutuellement par modulation de phase croisée etle déphasage associé à cet effet pour une impulsion dépend alors de la somme des puissancesinstantanées de toutes les autres.

Le transfert d’énergie par effet Raman s’intègre plus difficilement dans l’algorithmede Fourier à pas alternés. En effet, l’opérateur Raman décrit par l’équation (2.13) contientla convolution entre la réponse impulsionnelle Raman hR(t) et soit la somme des puissancesinstantanées de chaque faisceau, soit le produit entre les amplitudes complexes Aj(z, t)A∗k(z, t).Dans le programme de simulation écrit pour ce projet, on utilise le théorème de convolutionqui stipule que :

(f ∗ g)(t) =

∫ ∞−∞

f(t− t′)g(t′) dt′ =

∫ ∞−∞

f(ω)g(ω) e−iωt dω, (A.9)

où f(ω) et g(ω) sont les transformées de Fourier des fonctions f(t) et g(t). Par conséquent,la première convolution dans l’opérateur Raman (équation (2.13)) peut être calculée commeétant la transformée de Fourier inverse du produit entre la fonction de transfert hR(ω) et latransformée de Fourier directe de la somme des puissances instantanées. La seconde convo-lution est calculée de façon similaire, mais l’exponentielle complexe modifie la fonction detransfert Raman qui devient hR(ω −∆ωR) où ∆ωR est le décalage entre les fréquences por-teuses des impulsions. L’équation (2.13) est ainsi modifiée pour faciliter son implémentationdans la simulation numérique :

R[Aj(z, t)] =iγjfRAj√

2πF−1[hR(ω)F

[|Aj |2 + |Ak|2

]]+ iγjfRAk

√2πF−1

[hR(ω −∆ωR)F [AjA

∗k]]. (A.10)

Finalement, le second terme de l’opérateur Raman s’appliquant sur le faisceau j est propor-tionnel à l’amplitude complexe du faisceau k, ce qui ne permet pas la résolution de l’équationdifférentielle comme une multiplication par une exponentielle. On peut cependant contournerce problème en multipliant le second terme de l’opérateur par la fonction Aj(z, t)/Aj(z, t)

valant 1, mais permettant d’introduire artificiellement une dépendance en Aj(z, t). Puisquele déphasage Φ(t) causé par ce terme contient alors une division par la fonction Aj(z, t), onadditionne à cette dernière une faible valeur ε afin d’éviter une division par 0. Il est importantà cet étape de n’ajouter ε que pour la division puisque s’il était ajouté de façon permanente,la somme des ε sur la propagation totale pourrait entraîner une amplification non physique dubruit de fond. La valeur de ε est choisie pour être très petite devant la puissance instantanéetypique de l’impulsion.

102

Enfin, le gain dans les fibres dopées à l’ytterbium est calculé d’après les populationsmoyennes des deux niveaux de la transition pour chaque pas δz de la propagation. Immédia-tement avant le calcul de l’opérateur gain par l’équation (1.31), les populations locales desniveaux N1 et N2 sont calculées comme indiqué dans l’annexe B. On calcule ensuite le gain oula perte d’énergie que subit chaque faisceau, en incluant la pompe continue. Si la cadence desimpulsions est assez faible pour que les populations retournent à l’équilibre pendant le tempsmort entre deux impulsions et que la durée de celles-ci est suffisamment longue, on doit alorsajouter une correction au gain dans l’espace temporel tel qu’indiqué dans l’annexe B. Cettecorrection permet de considérer l’amplification plus importante du front de l’impulsion sur saqueue en situation de saturation.

103

Annexe B

Amplification laser dans les fibresdopées à l’ytterbium

Dans la section 1.5 du chapitre 1, on a discuté de l’amplification de faisceaux laser dansles fibres dopées à l’ytterbium. Les détails du calcul des populations N1 et N2 permettant dedéduire la courbe de gain en fonction des faisceaux se propageant dans la fibre ont cependantété omis afin de simplifier la discussion et d’écourter le chapitre. Cette annexe commencerapar résumer dans la section B.1 comment les populations de chaque niveau d’énergie peuventêtre calculées dans la situation où un ou plusieurs faisceaux continus créent un équilibre forcéen pompant les dopants à travers leurs transitions atomiques. La situation où la fibre estutilisée pour l’amplification d’un train d’impulsions sera ensuite traitée à la section B.2, ce quipermettra de distinguer deux régimes d’amplification selon la cadence à laquelle les impulsionssont émises.

B.1 Population des dopants à l’équilibre

Dans les fibres amplificatrices, seul le cœur est généralement dopé par des ions deterres rares répartis également selon une densité volumique N qui peut être déduite d’aprèsles données d’absorption à faible signal d’un faisceau laser continu. Lorsque des faisceaux laserse propagent dans la fibre, les ions peuvent être excités vers des niveaux d’énergie supérieurset émettre par émission stimulée ou spontanée pour retourner vers l’état de plus faible énergie.Après un certain temps, il se crée un équilibre entre les transitions excitant les dopants et cellesles désexcitant, ce qui permet d’obtenir une proportion constante d’atomes dans chaque niveaud’énergie. On peut alors calculer les populations de chaque niveauNi(r) qui sont indépendantesdu temps, mais qui varient selon la position z dans la fibre, ainsi que la distance par rapportau centre de son cœur puisque l’intensité lumineuse du mode de guidage est plus élevée enson centre. Cependant, on considère dans cette annexe que l’amplification peut être modéliséeadéquatement en moyennant chaque population sur la section transverse de la fibre et en ne

105

conservant que la dépendance selon la distance z parcourue dans la fibre.

Comme discuté à la section 1.5, il est possible d’amplifier un signal laser malgré lastructure à deux niveaux de l’ytterbium puisque sa sous-structure permet à un faisceau pomped’exciter les dopants à une longueur d’onde plus faible que celle du faisceau amplifié. Celarésulte en une amplification similaire à un système à 3 ou 4 niveaux selon les longueurs d’ondede la pompe et du signal. En définissant Rij(z) comme étant le taux de transfert moyen entreles niveaux i et j au point z dans la fibre ainsi que τ comme le temps de vie du niveau 2 de latransition pour l’émission spontanée, on peut écrire les équations différentielles régissant lespopulations d’un système à deux niveaux comme l’ytterbium :

∂N1

∂t= −R12N1 +R21N2 +

N2

τ, (B.1)

∂N2

∂t= R12N1 −R21N2 −

N2

τ. (B.2)

Dans la situation où les faisceaux se propageant dans la fibre sont continus, les taux de transfertRij sont indépendants du temps, ce qui permet d’atteindre une situation d’équilibre forcéoù les populations Ni demeurent constantes. Il est alors possible de résoudre les équationsalgébriques obtenues en égalant les équations (B.1) et (B.2) à 0 pour obtenir les définitionspour les populations à l’équilibre :

N1(z) = N1 +R21(z)τ

1 +R12(z)τ +R21(z)τ, (B.3)

N2(z) = NR12(z)τ

1 +R12(z)τ +R21(z)τ, (B.4)

où on a considéré que la somme entre les populations N1 et N2 doit toujours être égale à ladensité volumique de dopants N .

Pour calculer les populations à l’équilibre N1 et N2, il est nécessaire de connaîtreles taux de transfert Rij entre les niveaux i et j occasionnés par la somme des faisceauxcirculant dans la fibre. Le taux de transfert entre deux niveaux causé par chaque faisceauest proportionnel à son intensité lumineuse et à la section efficace correspondante pour safréquence porteuse. Si seul le cœur de la fibre est dopé, il est possible de moyenner le taux detransfert sur la section transverse de la fibre en remplaçant l’intensité lumineuse du faisceaupar sa puissance moyenne divisée par la surface du cœur de la fibre. Comme la taille du modedu faisceau est généralement plus grande que celle du cœur, on doit tenir compte du facteurde confinement Γ du faisceau qui peut être calculé d’après les propriétés de la fibre et dufaisceau [72] ; il vaut généralement au-dessus de 0.75 pour les faisceaux monomodes. Les tauxde transfert peuvent alors être calculés selon la définition suivante :

Rij(z) =σij(ω0)P (z)Γ

πa2~ω0, (B.5)

où ω0 est la fréquence porteuse du faisceau et a le rayon du cœur de la fibre.

106

Dans la situation où le signal à amplifier est faible devant le faisceau pompe, seulle second contribue à l’inversion de population et le gain d’amplification est exponentiel enfonction de la distance parcourue. La situation est différente lorsque les taux de pompage desfaisceaux signal et pompe deviennent comparables puisque les populations N1 et N2 dépendentalors des puissances moyennes des deux faisceaux. Ce régime d’amplification est dit saturé etla diminution graduelle de l’inversion de population avec l’amplification sur une distance zentraîne généralement un gain linéaire avec la distance parcourue. De plus, comme indiquésur la figure 1.7(b) (chapitre 1, page 25), la courbe de gain change légèrement avec l’inversionde population N2/N et son maximum se déplace vers le rouge. Par conséquent, on peut aussis’attendre à ce que la fréquence porteuse d’un signal polychromatique puisse varier lors d’uneamplification en régime saturé. La situation plus spécifique de la saturation de l’ytterbiumlors de l’amplification d’un train d’impulsions sera discutée en détails dans la section B.2.

B.2 Amplification d’impulsions dans les fibres dopées

L’amplification d’impulsions laser brèves par une fibre dopée à l’ytterbium présenteplusieurs avantages. Tout d’abord, la courbe de gain des ions d’ytterbium est très large, cequi permet d’amplifier des faisceaux ayant un grand contenu spectral, pouvant correspondre àdes impulsions très courtes. D’autre part, puisque l’absorption est très élevée pour un faisceaupompe à 975 nm (voir figure 1.6(b)), il est facile de peupler le niveau supérieur des ionsd’ytterbium même si la puissance pompe est relativement faible. En contrepartie, l’ytterbiumémet aussi à cette longueur d’onde, ce qui limite la population normalisée du niveau supérieurN2 à 50 % ; malgré tout, le gain autour de 1030 nm reste élevé et prend la forme d’une courbeen cloche ayant une largeur à mi-hauteur de 58 nm (d’après les sections efficaces données parPaschotta et al. [34]). De façon générale, les impulsions brèves ayant une durée inférieure à lapicoseconde sont étirées préalablement à l’amplification, ce qui permet de réduire les effets nonlinéaires tels que l’automodulation de phase et l’auto-raidissement de sa cambrure ainsi qued’éviter le bris d’équipement. L’inversion de population dans l’ytterbium dépend d’ailleursdes transitions entre les différents sous-niveaux, qui permettent d’atteindre en moins d’unepicoseconde une situation d’équilibre où presque tous les atomes sont dans le sous-niveau deplus faible énergie de leur état [73]. Cependant, lorsque des impulsions plus courtes que lapicoseconde sont amplifiées sans être préalablement étirées, leur durée est du même ordre degrandeur que l’atteinte de l’équilibre, ce qui peut entraîner l’accumulation d’atomes dans unétat d’énergie particulier ; cette situation est donc à éviter.

La simulation de l’amplification d’impulsions brèves étirées est assez simple si on consi-dère que ces dernières ont une énergie trop faible pour influencer l’inversion de population dumilieu de gain. Dans cette situation, on calcule les populations de chaque niveau en ne consi-dérant que le laser pompe continu d’après les équations (B.3) et (B.4). Le gain est ensuitetraité comme ayant la dépendance fréquentielle de ses sections efficaces (équation (1.29)) et

107

peut être utilisé dans l’opérateur de gain aux terres rares selon l’équation (1.31).

Cependant, lorsque la puissance moyenne du train d’impulsions 1 devient comparableà celle de la pompe, les populations de l’ytterbium à un point z ne sont plus constantes dansle temps, mais dépendent plutôt de la puissance instantanée de chaque impulsion. Par consé-quent, la population normalisée N2(t)/N diminue lors du passage de l’impulsion, entraînantune amplification plus importante de son front par rapport à sa queue. Si l’impulsion est étiréeavec une dérive en fréquence, son front et sa queue ont des contenus spectraux différents, cequi entraîne une réduction de la bande passante effective du gain causée par sa saturationinstantanée. Dans une telle situation, il est aussi nécessaire de considérer comment la cadencedes impulsions influence les populations. Après chaque impulsion, les niveaux du milieu degain disposent d’une durée correspondant approximativement à l’inverse de la cadence desimpulsions pour retrouver leurs populations d’avant le passage de l’impulsion. Si la cadencedes impulsions est faible (∼ 1 kHz), les populations des niveaux atteignent après cette duréeles valeurs qu’elles auraient obtenues s’il n’y avait eu qu’une pompe continue sans signal. Lasituation est plus compliquée si la cadence est plus élevée puisque les populations atteignentune inversion différente de celle à l’équilibre après le temps mort entre deux impulsions. Danstous les cas, on atteint un régime permanent cyclique qui permet de trouver les valeurs despopulations peu importe l’énergie des impulsions et leur cadence.

La considération mathématique de la dépendance temporelle de la saturation de l’yt-terbium commence par introduire un taux de transfert Wij(z, t) dépendant du temps entre lesniveaux i et j de l’ytterbium, soit

Wij(z, t) =σij(ω(t))P (z, t)Γ

πa2~ω(t), (B.6)

où on considère un train d’impulsions brèves étirées temporellement avec une dérive en fré-quence permettant de définir la fréquence instantanée ω(t) d’après l’équation (1.7) (chapitre 1,page 10). Dans la situation où on étudie des impulsions plus longues pouvant être qualifiéesde quasi-monochromatiques, la section efficace σij(ω) et l’énergie de chaque photon ~ω sontévaluées à leur fréquence porteuse ω0. Puisque les populations du milieu de gain dépendent àprésent du temps via les taux de pompageWij(z, t), il n’est plus possible de résoudre les équa-tions différentielles (B.1) et (B.2) en les égalant simplement à zéro. Il est cependant possiblede contourner le problème en définissant les populations à l’équilibre N e

i , correspondant auxvaleurs qui seraient atteintes sans la présence du signal pulsé, et en y reliant les populationsdépendantes du temps selon les relations :

N1(z, t) = N e1 (z) + δN1(z, t), (B.7)

N2(z, t) = N e2 (z)− δN1(z, t). (B.8)

1. La puissance moyenne d’un train d’impulsions correspond à l’énergie de chaque impulsion multipliéepar sa cadence (nombre d’impulsions par seconde).

108

Les équations différentielles (B.1) et (B.2) pour N1 et N2 doivent être réécrites en remplaçantles taux de pompage Rij(z) par la somme Rij(z) +Wij(z, t) pour tenir compte des transfertsde populations occasionnés à la fois par les faisceaux continus et pulsés. En utilisant lesrelations (B.7) et (B.8), on peut établir une seule équation différentielle pour la variation depopulation δN1(z, t), soit :

∂(δN1)

∂t= −

(R12 +R21 +

1

τ−W12(t)−W21(t)

)δN1 + (W21(t)N e

2 −W12(t)N e1 ) . (B.9)

On note que l’équation différentielle (B.9) a pu être simplifiée en considérant qu’on peutégaler à zéro les équations différentielles pour les populations à l’équilibre N e

i . La résolutionde cette équation différentielle permet d’obtenir la correction temporelle aux populations àl’équilibre qu’il est nécessaire d’ajouter pour considérer l’amplification d’un train d’impulsionspar l’ytterbium en régime saturé :

δN1(z, t) = δN1(z, 0) e−Rt−∫ t0 W (t′) dt′ +

∫ t

0

(W21(t′)N e

2 −W12(t′)N e1

)e−R(t−t′)−

∫ tt′ W (t′′) dt′′ dt′,

(B.10)

où les variables R et W (t) sont respectivement définies comme R12 + R21 + 1/τ et W12(t) +

W21(t). On reconnait dans l’équation (B.10) les termes en exponentielles décroissantes quitendent à ramener les populations vers l’équilibre (en faisant tendre δN1(z, t) vers 0) ainsique le pompage instantané des différentes transitions par le faisceau pulsé. Il faut noter que lavariation de population initiale δN1(z, 0) a été introduite pour tenir compte du cas général oùles populations ne disposent pas du temps nécessaire pour revenir à leurs valeurs à l’équilibreN ei entre deux impulsions ; si la cadence des impulsions est suffisamment faible, on peut poser

δN1(z, 0) = 0.

Le calcul numérique de l’équation (B.10) permet d’obtenir les valeurs instantanéesdes populations N1(z, t) et N2(z, t), et par conséquent la dépendance temporelle du gain quesubit chaque impulsion du faisceau signal amplifié. En régime de saturation, l’inversion depopulation sera plus faible après le passage de l’impulsion, ce qui implique une amplificationplus importante de son front. Il y a cependant dans l’équation (B.10) le paramètre δN1(z, 0)

qui reste inconnu ; pour le trouver, on doit considérer le train d’impulsions en entier. On estimealors qu’après un certain temps d’opération, le milieu de gain entre en régime cyclique, ce quiimplique que la variation de population δN1(z, T ) après une période T est identique à savaleur initiale, soit δN1(z, 0). Pour faciliter le calcul de δN1(z, 0), il est raisonnable d’estimerque la durée des impulsions est beaucoup plus courte que la période T . Puisque les taux detransfert Wij(t) sont proportionnels à la puissance instantanée des impulsions, on peut poserqu’ils sont nuls en dehors de l’intervalle temporelle allant de t = 0 à t = ε pendant lequel lesimpulsions agissent sur le milieu de gain. Par conséquent, on considère que l’entièreté de lachute de populations due au passage des impulsions survient pour des temps entre 0 et ε, alorsque seul le faisceau pompe continu entraîne une repopulation des niveaux de l’ytterbium entre

109

ε et T . En régime permanent, ce processus se répète de façon cyclique avec la même période Tcorrespondant à l’inverse de la cadence des impulsions. La variation de population δN1(z, T )

s’exprime donc ainsi :

δN1(z, T ) = δN1(z, 0) e−RT−∫ T0 W (t′) dt′

+ e−R(T−ε)∫ ε

0

(W21(t′)N e

2 −W12(t′)N e1

)e−R(ε−t′)−

∫ εt′ W (t′′) dt′′ dt′︸ ︷︷ ︸

∆N1

, (B.11)

où on identifie l’intégrale déterminant la chute de populations comme étant ∆N1, qui corres-pond à la différence de populations entre les instants immédiatement avant et après le passaged’une impulsion. Dans le code de simulation, ∆N1 est calculé numériquement, ce qui permet,en posant δN1(z, 0) = δN1(0, T ), d’obtenir la variation de population δN1(z, 0) au début dechaque cycle du régime permanent :

δN1(z, 0) =∆N1 e−RT

1− e−RT−∫ T0 W (t′) dt′

. (B.12)

Pour obtenir l’équation (B.12), on a approximé T − ε ≈ T .

Dans les équations (B.10), (B.11) et (B.12), on retrouve plusieurs fois l’intégrale destaux de transfert Wij(z, t) occasionnés par le passage de l’impulsion. Lorsque cette intégraleest effectuée sur une période complète du train d’impulsions, soit de 0 à T , une astuce permetde la résoudre plus facilement s’il s’agit d’impulsions étirées avec une dérive en fréquence.Pour ces impulsions, leur puissance instantanée et leur spectre prennent sensiblement la mêmeforme et peuvent être reliés par la relation P (t) = S(ω(t)) dω/dt. En remplaçant la puissanceinstantanée par le spectre dans l’équation du taux de transfert (B.6), on trouve qu’elle nedépend alors que de la fréquence instantanée ω(t). Ce changement de variable permet alorsde définir un taux de transfert moyen pour le train d’impulsions qui dépend directement de larelation entre son spectre et la section efficace du milieu de gain, soit :

〈Wij〉 (z) =1

T

∫ ∞−∞

σij(ω)S(z, ω)Γ

πa2~ωdω, (B.13)

où T est la période du train d’impulsions. L’équation (B.12) se réécrit donc :

δN1(z, 0) =∆N1 e−RT

1− e−(R+〈W 〉)T . (B.14)

Par conséquent, pour simuler adéquatement l’amplification laser d’impulsions dans unmilieu de gain comme l’ytterbium, il faut d’abord calculer les populations N e

i en présencede la pompe continue, mais sans le signal pulsé, selon les équations (B.3) et (B.4). Ensuite,le calcul numérique de la variation de population ∆N1 et des taux de transfert moyens dutrain d’impulsions (équation (B.13)) permet d’obtenir la variation des populations δN1(z, 0)

(par rapport à l’équilibre) immédiatement avant le passage d’une nouvelle impulsion dans le

110

milieu de gain à l’aide de l’équation (B.14). Maintenant que δN1(z, 0) est connu, on résoutnumériquement l’équation (B.10) qui permet de connaître précisément la forme de la variationdes populations δN1(z, t) durant le passage de l’impulsion. Puisque les populations du milieu degain varient alors temporellement, l’opérateur de gain donné par l’équation (1.31) (chapitre 1,page 24) doit être remplacé pour tenir compte du passage de l’impulsion. Il est cependantpossible d’isoler les parties dépendantes du temps dans le coefficient de gain, soit :

g(z, ω, t) = [N e2 (z)σ21(ω)−N e

1 (z)σ12(ω)]︸ ︷︷ ︸Gain à l’équilibre ge(z, ω)

− δN1(z, t) [σ12(ω(t)) + σ21(ω(t))]︸ ︷︷ ︸Variation δg(z, t)

. (B.15)

Le gain de l’ytterbium peut donc être décomposé en deux opérateurs. Le premier est identiqueau gain occasionné par l’inversion de population à l’équilibre et s’applique plus facilementdans l’espace des fréquences alors que le second, qui représente la variation temporelle dugain avec le passage de chaque impulsion, se calcule dans l’espace temporel. Puisque le profiltemporel des faisceaux continus impliqués dans l’amplification des impulsions n’est pas prisen considération par le simulateur, on calcule le coefficient de gain qui leur est associé à l’aidedes populations des niveaux moyennées sur une période T entre deux impulsions successives.Puisqu’on considère que ε � T , on peut obtenir les populations moyennes en négligeant lacontribution survenant entre 0 et ε. Pour des temps t > ε, l’intégrale

∫ t0 W (t′) dt′ prend la

même valeur que si elle était calculée de 0 à T , ce qui permet d’utiliser la valeur moyenne〈W 〉. On écrit alors :

〈δN1〉 (z) =1

T

∫ T

0

(δN1(z, 0) e−〈W 〉T + ∆N1

)e−Rt dt

=1− e−RT

RT

(δN1(z, 0) e−〈W 〉T + ∆N1

), (B.16)

En remplaçant δN1(z, 0) par sa définition donnée par l’équation (B.14), on obtient

〈δN1〉 (z) =∆N1

RT

1− e−RT

1− e−(R+〈W 〉)T . (B.17)

Durant la discussion qui précède le développement mathématique du gain de l’ytter-bium pour un train d’impulsions, on a mentionné deux régimes d’amplification selon la cadenceà laquelle les impulsions sont émises. Mathématiquement, une cadence faible se traduit par(R + 〈W 〉)T → ∞ et RT → ∞, ce qui implique d’après l’équation (B.14) que δN1(z, 0) = 0.Cela signifie que les populations disposent du temps nécessaire pour retrouver l’équilibre entrechaque impulsion. Si l’énergie de chaque impulsion est élevée, les populations peuvent êtretrès différentes lors de l’amplification de la queue de l’impulsion par rapport à son front, cequi peut occasionner un filtrage spectral important. C’est cependant avec une cadence faibleque l’énergie par impulsion peut être maximisée à la sortie de l’amplificateur. De son côté, unecadence élevée signifie que (R+〈W 〉)T → 0 et RT → 0, et donc que les populations ne peuventretrouver leur valeur à l’équilibre pendant le temps mort entre deux impulsions. Le milieu de

111

gain se vide alors plus rapidement de son énergie, ce qui permet de maximiser la puissancemoyenne du train d’impulsions à la sortie de l’amplificateur. Les équations (B.14) et (B.17)permettent de déterminer que, dans cette situation, δN1(z, 0) = 〈δN1〉 (z) = ∆N1/(R+〈W 〉)T ,ce qui signifie que les populations des niveaux d’énergie deviennent indépendantes du tempst. Les valeurs de N1(z) et N2(z) peuvent alors être obtenues à l’aide de celle de ∆N1, définiedans l’équation (B.11). Puisque l’intégrale

∫ εt′ W (t′′) dt′′, présente dans la définition de ∆N1,

doit nécessairement être plus faible que 〈W 〉T (qui correspond à l’intégration sur une périodecomplète et qui tend vers 0), on peut montrer que les populations des niveaux valent alors :

N1(z) = N e1 (z) + δN1(z, 0) = N

1 +R21τ + 〈W21〉 τ1 +R12τ + 〈W12〉 τ +R21τ + 〈W21〉 τ

, (B.18)

N2(z) = N e2 (z)− δN1(z, 0) = N

R12τ + 〈W12〉 τ1 +R12τ + 〈W12〉 τ +R21τ + 〈W21〉 τ

. (B.19)

Les définitions des populations N1 et N2 lors de l’amplification d’impulsions émises à fortecadence sont très similaires à celles données par les équations (B.3) et (B.4) en présence uni-quement de faisceaux continus. Cela s’explique par le fait que les impulsions se succèdent sirapidement que le milieu de gain ne dispose pas du temps nécessaire pour équilibrer ses po-pulations. Les dopants réagissent donc comme s’il s’agissait de l’amplification d’un faisceaucontinu et leurs populations se stabilisent à des valeurs dépendant de la puissance moyennedu train d’impulsions à la place de leur puissance instantanée. Par conséquent, il est possibled’utiliser les équations (B.18) et (B.19) pour calculer les populations Ni(z) lors de l’amplifica-tion d’impulsions émises à haute cadence. En utilisant ensuite ces populations pour le calculdu gain selon l’équation (1.31), le résultat est identique au calcul complet et la simulations’effectue beaucoup plus rapidement puisqu’il n’est alors pas nécessaire de calculer δN1(z, t).

112

Annexe C

Approximation de la dérive enfréquence constante durantl’amplification Raman

Lors de la présentation à la section 3.2 du modèle analytique décrivant l’amplificationRaman d’impulsions laser dans les fibres optiques, on a fait l’approximation que la dériveen fréquence des impulsions restait relativement constante durant leur propagation. Cetteapproximation permettait d’établir un coefficient de gain Raman gR(t) indépendant de la po-sition z dans la fibre amplificatrice afin d’énoncer des équations différentielles pouvant êtrerésolues analytiquement (équations (3.4), (3.5), (3.6) et (3.7)). Or, puisque les impulsionspompe et signal acquièrent un déphasage lors de leur propagation, leur dérive en fréquencechange légèrement et le gain Raman gR(t) n’est pas rigoureusement indépendant de z. Onmontre néanmoins dans cette annexe que si les impulsions sont étirées à des durées suffisam-ment élevées, la dépendance du coefficient de gain envers la position z dans la fibre peut êtrenégligée. Cette annexe est basée sur la démonstration présentée dans mon article de 2015 [24].

Pour démontrer la véracité de cette approximation, on écrit la fréquence instantanéeωj(z, t) de l’impulsion j en fonction du déphasage ∆φj(z, t) qu’elle acquiert au cours de sapropagation, soit :

ωj(z, t) = ωj(0, t)−∂

∂t∆φj(z, t), (C.1)

où ωj(0, t) est la fréquence instantanée initiale de l’impulsion, qu’on choisit comme caractériséepar une importante dérive en fréquence linéaire. Il est possible d’utiliser cette définition dela fréquence instantanée pour écrire le coefficient de gain Raman gR(z, t) à la position z enfonction du coefficient pour les impulsions initiales à z = 0. En définissant ε(z, t) comme étantla différence des dérives en fréquences acquises par le signal et la pompe durant la propagation,

113

c’est-à-dire ε(z, t) = −∂/∂t[∆φs(z, t)−∆φp(z, t)], le coefficient de gain s’écrit

gR(z, t) = ifR√

2πhR (ωs(0, t)− ωp(0, t) + ε(z, t)) ,

≈ gR(0, t) +∂hR∂ω

ε(z, t). (C.2)

L’approximation des dérives en fréquence constantes, nécessaire pour énoncer les équationsdifférentielles de la section 3.2, est démontrée si on peut prouver que le second terme de droitede l’équation (C.2) est faible devant le coefficient de gain gR(0, t). Lors de la propagation desfaisceaux, la variation de phase ∆φj(z, t) provient principalement de trois phénomènes, soientl’effet Raman, l’automodulation de phase (SPM) et la modulation de phase croisée (XPM).Alors que l’automodulation de phase est la contribution la plus importante au déphasage del’impulsion pompe, la modulation de phase croisée est celle qui domine le déphasage du signal.De plus, ces contributions sont équivalentes à un facteur 2 près puisqu’elles dépendent toutesdeux du profil de puissance instantanée de la pompe. On peut par conséquent utiliser cesconsidérations pour estimer la taille de la fonction ε(z, t), soit

ε(z, t) ≈ − ∂

∂t

(∆φXPMs (z, t)−∆φSPMp (z, t)

),

≈ − ∂

∂t

(∆φSPMp (z, t)

), (C.3)

puisque ∆φXPMs (z, t) = 2∆φSPMp (z, t). On peut donc trouver que pour une impulsion pompede forme gaussienne dont la durée ∆tp est définie comme le double son écart type, la valeurmaximale de ε(z, t) serait

ε(z, tmax) = ± 2z

∆tpLK

√1

e, (C.4)

où LK est la longueur caractéristique de l’effet Kerr définie par l’équation (1.28) (page 17) alorsque e est la constante d’Euler définissant la fonction exponentielle habituelle. L’équation (C.4)permet d’établir que pour une impulsion pompe étirée à plus de 10 ps, la correction aux dérivesen fréquence ε(z, t) serait de moins de 100 GHz. Cette correction serait par conséquent trèsfaible devant les dérives en fréquence de plusieurs terahertz des impulsions signal et pompe.De plus, comme la dérivée ∂hR/∂ω est de l’ordre de 10−14 s, la correction au coefficient de gainRaman causée par les déphasages acquis durant la propagation seraient environ mille fois plusfaible que ledit coefficient. Par conséquent, il est possible de conclure que pour des impulsionsétirées à plus de 10 ps, les déphasages acquis durant leur propagation sont suffisammentfaibles devant leur dérive en fréquence initiale pour pouvoir considérer un coefficient de gaingR(t) indépendant de la distance de propagation z. Néanmoins, ces déphasages ne peuventêtre négligés totalement puisqu’ils influencent directement la largeur spectrale des impulsionsamplifiées et déterminent à quel point elles peuvent être comprimées à l’aide de composantesdispersives après leur amplification.

114

Bibliographie

[1] T. H. Maiman, Stimulated optical radiation in ruby. Nature, 187 (4736), 493–494, 1960,http://dx.doi.org/10.1038/187493a0.

[2] D. S. J. Choy, History of lasers in medicine. Thoracic and Cardiovascular Surgeon, 36 (S2), 114–117, 1988, http://dx.doi.org/10.1055/s-2007-1022985.

[3] G. Nath, W. Gorisch, A. Kreitmair et P. Kiefhaber, Transmission of a power-ful argon laser beam through a fiberoptic flexible gastroscope for operative gastroscopy.Endoscopy, 5 (04), 213–215, 1973, http://dx.doi.org/10.1055/s-0028-1098244.

[4] K. C. Kao et G. A. Hockham, Dielectric-fibre surface waveguides for optical frequencies.Proceedings of the Institution of Electrical Engineers, 113 (7), 1151–1158, 1966, http://dx.doi.org/10.1049/piee.1966.0189.

[5] J. Limpert, F. Roser, S. Klingebiel, T. Schreiber, C. Wirth, T. Peschel,R. Eberhardt et A. Tunnermann, The rising power of fiber lasers and ampli-fiers. IEEE Journal of Selected Topics in Quantum Electronics, 13 (3), 537–545, 2007,http://dx.doi.org/10.1109/JSTQE.2007.897182.

[6] J. Hecht, Photonic frontiers : Applications of ultrafast lasers. 2008,www.laserfocusworld.com/articles/2008/10/photonic-frontiers-applications-

of-ultrafast-lasers-ultrashort-pulses-write-sharp-tiny-features-and-

perform-microsurgery.html. Consulté le 14 avril 2016.

[7] R. Kashyap et K. Blow, Observation of catastrophic self-propelled self-focusing in op-tical fibres. Electronics Letters, 24 (1), 47–49, 1988, http://dx.doi.org/10.1049/el:19880032.

[8] A. H. Compton, The spectrum of scattered x-rays. Physical Review, 22, 409–413, 1923,http://dx.doi.org/10.1103/PhysRev.22.409.

[9] C. V. Raman et K. S. Krishnan, A new type of secondary radiation. Nature, 121,501–502, 1928, http://dx.doi.org/10.1038/121501c0.

115

[10] C. V. Raman, A change of wave-length in light scattering. Nature, 121, 619, 1928, http://dx.doi.org/10.1038/121619b0.

[11] E. J. Woodbury et W. K. Ng, Ruby laser operation in near IR. Proceedings of theInstitute of Radio Engineers, 50 (11), 2367, 1962.

[12] R. H. Stolen, E. P. Ippen et A. R. Tynes, Raman oscillation in glass optical waveguide.Applied Physics Letters, 20 (2), 62–64, 1972, http://dx.doi.org/10.1063/1.1654046.

[13] R. H. Stolen et E. P. Ippen, Raman gain in glass optical waveguides. Applied PhysicsLetters, 22 (6), 276–278, 1973, http://dx.doi.org/10.1063/1.1654637.

[14] M. Islam, Raman amplifiers for telecommunications. IEEE Journal of Selected Topics inQuantum Electronics, 8 (3), 548–559, 2002, http://dx.doi.org/10.1109/JSTQE.2002.1016358.

[15] C. Finot, G.Millot, C. Billet et J. M.Dudley, Experimental generation of parabolicpulses via Raman amplification in optical fiber. Optics Express, 11 (13), 1547–1552, 2003,http://dx.doi.org/10.1364/OE.11.001547.

[16] C. Finot, G. Millot, S. Pitois, C. Billet et J. M. Dudley, Numerical and experi-mental study of parabolic pulses generated via Raman amplification in standard opticalfibers. IEEE Journal of Selected Topics in Quantum Electronics, 10 (5), 1211–1218, 2004,http://dx.doi.org/10.1109/JSTQE.2004.837214(410).

[17] S. Zhou, T. Takamido, S. Imai et F.Wise, Exploitation of stimulated Raman scatteringin short-pulse fiber amplifiers. Optics Letters, 35 (14), 2397–2399, 2010, http://dx.doi.org/10.1364/OL.35.002397.

[18] S. Lefrançois et F. Wise, Stimulated Raman scattering in chirped-pulse amplification :the role of vibrational dephasing. Dans CLEO : 2011 - Laser Applications to PhotonicApplications, page CThU2, Optical Society of America, 2011, http://dx.doi.org/10.1364/CLEO_SI.2011.CThU2.

[19] F. B. Grigsby, P. Dong et M. C. Downer, Chirped-pulse Raman amplification fortwo-color, high-intensity laser experiments. Journal of the Optical Society of America B :Optical Physics, 25 (3), 346–350, 2008, http://dx.doi.org/10.1364/JOSAB.25.000346.

[20] A.Gouveia-Neto, A. S. L.Gomes, J. R. Taylor et K. J. Blow, Soliton reconstructionthrough synchronous amplification. Journal of the Optical Society of America B : OpticalPhysics, 5 (4), 799–803, 1988, http://dx.doi.org/10.1364/JOSAB.5.000799.

[21] A. Gouveia-Neto, P. Wigley et J. Taylor, Soliton generation through Raman ampli-fication of pulses with sub fundamental soliton powers. Optics Communications, 72 (1),119–122, 1989, http://dx.doi.org/10.1016/0030-4018(89)90267-8.

116

[22] T. Horiguchi, T. Sato et Y. Koyamada, Stimulated Raman amplification of 1.6-µm-band pulsed light in optical fibers. IEEE Photonics Technology Letters, 4 (1), 64–66, 1992,http://dx.doi.org/10.1109/68.124878.

[23] D. Strickland et G. Mourou, Compression of amplified chirped optical pulses. OpticsCommunications, 55 (6), 447–449, 1985, http://dx.doi.org/10.1016/0030-4018(85)90151-8.

[24] M. Hardy, M. Olivier et M. Piché, Analytical model for synchronous Raman ampli-fication of high-energy ultrashort pulses in optical fibers. Journal of the Optical Societyof America B : Optical Physics, 32 (8), 1593–1603, 2015, http://dx.doi.org/10.1364/JOSAB.32.001593.

[25] G. P. Agrawal, Nonlinear Fiber Optics. Academic Press, 5e édition, 2013.

[26] C. Headley III et G. P. Agrawal, Unified description of ultrafast stimulated Ramanscattering in optical fibers. Journal of the Optical Society of America B : Optical Physics,13 (10), 2170–2177, 1996, http://dx.doi.org/10.1364/JOSAB.13.002170.

[27] D. Hollenbeck et C. D. Cantrell, Multiple-vibrational-mode model for fiber-opticRaman gain spectrum and response function. Journal of the Optical Society of AmericaB : Optical Physics, 19 (12), 2886–2892, 2002, http://dx.doi.org/10.1364/JOSAB.19.002886.

[28] D. Milam et M. J. Weber, Measurement of nonlinear refractive-index coefficients usingtime-resolved interferometry : Application to optical materials for high-power neodymiumlasers. Journal of Applied Physics, 47 (6), 2497–2501, 1976, http://dx.doi.org/http://dx.doi.org/10.1063/1.322965.

[29] R. L. Fork, C. H. B. Cruz, P. C. Becker et C. V. Shank, Compression of opticalpulses to six femtoseconds by using cubic phase compensation. Optics Letters, 12 (7),483–485, 1987, http://dx.doi.org/10.1364/OL.12.000483.

[30] W. H. Knox, M. C. Downer, R. L. Fork et C. V. Shank, Amplified femtosecondoptical pulses and continuum generation at 5-kHz repetition rate. Optics Letters, 9 (12),552–554, 1984, http://dx.doi.org/10.1364/OL.9.000552.

[31] S. Bohman, A. Suda, T. Kanai, S. Yamaguchi et K. Midorikawa, Generation of 5.0fs, 5.0 mJ pulses at 1 kHz using hollow-fiber pulse compression. Optics Letters, 35 (11),1887–1889, 2010, http://dx.doi.org/10.1364/OL.35.001887.

[32] M. Nisoli, S. De Silvestri et O. Svelto, Generation of high energy 10 fs pulses bya new pulse compression technique. Applied Physics Letters, 68 (20), 2793–2795, 1996,http://dx.doi.org/10.1063/1.116609.

117

[33] B. Schenkel, J. Biegert, U. Keller, C. Vozzi, M. Nisoli, G. Sansone, S. Stagira,S. D. Silvestri et O. Svelto, Generation of 3.8-fs pulses from adaptive compressionof a cascaded hollow fiber supercontinuum. Optics Letters, 28 (20), 1987–1989, 2003,http://dx.doi.org/10.1364/OL.28.001987.

[34] R. Paschotta, J. Nilsson, A. Tropper et D. Hanna, Ytterbium-doped fiber ampli-fiers. IEEE Journal of Quantum Electronics, 33 (7), 1049–1056, 1997, http://dx.doi.org/10.1109/3.594865.

[35] H. Pask, R. Carman, D. Hanna, A. Tropper, C. Mackechnie, P. Barber etJ. Dawes, Ytterbium-doped silica fiber lasers : versatile sources for the 1-1.2 µm re-gion. IEEE Journal of Selected Topics in Quantum Electronics, 1 (1), 2–13, 1995,http://dx.doi.org/10.1109/2944.468377.

[36] A. E. Siegman, Lasers. University Science Books, 1986.

[37] F. M. Mitschke et L. F. Mollenauer, Discovery of the soliton self-frequency shift.Optics Letters, 11 (10), 659–661, 1986, http://dx.doi.org/10.1364/OL.11.000659.

[38] R. W. Boyd, Nonlinear optics. Academic press, 3e édition, 2008.

[39] K. Blow et D. Wood, Theoretical description of transient stimulated Raman scatteringin optical fibers. IEEE Journal of Quantum Electronics, 25 (12), 2665–2673, 1989, http://dx.doi.org/10.1109/3.40655.

[40] G. E. Walrafen et P. N. Krishnan, Model analysis of the Raman spectrum from fusedsilica optical fibers. Applied Optics, 21 (3), 359–360, 1982, http://dx.doi.org/10.1364/AO.21.000359.

[41] R. H. Stolen, J. P. Gordon, W. J. Tomlinson et H. A. Haus, Raman responsefunction of silica-core fibers. Journal of the Optical Society of America B : Optical Physics,6 (6), 1159–1166, 1989, http://dx.doi.org/10.1364/JOSAB.6.001159.

[42] D. J. Dougherty, F. X. Kärtner, H. A. Haus et E. P. Ippen, Measurement of theRaman gain spectrum of optical fibers. Optics Letters, 20 (1), 31–33, 1995, http://dx.doi.org/10.1364/OL.20.000031.

[43] S. G. Jonhson, Faddeva package. ab-initio.mit.edu/wiki/index.php/Faddeeva_

Package. Consulté le 8 décembre 2015.

[44] E. M. Dianov, B. Y. Zel’dovich, A. Y. Karasik et A. N. Pilipetskiı, Feasibility ofsuppression of steady-state and transient stimulated brillouin scattering. Soviet Journalof Quantum Electronics, 19 (8), 1051, 1989, http://stacks.iop.org/0049-1748/19/i=8/a=L22.

118

[45] J. P.Gordon, Theory of the soliton self-frequency shift. Optics Letters, 11 (10), 662–664,1986, http://dx.doi.org/10.1364/OL.11.000662.

[46] A. Atieh, P. Myslinski, J. Chrostowski et P. Galko, Measuring the Raman timeconstant (tr) for soliton pulses in standard single-mode fiber. Journal of Lightwave Tech-nology, 17 (2), 216–221, 1999, http://dx.doi.org/10.1109/50.744227.

[47] N. Zhavoronkov, F. Noack, V. Petrov, V. P. Kalosha et J. Herrmann, Chirped-pulse stimulated Raman scattering in barium nitrate with subsequent recompression.Optics Letters, 26 (1), 47–49, 2001, http://dx.doi.org/10.1364/OL.26.000047.

[48] J. AuYeung et A. Yariv, Spontaneous and stimulated Raman scattering in long lowloss fibers. IEEE Journal of Quantum Electronics, 14 (5), 347–352, 1978, http://dx.doi.org/10.1109/JQE.1978.1069797.

[49] L. Jian-Hua, L. Yu-Lin et J. Jia-Lin, On combined self-phase modulation and stimula-ted Raman scattering in optical fibres. Optical and Quantum Electronics, 17 (3), 187–193,1985, http://dx.doi.org/10.1007/BF00620361.

[50] J. Herrmann et J. Mondry, Stimulated Raman scattering and self-phase modulationof ultrashort light pulses in optical fibres. Journal of Modern Optics, 35 (12), 1919–1932,1988, http://dx.doi.org/10.1080/713822320.

[51] D. Christodoulides et R. Joseph, Theory of stimulated Raman scattering in opticalfibers in the pulse walkoff regime. IEEE Journal of Quantum Electronics, 25 (3), 273–279,1989, http://dx.doi.org/10.1109/3.18540.

[52] A. M. Weiner, D. E. Leaird, J. S. Patel et J. R. Wullert, Programmable shapingof femtosecond optical pulses by use of 128-element liquid crystal phase modulator. IEEEJournal of Quantum Electronics, 28 (4), 908–920, 1992, http://dx.doi.org/10.1109/3.135209.

[53] P. Tournois, Acousto-optic programmable dispersive filter for adaptive compensation ofgroup delay time dispersion in laser systems. Optics Communications, 140 (4–6), 245–249,1997, http://dx.doi.org/10.1016/S0030-4018(97)00153-3.

[54] A. M. Weiner, Femtosecond pulse shaping using spatial light modulators. Reviewof Scientific Instruments, 71 (5), 1929–1960, 2000, http://dx.doi.org/10.1063/1.

1150614.

[55] F. Röser, T. Eidam, J. Rothhardt, O. Schmidt, D. N. Schimpf, J. Limpert etA. Tünnermann, Millijoule pulse energy high repetition rate femtosecond fiber chirped-pulse amplification system. Optics Letters, 32 (24), 3495–3497, 2007, http://dx.doi.org/10.1364/OL.32.003495.

119

[56] A. Tünnermann, T. Schreiber et J. Limpert, Fiber lasers and amplifiers : an ultrafastperformance evolution. Applied Optics, 49 (25), F71–F78, 2010, http://dx.doi.org/10.1364/AO.49.000F71.

[57] T. Eidam, J. Rothhardt, F. Stutzki, F. Jansen, S. Hädrich, H. Carstens, C. Jau-regui, J. Limpert et A. Tünnermann, Fiber chirped-pulse amplification system emit-ting 3.8 GW peak power. Optics Express, 19 (1), 255–260, 2011, http://dx.doi.org/10.1364/OE.19.000255.

[58] T. Eidam, M. Kienel, A. Klenke, J. Limpert et A. Tünnermann, Divided-pulseamplification for terawatt-class fiber lasers. The European Physical Journal Special Topics,224 (13), 2567–2571, 2015, http://dx.doi.org/10.1140/epjst/e2015-02566-8.

[59] S. Hädrich, A. Klenke, A. Hoffmann, T. Eidam, T. Gottschall, J. Rothhardt,J. Limpert et A. Tünnermann, Nonlinear compression to sub-30-fs, 0.5 mJ pulses at135 W of average power. Optics Letters, 38 (19), 3866–3869, 2013, http://dx.doi.org/10.1364/OL.38.003866.

[60] F.Guichard, Y. Zaouter, M.Hanna, K.-L.Mai, F.Morin, C.Hönninger, E.Mot-

tay et P. Georges, High-energy chirped- and divided-pulse Sagnac femtosecond fi-ber amplifier. Optics Letters, 40 (1), 89–92, 2015, http://dx.doi.org/10.1364/OL.40.000089.

[61] A. Klenke, S. Hädrich, T. Eidam, J. Rothhardt, M. Kienel, S. Demmler,T. Gottschall, J. Limpert et A. Tünnermann, 22 GW peak-power fiber chirped-pulse-amplification system. Optics Letters, 39 (24), 6875–6878, 2014, http://dx.doi.org/10.1364/OL.39.006875.

[62] M. Baumgartl, C. Lecaplain, A. Hideur, J. Limpert et A. Tünnermann, 66 Waverage power from a microjoule-class sub-100 fs fiber oscillator. Optics Letters, 37 (10),1640–1642, 2012, http://dx.doi.org/10.1364/OL.37.001640.

[63] H. Kalaycioglu, B. Oktem, Ç. Şenel, P. P. Paltani et F. Ö. Ilday, Microjoule-energy, 1 MHz repetition rate pulses from all-fiber-integrated nonlinear chirped-pulseamplifier. Optics Letters, 35 (7), 959–961, 2010.

[64] L. Daniault, M. Hanna, D. N. Papadopoulos, Y. Zaouter, E. Mottay, F. Druon

et P. Georges, High peak-power stretcher-free femtosecond fiber amplifier using passivespatio-temporal coherent combining. Optics Express, 20 (19), 21 627–21 634, 2012, http://dx.doi.org/10.1364/OE.20.021627.

[65] J. Limpert, F. Roser, T. Schreiber et A. Tunnermann, High-power ultrafast fiberlaser systems. IEEE Journal of Selected Topics in Quantum Electronics, 12 (2), 233–244,2006, http://dx.doi.org/10.1109/JSTQE.2006.872729.

120

[66] G. Fibich et A. L. Gaeta, Critical power for self-focusing in bulk media and in hollowwaveguides. Optics Letters, 25 (5), 335–337, 2000, http://dx.doi.org/10.1364/OL.25.000335.

[67] L. Zhang, C. Liu, H. Jiang, Y. Qi, B. He, J. Zhou, X. Gu et Y. Feng, Kilowattytterbium-raman fiber laser. Optics Express, 22 (15), 18 483–18 489, 2014, http://dx.doi.org/10.1364/OE.22.018483.

[68] M. Kienel, A. Klenke, T. Eidam, S. Hädrich, J. Limpert et A. Tünnermann,Energy scaling of femtosecond amplifiers using actively controlled divided-pulse ampli-fication. Optics Letters, 39 (4), 1049–1052, 2014, http://dx.doi.org/10.1364/OL.39.001049.

[69] S. Namiki et Y. Emori, Ultrabroad-band Raman amplifiers pumped and gain-equalizedby wavelength-division-multiplexed high-power laser diodes. IEEE Journal of SelectedTopics in Quantum Electronics, 7 (1), 3–16, 2001, http://dx.doi.org/10.1109/2944.924003.

[70] G.Mourou, B. Brocklesby, T. Tajima et J. Limpert, The future is fibre accelerators.Nature Photonics, 7 (4), 258–261, 2013, http://dx.doi.org/10.1038/nphoton.2013.75.

[71] M. Frigo et S. G. Johnson, FFTW. Massachusetts Institute of Technology, 2012. Forversion 3.3.3 of FFTW.

[72] J. A. Buck, Fundamentals of Optical Fibers. Wiley Series in Pure and Applied Optics,John Wiley & Sons, New-York, 1995.

[73] The Encyclopedia of Laser Physics and Technology, Effective cross sections.https://www.rp-photonics.com/effective_cross_sections.html. Consulté le 8 fé-vrier 2016.

121