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Novembre 2017 Pôle économique Lettre Éco nomique Éd ito Pôle économique Numéro 25 Page 2 Actu éco et sociale Bourse de Paris : 46 milliards d’euros pour les actionnaires du CAC 40 / p. 2 Inégalités générationnelles : Des baby boomers mieux nantis ? / p. 2 Administrateurs Salariés : Bilan de la loi « Rebsamen »/ p. 3 Droit du travail : Simplification à la Macron / p. 4 Égalité femmes/hommes : Même les experts proches du patronat reconnaissent les bienfaits de l’égalité salariale / p. 4 Somm aire Page 6 Page 9 Au service des organisations Cycle économique 2017 : Coût du capital, salariés gestionnaires, industrie… Retour sur deux journées riches en contenu Europe international Conjoncture : Un avenir des plus incertain / p. 6 Étude : Une crise qui profite aux actionnaires / p. 7 Europe : Quand les banques centrales spolient le peuple grec / p. 8 À lire – Repères statistiques Page 12 En marche… arrière ! L e 4 juillet dernier, lors de son dis- cours de politique générale devant l’Assemblée, le Premier ministre, Édouard Philippe, s’est livré à un exer- cice moralisateur d’orthodoxie budgé- taire qui, loin d’être innovant, ressert les vieilles recettes libérales. Sous couvert du rapport sur les finances publiques de la Cour des comptes commandé par le Premier ministre, il faudrait que le peuple fran- çais se serre la ceinture jusqu’à ne plus pouvoir respirer. Nous serions les champions du monde de la dépense, et nos services publics (notamment les salaires de nos fonc- tionnaires) seraient la gangrène de notre économie. Rappelons tout d’abord que les dépenses publiques de différents pays ne sont pas comparables. Il est notam- ment nécessaire de les corréler au niveau de service public offert à la population… Il y a dépenses et dépenses : certaines sont utiles à tous, et un certain nombre sont effectivement inutiles. « Chaque année, la France dépense 42 milliards pour rembourser ses intérêts », s’insurge le Premier ministre. Alors pourquoi ne pas faire en sorte que l’État français puisse se financer directement auprès de la Banque centrale européenne, plu- tôt que de se financer sur les marchés et d’engraisser les rentiers sur le dos des peuples ? Le Premier ministre était d’ailleurs moins prolixe sur le rapport de la Cour des comptes qui fustigeait le nombre et le coût des niches fiscales en France, sans qu’elles démontrent d’intérêt économique, social ou envi- ronnemental… Le candidat Macron s’est engagé à réduire le taux d’impôt sur les sociétés de 33 à 25 %, baisser l’ISF ou encore plafonner la taxation des revenus de l’épargne… Il offrira donc encore des cadeaux aux plus riches et aux plus puissants, pendant qu’il exigera des sacrifices pour les autres : augmenta- tion de la CSG, remise en cause des services publics et des conquis sociaux… Autant de raisons pour se mettre en marche pour le progrès social. Alexandre Dérigny secrétaire général de la fédération Finances CGT

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Novembre 2017Pôle économique

Lettre Économique

ÉditoPôle économique

Numéro25

Page

2Actu éco et sociale

Bourse de Paris : 46 milliards d’euros pour les actionnaires du CAC 40 / p. 2

Inégalités générationnelles : Des baby boomers mieux nantis ? / p. 2

Administrateurs Salariés : Bilan de la loi « Rebsamen »/ p. 3

Droit du travail : Simplification à la Macron / p. 4

Égalité femmes/hommes : Même les experts proches du patronat reconnaissent les bienfaits de l’égalité salariale / p. 4

Sommaire

Pôle économique

Page

6

Page

9Au service des organisations

Cycle économique 2017 : Coût du capital, salariés gestionnaires, industrie… Retour sur deux journées riches en contenu

Europe international

Conjoncture : Un avenir des plus incertain / p. 6

Étude : Une crise qui profite aux actionnaires / p. 7

Europe : Quand les banques centrales spolient le peuple grec / p. 8

À lire – Repères statistiquesPage

12

En marche… arrière !

Le 4 juillet dernier, lors de son dis-cours de politique générale devant

l’Assemblée, le Premier ministre, Édouard Philippe, s’est livré à un exer-cice moralisateur d’orthodoxie budgé-taire qui, loin d’être innovant, ressert les vieilles recettes libérales.Sous couvert du rapport sur les finances publiques de la Cour des comptes commandé par le Premier ministre, il faudrait que le peuple fran-çais se serre la ceinture jusqu’à ne plus pouvoir respirer.Nous serions les champions du monde de la dépense, et nos services publics (notamment les salaires de nos fonc-tionnaires) seraient la gangrène de notre économie.Rappelons tout d’abord que les dépenses publiques de différents pays ne sont pas comparables. Il est notam-ment nécessaire de les corréler au niveau de service public offert à la population…Il y a dépenses et dépenses : certaines sont utiles à tous, et un certain nombre sont effectivement inutiles. « Chaque année, la France dépense 42 milliards pour

rembourser ses intérêts », s’insurge le Premier ministre. Alors pourquoi ne pas faire en sorte que l’État français puisse se financer directement auprès de la Banque centrale européenne, plu-tôt que de se financer sur les marchés et d’engraisser les rentiers sur le dos des peuples ?Le Premier ministre était d’ailleurs moins prolixe sur le rapport de la Cour des comptes qui fustigeait le nombre et le coût des niches fiscales en France, sans qu’elles démontrent d’intérêt économique, social ou envi-ronnemental…Le candidat Macron s’est engagé à réduire le taux d’impôt sur les sociétés de 33 à 25 %, baisser l’ISF ou encore plafonner la taxation des revenus de l’épargne… Il offrira donc encore des cadeaux aux plus riches et aux plus puissants, pendant qu’il exigera des sacrifices pour les autres : augmenta-tion de la CSG, remise en cause des services publics et des conquis sociaux…Autant de raisons pour se mettre en marche pour le progrès social.

Alexandre Dérignysecrétaire général de la fédération Finances CGT

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Lettre Éco / n° 25 / novembre 2017

> 2 Actu éco et sociale

Bourse de Paris46 milliards d’euros pour les actionnaires du CAC 40

Les entreprises du CAC 40 ont enregistré 77 milliards de béné-fices en 2016 (39 % de hausse sur un an) et ont versé 46 mil-liards d’euros de dividendes à leurs actionnaires. « Un record » selon le journal Les Échos daté du 6 juillet 2017.

Le chiffre d’affaires de ces entre-prises n’a augmenté que de 0,9 %.

À périmètre constant, c’est-à-dire si l’on exclut les entreprises qui sont entrées dans l’indice CAC 40 en 2016 et si on retient sa composition de 2015, le chiffre d’affaires de ces entre-prises a même reculé de 1 %. Moins d’activité et plus de profits, voilà ce qui s’est passé dans 17 entreprises sur les 40 qui composent l’indice CAC 40.Selon les experts qui ont réalisé cette étude, ces entreprises « ont des fon-dements solides », mais « il reste un point noir : leur difficulté à retrouver le chemin de la croissance » !Quant à la masse salariale – le produit de l’emploi et du salaire – les experts n’ont pas donné de chiffres, mais ils résument ainsi la situation : « La stra-

tégie de réorganisation et de maîtrise des coûts a porté ses fruits. » Réorganisation, maîtrise des coûts… Dans le lan-gage des financiers, cela signifie suppression de postes, pression sur les salaires… Michelin en donne l’exemple et annonce la suppression de 1 500 postes en France d’ici 2021.Pour les actionnaires et les financiers, la seule chose qui compte, ce sont bien les profits. Cela fait des décennies que gouvernements et experts nous répètent : « Les profits d’aujourd’hui font les investissements de demain et les emplois d’après-demain. » Les profits ont en effet fortement augmenté, mais l’emploi et l’investissement sont toujours à la traîne.

Un investissement très inférieur à celui de 2012

Selon l’étude, hors banques et assurances, l’investissement de ces entreprises a augmenté de 2,5 %, atteignant 81 milliards d’euros. Ce montant est très en deçà du niveau atteint en 2012 (92 milliards) et nettement en dessous du niveau d’avant la crise (86 milliards en

2008). Et cela alors même que ces entreprises disposent d’une trésore-rie de 186 milliards d’euros. Au lieu de servir à l’activité, cet argent est surtout mobilisé pour réaliser des opérations de nature financière : « On peut espérer un retour des grandes opérations de fusions-acquisitions », dit un de ces experts.Il faut souligner que toutes ces entre-prises profitent des mesures comme le Pacte de compétitivité et le CICE, qui coûtent 40 milliards par an au budget de l’État. Une partie de cet argent se trouve à présent dans les poches des actionnaires du CAC 40.Ces données confirment, une nou-velle fois, que pour créer des emplois, lutter contre le chômage, la précarité et les inégalités et renforcer le poten-tiel productif du pays, il faut changer les choix de politique économique et les choix stratégiques des entreprises.C’est ce que propose la CGT en exi-geant, entre autres, une vraie éva-luation de ces politiques et les droits d’une intervention réelle des salariés sur les choix stratégiques des entre-prises.

Nasser Mansouri-Guilani

Inégalités générationnellesDes baby boomers mieux nantis ?

Un article d’Économie et sta-tistique conclut à une pro-gression du niveau de vie des Français au fil des géné-rations.

Alors que le gouvernement pré-voit de « pénaliser » les retraités

par rapport aux actifs via une hausse de la Contribution sociale générali-sée (CSG), une recherche « fouil-lée » prend le contre-pied de travaux antérieurs1 en concluant à une progression régulière, au fil des générations, du niveau de vie des ménages français. Dans un article

paru en mars 2017 dans Économie et statistique (n° 491-492), Hippolyte d’Albis, de l’École d’économie de Paris, et Ikpidi Badji, professeur à l ’ U n i v e r s i t é Pa r i s O u e s t Nanterre-La Défense, s’intéressent aux inégalités de niveaux de vie entre classes d’âge et entre généra-

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Lettre Éco / n° 25 / novembre 2017

tions en France. Pour leur étude, ils utilisent les données issues de sept « vagues » de l’enquête « Budget de famille » – celles de 1979, 1984, 1989, 1995, 2000, 2005 et 2010 – afin de construire un « pseudo panel » qui va leur permettre de suivre, le long de leur cycle de vie, 79 cohortes annuelles : la première regroupe les ménages « nés » en 1901, la dernière ceux nés en 1979. La construction de cet échantillon est imposée par « le fait que les indivi-dus observés d’une enquête à l’autre ne sont pas les mêmes ». Les personnes âgées de moins de 25 ans ou de plus de 84 ans ne sont pas prises en compte.Pour appréhender le niveau de vie des ménages, les auteurs consi-dèrent leur consommation ainsi que leur « revenu disponible », gran-deur qui leur « permet de prendre en compte les revenus sur les marchés du tra-vail et des capitaux et, également, les reve-nus de transferts nets, qu’ils soient publics ou privés ». Ces deux variables sont

rapportées au nombre d’« unités de consommation » afin de tenir compte des événements (mariages, nais-sances…) qui au fil des ans modi-fient la composition, la « taille » des ménages2.

Plusieurs résultats convergents

Les chercheurs aboutissent à plu-sieurs résultats convergents qu’ils jugent « très robustes ». En particulier, « concernant l’évolution du niveau de vie d’une génération à l’autre », ils « montrent très clairement une amélioration au cours du temps. Les générations nées plus tard ont un niveau de vie supérieur ou égal à celui des générations qui les ont précédées, et il n’y a pas de génération “sacrifiée”, au sens d’une génération qui aurait eu un niveau de vie inférieur à celui de ses aînées. Ainsi, les baby-boomers ont eu un niveau de vie supé-rieur à celui des générations nées avant-guerre, mais inférieur ou égal à celui des générations nées dans les années 1970. Par

exemple, la consommation de la cohorte née en 1946 est de 40,6 % supérieure à celle de la cohorte née en 1926 mais de 19,5 % inférieure à celle de la cohorte née en 1976 ».Cette progression relativement régu-lière du niveau de vie à travers les générations est décrite comme le résultat « naturel » de la croissance de l’économie : « Entre 1979 et 2010, la consommation réelle par tête a augmenté en France de plus de 85 %. Ceux qui sont nés plus tard vivent donc dans une économie où, en moyenne, on consomme plus. Il aurait fallu une redistribution en faveur des baby-boomers considérable pour contrebalancer cet effet induit par la croissance écono-mique. »Soulignons finalement que ce travail de recherche ne dit rien – mais ce n’était pas son objet – sur l’évolution des inégalités au sein des généra-tions, et qu’il ne permet pas de pré-sager de l’avenir, en particulier de celui des Français nés après 1979…

Fabrice Pruvost

1. cf. notamment Louis Chauvel (2013), « Spécificité et permanence des effets de cohorte : le modèle APCD appliqué aux inégalités de générations, France/États-Unis, 1985-2010 », Revue française de sociologie, vol. 54, n° 4, octobre-décembre ; L. Chauvel et Martin Schröder (2014), « Generational Inequalities and Welfare Regimes », Social Forces, 92 (4).

2. Les unités de consommation associent un poids à chaque membre du ménage en fonction de son âge afin de tenir compte des économies d’échelle réalisées au sein des ménages.

Administrateurs SalariésBilan de la loi « Rebsamen »

En France, la présence des salariés au sein des conseils d’administration ou de sur-veillance reste peu dévelop-pée et réduite aux entreprises publiques, avec une capacité d’action très limitée.

En août 2015, dans le cadre de la loi « Rebsamen », de nouvelles

dispositions ont été introduites dans la loi de 2013, mais il faut croire que

son intervention est restée très limi-tée, et l’évaluation du champ de son application reste un exercice diffi-cile. C’est une nouvelle illustration que les salariés sont de plus en plus écartés des instances décisionnelles, là où se décide la stratégie des entre-prises. Cette apparente évolution est en effet passée complètement ina-perçue.Pour cause : le contenu de la loi est si peu contraignant que le principe

en est pratiquement vidé de toute substance. À ce titre, la CGT témoigne d’un intérêt réel pour cette question au nom de la démo-cratie sociale. Depuis longtemps, elle revendique le droit pour les salariés d’intervenir sur les choix de gestion de leur entreprise. L’objectif est de replacer l’économie au ser-vice du social, pour répondre aux besoins et développer l’activité par des investissements. Néanmoins, le

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bilan de cette loi est très décevant pour tout le monde : d’une part, la majorité des administrateurs intro-duits au conseil d’administration sont nommés par l’assemblé géné-rale des actionnaires et non par élection directe par les salariés. D’autre part, la CGT est souvent

écartée par ce mode de désignation au profit des autres syndicats, à savoir la CGC et la CFDT.À ce stade, il est important que nos syndicats s’emparent de cette ques-tion. Pour la CGT, les salariés doivent élire eux-mêmes leurs repré-sentants au conseil d’administration

de leur société. Connaître « la struc-ture de son entreprise, le nombre d’effectifs en France et à l’étranger, les filiales directes et indirectes de son groupe » est un enjeu majeur et un élément très important pour pouvoir appliquer la loi et obli-ger les directions à la respecter.

Assia Mebbani

Droit du travailSimplification à la Macron

Le chantre de la « flexisécu-rité » simplifie les démarches administratives… comme à chaque fois au détriment des salariés.

Voilà une illustration de la recherche de simplification et de

la « sécurisation » au sens de Macron : le gouvernement prévoit la concep-tion d’un formulaire où l’on cocherait quelques cases, permettant à l’em-ployeur de limiter les risques de contentieux en cas de licenciement.

Eh oui, pauvres patrons : déjà doulou-reusement peinés de devoir se séparer de salariés auxquels ils sont si attachés mais qu’ils ne peuvent vraiment pas conserver, si en plus ils risquent des poursuites pour ne pas avoir respecté les lois, où va-t-on ?Attention quand même que ce for-mulaire Cerfa ne soit pas trop compli-qué à remplir !Si c’est le cas, on le simplifiera…Afin de – soi-disant – rééquilibrer en faveur du salarié cette simplification et cette sécurisation des employeurs,

le salarié aurait la possibilité, « indé-pendamment de toute instance judiciaire », de « demander à son employeur des expli-cations complémentaires sur certains griefs qui lui sont reprochés, explications qui pourraient désamorcer le conflit en amont ».On proclame le droit à demander… Mais n’est-ce pas justement, outre une obligation élémentaire, l’objet de l’entretien préalable au licencie-ment ? Entretien obligatoire… du moins jusqu’à nouvel ordre…

Alain Gély

Égalité Femmes/HommesMême les experts proches du patronat reconnaissent les bienfaits de l’égalité salariale

Plusieurs études démontrent les avantages économiques de la suppression des inégalités salariales Femmes/Hommes. La Fondation Concorde, d’orienta-tion libérale, fait le même constat.

Une récente publication de l’Insee relève un écart de 18,4 % en

moyenne et en équivalent temps plein entre les salaires des femmes et des hommes.

Dans la réalité, en tenant compte du fait qu’elles subissent une précarité plus forte, les femmes gagnent un quart de moins que les hommes (cf. le livre de Rachel Silvera, Un quart de moins, 2015). Les femmes sont discri-minées dans les autres pays aussi.Cette situation scandaleuse est à l’origine d’un mouvement d’arrêt de travail une fois par an vers 15 heures en signe de contestation. Initié en Islande, ce mouvement a fait des

émules. Ainsi, le 8 mars 2017, dans plusieurs pays européens dont la France, les femmes ont arrêté le tra-vail à 15 h 40 pour réclamer haut et fort : à travail égal, salaire égal !

L’égalité salariale est bonne pour l’économie

Dénonçant ce scandale, la CGT, comme nombre d’autres organisations et de chercheurs, souligne depuis long-

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temps que l’inégalité salariale femmes/hommes est inadmissible non seule-ment du point de vue éthique et social, mais aussi du point de vue économique.Une étude récente de la Fondation Concorde, organisme d’orientation libérale – donc loin de partager notre idéologie – confirme à son tour que l’égalité femmes/hommes est bonne pour l’économie.Selon cette étude, l’écart de salaire net versé entre les femmes et les hommes est en moyenne de 3 525 euros par an.Sur l’ensemble de l’économie, cela représente près de 34,6 milliards d’eu-ros par an.À partir de là, les experts de la Fondation Concorde posent la question de savoir ce qui va se passer sur le plan écono-mique si cet écart est éliminé. Autrement dit : quel serait l’effet de l’égalité salariale femmes/hommes sur la consommation des ménages, les recettes de la Sécurité sociale, les caisses de l’État, l’investissement des entre-prises et la croissance économique…

Leurs calculs sont sans doute discu-tables. On peut aussi et surtout être en désaccord avec les conclusions qu’ils en tirent (par exemple, l’allègement de 33 milliards d’euros par an des cotisations sociales). Il n’en reste pas moins que ces calculs confirment la nécessité, également d’un point de vue économique, de mettre fin à l’iné-galité salariale femmes/hommes.

Effets sur la consommation, la croissance et l’emploi

D’après ces calculs, grâce à l’égalité salariale femmes/hommes, la consommation des ménages augmen-terait de 22 milliards d’euros et leur épargne de 6,2 milliards d’euros. La hausse de la consommation entraîne-rait une hausse du taux de croissance économique de 0,16 point, et donc une hausse de l’investissement des entreprises. L’ensemble de ces évolu-tions permettrait de créer 26 000 emplois supplémentaires par an.

Effets sur le budget de l’État et les caisses de Sécurité sociale

Le surplus de la consommation et de la croissance conduirait aussi à une hausse de 34 milliards des recettes de l’État et de la Sécurité sociale, de la manière suivante :• hausse de la TVA : 3,83 milliards

d’euros ;• hausse de l’impôt sur le revenu :

5,47 milliards d’euros ;• hausse des cotisations sociales

(salariales et patronales) : 24,4 milliards d’euros.

Les ressources générées grâce à l’éga-lité salariale femmes/hommes pour-raient être utilisées ensuite pour améliorer la qualité des services publics et mieux répondre aux attentes des citoyens.Contrairement à ce que prétendent les libéraux et le patronat, le progrès social est ainsi positif pour l’écono-mie.

N.M.G.

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ConjonctureUn avenir des plus incertain

L’Insee a présenté en octobre un Point de conjoncture qui actua-lise sommairement le diagnos-tic et les prévisions de l’Institut pour l’année en cours. On peut le consulter ici : https://www.insee.fr/fr/statistiques/3134617.

Le titre « La zone euro comble son retard conjoncturel » est un peu contre-dit par l’écart avec les États-Unis, notamment, qui ne s’amenuise pas. Il est d’ailleurs repris au conditionnel par la suite…L’analyse de l’Insee et ce titre se fondent surtout sur le climat des affaires, qui continue de s’améliorer dans un contexte international porteur pour les exportations des pays européens, en dépit de la remontée de l’euro. Les taux d’intérêt restent bas en zone euro et l’investissement des entreprises et des ménages reprend ainsi que l’emploi.Les divergences entre grands pays euro-péens tendent à se résorber du fait de la croissance qui continue son rattrapage en Espagne et s’améliore en Italie. Pour le moment, la remontée de l’inflation n’a pas entamé fortement le pouvoir

d’achat des ménages. La consomma-tion au niveau européen reste donc plu-tôt bien orientée.La situation en France est assez simi-laire à ce qui vient d’être indiqué : le taux de croissance en France serait de 1,8 % en 2017 (contre 2,2 % en zone euro, 2,1 % aux États-Unis et par ail-leurs 1,5 % au Royaume-Uni où la consommation manque de vigueur).

L’activité en France tirée par l’investissement

C’est surtout l’investissement qui tire l’activité en France.L’emploi reste plutôt bien orienté, mais fléchirait un peu en fin d’année et la question de sa qualité reste posée.Le pouvoir d’achat est un peu entamé par le regain de l’inflation. Il en résulte que la consommation résiste, mais s’af-faiblit ; elle ne semble plus appelée à jouer le rôle moteur ou au moins « pré-servateur » de la croissance qu’elle a joué ces dernières années.Enfin, le commerce extérieur apporte encore une contribution négative, même si celle-ci est moindre qu’en

2016, année catastrophique pour l’agri-culture et le tourisme.

L’amélioration de l’export reste décevante

L’amélioration relative des exportations est quand même décevante au regard de l’environnement international : la France continue de perdre des parts de marché dans le commerce mondial et cela risque de ne pas s’améliorer si l’euro poursuit sa remontée. C’est là un indicateur de la faiblesse persistante de l’industrie nationale.L’Insee ne s’aventurera pas officielle-ment avant le 19 décembre à des prévi-sions pour le premier semestre 2018.La seule indication porte sur ce que devrait être « l’acquis de croissance » fin 2017 : 0,8 %.Alors que le Brexit est appelé à se concrétiser, la capacité de l’Union euro-péenne et de la zone euro à susciter une dynamique d’ensemble, et à faire face à d’éventuels orages sur le monde de l’économie et de la finance, reste très incertaine.

Alain Gély

Europe-International

Pas d’industrie sans service public, pas de service public sans industrie !

La solution à la crise économique, sociale et environnementale passe notamment par une industrie répondant aux besoins des populations, favorisant les circuits courts, maîtrisant les matières premières et préservant la santé des salariés comme des

citoyens. Ce développement doit permettre, par la relocalisation et l’implantation industrielle, de lutter contre la désertification des territoires. Ceci ne peut se faire sans services publics de proximité. Retrouvez les proposi-tions de la CGT dans les livrets qu’elle a réalisés pour ses campagnes sur l’industrie (« L’urgence d’une reconquête industrielle ») et les services publics (« Services publics partout pour tous ! »).

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Lettre Éco / n° 25 / novembre 2017

ÉtudeUne crise qui profite aux actionnaires

La société de conseil Price waterhouse Coopers a réa-lisé une étude sur le capital des 100 plus grandes entre-prises mondiales. Malgré la crise, les actionnaires ne sont pas à plaindre…

Selon une étude réalisée par la société de conseil Price wate-

rhouse Coopers (PwC), la valeur des actions des 100 plus grandes entre-prises mondiales a progressé de 12 % en 2017, pour atteindre la s o m m e a s t r o n o m i q u e d e 17 438 milliards de dollars au 31 mars 2017, contre 15 577 mil-liards à la même date en 2016 et 16 245 milliards de dollars en 2015 (pour rappel, le PIB de la France est de 2 230 milliards d’euros en 2016).

La hausse des salaires plus faible que celle du capital

Il faut rappeler que selon l’Organi-sation internationale du travail (OIT), la hausse des salaires est beaucoup plus faible à travers le monde : 1,7 % Chine comprise, 0,9 % si on l’exclut.Sur ces 100 entreprises, 55 sont américaines et représentant 63 % de la valeur boursière de ces entre-prises, 17 % sont européennes et 12 % originaires de la Chine et de Hong Kong.Quatre sociétés françaises se rangent parmi ces cent entreprises : Total, Sanofi, LVMH, dont la capi-talisation a progressé de 29 % en un

an, et L’Oréal. Les entreprises de nouvelles technologies (Apple, Google, etc.) et les banques se trouvent parmi les 20 premiers. Preuve que les milliers de milliards mobilisés par les États et les banques centrales suite à la crise financière de 2008 ont surtout profité aux actionnaires.La plupart de ces entreprises cherchent à échapper aux impôts, à l’instar de Google, en faisant de « l’optimisation fiscale ».

L’argent pour les actionnaires, la pression pour les salariés

L’année dernière, ces 100 entre-prises ont versé 700 milliards de dollars (620 milliards d’euros, l’équivalent d’un quart du PIB fran-çais) à leurs actionnaires, soit une hausse de 4,5 % en un an. 60 % de cette somme est versée au titre de dividendes et 40 % au titre de rachat d’actions.La contrepartie de ces sommes gigantesques versées aux action-naires est la pression permanente sur les salariés, la suppression des postes et la fermeture des sites, ce que fait par exemple Sanofi.Selon l’OIT (« Les inégalités sala-riales au travail », Rapport mondial sur les salaires 2016-2017), les iné-galités salariales se sont creusées au cours des dernières décennies. L’OIT alerte ainsi sur les « consé-quences sociales et économiques néfastes d’inégalités excessives ».

La hausse du prix des actions de ces entreprises témoigne aussi d’une accélération de la financiarisation de l’économie. En effet, depuis la crise financière de 2008, les banques centrales ont injecté des centaines de milliards d’euros dans l’écono-mie. Cet argent n’a pas été utilisé pour le développement de l’emploi et de l’activité économique. Par conséquent, il a conduit à ce que les spécialistes appellent un « gonfle-ment de bulles financières ».À présent, de plus en plus d’obser-vateurs alertent sur une nouvelle crise financière. À commencer par le Fonds monétaire international (FMI) qui, depuis 2015, tire la son-nette d’alarme sur les « tensions » provoquées par la hausse des valeurs boursières. Plus récemment, le journal Les Échos titre : « La pro-chaine crise financière, inévitable et imprévisible » (16 juin 2017).

Des politiques qui alimentent les marchés financiers

En effet, les politiques proposées par le Fonds monétaire internatio-nal, tout comme celles de la Commission européenne, ali-mentent les marchés financiers.Pour sortir de cette crise dans l’inté-rêt des travailleurs, il faut mettre l’argent, la finance, au service du développement des capacités humaines, de l’emploi, des salaires, des investissements productifs.

N.M.G.

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EuropeQuand les banques centrales spolient le peuple grec

En 2010, soi-disant pour allé-ger les difficultés financières des États en difficulté de la zone euro, la Banque centrale européenne (BCE) a mis en place un mécanisme appelé Securities market program (SMP). Il autorisait la BCE à acheter, sur le marché finan-cier (« marché secondaire »), les obligations émises par ces États.

Ce mécanisme a été remplacé en 2012 par un autre, Outright

Monetary Transactions (OMT). Le SMP n’a donc pas été efficace.Dans le cadre du SMP, la BCE a acheté quelque 210 milliards d’euros d’obligations émises par cinq États : la Grèce, le Portugal, l’Irlande, l’Es-pagne et l’Italie. Le montant des obli-gations de l’État grec ainsi achetées par la BCE est estimé à 41 milliards d’euros. Ces obligations rapportent de l’argent à la BCE.

Ainsi, entre 2012 et 2016, la BCE a perçu 7,8 milliards d’euros sur les obli-gations de l’État grec achetées dans le cadre du SMP.Ce chiffre est confirmé par Mario Draghi, Président de la BCE, dans un courrier adressé le 10 octobre 2017 au député européen Nikolaos Chountis, qui l’avait interrogé sur le sujet.Dans ce courrier, M. Draghi précise que ces 7,8 milliards sont répartis entre les banques centrales nationales des pays de la zone euro au prorata de leur part dans le capital de la BCE.

L’argent de la BCE doit servir la société

La BCE n’a pas vocation à augmenter ses revenus aux dépens des peuples. Ses moyens doivent être mobilisés pour répondre aux besoins : création d’emplois stables et qualifiés, forma-tion et qualification des travailleurs, promotion de la recherche, dévelop-pement des infrastructures, recon-

quête industrielle, transition écologique, protection de l’environne-ment… Cette situation scandaleuse confirme plusieurs exigences portées par le mouvement syndical et les forces progressistes à travers l’Europe :• la transformation de la construc-

tion européenne, pour l’orienter vers la promotion des droits sociaux et de la protection de l’environnement ;

• une approche coopérative pour résoudre les problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs européens (chômage, précarité, inégalités, concurrence…) ;

• l’annulation des dettes indues qui profitent aux spéculateurs et financiers aux dépens des travail-leurs ;

• le changement des statuts et des objectifs de la Banque centrale européenne, pour la mettre au service de l’emploi et de l’activité économique.

N.M.G.

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Lettre Éco / n° 25 / novembre 2017

Cycle économique 2017Coût du capital, salariés gestionnaires, industrie… Retour sur deux journées riches en contenu

La deuxième session du Cycle économique 2017 s’est déroulée les 21 et 22 juin 2017. Elle a été l’occasion de poursuivre les échanges engagés lors de la première session.

Cette session a débuté par une in t e rven t i on de Nas s e r

Mansouri-Guilani sur le coût du capital.Ce fut l’occasion de revenir sur les causes de la situation que nous connaissons. Nous traversons une crise économique et sociale systé-mique. Les causes en sont le choix des marchés financiers, la dévalori-sation du travail et un partage de la richesse fait au détriment du travail.

Recul de la part des salaires dans la valeur ajoutée

Seul le travail crée la richesse. Or la part des salaires dans la valeur ajou-tée a reculé de 9 points entre 1983 et 1989, passant de 73 % à 64 %. Elle est restée autour de 64/65 % jusqu’en 2008. Elle est légèrement remontée depuis, grâce notamment à la Sécurité sociale protégeant plus ou moins les salariés de la crise.Elle est redescendue ensuite du fait des cadeaux accordés aux entre-prises (CICE, notamment, qui a amélioré le taux de marge des entreprises). Si l’on revenait au niveau de 1983, ce sont 80 milliards d’euros de plus par an pour les sala-riés, avec les retombées sur l’emploi, les salaires, les caisses de l’État et de Sécurité sociale.Il a été mis en évidence que la désin-dustrialisation accentue la baisse de la part des salaires dans la valeur

ajoutée qui va de pair avec la finan-ciarisation de l’économie, c’est-à-dire le développement des marchés financiers, la généralisation de l’exi-gence de rentabilité financière dans tous les secteurs d’activité, toutes les entreprises, quelle que soit leur taille.

Bouleversement radical de la logique de gestion

La financiarisation chamboule la logique de gestion : classiquement, on part de la production, l’emploi et la rémunération, l’investissement, les impôts, les provisions et la distri-bution des dividendes. Dans la ges-tion financiarisée, c’est d’abord la distribution des dividendes, puis l’ajustement par l’emploi, le salaire, l’investissement… en fonction de cet objectif. La financiarisation de l’économie augmente le coût du capital.Ce dernier comprend : les intérêts versés aux créanciers, notamment les banques, et l’argent versé aux propriétaires, notamment sous la forme de dividendes ou de rachat des actions de l’entreprise. Il faut y ajouter le coût du foncier, qui aug-mente avec la spéculation.Or, de 15 % de la valeur ajoutée en 1981, le coût du capital monte à 35 % en 2008 pour s’établir autour de 25 % en 2015, sous l’effet d’une forte progression des dividendes. En trente ans, le montant des divi-dendes a été multiplié par 11 (19 milliards d’euros en 1985, 213 milliards d’euros en 2015).Or ces profits ne servent pas à l’in-vestissement. Cela a des consé-q u e n c e s r av a g e u s e s p o u r

l’économie, les salariés et les condi-tions sociales.Pour sortir de la crise, il faut donc établir un nouveau mode de déve-loppement économique et social, un nouveau mode de développe-ment pour le progrès social, pour un développement humain durable sur la base de deux principes majeurs : valoriser le travail et respecter l’en-vironnement. Il faut donc réfléchir à la finalité de l’activité écono-mique. Pour nous, il s’agit de la réponse aux besoins sociaux (pré-sents et futurs). Pour ce faire, il faut poser les enjeux fondamentaux d’un nouveau mode de développe-ment pour le progrès social répon-dant aux questions : que produire et comment, quelle est la nature des richesses (importance de la recon-quête industrielle, enjeux du déve-loppement des services publics de qualité) ? L’impératif de solidarité, entre les générations, entre les tra-vailleurs dans l’espace et dans le temps, ainsi que la paix et le désar-mement doivent être au cœur de la démarche.

La campagne sur le coût du capital concerne toute la CGT

La campagne du coût du capital s’ins-crit dans la démarche globale de la CGT pour valoriser le travail. Le débat a aussi montré que le coût du capital frappe l’ensemble des secteurs de l’économie, privés comme publics : en mettant la rentabilité financière comme seul objectif à l’économie, il prive le secteur public des moyens pour répondre aux besoins sociaux. De ce fait, la campagne sur le coût du travail concerne toute la CGT.

Au service des organisations

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L’après-midi fut consacrée à l’inter-vention des salariés dans la gestion, et les lieux où la pratiquer. Après un bref historique, la discussion s’est concentrée sur les moyens de celle-ci. L’exposé a montré que ce sujet est d’une actualité brûlante : la loi El Khomri et les ordonnances Macron visent aussi à réduire les prérogatives économiques des IRP. Davantage de salariés dans les conseils d’administration, pour quoi faire ?

Deux types de croissance de la productivité

Deux types de croissance de la pro-ductivité s’affrontent : l’une favorise l’accumulation de capital matériel pour augmenter la productivité du travail vivant, entraînant une surac-cumulation de « travail mort » et les crises, l’autre vise à économiser sur le capital matériel et financier afin d’augmenter les dépenses pour le « travail vivant », pour une effica-cité nouvelle, en phase avec les mutations de la civilisation.Les solutions à la crise passent par tous les terrains :• sur le marché des « biens et ser-

vices », par le développement de nouveaux services publics, non soumis à la rentabilité financière, et par la mise en place de nouveaux critères de gestion dans les entreprises ;

• sur le « marché du travail », par la mise en place de la sécurité sociale professionnelle et du nouveau statut du travail salarié ;

• sur le marché de l’argent et de la finance, par la création d’un nouveau système de crédit non soumis au marché financier ;

• sur le marché mondial, par des coopérations mutuellement avantageuses pour les peuples.

Afin de pouvoir développer cette

vision de la société, il est nécessaire d’intervenir dans la gestion et de mettre en place de nouveaux cri-tères contribuant aux luttes immé-diates en s’attaquant au pouvoir du capital. Des propositions radicales mais exprimées dans le langage concret de la comptabilité d’entre-prise sont nécessaires.Les critères doivent être basés sur la création de richesse et non sur la rentabilité financière. Il faut les cen-trer autour de la notion de valeur ajoutée disponible (VAD) après les prélèvements pour les profits, l’amortissement et l’investissement. La seconde journée a été consacrée au thème du développement du sys-tème productif et aux enjeux de la réindustrialisation.

Le recul implacable de l’industrie en France

Le constat du recul de l’industrie en France est implacable : 16,6 % du PIB en 2000, 12,4 % en 2014. La part de l’investissement a diminué de 5 % du chiffre d’affaires en 2000 à 3,9 % en 2015, soit – 5 milliards d’euros par an.Dans le même temps, le montant des dividendes versés est passé de 15 à 30 % de l’excédent brut d’ex-ploitation.Les aides aux entreprises s’élèvent à 200 milliards d’euros, soit 10 % du PIB. La production industrielle répond de moins en moins à la demande intérieure.Au sens large, l’industrie représente plus de 95 % des exportations de marchandises, mais à cause de l’in-suffisance des capacités produc-tives, à cause du recul de l’industrie, pour exporter, on doit importer davantage.Par conséquent, la balance com-merciale est déficitaire : le com-merce ex té r i eur con t r ibue

négativement à la croissance écono-mique en France.

La dévalorisation du travail est source de déclin industriel

La priorité est aujourd’hui donnée à la rentabilité immédiate et à la distri-bution de dividendes. La pression permanente sur les salariés empêche une stratégie de développement industriel. Les raisons du déclin industriel sont la dévalorisation du travail, le rôle des multinationales et les politiques de la puissance publique. Il faut développer l’indus-trie, car elle améliore le potentiel de développement économique. Elle permet également de réduire les dégâts portés à l’environnement à cause de la multiplication des trans-ports superflus de marchandises.La CGT est pour une industrie qui réponde aux besoins actuels et futurs et qui tienne compte de l’en-vironnement, une industrie pour une société durable, pour une société juste, pour une dynamique de l’économie du pays, pour l’inté-rêt général, à l’opposé des intérêts du capital : le progrès technologique doit servir au progrès social.Pour ce faire, il faut travailler sur 5 axes :• revaloriser le travail ;• accroître l’effort de recherche et

les investissements ;• établir une politique indus-

trielle et énergétique tenant compte des enjeux environne-mentaux et des évolutions tech-nologiques ;

• mobiliser autrement le finance-ment pour libérer l’industrie du carcan de la financiarisation ;

• mettre en place plus de démo-cratie sociale et des droits nou-veaux pour les salariés.

La journée s’est poursuivie sur les relations entre Industrie et services.

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Les services aux entreprises se défi-nissent comme une activité de four-niture d’un service d’une entreprise à une autre. C’est le premier contri-buteur des services. Ils se différen-cient de la sous-traitance. Le sous-traitant est un fournisseur de l’entreprise alors que le service est un acteur intervenant dans l’entre-prise.Du fait de l’externalisation de nombre d’activités des entreprises, ce secteur est très important car il regroupe autant de salariés que l’industrie au sens strict. La discus-sion a porté sur notre stratégie syn-

dicale au regard des salariés de ces services qui travaillent dans l’entre-prise mais n’ont pas les mêmes contrats, conventions collectives, etc. Celle-ci a mis en lumière les dif-ficultés rencontrées pour intégrer ces salariés à l’activité syndicale, pour faire vivre les syndicats de site et pour prendre en compte les conditions d’externalisation des activités dans les IRP.Tous les participants ont insisté sur les responsabilités syndicales et la nécessité de poursuivre la réflexion afin de trouver les moyens à mettre en œuvre vis-à-vis de ces travail-

leurs pour qu’ils puissent bénéficier des mêmes droits que les autres.

Dernière session du cycle 2017 les 28 et 29 novembre

La dernière session du cycle 2017 se déroulera les 28 et 29 novembre prochains. Elle abordera la logique des services publics et l’évaluation des politiques publiques, le finance-ment des politiques publiques et fiscalité, et le financement de l’éco-nomie.

Jean-François Soury

Bibliographie succincte

CGT, Débattre du coût du capital. Initiatives CGT, recherches et journées d’études, 2016.Daniel Bachet, Les fondements de l’entreprise, 2007.Philippe Benollet et Claude Laridan, Pour une gestion radicalement nouvelle, Notre Temps, 2013.Paul Boccara, Intervenir dans les gestions avec de nouveaux critères, Éditions sociales, 1985.Jean Lojkine, Le tabou de la gestion, L’Atelier, 1996.Jean-Claude Louchart et alii, Nouvelles approches des gestions d’entreprises, L’Harmattan, 1995.Nasser Mansouri-Guilani, L’économie française en 10 leçons, l’Atelier, 1999.

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Accès au financement des TPE/PME : un avis du Cese

Notre organisation a joué un rôle particulier lors de la conception de l’avis sur le financement des PME/TPE, adopté à une large

majorité par le Cese, non seulement dans sa construction mais aussi dans les idées qui l’imprègnent. Ainsi, cet avis peut permettre d’avancer dans différentes batailles dont nous sommes porteurs, y compris celle contre le « coût du capital ».Alors que les TPE/PME sont présentées comme un levier de crois-sance et d’emplois, leur développement, notamment en matière d’investissements et d’emplois, reste faible.L’avis aborde différents aspects de financements, dont il ressort que le crédit bancaire reste de loin la principale source.Les indicateurs statistiques bancaires illustrent une amélioration des conditions de crédit, mais la perception de nombre d’acteurs auditionnés (particulièrement les entreprises de plus petite taille) demeure très différente et met en avant les barrières et difficultés importantes pour obtenir ces financements pour leur développe-ment ou leur modernisation. Parmi lesquelles :• les refus de crédit concernent des dizaines de milliers de PME

et de 700 000 à 1 million de TPE ;• le recul des flux d’encours de crédit aux TPE malgré la baisse

générale des taux ;• le coût du crédit est supérieur en moyenne d’un point pour les

plus petites entreprises ;• les « charges financières au sens large », le coût du capital

s’élèvent en moyenne à 40 % du profit brut des TPE/PME.Plusieurs recommandations issues de cet avis s’approchent de pro-positions portées par notre organisation, telles que :• la modulation à la baisse de l’impôt sur le résultat des PME/

TPE en cas d’affectation de celui-ci en fonds propres à des fins d’investissements productifs, porteurs d’emplois ;

• la réorientation d’une partie des fonds et des réserves de l’assu-rance-vie des ménages, de l’épargne solidaire et de l’épargne salariale des entreprises vers le financement des PME/TPE ;

• l’extension aux entités de l’économie sociale et solidaire de tous les dispositifs relatifs au financement dont bénéficient les autres PME/TPE ;

• le changement de dimension de Bpifrance pour viser l’en-semble des TPE et promouvoir une autre sélectivité du crédit ;

• la responsabilisation des grands groupes pour qu’ils assument les frais de recouvrement de leurs retards de paiement, en pré-voyant une diminution progressive de soixante jours à trente jours du délai légal maximal de paiement interentreprises.

David Meyer

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Repères statistiques

Salaires> Salaire net médian en équivalent temps plein (en

2015) :– ensemble : 1 797 € ;– femmes : 1 650 € ;– hommes : 1 906 €.

En équivalent temps plein, la moitié des femmes gagnent 256 € de moins que la moitié des hommes. En réalité, l’écart est plus grand (27 %) car la plupart des femmes travaillent à temps partiel.> Écart de salaire femmes/hommes : 18,4 % en

équivalent temps plein (F : 1 986 € ; H : 2 438 €). 27 % en réalité, la plupart des femmes travaillant à temps partiel.

> Smic mensuel net : 1 151,50 € (7,59 € l’heure).> Smic mensuel brut : 1 480,27 € (9,76 € l’heure).> Pension des retraites : 1 376 € en 2015 (montant men-

suel moyen brut par retraité, tous régimes confondus).> RSA « socle » : 545,48 € pour une personne seule,

812,22 € pour un couple ou une personne seule avec enfant.

Emploi> Emploi total : 26 545 800 (France hors Mayotte, en

2016).> Emploi salarié : 23 442 200 (France hors Mayotte,

en 2016).> Emploi salarié à temps partiel : 4 298 200

(France hors Mayotte, en 2016).> Nombre de chômeurs (au sens du Bureau inter-

national du travail) : 2 972 400 (France hors Mayotte, en 2016).

> Sous-emploi salarié (au sens du BIT) : 1 723 600 (France hors Mayotte, en 2016)*.

* Personnes ayant un emploi à temps partiel mais qui souhaitent travailler davantage, qu’elles cherchent un emploi ou non. Sont également incluses les personnes ayant involontairement travaillé moins que d’habitude (chômage technique…).

Données générales> PIB : 2 228,9 Mds € en 2016.> Consommation des ménages : 1 186,1 Mds € en

2016.> Investissement des entreprises : 266,8 Mds €

en 2016.> Dividendes versés (par les sociétés non finan-

cières) : 180,1 Mds € en 2016.> Budget de l’État (révisé 2017) : 384,8 Mds € en 2016

dont charge de la dette : 41,5 Mds €.> Recettes de l’État (révisé 2017) : 303,1 Mds €

dont :– Impôt sur le revenu : 72,6 Mds € en 2017 ;– Impôt sur les sociétés : 28,4 Mds € en 2017 ;– TVA : 150,5 Mds € en 2017.

> Exportations : 453,0 Mds € en 2016.> Importations : 501,1 Mds € en 2016.> Solde du commerce extérieur : – 48,1 Mds €.