Alexandrins #7

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Issue number 7! I am proud to say that one of our articles (the front page one) got selected for a press competition called ASIA yay!

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Veuillez prendre un moment pour nous envoyer vos opinions sur ce numéro à notre adresse email: [email protected]

Bonne lecture!

SOMMAIRE

100 ans depuis le grand massacre intercontinen-tal qui a abattu les hommes, depuis ce terrible bilan qui s’élevait à plus de 16 millions de victimes. En commémoration du centenaire 14-18, le CDI a accepté de monter une petite exposition de publica-tions autour du thème de la Première Guerre Mondiale, notamment de périodiques et de livres. Ces derniers, en plus de vous renseigner sur le sujet que nous abordons, vous feront redécouvrir la guerre à travers les yeux d’un jeune soldat par le genre romanesque, ou sous la plume d’un homme d’Etat, De Gaulle… Bien que la France ait été belligérante dans cette guerre, les élèves exhalent un calme blasé, comme face à un événement insignifiant. 14-18 évoque pour la plupart d’entre nous une image floue. Connaissons-nous vraiment les multiples causes aboutissant à cet événement ? Que savez-vous exactement sur l’Impérialisme, sur l’assassinat de Sarajevo ?Cette période constitue depuis longtemps un des thèmes majeurs du programme d’Histoire en 3ème, mais les élèves semblent se contenter trop facilement de cette étude superficielle, qui ne présente qu’une infime partie de toutes les batailles, tous les personnages, toutes les causes et les conséquences qui sont reliés à la Grande Guerre. Le Vietnam fut une ressource humaine également pour la France durant la guerre, et peu s’imaginent que cela constitua un des déclencheurs du mouvement révolutionnaire anticolonialiste. Plusieurs pays depuis l’année dernière préparent cette commémoration : la France par l’intermédiaire de plus de 1500 expositions, l’Allemagne qui envisage une cérémonie réunissant les présidents français et allemand, plusieurs cérémonies de dépôts de gerbes seront réalisées marquant les dates des batailles clés en Angleterre, le Festival du Film à Venise prévoit la sortie d’un film portant sur la Grande Guerre… La BBC projette la réalisation d’un documentaire – leur plus ambitieux à cette date, car il s’étend sur quatre années – s’adaptant à toutes les tranches d’âge de leurs spectateurs, et englobant les problématiques principales, les témoignages individuels construisant différents points de vue. L’exposition au CDI n’est pas une compilation exhaustive de documentation sur la Première Guerre Mondiale, mais elle vous offre un autre regard sur ce moment marquant de l’Histoire.

Source : The Guardian / BBC

U n m o t d e l a p a r t d e s r é d a c t r i c e s - e n - c h e f

Equipe rédactrice : Lucie Ménage, Tran Thanh Mai, Le Hoang Bao Khanh, Morgane Bocquet, Martin Boulo, Vu Yen Ba, Nguyen Phuong Thao, Brewen-Hai LePort, Sophie Tabet, Benjamin Delsinne, Nguyen Minh Anh, Nguyen Vuong Mai Equipe de maquettistes : Nguyen Hong Ha, Bui Le Huy, Nguyen Do Quyen, , Le Nguyen Phong Equipe de photographes : Hoang Nguyen Khanh Linh, Gopala Reeshva Neesha, , Hoang Thuy Trang, Doan Chan May Avec la participation de Juliet Tabet

LFAY Castes indiennes Profil de M. Vargin 04| Le Projet Prom 05| Le langue-a-langue des chiens de roche 06| Notre avantage compétitif

Hanoi 07| A quel point le voulez- vous? 08| Une fête flétrie

Le monde

09| Quand il est question du Retard... 10| C’est juste une table après tout

Responsables de publication: Rédactrices en chef : To Thu Phuong et Ngo Huong Giang Philippe LeBadezet Thierry Cadart Brice Lequeux

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LFAY

Le système de castes engendre-t-il une certaine forme de racisme? Interpellée par plusieurs faits divers contre les femmes et les minorités en Inde (agression mortelle début février 2014 de Nido Tania, un étudiant originaire de l'Arunachal Pradesh, pour le seul motif qu’il était « différent »), j’ai voulu me renseigner sur la société indienne, que je croyais profondément tolérante, démocratique et égalitaire. En réalité, elle est très hiérarchisée et fortement inégalitaire. Les Indiens appartiennent à des groupes et sous-groupes en fonction de leur profession, de leur « pureté » et de leur naissance. Cela occasionne des discriminations sociales car les classes inférieures disposent de beaucoup moins de droits.

La pyramide à quatre étages du système de Varna provient de l’Hindouisme. Nous retrouvons au sommet de la hiérarchie la caste des brahmanes (prêtres), puis la Ksatriya (guerriers), la Vaisya (commerçants), et enfin la Sûdra (le reste du peuple, donc les serviteurs). Les Dalits (intouchables), considérés comme « impurs » par les travails qu’ils exercent

(en relation avec la Mort et le sang), ne peuvent y figurer et se situent en dehors du système. Chaque caste est constituée de sous-castes (Jati), qui se transmettent héréditairement. Une personne naissant dans une caste ne peut en changer, et se marie généralement dans cette même caste. Les comportements et les manières de vivre, comme son alimentation, se rapportent à sa condition sociale. L’accès aux soins, à l’éducation et aux emplois est limité. Ce qui fait que les classes inférieures resteront dans la misère de génération en génération. Durant mon voyage en Inde, j’ai vu des centaines de personnes misérables vivant dans la rue : des vieillards dormir à même le sol dans des ruelles sinistres alors que la température extérieure était de 10°, des enfants et des femmes effectuant des travaux pénible de cantonniers au milieu des routes pour récolter un peu d’argent.

Même si la loi nationale a aboli les castes en 1951, le système perdure et les Indiens trouvent normal de maintenir cette situation. Une prise de conscience semble cependant émerger depuis quelques jours, sous l’impulsion d’étudiants de New Delhi. Ils manifestent sous la bannière « Wake up » (Réveillez-vous), pour s’opposer au racisme ordi-­naire. Les langues se délient dans le but de dénoncer les atteintes contre les habitants des provinces périphériques. Ceux-ci sont fréquemment harcelés, maltraités et humiliés dans la capitale. Par exemple, les habi-tants du Nord-Est sont moqués en permanence dans les rues d’Inde. Ils sont traités de «Chinkis mangeur de nouilles» ou encore de «Jacky Chan». Espérons que les mentalités changeront !

- Sophie Tabet-

Vieille femme mendiante à New Delhi Photo: Julie Tabet

Depuis le 5 septembre 2013, il navigue entre la masse des élèves qui lui arrivent à peine aux épaules dans les couloirs du lycée. Il ne manque jamais de sourire ; la sympathie semble émaner de lui par vagues. Les murmures s’élèvent rapidement et voyagent entre les classes à la vitesse de la lumière : qui est-t-il ?

Bonjour ! Pour commencer, pouvez-vous vous présenter en quelques mots? Baptiste Vargin, enseignant de physique

chimie à l’origine, pas de mathématiques, mais par contre cela fait plusieurs années que j’enseigne cette matière. J’ai fait des études de mathématiques, une prépa notamment, mais j’ai découvert que les sciences étaient aussi très sympathiques.

Pourquoi ce changement ? Au lycée, on m’a dit que j’avais un profil pour faire une école d’ingénieur donc j’ai suivi ce chemin là. En même temps, je travaillais l’été avec des enfants et des adolescents, notamment avec les « Petits Débrouillards », qui est une association où on découvre les sciences de manière ludique. Et ça m’a vraiment intéressé, ce côté de l’enseigne-­ment qui est de partager le savoir et partager ce qui me plaît. J’étais aussi intéressé par l’expérimentation. Du coup, j’ai décidé de laisser les mathématiques de côté, qui étaient pour moi un peu trop abstraites, et de partir plutôt vers le côté expérimental.

En tant que professeur, comment vous décrivez-vous ? Je ne pense pas être sévère. Je trouve qu’au Vietnam, les élèves sont quand même travailleurs et plutôt sympathiques. Après, j’essaye de respecter les règles qu’on a mises en place ensemble et que tout se passe pour le mieux. Je devrais toutefois commencer à dire que mon caractère change aussi vis-à-vis des classes que j’ai. Avec une classe qui est sympathique, qui veut travailler et qui comprend quand il faut s’ar-­rêter de rigoler, j’ai tendance à être beaucoup plus ouvert.

Aimiez-vous étudier quand vous étiez jeune ? J’étais très mauvais au collège (rires). Par contre, c’est au lycée que je suis tombé sur des enseignants qui m’ont fait aimer les disciplines, particulièrement les sciences. C’est justement là, que je me suis rendu compte que pour la discipline, c’est important de l’apprécier. Mais il y a tellement de manières de la découvrir, il faut trouver la bonne, celle qui donnera envie à l’élève de travailler.

Outre les sciences et les mathématiques, avez-vous des passe-temps ? Je joue de la musique, du violoncelle… et pas mal d’escalade. Il y a un club d’escalade pour les élèves et d’ailleurs, si cela peut paraître dans le journal, ce serait chouette… (rires). Je fais aussi d’autres sports. Je fais du parapente, mais pas ici. Je pratique aussi un peu la danse de couple.

Est-ce votre première fois en Asie ? C’est la première fois que je viens au Vietnam ; par contre ce n’est pas ma première fois en Asie. J’ai travaillé aussi en Finlande deux ans, j’étais aussi en Nouvelle-Zélande un an.

Voilà une première ébauche du portrait de M. Vargin. Il a eu une épiphanie au lycée sur l’art de l’enseignement. Passionné des sciences et des mathématiques (ce mot apparaît cinq fois en trois phrases !), il cache d’autres loisirs bien différents. Discuter du théorème de Pythagore en escaladant peut s’avérer être une expérience inoubliable !

- Le Hoang Bao Khanh -

Les 2ndes en cours de maths de M. Vargin

3 Un œil à l’intérieur

Qui est

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LFAY

U ne ascension rapide des LFAYiens sur les

échelons du contrôle de la vie des élèves

est attendue cette année. A l’image des Talents d’Alex, du club journal

Alexandrins, puis du club de Modèle des Nations Unies, un

comité d’organisation du bal de promotion a récemment vu le jour. Constitué d’élèves de la Seconde à la Terminale, il prévoit la réalisation d’un bal en juin, se joignant ainsi à la vague déferlant sur la passivité du LFAY.

Il s’agit de l’idée d’une Première, Romane Lemaire de Mil : «Ce prom est important pour moi car c’est un événement qui m’a marqué à Doha, et que j’aimerais transmettre et partager avec d’autres. » Que nous quittions l’école immergés dans de bons souvenirs ou en éprouvant un soulagement de post-traumatisme, il est tout à fait acceptable de célébrer la réalisation de cet exploit

avec un bal. Cette perspective n’a pas pu être présentée au CVL, à cause d’un manque de préparation de la part des élèves et reste en suspens. Désillusion temporaire générale de la part des élèves car

ceux-ci ont cru pouvoir obtenir le soutien – financier

principalement – de l’établissement. Ce genre d’événe-­ment marque « un saut dans les études supérieures », selon Kieu My

Dang, membre du comité, et élève de Terminale, parlant au

nom de l’ensemble de ses camarades. Pour l’instant, l’équipe orga-­nisatrice du projet est détachée de la direction et de la vie scolaire

du LFAY.

Mardi 28 janvier : l’occasion pour eux de concevoir une ébauche. S’ils souhaitent recevoir des aides au financement, un dossier organisé et détaillé doit être impérativement réalisé pour

attirer les sponsors. En effet ceux-ci s’intéressent à la cause de l’événement et son ampleur, c'est-à-dire à l’impact d’un tel évènement pour leur image. Le sponsoring constituera

inévitablement la source financière majeure dans ce dessein, et par

conséquent, est traité en priorité. Afin de construire ce dossier, les

élèves ont abordé plusieurs points préliminaires.

Exploiter ses propres ressources Tout d’abord, ils ont attaqué le côté divertissement et

les activités pendant le bal : « Pas de repas pendant le prom. On

peut juste apporter de petits snacks et boissons », a affirmé Bui

Thi Thu Doai, élève de 2nde. A priori, les repas individuels élèveraient les coûts d’une vingtaine de millions de VND, un buffet avec des amuse-gueules s’avère donc préférable.

Ensuite, en ce qui concerne la musique, les élèves ont

préféré ne pas verser une trop grande somme d’argent dans cette partie. Ils comptent faire appel à des DJs de « l’intérieur ». M.

Barre, professeur de physique chimie, se trouve parmi les

candidats potentiels ! Cependant, l’embauche d’un DJ profession-­nel est tout aussi probable.

Il en va de même pour les photographes de la soirée. « Il

y a plein de gens à l’école » qui possèdent des appareils photo de

bonne qualité, a remarqué Nhi Hoang, en 1ère. Puis s’ensuit le problème de la location et les conditions

qui lui sont rattachées. Le facteur de l’endroit du bal détermine évidemment le succès de ce projet, car plus la location se fait dans

un endroit facilement accessible et proche de l’établissement, plus il y a aura de monde. D’autant plus que les effectifs contribueront à la recherche de sponsors. La sécurité est aussi prise en compte,

comme Kieu My Dang, en Terminale, l’a plaidé « Il faut qu’il y ait des gardiens ». En outre, le comité a décidé de ne servir aucune

forme de boissons alcooliques aux élèves. Cela va de soi lorsqu’il est question d’évènements sans supervision de personnels de l’école, ni de parents.

Une implication enthousiaste de tous Un sondage réalisé par les Alexandrins indique que cette

initiative est généralement reçue positivement, quoiqu’une personne sur dix a répondu « contre », à la question de savoir si

elles sont en faveur de la mise en place d’un prom. Néanmoins, le comité envisage l’achèvement du dossier avec réitération de la présentation du projet au CVL le 25 février.

Pour l’instant, grâce à ses relations, le comité est sur la piste de plusieurs sponsors, tels que la glacerie Fanny,

l’Ambassade française, des associations universitaires avec contre-­partie…

C’est pourquoi, l’équipe organisatrice en ce moment fait appel à la générosité des élèves du LFAY, qui peuvent soutenir le

projet en :

- partageant cet article avec les amis, les parents …

- apportant une aide financière sous forme de dons/mécénat/

sponsoring

- participant à d’éventuels événements de collecte de fonds : des

stands de crêpes, de gâteaux au LFAY/à UNIS/dans la ville, des

vides greniers… sont envisageables. - s’inscrivant pour les postes de DJs et de photographes officiels.

- Ngo Huong Giang -

rom

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Le P rojet La première option pour le lieu de réception: Thanh Cong palace

Photo par Dang Quynh Huong

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LFAY

Le langue à langue des chiens de roche

A près un voyage à travers les contes et le merveilleux, les élèves de l’option théâtre sont plongés, cette année, dans l’univers contempo-­rain du dramaturge québécois Daniel Danis,

qui dès les années 1990 est reconnu comme écrivain, après avoir remporté trois prix auprès du Gouverneur général du Canada.

Promu « chevalier des arts et des lettres de la République française » en 2000 ce dramaturge a écrit de nombreuses pièces et remporté de nombreux honneurs. L’option théâtre, après avoir longuement hésité entre quatre œuvres, a finalement opté pour une pièce de ce dramaturge appelé Le langue-à-langue des chiens de roche, titre qui vous semble peut être abstrait voire insensé. Pour ce qui est de l’histoire de cette pièce, je souhaite rester très discrète et ne pas vous en dire davantage, afin de vous laisser découvrir la magie de notre spectacle les 25 et 26 mars à 20 heures sur la scène de l’Institut français de Hanoi, l’Espace.

Afin de vous préparer un spectacle qu’on espère inoubliable, l’option a dû s’accrocher et suivre un rythme intense de découverte de textes, tous d’auteurs différents, de choix, d’exercice et de concentration que je citerai plus bas.

Jouer un rôle n’est pas forcément évident ou facile, cela demande énormément de travail. Connaitre son texte par cœur et apprendre une gestuelle exigent un travail de mémorisation important. Jouer sur scène devant une centaine de personne permet de vaincre sa timidité. Le théâtre n’est peut-être qu’une option au

lycée mais il s’avère qu’il ne permet pas seulement de gagner quelques points supplémentaires pour une mention à l’épreuve du baccalauréat. Le théâtre est ici une rencontre et un échange entre les trois classes du secondaire tous les mercredis pendant trois heures qui improvisent et montent ensemble un spectacle à l’intention de la communauté française de Hanoi. Le théâtre est un moyen d’évasion, de fuir le stress que nous subissons à l’approche du baccalauréat ou d’autres examens, mais il est aussi le lieu de l’improvisation, celui où

l’on peut incarner un nombre infini de rôles ou de personnages.

Chaque année, notre objectif reste le même, celui d’exploiter notre potentiel afin de devenir un meilleur acteur. Notre progression est accompagnée d’exercices quotidiens de respiration, de voix, de maîtrise de l’espace et de concentration puis d’improvisation, exercice qui demande une coordination collective, une concentration minu-tieuse et de l’originalité. Mais cela suffit-il pour être un bon acteur ?

Bien sûr que non. C’est avant tout un art et comme tout artiste qui se respecte, l’apogée de la carrière d’un artiste se trouve dans ses œuvres, et c’est ce que nous vous proposons avec le spectacle de fin d’année. Donner la définition d’un bon acteur, c’est comme donner celle d’un bon artiste, c’est impossible car l’art est infini.

Après avoir finalement choisi la pièce du dramaturge Daniel Danis, des heures entières ont été consacrées à la mise en place de ce spectacle. Les rôles ont été distribués par paires entre les terminales et les premières. Les secondes joueront également pour apporter plus de contenu en rapport avec la pièce sous forme d’improvisations et de petites scènes additionnelles. Cela permettra d’ajouter une dimension comique ou caricaturale à notre représentation. Avec l’aide de nos encadrants bienveillants mais non moins pédagogues M. Loggia et Marianne, nos répétitions sont intenses et le jour J avance à grands pas.

Vous découvrirez très bientôt dans le hall du lycée ainsi que sur le site officiel du lycée l’affiche de notre spectacle et notre trailer. Ceux-ci vous conduiront dans l’univers d’une petite fille très solitaire nommée Djoukie dont la vie est partagée entre sa mère Joëlle et Déesse, la libertine et qui va particulièrement changer suite à la rencontre de Nikki, un jeune garçon qui ne demande qu’à être aimé comme vous.

- Morgane Bocquet -

« Un party rage sur la rive en fin de semaine »

Réplique de Charles, Deuxième vague

« C’est commencé Coyote, le monde est arrivé »

Réplique de Charles, Septième Vague

Les élèves de 2nde avec la comédienne professionelle Marianne Seguin

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Photo par Doan Chan May

Photo par Doan Chan May

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LFAY6

Pouvez-vous vous présenter en quelques phrases ? Je m’appelle Arnaud, j’ai 22 ans, je suis étudiant en France en école de commerce et je suis le secrétaire général de l’association « Terre de Talents ». J’ai pris une année off dans mes études pour pouvoir conduire ce projet.

En quoi consiste cette association ? C’est une association qui a été créée en 2003 par des étudiants en école de commerce qui se sont rendus compte que les lycéens, de façon générale, étaient assez peu formés à une épreuve, qui est l’entretien de personnalité. Ce n’est pas vraiment un enseignement, c’est plutôt un partage d’expérience. On a très peu souvent l’occasion d’avoir un exercice ”pour du beurre”, et c’est génial de pouvoir mettre en place un pont entre les étudiants et les élèves. D’autre part, les étudiants, outre les techniques simples de l’entretien de personnalité, peuvent également partager leur expérience sur les études en France.

Quels étaient les critères du choix des pays où vous vous rendez ? Déjà, il faut que le lycée français soit de taille relativement importante. Il faut pouvoir profiter de notre nom pour essayer de faire passer le plus d’élèves. Le deuxième critère ; j’essaye de choisir des lycées dans lesquels Terre de Talents était déjà connue. L’administration, qui connaît le projet, est assez demandeuse. Un troisième critère est le calendrier scolaire. On a également essayé de choisir des lycées dans des pays qui sont assez loin d’Europe. Du coup, l’impact de notre partage d’expérience en tant qu’étudiants français est d’autant plus important. On avait également choisi des pays qui nous intéressaient culturellement, des pays en

pleine croissance, en pleine effervescence. Le Viet Nam, par exemple, personne ne le connaissait dans notre équipe.

En ce qui concerne le CV, pensez-vous que l’aspect compétitif soit essentiel ? J’aurais tendance à dire que de vos études au lycée vont dépendre les choix d’orientation que vous allez faire. Plus l’équipe pédagogique est tournée vers un niveau d’excellence, plus vous allez aspirer à faire des études de bonne qualité, qui seront suivies d’un emploi de bon niveau. Le gros avantage que vous avez ici, c’est d’avoir des profils internationaux.

Pensez-vous que tout cela met trop de pression sur les élèves ? Non, je ne pense pas. Ici, il existe un cadre de vie plus relaxant, plus détendu qu’à Paris, où le contexte du pays fait que tout le monde est un peu plus préoccupé pour diverses raisons. Ici, je dirais que les élèves sont conscients de leur potentiel, ont l’air plutôt détendus dans le bon sens, prenant les étapes sans trop de stress.

Comment définiriez-vous la particularité des élèves du LFAY ? C’est une bonne question. La particularité, je dirais, en tout cas, est l’accessibilité. Les élèves sont ouverts, venaient nous voir et déjeuner avec nous. Le contact est plus facile qu’avec les élèves de Hong Kong, où les règles administratives sont plus marquées. Autre particularité : beaucoup d’élèves vietnamiens ont un profil différent même s’ils parlent très bien le français. Ils ont toujours vécu au Viet Nam avec des parents vietnamiens. Ils n’ont pas la même vision des choses, des études, ce qui est une grande richesse pour nous de pouvoir discuter avec ces élèves, qui sont souvent intéressés par des études en France, mais qui n’ont pas beaucoup d’informations parce que, par exemple, leurs familles ne peuvent pas offrir des opportunités.

Nous voudrions remercier l’équipe de Terre de Talents et M.Mottier.

- Nguyen Minh Anh -- Nguyen Phuong Thao -

Notre avantage compétitifNous avons eu la chance de réaliser un entretien avec M. Arnaud Vendroux, l’un des étudiants venus au LFAY pendant la semaine du 17 au 22 février, dans le cadre d’un stage organisé par la Fédération Terre de Talents de 2014. Actuellement à Phnom Penh, ils parcourront sept lycées français à l’étranger en tout, jusqu’au mois d’août.

M. Arnaud Vendroux répond à nos questions

© Hoang Nguyen Khanh Linh

© Hoang Nguyen Khanh Linh

L’équipe Terre de Talents 2014

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HANOI7

L’après-midi du 14 février, je suis assise dans un café du quartier où doit avoir lieu mon rendez-vous avec une jeune fille. A la minute près, (il est important de remarquer sa ponctualité) exactement à 5h30, cartable sur le dos, se présente devant moi, Linh*, étudiante au lycée Hanoi-Amsterdam. Tout de suite, le nom sonne aux oreilles des parents, de même que chez les élèves : c’est une institution prestigieuse et de qualité, un des meilleurs établissements dans le programme éducatif vietnamien à Hanoi. La réputation de cette jeune ambitieuse atteint même quelques élèves de notre lycée. Issue de la division spécialisée « Anglais 1 » (Au sein du lycée Hanoi-Amsterdam, il existe des classes spécialisées, dont Anglais 1, regroupant les « élites » dans cette langue), la jeune adolescente participe aussi à plusieurs clubs extrascolaires : le GHA (Green Hanoi-Amsterdam), une organisation composée des élèves du lycée Hanoi-Amsterdam pour le développement durable et la protection de l’environnement) dont elle fait partie depuis l’année dernière ; le Y.O (Youth Orientation) un club d’orientation pour les élèves dans tout Hanoi dont elle occupe actuellement la position de présidente. D’ailleurs, elle assure également la fonction de metteuse en scène d’une pièce de théâtre collective de sa classe.

En dehors de ces activités associatives, elle prépare son examen de S.A.T (examen standard pour l’admission aux universités aux Etats-Unis). Ce test repose sur trois sujets différents en Anglais : écriture, lecture et compréhension et les mathématiques, le tout sur 2400 points. La majorité de la classe a pour objectif l’obtention d’un score de plus de 2300, sachant que certaines universités de l’ « Ivy League » n’exigent qu’un score supérieur à 2100. Les résultats du test à blanc sont sortis la semaine dernière avec au sommet, un bulletin impressionnant de 2320 points sur 2400 ; le nombre de points que Linh a accumulé n’est pas loin

Malgré tous ses accomplissements mondains, elle est timide et modeste dans ses réponses. « La principale source de stress n’est pas nos professeurs, mais nos camarades », m’avoua Linh en prenant une gorgée de sa boisson caféinée. Évidemment, la force moteur des élèves de son lycée en général et plus particulièrement de la division Anglais 1 – ou la classe à une « moyenne générale d’au-dessus de 9,0 sur 10 » – consiste principalement en une compétition féroce entre élèves. D’autre part, ils subissent la pression venant des parents. Certains élèves gardent leur CV, leurs dossiers d’admission aux études supérieures et même l’endroit de celles-ci confidentiels, pour éviter l’humiliation qui les suivrait s’ils échouent.

L’ambition mène inévitablement à un certain esprit de concurrence : « Il faut trancher pour avancer » nous dit-on souvent. Mais où peut-on tracer la limite entre une ambition saine, bénéfique et qui nous motive et une ambition qui aboutit à une forte et grincheuse compétition ? D’après Linh, « l’ambition est une bonne chose ».

Bien que la situation au lycée Hanoi-Amsterdam ne s’applique pas à 100% à celle de notre établissement, l’ambition n’est certainement pas une chose qui manque dans l’esprit de nos élèves. Aujourd’hui, pour rentrer dans certaines universités, on attend des élèves rien de moins qu’une solution à la paix mondiale. La flamme ambitieuse est alors indispensable pour réussir sa vie ou au moins, pour arriver quelque peu à le faire. Avec la dynamisation récente de la vie lycéenne (exemples chronologiques : création du club journal, création du club MUN, initiation au projet du bal de promotion, etc…), on peut s’interroger sur le rôle que joue le remplissage du CV et l’importance de ce dernier dans l’implication des élèves dans ces activités extra-scolaires.

A quel point le voulez-vous?

Le désir d’être le meilleur : est-ce pour assurer son propre avenir, ou peut être s’agit-il d’une recherche plus personnelle ? Une psychologie des foules ? Peu importe son origine, l’ambition est quelque chose que nous possédons tous et qui est une véritable force gravitationnelle qui nous attire vers un certain objectif. Une seule question demeure : à quel point le voulons-nous ?

© To Thu Phuong

Linh prend la parole au cours d’une séance du club de Youth Orientation.

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HANOI8 Selon Arnaud Vendroux de l’association Terre de Talents, notre ambition est conditionnée par nos enseignants et notre entourage. La seule différence se trouve dans le profil des élèves des deux lycées : au lycée Hanoi-Amsterdam, on fait face à un niveau académique d’excellence alors que les LFAYiens bénéficient d’une ouverture internationale.

Avant de partir, Linh apporte une dernière réponse assez surprenante: « Avant, je voulais faire des études de pharmacie, mais ensuite j’ai opté pour une filière qui n’a rien à voir, c’est-à-dire des études d’histoire. Bref, mon projet pour le futur est très flou. » Malgré le fait qu’elle soit un des cinq vietnamiens choisis pour la bourse ASSIST, elle est dépourvue d’une idée claire du métier qu’elle souhaite exercer dans l’avenir.

Avec un objectif concret et une orientation bien définie, l’ambition prend le rôle de l’œillère qui vous fixe droit devant

votre chemin et vous permet de vous concentrer sur votre but. Ce dernier n’est pas entièrement mauvais si votre terminus est vraiment votre désir principal et l’est comme vous le percevez. Mais si ce n’est pas le cas, alors vous vous retrouverez démuni. D’ailleurs êtes-vous prêt à rejeter tout ce qui n’est pas utile à votre objectif final pour suivre votre chemin jusqu’au bout ? Et toutes les autres voies qui peuvent être plus intéressantes pour vous ?

Finalement, à quel point le voulez-vous ?

*Le nom de l’interviewée a été modifié.

- To Thu Phuong -

Le pavé de la rue Lac Long Quan est encombré le 31 janvier, dernier jour de l’année du Serpent. Alors que les pots de pêchers vendus le long de la route sont devenus un peu plus rares, les branches inusables, dont les feuilles sont fripées, ne cessent de se multiplier. Jonchant le sol, elles obligent les piétons à se frayer un chemin adroitement. Nombreux sont ceux qui trébuchent. Peu importe que ces branches de pêcher fussent, il n’y a pas si longtemps, encore des objets désirables pour le Têt. Dans leur état actuel, usées et vieilles, elles ne servent plus. Elles sont alors abandonnées pitoyablement par les vendeurs de Têt, qui se sont débattus depuis le début du mois en vain pour les vendre.

Indispensable pêcher Le Têt, sans doute la fête la plus importante de l’année au Vietnam, exige de nombreuses préparations. Pour souhaiter la bienvenue au nouvel an, mieux vaut avoir un arbre fleuri dans sa maison. Un pêcher est le choix par excellence au Nord du Vietnam. D’où une vente annuelle très intense des pêchers à Hanoi. Dans la zone de Nhat Tan, l’une des trois zones principde vente de pêchers, les trottoirs, d’habitude d’un gris maussade, se

teignent de rose tout le long de la route Lac Long Quan jusqu’à Au Co. Une multitude de marchands s’y installent, choisissant le pavé comme territoire pour leurs boutiques temporaires. La vente commence très tôt, jusqu’à vingt jours avant le Nouvel An. Les plantes sont nombreuses alors que le trottoir est petit. « Je n’ai pu m’installer ici pour vendre mes pêchers que depuis le 24, se plaint une vendeuse sur le bord de la route Lac Long Quan. On ne me cédait pas de la place. »

3���Ô���pÓ����DDDLe Têt vient de s’achever. Terminés, les enveloppes rouges, le marathon de banh chung, et bien sûr, l’exhibition de fleurs de pêcher. Malgré l’enthousiasme autour de l’achat de ces arbres fleuris, on peut néanmoins se demander où vont les plantes délaissées, celles qui ne retrouvent pas de foyer pour le Nouvel An. Reportage à Nhat Tan, zone aussi appelée « Jardin des Pêchers ».

© Vu Yen Ba�ǯ����Ø�±ǡ�����������������������²�����ƪ�����Ǣ�de l’autre, des branches abîmées et jetées.

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Mais la vente la plus intense se situe sans aucun doute au grand carrefour entre Lac Long Quan et Nguyen Hoang Ton, autour du Comité Populaire de Tây Hô. Des marchands tiennent d’énormes branches de pêcher dans leurs deux mains, criant fort pour attirer les clients. Motos et piétons se faufilent au milieu de l’entassement de gens et d’arbres pour trouver une belle plante à un prix acceptable. Les pétales s’amassent sur la route. Toutefois, si les clients abondent dans ce petit marché, les trottoirs tout le long de Lac Long Quan abondent plus en vendeurs et en plantes qu’en clients. Assis sur leurs petites chaises plastiques, les vendeurs baillent. Une moto ou deux s’arrêtent de temps en temps pour regarder les fleurs, puis repartent. La vente est lente.

Surplus à décharger 30 janvier : le dernier jour de l’année du Serpent, et le dernier jour aussi pour que les vendeurs se débarrassent de leurs marchandises. Mais l’enthousiasme manque chez les clients ; les trottoirs abondent encore de pêchers. « C’est triste! , s’exclame Lan, résidente du quartier. Il y a plusieurs années, c’était difficile d’acheter des pêchers entiers avant le Têt parce qu’ils étaient déjà tous vendus. Maintenant, personne ne semble vouloir les acheter… »

En effet, Huong, vendeuse de pêchers, reste assise dans sa chaise, les yeux fixés sur la route depuis un bon moment. Pas de clients à accueillir. « La vente est lente cette année, admet-elle. Mais c’est le cas pour tous les produits, et pas seulement les pêchers. » Elle restera ici jusqu’à 10h du soir pour tenter de trouver les derniers clients. Ensuite, les plantes restantes seront retournées aux jardins de Nhat Tan ou Phu Thuong pour être replantées et vendues de nouveau l’an prochain.

Mais ce retour des pêchers en surplus s’avère difficile à réaliser pour les vendeurs dont le stock est plus important, qui se retrouvent avec plusieurs douzaines de pêchers non vendus. Ces marchands louent un camion qui roule après 22h, servant les tout derniers clients qui se décident à acheter une plante juste avant le réveillon. Une tentative pour réduire au maximum le surplus. Sinon, les terrains inoccupés dans le quartier – un bout de terre dans le jardin public, un carré vide

où on ne construit pas encore de maison – sont transformés en lieu de stockage pour des pots de pêcher, qu’on ne récupérera que 15 jours après le Nouvel An, en attendant que leurs fleurs fanent.

Débris d’une vente qui va mal Pourtant, le nettoyage n’est pas toujours aussi bien mené. Les pêchers rangés géométriquement dans les terrains vides, les pêchers qu’on replantera, sont des pêchers entiers, propres et sains malgré le pullulement de gens autour d’eux pendant les derniers jours de l’année. D’autres plantes abîmées, ainsi que des branches de pêchers qu’on a essayé en vain de vendre, sont bien sûr impossibles à planter de nouveau. Ces débris se retrouvent alors dispersés par terre, salement, la veille du Nouvel An.

« Ils jettent encore leurs ordures partout, ces vendeurs !, s’exclame Van, une éboueuse. Chaque année, c’est la même chose, j’ai la rue entière à balayer et à nettoyer la veille du Nouvel An. » Elle montre du doigt les branches de pêchers délaissées, minablement enroulées dans la boue du sol. « Nos charrettes sont pleines de pêchers ces jours-ci, » ajoute son collègue. En effet, à côté de lui, des fleurs de pêcher fripées sont fourrées dans les charrettes, avant qu’on ne décharge le tout dans de gros camions. Les fleurs se retrouvent enfouies sous mille autres ordures.

Malgré le nombre de branches jetées de côté par les marchands pendant toute la journée de vente, les éboueurs travaillent assidument. À 23h, on peut se promener sur le trottoir sans trébucher sur des branches d’arbre. Il y a de l’eau ; le pavé a été arrosé et lavé, fruit d’un travail conséquent et épuisant des éboueurs. « Chaque année, je ne rentre chez moi que 15 minutes avant le réveillon, » raconte Van. Evidemment, pas assez de temps pour réaliser toutes les préparations que les Vietnamiens ont coutume de faire.

- Vu Yen Ba -

© Vu Yen Ba

© Vu Yen Ba

D’emcombrantes buissons à éliminer

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HANOI

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LE MONDE

Photo  par  Huong  Giang  Ngo  

Quand il est question du

Il nous arrive d'être bien occupé par nos affaires lorsqu'une question surgit soudain : « Sommes-nous en retard ? » Ceci dit, vous savez sans doute que le retard est une notion relative au temps que nous pouvons tous discerner de façon plus ou moins identique. Une limite serait fixée, et nous aurions tout le temps avant ce délai afin d'arriver à atteindre l'objectif en question.

ien qu'en étant conscients de la chose, ce n'est pas pour autant que cela nous empêche de n’en faire qu'à notre tête. En effet, le temps s'écoule bien de la même façon pour tous sans exception. Après, cela dépend surtout de l'activité de notre cerveau en ce qui concerne notre propre perception du temps. Il peut se relâcher, se concentrer sur autre chose, ou simplement se déconnecter totalement de votre corps. Pour

tous ceux qui ont un emploi du temps à respecter, ce n'est pas toujours facile, et la procrastination n'est pas une activité régulière à conseiller. Pour tous ceux qui n'en ont pas, il leur est difficile de s'imaginer en train d'anticiper chaque tâche à faire dans la journée. Dormir et manger, il s'agit peut-être de la chose qu'ils font régulièrement chez eux. Le temps est comme une bouée à laquelle nous nous accrochons en pleine mer. Elle nous empêche de tomber en déperdition et de perdre nos repères, mais en même temps on en reste prisonnier, car bien malheureusement on a oublié comment nager correctement. S'il y a bien une catégorie de personnes à admirer, ce sont les gens qui arrivent à gérer leur petit monde sans se tenir au courant de leur emploi du temps. Ils s'organisent, mènent des réflexions moins portées vers le côté « ponctuel » de leurs activités, et arrivent à mener leur vie de façon autonome en s'adaptant à toutes les situations possibles. Bref, le retard, ils ne le connaissent pas malgré le fait qu'ils en ont sans doute fait l'expérience : ils tournent cela à leur avantage. Grâce au témoignage de quelques individus et à leur expérience en la matière, j'ai pu avoir une vision globale de l'évolution de ce phénomène au sein de notre société. Sans doute avez-vous été en retard au moins une fois dans votre vie ; rien de plus normal, cela s'explique. Schématisons :

La minorité des gens que j'ai interpellés dans mon enquête rentrerait dans la catégorie X alors que la majorité rentrerait dans la

catégorie Y. Les individus X et Y représenteraient chacun leur catégorie respective. Ils évoquent les fois où ils ont été « en retard » pour qu'il en soit déduit les observations suivantes ; X est maladroit dans sa gestion du temps tandis qu'Y ne s'organise pas de manière à achever la tâche qui lui était assignée. En général, ils peuvent être « devancés » par une personne standard quand il s'agit d’aboutir à un objectif commun (arriver à l'heure, finir son travail). Plus de temps leur est nécessaire pour arriver à leurs fins. Sont-ils pour autant aussi productifs l'un que l'autre ? Grossière erreur.

X n'est pas assez productif car son rythme de travail est insuffisant par rapport à celui qui est demandé. Il doit être plus rapide et rattraper son retard en s'adaptant au rythme imposé de manière plus spontanée. Cependant, Y peut avoir plusieurs raisons de s’inquiéter, mis à part sa productivité qui égale, dans une grande partie des cas dont j'ai pu faire la connaissance, une personne « standard ». Le seul problème, ce sont les priorités que la plupart se fixe (« j'avais autre chose de plus important à faire avant, puis j'ai laissé tombé l'affaire »), le manque de réaction face à une situation imprévue pour certains (« je n'ai pas eu le temps de changer toute cette partie après avoir réalisé mon erreur ») et la monopolisation de leur temps par une multitude d'autres taches repoussées à plus tard pour les derniers (la « procrastination » est un terme qui revient à plusieurs reprises pour illustrer cela). Dans mes interrogations, il a été question de distractions, de négligence, de responsabilités, de manque d'anticipation, et enfin de l'oubli (« classique mais incontournable » m'a dit un habitué).

En d'autres termes, le manque de discernement, de flexibilité peut très vite vous précipiter dans un de ces tourbillons infernaux qui vous entraînent de plus en plus vers le bas au fur et à mesure que la situation se prolonge. Soyez rassurés, les retards ponctuels ne peuvent être en aucun cas résolus, mais ils ont le mérite de ne pas autant vous peser dessus que les retards qui s'accumulent dans votre agenda. Persévérez !

- Brewen Hai LePort-

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NOUVELLE

C’etait juste une table apres tout..

a y est, aujourd’hui était finalement venu. Et heureusement qu’aujourd’hui était venu, parce qu’Elle n’en pouvait plus. Il lui semblait que cela faisait toute une vie qu’Elle attendait. Bien évidemment, dans ces moments-là on tend toujours à exagérer. Cela donne un côté important aux choses. Mais en réalité, cela faisait seulement deux jours qu’Elle attendait. Deux jours depuis qu’Elle, une table, était sortie de l’usine. Deux jours depuis qu’on avait fini de l’assembler. Et aujourd’hui, dans quelques heures, tout commencerait :

Elle irait à l’école. Le premier jour de l’école, c’était pour ça qu’Elle était toute agitée. Elle avait entendu tellement d’histoires sur cet endroit qu’Elle avait hâte de le découvrir. On lui avait dit qu’Elle allait apprendre tant de choses, qu’Elle allait se faire tant d’amis, qu’Elle allait passer tant de bons moments. Elle ressentait l’impatience de rejoindre cet endroit dont elle avait tant rêvé, cet endroit auquel elle savait – ou du moins pensait – qu’Elle appartenait. Elle en était tellement excitée qu’Elle aurait perdu sommeil si Elle le pouvait, mais Elle ne le pouvait pas, c’était juste une table après tout.

8h30. La sonnerie venait de retentir. Le brouhaha venant de la cour s’intensifia pendant un moment, puis diminua peu à peu jusqu’à s’éteindre complètement. Le cours allait commencer. Déjà, Elle entendait le bruit des pas devant la porte, et la voix du professeur qui demandait aux élèves de se taire. Alors, avant que sa vie ne commença – Elle aimait bien cette expression, Elle regarda de nouveau autour d’elle. Ce mouvement des yeux, elle l’a fait cinq, non, dix, même quinze fois depuis qu’on l’avait installée ici. Elle était si captivée par tout ce qui l’entourait : tableau, boîtes de craies, placards, ordinateurs, affiches… Tout lui semblait étincelant dans cette première journée de classe. Elle n’arrivait toujours pas à croire qu’elle se trouvait en ce lieu, bien que cela fisse des heures qu’Elle y était entrée. Tout lui paraissait tel un rêve. D’autant plus qu’Elle se sentait si fière. Fière d’être la seule nouvelle table de la salle. Elle était si éblouissante par rapport aux autres, si vieilles et si dégradées. Elle savait qu’Elle était dans tous les regards, dans toutes les conversa-­tions. Puis tout d’un coup, les regards se détournèrent. La porte s’ouvrit et laissa entrer une foule d’étudiants. Chacun s’installa auprès d’une table. Celle qui la choisit était presqu’aussi jolie qu’Elle – presque, puisque nulle ne pouvait l’éclipser en cette journée. En tout

cas, cela lui faisait plaisir d’être choisie par une créature si mignonne. Enfin, après que tout le monde s’était calmé, le professeur commença à parler de géographie.

10h30. Jusqu’à présent, le premier jour de l’école ne l’avait pas déçue. Elle se sentait intelligente, maintenant qu’elle savait ce qu’était la mondialisation. Mais ce qu’Elle avait surtout retenu de ces deux heures, c’était que Jeanne – c’était le nom de la fille qui avait choisi de s’installer auprès d’Elle ce matin-là – était en couple avec Joachim, et qu’ils le resteraient à jamais. Jeanne l’avait écrit claire-­ment en crayon à papier sur Elle : Jeanne + Joachim 4ever, le tout entouré d’un cœur. Bien que ce dessin la tachât, Elle était ravie de témoigner d’un amour si intense. Elle pensait même qu’il le rendait plus belle qu’Elle ne l’était déjà. Malheureusement, Jeanne s’était fait prendre en flagrant délit – parce qu’apparemment, c’en était un – par le professeur, qui lui demanda de l’effacer immédiatement. Et pourtant, Elle s’en réjouit en même temps. Elle devinait – ou s’imaginait – à quel point le professeur devait la respecter et l’admirer pour la défendre comme cela.

Une semaine s’était écoulée. Elle se sentait véritablement comme au paradis. Elle avait fait connaissance avec tant de personnes qu’elle pouvait se prendre pour la femelle alpha. Mais ce jour-là, tout allait changer. Et le pire, c’était qu’elle n’en avait pas la moindre idée. Elle ne savait même pas que de telles choses pouvaient se passer dans la vie. Elle était si innocente. La journée débuta comme toutes les autres. Les élèves faisaient passer des bouts de papier, rigolaient, les déchirant après les avoir lus, histoire de détruire la preuve, pendant que le professeur parlait et parlait, et reparlait, et parlait encore, faisant mine de ne pas connaître les manigances qui se faisaient der-rière son dos. Toute la classe prenait part dans la petite opération secrète, sauf un, celui qui était installé auprès d’Elle. Il était trop occupé à dessiner sur Elle. Cependant, à la différence de Jeanne, celui-ci esquissait des choses ignobles, tellement ignobles qu’Elle aurait les joues en feu si Elle en avait. Mais elle n’en avait guère, c’était juste une table après tout. Au départ, Elle ne le crût guère. Mais à mesure que le stylo du garçon glissait sur sa peau, Elle fut obligée d’accepter la réalité de la chose. Elle fut surprise, non, choquée qu’on pût la traiter d’une telle manière. Heureusement pour Elle, le professeur, en se retournant, aperçut cette malice et ordonna au garçon de nettoyer tout ce qu’il avait osé inscrire sur Elle. Toutefois, à son malheur, le stylo bille ne s’effaçait pas aussi facilement que le crayon à papier, et l’effort du garçon la laissa souillée et laide malgré Elle. Alors, pour la première fois, Elle se mit à détester l’école.

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NOUVELLE

ais ce n’était pas tout. Les choses empirèrent les jours qui suivirent. Tout le monde savait que les étudiants avaient cette horrible habitude de coller leur chewing gum sous la table. Tout le monde, sauf Elle. Alors, lorsqu’Elle reçut son premier chewing gum, Elle en fut si secouée qu’Elle perdit conscience pendant un moment. Puis, revenue à Elle-même, Elle se demanda comment on osait faire une chose pareille. C’était une calomnie, une calomnie ! D’abord, on l’insultait par des dessins, et maintenant ceci ? Bien évidemment, ceci ne faisait rien d’autre que nourrir sa haine pour cet endroit qu’elle avait jadis tant aimé. Pourtant, si les choses en restaient là, Elle aurait peut-être donné à cet endroit une seconde chance. Mais le destin se moque bien de nous, et l’après-midi même quelqu’un eut la stupidité de coller sur Elle

une crotte de nez. Désormais, le doute n’existait plus : elle répugnait, abhorrait, exécrait l’école.

Quelque mois s’étaient passés. Depuis, Elle avait reçu d’autres dessins à stylo bille, d’autres taches, d’autres chewing gum, d’autres crottes de nez. Et ce jour là, elle allait découvrir une toute nouvelle expérience, une toute nouvelle forme de terreur. Il suffisait d’un élève ennuyé et d’un compas pour traumatiser une table. AAAAAAAAAAAAAAH ! Arrête, arrête je t’en supplie. S’il te plaît, arrête cette torture. Je n’en peux plus de cette douleur. JE N’EN PEUX PLUS ! Quelqu’un, s’il vous plaît, aidez-moi ! Sortez-moi de là ! SORTEZ-MOI DE LAAAAAAAA ! Elle aurait crié jusqu’à s’en déchirer la gorge et pleuré jusqu’à s’en aveugler si elle l’avait pu. Mais elle ne le pouvait pas, c’était juste une table après tout.

Des années avaient passé. C’était maintenant une table vieille et dégradée comme celles qu’Elle avait méprisées autrefois. Et comme ces dernières, chaque année, à la rentrée, Elle avait pitié des nouvelles tables. Du moins, maintenant, Elle savait précisément de quoi parlaient les vieilles tables lors de son premier jour à l’école. Et Elle qui pensait que ses aînés l’admiraient, quelle idiote ! Maintenant, Elle ne pensait plus à rien. Elle ne saurait dire ce qu’enseignait le professeur, ou qui s’asseyait auprès d’elle, ou quel temps il faisait, ou quel jour il était. Elle était si vieille et dégradée qu’elle commençait à perdre ses vis. Un jour, elle perdit enfin l’un de ses pieds. La douleur ne la fit même pas frissonner. Elle n’en était même pas surprise. C’était une fin nécessaire pour sa vie misérable. Au moins elle partirait de cet enfer.

Elle n’avait jamais pensé que d’autres endroits plus horribles que l’école pussent exister, mais ils existaient, et Elle se trouvait justement dans l’un d’eux. À la décharge de l’usine de recyclage, Elle était libre. Personne ne viendrait lui dessiner dessus, lui coller des bouts de chewing gum ou des crottes de nez dessus, la graver avec un compas. Mais à quoi bien pourrait servir la liberté dans un tel lieu ? Tout était si obscur, si sale. Et ce qui l’effrayait le plus, c’était le silence. Que cela lui manquait, les rires trop bruyants des élèves, la voix sèche du professeur, le son aigu de la sonnerie… Elle aurait tout fait pour pouvoir revenir à l’école. Même si Elle devait souffrir, c’était mille fois mieux qu’ici. Elle ne voulait pas mourir de cette façon. Mourir, la pensée seule la fit frémir. Puis, Elle se sentait toute étourdie à l’idée qu’une autre table naîtrait de ses chairs, et elle aussi devrait endurer les souffrances qu’Elle avait endurées toutes ces années. Elle aussi serait d’abord chérie, puis maltraitée, et finalement rejetée. Non, Elle ne voulait pas que cela se reproduise, Elle ne pouvait pas supporter l’idée que cela se reproduirait. Elle préférait être brûlée ou battue à coup de marteau jusqu’à ce qu’il n’en restât que des débris trop petits pour être recyclés. Mais que pouvait-Elle changer ? C’était juste une table après tout.

Nouvelle par Tran Thanh Mai

Photos  par  Huong  Giang  Ngo