Amélioration biotechnologique de Bacillus thuringiensis: les enjeux et les risques

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Amklioration biotechnologique de Bacillus thuringiensis : les enjeux et les risques Vincent Sanchis’s 2, Josette Chaufaux2 et Didier Lereclus’s 2 De nombreuses strategies d’exploitation des toxines insecticides de B thuringiensis sont actuellement mises en ceuvre : construction de souches ameliorees, introduction des genes de toxines dans des batteries colonisant les plantes, ou directement dans les plantes, etc. L’emploi croissant de ces nouvelles technologies soul&e des problemes ecologiques, notamment le risque de selectionner des populations d’insectes resistants a ces produits. 11 convient aujourd’hui de s’interroger sur les mesures P prendre afin d’empecher ou de maitriser l’apparition de la resistance. ‘Unit6 de biochimie microbienne, lnstitut Pasteur, 28, rue du Docteur-Roux, 75724 Paris cedex 15 ; ?Station de recherches de lutte biologique, Inra, La Mini&e, 78285 Guyancouri cedex, France. B acillus thuringiensis (Bt) est, depuis de nombreuses an- &es. le micro-oreanisme le plus largement utilise c:mme bio- pesticide dans la protection des ve- getaux et dans la lutte contre cer- tains insectes dipteres vecteurs de graves maladies humaines (palu- disme, fievre jaune, onchocercose). En effet, la principale caracteristi- que de cette bacterie Gram positive sporulante est de synthetiser, pen- dant la phase stationnaire, une in- clusion cristalline (souvent appelee cristal) composee de proteines, ap- pelees &endotoxines ou proteines Cry, ayant des proprietes insectici- des (fig 1). Les formulations commerciales de Bt sont constituees de preparations de spores-cristaux obtenues a partir de cultures realisees en fermen- teurs, qui sont ensuite sechees et utilisees sous forme de granules ou de poudres mouillables utilisables en pulverisation. Les gendotoxines secaracterisent par leur tres grande specificite, ce qui leur confere un spectre d’activite generalement res- treint, et par leur totale innocuite vis-a-vis des vegetaux, des ani- maux et de la faune entomologique non cible (abeilles, coccinelles et au- tres auxiliaires de lutte biologique). Par ailleurs, la production de Bt a echelle industrielle est aujourd’hui bien maBrisee, relativement simple a mettre en ceuvre et d’un coQt com- petitif, ce qui explique aussi en par- tie son succes. figure 1. Coupe longitudinale de Bacillus thuringiensis en fin de sporulation avant lyse cellulaire (clichklnstitutPasteur, station centrale de microscopic Blectronique). Observa- tion par microscopic 6ectronique A transmission. On distingue laspore (forme ovoi’de noire) et le cristal protkqueBproprit%s insecticides (inclusion de forme bipyramidale). ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR / actualit& (7996) 7,4,271-284 0 Elsevier, Paris 271

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Amklioration biotechnologique de Bacillus thuringiensis : les enjeux et les risques

Vincent Sanchis’s 2, Josette Chaufaux2 et Didier Lereclus’s 2

De nombreuses strategies d’exploitation des toxines insecticides de B thuringiensis sont actuellement mises en ceuvre : construction de souches ameliorees, introduction des genes de toxines dans des batteries colonisant les plantes, ou directement dans les plantes, etc. L’emploi croissant de ces nouvelles technologies soul&e des problemes ecologiques, notamment le risque de selectionner des populations d’insectes resistants a ces produits. 11 convient aujourd’hui de s’interroger sur les mesures P prendre afin d’empecher ou de maitriser l’apparition de la resistance.

‘Unit6 de biochimie microbienne, lnstitut Pasteur, 28, rue du Docteur-Roux, 75724 Paris cedex 15 ; ?Station de recherches de lutte biologique, Inra, La Mini&e, 78285 Guyancouri cedex, France.

B acillus thuringiensis (Bt) est, depuis de nombreuses an- &es. le micro-oreanisme le

plus largement utilise c:mme bio- pesticide dans la protection des ve- getaux et dans la lutte contre cer- tains insectes dipteres vecteurs de graves maladies humaines (palu- disme, fievre jaune, onchocercose). En effet, la principale caracteristi- que de cette bacterie Gram positive sporulante est de synthetiser, pen- dant la phase stationnaire, une in- clusion cristalline (souvent appelee cristal) composee de proteines, ap- pelees &endotoxines ou proteines Cry, ayant des proprietes insectici- des (fig 1). Les formulations commerciales de Bt sont constituees de preparations

de spores-cristaux obtenues a partir de cultures realisees en fermen- teurs, qui sont ensuite sechees et utilisees sous forme de granules ou de poudres mouillables utilisables en pulverisation. Les gendotoxines se caracterisent par leur tres grande specificite, ce qui leur confere un spectre d’activite generalement res- treint, et par leur totale innocuite vis-a-vis des vegetaux, des ani- maux et de la faune entomologique non cible (abeilles, coccinelles et au- tres auxiliaires de lutte biologique). Par ailleurs, la production de Bt a echelle industrielle est aujourd’hui bien maBrisee, relativement simple a mettre en ceuvre et d’un coQt com- petitif, ce qui explique aussi en par- tie son succes.

figure 1. Coupe longitudinale de Bacillus thuringiensis en fin de sporulation avant lyse cellulaire (clichk lnstitut Pasteur, station centrale de microscopic Blectronique). Observa- tion par microscopic 6ectronique A transmission. On distingue la spore (forme ovoi’de noire) et le cristal protkque B proprit%s insecticides (inclusion de forme bipyramidale).

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c 000000 Solubilisation o prot6olyse -. o toxine BpH 10 protoxine

oooooo” 0 0 0 0 0 0 000 membrane pdritrophique

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h6mocde Figure 2. Repr~senfafion schbmafique du mode d’acfion des 6-endofoxines dans /‘infestin des Ikpidopfkes. La cible des 6-endofoxines esf /es cellules B bordure en brosse de /‘infestin moyen des /awes. Chez /es kpidopfkes, ces cellules sonf s&par&es de la lumihre du tube digesfif par une membrane phifrophique qui ne peuf hfre fraversbe que par des parficules ou des polypepfides de fail/e infkrieure B 7 ou 8 nm. la solubilisafion des crisfaux ing&Gs, puis /‘activation par profholyse des mokkules de profoxines constituent par cons6quenf deux Bfapes nkessaires pour confher aux &endofoxines leur acfivif4 insec- ticide. L’aufre Bfaoe essenfielle concerne la fixafion des li-endofoxirtes activies sur leurs rkepfeurs sp6cifiques.

L’isolement, puis la comparaison de nombreuses souches de Bt dans les an&es 1970-1980 permit d’etablir qu’il existait une importante diver- site de 6-endotoxines, ayant diffe- rents spectres d’activite. C’est pour- quoi de nombreux programmes d’isolement et de criblage furent en- trepris dans le monde, afin d’iden- tifier de nouvelles potentialites in- secticides [ 121. Environ 50 000 souches de Bt ont ainsi 6th isolees, et une centaine de genes de Gendotoxines ont ete clo- nes et sequences a partir de diffe- rentes souches de Bt. La comparai- son des sequences en acides amines de ces differentes &endotoxines a permis de classer les &endotoxines (en fonction de leur de@ d’identi- te) en familles appelees Cry (Cryl, 2,3,4, etc), elles-memes composees de sous-families (CrylA, CrylB, CrylC, etc). A l’heure actuelle, la nomenclature des F-endotoxines comprend 19 classes ou familles ; chaque classe regroupe des protei- nes possedant plus de 45 % d’acides amines identiques 111 I. Les &endotoxines agissent au ni- veau des cellules de l’epithelium in- testinal des insectes sensibles. Les cristaux ingeres par les larves d’in-

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sectes sont solubilises dans l’intes- tin puis les Gendotoxines, qui sont en fait des protoxines sont proteoly- sees afin de liberer la fraction toxi- que active. Les toxines peuvent alors se fixer sur des recepteurs spe- cifiques presents a la surface des cellules epitheliales (fig 2). Les recepteurs specifiques d’un cer- tain nombre de proteines, apparte- nant a la famille des &endotoxines de type Cryl, ont recemment eti! identifies : il s’agit presque toujours d’aminopeptidases membranaires [21,38] ; dans un cas, il s’agit d’une molecule presentant des similitu- des avec des proteines appartenant B la famille des cadherines 1441. La phase qui suit la liaison de la toxine a son recepteur n’a pas et6 elucidee et l’eventuelle contribution du re- cepteur a la toxicite ne peut etre ecartee. 11 est toutefois generale- ment admis qu’une internalisation des 6-endotoxines nest pas neces- saire et que ces toxines forment des pores dans la membrane qui vont provoquer une lyse cellulaire 1221. Les donnees fournies par la deter- mination de la structure tridimen- sionnelle de la toxine Cry3Aa t281 confortent cette hypothese. Cette 6- endotoxine comporte trois domai-

R-t. &ENDOTOXIN Cry3A

figure 3. Structure fridimensionne//e de la &endofoxine Cry3Aa acfivke. Diagramme schhmafique monfranf /es frois domaines disfincfs (clichk DJ Ellar, universifi de Cambridge, Royaume-Uni).

nes distincts (fig 3). L’un des domai- nes, compose de feuillets p, semble responsable de la specificite de la toxine pour le recepteur de l’in- secte. Linteraction toxine/recep- teur permettrait alors a un autre do- maine de la proteine (compose d’helices a) de constituer un pore dans la membrane. La formation de pores provoquerait une perturba- tion des echanges ioniques, qui induirait une modification du pH intestinal et aboutirait a la lyse cel- lulaire. Seul, cet effet des &endo- toxines peut conduire a la mort de l’insecte, qui survient generalement 1 a 3 jours apres l’ingestion des cris- taux. Cependant, il faut noter qu’avec les cristaux, l’insecte ingere generalement des spores. Or, la mo- dification du pH du tube digestif, provoquee par les &endotoxines, semble favoriser la germination des spores et la croissance des batteries. 11 en resulte qu’une septicernie est presque toujours asso&% a la toxe- mie. 11 est vraisemblable que la septi- cemie due au developpement des spores de Bf puisse optimiser l’effet toxique des Gendotoxines chez cer- tams insectes.

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L’un des avantages de Bt reside dans sa capacite a controler les po- pulations de ravageurs, tout en pre- servant l’environnement. L’utilisa- tion de pesticides chimiques, au contraire, a de nombreux effets ne- gatifs sur l’environnement : pollu- tion des nappes phreatiques, pre- sence de residus toxiques dans les aliments, impact sur la Sante hu- maine, diminution de la diversite genetique, destruction de nom- breux predateurs et parasitoldes et infestations de plus en plus graves d’insectes resistants a une ou plu- sieurs classes de pesticides. Bt, quant a lui, en tant que patho- gene nature1 des insectes, semble etre plus faiblement generateur de phenomenes de resistance que les produits de synthese. En outre, les &endotoxines n’etant actives que contre les stades larvaires d’un petit nombre d’especes, appartenant ge- neralement g un meme ordre, voire a une m&me famille ou genre, leur emploi permet de preserver davan- tage les ressources naturelles. Cet avantage ecologique constitue en revanche la principale faiblesse des produits a base de Bt. En effet, aux yeux des utilisateurs, l’elimination complete des diffe- rents ravageurs, qui sevissent sur une culture don&e, reste I’un des criteres importants du choix d’un produit phytosanitaire. De plus, la persistance de l’activite insecticide des 6-endotoxines dans la nature est generalement plus faible que celle des insecticides chimiques, et de- pend des conditions climatiques (inactivation des cristaux par les rayonnements UV et lessivage des produits par la pluie). On peut ce- pendant raisonnablement esperer que la plupart des limitations en- core associees h Bf pourront @tre le- vees dans les an&es a venir, grdce aux possibilites nouvelles offertes par les biotechnologies. L’objectif de cet article est de faire le point sur l’utilisation de Bt en pro- tection des cultures et de montrer comment les biotechnologies ont contribue (et contribueront) a l’amelioration des produits a base de Bf, afin d’en faire des outils per- formants, au service de l’agricul-

ture. Nous decrirons certains des problemes qui pourraient resulter d’un l’emploi accru et non raisonne de ces nouvelles technologies, en mettant plus particulierement l’ac- cent sur l’augmentation probable du risque de selectionner des insec- tes resistants aux 6-endotoxines de Bt. Enfin, nous presenterons les principales strategies d’utilisation de ce bio-insecticide, qui ont ete ela- borees afin d’empkher ou de retar- der I’apparition d’insectes resis- tants dans les populations cibles.

Aspects bconomiques

Lun des principaux defis auxquels les agriculteurs et la recherche agro- nomique devront repondre au tours des prochaines annees sera d’accroitre la production agricole (afin de faire face & la croissance demographique), tout en preser- vant l’environnement. A l’heure actuelle, on estime que, par le seul fait des parasites, patho- genes et mauvaises herbes, 35 % de la production agricole mondiale est perdue chaque annee. Si l’on ajoute les pertes apres recolte, causees par les micro-organismes, les insectes et les rongeurs, l’homme perd environ 45 % de ce qu’il produit. A titre d’exemple, on estime que sur le co- tonnier, les pertes s’elevent a 41 % de la production, et qu’elles sont essentiellement dues aux insectes ; sans protection, elles seraient de 84 %. Sur le mai’s, les pertes totales, au niveau mondial, s’elevent a 38 % de la production ; elles sont dues aux maladies (11 %I, aux mauvaises herbes (13 %) et aux ravageurs (14 %). Sans protection, les pertes seraient de 60 %. On voit bien que la protection des cultures est essentielle ; depuis la seconde guerre mondiale, elle s’ap- puie principalement sur l’emploi de pesticides chimiques. Ces substan- ces offrent de nombreux avantages, en termes de facilite d’utilisation, de rapidite d’action, de spectre d’activite et de rapport co&-b&+ fice (du moins g court terme). Le succes de cette technologie se trouve reflete par l’importance du marche mondial des produits phy-

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tosanitaires (herbicides, fongicides et insecticides), qui s’eleve au- jourd’hui b environ 26 milliards de dollars. Les insecticides representent 6 eux seuls un marche d/environ 8 mil- liards de dollars, qui se repartit de la facon suivante : fruits et legu- mes:27%;coton:25%;riz:17%; ma’is : 8 % ; autres : 23 %. Les bio- pesticides ne representent que 1,5 % du marche des produits phy- tosanitaires, soit environ 380 mil- lions de dollars ; 90 % sont des bio- insecticides (les 10 % restants &ant des biofongicides et des bioherbici- des) et 90 % des bio-insecticides sont a base de Bt. En 1990, les ventes de biopesticides dans le monde n’etaient que de 120 millions de dollars, soit moins de 0,5 % du marche mondial. Au- jourd’hui, les ventes de biopestici- des continuent d’augmenter de 10 a 20 % par an, tandis que le marche phytosanitaire stagne ou ne pro- gresse plus que t&s faiblement. Geographiquement, 50 % des ven- tes de biopesticides concernent 1’AmQique du Nord, et trois secteurs (legumes, coton et for&) absorbent 80 % des ventes. Les perspectives concernant le develop- pement des biopesticides (essentiel- lement Bt), a court et moyen terme, sont prometteuses, bien que neces- sairement limitees. En effet, seule une partie du marche des insectici- des, celle qui touche des ravageurs sensibles a Bf, est accessible aux produits a base de Bt. A I’heure actuelle, elle concerne es- sentiellement une partie du secteur des insecticides foliaires, dont la part represente un marche d’envi- ron 2,5 milliards de dollars. Les ventes de biopesticides ti base de Bt pourraient rep&enter 500 h 600 millions de dollars par an d’ici ?I la fin de la decennie. La creation de nouvelles varietes vegetales, notamment par le trans- fer-t des genes CY~ de Bt dans de nombreuses plantes, devrait per- mettre aux produits a base de Bt de prendre egalement une part signifi- cative du marche mondial des semences d’interet commercial (marche d’environ 30 milliards de

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dollars). On estime, B l’heure ac- tuelle, que le march6 des semences transgkniques pourrait s’klever ti 6 milliards de dollars en 2005, et se- rait constitui! essentiellement ?I cette kpoque de plantes rkistantes aux herbicides (2 B 3 milliards de dol- lars), et de plantes resistantes aux insectes (1 k 2 milliards de dollars). Deja en 1996, aux Etats-Unis, 180 000 hectares de mai’s et 800 000 hectares de cotonnier transgtki- ques contenant un gPne cry ont f?tk cultivks (soit, respectivement, 0,5 % et 13 % des surfaces cul$@es avec ces plantes en 1996 aux Etats-Unis). Au Canada, ce sont 160 000 hectares de mai‘s transgknique contenant un gene cry qui ont kte semks. Dans ce pays, les semences de mak transgk- nique sont vendues 100 dollars le lot, permettent d’ensemencer 3,2 acres (1 acre = 4000 m2 environ), alors que le prix moyen d’un lot de semences non transgkniques est de 75 dollars. Le cotit d’un traitement insecticide (cotit du produit et de l’epandage) dans le cas oti la plante n’est pas prothgke est de l’ordre de 40 i 60 dollars pour 3,2 acres.

L’am6lioration biotechnologique de Bt

n Des souches de Bt modifiCes par conjugaison

Plusieurs stratkgies, en vue d’ac- croitre l’efficacitk des produits h base de Bt utilisks en pulvkrisations insecticides, ont et4 mises en ceuvre au tours des dernikres an&es. Une premike sQie d’amilliorations a consist4 5 identifier de nouvelles

souches ayant une meilleure activi- miferana. Foil@, est compose d’une te insecticide contre l’insecte cible. souche qui produit deux Gendo- L’isolement de nouvelles souches, toxines ayant des activitks insectici- et done de nouveaux gPnes cry, puis des diffkrentes et permettant d’at- l’ktablissement du spectre d’activitk teindre un lkpidoptke : Ostrinia MU- de ces diffkentes 6-endotoxines sur bilalis (la pyrale du mai’s) et un plusieurs ravageurs majeurs, ont coleoptke, Leptinotarsa decemlineata ensuite permis de construire des (le doryphore de la pomme de souches de Bt N ameliorkes )). terre). Deux types de souches ont ktk cons- truites : soit des souches posskdant une activitk insecticide optimiske pour lutter contre un ravageur don- nk, en regroupant dans une m@me souche de Bt des gPnes codant pour des &endotoxines ayant une bonne activitg contre l’insecte vise, soit des souches posskdant un spectre d’ac- tivite klargi par l’association de 6- endotoxines ayant des activites dif- fkrentes. Les premieres souches c( amkliorkes H ont ktk obtenues en utilisant le phknomtine de conjugai- son, qui permet de transfker un nombre limit4 de plasmides entre souches de Bt [lo ; 151. La plupart des souches de Bt se caractkrisent, en effet, par la presence de nom- breux plasmides, dont certains sont autotransfkrables ou mobilisables. De plus, les g&es de 6-endotoxines sont souvent localisks sur des plas- mides dont certains sont conjuga- tifs. C’est l’utilisation de cette pro- priktt! de Bt qui est 2 I’origine des produits Condor@ et Foil@, com- mercialisk par la sociktk Ecogen (tableau I). Condor@ est formule & partir d’une souche de Bt obtenue par conjugaison et qui produit deux 6-endotoxines actives contre des ra- vageurs du soja, comme Pseudoplu- sia in&dens ou des for@ts, comme Lymantria dispar ou Choristoneuraftl-

n Des bactkies recombinantes exprimant des genes c y

Une seconde stratdgie, afin de mieux exploiter ou augmenter le potentiel entomopathogiine de Bt, a consist4 ?I diversifier ou ?I ameliorer le mode d’administration de la toxine, en utilisant les outils fournis par le dkveloppement de la biotech- nologie. Cette approche a et4 suivie par de nombreux laboratoires, qui ont cherchk & faire exprimer les gP- nes codant pour les F-endotoxines dans des h6tes divers, naturelle- ment prksents dans les m@mes ni- ches kcologiques que les insectes que l’on cherchait B atteindre. Des genes de &endotoxines ont ainsi et4 introduits chez Azospirillum 1431, Pseudomonas cepacia [40] et Pseudo- monasfluorescens 1311 (trois back-ies qui colonisent naturellement les ra- tines et le feuillage de nombreuses plantes) et dans Ahizobium Iegumi- nosarum [39], une bactkrie symbioti- que et fixatrice d’azote qui forme des nodules sur les racines de nom- breuses Ikgumineuses. Dans ce dernier cas, les racines et nodules sont attaquks par des insec- tes souterrains dont le contrale s’avk-e particulikement difficile. Ce concept, consistant ZI faire syn-

Tableau I. Spkcialites commerciales prod&es a partir de B thuringiensis g&Gtiquement modifiks.

Produits

Condor Cutlass MVP Mattch

Firmes

Ecogen Ecogen

Mycogen Mycogen

Sous-esp?ces de Bt concern&es kursfaki II

P fluorescens + g&nes de la souche kurstaki

Insectes cibles

LepidoptPres Lepidopttires tipidopteres Lkpidoptkres

Cultures

Cultures maraichkes, ma’is

Agree

Foil

RAVEN

M-TRAK

Ecogen

Ecogen

Ecogen

Mycogen

kurstaki/aizawai

kurstakil tenebrionis

kurstakiltenebrionis

P fluorescens + gene de la souche san diego

Lbpidoptkes

Lbpidoptkes, coleopt&es

Colbopt&es

Ma&

Cultures marakhkes, pomme de terre

Arboriculture

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thktiser des Gendotoxines dans une bactkie autre que Bt, a &J repris par la sociktk Mycogen, qui commercia- lise deux produits issus de cette technologie. 11 s’agit des produits MVP@ et M-TRAK@, respective- ment destines au contrble de cer- tains lkpidoptkes et colkoptkes (tableau I). Les F-endotoxines de Bf sont produites dans la bactkie Pseudomonas fluorescens, qui ne lyse pas et ne produit pas de spores ; les bactkries sont ensuite t&es 5 l’aide d’un pro&de physico-chimique et les Gendotoxines sous forme d’in- elusions cristallines restent encap- sulbes dans les cellules. Ce pro&d4 permet d’amkliorer sensiblement l’efficacite des 6-endotoxines car elle augmente leur persistance dans l’environnement aprks epandage, en raison de la protection qui leur est confer&e contre la degradation et/au l’inactivation par le rayonne- ment UV. De plus, les batteries ayant et6 t&es, les prockdures d’homologation de ces nouveaux produits sont facilitees. La sociktk Crop Genetics Internatio- nal (CGI) a, quant 2 elle, transfer4 un gene de sendotoxine dans une bactbrie endophyte : Clavibacter xyli var cynodonfis, capable de coloniser le systPme vasculaire de nombreu- ses plantes, dont le mals. Le gPne introduit dans cette bactkie est le gke cryIAc, qui code pour une &endo- toxine active contre les lar- ves d’0 nubilalis [241. Aux fitats- Unis, les deggts occasionnk par ce seul ravageur sur cultures de mai’s sont estimk ;7 1 milliard de dollars par an, avec des pertes pouvant at- teindre 30 % de la rkolte dans les champs fortement infest&. Le con- trale de cet insecte s’avke extreme- ment difficile en raison de la biolo- gie particuliere de ce ravageur ; les jeunes chenilles perforent en effet le bourgeon terminal puis p&&rent i I’intQieur de la tige oti elles creu- sent des galeries dans la moelle. 11 en rkulte que l’insecte se retrouve t&s vite h I’abri des traitements in- secticides classiques et que les d& g8ts ne sont pas immgdiatement ap- parents.

L’objectif de CGI ktait d’obtenir des mai’s colonis& par une bactkrie en- dophyte exprimant une 6-endo- toxine de Bt et permettant de pro@ ger les plantes ainsi coloniskes con- tre les infestations d’0 nubilalis. L’efficacitk d’un tel pro&d6 passe par l’obtention d’une bact&ie recombinante produisant suffisam- ment de F-endotoxine, et par la mise au point d’une m&hode d’inocula- tion des semences par la bacMrie endophyte (par enrobage ou par pulwkisation ?). La conception, la mise au point et l’autorisation d’uti- liser un tel produit, contenant un organisme gkn&iquement modifik (OGM), se sont av&!es plus lon- gues qu’initialement prevu par CGI, mais des r&ultats encoura- geants ont et6 obtenus et la com- mercialisation d’un produit nommk InCide issu de cette technologie est imminente.

n Des outils pour manipuler directement Bt

La mise au point, g partir de 1989, d’un systPme de transfert d’ADN efficace chez Bf par klectroporation 18, 261, a ouvert de nouvelles voies pour amkliorer le potentiel entomo- pathogene de Bf. 11 devenait en effet possible de modifier les souches de Bt en leur confkrant de nouveaux caractkes et done de les rendre plus performantes du point de vue agro- nomique. Elle allait aussi permettre d’aborder l’ktude de l’expression des gPnes cq chez Bf. Cependant, une telle approche nkcessitait d’kla- borer un systeme h&e/vecteur per- formant, c’est-&dire de disposer de vecteurs plasmidiques capables de se repliquer et de se maintenir de facon stable chez cette bactkrie. Des plasmides residents de Bf ont et6 clanks, puis I’identification des regions nkessaires i leur replica- tion et leur stabilitk a permis de construire des vecteurs navettes (E coZi/Bf) de clonage et d’expression [5,61.11 a done &k possible de r&n- troduire divers gPnes de Gendo- toxines clanks chez Bf et de modifier ou d’elargir le spectre d’activitk d’une souche don&e. En vue d’ap- plications sur le terrain, des souches

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recombinantes de Bt ne contenant pas d’ADN ktranger a Bt komme par exemple une origine de rkplica- tion de type ColEl fonctionnelle chez les bactkries Gram nbgatives ou de g&es de rksistance 5 un anti- biotique) ont kgalement et6 cons- truites [7, 361. L’klimination des se- quences d’ADN indksirables dans les souches recombinantes a pu @tre rkaliske (fig 41, en faisant appel aux propri&s d’intkgration et de re- combinaison site-spkcifique du transposon Tn4430, naturellement prksent chez la plupart des souches de Bf. 11 a en effet &? possible de construire des vecteurs dits de c( re- combinaison site-spkcifique )) dans lesquels les sbquences d’ADN indk- sirables sont plackes entre deux si- tes de recombinaison (sequence IRS). Ces sequences sont spkifique- ment reconnues par la proMine TnpI du transposon Tn4430, qui est capable de catalyser in vivo l’exci- sion du fragment d’ADN se trou- vant entre ces deux regions [371. Des deux mokules circulaires r& sultant de la recombinaison site- spkcifique, seule celle qui Porte l’origine de replication provenant de Bf est capable de se rkpliquer et se maintient dans la souche. Dans l’exemple prksentk figure 4, la souche recombinante de Bt ainsi ob- tenue synthktise deux toxines : CrylAc, trPs active contre la pyrale du mai’s, et CrylCa, active contre certains ravageurs appartenant ?i la famille des Noctuidae, comme Spo- dopfera littoralis, la noctuelle du co- tonnier. Un produit recombinant, design6 Raven, issu d’une technolo- gie comparable a et6 developpk par la sociktk Ecogen (tableau I). La manipulation gknkique des sou- ches de Bf requiert parfois l’inter- ruption ou l’klimination de genes dkavantageux ou l’introduction de nouveaux gknes, non plus sur des vecteurs plasmidiques mais direc- tement dans le chromosome bact& rien ou sur des plasmides naturels de Bt. A cette fin, des vecteurs in& gratifs thermosensibles (fig 5) ont &tk construits [271. 11s ont permis par exemple d’inthgrer par recom- binaison homologue un gtine de 6- endotoxine directement dans le

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/ crylAc 1 \

EYSLyl I

B. thuringiensis(crylAc)

I

\

c’ B. thuringiensis(cryZAc-crylC)

Figure 4. Construction in viva d’une souche gMtiquement modifike de St B hide d’un vecteur B recombinaison site-spkifique. Un plasmide portant deux sbquences IRS est intoduit par transformation dans une souche de 13t dent UJ plasmide rbsidenf porfe un g&e cry1 AC et le transposon Tn4430. la prothe Trip/, produit du gene tnpl PO& parTn4430, reconnait spbcifiquement /es sbquences IRS et catalyse un &&ement de recombinaison site-spbcifique conduisant B la formation de deux molhles d’ADN circulaire. Celle qui contient I’origine de rkplicafion fonctionnelle chez Bf, et le g&e crylC nowelement introduit sous le contrble du promoteur du g&e cry3Aa, peut se rbpliquer et se maintient dans /a cehle ; I’autre molhle, contenant le rhplicon dE coli et /es marqueurs de rbsistance, est BliminBe.

chromosome de Bt [201 ou sur un plasmide resident de Bt portant un gene de 6-endotoxine de specificite differente [27]. Comme precedem- ment, ces manipulations ont ete rea- lisees sans qu’il y ait apport d’ADN etranger. Ces plasmides ont egale- ment ete utilises, comme illustre sur la figure 5, afin d’interrompre des genes impliques dans le processus de sporulation (comme spoOA ou sigK), afin de construire des souches de Bt asporogenes [9,251.

n Des souches de Bt asporogkes

Lemploi de Bt comme biopesticide implique l’epandage d’importantes quantites de batteries (recombinan- tes ou non) sous la forme d’un me- lange de spores et de cristaux. La legislation de certains pays (Alle- magne, Japon) interdit I’introduc- tion dans l’environnement de bacte- ries sporulantes. Pour @tre utilises dans ces pays, les produits a base de

Bt doivent subir une irradiation aux rayons y, afin de tuer les spores pre- sentes dans les preparations com- merciales. La construction de sou- ches asporogenes permettrait de re- pondre a ce probleme. De telles souches doivent cependant etre ca- pables de produire d’importantes quantites de &endotoxines. Or, il est connu que l’expression de la plupart des genes cry est contrblee par des facteurs sigma specifiques de la sporulation (voir l’article sur la regulation des genes cry) et de- pend done de la sporulation. Deux elements nouveaux ont recemment permis de debloquer cette situa- tion : - 1) la mise en evidence que le gene cry3Aa n’est pas un gene de sporu- lation 131 et qu’il est done possible de surproduire la toxine Cry3A dans un mutant spoOA de Bt [251 ; dans un tel mutant, la proteine s’ac- cumule pour former un cristal qui, au lieu d’etre lib&e, reste dans la bacterie qui ne lyse pas (fig 6) ; - 2) la demonstration qu’un mutant asporogene de Bt bloque a un stade plus tardif du processus de sporula- tion (mutant SigKm) etait incapable de produire des spores viables, mais exprimait cependant une quantite de &endotoxines pratique- ment identique a celle dune souche sauvage 191. Ces resultats indiquaient qu’il etait possible de produire d’importantes quantites de F-endotoxines dans des mutants asporogenes et per- mettaient m@me d’envisager d’aug- menter la production de 6-endo- toxines chez Bt. En effet, une souche contenant differents genes de type cry2 possede generalement un spec- tre d’activite plus large qu’une sou- the ne contenant qu’un seul gene, mais ne produit pas une quantite plus importante de &endotoxines. Ce phenomene peut @tre explique par un effet de titration des facteurs sigma de sporulation par les pro- moteurs des differents genes cry1 presents dans la souche [41. Nous avons recemment introduit le gene cry1 Ca sous le contrble du pro- moteur du gene cry3Aa (qui ne de- pend pas des facteurs sigma speci-

276 ANNALES DE L’INSTITLJT PASTEUR / actualit& (1996) 7,4

Page 7: Amélioration biotechnologique de Bacillus thuringiensis: les enjeux et les risques

fiques de la sporulation) dans une souche sauvage et dans une souche SigK- de Bt qui, toutes deux, syn- thetisaient deja une 6-endotoxine de type Cry1 AC Les souches recom- binantes ainsi obtenues produisent a la fois les toxines CrylCa et CrylAc, mais la quantitb totale de &endotoxines produites par ces souches est augmentee d’un facteur 1,5 a 2 par rapport aux souches pa- rentales 1371 (resultats non publies). De plus, dans le cas de la souche recombinante S&K-, les deux toxi- nes sont produites sous la forme d’inclusions qui restent encapsi- dees. De telles formulations, a I’ins- tar des produits obtenus a partir de Pseudomonas fluoyescens, devraient permettre de diminuer l’inactiva- tion des &endotoxines dans le sol apres epandage et d’augmenter leur efficacite.

n Expression des g&nes cy chez les plantes

Aprils les applications de la geneti- que mendelienne, qui ont permis, par I’amelioration varietale, d’aug- menter considerablement la pro- duction agricole durant le XXf sie- cle, la transgenese vegetale, en transgressant les barrieres d’espece, sera vraisemblablement a l’origine de progres tout aussi importants pour l’agriculture du XXI’ si&le. Dans ce domaine, un pas de&if fut accompli dans les an&es 1980 par la societe de biotechnologie Plant Genetic Systems qui reussit, pour la premiere fois, a transformer et faire exprimer chez le tabac un gene cry de Bt 1451. Les plants de tabac trans- form& avec la region d’un gene cry1 codant pour la fraction toxique de la molecule etaient significative- ment proteges contre l’attaque des insectes. La technique de transformation uti- lisle etait fondle sur le transfert du plasmide Ti d’Agrobacfeuium. Cette m&ode a permis d’introduire de l’ADN etranger dans de nombreu- ses autres plantes que le tabac ; tou- tefois, son application etait res- treinte a un nombre limit& d’espe- ces, le plus souvent appartenant aux dicotyledones. Le developpe-

spoOA ou sigK / / ADN chromosomique

de Bt

bla 1 J

Selection des clones de Bf resistants a I’erythromycine et a la kanamycine ?I 37” C

4 spoOA ou sigK ermcHori Bf - fslv//////// +

Selection des mutants Spa- de Bf resistants a la kanamycine mais sensibles a l’erythromycine

ADN chromosomique de Bt

Figure 5. lnferrupfion d’un g&e dans le chromosome de Bf B /‘aide d’un vecfeur infigrafif fhermosensible et de la recombinaison homologue. Un plasmide fhermosensible confenanf une copie dug&e spoOA ou sigK inferrompue par le g&e aphA3, conf&anf la r&stance B la kanamycine, est infroduif dans une souche de Bf par Blecfroporafion A femp&afure permissive (30” C). L’infbgrafion du plasmide fhermosensible dans le chromosome de Bf s’effecfue par recombinaison homologue enfre /es rdgions sit&es en aval dug&e aphA3, 4 /‘issue de cultures successives des fransformanfs en pr6sence de kanamycine B femp&afure non permissive (37” C). Un second Bv&emenf de recombinaison r&iproque, ceffe fois enfre /es rbgions sit&es en amonf du g&e aphA3, conduit au remplacement des g&es spoOA ou sigK par leurs copies inferrompues spoOA::aphA3 ou sigK::aphA3 et B /‘excision du vecfeur fhermosensible et de la copie infacfe des genes spoOA et sigK.

ment de nouvelles methodes de rave, le thou, le melon, le pois, le transformation, telles que l’electro- soja, le tournesol, la vigne, l’oran- poration ou le bombardement de ger, le liquidambar, le chrysan- particules, permet aujourd’hui de theme, la pervenche et le petunia. transferer de l’ADN dans la plupart Cependant, malgre I’utilisation de des plantes, y compris des monoco- promoteurs forts, la production de tyledones comme le mai’s. Techni- toxines par les plantes etait encore quement, toute espece vegetale insuffisante pour envisager une uti- peut done etre rendue toxique pour lisation agronomique efficace. Con- les insectes par introduction d’un trairement aux genes de plantes, les gene cyy de Bt (tableau II). Par genes de Bt sont riches en bases A et ailleurs, en plus des especes decri- T (66 %), ce qui ne correspond pas a tes dans le tableau II, pour lesquel- un usage optimal des codons chez les les recherches sont deja tres les plantes et peut induire une insta- avancees, 32 autres plantes ont ega- bilite des transcrits. Cette caracte- lement ete transformees avec un ristique s’est rev&e en grande par- gene cyy mais n’ont pas encore fait tie responsable des problemes d’ex- l’objet d’essais en champs, parmi pression des genes cry dans les lesquelles on peut titer : la bette- plantes 1351. Ainsi, une modifica-

ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR / actualitt‘s (1996) 7,-Z 277

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Figure 6. Coupe longitudinale d’une souche de Bt spoOA- pendant /a phase stationnaire (clich6 lnstituf Pasteur, station centrale de microscopic Blectroniquej. On remaroue /‘absence de soore et /a orkence du cristal constifk de Sendotoxines Cry3Aa sous la forme d’une inciusion. ’

tion de la skquence codante des gP- et la pomme de terre avec un gene nes cry, abaissant g 51 % le contenu cry3 [l, 13,23, 341. Une autre stra- en bases Aet T, conduisit h augmen- tkgie, consistant & faire exprimer ter la production d’un facteur 100 ; des g&es cry non modifies dans plus de 100 ng de toxines ktaient les chloroplastes des plantes, s’est alors produites par mg de proteines aussi montree trPs efficace sur le totales. Cette stratkgie a ktk me&e plan de la production de toxines avec succPs dans de nombreux cas : [301. Les plantes transformees se- le cotonnier, le riz et le mai’s ont ainsi lon l’une ou l’autre de ces deux ktk transform& avec des genes cry1 strategies produisent des quanti-

Tableau II. Plantes trans eniques synthktisant une 0~ plusieurs toxines de B fhuringiensis ayant fait 1 o let d’essals en champs aux Etats-Unis, entre 1987 et 9%. 1995.

Plantes Compaxnies ou institutions avant conduit les exvehknentations Airelle

Aubergine

Colza

Cotonnier

Universitk du Wisconsin

Rutgers University

Agrigenetics l Universitk de Chicago l Universitk de Georgie

Agracetus l American Cyanamid l Calgene l Delta and Pine Land l

Miles l Monsanto

fipinette

Luzerne

Ma%

Universite du Wisconsin

Mycogen

Ciba-Geigy l Crop Genetics International l Dekalb l Dow Elanco l

Hum-Waon l Monsanto l Mycogen l Universiti de Caroline du Nord l Northrup King l Pioneer Hi-Bred l Rogers NK-Seed

Noyer USDA

Peuplier Universitk du Wisconsin

Pomme de terre Frito-Lay l Michigan State University l Monsanto (Btt) l USDA

Pommier UniversitC de Califomie

Riz Louisiana State University

Tabac Agrlgenetics l Calgene l Ciba-Geigy l Universite de Caroline du Nord l Rohm and Haas

Tomate Campbell l Monsanto l Rogers NK Seed l Sandoz

tkdetoxinesquileurconfkentune excellente protection contre les in- sectes (fig 7). Une premiere g&Gration de plantes (cotonnier, mai‘s et pomme de terre) exprimant les toxines insecticides de Bt a kte commercialisee aux fitats-Unis en 1996 (tableau III). Nkanmoins, des plantes transgeni- ques de seconde gkkration sont dPs maintenant en tours de d&e- loppement. En particulier, il est en- visagk de construire des plantes ex- primant au moins deux g&es cry codant pour des toxines reconnais- sant des rkcepteurs diffkrents. Ce type d’approche devrait permettre de retarder l’apparition d’insectes ksistants, sachant que le m&a- nisme majeur impliqw? dans la r& sistance aux toxines de Bt est une modification ou une perte des r& cepteurs spkifiques.

lkaluation, prbvention et maitrise des risques : les nouvelles prioritck Le tour d/horizon que nous venons de faire concernant l’amelioration biotechnologique des produits 5 base de Bt nous a permis d’illustrer la puissance des mkhodes du genie g&ktique, la gamme des possibili- t& offertes et les bknkfices que l’on peut en attendre dans le domaine de la lutte contre les ravageurs des cultures. L’augmentation probable de l’em- ploi de ces nouveaux produits va sensiblement modifier les pratiques

278 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR / actualit& (1996) 7,4

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agricoles, et done l’ecosysteme agri- Cole. C’est pourquoi, il est neces- saire d’accompagner le developpe- ment de ces techniques (a fortiori quand elles sont sur le point d’etre commercialisees) d’une reflexion permettant d’anticiper au mieux les risques potentiels qui pourraient re- sulter de la dissemination, dans I’environnement, d’organismes re- combinants exprimant des genes de S-endotoxines. Plusieurs questions ont des a present retenu l’attention des organismes officiels qui ont la charge de donner les autorisations de dissemination volontaire et de commercialisation des organismes genetiquement modifies [19] ; on peut les resumer comme suit : - 1) l’epandage d’importantes quantites de spores dans I’environ- nement augmente-t-i1 les risques de transfert horizontal d’ADN, notam- ment aux batteries du sol ? Cela pourrait-il perturber la microflore du sol et quelles en seraient les con- sequences ? - 2) Des croisements genetiques intra- ou inter-specifiques de la plante transgenique vers des varietes ou especes sauvages proches sont-ils possibles et quel pourrait etre leur impact sur I’environnement ? - 3) L’utilisation massive de pro- duits a base de Bt pourrait-elle avoir un effet sur l’equilibre des popula- tions d’insectes, et quelle serait l’in- cidence ecologique et economique de l’emergence de populations d’in- sectes resistant 6 ces produits ?

figure 7. Effets d’une infestation qaturelle de pyrale, d’infensif& moyenne, sur deux versions de la m&me van’&? de mai’s. A gauche, la vari& non modifibe ; a droite, la version transgbnique exprimant un gene cry 1231. Une diffkence de rendement de 9 % en faveur de la version trangbnique a -312 obseke dans cet essai (clichk Ciba, 1995).

n Risques kcologiques : prendre des mesures prihentives

Est-il possible de mettre en ceuvre une politique de prevention, et sur quelles bases doit-elle s’appuyer ? Tout d’abord, il convient de rappe- ler que I’introduction volontaire de materiel vivant (genetiquement modifie ou non) en dehors de sa zone naturelle, n’est pas un pheno- mene nouveau. Au tours des 100 dernieres annees, ces introductions ont et6 nombreuses, notamment dans le cadre de l’utilisation d’auxi- liaires de lutte biologique pour le controle de ravageurs. On estime que plus de 5 500 introductions vo- lontaires ont et6 realisees de par le monde et presque aucune ne s’est soldee par des effets negatifs dans

les cas d/introduction d’auxiliaires de lutte biologique [321. En revan- the, environ 7 % des introductions laccidentelles ont eu des effets nega- tifs et 128 plantes (cultivees ou or- nementales) qui ont ete intention- nellement introduites en-dehors de leur biotope nature1 sont devenues des mauvaises herbes (2,2 % des in- troductions intentionnelles de plan- tes). Ensuite, il est raisonnable de penser que l’utilisation accrue de produits contenant des S-endotoxi- nes, dont le spectre d’activite est relativement limit6 et dont on con- nait l’innocuite pour les organismes non cibles, ne peut Gtre que benefi- que pour I’environnement, compa- re a l’utilisation massive d’insectici- des de synthkse a large spectre d’action et dont certains sont extremement

Tg”yb6’,,, III. Plantes transgeniques synthetisant une toxine de B fhuringiensis auto&&s ?I la mise sur le march6 en novembre

Planks Pomme de terre

Cotonnier

lnsectes cibles

Doryphore : Leptinotarsa decemlineata

Differents lepidopteres Noctuidae

P&j/S Anntfe

&a&.-Unis 1994 Canada 1995

Btats-Unis 1995

Soci&e’ Monsanto Monsanto

Monsanto

Mak Pyrale du ma’ti : Ostrinia nubilalis

hats-Unis Canada Fpon

1995 Ciba 19% Ciba 1996 Ciba

Mak Pyrale du ma% : Ostrinia nubilalis

UE’ 19% Ciba Monsanto

Pioneer

* Autorisation de mise sur le march6 en tours de pro&lure au niveau cornmunautaire.

ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR / actualit& (1996) 7,4 279

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toxiques. Enfin, des resultat prkli- minaires, &experimentations reali- sees au champ ou en laboratoire, sont les suivants : - 1) l’utilisation de preparations commerciales contenant des sou- ches de Bt genetiquement modi- frees ou non n’a que peu ou pas d’effets sur la dynamique des popu- lations non cibles [14] ; - 2) les spores de Bt sont rarement capables de germer et de se multi- plier dans les sols naturels et sont rapidement detruites par les rayon- nements ultraviolets ; une quantite residuelle de spores de Bt (- 1 O2 spo- res/gramme de sol) peut nean- moins survivre plusieurs annees dans le sol, mais cette quantite sem- ble rester constante, quel que soit le nombre de traitements (voir l’arti- cle de Sanchis, sur l’ecologie de Bt) El ; - 3) aucun effet significatif de Bt sur la microflore du sol n’a jusqu’a main- tenant ete mis en evidence [18]. Au vu de l’ensemble des informa- tions qui sont actuellement disponi- bles, il apparait que l’utilisation et la dissemination de spores de Bf dans l’environnement ne semble pas avoir d’effets nefastes. Toute- fois, la position des experts charges d’evaluer les risques associes a la dissemination d’organismes gene- tiquement modifies (OGM) semble s’orienter vers une politique visant a eliminer tous les facteurs poten-

tiels de risque (meme minimes) cha- que fois que cela est possible. Ainsi, dans le cas de Bt, l’utilisation de souches non viables, apparait comme une mesure de prevention simple, qui offre toutes les garanties concernant une eventuelle multipli- cation incontr6lee de la bacterie dans la nature. D’autres questions sont a l/etude, notamment celles concernant les mesures a prendre afin d’empecher la dissemination des genes et de limiter les risques de transferts horizontaux de materiel genetique. Bien que les don&es concernant cet aspect soient encore relativement peu nombreuses, il convient de rappeler que la cons- truction d’une souche recombi- nante requiert le plus souvent l’em- ploi de genes de selection (mar- queurs de resistance a un antibiotique) et d’origines de repli- cation bacteriennes (parfois a large spectre d’hbte) necessaires a la se- lection des souches recombinantes et a la propagation des vecteurs de clonage apres transformation. Le risque de transfert de 1’ADN recom- binant vers les batteries du sol, par transformation, bien que faible, est possible, m&me a partir d’ADN nu [29]. L’emploi de souches de Bf re- combinantes ne comportant pas de sequences d’ADN etranger, notam- ment sur des plasmides (marqueurs de resistance, ou origines de repli- cation ne provenant pas de Bt)

pourrait apporter une reponse adap- tee (en terme de securite) et techni- quement possible a ce probleme. La mise en ceuvre de telles mesures pre- ventives devrait etre facilitee par l’utilisation des outils et des strate- gies d&rites plus haut (vecteurs a recombinaison site-spkcifique).

n Le cas des plantes transghiques

Dans le cas des plantes transgeni- ques, le risque de proliferation dans l’ecosysteme d’une plante syntheti- sant des &endotoxines mais surtout le risque de dissemination des ge- nes de b-endotoxines (notamment par le pollen) vers d’autres especes cultivees ou sauvages, n’est pas ne- gligeable. Les genes codant pour des &endotoxines sont en effet sus- ceptibles de conferer a la plante transgenique un avantage selectif modem ou fort, qui se manifesterait de facon continue dans un environ- nement nature1 ou agricole et done favoriserait la proliferation de ces plantes. Par ailleurs, il a et6 demon- tre que diverses plantes cultivees peuvent se croiser avec des especes sauvages apparentees. C’est notam- ment le cas du colza, de la betterave et de la chicoree en Europe ; pour ces trois especes, les phenomenes de flux de genes risquent d’etre im- portants 1421. La situation pourrait etre la meme pour le mai’s en Ame- rique et pour le riz en Asie, puisque

Tableau IV. Mecanismes possibles de la rksistance des ins&es aux delta-endotoxines de Et.

&ape du processus Nature du mkanisme R&Gstance croiske Rtkessivite’du caracthe Coiit d’intoxication affectie de rksistance ri d’autres endotoxines? de r&stance? biologique

Comportement alimentaire Modification des habitudes alimentaires Oui ? ?

Solubilisation du cristal Incapacite a solubiliser le cristal Oui Oui Eleve

Activation de la protoxine Absence d’activation Oui Oui Eleve ou surproteolyse Oui/non Non Bas/moyen

AC& a la cible Inhibition competitive Oui/non Non Bas/moyen

Fiiation de la toxine Changement de structure ou perte Oui/non Oui/non Bas/moyen sur son recepteur du recepteur

Formation du pore Absence d’insertion de la toxine Oui/non Oui ? dans la membrane

Destruction des cellules intestinales

D’apms DC Heckel, 1994.

Obstruction du pore emp&ha.nt la lyse Oui Non Bas

280 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR / actualites (1996) 7,4

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ces plantes coexistent avec des pa- rents sauvages. L’acquisition, par une ou des espPces naturelles, d’un gPne cry aurait pour conskquence premitire, d’accroitre la pression de Aection, notamment vis-A-vis des ravageurs polyphages. De plus, on peut penser que les 6-endotoxines produites par les plantes transgkni- ques sont dGgradkes moins rapide- ment que celles rkpandues lors de traitements classiques ; de ce fait, elles peuvent @tre consid&&es comme plus persistantes, ce qui ac- croit le risque de sklectionner des insectes rksistants rapidement. Par ailleurs, il est dhja possible de tirer quelques enseignements de la culture ti grande kchelle de plantes transgkniques exprimant des ggnes cry. Le cotonnier transgenique mis sur le march6 par Monsanto en 1996 n’a pas Gte aussi efficace que pr&u, en raison d’une forte pullulation d’kkliotis zea, l’une des trois especes de noctuelles qui provoque des d& gSts sur cotonnier. Pour expliquer cet &hec partiel, Monsanto kvoque des raisons climatiques, particuliti- rement favorables aux ravageurs. L’acquisition d’une rksistance B la toxine par les insectes n’est pas trPs credible car, clans tous les cas dkrits jusqu’a present, la rksistance n’ap- parait que lorsque les ravageurs sont soumis 5 une pression de sklec- tion forte et continue pendant au moins dix g&Grations. 11 reste l’hy- pothPse (non retenue par Monsan- to) d’une mauvaise expression de la toxine dans la plante (peut-@tre en raison des conditions climatiques extr$mement s&&es qui ont p&a- lu en 1996). La S-endotoxine ne se- rait alors pas synthetiske en quanti- tk suffisante pour obtenir un con- trijle efficace des ravageurs. Or, si seulement 80 % des insectes sont t&s, comme cela semble avoir &Ale cas, une telle situation pourrait con- sidkrablement favoriser la selection d’une population d’insectes r&is- tank En effet, les doses permettant d’obtenir 70 A 80 % de mortalit@ sont idkalement utilisees au labora- toire pour sklectionner rapidement des lignties r&istantes. La principale implication Ocologi- que lice & l’utilisation de plantes

transgeniques est done bien celle du developpement et de la vitesse d’apparition d’insectes rksistants aux gendotoxines de Bt.

n La histance des insectes aux Gendotoxines

La rksistance aux insecticides est un ph&nomGne normal d’adaptation des insectes. Elle repose sur une va- riabilitk gkktique de la population qui permet aux individus les mieux adapt& de survivre, lorsque les conditions environnementales changent. Les vitesses d’apparition ou d’kvolution de la rksistance peu- vent varier d’une espke B l’autre en fonction de facteurs g&Gtiques (fr& quence initiale ou nombre des all&- les (gPnes) de rkistance dans la po- pulation, dominance ou rkcessivitk du caractke de rkistance), physio- logiques (Mconditk de l’espke, nombre de gkkations annuelles, monogamie ou polygamie, etc) ou Gcologiques (monophagie ou poly- phagie, esp&e migratoire ou non, etc). La stabilitb de la resistance et son maintien 2 travers les gkkations en absence de pression de selection dkpendent, quant & eux, principale- ment du degrt? de dominance du ghne de rkistance (la dominance ou la rkessivitk est rarement totale) et du co& biologique de l’acquisition de la r&istance. En effet, l’acquisi- tion de la rksistance se traduit g&k- ralement par une diminution du potentiel biotique (Mconditk ou fer- tilitk moins grande). En absence de pression de sklection, les individus sensibles ou hkkozygotes se repro- duisent done plus, en moyenne, que les individus resistants et leur pro- portion augmente de g&Gration en g&&ration. Plusieurs facteurs semblent done jouer un r81e determinant dans le developpement et l’ktablissement de la kistance dans une popula- tion : - 1) la frkquence d’apparition de la ou des mutations confilrant la r&is- tance ; - 2) la frkquence initiale de I’all&le de resistance dans la population au

ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR / actualit& (7996) 7,4

moment oti la pression de shlection commence ; - 3) le caractkre de dominance ou de rkcessivitk de la mutation qui con- f&e la rksistance ; - 4) le cotit biologique de la r&is- tance ; - 5) le nombre de mutations n&es- saires pour conftker la rdsistance. Ces facteurs sont ktroitement inter- dkpendants puisqu’une mutation rare ou A fort dksavantage adaptatif en absence de pression de selection sera a priori, faiblement presente et/au disparaitra rapidement de la population dPs que la pression de selection disparaitra. De mGme, l’kvolution de la rksistance sera beaucoup plus lente si le caractke confkrant la rksistance est rkessif ou si plusieurs genes sont impli- q&s. La nature des mutations con- f&ant la rksistance et done leur va- leur adaptative, dependra en partie du mode d’action particulier de chaque produit insecticide, de la na- ture de la mokule cible et de la variktk et/au de la quantitk de pro- tkines de dktoxication que l’insecte est susceptible de produire. A l’heure actuelle, plusieurs cas de rksistance aux 6-endotoxines de Bt ont &k decrits et tStudi& [41]. 11 res- sort que le mkcanisme de rtkistance le plus frkquent concerne la modifi- cation du rkepteur specifique et parait sous le contr6le d’un seul gilne. Cependant, dans deux cas, des mkcanismes de rkistance non spkifiques ont et6 dkrits, dont l’un a &te elucidk et semble @tre lie & l/absence d/activation des F-endo- toxines par les protkases de I’insecte [331. Peu de don&es permettent de pr& voir quels autres mkcanismes de r& sistance les insectes pourraient d& velopper ; il est cependant possible d’envisager un certain nombre de mkcanismes de rksistance que les insectes pourraient mettre en ceu- w-e, et d’essayer d’estimer leur coQt biologique et leur degre de domi- nance ou de rkcessivitk (171 (ta- bleau IV). Une telle demarche est importante car elle va constituer la base sur laquelle vont s/&laborer les stratGgies visant A retarder ou mai- triser I/apparition de la rkistance.

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W StratCgies pr&onisCes pour retarder l’apparition de la rhistance

Elles reposent presque toutes sur l’observation que les caractitres de r& sistance sont rarement dominants et qu’ils ont un cotit biologique (dks- avantage adaptatif) en absence de pression de &lection ; elles s’ap- puient kgalement sur la g&&ique des populations, et plus particuliPre- ment sur divers travaux portant sur les aspects populationnels de la r&is- tance (intensite et rapidit des khan- ges g&-&tiques, flux de gPnes, migra- tion). 11 ressort done que si un certain nombre de conditions sont r&mies, un equilibre entre les alkles sensibles et les alleles resistants devrait s’ins- taurer et emp@cher le d&eloppement d’une population g&&iquement ho- mog&ne pour la rksistance. Le principal objectif (commun & toutes ces stratkgies) va done @tre de limiter la pression sklective exercke par la culture A grande khelle de plantes toxiques pour les insectes, afin de permettre A une partie de la population d’khapper & la sklec- tion et de prkerver des individus sensibles qui pourront diluer les g& nes de rksistance [l]. Un moyen d’y parvenir consisterait B placer les gPnes de F-endotoxines sous contrBle de promoteurs spki- fiques des tissus (gestion de l’ex- pression de la toxine dans l’espace) et de limiter ainsi l’expression de la toxine aux parties des plantes expo- @es B l’attaque. Une autre possibi- lit6 consisterait 6 utiliser des pro- moteurs inductibles par un x&no- biotique ou par une blessure (gestion de l’expression de la toxine dans le temps) afin de ne dkclencher la production de toxines qu’au mo- ment de l’attaque. La creation de zones refuge consti- tue, bien entendu, une stratkgie de choix, afin de prkserver des indivi- dus sensibles [161. Pour les insectes polyphages, des zones refuge exis- tent dkjB naturellement ; elles de- vraient permettre de maintenir la frkquence des g&es de resistance 2 un niveau relativement faible. Pour les insectes monophages ou pour les plantes transgkniques qui seront

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cultivees 21 trPs grande kchelle en monocultures, la creation de zones refuge & diffQents niveaux - parmi les diffkentes parties d’une m@me plante, parmi les plantes d’un mOme champ ou par l’implantation de cultures mixtes - devrait permet- tre la dilution des survivants des plantes transg&iques par croise- ment avec des insectes n’ayant pas Gtk en contact avec la toxine. 11 sera kgalement possible d’effectuer des rotations culturales avec d’autres plantes ou avec la m@me plante non transgenique. Un autre moyen de retarder l’appa- rition d’insectes rksistants consiste- rait h construire des plantes synthk tisant plusieurs Gendotoxines ou diffkentes protkines & propri&% insecticides mais dont les mkanis- mes d’action seraient distincts. Enfin, l’emploi d’autres moyens de lutte, biologiques ou chimiques, as- soci& A l’utilisation des plantes transgt!niques dans le cadre de pro- grammes de lutte intkgree est forte- ment recommandk. En effet, le cotit biologique de la rksistance peut ren- dre une population de ravageurs plus vulnkrable aux autres moyens de lutte, aux parasites et aux mala- dies ; une utilisation combinke et raisonnee de ces diffkrent moyens de lutte devrait, par conskquent, permettre de mieux contr6ler les ra- vageurs tout en limitant les risques d’apparition d’insectes rkistants.

W Surveiller l’apparition de la resistance

La mise en ceuvre de mesures pr& ventives, telles que celles que nous venons d’evoquer, est susceptible de retarder ou de limiter les pheno- mPnes de rkistance 21 ces produits, elles n’empkheront cependant pas l’apparition de populations d’insec- tes resistants. C’est pourquoi, des politiques de gestion de la r&is- tance sont actuellement en tours d’elaboration dans la plupart des pays qui se prkoccupent de ce pro- bkme, et notamment dans ceux concern& par l’accroissement pr& visible des surfaces cultivkes avec des plantes rksistantes aux insectes. Elles prkvoient g&Qalement la

mise en place d’un systPme de bio- vigilance destinb A suivre l’evolu- tion de la rksistance dans l’espace et dans le temps ; il s’agit de surveiller l’&olution, au tours du temps, de la sensibiliti! d’un ravageur 2 une 6-endotoxine de Bt. De meme, il est recommandk de sui- vre, en conditions naturelles, l’ex- pression de la toxine, au tours de la croissance de la plante, en relation avec la mortalite des insectes cibles. Une telle dkmarche permettrait de connaitre l’impact r&l des plantes transgkniques exprimant les Sendo- toxines sur les ravageurs. Elle per- mettrait aussi d’identifier les facteurs particuliers (conditions climatiques par exemple) susceptibles d/affecter les niveaux d’expression des gPnes de Gendotoxines et de valider les stratggies susceptibles de limiter ou de retarder l’apparition de popula- tions d’insectes tisistants. 11 est ggalement pr&u d’accorder une attention particulike aux plan- tes transgkniques interfkcondes avec les espkes spontankes. En ef- fet, si la gestion du dkveloppement de la rkistance reste possible dans le cas d’une plante cultivbe (il est par exemple prkconisk de ne plus utiliser la plante transggnique jus- qu’& ce que la frkquence de l’alkle de resistance soit redevenue faible), une telle maitrise devient improba- ble dans le cas oti la pression de sklection serait exercke par une es- p&e spontanee. De m@me, la cul- ture (probable), dans une m@me zone, de plusieurs plantes transgk- niques exprimant des &endotoxi- nes, est un sujet qui a particulikre- ment retenu l’attention des experts qui recommandent, dans une telle kventualitk, de veiller & la crkation de zones refuge de taille suffisante pour permettre 21 des individus sen- sibles de survivre et 21 la mise en place un systeme de dktection effi- cace de l’apparition de la rkistance, afin d’&-e en mesure d’intervenir trk rapidement pour empkher son extension si tel en etait le cas.

Conclusions L’augmentation de la production agricole mondiale est l’un des dkfis

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majeurs auxquels sera confronte notre societe au XXIe siecle. Elle de- pendra en grande partie de notre capacite a mettre en ceuvre des me- sures efficaces pour proteger les cultures contre les insectes nuisi- bles. En complement des pesticides chimiques, Bt et ses toxines insecti- cides sont un outil performant qui peut prendre une place de plus en plus importante dans les an&es a venir. 11 convient cependant de l’uti- liser de faGon raisonnee, afin d’evi- ter qu’une invasion d’insectes resis- tants ne le rende trop rapidement obsolete. Bien que Bt ait depuis longtemps montre son efficacite dans la lutte biologique contre les insectes, des am&orations peuvent encore @tre apportees. 11 s’agit de construire des toxines chimeres afin d’accroitre leur activite ou par exemple de con- tourner la resistance d’une lignee insectes ; il s’agit aussi de modifier les souches bacteriennes en vue d’elargir leur spectre d’activite ou d’ameliorer la persistance des toxi- nes dans l’environnement. La re- cherche de nouvelles toxines insec- ticides, chez Bt ou chez d’autres mi- cro-organismes, est aussi une voie qui peut fournir de nouvelles armes pour lutter contre les insectes nuisi- bles.

Remerciements Les auteurs tiennent a remercier Georges Rapoport, qui nous ac- cueille dans son laboratoire, pour I’interet qu’il a toujours temoigne pour notre travail. Nos remercie- ments vont aussi a Christine Dugast pour le temps qu’elle a consacre a la mise en page de ce manuscrit.

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