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Bénin Démocratie et participation à la vie politique : Une évaluation de 20 ans de « Renouveau démocratique » Une étude d’AfriMAP et de l’Open Society Initiative for West Africa UNE PUBLICATION DU RÉSEAU OPEN SOCIETY INSTITUTE Par Gilles Badet 2010

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Bénin

Démocratie et participation à la vie politique :

Une évaluation de 20 ans de « Renouveau démocratique »

Une étude d’AfriMAP et de

l’Open Society Initiative for West Africa

UNE PUBLICATION DU RÉSEAU OPEN SOCIETY INSTITUTE

Par Gilles Badet

2010

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Copyright © 2010, Open Society Initiative for West Africa. Tous droits réservés.Aucune partie de la présente publication ne peut être reproduite, conservée dans un système de recherche automatique, ni transmise sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit sans l’autorisation préalable de l’éditeur.

Publié par:l’Open Society Initiative for West Africa

ISBN: 978–1–920355–38–8

Pour de plus amples informations, veuillez contacter:AfriMAP President Place1 Hood Avenue/148 Jan Smuts AveRosebank, South [email protected] www.afrimap.org

Open Society Initiative for West Africa (OSIWA)BP 008 Dakar-FannSénégalwww.osiwa.org

Maquette et impression: COMPRESS.dsl, Afrique du Sud

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Table des matières

Liste des tableaux vi

Liste des encadrés vii

Liste des acronymes viii

Préface xii

Remerciements xiv

Partie IDémocratie et participation à la vie politique : Document de réflexion

Introduction 3

1 Adopter une démarche globale de révision de la Constitution 5

2 Renforcer les mécanismes de contrepoids 6

3 Promouvoir l’égalité de la citoyenneté béninoise 7

4 Réformer urgemment le système électoral 8

5 Rationaliser le système partisan et renforcer le statut de l’opposition 10

6 Renforcer les modalités d’exercice des pouvoirs de contrôle du Parlement 12

7 Parachever le processus de décentralisation 14

8 Renforcer l’appropriation nationale de l’aide au développement 15

Conclusion 16

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Partie IIDémocratie et participation à la vie politique : Rapport principal

1 Le Cadre constitutionnel de la participation politique 19A Normes internationales 19

B Constitution 22

C Recommandations 42

2 Égalité de la citoyenneté 45A Égalité de la citoyenneté béninoise 45

B La dimension ethnique de la participation politique au Bénin 50

C La participation des femmes à la vie politique au Bénin 55

D Droits des migrants et des réfugiés au Bénin 59

E Recommandations 64

3 Participation au processus politique 66A Liberté d’association 66

B Place et force de la société civile au Bénin 67

C Syndicalisme et dialogue social 75

D Libertés de manifestation et de réunion 78

E Les médias et la liberté d’expression 80

F Le Médiateur de la République 86

G Le Haut commissariat à la gouvernance concertée 89

H Recommandations 91

4 Les élections 93A Organisation des élections 93

B Inscription sur les listes électorales 104

C Conditions d’éligibilité 107

D Système électoral 109

E Les pratiques électorales 109

F Financement des élections 112

G L’observation des élections 115

H La validité des résultats et résolution judiciaire des disputes électorales 116

I Recommandations 120

5 Le système partisan et le statut de l’opposition 122A Cadre juridique 122

B Le paysage partisan 124

C Composition des partis politiques 128

D Financement des partis politiques 131

E Fonctionnement des partis politiques 132

F Le statut de l’opposition 134

G Recommandations 138

6 L’Assemblée nationale 139A Fonctions 139

B Composition 146

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C Organisation et fonctionnement 149

D Conditions de travail 151

E Budget de fonctionnement du Parlement 155

F Participation du public au travail parlementaire 155

G Recommandations 156

7 Décentralisation et autorités traditionnelles 157A La structure territoriale 157

B Les compétences des collectivités décentralisées 159

C Les finances locales 162

D Fonctionnement de la démocratie locale 166

E Recommandations 170

8 Aide au développement et participation politique 171A Appui extérieur au développement démocratique 171

B Appropriation nationale et harmonisation de l’aide 179

C Participation nationale et transparence 182

D Recommandations 185

ANNEXE I : Principaux traités sous-régionaux et internationaux relatifs aux droits

de l’Homme, à la citoyenneté et à la démocratie ratifiés par le Bénin 187

ANNEXE II : Listes des partis politiques regulièrement enregistrés à la date du 14 juin 2007

au Bénin 189

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Liste des tableaux

Tableau 1 Conditions de séjour des étrangers (régime général) au Bénin 60Tableau 2 Permis /carte de séjour pour les étrangers immigrants au Bénin 61Tableau 3 Nombre de sièges par parti à l’Assemblée nationale depuis 1995 125Tableau 4 Structure territoriale 159Tableau 5 Ressources locales dans le budget (en milliers de FCFA) 163Tableau 6 Subventions de l’État entre 2003 et 2005 163Tableau 7 Appui de différents partenaires à la décentralisation au Bénin 164

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Liste des encadrés

Encadré 1 Les sujets controversés du projet de Constitution 25 Encadré 2 La Cour constitutionnelle censure le comportement d’un officier de police 36Encadré 3 La Cour constitutionnelle veille au bon fonctionnement des institutions 38Encadré 4 Course pour la Marina en 2011 : Sô-Ava exige un poste ministériel d’abord

avant tout soutien à Yayi 55Encadré 5: Comment la société civile béninoise s’est organisée pour suivre les Accords

de Cotonou ACP-EU 70Encadré 6 Recours en irrégularité et en illégalité de la désignation et de la nomination

du représentant de la société civile au sein de la Commission politique de supervision extraits 74

Encadré 7 Restriction légitime à la liberté de manifestation 79Encadré 8 Bilan de l’OMP pour les années 2007–2008 87Encadré 9 La Cour constitutionnelle valide la création de la CENA 94Encadré 10 Bras de fer entre CENA et gouvernement 96Encadré 11 Quelques pistes pour une réforme du système électoral au Bénin 103Encadré 12 La Cour constitutionnelle vole au secours des élections de 2006 114Encadré 13 Les pouvoirs respectifs de la Cour constitutionnelle et de la CENA, d’après

Nicéphore Dieudonné Soglo ancien Président de la République, maire de Cotonou 119

Encadré 14 Le multipartisme intégral, d’après Nicéphore Dieudonné Soglo, maire de Cotonou et ancien Président de la République 128

Encadré 15 Compétences du Parlement minées par les pouvoirs spéciaux du Président de la République 145

Encadré 16 Les pressions extérieures sur le processus démocratique 180Encadré 17 Le gouvernement passe outre l’autorisation parlementaire de ratifier des accords

de coopération (Communiqué du conseil des ministres) 182

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Liste des acronymes

ABP Agence Bénin presseAC Alliance caméléonACAT-B Action des chrétiens pour l’abolition de la torture-BéninACBF Fondation pour le renforcement des capacités en Afrique (African Capacity

Building Foundation)ACCT Agence de coopération culturelle et techniqueADD Alliance pour une dynamique démocratiqueADP Alliance pour la démocratie et le progrèsAFJB Association des femmes juristes du BéninAFP Alliance des forces du progrèsAfriMAP Projet pour l’observation et le plaidoyer sur la gouvernance en Afrique (Africa

Governance Monitoring and Advocacy Project)ALCRER Association de lutte contre le racisme, l’ethnocentrisme et le régionalismeAN Assemblée nationaleANCB Association nationale des communes du BéninAR Alliance du renouveauASD Alliance pour la sociale démocratiqueASSODIV Association pour le développement des initiatives villageoisesBOAD Banque ouest-africaine de développementCAD Conférence administrative départementaleCAO Centre Afrika-ObotaCAPAN Cellule d’analyse des politiques de développement de l’Assemblée nationaleCARD-Dunya Cercle d’action pour le renouveau démocratiqueCaRMeSP Cadre de renforcement des meilleures stratégies et pratiques de réhabilitation,

de production et d’intégration et de protection du genre au BéninCBE Coalition pour un Bénin émergentCCS Commission communale de supervisionCDCC Conseil départemental de concertation et de coordinationCEA Commission électorale d’arrondissementCED Commission électorale départementaleCEDEAO Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest

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CEL Commission électorale localeCENA Commission électorale nationale autonomeCES Conseil économique et socialCGTB Confédération générale des travailleurs du BéninCNDLP Commission nationale pour le développement et la lutte contre la pauvretéCNPA Conseil national du patronat de la presse et de l’audiovisuelCNPF Commission nationale de promotion de la femmeCOSI Confédération des organisations syndicales indépendantesCPP Congrès du peuple pour le progrèsCPS Centre de promotion socialeCSA Confédération des syndicats autonomesCSPIB Confédération des syndicats du privé et de l’informel du BéninCSTB Confédération des syndicats des travailleurs du BéninCSUB Centrale des syndicats unis du BéninDHPD Droit de l’Homme, paix et développementDISM Direction de l’intelligence et de la sécurité militaireDPP Direction de la programmation et de la prospectiveDSCRP Document de stratégie de croissance pour la réduction de la pauvretéEMICov Enquête modulaire intégrée sur les conditions de vie des ménagesFADEC Fonds d’appui au développement des communesFARD-ALAFIA Front d’action pour le renouveau, la démocratie et le développementFCBE Force cauris pour un Bénin émergentFED Fonds européen de développementFNUAP Fonds des Nations unies pour la populationFONAC Front des organisations de la société civile contre la corruptionFORS-LEPI Coalition du front des organisations de la société civile pour la réalisation de la

LEPIFUPRO Fédérations des unions de producteurs du BéninG/PIFED Groupe des ONG pour le Programme d’intégration de la femme dans le

développement durableGERDDES Groupe d’études et de recherches sur la démocratie et le développement

économique et socialHAAC Haute autorité de l’audiovisuel et de la communicationHCGC Haut commissariat à la gouvernance concertée HCR Haut commissariat des Nations unies aux réfugiésIDEE Institut pour le développement et les échanges endogènesIDH-DQ Institut des droits de l’Homme – démocratie au quotidienIFES International Foundation for Electoral SystemsIPD Institut panafricain pour le développementJAS Stratégie commune d’assistance (Joint Assistance Strategy)LDDH Ligue pour la défense des droits de l’Homme au BéninLEPI Liste électorale permanente informatisée

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MADEP Mouvement africain pour la démocratie et le progrèsMAEP Mécanisme africain d’évaluation par les pairsMAP Mouvement pour une alternative du peupleMDC Mouvement pour le développement par la cultureMdM Maison des médiasMDS Mouvement pour la démocratie et la solidaritéMFE Ministère de la famille et de l’enfantMFWA Fondation pour les médias en Afrique de l’Ouest (Media Foundation for West

Africa)MNDD Mouvement national pour la démocratie et le développementNCC Notre cause communeOCDE Organisation de coopération et développement économiqueODEM Observatoire de la déontologie et de l’éthique dans les médias OFID Fonds de l’Opep pour le développement international (Opec Fund for

International Development)OIT Organisation internationale du travailOMD Objectifs du millénaire pour le développementONG Organisation non gouvernementaleONIP Office national d’imprimerie et de presseONU Organisation des Nations uniesOPEP Organisation des pays exportateurs de pétroleOPM Organe présidentiel de médiationORTB Office de radiodiffusion et de télévision du BéninOSC Organisation de la société civileOSCAR Organisation de la société civile appuyée et renforcéeOSD Orientations stratégiques de développementOSIWA Open Society Initiative for West AfricaPADED Projet d’appui à la démocratie et à l’État de droitPARAG/SRP Politiques et stratégies de réduction de la pauvretéPARMAN Projets d’appui à la réforme et la modernisation de l’Assemblée nationalePAS Programme d’ajustement structurel du Fonds monétaire internationalPCB Parti communiste du BéninPDB Parti démocratique du BéninPGDP Programme gouvernance et droits de la personnePNPF Politique nationale de la promotion de la FemmePNUD Programme des Nations unies pour le développementPRD Parti républicain du DahomeyPRD-NG Parti du réveil des démocrates pour la nouvelle générationPRD Parti du renouveau démocratiquePRPB Parti de la révolution populaire du BéninPS Parti socialistePSB Parti socialiste du Bénin

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PSD Parti Social Démocrate PTF Partenaires techniques et financiersRAP Rassemblement africain pour le progrès et la solidaritéRAVEC Recensement administratif à vocation état civilRB La renaissance du BéninRBSJA Revue béninoise des sciences juridiques et administrativesRDD Rassemblement démocratique du DahomeyRDL-Vivoten Rassemblement des démocrates libérauxRDP Rassemblement pour la démocratie et le panafricanismeRENA Recensement électoral national approfondiRIFONGA Réseau pour l’intégration des femmes des ONG et associations africainesRPR Rassemblement pour le progrès et le renouveauRSF Reporters sans frontièresRUND Rassemblement pour l’unité nationale et la démocratieSAP/CENA Secrétariat administratif permanent de la Commission électorale nationale

autonomeSCRP Stratégie de croissance pour la réduction de la pauvretéSRP Stratégie de réduction de la pauvretéUA Union africaineUDFP Union démocratique des forces du progrèsUBF Union pour le Bénin du futurUDD Union démocratique dahoméenneUDFP Union démocratique des forces du progrèsUDS Union pour la démocratie et la solidarité nationaleUEMOA Union économique et monétaire ouest africaineUN Union fait la Nation (Alliance de partis politiques)UNACEB Unité d’analyse, de contrôle et d’évaluation du budget de l’ÉtatUNDP Union nationale pour la démocratie et le progrèsUNESCO Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science, la science et la

cultureUNSD Union pour la solidarité et le développementUNSTB Union nationale des syndicats des travailleurs du BéninUP Union patriotiqueUPD Union progressiste dahoméenUPD Union pour la paix et la démocratieUPMB Union des professionnels des médias du BéninUPR Union pour la relèveUSAID Agence des États Unis pour le développement internationalWANEP West African Network for Peace BuildingWILDAF Women in law and development in Africa

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Préface

Il y a exactement vingt ans, le Bénin a organisé du 19 au 28 février 1990 une conférence nationale regroupant autour des institutions publiques, les représentants de toutes les sensibilités politiques, couches sociales et regroupements professionnels pour réfléchir sur l’état de la gouvernance dans le pays et jeter les bases d’un nouveau pacte national de la démocratie et de l’état de droit au Bénin. Au vu de l’éclatant succès de la « Conférence des forces vives de la nation  », de nombreux pays de l’Afrique francophone ont, dans les semaines qui ont suivi, essayé d’en reproduire le format et la formule, dans leur quête d’une ère nouvelle de constitutionnalisme et de gouvernance démocratique. On peut donc dire que la conférence nationale du Bénin constitue l’événement fondateur des processus de démocratisation dans une bonne partie des pays africains.

Dans le pays lui-même, cependant, quel est l’état de la démocratie et de la participation politique, vingt ans après cet événement historique  ? Dans quelle mesure le Bénin a-t-il confirmé son rôle de pionnier en matière d’exercice de la démocratie participative ? Quel est l’état de l’édifice institutionnel et juridique bâti depuis vingt ans sur les solides fondations de la conférence nationale ? C’est à ces questions que le présent rapport a l’ambition de répondre. Les recherches menées en vue de ce rapport avaient comme objectif d’évaluer les progrès réalisés et identifier les faiblesses à corriger dans le système de gouvernance au Bénin au moment où le pays célèbre les vingt ans de sa pratique de démocratie participative.

Ce rapport fait partie d’une série de quatre études sur la gouvernance au Bénin initiées par le projet AfriMAP (Projet pour l’observation et le plaidoyer sur la gouvernance en Afrique). Une de ces études, publiée en juillet 2008, est une analyse critique de la façon dont le Bénin a conduit le processus d’autoévaluation de la gouvernance dans le cadre du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP) entre novembre 2005 et septembre 2007. Les deux autres études ambitionnent de faire un bilan exhaustif des vingt ans de gouvernance dans les secteurs respectifs de la justice et de l’état de droit (publiée en même temps que la présente étude) ainsi que de la prestation des services publics de l’éducation (encore en cours d’élaboration). Comme les trois autres, cette étude est le fruit d’une collaboration étroite entre AfriMAP, la société civile béninoise et la fondation OSIWA ou Initiative pour une société ouverte en Afrique de l’Ouest (Open Society Initiative for West Africa).

AfriMAP a été mis en place par les quatre fondations africaines du réseau des Fondations Soros, parmi lesquelles OSIWA. Son objectif est de suivre de près la mesure dans laquelle les

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pays africains et leurs partenaires au développement assurent le respect des normes africaines et internationales en matière des droits de l’Homme, de l’état de droit et de la responsabilité du gouvernement.

AfriMAP a été institué dans un contexte particulier. Depuis que l’Union africaine (UA) a remplacé l’ancienne Organisation de l’unité africaine (OUA) en 2002, les Etats africains ont pris des engagements précis en faveur du respect d’une meilleure gouvernance. L’Acte constitutif de l’Union africaine contient des dispositions visant la promotion des droits de l’Homme, des principes et institutions démocratiques, de la participation populaire et de la bonne gouvernance. D’autres documents contenant des engagements plus précis ont par la suite été adoptés, parmi lesquels le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP), la Convention pour la prévention et la lutte contre la corruption, le Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples sur les droits des femmes en Afrique, ainsi que la Charte sur la démocratie, les élections et la gouvernance. Les travaux de recherche d’AfriMAP ont pour but de faciliter et de promouvoir le respect de ces engagements en faisant ressortir les enjeux et en fournissant une base au travail des organisations de la société civile.

Les rapports d’AfriMAP ne sont pas un catalogue de jugements subjectifs. Ils évitent, dans la mesure du possible, d’épouser le modèle des classifications quantitatives actuellement en vogue dans le domaine des études sur la gouvernance. Ils se veulent plutôt être une discussion aussi complète que possible tenant compte à la fois des forces et des faiblesses dans la pratique de la gouvernance, du respect des droits de l’Homme, et de la participation politique, et soulignant les domaines qui méritent une amélioration. À travers un processus de consultation d’experts, AfriMAP a mis au point des formats de rapport dans les trois domaines suivants: le secteur de la justice et l’état de droit, la démocratie et la participation politique et la prestation efficace des services publics. Les questionnaires élaborés, notamment le questionnaire sur la démocratie et la participation politique sur lequel est basé le présent rapport, sont disponibles sur le site Internet d’AfriMAP à l’adresse: www.afrimap.org.Les rapports sont établis par des experts des pays concernés, en étroite collaboration avec le réseau des fondations de l’Open Society Institute en Afrique et avec le personnel d’AfriMAP. L’objectif est que ces rapports constituent une ressource pour les parties prenantes, les décideurs, les praticiens, les chercheurs et les militants du pays concerné ainsi que pour ceux qui travaillent dans les autres pays d’Afrique, dans le but d’améliorer le respect des droits de l’Homme et des valeurs démocratiques.

Le présent rapport va donc au-delà de l’analyse de la conformité avec les normes de base liées au respect des droits civiques et politiques. Il expose et analyse les réformes en cours visant à la consolidation des acquis démocratiques. En même temps, il rend compte des progrès qui restent à réaliser et propose des pistes pour affronter les faiblesses ainsi identifiées. Nous espérons que ce rapport pourra contribuer à la poursuite des efforts actuellement en cours dans le pays en vue d’asseoir une démocratie participative plus solide. Comme la conférence nationale de 1990, nous espérons que ce rapport et les débats autour de ses recommandations pourront inspirer des réformes similaires ailleurs sur le continent.

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Remerciements

Les recherches en vue de préparer ce rapport ont été réalisées pendant près de deux ans par des équipes comprenant chercheurs, enseignants, militants des droits de l’Homme et de la lutte contre la corruption, organisations de promotion de la gouvernance locale et experts en élections. Il nous est d’un devoir agréable de remercier tous ceux qui ont contribué à rendre possible ce projet. Constant Gnacadja, coordonnateur de l’organisation Droit de l’homme, paix et développement (DHPD) a assuré avec un professionnalisme admirable la coordination générale de l’équipe AfriMAP au Bénin. Son organisation, le DHPD, a tenu le secrétariat et servi de dépositaire de toutes les recherches AfriMAP au Bénin. L’Association de lutte contre le racisme, l’ethnocentrisme et le régionalisme (ALCRER) a servi d’institution hôte pour les travaux de recherche et de plaidoyer sur ce rapport. Son très dynamique président, Martin Assogba, a accompagné l’auteur du rapport avec le dévouement et la passion devenus les signes distinctifs de son action dans le paysage de la société civile du Bénin. À travers Constant Gnacadja et Martin Assogba nous tenons à remercier tout le personnel des organisations DHPD et ALCRER pour leur contribution à la réalisation de ce rapport.

C’est à Gilles Badet, auteur de ce rapport, que nous tenons à exprimer nos remerciements les plus chaleureux. Juriste spécialisé en gouvernance, démocratie et droits de l’homme de l’université d’Abomey Calavi au Bénin, Gilles Badet a apporté à la rédaction de ce rapport les deux ingrédients qui en font la force : sa rigueur d’universitaire et sa passion de militant de la société civile béninoise. Nous sommes reconnaissants du fait que M. Badet ait trouvé du temps à consacrer à ce rapport alors qu’il rédigeait une thèse de doctorat sur la Cour constitutionnelle du Bénin, qu’il prenait part à la campagne de la société civile en vue de la réforme de la Constitution, et qu’il conseillait le Parlement dans les travaux en vue de l’établissement d’une Liste électorale permanente informatisée (LEPI).

Une version préliminaire de ce rapport a été soumise à la critique d’un atelier de validation co-organisé par DHPD, ALCRER et le Centre Afrika Obota les 9 et 10 avril 2009 à Cotonou. Au cours de cet atelier la version avancée du rapport a été présentée par Gilles Badet et une lecture critique du rapport a été proposée par Me Ibrahim Salami, avocat à Cotonou. Des propositions et recommandations ont ensuite été soumises et débattues par la quarantaine des participants comprenant des fonctionnaires et experts du gouvernement, des enseignants en sciences politiques, des spécialistes du constitutionnalisme et des représentants des organisations citoyennes œuvrant dans divers domaines de la gouvernance. Nous tenons à remercier les

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personnes et organisations qui ont pris part à cet atelier et ont ainsi contribué à l’enrichissement de ce rapport par les commentaires critiques.

Pascal Kambale, directeur adjoint d’AfriMAP, a assuré la direction éditoriale et le contrôle de qualité de ce rapport. Il a bénéficié du précieux concours de ses collègues Yaye Helène Ndiaye, assistante de programme d’AfriMAP, Idiatou Bah, chargée du programme démocratie et gouvernance à OSIWA et Bronwen Manby, conseillère spéciale d’AfriMAP.

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Partie IBénin : Démocratie et participation à la vie politique

Document de réflexion

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D O C U M E N T D E R É F L E X I O N 3

Introduction

Il y a vingt ans, le Bénin a organisé du 19 au 28 février 1990 une conférence nationale regroupant autour des institutions publiques, les représentants de toutes les sensibilités politiques, couches sociales et regroupements professionnels. Convoquée par un régime marxiste pris en étau par une bureaucratie étatique incapable de faire face à la crise économique aigue de la fin des années 1980, la « Conférence des forces vives de la nation » avait pour but de faire le bilan de l’état de la gouvernance dans le pays au cours des trente premières années de l’indépendance. Elle visait surtout à jeter les bases d’un nouveau pacte national de la démocratie et de l’état de droit au Bénin. La conférence de 1990 a eu un tel succès que de nombreux autres pays de l’Afrique francophone confrontés aux mêmes défis de constitutionnalisme et de gouvernance démocratique ont essayé d’en reproduire le format et la formule. On peut donc dire que la conférence nationale du Bénin constitue l’événement fondateur des processus de démocratisation dans une bonne partie des pays africains.

Au Bénin même, la Conférence de 1990 a clairement sonné l’ère du renouveau démocratique dont le pays jouit des fruits depuis 20 ans. Aux changements répétés et inconstitutionnels de régimes politiques au cours des 30 premières années de l’indépendance a désormais succédé un régime politique stable enraciné dans un solide fondement constitutionnel. Depuis le début du renouveau démocratique en 1990, le Bénin a organisé quatre élections présidentielles, quatre élections législatives, deux élections communales et municipales et une élection locale. Les différentes élections présidentielles ont rendu possible une culture d’alternance pacifique telle que le pays a déjà compté trois différents Présidents de la République entre 1990 et 2009. Les paysages médiatique, associatif, syndical et partisan attestent un climat de grande liberté. Les droits et libertés sont protégés et généralement respectés. La société civile est très active et a fait montre de son dynamisme par, notamment, des actions citoyennes visant à participer à la lutte contre la corruption, à la défense de la Constitution et à une plus grande fiabilité des listes électorales. L’exercice des libertés publiques est également garanti grâce au bon fonctionnement des institutions créées pour jouer le rôle de contre poids et de surveillance sur les institutions démocratiques traditionnelles. La Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication a, à son actif, un bilan honorable de la garantie de la liberté de la presse et de veille à un accès équilibré de toutes les forces politiques aux médias publics. La Cour constitutionnelle a probablement fait plus que toute autre institution pour surveiller le respect des droits et libertés garantis dans la Constitution tout en arbitrant avec professionnalisme les conflits entre institutions politiques.

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4 PARTIE I BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

Toutefois, la fondation sur laquelle la participation politique et la démocratie au Bénin sont bâties demeure fragile. Comme souligne dans le rapport Bénin : démocratie et participation à la vie politique – une évaluation des 20 ans du « Renouveau démocratique » (rapport principal) d’où le présent document de réflexion est tiré, les 20 années du « Renouveau démocratique » ont été émaillées de crises politiques et sociales qui ont souligné l’urgente nécessité de renforcer le cadre constitutionnel et les institutions de la participation politique au Bénin. Bien que les crises successives aient toutes été réglées, pour l’instant, par des voies constitutionnelles et légales, elles ont mis en évidence l’hypertrophie de la Cour constitutionnelle et la fragilité des procédures et mécanismes de règlement judiciaire des conflits politiques, et électoraux en particulier.

Un autre domaine qui mérite des réformes urgentes est celui de l’équilibre des pouvoirs et du rôle des organes politiques de contre poids. Le multipartisme intégral, caractérisé par l’absence d’un parti dominant, a longtemps constitué un atout potentiel pour le système politique béninois. L’émiettement du paysage partisan, combiné avec le système électoral, ont empêché la possibilité d’une majorité automatique en faveur du Président de la République. Cela n’a toutefois pas tourné à l’avantage du Parlement. Ce dernier a généralement été incapable d’exercer un contrôle effectif sur l’exécutif, en partie à cause du fossé de plus en plus large de l’expertise des deux organes.

La célébration de vingt ans de pratique démocratique donne à la société béninoise l’occasion de s’interroger sur les forces et faiblesses du système politique et démocratique en place depuis la conférence nationale. Dans ce cadre, plusieurs initiatives de réforme ont été lancées au cours des trois dernières années. Des organisations de la société civile ont lancé à partir de 2007 une campagne visant à formuler des propositions concrètes pour une révision de la Constitution de 1990. La même année, le gouvernement a chargé une commission d’experts indépendants de proposer des réformes du système électoral. Toujours en 2007, le Bénin a achevé le processus d’autoévaluation de sa gouvernance dans le cadre du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs. Le gouvernement a ensuite mis en place en 2009 un comité d’experts indépendants chargés de conseiller sur les grands axes d’une révision de la Constitution.

Il ressort, toutefois, du rapport complet qu’au-delà de la Constitution et du système électoral, c’est dans pratiquement tous les domaines de la participation politique et de la démocratie que des changements profonds sont nécessaires. Les réformes devraient donc être conduites de manière holistique dans l’esprit de la Conférence des forces vives de la nation, plutôt que par pièces détachées à travers des commissions ad hoc.

Le présent document a l’ambition de modestement contribuer aux réflexions en vue d’une telle stratégie de réformes. Bien que ses conclusions et recommandations résultent du rapport Bénin  : démocratie et participation à la vie politique – une évaluation des 20 ans du « Renouveau démocratique », ce document de réflexion n’en est pas un résumé. Il est donc recommandé de lire le rapport complet pour une analyse plus détaillée des défis auxquels le système de gouvernance démocratique béninois est confronté.

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D O C U M E N T D E R É F L E X I O N 5

1. Adopter une démarche globale de révision de la Constitution

Des efforts de révision constitutionnelle en cours depuis 2007 offrent la première occasion depuis 1990 de consolider le cadre constitutionnel en vue du renforcement d’une participation politique de qualité. La Constitution béninoise adoptée en 1990 de manière démocratique, consensuelle et participative est en phase avec les principales normes internationales ratifiées par le Bénin dans le domaine des droits de l’Homme et de la gouvernance démocratique. Elle prévoit un exécutif fort avec toutefois des contre poids qui ont, à date, fonctionné de façon relativement satisfaisante. Parmi les institutions de contrepoids, la Cour constitutionnelle a joué un rôle important comme organe protecteur des droits fondamentaux et comme organe de régulation.

Le consensus qui a caractérisé l’adoption de la Constitution béninoise impose d’adopter la démarche la plus participative possible pour sa révision. Aussi, convient-il de faire les propositions suivantes :

• L’Assemblée nationale qui est désormais saisie du projet de loi de révision de la Constitution introduit par le gouvernement doit exiger la publication de la version initiale du rapport des experts sur les réformes constitutionnelles envisageables au Bénin et prendre ce rapport comme base du travail. Il vaudrait mieux, après une vingtaine d’années de pratiques de la Constitution, se donner le temps d’une réforme globale de ce qui mérite d’être réformée plutôt que de copier la plupart des provisions, qui appellera à de nouvelles réformes dans peu de temps.

• La période 2010–2011 caractérisée par une campagne électorale précoce par rapport aux échéances électorales (présidentielles et législatives) du premier trimestre 2011 et une certaine crispation des relations politiques n’offre pas le contexte idéal pour des discussions apaisées et consensuelles sur les réformes constitutionnelles pertinentes. Il vaut mieux reporter les discussions relatives à la réforme constitutionnelle au deuxième trimestre 2011, soit en début des mandats présidentiel et législatifs. Cela permettrait par ailleurs d’éviter les risques d’instrumentalisation du processus en cours et faire en sorte que les autorités politiques qui initient et/ou qui interviennent dans l’initiative de révision constitutionnelle ne soient pas taxées de vouloir bénéficier des réformes qui en découlent (prolongation de mandats parlementaires en cours, levée de la limitation des mandats du Président de la République en exercice, renforcement inopportun et conjoncturel des pouvoirs de l’exécutif ou de ceux du législatif, etc.).

Une popularisation du rapport des experts doit être organisée aussi bien par les députés que par les organisations de la société civile afin de permettre à toutes les institutions de la République, prises en tant que telles, y compris le gouvernement (qui n’est qu’une institution parmi d’autres dans ce processus), à tous les partis politiques représentés à l’Assemblée nationale, à toute association ou ONG, ainsi qu’à toute autre personne physique ou morale qui le souhaite, de faire parvenir ses observations motivées à une commission ad hoc chargée d’élaborer une version

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finale d’un texte consensuel qui pourrait être soumise aux parlementaires vers la fin 2011 pour adoption. Compte tenu de non adoption de la loi organique sur le référendum, du caractère technique des révisions souhaitées et des difficultés de couverture des charges financières relatives aux votations, il est en effet préférable d’emprunter la voie parlementaire de révision de la Constitution.

2. Renforcer les mécanismes de contrepoidsLa structure monocéphale du pouvoir exécutif paraît satisfaisante. Compte tenu du fait que l’histoire politique mouvementée qu’a connue le pays était parfois liée aux conflits entre les deux têtes de l’exécutif, le fait que le pouvoir exécutif prévu dans la Constitution de 1990 soit dirigé par une seule autorité est apprécié. Cet arrangement ouvre la voie à la possibilité pour le Président de la République de nommer une personne (Premier ministre ou ministre d’État) pour coordonner l’action gouvernementale sans que cette personne n’exerce les attributions de chef de gouvernement réservées au Président de la République. Ceci dit, le système accuse un déséquilibre des pouvoirs trop évident en faveur de l’exécutif dont la capacité d’influence sur les autres pouvoirs est trop forte. Le chef de l’État et chef du gouvernement participe de manière trop importante à la désignation des responsables des institutions de contrepoids. Son rôle à cet égard devrait être considérablement atténué.

Il est donc recommandé que le Président de la Cour suprême ne soit plus nommé par le Président de la République, mais qu’il soit désormais désigné par ses pairs, membres de cette institution.

De même, la nomination des membres de la Cour constitutionnelle est aujourd’hui réduite aux choix effectués par le Président de la République et par le Bureau de l’Assemblée nationale. Ce système de nomination invite le risque que l’ensemble des membres de la Cour constitutionnelle soient désignés par la même tendance politique en cas de domination du Bureau de l’Assemblée nationale par les partisans du chef de l’État. Une telle possibilité est dangereuse compte tenu du rôle de plus en plus important que la Cour joue en matière d’arbitrage des conflits politiques. Il faudrait donc confier à la plénière de l’Assemblée nationale le soin de désigner les membres de la Cour constitutionnelle, par un vote qualifiée – 2/3 par exemple – et ajouter la possibilité pour les facultés publiques de droit, l’union nationale des magistrats et l’ordre des avocats, d’élire un ou plusieurs des leurs à la haute juridiction. De même, la possibilité donnée à l’exécutif et au Parlement de procéder au renouvellement du mandat des membres de la Cour est une entorse à l’indépendance des juges. Il faudrait prévoir un mandat long, non renouvelable de 9, ou 12 ans, ou un mandat à exercer jusqu’à une certaine limite d’âge – soixante quinze ans par exemple. Un renouvellement partiel des membres fera aussi gagner l’expérience acquise par certains aux nouveaux arrivants, or tel que les textes le prévoient aujourd’hui, il n’est pas impossible qu’une nouvelle mandature de la Cour constitutionnelle arrive avec la totalité des membres de la juridiction se retrouvant au début de leur premier mandat.

La Cour devrait également jouir de la même autonomie financière que l’Assemblée nationale et le contrôle a posteriori de ses dépenses devrait être effectué par la Chambre des comptes de la

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Cour suprême pour éviter que le pouvoir exécutif n’exerce des pressions ou chantages sur les juges de la Cour.

Enfin, la Cour constitutionnelle est actuellement victime de son propre succès. Elle a tellement bien joué son rôle de protecteur des droits de l’Homme et de rempart de la démocratie qu’elle est actuellement submergée par des demandes et recours qui menacent de l’étouffer et de la rendre inefficiente. Il convient de desserrer l’étau autour de la Cour en confiant une partie de ses compétences aux tribunaux ordinaires. Par exemple, les juges ordinaires pourraient connaître de certains contentieux en matière électorale en premier ressort, quitte à ce que la Cour constitutionnelle connaisse de ces affaires en appel ou en dernier ressort.

Il serait tout aussi important de renforcer l’autonomie de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC) vis-à-vis du pouvoir exécutif. Le président de la HAAC devrait être désigné directement par ses pairs, membres de la HAAC, et non plus par le Président de la République. L’expertise technique de la HAAC devrait aussi être renforcée, par exemple, par l’augmentation du nombre de ses membres désignés par les professionnels des médias. Enfin, le pouvoir d’attribuer les fréquences de diffusion audiovisuelle aux promoteurs privés constitue une condition fondamentale de l’exercice de la liberté de presse et devrait être confiée à la HAAC plutôt qu’à l’exécutif.

3. Promouvoir l’égalité de la citoyenneté béninoise

Bien qu’il ne compte pas parmi les pays affectés par des conflits inter-ethniques violents, le Bénin est traversé par des rivalités régionales et ethniques qui marquent fondamentalement sa vie politique et la qualité de la participation des citoyens aux politiques nationales. La participation politique des citoyens est également affectée par des inégalités de genre. Il persiste des pratiques discriminatoires à l’égard des femmes quoique des progrès notables aient été enregistrés surtout dans la législation. Les lois demeurent toutefois en deçà de la conformité avec les dispositions progressistes de la Constitution et des conventions internationales. Le Bénin applique un système complexe alliant le droit du sol et le droit du sang dans les critères d’octroi de la nationalité d’origine. Mais cette combinaison cache mal des discriminations nées des différences de traitement de la femme par rapport à l’homme dans la législation sur la nationalité.

Le Code de la nationalité béninoise doit être revu pour d’une part, harmoniser certaines de ses dispositions avec la Constitution et les lois électorales et, d’autre part, reconnaître les mêmes droits et imposer les mêmes conditions aux hommes et aux femmes quant à la possibilité d’obtenir ou de donner la nationalité béninoise.

Compte tenu de la fragilité de la construction de la nation béninoise, les acteurs politiques doivent manier la donne ethnique ou régionale avec beaucoup de prudence pour éviter le retour des vieux démons de régionalisme que le pays a connu. Si l’on peut encourager le dosage ethno régional du gouvernement ou de l’ensemble des institutions ou administrations de l’État par exemple, il faudrait dans le même temps éviter autant que possible les pratiques de quota ethnique ou régional qui ne sont prévues par aucune loi mais qui provoquent beaucoup de

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frustrations pour les participants aux concours d’entrée dans la fonction publique, par exemple. D’autre part, les membres du gouvernement ou des institutions, administrations, ou entreprises publiques devraient éviter de s’identifier de manière trop ostentatoire à leur département, commune ou village d’origine. Tout ministre, responsable ou membre d’institution de l’État doit pouvoir être reconnu comme fils du pays, où qu’il se trouve.

Si des obstacles juridiques n’existent pas pour empêcher que les femmes, par exemple, participent effectivement aux activités politiques, il semble que des efforts spéciaux, notamment législatifs, soient utiles pour augmenter d’avantage la participation des femmes aux instances de prise de décision. L’Institut de la femme dont le projet de mise en place a été annoncée en début 2010 doit rapidement commencer ses activités afin de faire des recommandations pertinentes à cet effet.

4. Réformer urgemment le système électoral Le cadre juridique des élections au Bénin est caractérisé par une multitude de lois votées, amendées et revues la veille d’un cycle électoral. La mise en œuvre de ces lois est souvent soumise à des exceptions qui les rendent vulnérables à des manipulations politiques. L’organisation des élections depuis 1995 par la Commission électorale nationale autonome (CENA), un organe indépendant du gouvernement, a constitué un développement majeur dans l’évolution de la démocratie béninoise. L’expertise technique et la stabilité institutionnelle attendues de la CENA sont néanmoins menacées par son caractère non permanent. La confusion entre ses compétences et celles de la Cour constitutionnelle en matière de résolution des conflits électoraux est parmi les facteurs qui menacent l’intégrité du processus électoral au Bénin.

L’instabilité de la CENA, organe ad hoc créé à l’occasion de chaque élection, ne permet pas de capitaliser les acquis de ses membres. De même, les modifications répétées de lois électorales à chaque élection ne permettent pas non plus leur appropriation par des membres à divers niveaux de la CENA installés souvent dans la précipitation.

La politisation de la CENA sert des intérêts partisans et empêche de tenir compte des critères fixés par la loi tels que la probité, la compétence, l’impartialité et le patriotisme. Cette politisation est consacrée par la Cour constitutionnelle qui a institué « une clé de répartition des membres de la CENA sur la base d’un quota attribué à chaque groupe parlementaire en tenant compte de la configuration politique de l’Assemblée nationale pour que soient représentées toutes les forces politiques ».

La très faible fiabilité des listes électorales est devenue un danger pour la qualité de la participation politique au Bénin. Le système de confection, de contrôle et de mise à jour des listes électorales est très défectueux et mérite une réparation urgente et durable. La non exigence de pièce d’identité ou d’identification, due en partie à l’inexistence de l’état civil, est à la base des inscriptions multiples ou frauduleuses de mineurs, d’étrangers et de personnes condamnées. Les déficiences des listes électorales expliquent aussi en partie les multiples insuffisances liées au vote des Béninois de l’extérieur.

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Ces faiblesses du système électoral béninois et d’autres détaillés dans le rapport principal ont été identifiés dans nombre d’études dont la plus récente et la plus complète est le rapport remis par la « Commission des juristes indépendants sur le système électoral en République du Bénin » instituée en avril 2007 par le Président de la République. Il est important que le gouvernement et le Parlement s’attèlent à la mise en œuvre des recommandations de cette Commission qui tendent à l’amélioration du système électoral.

En ce qui concerne la CENA, il convient d’en modifier la composition et la structure pour la rendre à la fois pléthorique, moins politisée et plus souple. Conformément aux recommandations de la Commission, les membres de la CENA doivent être réduits à 17 membres nommés (5 pour composer le bureau, 12 coordonnateurs conformément aux 12 départements) avec un mandat de 5 ans renouvelable une fois. Un tel mécanisme vaudra à la CENA d’être un organe permanent et offrira à l’institution suffisamment de temps pour exécuter, avec moins de risque de les bâcler, toutes les tâches de préparation et d’organisation des élections. L’expérience acquise par les commissaires au cours d’une élection devrait servir à améliorer la qualité des consultations électorales suivantes. Par ailleurs, les commissaires pourront bénéficier d’une formation continue pour l’actualisation et le renforcement de leurs capacités et de leurs expertises, participer à des élections comme observateurs dans d’autres Etats en vue d’améliorer leurs propres prestations.

En ce qui concerne la formation, en particulier, la Commission a noté avec pertinence qu’un amateurisme caractérise le système de formation des formateurs qui se chargent à leur tour de répercuter les connaissances reçues jusqu’au niveau le plus bas des agents des bureaux de vote. La Commission a ainsi recommandé à la CENA de faire désormais appel aux ONG ou experts qualifiés en matière de droit, de démocratie et d’élections – telles que les organisations AFJB, IDH-DQ et WILDAF, et les anciens présidents et secrétaires généraux de CENA ou les anciens membres de la Cour constitutionnelle. La formation devra s’adresser aux démembrements de la CENA aussi bien qu’aux membres des bureaux de vote, aux délégués des candidats ou partis politiques en lice, voire aux agents recenseurs. Des outils pédagogiques sont à élaborer au profit desdits bénéficiaires qui doivent être d’un niveau scolaire minimum de brevet d’études du premier cycle du secondaire.

En ce qui concerne les listes électorales, tous les efforts doivent être faits pour terminer la réalisation de la Liste electorale permanente informatisée (LEPI) avant les législatives et la présidentielle de 2011. Tel doit être l’objectif. Les acteurs politiques devraient s’entendre dès à présent (premier trimestre 2010) pour qu’en décembre 2010, le point de l’évolution de la réalisation de la LEPI soit fait afin de décider de commun accord quel type de liste électorale utiliser pour les échéances de 2011.

Le financement des élections est un sujet de préoccupation grandissant. Les dépenses effectuées par la CENA pour l’organisation des élections présidentielles sont passées de 1.704.115.300 FCFA (US$ 3,6 millions) en 1996 à 6.832.780.000 (US$ 14,5 millions) en 2001 avant d’atteindre 12.285.786.000 FCFA (US$26 millions) en 2006. Pour ce qui est des législatives, les dépenses qui n’étaient que de 1.144.946.900 FCFA (US$ 2,4 millions) en 1995, se sont élevées à 3.547.262.200 FCFA (US$ 7,5 millions) en 1999, avant d’atteindre 6.668.200.000 FCFA (US$14 millions) en 2003.

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Il y a donc nécessité de rationaliser les dépenses des élections qui doivent relever de la souveraineté nationale. Un certain nombre de recommandations proposées à cet effet par la Commission vont dans la bonne direction et leur mise en œuvre devraient être considérée pour les élections de 2011. Ces recommandations concernent, notamment : l’établissement d’un bureau de vote pour 500 électeurs au lieu de 300, le couplage des élections et la prévision chaque année d’une dotation sur le budget de l’État à verser dans un compte bancaire spécial ouvert au profit de la CENA. Ce compte peut recevoir l’aide des partenaires au développement. Il reviendra au ministère des Finances de détacher un contrôleur financier auprès de la CENA pour vérifier la régularité des dépenses.

Le système de résolution des conflits électoraux mérite également une révision qui établisse une division plus claire des compétences entre les différents organes de contrôle. La confusion des compétences entre la CENA et la Cour constitutionnelle, en particulier, doit être levée. Il importe de clarifier les attributions de chacune des institutions en confiant la gestion du processus électoral, y compris la publication des résultats provisoires à la CENA et le contentieux électoral à la Cour constitutionnelle. Par ailleurs, la liste des électeurs inscrits doit être transmise à la Cour constitutionnelle deux mois avant le scrutin pour contrôle et publication.

En ce qui concerne le contentieux des élections communales, la loi l’a confié à la Cour suprême et le moins qu’on puisse dire est que ce n’est pas un bon choix. La preuve : Plus d’une année après les élections municipales, communales et locales de 2008, ce contentieux n’est toujours pas vidé. Or, si l’on peut comprendre que sous l’ancien système judiciaire, la chambre administrative de la Cour suprême était la seule juridiction administrative du pays, depuis l’avènement de la nouvelle loi sur l’organisation judicaire, le pays connait maintenant une organisation de juridictions administratives de la base (tribunal) jusqu’au sommet (Cour suprême). Il serait donc temps que le contentieux des élections municipales, communales et locales soit distribué dans l’ensemble de cet appareil juridictionnel de manière à régler le problème de l’engorgement. On pourrait par exemple considérer que le contentieux des locales (conseils de villages ou de quartiers de villes, unités administratives les plus basses) relève des chambres administratives des tribunaux d’instance, avec possibilité d’appel et de cassation. Le contentieux des communales et municipales pourrait quant à lui relever de la compétence des chambres administratives des cours d’appel avec possibilité de cassation.

5. Rationaliser le système partisan et renforcer le statut de l’opposition

Le cadre juridique de définition et de création des partis politiques au Bénin semble moderne et conforme aux standards démocratiques. Mais il n’a pas empêché une atomisation accentuée du paysage politique qui a pu paradoxalement servir d’atout démocratique si l’on sait que les différents présidents de la République, déjà dotés de pouvoirs importants dans le système présidentiel béninois, ont toujours eu du mal à maintenir une majorité automatique à leur profit à l’Assemblée nationale. La composition des partis politiques et leur fonctionnement offrent plus de sujets d’inquiétudes en termes de participation optimale des acteurs politiques au processus

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démocratique et au développement socioéconomique du pays et de ses habitants. Le statut de l’opposition contient une longue liste de droits et avantages divers offerts aux partis politiques qui ne se reconnaissent pas dans l’équipe au pouvoir. Il n’a toutefois pas été attractif pour les partis de l’opposition du fait d’abord, qu’il est conditionné en grande partie à la bonne volonté du pouvoir en place, ensuite, qu’il occulte plusieurs aspects des garanties attendues par l’opposition comme les modalités concrètes d’accès aux médias de service public, enfin, parce que certains acteurs politiques, supposés de l’opposition, ne désespèrent pas d’être « associés » à la gestion des affaires par le Président de la République, cette possibilité étant exclue une fois la déclaration d’appartenance à l’opposition faite.

La combinaison du scrutin majoritaire avec le scrutin proportionnel aux élections législatives ajouté à la mise en œuvre des règles actuelles de sanction des partis politiques qui ne participent pas à plusieurs élections législatives successives conduira sans doute à une plus grande clarification du paysage politique. Mais l’objectif ne saurait être de diminuer pour diminuer car c’est la diversité des partis politiques représentés à l’Assemblée nationale et l’impossibilité pour les différents présidents de la République de disposer d’une majorité automatique à l’Assemblée nationale qui permet d’éviter une présidentialisation outrancière du régime politique qui reconnait déjà d’énormes pouvoirs au Président de la République.

Les règles de création des partis politiques auront une influence sur le degré auquel la composition des partis politiques sera ethnique. De même, on peut mettre les règles — notamment les critères et conditions — de financement des partis politiques à profit pour régler les problèmes liés à une meilleure participation des femmes ou des jeunes aux activités des partis politiques, notamment leur présence en position éligible sur les listes de candidature, les partis faisant le plus d’efforts dans ces domaines pouvant se voir attribuer des fonds plus élevés que ceux versés aux partis moins regardants sur les questions de genre et de mixage de générations.

Il est important de mettre en œuvre rapidement le décret sur le financement des partis politiques pour permettre à ceux-ci de jouer les différents rôles que leur confie la loi, en particulier, l’animation de la vie politique et publique. À terme, il faudra toutefois améliorer aussi bien la Charte des partis politiques que le décret sur le financement des partis politiques de manière à intégrer des critères de couverture géographique diversifiée (s’agissant notamment des militants, des antennes régionales, et des suffrages obtenus), de prise en compte du genre et du mixage générationnel dans les modalités d’octroi de fonds publics aux partis politiques.

L’autre problème important en matière de financement des partis politiques est celui du contrôle de leurs revenus et dépenses, pour éviter tout à la fois les financements occultes de partis politiques et un déséquilibre financier important entre les adversaires politiques. La Chambre des comptes de la Cour suprême devra être dotée de moyens financiers, humains et techniques lui permettant d’assumer les responsabilités qui lui ont été confiées par la loi.

La sanction des règles de fonctionnement des partis politiques doit faire l’objet d’une meilleure attention, notamment le fait qu’elles soient gérées par les autorités judiciaires. Les partis politiques qui ne respectent pas la fréquence statutaire de l’organisation des congrès ou assemblées générales doivent pouvoir être sanctionnés sans que ne soit soulevé le grief d’abus de pouvoir de l’administration (et donc, du pouvoir politique en place).

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L’autre défi à relever est le renforcement des capacités des militants de partis politiques, non seulement en citoyenneté, mais aussi en matière de problèmes et solutions liés aux défis sociaux, économiques et culturels auxquels doit faire le pays, ses localités, le continent africain et le monde, car ce sont ces militants qui sont appelés à avoir la charge de la résolution de ces différents problèmes.

Le statut de l’opposition pose de nombreux problèmes qui doivent être résolus. Sur la définition même de l’opposition et l’identification de son (ou ses) chef (s) dans un régime présidentiel comme le Bénin, on note que la loi sur le statut de l’opposition propose une définition relativement convaincante de ce qu’on peut entendre par opposition et du rôle qu’on attend d’elle dans une démocratie. Il n’en demeure pas moins que désigner le(s) chef (s) de l’opposition uniquement par rapport à des critères de représentativité à l’Assemblée nationale ou de suffrages obtenus lors des élections législatives pose un problème dans un pays où on peut être candidat à l’élection présidentielle sans appartenir à aucun parti politique et arriver en deuxième position. En fait, tous les présidents de la République du renouveau démocratique ont été élus sans être portés ou formellement présentés par un parti politique en particulier. Dans ces conditions, pourquoi ne pas faire du candidat arrivé en deuxième position à l’élection présidentielle passée le chef automatique de l’opposition ?

Quant aux droits et avantages accordés à l’opposition, ils paraissent extrêmement fragiles car laissés, en général, à la bonne discrétion du pouvoir exécutif, il semble préférable d’inscrire ce statut de l’opposition dans la Constitution et de prévoir une loi organique pour détailler les obligations qui devront peser sur le pouvoir exécutif quant au respect desdits droits, sinon, on assistera encore longtemps à la situation connue jusque là, où à part une seule fois, les partis politiques font de l’opposition sans faire la déclaration d’opposition et sans réclamer les droits et avantages qui semblent en principe leur être accordés. Ainsi, la possibilité offerte à l’opposition de dénoncer, à la Chambre administrative de la Cour suprême, qui doit statuer en procédure d’urgence, le non respect des droits et avantages reconnus, non seulement, aura un sens, mais relèverait du contrôle de la Cour constitutionnelle pour une garantie encore plus élevée.

6. Renforcer les modalités d’exercice des pouvoirs de contrôle du Parlement

Composée d’une seule chambre appelée Assemblée nationale, cette institution en est à sa cinquième législature depuis 1991, alors qu’avant l’ère du renouveau démocratique, le Dahomey d’alors a vécu une période d’instabilité politique accrue où aucune législature élue démocratiquement — ce qui exclut l’Assemblée nationale Révolutionnaire de la période marxiste-léniniste introduite au Bénin par la Loi fondamentale de 1977 — n’avait pu aller jusqu’à son terme.

Ainsi, depuis l’avènement du processus démocratique enclenché au Bénin en 1990, le Parlement béninois à travers ces cinq législatures, contribue à l’enracinement du processus démocratique. Le Parlement béninois constitue donc l’un des piliers essentiels sur lesquels repose l’état de droit en œuvre au Bénin depuis une vingtaine d’années. Selon la Constitution du

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11 décembre 1990, la durée de la législature est de quatre ans. Chaque député est ainsi élu pour un mandat de quatre ans et est rééligible sans limitation. Au bout de quatre ans de législature, tous les postes de députés sont remis en jeu et l’Assemblée nationale pourrait donc se renouveler intégralement si le peuple en décide ainsi.

Les fonctions du Parlement béninois sont classiques, même si l’on peut critiquer «  le pouvoir du dernier mot » qui revient au Président de la République, du fait de ses pouvoirs exceptionnels. La composition du Parlement béninois est politiquement hétérogène, dominée par des hommes. Les cadres et intellectuels dominent à côté de quelques commerçants influents.

En vingt ans de gouvernance sous le renouveau démocratique, le Parlement n’a toutefois pas pu jouer de façon pleinement effective son rôle législatif et son rôle de contrôle de l’exécutif. Des profonds déséquilibres techniques et politiques au profit de l’exécutif expliquent en partie cette faiblesse. Malgré la légitimité et le prestige dont elle jouit, l’Assemblée nationale béninoise souffre encore de nombreuses faiblesses qui l’empêchent d’exercer pleinement ses trois principales fonctions que sont la représentation, la législation et le contrôle de l’action gouvernementale. La principale contrainte qui continue d’entraver la performance du Parlement béninois est le constat d’un déséquilibre important de niveau d’information, de moyens et de ressources humaines compétentes entre le gouvernement et le Parlement. Ainsi, les compétences et capacités des députés, de l’administration parlementaire ou du personnel de soutien, ainsi que de manière générale, les capacités institutionnelles du Parlement, sont faibles.

Les efforts de renforcement des capacités des députés et des fonctionnaires parlementaires doivent être poursuivis et renforcés. Chaque député ou groupe de députés (groupe parlementaire par exemple) doit pouvoir disposer d’un cabinet composé au minimum, d’agents spécialisés en procédure législative et en contrôle budgétaire, et ce, en dehors de l’accroissement du nombre d’assistants de commissions techniques dont le rôle d’appui n’est plus à démontrer. Par ailleurs, un véritable corps d’agents parlementaires doit être créé et la filière proposée à l’École nationale d’administration et de magistrature.

Le pouvoir de contrôle budgétaire du Parlement doit être renforcé et il ne doit être permis au Président de la République de prendre une ordonnance de pouvoirs exceptionnels (articles 68 et 69 de la Constitution) pour mettre en exécution un budget général de l’État que si toutes les autres voies constitutionnelles de mise en vigueur provisoire et/ou définitive du budget général de l’État sont épuisées. Il s’agit notamment des conditions strictes prévues aux articles 110 et 111 de la Constitution.

L’article 57 al.6 de la Constitution prévoit que si le Président de la République refuse de promulguer une loi, la Cour constitutionnelle, saisie par le président de l’Assemblée nationale, peut déclarer la loi exécutoire. Or, dans une situation de majorité parlementaire qui se confondrait avec la majorité présidentielle, le président de l’Assemblée nationale n’aurait aucun intérêt à saisir la Cour constitutionnelle en vue d’une telle déclaration de la part de celle-ci. Cette disposition perdrait son efficacité faute de saisine de la Cour constitutionnelle par le président de l’Assemblée nationale. Il serait donc utile d’élargir la saisine de la Cour constitutionnelle aux députés individuellement ou aux groupes de députés pour renforcer le pouvoir de contrôle du parlement.

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S’agissant des suites de l’exigence de publication de la loi par le Président de la République, il faut signaler que les hautes juridictions (Cour constitutionnelle et Cour suprême) considèrent que le défaut de publication prive d’effet une loi promulguée. En d’autres termes, un président de la République ne devrait même pas perdre son temps à solliciter l’examen en deuxième lecture d’une loi à l’encontre de laquelle il nourrit quelques griefs. Il lui suffit de promulguer la loi mais de ne pas en assurer la publication. Il s’agit, au-delà d’un déni de justice, d’un déni de législation que seule une disposition constitutionnelle pourrait régler. Il est donc important de prévoir par amendement constitutionnel un délai dans lequel le Président doit promulguer une loi votée, et à l’expiration duquel la loi doit être réputée exécutoire si le président n’en a pas demandé une seconde lecture.

7. Parachever le processus de décentralisation Le processus de décentralisation entamé en 2003 avec l’installation des premiers conseils communaux et municipaux a connu de nombreuses difficultés dans sa mise en œuvre. L’État central a traîné les pieds pour transférer les compétences. Quand celles-ci ont été transférées, les communes n’ont pas pu les exercer, d’une part parce que l’État central continue de définir et de mettre en œuvre les politiques sectorielles, d’autre part parce que les communes n’ont encore reçu ni les ressources financières, ni les compétences techniques et humaines nécessaires pour leur permettre d’exercer les compétences que leur donne la loi.

Le processus de transferts de compétences a fait l’objet de plusieurs rencontres et commissions paritaires entre État et communes dont les résolutions tardent à être appliquées. En outre, le rapport d’évaluation du Bénin dans le cadre du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs a relevé, au sujet de la décentralisation, ce qu’elle a appelé une tendance prononcée à la destitution souvent fantaisiste des maires, de nombreux conflits internes favorisés par des intrigues et querelles politiciennes, la mauvaise maîtrise des textes, exacerbée par l’incompétence et parfois l’analphabétisme de nombreux élus locaux, l’affairisme, les intrusions de l’autorité de tutelle du fait d’une interprétation trop extensive du contrôle de tutelle, la mauvaise collaboration entre services déconcentrés présents sur le territoire communal et élus locaux, etc.

Par ailleurs, les départements (administrés par des préfectures) censés apporter un appui conseil aux communes sont tout aussi dépourvus de compétences humaines et techniques compatibles avec l’atteinte de pareils résultats. Cela est d’autant crucial que, faute d’application des textes, les six nouveaux départements créés n’ont toujours pas commencé à fonctionner, les préfectures continuant d’administrer et d’exercer leur tutelle sur les communes appartenant à deux départements différents.

Les ressources transférées sont néanmoins en hausse ces dernières années et la création récente d’un ministère uniquement en charge de la décentralisation et de l’aménagement du territoire ainsi que la tenue d’un forum sur le bilan et les perspectives de la décentralisation, permettent d’espérer de meilleures suites au processus. Il en est de même du leadership que développe de plus en plus le Bénin dans la coordination de l’appui des partenaires au processus de décentralisation. On peut donc croire que les nouveaux conseils issus des élections de 2008

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connaîtront de meilleures avancées sur les terrains de la démocratie locale et du développement à la base. Cela ne sera possible qu’au prix des réformes précises et bien cadrées, parmi lesquelles :

• Un meilleur respect par le gouvernement des transferts de compétences et de ressources tels qu’ils ressortent des textes, mais aussi des concertations du gouvernement avec l’Association nationale des communes du Bénin.

• L’aboutissement du projet de mise en place d’une administration territoriale composée d’agents ayant reçu des formations spécifiques sur la gestion des municipalités, la prestation des services sociaux de base et développement local.

• Le renforcement de la capacité d’assistance-conseils des ministères, de leurs directions départementales et des préfectures de départements.

• Le renflouement plus conséquent du Fonds d’appui au développement des communes (FADEC).

• Le renforcement des possibilités pour les communes de faire des emprunts sur le marché financier, avec, le cas échéant, les garanties de l’État central.

• Une intégration plus effective des autorités traditionnelles dans la gouvernance locale en définissant un cadre légal appelé à régir leur participation et leur implication dans les activités des collectivités décentralisées, notamment leurs droits et obligations, les activités de médiation dans les conflits, l’assistance-conseil à la prise de décision, le régime des incompatibilités et des indemnités.

8. Renforcer l’appropriation nationale de l’aide au développement

La coopération internationale joue un rôle clé dans le développement du Bénin en général, et dans l’avancement de son processus démocratique en particulier. Toutefois la participation des acteurs nationaux et ceux de la société civile à la définition et à l’évaluation de ces différentes formes d’appui n’est pas encore rendue systématique. De même, le gouvernement n’a pas encore réussi à prendre le leadership en matière de coordination de l’appui des partenaires dans différents domaines.

Il est recommandé au gouvernement et aux partenaires techniques et financiers :• d’examiner les moyens d’une systématisation de la participation de la société civile

à la programmation et à l’évaluation des programmes d’appui des partenaires au développement ;

• d’examiner les moyens de la systématisation de la participation de l’Assemblée nationale (ne serait-ce qu’aux préalables) à la conclusion des accords de crédits importants;

• de prendre le leadership en matière de coordination de l’aide au développement au-delà du rapport sur la coopération au développement qu’il élabore périodiquement.

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1 6 PARTIE I BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

ConclusionLe Bénin achève les 20 premières années de son « Renouveau démocratique » avec des motifs de satisfaction sur le fonctionnement des institutions démocratiques mises en place par la Constitution de 1990. en même temps, les initiatives privées et publiques qui se sont multipliées les trois dernières années tendant à la révision de la Constitution et à une redistribution des équilibres du pouvoir témoignent de la réalisation grandissante du fait que le système de gouvernance actuel mérite une réforme profonde. Une telle réforme n’aurait de sens que si elle s’inspire dans sa forme de l’approche consensuelle de la Conférence nationale de février 1990. Dans le fonds, la réforme doit tendre vers le renforcement et l’élargissement, et non pas l’affaiblissement, des mécanismes et institutions qui ont permis au Bénin de jouir d’un état de gouvernance démocratique en relativement meilleure santé que dans la plupart des pays de la sous-région.

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Partie IIBénin : Démocratie et participation à la vie politique

Rapport principal

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1 . L E C A D R E C O N S T I T U T I O N N E L D E L A P A R T I C I P AT I O N P O L I T I Q U E 1 9

1

Le Cadre constitutionnel de la participation politique

Le droit béninois offre un cadre constitutionnel favorable à une participation politique de qualité. En effet, la Constitution béninoise adoptée de manière démocratique, consensuelle et participative est en phase avec les normes internationales ratifiées par le pays. Elle prévoit un exécutif fort avec toutefois des contre poids. Le régime politique choisi est de type présidentiel avec quelques originalités. La Cour constitutionnelle joue un rôle important comme organe protecteur des droits fondamentaux et comme organe de régulation. La Constitution béninoise jouit d’un crédit certain et d’une réelle légitimité populaire. Cette légitimité a été manifestée par les campagnes que des organisations de la société civile ont lancées pour sa défense. La Cour constitutionnelle a également énoncé des conditions strictes à sa révision qui ont mis en échec les tentatives de révision opportunistes motivées par des intérêts politiciens.

A. Normes internationalesAvant 1990, le Bénin n’avait pratiquement ratifié aucune des conventions internationales importantes consacrant les principes démocratiques et la participation politique. On ne pouvait guère relever comme ratifications de conventions importantes que celle de la Convention sur l’esclavage en 1962, celle de la Convention sur l’apartheid en 1974 et celle de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples en 1986. C’est le renouveau démocratique, entamé en

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2 0 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

1990, qui a permis au Bénin de se rattraper sur le terrain de la ratification des conventions internationales relatives aux droits de l’Homme, à la démocratie et à la participation politique.1

S’agissant des normes des Nations unies, le Bénin est ainsi partie aux deux pactes de 1966, sur les droits économiques sociaux et culturels, et sur les droits civils et politiques, au Protocole de 1966 sur le Pacte relatif aux droits civils et politiques, à la Convention relative aux réfugiés de 1951 et à son Protocole de 1967, à la Convention de 1979 pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, à la Convention de 1989 relative aux droits de l’enfant et au statut de la Cour pénale internationale.

En ce qui concerne les normes de l’Union africaine relatives aux droits de l’Homme et à la démocratie, le Bénin a signé la quasi-totalité desdites normes. Il a aussi ratifié les plus importantes que sont la Charte de l’Union africaine, le Protocole sur le Conseil de paix et de sécurité, la Convention de l’Union africaine sur les réfugiés, la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples (qui fait partie intégrante de la Constitution béninoise), la Charte africaine des droits et du bien être de l’enfant, le Protocole à la charte africaine des droits de l’Homme relatif aux droits des femmes.

Même si le tableau en annexe 1 ne recense pas la totalité des conventions internationales auxquelles le Bénin est partie, on observe que le pays a ratifié bon nombre de traités et conventions en général et ceux relatifs aux droits de l’Homme en particulier. Toutefois des efforts restent à faire sur la ratification de certaines conventions de l’Union africaine ainsi que sur la « transposition » et l’application effective de ces instruments dans l’ordre juridique national. En effet, certaines ratifications capitales tardent à venir comme celles relatives à la Charte africaine pour la démocratie, les élections et la gouvernance ainsi que celle de la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption de juillet 2003.

La Constitution du 11 décembre 1990 accorde aux instruments internationaux régulièrement ratifiés et sous réserve de réciprocité, une autorité supérieure à celle de la loi.2 La ratification est de la compétence exclusive du Président de la République3 sauf pour les accords qui « engagent les finances de l’État, […] modifient les lois internes de l’État, […] comportent cession, échange ou adjonction de territoire », pour lesquels le recours au Parlement ou aux populations concernées est exigé avant toute ratification.4

La Constitution béninoise ne comporte aucune contradiction avec les normes et principes démocratiques telles que ceux qui sont consacrés dans les textes internationaux relatifs à la démocratie et à la gouvernance politique.

A titre d’exemples, la Charte de l’union africaine sur la démocratie, les élections et la gouvernance, prévoit comme objectifs pour les États membres de l’Union, de «  promouvoir l’adhésion de chaque Etat partie aux valeurs et principes universels de la démocratie et le respect des droits de l’Homme », ainsi que leur adhésion «  au principe de l’État de droit fondé sur le respect et la suprématie de la Constitution et de l’ordre constitutionnel dans l’organisation politique  ». La Constitution béninoise, adoptée plusieurs années plus tôt, proclame, en

1 Voir tableau en annexe 1.2 Article 147.3 Article 144.4 Article 145.

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1 . L E C A D R E C O N S T I T U T I O N N E L D E L A P A R T I C I P AT I O N P O L I T I Q U E 2 1

harmonie parfaite avec ce texte, la « détermination (…) de créer un État de droit et de démocratie pluraliste, dans lequel les droits fondamentaux de l’Homme, les libertés publiques, la dignité de la personne humaine et la justice sont garantis, protégés et promus comme la condition nécessaire au développement véritable et harmonieux de chaque Béninois tant dans sa dimension temporelle, culturelle, que spirituelle ». De même, elle réaffirme son « attachement aux principes de la démocratie et des droits de l’Homme, tels qu’ils ont été définis par la Charte des Nations unies de 1945 et la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples (…) dont les dispositions font partie intégrante de la présente Constitution et du droit béninois et ont une valeur supérieure à la loi interne ». La Charte de l’Union africaine sur la démocratie, les élections et la gouvernance prévoit également de « promouvoir la tenue régulière d’élections transparentes, libres et justes afin d’institutionnaliser une autorité et un gouvernement légitimes ainsi que les changements démocratiques de gouvernement  » et interdit, rejette et condamne «  tout changement anticonstitutionnel de gouvernement dans tout État membre ». Dans le même sens, le Protocole A/SP1/12/01 de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au Protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité, cite parmi ces « principes de convergence constitutionnelle » le fait que « toute accession au pouvoir doit se faire à travers des élections libres, honnêtes, et transparentes. » , car « tout changement anti constitutionnel est interdit de même que tout mode non démocratique d’accession ou de maintien au pouvoir. ». De même, il faut assurer « la participation populaire aux prises de décision, le strict respect des principes démocratiques, et la décentralisation du pouvoir à tous les niveaux de gouvernement. » En conformité avec ces principes, la Constitution béninoise prévoit que le la souveraineté nationale appartient au peuple, aucune fraction du peuple, aucune communauté, aucune corporation, aucun parti ou association politique, aucune organisation syndicale ni aucun individu ne pouvant s’en attribuer l’exercice.5 La Constitution prévoit aussi les principes d’égalité de tous les citoyens devant la loi,6 de séparation des pouvoirs,7 d’universalité, d’égalité et de secret du suffrage,8 de liberté de la presse,9 de liberté de réunion,10 de liberté de participation de tous les citoyens à la direction des affaires publiques du pays,11 et de façon plus précise, le principe de l’élection du Président de la République au suffrage universel direct et au scrutin uninominal majoritaire à 2 tours12 ou le principe de l’élection des députés au suffrage universel direct pour un mandat de 4 ans13 ou encore le principe de la compétence législative pour la détermination du régime électoral du Président de la République et des

5 Article 3 et 4 de la Constitution.6 Article 26 de la Constitution.7 Articles 54, 98, 100 et 125 de la Constitution.8 Article 6 de la Constitution.9 Article 24 de la Constitution.10 Article 25 de la Constitution.11 Article 13 Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples qui fait partie intégrante de la Constitution et du droit

béninois selon l’article 7 de la Constitution.12 Article 42 et 43 de la Constitution.13 Article 80 de la Constitution.

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2 2 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

députés, ou enfin, le principe de la légalité et du caractère électif des conseils de collectivités locales.14

B. ConstitutionLa Constitution béninoise, compte tenu des conditions de son adoption, dispose d’une légitimité populaire incontestable. La défense de la Constitution par la société civile ne fait que confirmer cette donne. Ce n’est donc pas simplement les conditions rigides de révision qui ont empêché toute modification de ce texte depuis son adoption en 1990. Il faut relever en effet que la Cour constitutionnelle a durci les conditions textuelles de révision en y ajoutant l’exigence de consensus avant toute entreprise de révision constitutionnelle.

Légitimité de la Constitution La légitimité de la Constitution béninoise tient, en premier lieu, à ce qu’elle n’a pas été adoptée de manière unilatérale, et ne peut donc être révisée de cette manière. La Constitution béninoise actuellement en vigueur a été adoptée à l’issue d’une «  révolution négociée.  ».15 En effet, en 1989, les difficultés économiques, financières et politiques poussent le chef de l’État, le Président Mathieu Kerekou, chef du parti unique, arrivé au pouvoir dix sept ans plus tôt par un coup d’État, et régnant sur la base d’une Constitution du 26 Août 1977, appelée « Loi fondamentale », à prendre un certain nombre de décisions présentées comme étant conjointes aux organes monolithiques qu’étaient le comité central du Parti de la révolution populaire du Bénin, le comité permanent de l’Assemblée nationale révolutionnaire et le Conseil exécutif national. Il s’agit essentiellement du rejet du marxisme léninisme comme idéologie officielle de l’État. Il s’agit aussi de la convocation, au cours du premier trimestre 1990, d’une « Conférence nationale » regroupant toutes les forces vives de la nation avec la précision que « les résultats issus de cette Conférence nationale seront exploités pour l’élaboration d’une nouvelle Constitution dans la quelle seront garantis les principes ci après :

• La séparation du Parti de l’État• La création d’un poste de Premier Ministre, Chef du gouvernement• La responsabilisation du gouvernement devant l’Assemblée nationale sur la base d’un

programme.

14 Articles 150 et 151 de la Constitution.15 Fabien Eboussi Boulaga, Les Conférences nationales en Afrique noire, une affaire à suivre, Paris, Karthala, 1993 ; Maurice Kamto,

L’urgence de la pensée, Yaoundé, Mandara, 1993 ; G. Conac (Sous la direction de), L’Afrique en transition vers le pluralisme politique,

Paris, Economica, 1993, en particulier les contributions de M. Ahanahanzo-Glele, « le Bénin » et de Robert Dossou, « Le Bénin :

du monolithisme à la démocratie pluraliste, un témoignage » ; J.J. Raynal, « Les conférences nationales en Afrique : au-delà du

mythe, la démocratie ? », in, Recueil PENANT, n° 816, 1994, pp.310 et suivantes ; Th. Vittin, « Bénin, du ‘système Kérékou’ au

renouveau démocratique », in, J.-F Medard (Sous la direction de), États d’Afrique noire, Formation, mécanismes et crises, Paris,

Karthala, 1991, pp.93–115 ; A. Cabanis et M. L. Martin, « Note sur la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 », in, Revue

Juridique et Politique, Indépendance et Coopération, Janv-mars 1992, n° 1, pp.28 et suivantes. Philippe Richard, « Emergence

et réalisation d’un État de droit : l’exemple du Bénin », in, Pierre Arsac, Jean-Luc Chabot et Henri Pallard, État de droit, droits

fondamentaux et diversité culturelle, Paris, L’Harmattan, 1999, pp.137–164 ; Philippe Noudjenoume, La démocratie au Bénin, Bilan

et perspectives, Paris, L’harmattan, 1999 ; Fondation Friedrich Naumann, Les actes de la Conférence nationale, Cotonou, Editions

ONEPI, 1994.

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1 . L E C A D R E C O N S T I T U T I O N N E L D E L A P A R T I C I P AT I O N P O L I T I Q U E 2 3

• La prise en compte des principes du libéralisme économique… ».16

Effectivement, le rassemblement historique que fut la Conférence nationale béninoise a eu lieu du 19 au 28 février 1990. Elle a regroupé quatre cent quatre vingt treize délégués représentant cinquante deux « sensibilités politiques », des délégations de différentes institutions politiques du pays, des personnalités béninoises vivant à l’étranger, des représentants des différentes confessions religieuses et associations nationales et non gouvernementales. Alors que le Président Kérékou lui avait conféré un pouvoir simplement consultatif, la «  Conférence nationale  » a proclamé la souveraineté de ses décisions et abouti, au bout de dix jours, à la prise de décisions importantes pour le pays. Ainsi, la Constitution marxiste léniniste de 1977 a été suspendue et une commission constitutionnelle a été mise en place par la Conférence. Elle propose au peuple une nouvelle Constitution. Des institutions de transition ont été mises en place jusqu’aux élections qui de mars 1991. Il s’agit d’un exécutif composé d’une part, d’un Premier ministre exerçant l’essentiel des pouvoirs et, d’autre part, d’un Président de la République sans réels pouvoirs. Quant à l’organe législatif appelé « Haut conseil de la République », il se composait des treize membres du bureau de la Conférence, de six anciens Présidents de la République, des trois présidents des commissions techniques formées lors de la Conférence (constitutionnelle – économique – culturelle et sociale) et de six délégués provinciaux, chacun représentant sa province d’origine. Le Président Kerekou, à la surprise générale, a accepté l’ensemble de ces décisions.

Au plan constitutionnel, la suite de cette acceptation est qu’une Commission constitutionnelle sera mise en place par décret 90-44 du 1er mars 1990. Cette Commission était composée de cinq personnes membres du bureau de la commission des affaires constitutionnelles de la conférence nationale et dix autres personnalités désignées en raison de leurs compétences. Toutes ces personnalités étaient béninoises.17 La mission confiée à cette commission était de partir des options faites par la Conférence elle-même pour élaborer une nouvelle Constitution. La Commission des lois et des affaires constitutionnelles de la Conférence nationale avait élaboré un rapport dans lequel on pouvait lire les grandes lignes que la nouvelle Constitution devrait respecter. Le régime politique à choisir doit être un régime présidentiel dans lequel le chef de l’État est en même temps chef du gouvernement, car il fallait tirer « leçon de l’expérience désastreuse du régime PRPB, », cette option s’étant imposée « après avoir passé en revue les divers régimes politiques qui existent dans le monde et qui sont fondées sur le pluralisme démocratique et un État de droit ». Le Parlement doit être monocaméral, et une Cour constitutionnelle pouvant être

16 Texte du document in, Philippe Noudjenoume, La démocratie au Bénin, Bilan et perspectives, Paris, L’Harmattan, 1999, Annexe

2, p.375 ou, Fondation Friedrich Naumann, Les actes de la Conférence nationale, Cotonou, Editions ONEPI, 1994, pp.112–116 17 Une grande majorité de juristes composaient cet organe à l’instar de son président, le professeur Maurice Glele-ahanhanzo,

professeur de droit public à l’université de Paris I Panthéon –Sorbonne et conseiller juridique de l’UNESCO. Le vice Président

était le Professeur Théodore Holo, agrégé de droit public, directeur de l’École nationale d’Administration du Bénin. Une

autre juriste et universitaire, Madame Sikiratou Aguemon, professeur à la faculté de droit de l’Université d’Abomey-Calavi, se

trouvait être la seule femme de la commission. Des avocats de renon (Me Robert Dossou, Me Saïdou Agbantou, Me Florentin

Feliho), des magistrats expérimentés (Moucharafou Gbadamassi, Pascal N’dah sekou, Alexandre Paraiso, William Alyko), des

diplomates (Ambroise Adanklounon, Cyrille Sagbo) et des universitaires d’autres domaines tels que la sociologie et l’histoire

(André Lokossou, Pierre Metinhoue, Valentin Agbo) complétaient la liste.

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2 4 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

saisie par tout citoyen, devra être établie pour assurer le contrôle de constitutionnalité des lois et le respect des droits de l’Homme, etc.18

Sur ces bases, la Commission constitutionnelle s’est mise à l’œuvre pour rédiger le projet de Constitution. Une fois le texte de l’avant projet de Constitution rédigé, elle a été soumise au Parlement de la période transitoire qu’était le Haut Conseil de la République. Cette instance adopta l’avant projet, en séances spéciales, les 17 et 18 avril 1990. À ces séances d’adoption, trois sujets ont semblé diviser les hauts conseillers. Premièrement, l’enseignement primaire devrait-il être obligatoire et gratuit ? Deuxièmement, faudrait-il limiter l’âge pour les candidats à l’élection présidentielle ? Troisièmement, faut-il fusionner le Haut Conseil de la République et la Cour constitutionnelle pour ne former qu’une seule et même institution ? Comme l’accord n’a pas pu être trouvé au sein du Haut Conseil de la République, les conseillers ont décidé de soumettre directement ces questions au peuple lui-même pendant la phase suivante du processus, c’est-à-dire la phase de « popularisation » de l’avant projet de la Constitution.

Du 21 au 30 juin 1990, une phase de popularisation a été organisée. Cette phase visait à faire connaitre à la population la formalisation que les experts avaient faites des propositions issues de la Conférence nationale en ce qui concerne le texte fondamental qui devrait régir à l’avenir la vie du Bénin, de ses institutions et de ses populations. Avant le démarrage effectif de la popularisation, Il y a eu affichage du texte de l’avant projet de Constitution sur les lieux publics. La phase de «  popularisation  » a été organisée selon les dispositions de la décision n°  90-003/HCR/PT/SG/CC/SA. Le Comité national de popularisation présidé par le ministre de l’Intérieur de la période transitoire avait un démembrement dans chaque département. Des agents vulgarisateurs ont été formés.

Les discussions sur le texte s’organisaient en séances publiques auxquels assistaient les populations dans les lieux publics tels que les écoles, les services publics, les casernes militaires, etc. L’agent vulgarisateur, chargé de la popularisation, exposait le contenu du texte dans un premier temps en français, avec quelques explications en langues nationales. Il donnait la parole ensuite aux populations pour les réactions, critiques et recommandations. Elles pouvaient aussi s’exprimer, tant en français qu’en langues nationales. Les trois questions non tranchées au sein du Haut Conseil de la République, furent mises en lumière pour la période de « popularisation », ce qui n’empêchait pas ceux qui le voulaient, de soulever d’autres préoccupations. Les agents de vulgarisation étaient chargés de transmettre ces recommandations au Haut Conseil de la République.

Parallèlement à cette organisation officielle, le texte ayant été affiché dans des lieux publics et publié dans les journaux, des débats intenses se firent jour sur plusieurs questions, dans les médias audiovisuels (radios, télévision) et écrits. Entre la période de vulgarisation de juin 1990 et le référendum du 2 décembre 1990, les partis politiques, les associations diverses, les universitaires et plusieurs autres catégories de personnes prirent des positions tranchées ou nuancées sur une série de points,19 aussi bien en français que dans les langues nationales.

18 Fondation Friedrich Nauman, Les actes de la Conférence nationale, Éditions ONEPI, pp.50–51.19 Philippe Noudjenoume, La démocratie au Bénin, Bilan et perspectives, Paris, L’harmattan, 1999, pp.212–231.

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1 . L E C A D R E C O N S T I T U T I O N N E L D E L A P A R T I C I P AT I O N P O L I T I Q U E 2 5

Encadré 1 : Les sujets controversés du projet de constitution

Un des points controversés a été celui de la limitation de l’âge des candidats à l’élection

présidentielle. L’avant projet de Constitution proposait de retenir que ne pouvaient se présenter

à l’élection présidentielle que les candidats ayant au moins 40 ans et au plus 70 ans. Cette

clause, si elle était retenue dans la Constitution définitive, allait éliminer les anciens présidents

de la République qui avaient dépassé l’âge de 70 ans. Il leur était reproché, de manière à

peine voilée, d’être responsables de l’instabilité politique qu’a connue le pays entre 1960

et 1972. L’une des personnalités visées, l’ancien président Hubert Maga, eut des mots très

désapprobateurs : « Ne m’enterrez pas vivant ». Quant à l’autre personnalité visée, l’ancien

président Emile Derlin Zinsou, il a organisé plusieurs marches contre cette disposition entre

juin et décembre 1990. De fait, les anciens présidents de la République n’étaient pas les seuls

adversaires de la limitation d’âge. Pour Monsieur Virgile Akpovo, Professeur de droit public à

l’université d’Abomey-Calavi, par exemple, « les droits et devoirs de la personne humaine étant

indissociables, la limitation parait susceptible de rompre l’équilibre entre droits et devoirs ;

car le citoyen de 70 ans est limité dans la jouissance de ses droits politiques, il n’est pas par

contre limité devant les charges et autres impôts qui sont définis comme des devoirs servant

de contrepartie aux droits ». Quant à Philippe Noudjenoume, considerant que la Charte

africaine des droits de l’Homme et des peuples fera partie intégrante de la Constitution qui sera

adoptée, et relevant que l’article 13, alinéa 2, de cette charte dispose que « tous les citoyens

ont également le droit d’accéder aux fonctions publiques de leur pays », il considère que les

dispositions de limitation d’âge proposées pour accéder à la magistrature suprême devraient

être considérées comme contraires à la Constitution.20 Plusieurs journaux tels que le Forum de

la semaine ou L’Opinion dénonçaient aussi cette « exclusion ».

Un deuxième point portait sur le caractère gratuit ou non de l’enseignement primaire.

Enfin, malgré l’option des conférenciers pour le régime présidentiel, l’intégration de cette

option dans la version du texte proposée par la commission constitutionnelle n’a pas reçu

l’aval de tous. Cette question du choix de régime politique fera ainsi l’objet de vifs débats entre

les partisans du régime présidentiel et ceux du régime parlementaire ou plus exactement,

semi présidentiel. Alors qu’on pouvait espérer que ce point était évacué lors des travaux de

la Conférence nationale, plusieurs personnalités, partis politiques ou journaux, sont encore

revenus sur le sujet entre la publication du texte et le référendum, car pour eux, le régime

présidentiel était susceptible de ramener l’autocratie que la Conférence a voulu rejeter

pour toujours. Pour le journal indépendant Gazette du Golfe, par exemple, l’avant projet de

Constitution « ressemble étrangement à une potence qui attend sereinement d’étrangler

les libertés chèrement conquises. Créer une nouvelle légitimité ne signifie pas une nouvelle

dictature ».

S o u R C e S : Philippe Noudjenoume, La démocratie au Bénin, Bilan et perspectives, Paris, L’Harmattan, 1999, pp.226–227

Le Forum de la Semaine, numéro spécial, Aout 1990 ; L’Opinion, n° 9, 20 aout -30 septembre 1990.

Richard Banegas, La démocratie à pas de caméléon, Transitions et imaginaires politiques au Bénin, Paris, Karthala, 2003, p.181.

La Gazette du Golfe (édition internationale), n° 50, 1er juin 1990

20 Idem.

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2 6 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

Les débats sur le projet de Constitution prirent fin avec le référendum du 2 décembre 1990 visant à l’adoption populaire de la Constitution. Comme les membres du Parlement de transition ne s’étaient pas accordé sur la nécessité de retenir la limitation d’âge à la présidentielle dans le projet de texte constitutionnel à soumettre au référendum, ce sont trois options qui étaient offertes aux électeurs, à savoir :

• Oui (ce qui équivaut à une acceptation de la Constitution y compris la clause de limitation d’âge pour la candidature à l’élection présidentielle) ;

• Non (ce qui équivaut à un rejet complet de la Constitution) ;• Oui, mais (ce qui équivaut à une acceptation de la Constitution, sauf la clause de

limitation d’âge pour la candidature à l’élection présidentielle).

La campagne en vue de l’adoption de la Constitution a été vive, animée et chargée de rebondissements. Au départ, par exemple, dix partis politiques sur les vingt quatre ayant pris part aux opérations référendaires, avaient appelé à voter non (bulletin rouge). Mais au fur et à mesure que l’échéance s’approchait leur posture devenait de plus en plus difficile à tenir, car les plus hautes autorités de la transition politique en cours les accusait, de manière à peine voilée, de « saboter » le processus du renouveau démocratique. Ayant peur de se retrouver en marge de la nouvelle ère politique qui s’annonçait en cas de défaite, plusieurs d’entre eux, décidèrent donc de rallier le camp du « oui », de sorte que, à la veille du référendum du 2 décembre 1990, seuls deux partis politiques sont demeurés fidèles au non.21

A l’issue des votes, le « Oui » arrive en tête avec 73% des voix. Le « Oui, mais » arrive en deuxième position avec 19,9 %. Le « Non » obtient 6,8%. Au total donc, les « OUI » font 96, 9%. La Constitution ainsi adoptée sera promulguée le 11 décembre 1990.

Ce processus d’adoption plus ou moins démocratique de la Constitution comporte des faiblesses puisque, par exemple, la majorité de la population est analphabète et n’a pas pu participer convenablement aux débats sur les options à retenir. Mais globalement, la Constitution n’a pas été que l’affaire des seuls politiques ou juristes ou élites. Elle est apparue comme une Constitution consensuelle tirant ses bases et sa légitimité de la Conférence nationale elle-même. C’est cette base consensuelle qui rend extrêmement compliquée les tentatives de révision de la Constitution.

Défense de la Constitution par la société civileLa première occasion de faire ce constat a été offerte entre 2003 et 2005. Deux ans après la réélection controversée de Mathieu Kérékou en 2001, un petit groupe de ses partisans a déclenché le débat sur une éventuelle révision de la Constitution pour faire sauter le verrou de l’âge (70 ans au maximum)22 et la limitation du nombre de mandats (deux au maximum).23

21 Richard Banegas, La démocratie à pas de caméléon, Transitions et imaginaires politiques au Bénin, Paris, Karthala, 2003, p.184 ;

Philippe Noudjenoume, La démocratie au Bénin, Bilan et perspectives, Paris, L’harmattan, 1999, pp.226–227.22 Article 44 de la Constitution.23 Article 42 de la Constitution.

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1 . L E C A D R E C O N S T I T U T I O N N E L D E L A P A R T I C I P AT I O N P O L I T I Q U E 2 7

Face à cette situation, l’association « Elan » a sonné le rappel des troupes, la révolte de la société civile.24 Elle a déclenché, en juillet 2003, une vaste campagne de sensibilisation dénommée « Touche pas à ma Constitution », avec des affiches géantes apposées dans les grandes villes du Bénin. Cette opération a été suivie d’intenses débats dans les médias. Les différents points de vue sur le sujet ont été développés dans des articles de presse (y compris des contributions intellectuelles de quelques universitaires et de certains citoyens ordinaires), des éditoriaux et des émissions à la radio et à la télévision.25 Pour les « anti- révisionnistes », le projet de révision de la Constitution est une tentative de rupture d’un des piliers du consensus de la Conférence nationale de 1990, à savoir, le respect des échéances électorales.

Devant le silence du Président Kérékou et les hésitations de la classe politique, des acteurs de la société civile ont décidé de structurer leurs mobilisations. Ainsi, trente trois (33) associations et réseaux d’associations de défense des droits humains, de lutte contre la corruption, de prévention de conflits, de promotion de paix et d’éducation civique ainsi que des personnalités civiles et universitaires se sont joints à l’ONG «  ELAN  » pour créer, en janvier 2005, le Front des organisations de la société civile pour les élections transparentes et démocratiques (Fors présidentielle 2006). Cette coalition d’organisations a maintenu la pression sur les « révisionnistes » et a poussé finalement à l’abandon, non seulement de la « tentative » de la révision de la Constitution, mais aussi de toutes les manœuvres tendant à ne pas organiser la présidentielle de 2006 qui marquait la fin des mandats présidentiels du Président Mathieu Kérékou.

Dans son action contre la révision de la Constitution, mais aussi pour le combat qui a remplacé le précédent, à savoir la lutte contre la non tenue de l’élection présidentielle de mars 2006, la coalition des acteurs de la société civile a bénéficié de l’appui de plusieurs autres acteurs, en particulier, les syndicats et les médias.26 Les acteurs de la société civile ont exploité avec une compétence inattendue l’espace médiatique béninois dans sa grande diversité. Il a été mis en place « une stratégie de communication performante, qui cible à la fois les populations urbaines et rurales, instruites comme analphabètes.  ». Les organes de presse écrite et les chaînes de télévision ont été exploités pour toucher les citadins et les instruits, tandis que les radios privées s’occupaient de la sensibilisation des ruraux et les analphabètes. Tous les supports ont été mis à contribution, transformant ainsi le combat pour la défense de la Constitution en une bataille pour la conquête de l’opinion publique. Les médias béninois ont assumé avec succès l’une des missions fondamentales de la presse en démocratie : éclairer et enrichir le débat démocratique.27

Pendant deux ans et demi, c’est «  l’alliance des organisations non gouvernementales animatrices de la contestation, des mouvements de syndicats, de la Commission électorale et des médias » qui, combinée avec les actions et comportements des partenaires techniques et financiers dont l’Union européenne, et des institutions de l’État comme l’Assemblée nationale et

24 Emmanuel Adjovi, « Mobilisations citoyennes et démonopolisation du travail politique au Bénin », Perspective Afrique, Vol1,

n° 3, 2006, p.187–223, www.perspaf.org.25 Idem.26 Idem ; Voir aussi Reckiat Madougou, Mon combat pour la parole, Paris, L’Harmattan, 2008.27 Emmanuel Adjovi, idem.

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2 8 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

surtout la Cour constitutionnelle, tous hostiles à a révision de la Constitution, qui a fait reculer le pouvoir du Président Kérékou.

En définitive, les joutes verbales et épistolaires autour de la révision de la Constitution ont pris fin en juillet 2005, suite à la déclaration du Président Mathieu Kérékou qui s’est engagé à ne pas modifier la Constitution pour rester au pouvoir en 2006.

Conditions rigides de révision de la ConstitutionMais au-delà de cette défense de la Constitution par la société civile et plusieurs autres acteurs, ce sont les conditions de révision prévues par le texte constitutionnel lui-même qui ne facilitent pas une révision fantaisiste de la Constitution. La Constitution béninoise se veut en effet rigide puisque, pour sa révision, il est expressément prévu des conditions difficiles à réunir.

Des dispositions expresses de la Constitution, on peut retenir des phases préalables à la révision et la phase de la révision proprement dite.

Les phases préalables se fondent sur les dispositions ci après : « L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République, après décision prise en conseil des ministres et aux membres de l’Assemblée nationale. ».28 Une fois que l’initiative est prise, il faut qu’elle reçoive l’adhésion d’une majorité qualifiée de députés fixée à «  trois quarts des membres composant l’Assemblée nationale. ». En cas de vote positif en ce sens, on considère que l’initiative est « prise en considération ». La procédure proprement dite de révision peut maintenant démarrer. Pour cette phase, soit on recourt au référendum, soit on se contente de la voie parlementaire. Dans le premier cas, la révision est acquise si la majorité des électeurs l’approuve. Dans le deuxième cas, la révision ne sera considérée comme acquise que si elle est approuvée par une majorité des quatre cinquième des membres composant l’Assemblée nationale.

Exigence du consensus avant toute révision de la ConstitutionMais, au-delà des exigences constitutionnelles expresses, la Cour constitutionnelle a considéré, malgré un vote écrasant, le 23 juin 2006, de 71 voix sur 83 au Parlement en faveur d’une révision constitutionnelle portant la prolongation du mandat des députés de quatre à cinq ans, que, « même si la Constitution a prévu les modalités de sa propre révision, la détermination du peuple béninois à créer un État de droit et de démocratie pluraliste, la sauvegarde de la sécurité juridique et de la cohésion nationale commandent que toute révision tienne compte des idéaux qui ont présidé à l’adoption de la Constitution du 11 décembre 1990, notamment le consensus national, principe à valeur constitutionnelle ».29 Cela signifie au minimum que toute révision de la Constitution doit se faire en essayant autant que possible d’obtenir à la fois l’adhésion du Parlement qui est requise dans tous les cas, mais aussi, tout au moins, l’adhésion du pouvoir exécutif lorsque l’initiative de révision est d’origine parlementaire.30

28 Article 154. Voir aussi les articles 155 et 156 de la Constitution s’agissant de sa révision.29 Cour constitutionnelle, DCC O6- 74 du 08 juillet 2006.30 La situation qui a amené la Cour constitutionnelle à prendre la décision DCC 06-74 du 08 juillet 2006 étant que les

parlementaires, malgré l’opposition du gouvernement, ont réussi à atteindre le nombre suffisant de votants pour opérer une

révision de l’article 80 de la Constitution limitant leur mandat à quatre ans. Par leur vote, ils avaient décidé de porter la durée

du mandat des députés à cinq ans, y compris en ce qui concerne leur propre mandat qui devrait finir une année plus tard, si

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Processus en cours pour une éventuelle révision de la ConstitutionEchaudés par les deux expériences malheureuses de « tentatives » de révision fantaisiste de la Constitution du 11 décembre 1990, les Béninois sont devenus très frileux vis-à-vis des questions relatives à la révision de leur Loi suprême. Cependant, depuis la fin des élections législatives de 2007, l’opinion publique semble, non seulement d’accord avec l’idée que la Loi fondamentale a besoin d’être amendée, mais en plus, prête à accompagner toute initiative de révision concertée de la Constitution. En effet, il n’y a presque plus de débats aujourd’hui autour de certaines insuffisances relevées par les experts ou d’autres citoyens quant au fonctionnement des institutions ou aux rapports entre eux.31

C’est donc sans surprise que l’annonce faite par M. Boni Yayi Président de la République élu en avril 2006, d’initier un processus de révision de la Constitution du 11 décembre 1990 a été reçue par l’opinion sans contestation.32 Par décret n° 2008-052 du 18 février 2008/02/08 le gouvernement a créé une commission technique ad hoc chargée de la relecture de la Constitution du 11 décembre 1990. La commission technique33 a été installée par le chef de l’État, deux jours plus tard, c’est-à-dire le 20 février 2008. Il leur a été donné 6 mois pour déposer leur rapport provisoire.

Pour garantir la qualité de leurs contributions à ce processus qui était devenu inévitable, plusieurs groupes de citoyens avaient déjà initié des actions de préparation. De ces actions, nous ne citons que les deux plus importants ici qui ont été initiées et mises en œuvre avant la mise en place par le chef de l’État de la Commission de révision de la Constitution.

Il s’agit, premièrement, de l’initiative de l’IDH (Institut des droits de l’Homme et de promotion de la démocratie dont le président est le Professeur Maurice Glele-Ahanhanzo) et de

l’on appliquait l’article 80 de la Constitution dans sa version originelle. Article 80 de la Constitution : « Les députés sont élus au

suffrage universel direct. La durée du mandat est de quatre ans. Ils sont rééligibles. Chaque député est le représentant de la nation

toute entière et tout mandat impératif est nul. »31 Voir Mathias Hounkpe, « Révision de la Constitution au Bénin : processus en cours et perspectives », Communication à

l’atelier sur la révision de la Constitution béninoise, 8 aout 2008, INFOSEC, Cotonou. ; Gilles Badet, « La Constitution béninoise

de 1990 : Les raisons de son intangibilité », Communication à l’atelier sur la révision de la Constitution béninoise, 8 aout 2008,

INFOSEC, Cotonou.32 Stéphane Bolle, « La réforme française des institutions : Un modèle pour l’Afrique ? », in, POLITEIA, n° 15, 2009, pp.519–541.

Voir aussi le blog de l’auteur http://www.la-constitution-en-afrique.org/.33 La Commission était composée ainsi qu’il suit : Président, Professeur Maurice Glele ahanhanzo, Professeur agrégé de droit

public, ancien président de la Commission constitutionnelle de 1990 ; Vice-Président : Madame Elisabeth Pognon, magistrat

à la retraite, ancienne présidente de la Cour constitutionnelle entre 1993 et 1998 ; 1er rapporteur : Professeur Théodore Holo,

professeur agrégé de droit public, ancien membre de la Commission constitutionnelle de 1990 ; 2ème rapporteur : Monsieur

Ousmane Batoko, docteur en droit public, ancien ministre ; Secrétaire : Maitre Safiatou Bassabi, avocate à la Cour ; Membres :

Monsieur Moise Bossou (professeur de droit à l’université), Monsieur Albert Tingbe azalou (professeur de sociologie à

l’université), Monsieur Pierre Metinhoue (professeur d’histoire à l’université, ancien membre de la Commission constitutionnelle

de 1990), Me Robert Dossou (Avocat et professeur de droit, ancien membre de la Commission constitutionnelle de 1990), Me

Saïdou Agbantou ( Avocat, ancien membre de la Commission constitutionnelle de 1990), Monsieur Victor Topanou( professeur

de sciences politiques). En dehors du Président qui était directement désigné dans le décret portant création de la Commission,

les autres membres de la Commission ont désigné les autres membres du bureau. Et, en cours de travail, plusieurs membres

de cette commission ont été appelés à d’autres fonctions. Messieurs Robert Dossou et Théodore Holo sont devenus membres

de la Cour constitutionnelle, Monsieur Victor Topanou est devenu Garde des Sceaux, ministre de la Justice de la législation

et des droits de l’Homme. Le bureau de la Commission a été réaménagé et les postes de 1er et 2ème rapporteur sont revenus

respectivement à Monsieur Ousmane Batoko et Pierre Metinhoue.

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3 0 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

la Chaire UNESCO des droits de la personne et de la démocratie de l’Université d’Abomey-Calavi ,( dont le responsable était à l’époque le Professeur Théodore Holo) consistant en des « journées de réflexion sur la Constitution » organisées les 7 et 8 août 2006.34 L’objectif poursuivi était de dégager les tendances lourdes de l’opinion publique pour esquisser les retouches qu’il semble utile d’apporter à la Constitution ; ces journées ont réuni les institutions de la République, les partis politiques, les organisations de la société civile ainsi que des personnalités politiques et sociales. Il s’est agi essentiellement de l’identification d’éventuels points de retouche à la Constitution, au regard des difficultés rencontrées dans son application.

La deuxième initiative remarquable a été l’œuvre de l’ONG  DHPD (Droit de l’Homme, paix et développement) à travers un projet, financé par OSIWA, et qui portait sur «  Appui pour une meilleure implication de la société civile dans le processus de révision concertée de la Constitution béninoise ». Sa mise en œuvre s’est étalée sur six mois en 2007. L’objectif poursuivi était de donner la parole aux acteurs de la société civile pour qu’ils contribuent à la révision de la Constitution à travers une consultation nationale faite de sondages d’une part, d’ateliers départementaux d’échanges, d’autre part. Les acteurs de la société civile ont pu, à l’issue de la mise en œuvre de ce projet, donné leurs points de vue sur l’opportunité et le délai de la révision, le changement ou non du type de régime politique, la révision ou non des prérogatives des institutions constitutionnelles (Cour constitutionnelle, Conseil économique et social, Haute cour de justice, Cour suprême, etc.), le maintien ou non de l’option du multipartisme intégral ou encore du nombre et de la durée du mandat présidentiel, etc.…. Les résultats de ces consultations ont été édités, publiés, distribués et ont pu servir de bases de discussions et d’échanges dans toute l’opinion publique béninoise.

C’est donc avec cette moisson de réflexions et d’opinions disponibles que la Commission de révision constitutionnelle créée par le chef de l’État a commencé ses travaux. Elle a, en dehors de ses travaux internes d’études, de recherches et de discussions, reçu et écouté plusieurs personnes ressources dont le Président de l’ONG DHPD.35 Elle a soumis dans un premier temps un rapport au chef de l’État et au gouvernement. Beaucoup de personnes se sont inquiétées de la non publication dudit rapport. Le chef de l’État et le gouvernement, commanditaires du travail, ont fait des observations à la Commission qui les a pris en compte. Finalement, en janvier 2009, le rapport final de la Commission a été déposé au chef de l’État avec une nouvelle version de la Constitution.

Bien que le gouvernement qui a promis de saisir toutes les forces vives du pays pour obtenir leurs points de vue sur cette nouvelle version ne l’avait pas encore formellement effectué en février 2009, plusieurs journaux avaient réussi à obtenir copie des amendements proposés par la Commission à la Constitution de 1990 et l’avaient publiée.36 Des débats ont donc repris sur les options de la Commission. L’hebdomadaire « La Croix du Bénin » a carrément dédié un blog à cette question sur son site Internet animé régulièrement par des personnes ressources telles

34 Institut des droits de l’Homme et de promotion de la démocratie et Chaire UNESCO des droits de la personne et de la

démocratie, Journées de réflexion sur la Constitution du 11 décembre 1990, Les Actes, IDH, Cotonou, 2007.35 Joseph Djogbenou, « L’idée de réforme de la Constitution du 11 décembre : entre progrès et regrets », in, La Croix du Bénin,

Hebdomadaire paraissant au Bénin, http://lacroixduBénin.com/987_Constitution.html, consulté le 7 septembre 2009.36 Notamment le journal Fraternité « http://www.fraternite-info.com »

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que Mathias Hounkpe, le Père André Quenum, Me Joseph Djogbenou, Monsieur Émile Tozo, Gilles Badet, Francis Laleye et d’autres encore.37 Il faut noter que la commission technique ad hoc a, dans un rapport non publié, fait un tableau d’où il ressort clairement ses options originaires, les observations du gouvernement à ces options et la version finale parue dans les journaux. Ce rapport ne manquera pas d’être publié dans la presse pour alimenter les réflexions des uns et des autres. Le gouvernement a quant à lui gardé le silence pendant plusieurs mois avant que le communiqué sanctionnant le conseil des ministres du 21 aout 2009 n’évoque l’approbation d’ « un compte rendu du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, de la législation et des droits de l’Homme, Porte-parole du gouvernement relatif aux travaux du Comité chargé de réfléchir sur les amendements de la Commission technique ad hoc de relecture de la Constitution du 11 décembre 1990 ». Ce « compte rendu » n’a pas été rendu public, ni un échéancier de la suite du processus. Toutefois, par décret n° 2009-548 du 03 novembre 2009, le Président de la République, a transmis à l’Assemblée nationale, un projet de loi portant révision de la Constitution de la République du Bénin. Le ministre de la Justice a expliqué au courant du mois de décembre 2009 que ce projet n’avait pas pris en compte toutes les propositions de la Commission ad hoc de révision, estimant que certaines paraissaient trop révolutionnaires pour l’instant. Il a précisé que le projet gouvernemental ne prend en compte que ce qui parait urgent pour le gouvernement et que les propositions de la commission de révision étaient une bonne base de discussion pour l’avenir.

Mais quoi qu’il en soit, les particuliers continuent de démontrer, à travers des saisines fréquentes de la Cour constitutionnelle, leur attachement indéfectible à la Constitution et à son respect par tous.

Régime politique prévu par la ConstitutionLe Bénin est l’un des rares pays africains francophones à avoir opté pour un régime présidentiel démocratique original38 et non pour un régime semi-présidentiel à la française.39 Il faut présenter ce type de régime, avant de relever le caractère central du pouvoir exécutif dans ce régime et le déséquilibre que cela peut parfois créer au niveau des institutions.

Un régime présidentiel originalUn régime présidentiel classique est caractérisé d’abord (en dehors de l’élection du chef de l’État au suffrage universel) par une séparation rigide des pouvoirs. La séparation est non seulement organique, mais aussi fonctionnelle. Au plan organique, les deux pouvoirs (exécutif et législatif) béninois émanent du suffrage universel, ce qui leur donne la même légitimité démocratique ; ils sont élus séparément pour des durées distinctes, l’Assemblée nationale pour 4 ans, le Président de la République pour 5 ans renouvelable une seule fois. Au plan fonctionnel, le législatif devrait être entièrement maître de la confection des lois et le Président de la République devrait monopoliser

37 http://lacroixduBénin.com.38 Stéphane Bolle, « L’État de droit et de démocratie pluraliste au Bénin », in http://www.la-constitution-en-afrique.org/12-

categorie-10195442.html.39 Voir également à ce sujet, A. Cabanis et M. Martin, « Note sur la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 », Revue

juridique et politique, Indépendance et coopération, janv–mars 1992, n° 1, p.31.

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la fonction gouvernementale. La réalité de l’organisation des pouvoirs au Bénin est différente de cette version « pure » du régime présidentiel. Comme l’enseigne la pratique américaine, une certaine collaboration fonctionnelle entre les pouvoirs est toujours nécessaire à la bonne marche de l’État. C’est pourquoi le Constituant a pris le soin d’écarter la perspective d’un président de la République autiste, et ce, en introduisant des instruments inspirés du parlementarisme : l’avis consultatif du Bureau de l’Assemblée nationale est requis avant la nomination de tout ministre ; surtout, l’Assemblée peut interpeller le gouvernement ou l’un de ses membres et lui faire, après débat, des recommandations.40

Un autre élément caractéristique du régime présidentiel consiste en l’absence de moyens d’actions réciproques entre l’exécutif et le législatif. En effet, le Président de la République ne peut dissoudre l’Assemblée nationale qui ne peut, non plus, renverser le Président de la République. En fait, les deux pouvoirs « sont condamnés à vivre ensemble sans pouvoir se séparer. C’est un mariage sans divorce  », synthétisait Maurice Duverger.41 Comme le relève Stéphane Bolle, «  une telle configuration institutionnelle ne va pas sans inconvénient  : elle a généré des crises, notamment, les crises budgétaires de 1994, 1996 et 2002  ; l’Assemblée nationale a, parfois, entravé le mouvement de réforme et contraint le Président de la République à légiférer par ordonnances ( articles 68 et 69 de la Constitution), comme Nicéphore Soglo en 1996 pour la ratification du programme d’ajustement structurel (PAS III) et l’adoption du code des marchés publics, comme Mathieu Kérékou en 2002 pour la refonte du secteur des télécommunications. ».42 Boni Yayi n’a pas échappé à la donne puisqu’il a été contraint aussi à prendre deux fois des ordonnances en 2008 , la première fois pour la ratification d’accord de crédits relatifs à l’arrêt de l’avancée de la mer dans la ville de Cotonou et ses environs, la seconde fois, pour un collectif budgétaire qui a été rejeté par les parlementaires. De fait, l’absence d’une majorité parlementaire acquise une fois pour toute au chef de l’État a conduit à de nombreux conflits entre les deux pouvoirs, de sorte que l’on peut noter entre eux, une «  séparation concurrentielle des pouvoirs ».43

Pour certains observateurs, l’exécutif et le législatif béninois se sont concurrencés et ont fini par se neutraliser au bénéfice d’un certain équilibre des institutions. « L’exécutif et le législatif, surtout durant le quinquennat de Nicéphore Soglo (1991–1996), se sont montrés jaloux de leurs compétences et se sont disputé la primauté : (…) Ainsi, l’opposition présidentielle, majoritaire à l’Assemblée nationale, a contraint le Président Soglo à procéder à l’installation des contre-pouvoirs prévus par la Constitution et, en particulier, la Cour constitutionnelle en 1993 ; elle a interpellé l’exécutif sur la privatisation sans base légale de la brasserie « La Béninoise » en 1992 et sur la dévaluation du franc CFA en 1994 ; elle a forcé le Président Soglo à promulguer la loi de 1995 créant la CENA. La guérilla permanente entre les institutions a donné naissance à un contre-pouvoir législatif « fort », qui use et, parfois, abuse des ressources que lui reconnaît la Constitution. (…). ».44

40 Stéphane Bolle, idem.41 Cité par Stéphane Bolle, idem.42 Idem.43 Idem.44 Idem.

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Prééminence du Président de la RépubliqueMême si le Parlement résiste et contraint parfois l’exécutif à un certain équilibre des pouvoirs, il faut reconnaitre que le régime politique mis en place par la Constitution du 11 décembre 1990 tourne essentiellement autour du Président de la République (chef de l’État) et que l’on peut aisément noter un déséquilibre du système au détriment de l’Assemblée nationale et en faveur du chef de l’État. Pour s’en convaincre, il faut examiner d’abord les attributions du chef de l’État avant de constater le déséquilibre que les pouvoirs qui lui sont reconnus, crée dans le système politique en place au Bénin.

Le pouvoir exécutif béninois est monocéphale et confié au Président de la République, chef d’un gouvernement dont il désigne et révoque librement les membres.45 Quel que soit le titre qu’il fait porter aux membres du gouvernement, aucune autre autorité exécutive ne partage avec lui la tête du gouvernement. C’est ce qui ressort de la décision DCC 96-020 des 25 et 26 avril 1996 dans laquelle la Cour constitutionnelle soutient que la nomination au poste de Premier ministre dans le régime présidentiel béninois n’est pas contraire à la Constitution dès lors que le Président de la République conserve son attribution de chef du gouvernement alors que le Premier ministre n’est que coordonnateur de l’action gouvernementale.

Le chef de l’État dispose de pouvoirs propres et de pouvoirs à exercer en conseil des ministres. Au nombre des pouvoirs propres, il dispose de l’administration et des forces armées.46 Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect de la Constitution ainsi que des traités et accords internationaux.47 C’est d’ailleurs lui qui négocie et ratifie les traités et accords internationaux,48 accrédite les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires auprès des puissances étrangères et reçoit l’accréditation de ceux qui sont envoyés auprès du Bénin.49 Il est, de ce fait, seul maitre de la diplomatie et des relations internationales. Il nomme et révoque librement les membres de son Gouvernement et préside le Conseil des ministres.50 Il a l’initiative du référendum.51 Il assure l’exécution des lois et garantit celle des décisions de justice.52 Il a le droit de grâce.53

Certains des pouvoirs reconnus au Président de la République ne peuvent être exercés qu’en conseil des ministres ou en collaboration avec ses ministres. C’est à ce titre qu’il a l’initiative des lois qu’il doit promulguer, après leur vote, sauf s’il choisit la voie de la deuxième lecture ou celle du contrôle de constitutionnalité.54 C’est également à ce titre qu’il détermine et conduit la politique de la nation de même qu’il exerce le pouvoir réglementaire.55Toujours dans les mêmes

45 Article 54 de la Constitution.46 Article 54, alinéa 2 de la Constitution.47 Article 41 de la Constitution.48 Article 144 de la Constitution.49 Article 61 de la Constitution.50 Article 54, alinéas 3 et 4, et, article 55 de la Constitution.51 Article 58 de la Constitution.52 Article 59 de la Constitution.53 Article 60 de la Constitution.54 Article 57 de la Constitution.55 Article 54 et article 100 de la Constitution.

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3 4 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

conditions, il nomme certaines personnalités et hauts fonctionnaires56 ou prend l’initiative de la révision de la Constitution. Le Président de la République peut déléguer ses pouvoirs aux ministres, sauf ceux relatifs aux relations internationales (articles 61 et 144 de la Constitution), ou ceux prévus aux articles 54, alinéa 3,57 60,58 101,59 115,60 13361 et 15462 de la Constitution.

Dans sa relation avec l’Assemblée nationale, la prééminence du chef de l’État peut s’observer sur plusieurs angles. S’agissant de la maitrise de la confection des lois, le Professeur Victor Topanou a montré qu’il y a en la matière, «  un partage léonin des pouvoirs  » au profit du pouvoir exécutif.63 Lorsque le projet de loi (d’origine présidentielle) ou la proposition de loi (d’origine parlementaire) est déposé auprès de l’Assemblée nationale, il est transmis à la Commission permanente compétente qui l’examine et établit un rapport. Le rapport et le texte du projet ou de la proposition de loi sont programmés pour être discutés en plénière. Les députés peuvent alors faire des amendements. Le texte est discuté, article par article, puis dans sa globalité. Le gouvernement assiste aux travaux en commission et en plénière et peut intervenir. Si le texte est voté, il est envoyé au Président de la République pour promulgation. Si le Président de la République refuse de promulguer une loi votée par l’Assemblée nationale dans les délais requis (quinze jours), sans demander une deuxième lecture ou un contrôle de constitutionnalité des lois, le Président de l’Assemblée nationale peut saisir la Cour constitutionnelle pour procéder à la mise en vigueur de la loi s’il n’y a aucune contrariété avec la Constitution.64 Mais, c’est bien là, la seule concession faite au pouvoir législatif en matière de procédure et de pouvoirs législatifs. En effet, plusieurs autres dispositions de la Constitution donnent une prééminence au Président de la République en matière de maitrise de la confection des lois. Ainsi, aux termes de l’article 105, alinéa 1 de la Constitution, « l’initiative des lois appartient concurremment au Président de la République et aux membres de l’Assemblée nationale ». Mais la disponibilité des ressources humaines et financières est très largement favorable à l’exécutif qui détient l’administration et tous les moyens y afférents tandis que les députés ont à peine à leur disposition des assistants

56 Article 56, alinéas 2 et 3, article 62, alinéa 2, de la Constitution.57 Le Président de la République « nomme, après avis consultatif du bureau de l’Assemblée nationale, les membres du

gouvernement; il fixe leurs attributions et met fin à leurs fonctions. Les membres du gouvernement sont responsables devant

lui ».58 -« Le Président de République a le droit de grâce. Il exerce ce droit dans les conditions définies par l’article 130. »59 -« La déclaration de guerre est autorisée par l’Assemblée nationale. Lorsque, à la suite de circonstances exceptionnelles,

l’Assemblée nationale ne peut siéger utilement, la décision de déclaration de guerre est prise en conseil des ministres par le

Président de la République qui en informe immédiatement la nation. L’état de siège et l’état d’urgence sont décrétés en conseil

des ministres, après avis de l’Assemblée nationale. La prorogation de l’état de siège ou de l’état d’urgence au-delà de quinze

jours ne peut être autorisée que par l’Assemblée nationale. Lorsque l’Assemblée nationale n’est pas appelée à se prononcer,

aucun état de siège ou état d’urgence ne peut être décrété sans son autorisation, dans les soixante jours qui suivent la date de

mise en vigueur d’un précédent état de siège ou d’urgence. »60 Nomination des membres de la Cour constitutionnelle.61 Nomination du Président de la Cour suprême.62 « L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République, après décision prise

en conseil des ministres et aux membres de l’Assemblée nationale … »63 Victor Topanou, « L’équilibre des pouvoirs dans la Constitution du 11 décembre 1990 », in, Institut des droits de l’Homme et

de promotion de la démocratie : La démocratie au quotidien et Chaire UNESCO des droits de la personne et de la démocratie,

Journées de réflexion sur la Constitution du 11 décembre 1990, Les Actes, Cotonou, 2007, p.141.64 Article 57, alinéa 6 et 7 de la Constitution.

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rattachés à leur Commission technique, pour les aider dans leurs tâches. De plus, l’exécutif béninois peut bénéficier de la procédure de la législation déléguée qui, aux termes de l’article 102 autorise « le gouvernement pour l’exécution de son programme à demander à l’Assemblée nationale de voter une loi l’autorisant à prendre par ordonnance pendant un délai limité des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ». Pour renforcer ce dispositif, l’article 88 de la Constitution donne le pouvoir au Président de la République de faire convoquer des sessions extraordinaires de l’Assemblée nationale. Par ailleurs, en plus de l’initiative des lois que la Constitution confère à l’exécutif, le Président de la République peut édicter des règlements autonomes. Alors que les attributions législatives du Parlement sont strictement délimitées par l’article 98 de la Constitution, les pouvoirs réglementaires du Président de la République, eux, sont étendus à « toutes les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi » (art. 100).65 Il faut relever aussi que les articles 68 et 69 de la Constitution donnent des pouvoirs de législation très étendus au Président de la République. Enfin, l’article 58 de la Constitution donne le pouvoir au Président de la République, après les formalités de consultation du Président de l’Assemblée nationale et du Président de la Cour constitutionnelle, de prendre l’initiative du référendum sur toute question relative à la promotion et au renforcement des droits de l’Homme, à l’intégration sous régionale ou régionale et à l’organisation des pouvoirs publics, alors qu’une telle initiative ne peut être prise du coté parlementaire qu’après accord des deux tiers des membres de l’Assemblée nationale (Art. 108).

Quand on ajoute à tout ce qui précède, les pouvoirs exceptionnels du chef de l’État par lesquels il a pu se sortir d’affaire face au Parlement, d’une part, la faiblesse des pouvoirs du Parlement en matière de contrôle budgétaire (qui sera examiné dans le chapitre sur le Parlement) , d’autre part, on peut valablement conclure à la prééminence du chef de l’État dans le système politique béninois, d’où l’importance des organes de contrôle.

Les institutions de contrôle prévues par la ConstitutionÀ côté des deux principales institutions constitutionnelles que sont l’exécutif et le Parlement, d’autres sont créés par la Constitution pour exercer, en plus du Parlement, des rôles de contre poids. Il s’agit principalement, mis à part la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication qui sera abordée plus loin, du Conseil économique et social (CES) et de la Cour constitutionnelle.

La Cour constitutionnelleEn plus de son rôle comme « plus haute juridiction de l’État en matière constitutionnelle » et «  juge de la Constitutionnalité de la loi »,66 la Cour constitutionnelle est dotée d’attributions qui en font une importante institution de contrôle des principes démocratiques. La Cour est d’abord garante du respect des « droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés

65 Victor Topanou, « L’équilibre des pouvoirs dans la Constitution du 11 décembre 1990 », in, Institut des droits de l’Homme et

de promotion de la démocratie : La démocratie au quotidien et Chaire UNESCO des droits de la personne et de la démocratie,

Journées de réflexion sur la Constitution du 11 décembre 1990, Les Actes, Cotonou, 2007, pp.135–147.66 Article 114 de la Constitution

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3 6 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

publiques  ».67 Elle est également, et surtout, «  l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics ».68

La Cour, selon les termes de l’article 114 de la Constitution «  …garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques…  ». Elle reçoit les plaintes provenant de toute personnes, en particulier des individus et tranche les conflits que ceux-ci ont, soit avec les autorités publiques ou agents publics, soit, entre eux. Les domaines dans lesquels la Cour a rendu d’importances décisions en la matière portent sur la liberté d’aller et de venir, le non respect par les agents ou officiers de police (et de gendarmerie) des délais de garde à vue ou de l’interdiction des traitements inhumains et dégradants. Les abus de pouvoirs de toute sorte, conduisant, soit à des licenciements, sanctions ou mutations fantaisistes , soit à des arrestations arbitraires, ou encore à des expropriations publiques sans juste et préalables indemnités ont également été sanctionnés avec beaucoup de succès par la Cour dont les décisions ont été généralement respectées.69

Encadré 2 : La Cour constitutionnelle censure le comportement d’un officier de police

(…) Considérant que la requérante expose que le mardi 9 janvier 2007, de retour de Tégon, à

120 mètres environ de la route inter-états, elle a été arrêtée avec son chauffeur par un homme

en tenue militaire qui a réclamé la clé de leur véhicule ; que n’ayant pas obtempéré de suite

parce que doutant de son identité, ce dernier « gifla le chauffeur, ouvrit la portière du véhicule

et y entra » ; qu’elle poursuit : « J’entrai par la suite dans la voiture de peur qu’il l’emporte

pour une destination inconnue. Il commença par me brutaliser et me roua de coups de

coude à plusieurs reprises sur ma poitrine et dans mes côtes. Je tombai par terre étourdie…

Lorsque je me suis retrouvée …il continuait de nous asséner des coups… » ; Qu’elle a joint

à sa requête un certificat médical initial délivré par le médecin-chef du centre de santé de la

commune de Zogbodomey, le docteur Bruno Aholoukpe, qui fait état d’un « traumatisme de

l’hémi thorax droit ayant occasionné des douleurs intenses au niveau des côtes avec des lésions

ecchymotiques. » et demande que justice lui soit rendue ;

Considérant que la lettre de Dame Célestine Tchoukpa née Gblomadje adressée au Procureur de

la République fait état de violation de droits de la personne humaine, en l’occurrence de sévices

67 Idem.68 Idem.69 Aboudou Ibrahim Salami, La protection de l’État de droit par les Cours constitutionnelles africaines, Analyse comparative des cas

béninois, ivoirien, sénégalais et togolais, Thèse pour l’obtention du grade de Docteur en droit public, Université François Rabelais de

Tours, 29 janvier 2005 ; Joël Aivo, Le juge constitutionnel et l’État de droit en Afrique, L’exemple du modèle béninois, Paris, L’Harmattan,

2006 ; Etienne Ahouanka, « Le juge constitutionnel et la protection des droits fondamentaux de la personne humaine », Revue

Béninoise des Sciences Juridiques et Administratives ( RBSJA) n° 15, pp.99–129 ; Koffi Kessougbo, « La Cour constitutionnelle et la

régulation de la démocratie au Togo », RBSJA , n° 15, pp.61–98 ; Adama Kpodar, « Réflexions sur la justice constitutionnelle à

travers le contrôle de constitutionnalité de la loi dans le nouveau constitutionnalisme : les cas du Bénin, du Mali, du Sénégal

et du Togo », RBSJA , n° 16, pp.104–146 ; Komla Dodzi Kokoroko, « L’apport de la jurisprudence constitutionnelle africaine à la

consolidation des acquis démocratiques ( les cas du Bénin, du Mali, du Sénégal et du Togo) », RBSJA , n° 18, pp.85–128.

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corporels et de traitements inhumains ; qu’en vertu des dispositions de l’article 121 alinéa 2 de

la Constitution, il y a lieu pour la Cour de se prononcer d’office ;

Considérant qu’en réponse à la mesure d’instruction de la Haute Juridiction, le Procureur de

la République près le tribunal de première instance d’Abomey écrit : « …La plainte de Dame

Célestine Tchoukpa née Gblomadje déposée au Parquet d’Abomey le 19 janvier 2007 a été

transmise pour enquête sous le soit-transmis n° 98/PRA du 29 janvier 2007 à la brigade

gendarmerie recherches Bohicon. Le procès-verbal d’enquête préliminaire n’est pas encore

rentré malgré les multiples relances du parquet. » ; que le commandant adjoint de la brigade

routière, quant à lui, déclare : « …j’ai l’honneur de porter à votre attention que je n’ai pas

connaissance des faits relatés. Néanmoins, j’avais été convoqué au sujet de cette lettre plainte

à l’Inspection technique de la gendarmerie nationale et à la Direction de l’intelligence et de la

sécurité militaire (DISM) du ministère de la Défense nationale. À cet effet, je voudrais vous

demander très respectueusement de bien vouloir vous adresser à mon Institution qu’est la

gendarmerie nationale, pour toutes fins utiles. » ; que le Directeur général de la gendarmerie, à

son tour, affirme : « …Suite à mes instructions, l’Inspecteur technique de la Direction générale

de la gendarmerie nationale a convoqué le mis en cause pour l’entendre sur les faits mis à sa

charge.

Des éléments de réponses fournies par l’intéressé …, il ressort que ce dernier a rejeté tout ce

qui a été mis à sa charge et affirme n’avoir jamais porté la main sur dame Tchoukpa.

Cependant, il reconnaît avoir donné un coup de coude au conducteur de Dame Tchoukpa pour

se débarrasser de lui car, ce dernier, dit-il, aurait tenté de l’empêcher de retirer la clé de contact

de la voiture.

Aussi, accepte-t-il d’avoir menacé Dame Tchoukpa de la traduire en justice pour outrage à agent

car, cette dernière, après avoir tenté, par des subterfuges, de retirer les pièces de son véhicule,

l’aurait délibérément empêché de poursuivre la procédure. Mais le sous-officier se serait

abstenu de mettre à exécution sa décision de la traduire en justice en raison des multiples

interventions de personnes qui allaient le voir à ce sujet.

L’adjudant Agoligan s’étonne aujourd’hui que ce soit lui qui fait l’objet de plainte et souhaiterait

une confrontation avec la plaignante en présence des témoins que sont le chauffeur et

Monsieur Alexis Gantin… » ;

Considérant que l’article 18 alinéa 1er de la Constitution énonce : « Nul ne sera soumis à la

torture, ni à des sévices ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. » ;

Considérant que le mis en cause réfute toutes les allégations de la requérante, cependant

que le certificat médical délivré le 16 janvier 2007 par le médecin-chef du centre de santé de

la commune de Zogbodomey, le docteur Bruno Aholoukpe, fait état d’un « traumatisme de

l’hémi thorax droit ayant occasionné des douleurs intenses au niveau des côtes avec des lésions

ecchymotiques siégeant à la base de la face latérale de l’hémi thorax droit, compatibles avec

les plaintes alléguées par la victime. » ; que le fait de gifler, le fait de brutaliser et de donner

des coups de coude sont des gestes constitutifs de sévices, de traitements inhumains et

dégradants, lesquels au demeurant sont corroborés par les énonciations du certificat médical ;

que, dès lors, en se comportant comme il l’a fait, l’adjudant Urbain Agoligan a violé l’article 18

alinéa 1er de la Constitution précité ;

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3 8 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

D E C I D E:

Article 1: La Cour se prononce d’office en vertu de l’article 121 alinéa 2 de la Constitution.

Article 2: l’adjudant Urbain Agoligan, chef adjoint de la brigade routière d’Abomey, a violé

l’article 18, alinéa 1er, de la Constitution.

Article 3: La présente décision sera notifiée à Madame Célestine Tchoukpa née Gblomadje,

à l’adjudant Urbain Agoligan, à Monsieur le Procureur de la République près le Tribunal de

première instance d’Abomey, au Directeur général de la gendarmerie nationale et publiée au

Journal Officiel.

S o u R C e : Cour constitutionnelle, Décision DCC 09-069 du 9 juillet 2009

La Cour constitutionnelle est également chargée de contrôler le respect du principe de la séparation des pouvoirs. Ce principe permet en effet d’éviter l’intrusion de l’Exécutif dans le domaine de la détermination des modalités d’exercice des libertés, domaine réservé au Législatif. Il permet aussi d’éviter l’intrusion de l’Exécutif dans l’activité juridictionnelle, ce qui assure l’indépendance de la justice.

Une telle attribution rend des services énormes à la démocratie béninoise comme le montrent toutes les décisions de la Cour quand il s’est agi de dénouer des crises aussi bien entre institutions qu’entres animateurs d’une même institution. La Cour constitutionnelle est l’institution grâce à la vigilance de laquelle les exclusions de candidats aux élections présidentielles en 1996 et 2006 n’ont pu prospérer. Les décisions de la Cour constitutionnelle béninoise forcent l’admiration. On pourrait citer ici les cas des décisions portant sur la Commission électorale nationale autonome, qu’il s’agisse de sa création, de la nécessité de sa composition pluri partisane, de la protection de ses attributions ou de son autonomie, ou de celles, intervenant à l’encontre des manœuvres tendant à ne pas organiser l’élection présidentielle de 2006, et enjoignant au gouvernement d’avoir à donner les moyens financiers à la Commission electorale nationale autonome ( CENA) pour qu’elle accomplisse sa mission d’organisation des élections. On pourrait évoquer aussi d’autres décisions phares de la Cour constitutionnelle du Bénin comme celles enjoignant au Président de la République d’avoir à recommencer sa prestation de serment.

Encadré 3 : La cour constitutionnelle veille au bon fonctionnement des institutions

Affaire 1 :

En avril 1996, le Président Kérékou qui venait de revenir au pouvoir après avoir battu son

prédécesseur Nicéphore Soglo, prête serment le 4 avril 1996 comme l’exige l’article 53 de la

Constitution, le serment devant être reçu par le Président de la Cour constitutionnelle devant

l’Assemblée nationale et la Cour suprême.

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1 . L E C A D R E C O N S T I T U T I O N N E L D E L A P A R T I C I P AT I O N P O L I T I Q U E 3 9

Ce serment commence par la formule « Devant Dieu et les mânes des ancêtres, la nation et le

peuple béninois, seul détenteur de la souveraineté, nous ……, Président de la République, élu

conformément à la loi, jurons solennellement de respecter et de défendre la Constitution…… ».

Le Président Kérékou, devenu chrétien évangéliste pendant sa période de « traversée du

désert » (1991–1996), a décidé d’ignorer dans sa prestation de serment, la portion de phrase

« les mânes des ancêtres », peut –être parce qu’il considérait cette phrase comme une

concession aux religions traditionnelles, qualifiées parfois de diabolique par certains chrétiens.

Mal lui en a pris car deux citoyens ont saisi aussitôt, c’est-à-dire le même jour, la Cour

constitutionnelle. Celle-ci s’est réuni le lendemain et a déclaré non-conforme à la Constitution

le serment prêté par le Président de la République au motif que la formule prévue par l’article

53 de la Constitution est une formule sacramentelle indivisible et qu’il ne saurait en aucun cas,

subir une quelconque modification.

Le Président Kérékou, se pliant à la décision de la Cour, a été obligée de reprendre sa prestation

de serment en prenant soin, cette fois de réciter intégralement la formule constitutionnelle.

Affaire 2 :

Le 22 avril 2003, les députés à l’Assemblée nationale, nouvellement élus, prennent

officiellement fonction lors d’une cérémonie de rentrée parlementaire. Comme le demandent

la Constitution et le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, la doyenne d’âge convoque

alors ses collègues pour le vendredi 25 avril 2003 « en vue de l’élection du Bureau de

l’Assemblée nationale ». À cette date, la doyenne d’âge ouvre la séance, reçoit les candidatures

aux différents postes, procède à l’élection du poste de Président de l’Assemblée nationale. Au

moment d’engager le vote poste pour poste des autres membres de l’Assemblée nationale, la

doyenne d’âge exige que la composition du Bureau de l’Assemblée nationale tienne compte

de la configuration politique de la chambre législative et que les postes soient distribués

entre majorité et opposition. Face au refus de la majorité des députés d’aller dans ce sens, la

doyenne d’âge a suspendu les travaux ayant trait à l’élection des autres membres du Bureau de

l’Assemblée nationale et reporté la suite desdits travaux au 29 avril 2003. À cette nouvelle date,

les positions des uns et des autres n’ayant pas changé, elle a, une nouvelle fois, reporté la suite

des élections des membres du bureau au 06 mai 2003.

Trois députés saisissent alors la haute juridiction. Le premier, Ahamed Akobi, demande à la

Cour, de se baser sur l’article 15 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale pour déduire

que la doyenne d’âge a violé la Constitution. Le deuxième, Razaki Amouda Issifou, retient les

mêmes griefs sur la base des mêmes fondements, mais ajoute que la haute juridiction doit

« enjoindre à la doyenne d’âge de poursuivre sans discontinuer le processus électoral » pour

l’élection des autres membres du Bureau de l’Assemblée nationale. Le troisième, Orou Gabé

Orou Sego introduit, presque mot pou mot, le même recours.

Un particulier, Serge Roberto Prince Agbodjan, saisit également la haute juridiction sur la

base des mêmes faits et lui demande de se fonder sur les articles 3, 4 et 35 de la Constitution

pour déclarer le comportement de la doyenne d’âge contraire à la Constitution. La Cour

constitutionnelle se basera aussi bien sur la violation de l’article 15 du règlement intérieur de

l’Assemblée nationale, et par ricochet, celle de l’article 82, alinéa 1, de la Constitution invoqué

par les parlementaires que sur celle de l’article 35 de la Constitution soulevée par le particulier

pour décider qu’ « en procédant aux suspensions de séances répétées aux fins de recueillir

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4 0 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

de nouvelles candidatures », « en se comportant comme elle l’a fait », la doyenne d’âge de

l’Assemblée nationale a violé la Constitution. Le 09 mai 2003 la cour recevra un recours d’un

particulier, Cyrille Gougbedji, qui relate qu’ « à l’ouverture de la séance du vendredi 09 mai

2003 de l’Assemblée nationale, la cinquième devant connaitre de l’élection des membres du

Bureau, la doyenne d’âge a fait procéder à une lecture de la décision DCC 03-077 de la haute

juridiction (…). Dans son commentaire qui a suivi la lecture de la dite décision elle a affirmé

que la seule chose qui lui est reprochée par la Cour constitutionnelle est d’avoir accepté

la candidature de dernière minute du député Aboudou Assouma au poste de deuxième

questeur ». Dame Rosine Vieyra-Soglo qui a fait procéder au retrait de cette candidature a

déclaré attendre qu’on lui dise ce qu’elle a à faire, et a décidé de suspendre à nouveau la

séance jusqu’au 20 mai 2003. Le requérant expose que malgré des courriers émanant de

plusieurs groupes de députés dépassant largement la majorité et lui demandant de bien

vouloir reprendre le processus d’élection dès le 12 mai 2003, « la doyenne d’âge oppose une

résistance à la décision de la Cour et abuse de ses prérogatives de Président du bureau d’âge…

bloquant ainsi le processus électoral devant conduire à l’élection et à l’installation des membres

du Bureau de l’Assemblée nationale ». Le député Ahamed Akobi, relatant les mêmes faits,

soutient que « cette rébellion de la doyenne d’âge constitue une fois de plus une violation de la

Constitution (…) et menace sérieusement le fonctionnement des institutions ».

Le premier requérant demande que face au bocage du fonctionnement de l’Assemblée

nationale, la Cour constitutionnelle enjoigne à la doyenne d’âge de convoquer et de poursuivre

sans délai, sans discontinuité, le processus électoral devant conduire à l’élection des membres

du Bureau de l’Assemblée nationale autre que le Président. Il demande à la haute juridiction

« d’ordonner qu’en cas d’absence ou d’empêchement de la doyenne d’âge ou en cas de non

exécution de l’injonction, qu’il soit procédé d’office au remplacement de la doyenne d’âge par

le doyen d’âge suivant et ainsi de suite, et ce jusqu’à l’aboutissement du processus électoral

engagé ». Le deuxième requérant défend les mêmes positions. Il excipe du « risque imminent

de blocage des institutions de la République », pour demander à la haute juridiction, entre

autres, de « constater la persistance de la doyenne d’âge à violer la Constitution notamment

les articles 34, 82 et 124, de dire que le Bureau de l’Assemblée nationale devra être installé au

plus tard le 15 mai 2003, d’inviter l’Assemblée nationale à reprendre ses travaux le jeudi 15 mai

2003. » La Cour constitutionnelle accède à toutes ses demandes. Elle décide que « la doyenne

d’âge doit convoquer l’Assemblée nationale dès la date de la présente décision et poursuivre

sans discontinuité, c’est-à-dire au cours de la même séance, l’élection des autres membres du

Bureau, (…) en cas de résistance, il sera procédé immédiatement à son remplacement par le

doyen d’âge suivant, et ainsi de suite jusqu’à l’aboutissement du processus électoral, le tout

devant s’accomplir impérativement dans les 48 heures de la date de la présente décision; (…)

en tout état de cause, le Bureau de l’Assemblée nationale devra être installé au plus tard le

mercredi 14 mai 2003 à minuit. » Cette décision a été respectée et le Bureau de l’Assemblée

nationale mis en place dans le délai prévu par la haute juridiction.

S o u R C e S : Cour constitutionnelle, Décision DCC 96-O17 du 5 avril 1996; Décision DCC 03-077 du 7 mai 2003 (http://www.cour-constitutionnelle-Bénin.org/doss_decisions/030577.pdf); DCC 03-078 du 12 mai 2003 (http://www.cour-constitutionnelle-Bénin.org/doss_decisions/030578.pdf).

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1 . L E C A D R E C O N S T I T U T I O N N E L D E L A P A R T I C I P AT I O N P O L I T I Q U E 4 1

Le Conseil Économique et Social (CES)Les articles 139, 140 et 141 de la Constitution créent un Conseil économique et social. La loi n° 92-010 du 16 juillet 1992 portant loi organique sur le Conseil économique et social (CES) complète les dispositions constitutionnelles sur l’institution.

De l’ensemble de ces dispositions, on peut retenir que le CES a pour rôle de donner son avis sur les projets de loi de programme à caractère économique et social qui doivent lui être obligatoirement soumis, mais aussi sur tout autre projet de loi, d’ordonnance ou de décret ainsi que sur les propositions de loi qui lui sont soumis. Il peut par ailleurs être consulté par le Président de la République sur tout problème à caractère économique, social, culturel, scientifique et technique. Il peut enfin, de sa propre initiative, sous forme de recommandations, attirer l’attention de l’Assemblée nationale et du gouvernement sur les réformes d’ordre économique et social qui lui paraissent conformes ou contraires à l’intérêt général. Il peut, dans les mêmes conditions, faire connaitre au gouvernement son avis sur l’exécution des plans ou programmes à caractère économique ou social.

Selon l’article 5 de la loi organique sur le CES, cette institution est composée de trente (30) membres qui sont des personnalités concourant par leur compétence et leurs activités au développement économique, social, culturel, scientifique et technique de la nation. Cinq de ces trente personnalités sont nommées à raison de trois (3) par le Président de la République et deux (2) par le Bureau de l’Assemblée nationale. Les vingt cinq autres personnalités sont élues à raison de : quatre par les organisations d’employeurs ; quatre par les syndicats de travailleurs ; six par les associations de développement à raison de 1 par département ;70 deux par les organisations d’artisans ; 1 par les organisations d’artistes et d’animateurs culturels ; deux par les fédérations sportives ; deux par les représentants des professions libérales ; deux par les organisations de chercheurs ; deux par les organisations de personnes exerçant des activités sociales (éducation, santé, …).

Il faut préciser que les membres élus par les associations de développement doivent être nécessairement des agriculteurs, pêcheurs, éleveurs ou exploitants forestiers, mais que la vérification de la conformité à ces conditions ne se fait pas réellement, et que les membres du CES siégeant au titre d’une structure, d’une corporation ou d’une catégorie socio-professionnelle doivent être spécialement élus pour l’exercice de leur mandat au sein du Conseil.

Les fonctions de membres du CES sont incompatibles avec celles de membres du gouvernement, de l’Assemblée nationale, de la Cour constitutionnelle, de la Cour suprême et de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication. Il existe plusieurs conditions à remplir pour être membres du CES. Il faut (i) être de nationalité béninoise ou « jouir au Bénin en vertu d’une Convention d’établissement d’une assimilation avec des nationaux béninois » ; (ii) appartenir depuis au moins deux ans à la catégorie socio- professionnelle dans laquelle ils sont élus ; (iii) être âgés de vingt-cinq ans au moins.71

70 Avant les textes sur la décentralisation intervenus à la fin des années 90, le Bénin comptait six départements. Depuis lors,

comme il sera montré plus loin, il a été créé six nouveaux départements. Mais dans la pratique, ce sont encore les six anciens

départements qui seuls, sont opérationnels en mars 2009.71 Article 6 de la loi organique sur le CES.

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4 2 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

Il est difficile d’évaluer la contribution du CES à l’animation de la vie publique, ces contributions restant souvent confidentielles et adressées uniquement au gouvernement et au Parlement qui sont libres d’en tenir compte ou non. Mais on peut gager qu’il est de l’intérêt des institutions destinataires de tenir compte des recommandations de cette instance car, qu’elles le veuillent ou non, ces recommandations finiront pas être portées devant elles par certains membres du CES avec leur organisation d’origine. On pense notamment aux syndicalistes qui ne manquent jamais d’utiliser des avis et analyses faites au sein du CES pour nourrir leurs revendications, le plus souvent, en durcissant les points de vue retenus par le CES et qui sont le fruit de compromis entre toutes les catégories socio professionnelles membres de l’instance.

C. Recommandations

Sur le processus de révision de la Constitution en cours en début 2010Le consensus qui a caractérisé l’adoption de la Constitution béninoise, dont les grandes lignes ont été retenues à la Conférence nationale, impose d’adopter la démarche la plus participative possible pour sa révision. Une telle démarche devrait au minimum comporter les éléments suivants :

• L’Assemblée nationale qui est désormais saisie du projet de loi de révision de la Constitution introduit par le gouvernement doit exiger la publication de la version initiale du rapport des experts sur les réformes constitutionnelles envisageables au Bénin et prendre ce rapport comme base du travail.

• La période 2010–2011 caractérisée par une campagne électorale précoce par rapport aux échéances électorales (présidentielles et législatives) du premier trimestre 2011 et une certaine crispation des relations politiques n’offre pas le contexte idéal pour des discussions apaisées et consensuelles sur les réformes constitutionnelles pertinentes. Il vaut mieux reporter les discussions relatives à la réforme constitutionnelle au deuxième trimestre 2011, soit en début des mandats présidentiel et législatifs. Cela permettrait par ailleurs d’éviter les risques d’instrumentalisation du processus en cours et faire en sorte que les autorités politiques qui initient et/ou qui interviennent dans l’initiative de révision constitutionnelle ne soient pas taxées de vouloir bénéficier des réformes qui en découlent (prolongation de mandats parlementaires en cours, levée de la limitation des mandats du Président de la République en exercice, renforcement inopportun et conjoncturel des pouvoirs de l’exécutif ou de ceux du législatif, etc.).

• Une popularisation du rapport des experts doit être organisée aussi bien par les députés que par les organisations de la société civile afin de permettre à toutes les institutions de la République, prises en tant que telles, y compris le gouvernement (qui n’est qu’une institution parmi d’autres dans ce processus), à tous les partis politiques représentés à l’Assemblée nationale, à toute association ou ONG, ainsi qu’à toute autre personne physique ou morale qui le souhaite, de faire parvenir ses observations motivées à une commission ad hoc chargée d’élaborer une version finale d’un texte consensuel qui pourrait être soumise aux parlementaires vers la fin 2011

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1 . L E C A D R E C O N S T I T U T I O N N E L D E L A P A R T I C I P AT I O N P O L I T I Q U E 4 3

pour adoption. Compte tenu de non adoption de la loi organique sur le référendum, du caractère technique des révisions souhaitées et des difficultés de couverture des charges financières relatives aux votations, il est en effet préférable d’emprunter la voie parlementaire de révision de la Constitution.

Sur le régime politiqueLa capacité d’influence du pouvoir exécutif sur les autres pouvoirs est trop forte et se manifeste notamment par le fait que le chef de l’État, chef du gouvernement participe de manière trop importante à la désignation des responsables des autres pouvoirs. Il est souhaitable que ce ne soit plus lui qui désigne le président de la Cour suprême et celui de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication. Les membres de ces institutions doivent pouvoir désigner eux-mêmes leur propre président.

Sur la Cour constitutionnelleLa nomination des membres de la Cour constitutionnelle est aujourd’hui réduite aux choix effectués par le Président de la République et à ceux effectués par le bureau de l’Assemblée nationale. Pour éviter que par suite de domination du Bureau de l’Assemblée nationale par les partisans du chef de l’État, ce soit la même tendance politique qui désigne l’ensemble des membres de la Cour constitutionnelle, il faudrait confier à la plénière de l’Assemblée nationale le soin de désigner les membres de la Cour constitutionnelle, par un vote qualifié de 2/3 par exemple.

Il serait également important de prévoir la possibilité pour les facultés publiques de droit, l’Union nationale des magistrats et l’ordre des avocats, d’élire un ou plusieurs de leurs membres à la haute juridiction. De même, la possibilité de renouvellement de mandat est une entorse à l’indépendance du juge. Il faudrait prévoir un mandat long, non renouvelable de 9, ou 12 ans, ou un mandat à exercer jusqu’à soixante quinze ans. Un renouvellement partiel des membres fera aussi gagner l’expérience acquise par certains aux nouveaux arrivants, or telle que les textes le prévoient aujourd’hui, il n’est pas impossible qu’une nouvelle mandature de la Cour constitutionnelle arrive avec la totalité des membres de la juridiction se retrouvant au début de leur premier mandat.

L’autonomie financière de la Cour doit être garantie comme en ce qui concerne l’Assemblée nationale et le contrôle a posteriori des dépenses effectué par le juge des comptes pour éviter que le pouvoir exécutif n’exerce des pressions ou chantages sur les juges de la Cour.

S’agissant des compétences de la Cour, il faudrait, à terme, que les juges ordinaires connaissent de certains contentieux en premier ressort, quitte à ce que la Cour constitutionnelle, aujourd’hui engorgée, ne connaisse de ces affaires en dernier ressort, lorsque la solution à ces problèmes permettra à la Cour de sanctionner le non respect d’une règle constitutionnelle. De même, s’il faut se féliciter du respect des décisions de la Cour dans la plupart des cas, certaines décisions (rares, il est vrai) restent sans application. Il faudrait prévoir des sanctions pouvant affecter le patrimoine personnel de toute personne ne respectant pas les décisions de la Cour.

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4 4 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

Sur le Conseil économique et socialLa principale critique faite au CES est que son rôle semble être accompli non seulement par les différents et multiples conseillers du chef de l’État, ceux du Président de l’Assemblée nationale, les membres du gouvernement mais aussi par les organes consultatifs non constitutionnels créés par les pouvoirs politiques, les ordres professionnels, les chambres des différents métiers, les organisations de la société civile, etc.

Mais il peut être pertinent d’ajouter aux vingt cinq membres élus par leur pairs dans les différentes catégories socio-professionnelles actuellement envisagées, un certain nombre de personnalités représentant les traditions (et non des cultes en raison de la laïcité de l’État) ainsi que des personnalités qui ont rendu d’éminents services à la République aux plans scientifique, technique, culturelle, politique, économique, etc.). Cette deuxième catégorie de personnes pourra être désignée par voie de nomination. Le CES répondrait ainsi davantage à l’attente de la présence et de la protection des cultures, traditions et valeurs béninoises de manière beaucoup plus accentuée.

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Égalité de la citoyenneté

Bien qu’il ne compte pas parmi les pays affectés par des conflits inter-ethniques violents, le Bénin est traversé par des rivalités régionales et ethniques qui marquent fondamentalement sa vie politique et la qualité de la participation des citoyens aux politiques nationales. La participation politique des citoyens est également affectée par des inégalités de genre. Il persiste des pratiques discriminatoires à l’égard des femmes quoique des progrès notables aient été enregistrés surtout dans la législation. Le Bénin applique un système complexe alliant le droit du sol et le droit du sang dans les critères d’octroi de la nationalité d’origine. Mais cette combinaison cache mal des discriminations nées des différences de traitement de la femme par rapport à l’homme dans la législation sur la nationalité. Les lois régissant les immigrants sont parmi les plus généreuses, surtout à l’égard des immigrants des pays membres de la Communauté économique des États d’Afrique de l’ouest (CEDEAO) et de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’ouest (UEMOA).

A. Égalité de la citoyenneté béninoise

Le droit à la personnalité juridiqueLa question du droit à la personnalité juridique revêt une importance capitale au Bénin car sans une identité légale, la jouissance des différents droits est illusoire ou fortement compromise. Or, le système d’état civil du pays est embryonnaire. Nombre de personnes sont des « sans papiers » dans leur propre pays. Cette situation n’est pas sans conséquences, car « quand l’identité légale manque, l’individu ne peut ni circuler librement (liberté d’aller et venir), ni exercer son droit de vote (liberté de choisir), ni établir un commerce ou créer une société (liberté d’entreprendre), accéder normalement aux services sociaux de base (éducation, santé, eau et électricité), accéder à ou acquérir une propriété (demande d’un titre foncier, hériter des biens), ouvrir un compte en

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4 6 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

banque, trouver un emploi (droit au travail) ou même former légalement une union (droit au mariage). (…) ».72

Certes, des subterfuges ont parfois été trouvés pour contourner ces difficultés comme par exemple l’inscription des citoyens – ou supposés tels – sur les listes électorales sans pièces d’identité et sur la base de simples témoignages. Mais ces solutions n’enlèvent rien à la responsabilité de l’État car «  l’acte d’état civil constitue un droit inaliénable de la personne humaine. Il est de la responsabilité de l’État, au regard de ses engagements vis-à-vis des instruments internationaux de protection des droits de l’Homme, de prendre toutes mesures nécessaires pour en assurer la pleine garantie afin que chaque Béninois soit détenteur d’une identité légale. ».73

Pour remédier à cette lacune, l’État béninois a initié en 2006 le projet «  Recensement administratif à vocation état Civil » ou « RAVEC ». Par décret n° 2006-318 du 10 juillet 2006 portant établissement et délivrance des actes de naissance aux personnes qui n’en possèdent pas, le gouvernement a mis en place une administration spéciale dont l’objectif est d’organiser, en collaboration avec les tribunaux et les communes, des audiences foraines afin de délivrer des actes de naissance aux personnes qui n’en possèdent pas. Le recensement sur les registres de requérants a connu un succès considérable puisque les demandeurs d’actes de naissance (en principe seulement ceux qui ont plus de quinze ans) dans les 77 communes se chiffrent à 2 336 159 personnes. La phase des audiences foraines proprement dites est encore en cours. Elle a en effet connu quelques difficultés de parcours (vacances judiciaires, grèves des magistrats, puis des greffiers, etc.…), mais début 2010, plus de 70% des requérants avaient obtenu satisfaction.

L’objectif à terme est de créer une base de données regroupant tous les Béninois avec attribution à chacun d’eux d’un numéro d’identification. Mais le décret qui avait programmé le volet « base de données » a été invalidé par la Cour constitutionnelle au motif que c’est de la compétence du législateur de prévoir de telles dispositions.74 Il faudra donc adopter une loi pour boucler définitivement cette autre phase.

La nationalité béninoise

La nationalité d’origineLa nationalité béninoise est régie par la loi n° 65-17 du 23 juin 1965 portant Code de la nationalité béninoise. Le Bénin applique à la fois le critère de la naissance sur le territoire Béninois (droit du sol) et celui de la filiation (droit du sang) pour l’attribution de la nationalité d’origine. On note néanmoins des discriminations évidentes à l’égard des femmes dans l’application de ces critères.

Le droit du sol est en principe double au Bénin dans la mesure où il ne suffit pas pour un enfant de naitre au Bénin pour obtenir la nationalité béninoise à ce titre. Encore faudrait-il que son père ou sa mère soit, lui aussi, ou elle aussi, né(e) au Bénin. D’après le Code de la nationalité, est béninois l’individu né au Bénin d’un père qui y est lui-même né. Tout individu qui a sa résidence habituelle sur le territoire du Bénin et jouit de la possession d’état de béninois est

72 Union africaine et gouvernement du Bénin, MAEP : Rapport d’évaluation du Bénin, pp.355 et 366.73 Idem.74 Décision DCC 06-17 du 17 novembre 2006.

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présumé remplir ces deux conditions (né au Bénin d’une part, avoir un père qui est lui-même né au Bénin, d’autre part), sauf preuve contraire.75

La femme, peut dans les mêmes conditions, voir son enfant acquérir la nationalité béninoise. L’article 8 du code de nationalité prévoit qu’est béninois tout individu né au Bénin d’une mère qui y est elle-même née. Mais dans cette deuxième hypothèse concernant l’attribution de la nationalité béninoise à l’enfant d’une femme née au Bénin, la présomption de double naissance au Bénin n’existe plus du simple fait de la résidence habituelle au Bénin et de la possession d’état de béninois de l’enfant. Il faut donc établir la naissance de la mère au Bénin de même que la naissance de l’enfant au Bénin par d’autres voies. La charge de la preuve de cette double naissance revient à la mère ou à l’enfant. Par ailleurs, il est prévu une faculté de répudiation de la nationalité béninoise par l’enfant né d’une mère elle-même née au Bénin dans les six mois précédant sa majorité. Une telle possibilité de répudiation n’est pas prévue pour l’enfant né au Bénin d’un père qui y est lui-même né.

Toutes ces nuances constituent des discriminations en défaveur des femmes nées au Bénin quant à la possibilité pour leur enfant d’être considérés comme béninois.

Ces dispositions relatives à la nationalité béninoise en raison de la double naissance au Bénin (naissance d’un des géniteurs au Bénin, puis naissance de l’enfant au Bénin) ne s’appliquent pas aux enfants des agents diplomatiques et consulaires de carrière de nationalité étrangère ou aux enfants de représentants et fonctionnaires des États étrangers en mission auprès des organismes internationaux ayant leur siège au Bénin. Toutefois, rien n’empêche les enfants de ces personnes dont le lien avec un pays étranger est établi, d’acquérir la nationalité béninoise par déclaration faite au cours d’un séjour d’au moins cinq ans au Bénin (articles 11, alinéa 2, 28, 54 et suivants du Code de la nationalité).

Le droit du sol peut exceptionnellement être simple. Tout individu né au Bénin qui ne peut se prévaloir d’aucune autre nationalité (parents inconnus ou parents sans aucune nationalité) est considéré d’office comme béninois.76 De même, tout enfant nouveau né, trouvé au Bénin, est présumé béninois jusqu’à preuve du contraire.77

Le Bénin connaît également la nationalité d’origine par filiation, en application du droit de sang, en vertu duquel l’homme béninois et la femme béninoise peuvent transmettre la nationalité béninoise à leur enfant. L’enfant né d’un père béninois est considéré comme béninois, sans aucune autre condition particulière, le fait qu’elle soit connue ou inconnue, ou que sa nationalité soit connue ou inconnue étant indifférent.

L’enfant né d’une mère béninoise est également considéré comme béninois quand il est né au Bénin78 ou quand son père est inconnu ou n’a pas de nationalité connue,79 ou même quand il est né à l’étranger d’un père ayant une nationalité étrangère. Mais dans ce dernier cas, il lui est permis de répudier cette nationalité dans les six mois qui précèdent sa majorité.80

75 Article 7, Code de la nationalité.76 Article 9, Code de la nationalité.77 Article 10, Code de la nationalité.78 Article 13, Code de la nationalité.79 Article 12, Code de la nationalité.80 Article 13, Code de la nationalité.

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4 8 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

On note ainsi, en comparaison avec le caractère automatique et inébranlable de l’attribution de la nationalité béninoise à un enfant né d’un père béninois, une certaine fragilité, pour ne pas dire une simple virtualité, dans l’attribution de la nationalité béninoise à un enfant né à l’étranger, d’une mère béninoise et d’un père ayant une nationalité étrangère.

L’acquisition de la nationalité béninoiseIl existe cinq possibilités d’acquérir la nationalité béninoise : la filiation, le mariage, la naissance et la résidence, la déclaration de nationalité et la naturalisation ou l’intégration.

• La filiation : L’enfant mineur non béninois adopté par une personne de nationalité béninoise ou par des époux ayant tous deux la nationalité béninoise acquiert cette nationalité, avec toutefois, la possibilité de répudier cette nationalité dans les six mois qui précèdent sa majorité.

• Le mariage : La femme étrangère qui épouse un béninois acquiert la nationalité béninoise au moment de la célébration du mariage sauf si elle décline cette nationalité avant la célébration du mariage ou que le gouvernement, dans le délai de six mois après la célébration du mariage, et de manière discrétionnaire, s’oppose à cette acquisition. Il est à noter qu’un an après l’acquisition par la femme étrangère de la nationalité béninoise, elle ne peut prendre part, ni en qualité d’électrice, ni en qualité de candidate aux élections tant que ces élections sont subordonnées à la qualité de béninois (article 21 du Code de la nationalité). Il n’est pas prévu que l’homme étranger qui épouse une béninoise acquiert la nationalité béninoise au moment de la célébration du mariage.

La femme béninoise ne peut donc pas, au même titre que l’homme béninois, transmettre sa nationalité à son conjoint du fait du mariage. Il ne reste à ce dernier que la voie de la naturalisation.

• La naissance et la résidence au Bénin : Tout individu né au Bénin de parents étrangers acquiert la nationalité béninoise à sa majorité si, à cette date, il a au Bénin sa résidence et s’il y a eu, depuis l’âge de seize ans, sa résidence habituelle. Dans les six mois précédant sa majorité, le mineur a la faculté de décliner cette nationalité. Le gouvernement peut aussi s’opposer à l’acquisition de cette nationalité dans les mêmes délais. Les enfants de parents qui ont la qualité d’agents diplomatiques et consulaires de carrière ou de représentants et fonctionnaires d’États étrangers ne sont pas concernés par ce mode d’acquisition de la nationalité béninoise.

• La déclaration de nationalité : L’enfant mineur né au Bénin de parents étrangers peut réclamer la nationalité béninoise par déclaration si au moment de sa déclaration, il réside au Bénin depuis au moins cinq ans. Le gouvernement peut s’opposer à cette acquisition de la nationalité béninoise dans le délai de six mois à compter de la date de la déclaration.

• La naturalisation ou la réintégration : L’acquisition de la nationalité béninoise par décision de l’autorité publique peut résulter d’une naturalisation ou d’une réintégration.

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La naturalisation peut être accordée par décret du Président de la République aux étrangers résidant au Bénin au moment de la signature du décret, et remplissant les conditions suivantes : (1) avoir atteint l’âge de vingt et un an, (2) avoir résidé pendant au moins les trois ans qui précèdent le dépôt de sa demande, ou à défaut, être né au Bénin ou être marié à une béninoise, être femme ou enfant majeur d’un étranger qui acquiert la nationalité béninoise, être, étant majeur, adopté par une personne de nationalité béninoise, ou enfin, avoir rendu des services signalés ou présenter un intérêt certain pour le Bénin, (3) être de bonne vie et mœurs et n’avoir encouru aucune condamnation supérieure à une année d’emprisonnement pour infraction de droit commun, non effacée par la réhabilitation ou l’amnistie, (4) être reconnu sain de corps et d’esprit, et (5) justifier de son assimilation à la communauté béninoise, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, d’une langue béninoise ou de la langue officielle (français à la date d’aujourd’hui).Il a été prévu des possibilités de réintégration dans la nationalité béninoise au profit de ceux qui l’ont perdue entre temps. Cette réintégration se fait par décret du Président de la République, après enquête, sans condition d’âge et de stage pourvu que le bénéficiaire réside au Bénin.

Elle ne peut se faire au profit d’un déchu non réhabilité ou amnistié ou encore au profit d’un étranger qui a fait l’objet d’un arrêté d’expulsion ou d’assignation à résidence non rapporté. Dans tous les cas, lorsque la nationalité béninoise est acquise, certains effets y sont attachés.

L’individu qui acquiert la nationalité béninoise jouit à dater de cette acquisition de tous les droits attachés à la qualité de béninois, à l’exception des incapacités ci après (article 41 du code de la nationalité):

• Pendant un délai de cinq ans à compter du décret de naturalisation, le naturalisé ne peut, selon le Code de nationalité, être investi de hautes fonctions prévues par la Constitution ou de mandats électifs pour l’exercice desquels la qualité de béninois est exigée; mais des textes postérieurs ont modifié ou complété ces dispositions. En matière de candidature à l’élection présidentielle, la Constitution béninoise de 1990 (article 44) a durci cette limitation en précisant que le naturalisé doit l’avoir été pendant dix ans au moins pour pouvoir être retenu comme candidat. S’agissant des élections législatives, c’est le législateur qui a renforcé cette exigence de nationalité béninoise depuis au moins cinq ans par une condition de résidence continue depuis au moins dix ans. En effet, aux termes de l’article 11 nouveau (Loi n° 98-036 du 15 janvier 1999) de la loi 94-015 du 27 janvier 1995, le candidat à la députation, s’’il est étranger naturalisé béninois, doit être domicilié au Bénin et y vivre sans interruption depuis dix ans au moins.

• Pendant un délai de trois ans à compter du décret de naturalisation, le naturalisé ne peut être électeur lorsque la qualité de béninois est nécessaire pour lui permettre l’inscription sur les listes électorales.

• Pendant un délai de trois ans à compter du décret de naturalisation, le naturalisé ne peut être nommé à des fonctions publiques rétribuées par l’État, ni être titulaire d’un office ministériel.

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La soumission à ces conditions peut être allégée dans le décret de naturalisation pris au profit de tout naturalisé qui a rendu des services signalés au Bénin ou lorsque sa naturalisation présente un intérêt certain pour le Bénin.

Enfin, des naturalisés béninois peuvent transmettre la nationalité béninoise à leur enfant légitime ou adopté. Ainsi, acquiert de plein droit la nationalité béninoise l’enfant mineur dont le père acquiert la nationalité béninoise. Quand à la mère naturalisée béninoise, elle ne peut transmettre sa nationalité à son fils mineur que si le père est inconnu ou décédé. De même, acquiert de plein droit la nationalité béninoise l’enfant adopté mineur qui n’est pas marié ou n’a pas servi dans les armées de son pays d’origine, lorsque l’adoptant, ou les deux époux, en cas d’adoption par deux époux, acquièrent la nationalité béninoise. Toutefois, cet enfant a la faculté de répudier la nationalité béninoise dans les six mois précédant sa majorité.

B. La dimension ethnique de la participation politique au BéninÀ l’exception de la période du régime marxiste-léniniste entre 1972 et 1989, la participation politique au Bénin est constamment marquée par de subtiles mais bien évidentes rivalités entre groupes régionaux et ethniques. Les politiciens et électeurs de chacune des trois principales régions du Bénin, le Nord, le Centre-sud et le Sud-est, se font une compétition, surtout à l’occasion des élections présidentielles, pour que le Président élu provienne de leur région.

Cette division régionale a des racines historiques bien ancrées et une dimension ethnique très forte. Elle s’est matérialisée quelques années avant l’indépendance intervenue en 1960.81 A la veille des élections législatives de 1951, le désir des originaires de la partie septentrionale de la colonie de voir attribuer un des deux postes de députés revenant à la colonie à un des leurs et le refus du parti de l’Union progressiste dahoméen (U.P.D) d’accéder à leur demande devaient conduire les « nordistes » à se regrouper au sein d’un mouvement à base ethnique et régionaliste qu’ils ont appelé « Groupement ethnique du Nord », par opposition au Sud qui « brimait le Nord et le traitait de parent pauvre ».82 Les justifications étaient que le Nord avait accusé du retard dans tous les domaines et que pour rattraper ce retard, il fallait se libérer de la tutelle des sudistes et avoir un authentique fils du Nord dans les instances de prise de décision. Hubert Maga a été ce messie qui était censé conduire les destinées des ethnies du Nord que sont les Baribas, Dendi, Somba etc... Effectivement, suite aux élections législatives, M. Maga l’emporta au Nord. Pendant ce temps, les suffrages s’éparpillaient au sud entre plusieurs listes, l’unité étant difficile à trouver face aux rivalités classiques entre les frères adversaires que sont les Fons, héritiers du royaume d’Abomey et les Gouns, héritiers du royaume de Porto-Novo. Finalement, c’est un Goun, Sourou Migan Apithy, qui l’emportera au Sud. Cette situation de départ entraina une prise de conscience du Nord par rapport au poids qu’il peut avoir dans la balance politique dahoméenne. « Ainsi le Nord et le Sud devinrent une réalité politique objective, une exigence constante et déterminante

81 Maurice Glele Ahanhanzo, Naissance d’un État noir, L’évolution politique et constitutionnelle du Dahomey, de la colonisation à nos

jours, Paris, LGDJ, 1969, pp.119–12082 Idem, p.119. ; Voir aussi Alain Kisito Metodjo, Devenir Maire en Afrique, Décentralisation et notabilités locales au Bénin, Paris,

L’armattan, 2008, pp.61–62.

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de la politique du Dahomey (futur Bénin) ».83 On ne peut comprendre ce qui s’est passé dans les premières années de l’indépendance du pays sans ce rappel historique.

La période 1960–1972 a été marquée par des rivalités politiques sur fond de rivalités ethniques, ou régionales plus exactement (plusieurs ethnies se greffant à l’ethnie « leader » dans chaque région et devenant de ce fait des ethnies assimilées). Toutes les batailles politiques se déroulaient entre trois leaders politiques représentant chacun, de manière plus ou moins ouverte, une région du pays connue pour ses solidarités ethniques. Les militaires intervenaient de temps en temps pour arbitrer les conflits. Hubert Maga, originaire de par sa mère du pays Bariba, avait tous les suffrages du Nord du pays, zone où se situe le pays Bariba. Justin Ahomadegbe, originaire du pays Fon, situé au Centre et au Sud, était le leader incontesté dans cette zone, et Sourou Migan Apithy, goun du sud est du pays, avait toutes les faveurs des populations de cette zone. Ces trois leaders ont passé leur temps à s’entredéchirer. « Ils se sont forgés une légitimité politique dans l’antre des vestiges territoriaux et symboliques des royaumes existant avant la colonisation et jadis antagonistes ; »84 Hubert Maga se voulait l’héritier de la riche civilisation des royaumes Bariba de Nikki et de Kouandé ; Justin Ahomadegbe voulait incarner le puissant royaume de Danxomè à Abomey tandis que Sourou Migan Apithy défendait les couleurs du royaume de Xogbonou (Porto-Novo). La régionalisation du vote, autour de ces trois leaders politiques, a transformé leur mouvement en quasi partis uniques régionaux : le Rassemblement démocratique du Dahomey (RDD) de Hubert Maga, l’Union démocratique dahoméenne (UDD) de Justin Ahomadegbe et le Parti républicain du Dahomey (PRD) de Sourou Migan Apithy.85 A la suite des élections, à chaque fois le même scénario se produit : Deux des trois leaders politiques se mettent ensemble pour exclure le troisième jusqu’au moment où ce troisième, profitant de la division entre les deux alliés du moment, écartait un membre de l’alliance pour former une nouvelle alliance avec l’un des deux anciens alliés au détriment du nouvel isolé. Et comme presque toujours les membres des nouvelles alliances recommençaient à s’entredéchirer, chacun réclamant le leadership sur l’autre, les crises étaient inévitables, et à chaque fois, l’armée essayait de mettre de l’ordre avant de retourner le pouvoir à l’un ou l’autre de ces trois leaders qui s’alliait un deuxième pour isoler le troisième. En 1970, c’est à l’ensemble des trois leaders que l’armée remit le pouvoir pour qu’ils exercent la fonction présidentielle à tour de rôle. Cette expérience n’alla pas à son terme, l’armée prenant à nouveau le pouvoir le 26 octobre 1972 pour ne le laisser qu’après 19 ans.

La période 1972 à 1989 correspond au régime politique monolithique dans lequel toutes les décisions politiques relevaient en dernier ressort d’une seule personne : Le chef de l’État, le Président Mathieu Kérékou. Le sentiment général est qu’au cours de cette période les rivalités ethniques et compétitions régionales ont cessé de dominer la vie politique au Bénin, alors monopolisée par le Président Kérékou et la petite classe d’idéologues marxistes-léninistes autour de lui. Ainsi, d’après l’historien Félix Iroko de l’Université d’Abomey-Calavi, on peut noter à l’égard de Kérékou une «  absence de critères régionalistes et de préférences ethnocentristes dans le choix de ses collaborateurs, civils comme militaires, même les plus proches  ». Le professeur Iroko se base sur le fait, qu’entre autres, ses ministres de l’intérieur et de la sécurité,

83 Maurice Glele Ahanhanzo, idem.84 Alain Kisito Metodjo, ouvrage op. cit., p.62.85 Idem.

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étaient souvent originaires d’Abomey (centre du pays), pour conclure que le Président Kérékou, originaire du Nord, est le moins régionaliste de la fonction.86 Il existe néanmoins une opinion qui croit déceler des relents de discrimination à l’égard des politiciens du Sud-est dans la pratique politique sous le régime révolutionnaire, car, selon cette opinion, il y a confusion entre association des fils d’Abomey au pouvoir et association de tous les cadres ressortissants du centre et du Sud du pays aux affaires de l’État. D’après le politologue Frédéric Joël Aïvo, par exemple, il y a eu un « déséquilibre ethnique au Bénin » entre 1972 et 1989, donc sous le règne du Président Mathieu Kérékou. L’assise ethnique du pouvoir marxiste était, selon ses analyses, géographiquement situé entre le Centre et le Nord du pays. La réalité du pouvoir politique aurait été de fait détenue et partagée entre les Fon,87 les Bariba, les Dendi et les Somba. Et il explique cette situation par la nature révolutionnaire, marxiste et anti impérialiste du régime du Président Kérékou. « L’orientation anti-impérialiste qui découle du marxisme va d’une part conduire le Président Kérékou et les tenants du coup d’État du 26 octobre 1972 à bannir de l’histoire du Bénin le roi Toffa du royaume de Hogbonou (Porto-Novo, Sud-est du pays) considéré alors comme collaborateur de l’envahisseur français. À l’opposé, le régime militaro-marxiste élèvera le roi Béhanzin du royaume d’Abomey (Centre-sud) au rang de héros national pour son combat contre le colonisateur français. Cette vieille dispute qui opposa pendant longtemps le royaume de Porto-Novo et celui d’Abomey à travers leurs rois rivaux, connaitra, à partir de 1972, son prolongement politique ».88 Ainsi, selon ses constats, en dehors de quelques exceptions dont la plus célèbre est le général Barthélémy Ohouens, les fils de Porto-Novo et ses environs auraient été écartés du pouvoir durant toute la période de référence. Cette situation, qui ne peut être vérifiée formellement par manque d’études ou de statistiques sérieuses sur la question, est néanmoins clairement exprimée comme sentiment ou ressentiment par de nombreux ressortissants, comme Joël Aivo lui-même, de cette localité. Il mérite donc d’être pris au sérieux.

Toutefois, le pouvoir du Président Kérékou étant monolithique entre 1972 et 1989, les constats d’exclusion quel qu’ils soient, avérés ou non, ne peuvent être considérés que comme le reflet de la politique d’une seule personne. La question fondamentale est donc celle de savoir si la période 1972–1989 a laissé des traces de pratique d’exclusion dans la vie politique béninoise au détriment des ressortissants de telle ou telle localité, ou si des stratégies de repli identitaire se sont exacerbés et cristallisés autour de leaders porte flambeaux des royaumes précoloniaux rivaux, comme pendant la période de 1960 à 1972. Pour bien le mesurer, il faut donc prendre comme repère, une période d’ouverture démocratique où les populations ont à nouveau eu le droit d’exprimer librement leurs choix politiques en désignant elles mêmes les personnes qu’elles pensaient en mesure de les diriger ou de les représenter

La période de renouveau démocratique commencée en 1990 et qui se poursuit jusqu’à nos jours a redonné la possibilité aux populations ressortissants des différentes régions du pays de choisir librement leurs responsables politiques. Elle permet ainsi de vérifier si ces populations étaient toujours attachées au leader charismatique de leur région. On pourrait ainsi constater si

86 Félix Iroko, Le Président Mathieu Kérékou. Un homme hors du commun, Cotonou, Les nouvelles Éditions du Bénin, p.195.87 Il convient de signaler quand même qu’il y a des fons non seulement au centre du pays mais aussi au sud. 88 Frédéric Joel Aïvo, Le Président de la République en Afrique noire francophone, Genèse, mutations et avenir de la fonction, Paris,

L’harmattan, 2007, p.202.

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la « division » du pays en trois blocs d’adversité politique relevés entre 1960 et 1972 est restée intacte.

Comme repères faciles, il sera pris en compte essentiellement l’élection présidentielle, seule occasion où il est véritablement donné la possibilité à chaque béninois de voter pour n’importe quel autre béninois quelque soit sa région d’origine. Il y a eu élection présidentielle en 1991, 1996, 2001 et 2006. La prochaine se tiendra en 2011. En 1991, treize candidats étaient en lice. Les deux prétendants issus de l’Atacora, un des deux départements du Nord, Mathieu Kérékou et Bertin Borna, ont raflé 87,4% des suffrages exprimés dans ce département contre seulement 6,67% pour celui qui emportera la présidentielle cette année là, à savoir Nicéphore Soglo. Quant à ce dernier, il remporta aussi 68% des suffrages émis dans son département d’origine pendant que Adrien Houngbedji et Albert Tevoedjre, originaires du Sud-est du pays (Porto-Novo et sa région) raflaient à eux deux, 70% des voix des personnes ayant voté dans le département de l’Ouémé. Les trois zones d’adversité politique sont donc réapparues dès que la possibilité de choix libre a été redonnée aux populations. Mathieu Kérékou a repris la place qu’occupait Hubert Maga dans le cœur des populations du Nord, Nicéphore Soglo, celle qu’occupait Justin Ahomadegbe pour les populations du Centre-sud et Adrien Houngbedji (avec Albert Tevoedjre, mais seulement en 1991), est devenu le nouveau Sourou Migan Apithy pour les populations du Sud-est, allant jusqu’à créer un parti qui reprenait l’appellation abrégée « PRD » du parti d’Apithy dans les années 60.

En 1996 et 2001, le même schéma s’est présenté, à savoir Mathieu Kérékou, maitre des débats au Nord, Nicéphore Soglo, premier très loin devant tous les autres au Centre-sud, et Adrien Houngbedji, presque seul au monde au Sud-est.

En 2006, alors que les présidents Kérékou et Soglo, arrivés en tête des suffrages lors des trois dernières élections présidentielles ne pouvaient plus valablement et constitutionnellement se présenter à la présidentielle, la donne n’a pas changé. Comme le relève Comlan Cyr Davodoun « le candidat Boni Yayi a été surtout plébiscité dans les circonscriptions électorales du nord et des collines, pour deux raisons principales. La première est qu’il est originaire de la commune de Tchaourou, partie intégrante du département du Borgou (un département du Nord). Les populations du Nord se retrouvent donc à travers leur fils Boni Yayi(…). La seconde raison est que natif de Tchaourou, Boni Yayi est nagot, ethnie majoritaire du département des Collines. »89

En somme, Boni Yayi a remplacé en 2006, le Président Kérékou dans le cœur des populations du nord. Les populations fon majoritaires dans le centre–sud du pays, et fidèles à Nicéphore Soglo en 1991, 1996 et 2001, ont jeté leur dévolu sur son fils Lehady Soglo, candidat du parti de son père en 2006 et l’ont placé en tête, surtout dans le Zou (centre du pays). Quand au Sud-est, il est resté fidèle, une nouvelle fois, au fils du pays, Adrien Houngbedji le propulsant d’ailleurs pour la première fois de sa carrière politique, au deuxième tour du scrutin présidentiel. On pourrait donc noter un retour aux vieilles habitudes électorales du pays consistant à départager des leaders « représentant » les populations du nord, du Centre-sud et du sud est du pays. Mais l’analyse serait tronquée si on ne mentionnait pas l’émergence, sous la conduite de M. Bruno Amoussou, d’une nouvelle région à vote homogène pour le fils du terroir, à savoir le Sud-ouest. En effet, le pays adja s’est également trouvé un leader politique d’envergure. Les ressortissants

89 Comlan Cyr Davodoun, Présidentielle 2006 au Bénin, le coup du 3ème larron, Cotonou, Star éditions, 2007, pp. 52–53.

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5 4 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

de cette localité ont toujours massivement voté pour leur fils en 1991, 1996, 2001 et 2006. Le fait que Bruno Amoussou aura dépassé le maximum de 70 ans d’âge autorisé pour se présenter au scrutin de 2011 a déjà fait naitre dans l’opinion des supputations sur son remplaçant au poste de « représentant des populations adja et assimilés » à l’élection présidentielle prochaine.

Il faut noter que cette tendance à la reconnaissance d’un « représentant »de telle ou telle région à la candidature présidentielle n’indique pas un rejet des populations de telle région par celles de telle autre. Au deuxième tour de scrutin, toutes sortes d’alliances entre deux ou trois « représentants » de telle ou telle région permettent toujours de gagner l’élection et de « partager » le pouvoir entre les vainqueurs provenant de régions différentes. Ainsi en 1996, Houngbedji du Sud-est s’est rallié à Kérékou du Nord au détriment de Nicéphore Soglo du Centre-sud. En 2001, Nicéphore Soglo du Centre-sud a renoncé au deuxième tour du scrutin contestant sa transparence. Il a été soutenu dans cette position par Adrien Houngbedji du Sud-est qui a décidé, comme Nicéphore Soglo, de désister du deuxième tour, laissant la place de concurrent de deuxième tour à Bruno Amoussou du Sud-ouest, qui s’est présenté contre Mathieu Kérékou du Nord dans le gouvernement de qui il était juste avant l’élection et pour lequel il avait appelé à voter avant que les désistements successifs n’interviennent. En 2006, tous les leaders quelque soit leur région d’origine ont appelé à voter pour Boni Yayi du nord au détriment de Adrien Houngbedji du Sud-est. Ce qui est en œuvre au Bénin du renouveau démocratique n’est donc pas une exclusion de telle ou telle région ou ethnie de la participation politique, mais bien un jeu de chaises musicales qui offre l’opportunité au groupe le plus rusé de hisser au sommet de l’État son « représentant » , ainsi qu’aux groupes associés de faire participer les leurs au pouvoir politique.

Mais quels que soient les groupes qui ont ainsi réussi à se hisser au pouvoir, ils ne prennent jamais le risque d’exclure des ressortissants des autres groupes de l’exercice du pouvoir. C’est ainsi que le régionalisme est toujours présent à l’esprit des acteurs politiques béninois. Cette notion de régionalisme «  ne se rattache à aucune idéologie démocratique reliée au suffrage universel, au règne de la majorité ou à la représentation proportionnelle. Il s’agit d’une variante originale de la démocratie, d’une sorte « d’ethnocratie » (si nous pouvons utiliser ce néologisme). Cette idéologie (insidieuse) suppose, comme condition nécessaire et suffisante à un jeu politique loyal, la présence physique au banc du gouvernement d’un enfant de la région et de l’ethnie. Ce spectacle étroit, souvent empreint d’ailleurs de bonne foi pose en règle absolue, qu’à tous les niveaux de la société, les individus ne se préoccupent que des intérêts de leur famille ou de leur région  ».90Sous le renouveau démocratique, le renouvellement de l’équipe gouvernementale s’est toujours accompagné de commentaires sur l’origine départementale des nouveaux promus. Une tradition voudrait que chaque région soit contentée pour, dit-on, sauvegarder l’unité nationale. Aucun président de la République ne veut laisser dire qu’il a ignoré ou exclu telle ou telle région de la gestion des affaires publiques. Cette « politique de quotas »91 qui ne dit pas son nom, cet équilibre interrégional, est fortement ancré dans l’esprit de tous les hommes politiques et présidents de la République. Elle a été mise en œuvre tant par Nicéphore Soglo (1991–1996), Mathieu Kerekou (1996–2006) que Boni Yayi (2006– ).

90 Guy Landry Hazoume, Idéologies tribalistes et nations en Afrique, le cas dahoméen, Paris, Présence africaine, 1972, p.27.91 Pierre Metinhoue, Les Gouvernements du Dahomey et du Bénin : 1957–2005, Porto-Novo, CNMPS, 2005, p.5

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2 . É G A L I T É D E L A C I T O Y E N N E T É 5 5

Encadré 4 : Course pour la Marina * en 2011 : « Sô-Ava exige un poste ministériel d’abord avant tout soutien à Yayi »

Finis les soutiens aveugles au Chef de l’État dans la commune lacustre de Sô-Ava. Les

populations de ladite commune ont exigé, au détour d’une séance de travail avec le conseil

communal un poste avant de continuer par apporter leur soutien au Président de République.

Le Président Boni Yayi a désormais les populations de la commune lacustre de Sô-Ava à

dos. Elles ont posé des conditions dans lesquelles leur soutien au prince de Tchaourou à

la magistrature [suprême] en 2011 ne pourra pas être réalité. Entre autres exigences, les

populations ont demandé un poste ministériel, la construction des voies, l’électrification de

tous les chefs lieux d’arrondissement, l’adduction d’eau potable dans tous les villages, la

construction des salles de classe pour faire face aux flux des écoliers etc. Le président Boni Yayi

ne s’attendait pas à un tel accueil. Débarqué à l’improviste à bord d’un hélicoptère à So-Ava,

chef-lieu de la commune, le Président de la République a cru qu’il pouvait avoir aussi facilement

la confiance de cette population de pêcheurs. Mais très tôt, son plan de visite inopinée (…)

s’est heurté à la vigilance des populations qui ne demandent que le partage de la prospérité

nationale et le soutien de l’État pour sortir les femmes et les déscolarisés de leur situation. Les

enveloppes financières offertes par le Président Boni Yayi n’ont pas écarté les populations de

leur but. Le Président Boni Yayi a constaté que les populations du Lac ne veulent pas se faire

tenir par le ventre. Elles souhaitent du concret et non les promesses sans suite. Le Conseil

communal dominé par les FCBE (coalition de partis soutenant le Président Boni Yayi) n’a pas

eu froid aux yeux pour réitérer les aspirations et les desiderata de la population au chef de l’État

au cours de leur séance de travail. De sources dignes de foi, le Président de la République aurait

répondu au Conseil qu’il pensait que les trois ministres choisis dans la commune d’Abomey-

Calavi (commune voisine) sont leurs représentants au gouvernement. Ce que le Conseil a

unanimement contesté. Les mêmes sources précisent que depuis le départ du chef de l’État, les

réunions des sages et des jeunes se multiplient dans la commune.

* Au Bénin, le Palais de la Présidence de la République est dénommé « Palais de la Marina » en référence au boulevard au bord duquel il se trouve, le Boulevard de la Marina

S o u R C e : Extraits du Quotidien béninois « La PRESSE du jour » n° 0871 du jeudi 02 avril 2009

C. La participation des femmes à la vie politique au Bénin92

La participation des femmes béninoise aux affaires politiques a connu quelques progrès avec le renouveau démocratique. Grâce aux efforts de nombreuses associations dédiées à la défense des droits des femmes, telles que l’Association des femmes juristes du Bénin (AFJB), WILDAF-Bénin (Women in Law and Development in Africa, section Bénin), RIFONGA-Bénin (Réseau pour

92 Voir David Godonou Houinsa, Femmes du Bénin au cœur de la dynamique du changement social, Livre Blanc, Fondation

Friedrich Ebert, Cotonou , 2008 ; Mamadou Dicko ( Sous la direction de ), Genre, culture et développement au Bénin, Rapport

national Bénin et UNFPA sur l’état et le devenir de la population du Bénin ( REP 2004–2005) , Cotonou, Aout 2008; WILDAF-Bénin,

WANEP-Bénin et RIFONGA-Bénin, Rapport alternatif : Le Bénin et la Convention des Nations unies de novembre 1979 sur l’élimination

de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, Cotonou, mai 2005 ; Coopération danoise au Bénin, Programme d’appui

à la démocratie et à l’État de droit, Document de composante 3, deuxième ébauche, Septembre 2008.

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5 6 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

l’intégration des femmes des ONG et associations africaines), G-PIFED (Groupe des ONG pour le Programme d’intégration de la femme dans le développement durable), le Réseau des femmes parlementaires et ministres, etc, les esprits commencent à s’ouvrir à la problématique de la faible représentation des femmes dans les instances de prise de décision.

La situation est loin d’être satisfaisante pour l’instant, même si au plan juridique, des efforts importants ont été faits ces dernières années sur base d’un solide fondement constitutionnel. Aux termes de l’article 26 de la Constitution, «  l’État assure à tous l’égalité devant la loi sans distinction (….) de sexe (…). L’homme et la femme sont égaux en droit. L’État protège la famille et particulièrement la mère et l’enfant (….). »

Se basant sur ces prescriptions, des efforts notables au plan des normes ont été faits. Il y a eu adoption d’un nouveau code des personnes et de la famille93 qui rend illégal tout nouveau mariage polygamique et améliore la participation des femmes à l’héritage. Une loi interdit le harcèlement sexuel94 et une autre punit les mutilations génitales féminines.95 La loi sur la santé sexuelle et la reproduction96 accorde de nouveaux droits à la femme en ces matières.

Dans les mouvements associatifs, les femmes béninoises se font remarquer par leur grand nombre. Il a été recensé au Bénin plusieurs dizaines, voire des centaines d’organisations féminines œuvrant dans divers domaines comme l’éducation sociale, le crédit épargne, la protection de l’environnement, l’alphabétisation, la défense des droits des femmes et des enfants, la lutte contre le VIH-SIDA.97 En dehors de quelques unes de ces associations, telles que l’AFJB, WILDAF-Bénin, RIFONGA-Bénin, G PIFED, le Réseau des femmes parlementaires et ministres, l’impact de leur action reste peu visible. Les moyens, en effet, font défaut et leur travail est généralement caractérisé par un certain amateurisme. Leur difficulté à s’organiser en véritables groupes de pression sur les autorités gouvernementales et parlementaires, explique parfois les résultats mitigés de certaines de leurs actions sur le terrain. Par exemple, dix ans se sont passés entre le dépôt en 1995, à l’Assemblée nationale, du projet de loi portant code des personnes et de la famille, pour l’adoption duquel plusieurs associations féminines s’étaient mobilisées, et son adoption finale en 2004. Mais l’adoption rapide de plusieurs textes favorables aux droits de la femme entre 2003 et 200698 démontre que les associations féminines ont su tirer des leçons d’efficacité en matière de lobbying.

93 Loi n° 2002-07 du 24 aout 2004 portant Code des personnes et de la famille.94 Loi n° 2006-19 du 05 septembre 2006 portant répression du harcèlement sexuel et protection des victimes en République du

Bénin.95 Loi n° 2003-03 du 03 mars 2003 portant répression de la pratique des mutilations génitales féminines en République du

Bénin96 Loi n° 2003-04 du 03 mars 2003 relative à la santé sexuelle et à la reproduction.97 En réalité, les statistiques en la matière ne sont pas à jour. Le rapport élaboré par le gouvernement béninois et présenté au

Comité pour l’élimination des discriminations à l’égard de la femme en 2002 (CEDAW/C/BEN/1–3, p.38) évoque « plus de 71

ONG » ; Le livre blanc, publié en 2008 (David Godonou Houinsa, Femmes du Bénin au cœur de la dynamique du changement

social, Livre Blanc, Fondation Friedrich Ebert, Cotonou, 2008, p.184) évoque « 115 ONG sélectionnées et rencontrées. 98 Loi n° 2002-07 du 24 aout 2004 portant Code des personnes et de la famille ; Loi n° 2006-19 du 05 septembre 2006 portant

répression du harcèlement sexuel et protection des victimes en République du Bénin ; Loi n° 2003-03 du 03 mars 2003 portant

répression de la pratique des mutilations génitales féminines en République du Bénin ; Loi n° 2003-04 du 03 mars 2003 relative

à la santé sexuelle et à la reproduction.

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2 . É G A L I T É D E L A C I T O Y E N N E T É 5 7

Sur le plan de la participation politique, les résultats se font toujours attendre. Il n’y a en effet aucune obligation, de quota par exemple, permettant d’accélérer une meilleure représentativité des femmes dans les instances de prise de décision. Au cours du mandat présidentiel 1996–2001, le nombre de femmes ministres est passé de quatre à un, puis il est remonté à deux en 2001–2002, puis à quatre en 2003, toutes les fois pour une équipe de 21 membres, soit un taux de 20%. Le gouvernement de Boni Yayi (élu en 2006) a inclus six femmes sur 26 ministres (contre cinq femmes sur 21 dans le gouvernement antérieur). En 2008, ce nombre de femmes a baissé et est passé à quatre sur 30 postes ministériels. S’agissant des autres postes de nomination, le profil genre du Bénin note, en 2006, entre autres progrès, la nomination de deux femmes sur sept membres de la Cour constitutionnelle (on peut ajouter la présidence de cette institution de 1993 à 2008 par une femme), la présidence de 2003 à 2009 de la Haute Cour de justice (poste électif mais portant sur une personne nommée au préalable à la Cour constitutionnelle) par une femme, la nomination de deux femmes préfets sur six en 200699(Notons toutefois qu’elles ont été remplacées en 2008. L’une d’entre les deux a été nommée directrice de cabinet du ministère en charge de l’administration territoriale et l’autre directrice de cabinet du Président de la République).

On pourrait signaler aussi au niveau de la justice, que la Cour suprême compte une femme Présidente de Chambre sur trois pour la période 2002–2003 soit un pourcentage de 33,33%. Le nombre de femmes conseillères a évolué de deux sur 31 à trois puis à dix, soit successivement 6,5% à 9,7% puis à 32,3% en 2002–2003. Cette évolution notable est à saluer. Mais il est à remarquer que le métier de la magistrature se féminise de plus en plus. À la Cour d’appel et dans les tribunaux, les femmes sont de plus en plus nombreuses. Cependant, sur six tribunaux, une seule femme est présidente d’un tribunal d’instance. Le parquet général de la Cour d’appel a été dirigé par une femme.100 En 2008, une femme dirige la Cour d’appel de Cotonou et une autre est devenue Procureur de la République au niveau du plus grand tribunal du pays, celui de Cotonou (elle a par la suite été nommée directrice de cabinet au ministère de la Justice).

S’agissant des postes électifs, les femmes ont été longtemps absentes au sein des bureaux des centrales syndicales. Mais des progrès notables sont enregistrés ces dernières années. Les statistiques sont passées de 7,7% à 30,4% à la Confédération des organisations syndicales Indépendantes (COSI).Sur 123 partis politiques recensés en 2003 au Bénin, seuls trois sont présidés par une femme. Le parti « La Renaissance du Bénin » présidé par une femme compte plus de 60% de femmes militantes. Paradoxalement, à sa direction nationale, on note seulement huit femmes sur un total de 30 membres.

En position d’électeurs, aucune discrimination normative n’est à signaler puisque la Constitution prévoit en son article 6 que : « le suffrage est universel, égal et secret. Sont électeurs dans les conditions déterminées par la loi tous les béninois des deux sexes âgés de 18 ans révolus et jouissant de leurs civils et politiques ».

99 Elisabeth Fourn et Claudy Vouhe pour le compte de la Coopération Union européenne, Profil Genre du Bénin, Septembre

2006, pp.16–17.100 WILDAF -Bénin, WANEP-Bénin et RIFONGA-Bénin, Rapport alternatif : Le Bénin et la Convention des nations unies de novembre

1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, Cotonou, Mai 2005, p.16.

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5 8 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

Au niveau des candidatures, la situation n’est pourtant pas satisfaisante. Bien que représentant plus de la moitié des membres de plusieurs partis politiques, les femmes sont très peu ou pas du tout positionnées en tête des listes de candidature lors des différents suffrages. Pour la présidentielle, en 2001 il y avait une candidature féminine et en 2006, deux candidatures féminines. Il faut noter qu’il s’agit de candidatures indépendantes qui ne sont donc pas issues des partis politiques. Les résultats obtenus par ces candidates n’ont pas atteint 2% des suffrages exprimés pour chacune d’elle. Aux législatives, le pourcentage de femmes inscrites au nombre des candidats a évolué de 4,6% en 1991 à 9,9% en 2003. Le nombre de femmes inscrites par leur parti, tête de liste et suppléantes confondus est passé de 9,3% en 1991 à 23,1% en 2003. Aux élections législatives de 2003, six femmes députées ont été élues sur 83. En 2007, ce nombre est passé à sept, puis à neuf (après quelques remplacements) sur 83. Leur faible représentativité met en cause leur positionnement sur les listes de candidatures. Aux communales de 2002 et 2003, sur 6 224 candidats inscrits, 440 sont des femmes, soit 7,1%. Sur les 440 femmes inscrites, 46 ont été élues conseillères, soit environ 10%.101 Trois maires sur 77 sont des femmes.

La faible représentativité des femmes dans les principales instances de décision est due à plusieurs facteurs au nombre desquels on peut citer :102

• Le faible niveau de prise de conscience des femmes à lutter pour leur participation à la gestion politique du pays ;

• Le manque de confiance des femmes en elles-mêmes ;• L’absence de formation en leadership ;• La faible implication des femmes dans la politique ;• Le poids de la tradition (« la femme ne saurait être chef ») ;• Les résistances ou méfiances des hommes face à l’engagement de leurs épouses dans

la politique ;• Le nombre limité de femmes chef de parti politique ;• Le manque de moyens financiers pour mener à bien les campagnes électorales ;• L’absence d’une politique de quota ;• L’absence de structures permettant l’allègement des tâches ménagères telles les

crèches.

En plus de ces facteurs, l’animation de la vie politique nécessite de nos jours des moyens importants dont les femmes ne disposent pas en général.

Le gouvernement du Bénin a adopté en 2001 une « Politique nationale de promotion de la femme » (PNPF) (2001–2011). Le PNPF repose sur les grandes orientations ci-après :

• La promotion de l’éducation et de la formation de la fille et de la femme ;• L’autonomisation économique de la femme ;• La promotion de la santé de la femme ;

101 Elisabeth Fourn et Claudy Vouhe pour le compte de la Coopération Union européenne–Bénin, Profil Genre du Bénin,

Septembre 2006, p.16.102 WILDAF -Bénin, WANEP-Bénin et RIFONGA-Bénin, Rapport alternatif : Le Bénin et la Convention des Nations unies de novembre

1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, Cotonou, Mai 2005, p.16.

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2 . É G A L I T É D E L A C I T O Y E N N E T É 5 9

• L’amélioration et le respect du statut juridique et social de la femme ;• La valorisation et la prise en compte du travail féminin ;• La valorisation des cultures et des traditions favorables à l’épanouissement de la

femme ;• La gestion des calamités et des grands phénomènes sociaux et environnementaux.• Les principales modalités d’intervention à observer dans le cadre de ces orientations

sont les suivantes :• L’adoption d’une démarche globale et multisectorielle dans la mise en œuvre des

programmes et projets des différents secteurs, avec une priorité aux contacts et dialogues permanents avec les personnes ressources et acteurs (hommes et femmes), les institutions et organismes de développement, pour veiller à la prise en compte systématique des questions liées au genre ;

• La mise en application de l’approche « Genre et Développement » dans tous les programmes en faveur des femmes ;

• L’amélioration et le renforcement des dispositifs d’animation et d’encadrement à travers des canaux et supports de communication et de formation afin de diriger davantage les services vers les femmes et de s’assurer qu’ils répondent à leurs besoins et préoccupations ;

• Des mesures régulières concernant les effets et les impacts des stratégies et des activités sur les femmes et les hommes, avec des indicateurs simples et différenciés par genre en vue des réorientations nécessaires à faire ;

• Le développement des actions de plaidoyer.

Une Commission nationale de promotion de la femme (CNPF) a été mise en place en 2002, ainsi que des Commissions départementales en 2003, pour assurer la mise en œuvre du plan d’action. Un rôle important est alloué au réseau de points focaux genre, qui sont choisis dans les différentes structures de planification des ministères techniques, des ONGs et des associations. Enfin, début 2010, le Président Boni Yayi a créé un Institut de la femme pour lui faire des propositions concrètes d’amélioration du statut de la femme au Bénin.

D. Droits des migrants et des réfugiés au BéninIl existe un régime général qui s’applique à tous les migrants, mais certaines dispositions particulières concernent les migrants communautaires (CEDEAO et UEMOA)

Les migrants non communautairesLe Bénin dispose d’une législation spécifique sur les étrangers. On peut se référer en la matière à la loi n° 86-012 du 26 février 1986 portant régime des étrangers en République du Bénin. Ce texte est complété par le décret n° 213/MISAT/DC/DGPN/DRGST/SE du 3 novembre 1992 instituant la carte de séjour au Bénin et précisant les conditions de sa délivrance. La loi définit

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6 0 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

l’étranger comme « toute personne qui n’a pas la nationalité » béninoise.103 Les étrangers sont classés et répartis selon leur fonction et selon la durée de leur séjour.104

Les résidents temporaires sont ceux qui font un séjour initial d’un an au plus, avec une possibilité de renouvellement de leur séjour (et donc de leur carte de séjour) deux fois au plus pour la même durée.

Les résidents ordinaires sont ceux qui font un séjour initial dépassant un an sans dépasser trois ans, avec possibilité de renouvellement de ce séjour (et donc de la carte de séjour) par périodes successives de trois ans.

Les résidents privilégiés sont ceux qui résident au Bénin de manière ininterrompue depuis plus de dix ans et qui étaient âgés de moins de trente cinq ans au moment de l’entrée au Bénin. La carte de résident privilégié est valable dix ans. Le statut de résident privilégié peut être accordé sans conditions de durée de résidence aux conjoints des nationaux s’ils n’ont pas acquis la nationalité par leur mariage.

Tableau 1 : Conditions de séjour des étrangers (régime général) au Bénin

Types de visa

Cartes, carnets ou Permis de séjour

Contrat de travail, Inscription au registre de commerce

Ressources, caution rapatrie-ment

Certificats Observation

Visa d’entréeVisa de transit (48 heures)Visa touristique (1 à 30 jours)Visa de court séjour (1 à 3 mois)Visa de long séjour (1 an)Visa de sortie

Carte de séjour obligatoire à partir de 3 mois de séjour (90 jours)Carte de résidents temporaires (1 an)Carte de résidents ordinaires (3 ans)Carte de résidents privilégiés sans condition de durée

Visa obligatoire et préalable pour les salariés.Inscription au registre du commerce pour les commerçants et autres professionnels Attestation d’inscription pour les élèves et étudiants

Justifier de ressources suffisantes Présenter une caution de rapatriement ou une dispense de caution

Certificat d’hébergementCertificat médicalExtrait de casier judiciaire

Attestation provisoire de séjour un (1) mois en attendant la délivrance de la carte de séjour correspondanteLoi n° 86–012 article 17 à 26

Source : Hamidou Ba et Etienne Folabi-Kouton pour le compte de la Coopération Union européenne-Bénin, Profil Migration du Bénin, décembre 2006, p.98.

103 Article 2 de la loi n° 86-012 du 26 février 1986 portant régime des étrangers en République du Bénin104 Hamidou Ba et Etienne Folabi-Kouton pour le compte de Coopération Union européenne-Bénin, Profil migration du Bénin,

Cotonou, décembre 2006, p.95.

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2 . É G A L I T É D E L A C I T O Y E N N E T É 6 1

La liberté d’établissement ne fait pas l’objet de dispositions particulières. Les étrangers désireux de résider au Bénin pour mener une activité économique devront être titulaires au moins d’une carte de résident temporaire ou d’une carte de résident privilégié. Les travailleurs étrangers sont pour la plupart soumis aux mêmes conditions que les nationaux. Cependant la législation nationale déroge quelques fois au principe de l’égalité de traitement en prévoyant dans certains cas des dispositions particulières pour les immigrés. Quand ils travaillent, ils sont assujettis au régime de sécurité sociale au même titre que les nationaux.

Tableau 2 : Permis /carte de séjour pour les étrangers immigrants au Bénin

Texte légal ou réglementaire

Contenu de la disposition

Article 20, Loi n° 86–012 du 26 février 1986 portant régime des étrangers.Article 2, Arrêté n° 213 du 3 novembre 1992.Article 4, Arrêté n° 213 du 3 novembre 1992.

L’étranger qui désire résider au Bénin doit, au plus tard 3 mois après son arrivée, solliciter une carte de séjour auprès des autorités compétentes.Tout étranger qui séjournera plus de 3 mois au Bénin doit être muni d’une carte de séjour aux caractéristiques décrites à l’article 3.Les cartes de séjour exigibles à toutes réquisitions sont réparties par catégories d’étrangers immigrants ainsi qu’il suit :-résidents temporaires = carte marron clair ;-résidents ordinaires= carte bleue ;-résident privilège= carte verte ;-résident CEDEAO= carte brune.

Source : Hamidou Ba et Etienne Folabi-Kouton pour le compte de la Coopération Union européenne-Bénin, Profil Migration du Bénin, décembre 2006, p.99.

En matière de participation politique, les étrangers ne peuvent pas participer aux élections au Bénin. Pour jouir des droits politiques, il faut donc acquérir la nationalité béninoise. Il été décrit plus haut les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent acquérir la nationalité béninoise. Mais cette acquisition de la nationalité béninoise ne suffit pas pour avoir des droits politiques. En effet :

• Pendant un délai de cinq ans à compter du décret de naturalisation, le naturalisé ne peut, selon le Code de nationalité, être investi de hautes fonctions prévues par la Constitution ou de mandats électifs pour l’exercice desquels la qualité de béninois est exigée; mais des textes postérieurs ont modifié ou complété ces dispositions. En matière de candidature à l’élection présidentielle, la Constitution a durci cette limitation en précisant que le naturalisé doit l’avoir été pendant dix ans au moins pour pouvoir être retenu comme candidat.105 En matière d’élections législatives, c’est le législateur qui a renforcé cette exigence de nationalité béninoise depuis au moins cinq ans par une condition de résidence continue depuis au moins dix ans. En effet, le candidat à la députation, s’’il est étranger naturalisé béninois, doit être domicilié au Bénin et y vivre sans interruption depuis dix ans au moins.106

105 Article 44 de la Constitution.106 Article 11 nouveau (Loi n° 98-036 du 15 janvier 1999) de la loi 94-015 du 27 janvier 1995.

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6 2 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

• Pendant un délai de trois ans à compter du décret de naturalisation, le naturalisé ne peut être électeur lorsque la qualité de béninois est nécessaire pour lui permettre l’inscription sur les listes électorales.107 Pendant le même délai, le naturalisé ne peut être nommé à des fonctions publiques rétribuées par l’État, ni être titulaire d’un office ministériel.108

La soumission à ces conditions peut être allégée dans le décret de naturalisation pris au profit de tout naturalisé qui a rendu des services signalés au Bénin ou lorsque sa naturalisation présente un intérêt certain pour le Bénin (Code de la nationalité, article 41).

Les migrants communautairesL’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) regroupant, outre le Bénin, le Burkina-Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo, prévoit des dispositions relatives tout à la fois à la liberté de circulation et de résidence et au droit d’établissement. Les ressortissants d’un État membre bénéficient sur l’ensemble du territoire de l’Union de la liberté de circulation et de résidence qui implique, notamment, l’abolition entre les ressortissants des États membres de toute discrimination fondée sur la nationalité, en ce qui concerne la recherche et l’exercice d’un emploi, à l’exception des emplois dans la fonction publique, le droit de se déplacer et de séjourner sur le territoire de l’ensemble des États membres et le droit de continuer à résider dans un État membre après y avoir exercé un emploi.109 Ils bénéficient également du droit d’établissement dans l’ensemble du territoire de l’Union qui comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice ainsi que la Constitution et la gestion d’entreprises dans les conditions définies par la législation du pays d’établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique.110

La Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) regroupe, outre les États membres de l’UEMOA que sont le Bénin, le Burkina-Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo, d’autres États à savoir le Cap vert, le Ghana, la Gambie, la Guinée, le Liberia, le Nigéria et la Sierra-Leone, soit au total quinze États. Son Traité originaire a été adopté le 28 mai 1975 à Lagos et un traité révisé a été adopté à Cotonou en janvier 1993. Ce Traité précise que la CEDEAO ambitionne de devenir « à terme la seule communauté économique de la région aux fins de l’intégration économique et de la réalisation des objectifs de la Communauté économique africaine ».

Les citoyens de la Communauté ont les droits d’entrée, de résidence et d’établissement sur le territoire de tout État membre de la communauté. Pour assurer la mise en œuvre de ces droits, la CEDEAO a pris un nombre impressionnant de protocoles, décisions, directives et de résolutions dont les dispositions sont applicables au Bénin.111 Les étrangers immigrants communautaires ne

107 Article 41/, Code de la nationalité.108 Idem.109 Article 31 du Traité de l’UEMOA.110 Article 92 du Traité de l’UEMOA.111 Protocole A/P1/5/79 du 29 mai 1979 sur la libre circulation des personnes et des biens, le droit de résidence et

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sont pas soumis aux conditions sur les conditions d’entrée et de séjour au Bénin de la même façon que les autres étrangers immigrants qui ne sont pas ressortissants de l’UEMOA ou de la CEDEAO. Par exemple, les ressortissants UEMOA et CEDEAO sont dispensés de visa pour entrer au Bénin et l’arrêté n° 213/MISAT/DC/DGPN/DRGST/SE du 3 novembre 1992 portant institution de la carte de séjour au Bénin prévoit expressément une carte « résident CEDEAO ». Il faut préciser que, en droit CEDEAO (article 1er du Protocole additionnel relatif à l’application de la deuxième étape, droit de résidence), le droit de résidence se définit comme « le droit reconnu à un citoyen, ressortissant d’un État membre de demeurer dans un État membre autre que son État d’origine et qui lui délivre une carte de résident pour y occuper ou non un emploi ». Au Bénin, le ressortissant CEDEAO accède à ce statut et à cette carte qui donne au moins les mêmes droits et avantages que ceux de résident privilégié sans avoir à remplir les conditions requises des autres étrangers pour obtenir ce statut, et cela, du seul fait d’être ressortissant d’un État CEDEAO (article 8 de l’arrêté n° 218 du 23 novembre 1992). Il convient de rappeler qu’on exige des étrangers non communautaires, pour avoir le statut de résident privilégié, de résider de manière permanente et ininterrompue au Bénin depuis plus de dix ans et être âgé de moins de 35 ans au moment de l’entrée au Bénin.

Le Protocole additionnel de la CEDEAO relatif à l’exécution de la troisième étape (droit d’établissement) dispose en son article 1er que le droit d’établissement est « le droit reconnu à un citoyen, ressortissant d’un État membre, de s’installer ou de s’établir dans un État membre autre que son État d’origine, d’accéder à des activités économiques, de les exercer ainsi que de constituer et de gérer des entreprises notamment des sociétés dans les conditions définies par la législation de l’État membre d’accueil pour ses propres ressortissants ». Les textes nationaux béninois n’ont pas encore pris en compte réellement cette totale absence de discrimination et cette totale assimilation des immigrants communautaires aux nationaux. Mais dans l’ensemble, les étrangers communautaires bénéficient d’un traitement de faveur par exemple au titre de l’inscription dans les universités publiques où ils payent des droits d’inscription moins élevés que ceux des autres étrangers. En matière de travail et de sécurité sociale, comme en matière de participation aux activités politiques, aucune différence légale ou réglementaire n’est faite entre les droits reconnus aux étrangers ordinaires et ceux accordés aux étrangers « CEDEAO » (cette dernière catégorie comprend aussi les étrangers UEMOA).

Le cas particulier des réfugiésLe Bénin est partie aux conventions des nations unies de 1951 sur les réfugiés et son protocole de 1967 ainsi qu’à la Convention de l’Union africaine de 1969 sur les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique. L’ordonnance n° 75-41 de juillet 1975 est la principale norme s’appliquant aux questions des réfugiés au Bénin. Ce texte parait conforme aux normes internationales

d’établissement ; Protocole A/P5/82 du 29 mai 1982 portant code de conduite de la citoyenneté de la communauté ; Résolution

A/Res 2/11/84 du 23 novembre 1984 de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement relative à l’application de la première

étape du Protocole sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et d’établissement ; protocole additionnel A/SP

1/7/86 du 1er juillet 1986 , relatif à l’exécution de la deuxième étape ( droit de résidence) du Protocole sur la liberté de circulation

des personnes, le droit de résidence et le droit d’établissement, par exemple, voir, Hamidou Ba et Etienne Folabi-Kouton pour le

compte de la coopération Union européenne-Bénin, Profil migration du Bénin, Cotonou, décembre 2006, pp.85–88.

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6 4 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

applicables aux réfugiés. Ainsi, aux termes de ce texte, est réfugié toute personne qui tombe sous le mandat du Haut commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) ou qui répond aux définitions contenues dans l’article 1(A)2 de la Convention de 1951 et/ou l’article 1 de la Convention de l’Union africaine de 1969. Le statut de réfugié peut être retiré ou annulé dans les conditions prévues dans ces textes internationaux. Le principe de non refoulement est également consacré dans son contenu, même s’il n’est pas expressément mentionné.

Au 31 décembre 2004, le nombre total de réfugiés en charge du HCR au Bénin était de 5 856 dont 40% de femmes et 33% d’adolescents (âge inférieurs à 17 ans). La majorité de ces personnes provenaient du Togo voisin (1 768), mais aussi de la République démocratique du Congo (1 200) du Rwanda (609), du Tchad (96), du Nigeria (340) et du Burundi (118).112 En 2005, le Bénin a connu l’afflux de 25 000 réfugiés prima facie.113

Les réfugiés bénéficient de tous les droits reconnus aux Béninois par la Constitution sauf les droits politiques, notamment les droits de vote et d’éligibilité. Ils ne peuvent pas non plus accéder à la fonction publique puisque ces droits sont réservés aux béninois.

Bien que les réfugiés aient la possibilité de demander et d’obtenir la nationalité béninoise, des experts ont démontré «  le manque de clarté en ce qui concerne les procédures de naturalisation » ;114 pour eux, « le gouvernement ne dispose pas d’une mesure claire et précise en ce qui concerne les demandes de naturalisation. Par conséquent, ni les réfugiés, ni même le HCR et ses partenaires ne maitrisent avec exactitude, les critères à remplir par les réfugiés qui désirent se naturaliser ou tout autre facteur pris en compte, une fois le processus engagé. ».115 Il faut reconnaitre que le Code de la nationalité béninoise ne prévoit pas de critères d’acquisition de la nationalité béninoise propres à la qualité de réfugié. En conclusion «  très peu auraient actuellement déposé des demandes de naturalisation ».116

e. RecommandationsLe code de la nationalité béninoise doit être revu, pour d’une part harmoniser certaines de ses dispositions avec la Constitution et les lois électorales, d’autre part, reconnaitre les mêmes droits aux hommes et aux femmes quant à la possibilité d’obtenir ou de donner la nationalité béninoise.

Compte tenu de la fragilité de la construction de la nation béninoise, les acteurs politiques doivent manier la donne ethnique ou régionale avec beaucoup de prudence pour éviter le retour des vieux démons de régionalisme que le pays a connu. Si l’on peut encourager le dosage ethno-régional du gouvernement ou de l’ensemble des institutions ou administrations de l’État par exemple, il faudrait dans le même temps, éviter, autant que possible, d’une part, les pratiques de quota ethnique ou régional non consacré par des textes et qui provoquent beaucoup de frustrations pour les participants à des concours d’entrée à la fonction publique, par exemple, d’autre part, la trop grande identification des membres du gouvernement ou de certaines

112 Hamidou Ba et Etienne Folabi-Kouton pour le compte de la Coopération Union européenne-Bénin, Profil Migration du Bénin,

décembre 2006, p.78.113 Idem.114 Idem., p.81.115 Idem.116 Hamidou Ba et Etienne Folabi-Kouton pour le compte de la Coopération Union européenne-Bénin, Profil Migration du Bénin,

décembre 2006, p.81.

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2 . É G A L I T É D E L A C I T O Y E N N E T É 6 5

institutions, administrations, ou entreprises publiques, à leur département, commune ou village d’origine. Tout ministre, responsable ou membre d’institution de l’État doit pouvoir être reconnu comme fils du pays, où qu’il se trouve.

Si des obstacles juridiques n’existent pas pour empêcher que les femmes, par exemple, participent effectivement aux activités politiques, il semble que des efforts spéciaux, notamment administratifs ou en matière d’éducation, soient utiles pour booster d’avantage la participation des femmes aux instances de prise de décision. L’Institut de la femme dont le projet de mise en place est en cours en début 2010 doit rapidement commencer ses activités afin de faire des recommandations pertinentes à cet effet.

Des efforts supplémentaires doivent être faits pour informer les réfugiés sur la possibilité de demander et d’obtenir la nationalité béninoise, dans les conditions prévues par la loi.

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6 6 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

3

Participation au processus politique

Les principales libertés permettant une participation politique effective sont généralement respectées au Bénin. On note néanmoins une certaine tendance à restreindre sans motifs sérieux les libertés de manifestation et les droits syndicaux. La Cour constitutionnelle joue un rôle protecteur des libertés généralement bien apprécié. La société civile est très diversifiée mais généralement forte, compétente et dynamique. Le paysage syndical connait un essor non négligeable et l’expression est libre, même si l’on peut noter ces dernières années quelques difficultés, dérives ou déconvenues en matière de liberté de la presse. En plus de celles prévues par la Constitution, la loi ou les règlements ont établi des institutions diverses pour permettre une meilleure implication des populations dans la prise ou le suivi des décisions les concernant, et pour améliorer leurs relations avec l’administration.

A. Liberté d’association Dans la Constitution béninoise, « L’État reconnait et garantit dans les conditions fixées par la loi, la liberté d’aller et de venir, la liberté d’association de réunion, de cortège et de manifestation ».117 En matière de participation politique, la liberté d’association constitue, avec les libertés de réunion et de manifestation, des libertés sœurs. Le principe au Bénin est que tout groupe de personnes désireux de créer une association peut le faire. La loi française de 1901 relative à la liberté d’association est toujours en vigueur dans le pays. Aux termes de cette loi, l’association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. Elle est régie, quant à sa validité, par les principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations.

117 Article 25 de la Constitution.

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3 . P A R T I C I P AT I O N A U P R O C E S S U S P O L I T I Q U E 6 7

La liberté d’association est généralement respectée dans le pays. Les associations s’enregistrent officiellement auprès du ministère de l’Intérieur et de la sécurité publique ou auprès des préfectures de départements. Actuellement, le Bénin compte plus que 6 000 ONG enregistrées.118

La jouissance effective de la liberté d’association de même que son contenu peuvent êre mesurés à travers les décisions de la cour constitutionnelle. S’agissant de l’étendue de la liberté d’association, la Cour constitutionnelle s’est penchée à la fois sur la liberté positive d’association – c’est-à-dire le droit de constituer librement des associations avec les autres personnes – et sur la liberté négative d’association, ou le droit de ne pas s’engager dans une association. La Liberté positive d’association a été définie dans la décision DCC 02-066 du 5 juin 2002 par laquelle la Cour constitutionnelle a estimé que l’interdiction faite aux membres de la Cour constitutionnelle d’exercer, en même temps que leur mandat, « toute fonction élective » ne fait pas obstacle à leur liberté fondamentale d’être président ou membre d’une association.

En ce qui concerne la liberté négative d’association, la Cour a jugé contraire à la Constitution le fait pour le ministère de l’Intérieur de créer des Comités de cogestion des gares routières dans lesquels ne sont admis que les conducteurs affiliés à un syndicat. Pour la Cour, écarter les conducteurs non syndiqués constituait une violation de la liberté d’association qui implique le droit de n’adhérer à aucun syndicat.119 La Cour a également considéré qu’un appel d’offres violait la Constitution en obligeant les soumissionnaires à constituer un consortium, ce qui revenait à une obligation d’association imposée par l’État et contraire à la liberté de ne pas s’associer.120

B. Place et force de la société civile au BéninAu Bénin, les organisations de la société civile ont toujours occupé une place importante dans les domaines divers et variés, comme cela est illustré par les luttes récentes de la société civile pour la non révision de la Constitution et pour la tenue effective d’élections transparentes dans les délais constitutionnels.

La genèse du mouvement de la société civile au Bénin correspond au besoin des personnes ne pouvant exercer ouvertement des activités de nature politique pendant la période révolutionnaire et monolithique des années 80 de se réfugier dans les associations de développement ou les organisations religieuses pour y exercer leur action citoyenne. C’est au sein de ces creusets que des réflexions ont été menées et des stratégies élaborées. C’est quand ces stratégies ont convergées avec celles des syndicats d’étudiants et d’enseignants, mais aussi avec celles des luttes clandestines du Parti communiste du Dahomey (Parti communiste du Bénin) que le pouvoir Kérékou, diminué par ailleurs par des difficultés économiques, a été contraint de procéder aux ouvertures qui conduiront à la Conférence nationale et au démarrage du processus démocratique en 1990.

Une fois le processus démocratique entamé, d’importantes ONG se sont investies dans l’éducation et la formation à la citoyenneté des populations. On peut mentionner ici l’institut des droits de l’Homme et de la promotion de la démocratie (IDH) du Professeur Maurice

118 Délégation de la Commission de l’Union européenne au Bénin Profil Gouvernance du Bénin, Cotonou, janvier 2007.119 Décision DCC 98-043 du 14 mai 1998.120 Décision DCC 98-047 du 15 mai 1998.

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6 8 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

Ahanhanzo-Glele, le Groupe d’études et de recherches sur la démocratie et le développement économique et social (GERDDES- Bénin et la structure mère installée aussi au Bénin avec des antennes dans plusieurs pays africains, à savoir, le GERDDES-Afrique) de Me Sadikou ALAO, le Centre Africa-Obota , l’Association pour le développement des initiatives villageoises (ASSODIV), l’Association des femmes juristes du Bénin ( AFJB), la Ligue pour la défense des droits de l’Homme au Bénin, Amnesty-international Bénin, l’Institut pour le développement et les échanges endogènes (IDEE). On peut ajouter la Commission béninoise des droits de l’Homme, structure mi-administrative, mi-ONG, qui n’est plus active de nos jours, mais qui, malgré sa création par l’État, a su jouer un rôle significatif et similaire à ceux des ONG. Plus tard, se sont joints à ce groupe des ONG telles que l’Association de lutte contre le racisme, l’ethnocentrisme et le régionalisme (« ALCRER-ONG »), droits de l’Homme, Paix et développement (DHPD-ONG) et bien d’autres.

En matière de promotion des droits de la femme, les organisations sont aussi nombreuses mais les plus dynamiques sont celles qui se sont constitués en réseau telles que l’Association des femmes juristes du Bénin (AFJB), WILDAF-Bénin, RIFONGA-Bénin, G/PIFED, le Réseau des femmes parlementaires et ministres etc. Dans le domaine de la lutte contre la corruption se sont illustrés plusieurs associations regroupées dans le Front des organisations de la société civile contre la corruption (FONAC), très engagé dans les investigations et les dénonciations publiques de présumés auteurs de toutes sortes de malversations financières.

Dans la promotion du développement économique et social, on peut signaler les associations de défense des consommateurs telles que « Que Choisir Bénin ? » et la Ligue pour la défense des consommateurs, auxquelles il convient d’ajouter, le Réseau « Social Watch-Bénin », dont les activités intègrent en particulier le « contrôle citoyen de l’action publique » et la « promotion de la lutte pour l’atteinte des objectifs du millénaire pour le développement ». Les associations professionnelles telles que l’ordre des avocats, l’Union nationale des magistrats du Bénin ou le Patronat jouent un rôle très important dans la défense des intérêts de leurs membres et même dans la défense de certains acquis sociaux ou démocratiques.

La dynamique d’action de la société civile est si forte que les institutions étatiques et les partenaires au développement ont dû s’intéresser de près à leurs activités. Par exemple, dès 1996, le Président Kérékou a ajouté aux attributions du ministère en charge des relations avec les institutions de l’État, l’attribution de « relations avec la société civile ». Jusqu’à ce jour, cette activité est restée dans les attributions de ce département, même si elle n’apparait plus forcément dans l’intitulé du ministère. Les activités du ministère consistent essentiellement à s’intéresser aux activités menées par les organisations de la société civile afin de les aider à obtenir un statut d’intérêt public avec l’État, ce qui leur ouvre certaines facilités administratives et fiscales moyennant la signature d’un accord avec le gouvernement. Une direction spécifique de ce ministère est consacrée à la promotion des organisations de la société civile. Mais la cohabitation de l’État ne plait pas à toutes les organisations. Certaines dénoncent un risque de caporalisation.

En ce qui l’analyse de l’association de la société civile à l’élaboration des politiques de développement économique et social, c’est à travers l’élaboration des Documents de réduction de la pauvreté qu’elle peut être faite. À cet égard, le gouvernement reconnait lui même «  les insuffisances du processus participatif lors de l’élaboration de la Stratégie de réduction de la

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3 . P A R T I C I P AT I O N A U P R O C E S S U S P O L I T I Q U E 6 9

pauvreté (SRP) 2003–2005 » et « prenant en compte les principes de la gouvernance concertée », a décidé que l’élaboration de la Stratégie de croissance pour la réduction de la pauvreté (SCRP 2007–2009 serait ouverte à tous les acteurs du développement.121 Ce processus s’est ainsi articulé autour de 11 étapes : (i) le lancement officiel du processus; (ii) l’évaluation de la première SRP; (iii) la mise en place de groupes thématiques de travail  ; (iv) le forum national sur la nouvelle Stratégie de réduction de la pauvreté ; (v) l’élaboration des Orientations stratégiques de développement (OSD) 2006–2011 ; (vi) la réalisation d’études et d’ateliers sur des thématiques importantes; (vii) l’Enquête modulaire intégrée sur les conditions de vie des ménages (EMICoV); (viii) les consultations (nationales, départementales, sectorielles, institutionnelles); (ix) la définition des axes stratégiques de la SCRP (x) la rédaction de la SCRP; et (xi) les travaux de validation et d’adoption de la SCRP.

C’est surtout au cours de la phase des consultations nationales que la société civile a étroitement participé à l’élaboration de la politique nationale. La société civile, regroupée en réseaux, a organisé dans toutes les localités des séances de collecte des aspirations des populations à la base. Ces aspirations ont été compilées sous la forme de propositions de la société civile, lesquelles ont été prises en compte dans le cadre des travaux des groupes thématiques de travail. De manière détaillée, la contribution de la société civile à l’élaboration du DSRPII a suivi onze étapes :122

1. Création d’une équipe technique DSRP II pour appuyer le secrétariat exécutif de Social Watch dans tout le processus du DSRP II ;

2. Participation au forum sur le DSRP II organisé par la CNDLP (Commission nationale pour le développement et la lutte contre la pauvreté) : les thèmes développés à ce forum ont permis d’orienter le renforcement de capacités prévu au bénéfice des organisations de la société civile (OSC) dans le cadre du projet ;

3. Implication de Social Watch dans les neuf groupes thématiques de la CNDLP afin d’influencer les orientations dans le sens d’une amélioration des conditions de vie des populations à la base ;

4. Organisation de trois formations des formateurs des organisations de la société civile provenant des 77 communes du Bénin et regroupés en trois zones (nord, centre et sud) afin qu’ils forment les OSC de leurs communes en définissant des approches de collecte de données pour l’élaboration du DSRP II ;

5. Mise en œuvre des actions de communication pour sensibiliser les populations au moyen des médias : une cellule de communication a été créée au sein du réseau pour coordonner les activités médiatiques de sensibilisation sur toute l’étendue du territoire. Cette cellule de communication anime un bulletin d’’informations dénommé Social Watch–Bénin Info ;

6. Organisation de séances de restitution, de mobilisation et sensibilisation des populations des 77 communes et des 12 groupes thématiques ;

121 République du Bénin, Document de stratégie de croissance pour la réduction de la pauvreté, Pré draft, novembre 2006, pp.5–7.122 Réseau Social Watch Bénin, Processus d’implication des acteurs de la société civile dans l’élaboration de la SCRP, Cotonou,

décembre 2006, sur http://www.bj.undp.org/fr/omd.html.

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7 0 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

7. Collectes de données sur les besoins des populations locales : Un questionnaire en 112 points a servi de guide aux enquêteurs au niveau des communes ;

8. Organisation de 12 séances départementales pour harmoniser les données collectées au niveau de chaque département ;

9. Elaboration d’un document national de synthèse des priorités et des recommandations des OSC et des populations pour le DSRP II : les synthèses des départements ont été soumises à l’appréciation des représentants des OSC, des représentants de l’administration publique et des partenaires de Social Watch pour aboutir à un document national final transmis à la CNDLP ;

10. Organisation de trois ateliers de réflexion et d’amendement du draft du Document de stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté (DSCRP) élaboré par la CNDLP pour s’assurer qu’il contient bien les préoccupations des populations les plus vulnérables et les plus pauvres ;

11. Participation des OSC aux ateliers de concertation et de validation relatifs au draft du DSRP qui seront organisés par la CNDLP sur toute l’étendue du territoire.

Selon Social Watch Bénin, « ce processus lui a permis d’apporter une contribution spécifique basée sur les réalités des populations à la base, telles qu’elles les ont exprimées et sur les défis à relever dans ces différentes zones pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement. »123

Encadré 5: Comment la société civile béninoise s’est organisée pour suivre les Accords de Cotonou ACP-EU

L’expérience du Forum des ONG béninoises pour le suivi efficace de l’Accord de Cotonou

(FOSAC) est en parfaite adéquation avec le processus en cours et les engagements pris au

niveau international, notamment sur la base des actes (de la rencontre de Bruxelles). C’est l’un

des résultats attendus des actions menées dans le cadre du Forum des Organisations de la

société Civile ACP depuis la rencontre d’Entebe.

En effet, depuis la préparation de la renégociation de la Convention de Lomé jusqu’à la

période qui a précédé la Conférence de Bruxelles – en passant par l’étape de la signature de la

nouvelle convention (Accord de Cotonou) – le GRAPAD (point focal béninois du Forum des

organisations de la Société Civile ACP) a contribué à l’information, à la structuration et à la

mise en place d’un cadre organisationnel dans lequel les acteurs non étatiques, en particulier

les ONG, se sont mobilisés pour assurer leur participation aux différentes étapes du processus.

Ensuite, il y a eu élargissement et consolidation de cette dynamique grâce à l’implication des

principaux réseaux thématiques opérationnels au Bénin, ce qui a abouti en décembre 2001

à une appropriation de ce processus par une coalition d’organisations plus forte dénommée

« Forum des ONG béninoises pour le suivi efficace de l’Accord de Cotonou » (FOSAC).

123 Idem.

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3 . P A R T I C I P AT I O N A U P R O C E S S U S P O L I T I Q U E 7 1

Le FOSAC répond ainsi au souci d’une plus large représentativité au niveau des ONG pour

renforcer l’efficacité de leur participation en tant qu’acteur de la société civile béninoise comme

stipulé dans les articles n° 2, 4 à 7, 8, 9, 10, 15, 17, 19, 25, 33, 56, 57, 58, 70, 71, 72 et 81 de

l’Accord de Cotonou. Il regroupe les huits réseaux thématiques d’ONG ci-après qui rassemblent

près de cinq cent (500) membres : le Réseau de développement d’agriculture durable

(REDAD) ; le Réseau des ONG béninoises de santé (ROBS) ; le Réseau des ONG béninoises

pour la gouvernance démocratique (RGD) ; le Groupe national de travail sur l’education non

formelle (GNTENF) ; l’Association nationale des praticiens de la microfinance (Consortium

ALAFIA) ; le Groupe national de travail pour la prévention des changements climatiques et

le développement durable (GNT/CD) ; le Groupe des ONG pour le Programme d’intégration

de la femme dans le développement durable (G/PIFED) ; le Réseau des associations des

consommateurs du Bénin (RACB).

Dans les principes de base, le FOSAC en tant que coalition de réseaux thématiques intervenant

dans les domaines couverts par l’Accord ACP/UE de Cotonou reste ouvert à toute organisation

qui souhaite œuvrer dans la même dynamique. Il se veut être une plate-forme crédible,

démocratique et transparente d’analyse et d’action pour la mise en œuvre efficace et correcte

des accords, en particulier, celui de Cotonou. C’est un creuset d’influence positive auprès des

décideurs pour opérer des changements qualitatifs, quantitatifs nécessaires à la lutte contre la

pauvreté et pour un développement durable.

Conformément aux actes de la conférence de Bruxelles, le FOSAC constitue une initiative

pertinente et enrichissante qu’il s’agira de soutenir par tous les moyens et à tous les niveaux,

de manière à ce qu’une véritable plate-forme nationale représentative de tous les acteurs de la

société civile béninoise puisse émerger et se positionner comme un interlocuteur crédible des

acteurs concernés par la coopération ACP-UE.

Aujourd’hui, force est de connaître qu’une dynamique similaire s’est mise en place au niveau

de toutes les centrales syndicales qui existent au Bénin et bénéficie d’un échange fructueux avec

le FOSAC, et ce, dans la perspective de la plate-forme ci-dessus citée. Les autres composantes

de la société civile suivront certainement cet exemple et viendront rejoindre cette plate-forme

et améliorer ainsi la représentativité au niveau national, par rapport à tous les acteurs non

étatiques. Déjà, la concertation devant aboutir à la mise ne place de la plate-forme a eu lieu

avec une validation du document d’orientation pour la création de la plate-forme nationale

dénommée PASCiB (Plate-forme des acteurs de la société civile béninoise).

S o u R C e : « Elargissement et renforcement des plates-formes nationales de la société civile dans le cadre des Accords de Cotonou (cas du Bénin) », communication présentée par Emmanuel Gahou à l’assemblée générale annuelle de EUFORIC en juin 2002 à Barcelone, Espagne.

Le processus du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP) a donné à la société civile une autre occasion d’influencer la gouvernance du pays.124 Au sein de la Commission nationale indépendante du MAEP, la société civile était largement représentée, avec 60 membres sur 97. Seulement, les associations qui devaient envoyer des membres au sein de la Commission étaient désignées d’office par l’État, dans le décret portant création de la Commission nationale. Cette

124 Gilles Badet, Le Bénin et le MAEP, Consolider les acquis démocratiques, AFRIMAP et OSIWA, Dakar et Johannesburg, 2008, p.21.

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7 2 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

sélection a été faite de cette façon malgré l’existence d’un cadre de concertation de la société civile qui aurait pu valablement opérer les désignations souhaitées et transmettre la liste au gouvernement comme cela se fait pour la désignation des organisations de la société civile au sein de la Commission nationale électorale et de ses démembrements. Il est vrai que certains réseaux phares de la société civile se retrouvent dans la liste apprêtée par le gouvernement. C’est le cas du Front des organisations nationales anti-corruption (FONAC) qui lutte contre la corruption et de Social Watch qui contrôle l’action publique.

On peut néanmoins remarquer que certaines associations assez représentatives et menant des actions sur toute l’étendue du territoire national n’ont pas été associées malgré la pertinence de leurs actions. On ne saurait dire que cela ait été fait exprès car il est difficile d’intégrer tout le monde dans un processus; mais on constate quand même que, par exemple, certaines associations ou réseaux très représentatifs menant des actions dans le domaine du genre n’ont pas été associés. Il est surprenant que des réseaux connus et très actifs en matière de genre tels que WILDAF et le RIFONGA n’aient pas été associés directement au processus. La présidente du WILDAF a déploré cet état de choses. Toutefois, à la décharge du gouvernement, WILDAF est membre du réseau Social Watch. De plus, la vice-présidente de la Commission nationale – bien qu’ayant été impliquée comme vice-présidente de la Commission nationale en sa qualité de membre du FONAC – est également la présidente du RIFONGA et a dit avoir fait de son mieux pour que le genre soit pris en compte. Au niveau local, des carences ont également pu être notées. Ainsi, l’Union départementale des producteurs de coton du département du Borgou n’aurait pas été approchée, alors que la production du coton est la principale activité dans ce département et que son exportation est l’une des principales ressources financières du Bénin.

Malgré ces quelques ratés ou omissions, cette forte représentativité de la société civile au sein de la Commission nationale lui a permis de peser à tous les niveaux du processus. Aux réunions, la société civile était la plus représentée, que ce soit au niveau national ou local. Elle a donc été impliquée et a participé de façon active à la mise en œuvre du processus d’autoévaluation.

Pour clarifier les rapports entre l’État et les organisations de la société civile, mais aussi les rapports internes à la société civile, le gouvernement et les organisations de la société civile ont organisé un séminaire national sur le recentrage du concept de société civile au Bénin.125 Les participants à ce séminaire ont retenu que « La société civile est composée d’associations à but non lucratif et apolitique poursuivant des objectifs d’intérêt général. Elle a pour but de défendre et de promouvoir les intérêts des populations. Son mode de fonctionnement est basé sur une prise de décision démocratique. Elle exerce des fonctions d’auto gouvernance aux plan local, national et international, indépendamment de l’État, du marché ou des pouvoirs politiques ». Les mêmes séminaristes ont retenu comme composantes de la société civile « dans le contexte béninois », 1. Les confessions religieuses, 2. Les organisations non-gouvernementales (ONG), 3.  Les syndicats, 4.  Les médias, 5.  Les organisations socio-professionnelles, 6.  La chefferie traditionnelle, 7.  Les associations (associations de développement, associations des femmes, associations des jeunes, etc.….). Les contours sociaux, financiers et juridiques de l’activité des

125 Ministère chargé des Relations avec les institutions, Actes du séminaire national sur le recentrage du concept de société civile au

Bénin, Palais des congrès de Cotonou, les 18, 19 et 20 septembre 2007, pp.95–96.

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3 . P A R T I C I P AT I O N A U P R O C E S S U S P O L I T I Q U E 7 3

organisations civiles ont été examinés et des recommandations ont été faites pour améliorer la contribution de la société civile à la promotion de la démocratie et du développement. Un comité de suivi a été mis en place pour veiller à l’atteinte des résultats.

Les rapports entre l’Assemblée nationale – et donc les partis politiques qui y sont représentés – et la société civile ont été bonnes pendant longtemps avant de se refroidir progressivement. Au cours des dix premières années du renouveau démocratique, plusieurs organisations de la société civile cherchaient des relais au sein des parlementaires pour atteindre leurs objectifs. Des formations ou des échanges formels et informels étaient organisés pour inciter les députés à adopter tel projet de loi ou inscrire telle dotation au budget de l’État. Mais depuis qu’à partir des années 2005–2006 les organisations de la société civile se sont mis à dénoncer certaines malversations reprochées à certains députés, ou qu’elles se sont opposés au prolongement des mandats parlementaires, les députés, qui avaient parfois certaines raisons de ne plus croire à la neutralité de certains acteurs de la société civile, ont commencé à entretenir des rapports plus conflictuels avec la société civile. Cette situation a conduit par exemple les députés à exclure entièrement la société civile de la participation aux organes de gestion des élections. C’est ainsi que par exemple, lors du vote de la loi n° 2005-14 portant règles générales pour les élections en République du Bénin, le 24 mai 2005, l’Assemblée nationale a exclu tout représentant de la société civile de la participation aux organes en charge de l’organisation des élections. Lors du contrôle de constitutionnalité de cette loi, la Cour constitutionnelle a constaté que, dans le texte voté « la CENA est composée exclusivement de personnalités toutes désignées par l’Assemblée nationale (19 + 4) et le Président de la République (2) à l’exclusion de personnalités désignées par la société civile, composante de médiation ou d’interface par excellence.  » Elle a en conséquence considéré que « cette exclusion de la société civile est contraire au principe à valeur constitutionnelle de transparence, d’honnêteté, de fiabilité et de sincérité des élections ; ». La Cour a dès lors imposé l’intégration de la société civile dans les organes de gestion des élections, ce qui a été fait par l’Assemblée nationale.126

Quant aux partenaires au développement, ils ont toujours apporté un concours financier considérable aux organisations de la société civile prenant en compte le fait que ces organisations ont besoin d’être appuyées pour continuer à remplir , en toute indépendance et impartialité, leurs missions de complément, de substitution, et parfois de contrôle des actions du gouvernement ou des collectivités locales.

126 DCC 05-056 des 21 et 22 juin 2005, Recueil 2005, p.267 et suivantes.

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7 4 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

Encadré 6: Recours en irrégularité et en illégalité de la désignation et de la nomination du représentant de la société civile au sein de la Commission politique de supervision (EXTRAITS)

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Membres de la Cour constitutionnelle (…)

a) Sur la régularité de la désignation du sieur Orden Alladatin

Attendu que l’article 37 alinéa premier de la loi 2009-10 dispose :

« Il est créé un organe administratif dénommé Commission politique de supervision et

comprenant des membres du gouvernement, de l’Assemblée nationale, de l’Union nationale

des magistrats du Bénin, de l’Ordre des avocats et de la société civile ... «

Attendu que l’article 39 de la même loi précise que « la Commission politique de supervision

est composée de quinze (15) membres désignés à raison de : (…) Un (01) par la société civile

(…) «

Attendu que la désignation « par » la société civile de son représentant s’entend de

l’organisation par celle-ci de cette désignation.

Que c’est ainsi que toutes les institutions, organes et corps appelés à désigner des membres au

sein de la CPS organisent par eux-mêmes cette désignation.

Que n’ayant pas fixé les règles et modalités de cette désignation, la loi a entendu laisser le soin

à chaque institution, organe ou corps de les déterminer.

Que les requérantes, mues par le principe d’auto-organisation de la société civile, ont initié le

processus qui a conduit la société civile à désigner par elle-même ses représentants pour siéger

dans les CCS et son représentant au sein de la CPS en la personne de Orden Alladatin.

Que ni le sieur Orden Alladatin ni les organisateurs de sa désignation n’ont reçu aucune

notification de l’invalidation de sa désignation.

Que c’est à l’occasion de la cérémonie de prestation de serment, et alors même qu’il s’est

présenté pour l’accomplissement du devoir citoyen, qu’il s’est rendu compte de la manœuvre

orchestrée par l’administration.

Que tant que la désignation du sieur Orden Allada Tin n’est pas déclarée contraire à la loi ou

invalidée par une décision de justice, toute autre désignation ultérieure opérée à travers des

procédures détournées est irrégulière, nulle et non avenue.

Que cet état de choses est frustratoire et menace dangereusement les libertés publiques en

général et la liberté d’action des associations en particulier.

b) Sur l’irrégularité de la désignation du sieur René Tchibenou

Attendu que la désignation du sieur René Tchibenou procède de l’immixtion de l’administration

dans les affaires de la société civile, immixtion déjà sanctionnée par la jurisprudence

constitutionnelle.

Attendu en effet que dans un cas similaire, la Cour de céans a, par décision DCC 05-111 du 15

septembre 2005, sanctionné cette immixtion.

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3 . P A R T I C I P AT I O N A U P R O C E S S U S P O L I T I Q U E 7 5

Attendu que c’est également le sens de l’arrêt n° 04/CA/ECM rendu le 1er février 2008 par la

Cour suprême à l’occasion de l’organisation des élections communales et municipales de 2008.

Attendu par ailleurs qu’en mettant tout en œuvre pour faire reprendre le processus à Dassa-

Zoumé, et en tout cas, en procédant à la nomination du sieur René Tchibenou, alors que le

nom du sieur Orden Alladatin était déjà communiqué au chef de l’État depuis le 4 juin 2009, ce

dernier s’est rendu justice ou a rendu Justice à ceux qui sont mécontents de la désignation du

sieur Orden Alladatin.

Qu’ayant choisi le nom de René Tchibenou au lieu de celui de Orden Alladatin, l’administration

s’est rendue juge de la régularité des actes posés par la société civile.

Qu’à supposer que l’administration ne se soit pas mêlée de cette désignation du sieur René

Tchibenou, ce dernier est mal venu à se faire désigner dans la mesure où il a participé, en

même temps que son supposé suppléant, à la désignation à l’unanimité du sieur Orden

Alladatin. Et qu’alors même qu’il n’a jamais manifesté en ce moment quelque intention de

postuler à ce poste.

Qu’il s’agit là d’une fraude ou d’une turpitude, l’expression manifeste de la mauvaise foi

incompatible avec la bonne gouvernance et qui mérite d’être sanctionnée.

Que le défaut de sanction d’un tel comportement est une prime à l’immoralité et à la

délinquance, toute chose contraire aux valeurs prônées par la société civile.

Qu’en tout état de cause, la désignation et la nomination du sieur René Tchibenou violent la loi

2009-10 portant organisation de recensement électoral national approfondi et établissement de

la liste électorale permanente informatisée.

III- CONCLUSION

Aux motifs qui précèdent, plaise à la Cour constitutionnelle :

• Déclarerirrégulièresetillégales,entoutcascontrairesàlaloi2009-10portantorganisation

du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale

permanente informatisée, la désignation et la nomination du sieur René Tchibenou en tant

que représentant de la société civile au sein de la Commission politique de supervision.

• Annulerledécretn°2009-270du22juin2009encequiconcernelanominationduSieur

René Tchibenou en qualité de représentant de la Société civile au sein de la Commission

politique de supervision (CPS).

• Déclarerrégulièreetvalable,ladésignationdusieurJean-BaptisteOrdenAlladatin.

• Ordonnersanominationparlechefdel’Étatconformémentàlaloi.

• LerenvoyerauxfinsdeprestationdesermentdevantlaCour.

C. Syndicalisme et dialogue socialLe Bénin a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical de 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective de 1949, ainsi que la convention (nº 135) concernant les représentants des travailleurs de 1971. Sa Constitution reconnait les libertés d’association, le droit au travail, le droit de grève et la liberté syndicale

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7 6 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

(articles 25, 30 et 31). Le Code du travail adopté en 1998 reconnait également la liberté syndicale et une nouvelle loi sur la grève, la loi 2001-19 du 21 juin 2002 a été adoptée pour remplacer l’ancienne ordonnance, n° 9-14/MFPRAT du 19 juin 1969, longtemps dénoncée par les syndicats. Il est toutefois reproché à ce cadre juridique (le Code du travail) l’obligation faite aux syndicats de déposer les statuts avant la reconnaissance de leur personnalité juridique en violation de la convention n° 87 sur la liberté syndicale de 1948. Sur ce point, le gouvernement a été interpellé aussi bien par le comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies que par la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations de l’Organisation internationale du travail (OIT). Cette même commission avait invité le gouvernement à lever l’obligation de préciser la durée de grève contenue dans la loi 2001–19.127 Certaines intimidations sont également reprochées au gouvernement, mais généralement, les centrales syndicales se mobilisent pour obtenir gain de cause et préserver les droits syndicaux.

Il existe des centaines de syndicats au Bénin et il s’en crée encore tous les jours. C’est donc à travers les centrales syndicales qu’une analyse peut facilement se faire sur les réalités syndicales au Bénin. À cet égard, on note que l’Union nationale des syndicats des travailleurs du Bénin (UNSTB) a survécu au régime marxiste dont elle était l’unique organisation syndicale autorisée. Depuis le début du renouveau démocratique des années 90, six autres centrales syndicales sont venues s’ajouter à l’UNSTB. Il s’agit de la Confédération des syndicats autonomes du Bénin (CSA-Bénin), Confédération des organisations syndicales indépendantes du Bénin (COSI-Bénin), Confédération générale des travailleurs du Bénin (CGTB), Confédération des syndicats des travailleurs du Bénin (CSTB) ; Centrale des syndicats unis du Bénin (CSUB) et la Confédération des syndicats du privé et de l’informel du Bénin (CSPIB). Pour les aider à fonctionner, et, ce, depuis 1997, l’État accorde aux organisations syndicales, une aide annuelle de 300 millions de Francs CFA (US$634,235). Ces centrales syndicales sont implantées surtout dans la fonction publique et dans les entreprises publiques, mais commencent à occuper aussi le terrain du secteur privé formel, voire, du secteur privé informel.

Le rôle des syndicats est évidemment de défendre les intérêts professionnels et moraux de leurs affiliés que sont les travailleurs. Pour atteindre ces objectifs, ils représentent les travailleurs au sein des commissions techniques ou paritaires. Ils sont membres des Institutions étatiques telles que la Caisse nationale de sécurité sociale, le conseil national du travail, le Conseil économique et social. Les syndicats œuvrent pour la formation professionnelle et éducative de leurs adhérents à travers les séminaires, journées de réflexion, des stages aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Dans l’accomplissement de leur mission, les syndicats participent à l’élaboration et à l’application des textes de lois et conventions qui organisent le travail dans son ensemble. Ils se prononcent sur l’ensemble des textes législatifs et réglementaires. Ils essayent de veiller sur toutes les questions qui surgissent dans chaque entreprise et sur la formulation et l’élaboration des revendications à soumettre à l’employeur avec la participation des travailleurs. Ils font des propositions sur la façon de mener la discussion avec le patronat, le choix des arguments à développer et l’attitude à adopter suivant les réponses du patronat. Les

127 BIT, Application des normes internationales du travail 2004 (I), Rapport de la Commission d’experts pour l’application des

conventions et recommandations, Genève, 2004, p.49.

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3 . P A R T I C I P AT I O N A U P R O C E S S U S P O L I T I Q U E 7 7

syndicats participent à la résolution des problèmes sociaux des travailleurs en collaboration et dans l’entente mutuelle pour un épanouissement durable à savoir l’amélioration des conditions de travail et de vie de leurs adhérents tout en négociant correctement les conventions collectives ou les statuts des fonctionnaires.128 À cet égard, plusieurs actions communes se font jour entre les centrales syndicales et les victoires les plus grandes ont été obtenues lorsque les syndicats parlaient d’une même voix au gouvernement.

S’agissant du dialogue social, même s’il existe des élections pour désigner les centrales syndicales les plus représentatives dans le secteur public, comme dans le secteur privé, l’État essaye de dialoguer avec toutes les centrales syndicales. Mais le constat est que très régulièrement, notamment dans les secteurs de l’éducation, de la santé ou des finances, de nombreuses grèves paralysent les services publics et démontrent que le dialogue social est en panne au Bénin. Lors de la « semaine sur le dialogue social » organisé par le gouvernement du 13 au 16 octobre 2008 à Cotonou, les organisations d’employeurs, les organisations de travailleurs et l’État, ont reconnu que le dialogue social souffrait de certaines faiblesses que sont entre autres  : la non-maîtrise des notions du dialogue social ; la confusion des thématiques ; le manque de spécialistes des ressources humaines qualifiées en dialogue social ; l’affaiblissement du ministère du Travail et de la fonction publique par le ministère des Finances.

Au regard des observations et constats, ils ont proposé :• L’institution d’un cadre global du dialogue social à travers la création d’une structure

technique faîtière dénommée Haut conseil pour la promotion du dialogue social avec pour mission la prévention des conflits sociaux ; la promotion du dialogue social ; le suivi de la mise en œuvre effective du dialogue social dans tous les secteurs ; la médiation en cas de nécessité. Cette structure faîtière devra être dotée de moyens humains, matériels et financiers nécessaires. Pour ce faire, outres les représentants des employeurs, des travailleurs et de l’Administration, elle réunira les personnes ressources aux expériences avérées. La création d’une telle structure consacrera la disparition de l’actuelle structure de veille sociale dont les attributions sont intégrées à cette nouvelle structure. Cette structure, tout en prenant en compte les différents cahiers de doléance des confédérations syndicales ne négligera pas les synthèses des travaux des Conseils sectoriels pour le dialogue social au niveau des ministères. Dans le même ordre d’idées, les délibérations du Conseil national du travail et du Comité consultatif paritaire de la fonction publique doivent être portées à la connaissance du cadre de concertations gouvernement/confédération syndicales formalisé. De même, les résultats des travaux du cadre de concertation « gouvernement-confédérations syndicales » sont versés aux documents entrant dans le cadre de l’élaboration du budget de l’État ;

• La création d’une structure de dialogue social dans tous les ministères qui n’en ont pas encore ;

128 Léontine Denakpo, Cours A1 00388 : Formation Syndicale sur les NIT et la Déclaration de l’OIT sur les principes et droits

fondamentaux au travail et son suivi, 16 mai–10 Juin 2005, Rapport du Bénin.

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7 8 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

• La dynamisation du Conseil national du travail et du Comité consultatif paritaire de la fonction publique prenant en compte les textes existants, les normes internationales du travail, l’expérience vécue et les insuffisances relevées ;

• La formulation du cadre de négociation « gouvernement-confédérations syndicales » par un acte officiel précisant entre autres la périodicité des sessions, les membres permanents et le mode de fonctionnement ;

• La détermination des vrais acteurs du dialogue social et le renforcement de leur légitimité ;

• La promotion de la démocratie sociale à l’échelle de l’entreprise et des services publics ;

• Le vote d’une loi sur le droit syndical.

En fin 2009, un décret a été pris pour mettre en place un cadre et des modalités de dialogue social. Ce cadre a été officiellement lancé début 2010.

D. Libertés de manifestation et de réunion Moyennant le respect d’une obligation d’information auprès des maires de communes ou des préfets de département lorsqu’une manifestation doit être organisée, tout groupe de personnes peut organiser des réunions publiques ou faire des manifestations. Toutefois, il arrive que pour des raisons qui ne sont pas toujours transparentes, et invoquant les menaces de trouble à l’ordre public, les préfets, représentants de l’État au niveau départemental, et autorité de tutelle des maires de communes, refusent la tenue de telle ou telle manifestation. La Cour constitutionnelle, lorsqu’elle est saisie de ces affaires rend une décision pour situer les uns et les autres sur le respect ou non des libertés constitutionnellement garanties.

S’agissant de la liberté de réunion par exemple, on peut signaler la décision DCC 98-030 du 27 mars 1998 qui relate des faits selon lesquels le ministre de l’Intérieur a interdit la tenue de l’Assemblée générale constitutive de l’association dénommée « Union des propriétaires terriens des périmètres d’aménagement rural pour le développement du Palmier à huile ». Pour la Cour constitutionnelle, les seules restrictions à la liberté de réunion résultent d’une loi française transposée au Bénin durant la colonisation, alors qu’en l’espèce, la réunion envisagée ne portait atteinte à aucune des restrictions édictées par la dite loi.129 Dès lors, les décisions contenues dans les correspondances du ministre de l’Intérieur, et interdisant la tenue du congrès envisagé, « violent la Constitution ».

Dans plusieurs de ses décisions la Cour constitutionnelle a précisé les critères d’exercice et de restriction de la liberté de manifestation ainsi que les conditions de mise en œuvre des restrictions légitimes à la liberté de manifestation.

Dans une décision du 21 août 2003, par exemple, la Cour a précisé les critères d’exercice de la liberté de manifestation, en particulier, les conditions dans lesquelles on peut y apporter des restrictions. La Cour y relève que le fait pour le chef de la circonscription urbaine de Cotonou d’avoir interdit une marche pacifique pour menace de trouble à l’ordre public viole la liberté de

129 Il s’agit plus précisément des articles 6 et 7 de la loi française du 30 juin 1881 portant sur les réunions sur la voie publique.

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3 . P A R T I C I P AT I O N A U P R O C E S S U S P O L I T I Q U E 7 9

manifestation. Pour la Cour en effet, la lettre du parti de l’opposition informant de cette marche ne révèle aucun élément susceptible de faire craindre de tels troubles, et les raisons invoquées par l’autorité administrative à l’appui d’une telle interdiction sont sans rapport avec l’exception d’ordre public et l’effectif d’agents de forces de sécurité publique disponible.130

Encadré 7: Restriction légitime à la liberté de manifestation

Alors que des membres de l’Association des producteurs agricoles de la commune de Kalalé

voulaient organiser une marche pour protester contre le décès, occasionné par un douanier,

d’un des leurs, lors d’une manifestation précédente contre l’arrestation de motos par les

douaniers de la localité, le Maire de Kalalé interdit ladite marche.La Cour constitutionnelle est

alors saisie d’une requête par laquelle Messieurs Sidi Banni et Abdoulaye Demon forment

« un recours en inconstitutionnalité de l’interdiction, par le Maire de Kalalé et le Préfet du

Borgou, de la marche pacifique que l’association des producteurs agricoles de la commune

de Kalalé a voulu organiser le mardi 15 novembre 2005 pour protester contre le massacre

de leurs enfants souvent perpétré sans justice. » La Cour, saisie de l’affaire, adresse alors au

maire une mesure d’instruction, c’est-à-dire une lettre pour lui demander de s’expliquer. En

réponse à cette mesure d’instruction de la Cour, le Maire de la commune de Kalalé, Monsieur

Imorou Bourahima, explique à la Cour ce qu’il appelle « la genèse de la bavure policière …

du 08 octobre 2005 à Dunkassa. ». Il soutient que « Ce jour, la douane de Nikki, en patrouille

dans cette localité, a arraisonné trois (03) motos entre Dunkassa et Gbassakpérou, deux villages

distants de 17 kms. Alors, avant le retour de la douane à Dunkassa, ceux dont les motos ont

été arrêtées ont sollicité l’aide de certaines personnes pour ériger des barricades dans le souci

de contraindre les douaniers à leur rétrocéder les motos. La douane voulant passer coûte que

coûte, il y a eu affrontement entre les manifestants et la douane. Cet affrontement s’est soldé

par la mort de Boubakar Sanmon. ». L’autorité administrative poursuit que « cette situation

a été sérieusement relayée par sieur Orou Se Guéné, Maire destitué, et ses acolytes. Il fallait

saisir cette aubaine pour me discréditer voire me mettre hors d’état de nuire. C’est dans ces

conditions que des réunions non autorisées ont été tenues les 14, 15 et 20 octobre 2005 par

les membres de l’association « E SEMEN ALLAH », avec à leur tête le maire destitué Orou

Se Guéné. La décision issue de ces rencontres était d’abattre le chef d’Arrondissement de

Dunkassa et moi-même, puis abattre tout douanier en mission à Kalalé dans le souci de venger

l’âme de la victime. C’était la psychose, la panique dans toute la commune. Chaque jour mes

réseaux de renseignement me donnaient des informations concordantes. Il en est de même

de la gendarmerie de Kalalé. C’est dans cette période critique, caractérisée par l’insécurité et

la méfiance, que j’ai reçu cette demande de marche. Conscient de la liberté d’expression et

de celle d’aller et de venir constitutionnellement reconnue à tout citoyen, et conscient des

dégénérescences que cette marche aurait provoquées, dans le souci de faire régner l’ordre public,

la sécurité et la tranquillité publique, et après avis de l’autorité de tutelle du département, j’ai refusé

d’autoriser cette marche. »

130 Décision DCC 03-134 du 21 août 2003.

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8 0 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

Après avoir rappelé l’article 25 de la Constitution aux termes duquel: « L’État reconnaît et

garantit, dans les conditions fixées par la loi, la liberté d’aller et venir, la liberté d’association, de

réunion, de cortège et de manifestation. », la haute juridiction a considéré « qu’il résulte des

dispositions de l’article 25 de la Constitution que la jouissance des libertés par les citoyens, doit

se faire dans le respect de l’ordre public établi par la loi et les règlements ; que de telles dispositions

visent à éviter les abus, tant dans la jouissance desdites libertés par les citoyens, que dans leur

restriction par les autorités chargées de l’administration territoriale ; qu’en l’espèce, en n’autorisant

pas la marche projetée, le Maire n’a pas violé la Constitution. »

Dans une autre décision, la Cour constitutionnelle est saisie d’une requête du 30 avril 2000 par

laquelle Monsieur Ankari Koueba Gorza, président du collectif des Princes Dendi (Karimama

et Malanville), demande à la Haute Juridiction (..) d’annuler (…) l’arrêté préfectoral du 14 avril

2000 interdisant la manifestation du 22 avril 2000 liée à la chefferie de Karimama (…). En réponse

à la mesure d’instruction ordonnée par la Cour, le ministre de l’Intérieur, de la sécurité et de

l’administration territoriale (MISAT) affirme que « l’arrêté querellé a été pris pour prévenir les

risques de dérapage et les troubles à l’ordre public que pourraient entraîner les cérémonies de

consécration de la lignée Konguize, prévues pour le 22 avril 2000. ». La Cour constitutionnelle,

« considérant que l’article 25 de la Constitution édicte : « L’État reconnaît et garantit, dans

les conditions fixées par la loi, la liberté d’aller et venir, la liberté d’association, de réunion, de

cortège et de manifestation » ; qu’il résulte des éléments du dossier qu’il existe entre les deux

clans antagonistes des tensions susceptibles d’engendrer des affrontements ; qu’à cet égard, le Préfet

est fondé à prendre des dispositions pour prévenir de tels incidents ; que, dès lors, l’arrêté querellé ne

viole pas la Constitution. »

S o u R C e : Cour constitutionnelle, décision DCC 06-047 du 5 avril 2006 ; DCC 01-97 du 7 novembre 2001.

e. Les médias et la liberté d’expression

La liberté de création des organes de presseC’est la loi française n° 60-12 du 30 juin 1960 sur la liberté de la presse en vigueur à l’époque coloniale, qui continue de régir la presse écrite au Bénin.131 Selon ce texte, la création des journaux, écrits et périodiques est libre et n’est subordonnée à aucune autorisation administrative préalable ou au dépôt d’un quelconque cautionnement. Il suffit de faire, avant publication, une déclaration écrite sur papier timbrée au parquet du Procureur de la République et au ministère de l’Intérieur. Cette déclaration doit comporter mention du titre du journal, son mode de publication, les références de l’imprimeur et l’identité ainsi que la demeure du directeur de publication, ce dernier devant être majeur et jouir de ses droits civils et civiques. C’est en effet lui qui est toujours pénalement et civilement responsable en cas de délit de presse, avec le cas échéant, l’inculpation de l’auteur de l’article comme complice.

131 Observatoire de la déontologie et de l’éthique dans les médias (ODEM), Étude sur l’État des médias au Bénin, 1988–2000,

Cotonou, Fondation Friedrich Ebert, 2001 ; Idem, Rapport national sur l’état de la liberté de la presse au Bénin, 2ème édition,

Fondation Friedrich Ebert, Cotonou, 2007.

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3 . P A R T I C I P AT I O N A U P R O C E S S U S P O L I T I Q U E 8 1

À chaque parution, le nom du directeur de publication et le nombre des exemplaires tirés doivent être mentionnés au bas de tous les exemplaires. Mais dans la pratique, aucun journal ne mentionne le nombre d’exemplaires tiré.132 Par ailleurs, deux heures ouvrables au moins avant la publication de chaque numéro, le journal doit déposer deux exemplaires signés du directeur de publication au Parquet du tribunal et au ministère de l’Intérieur (ou à la mairie).

En ce qui concerne les radios et télévisions, c’est la loi 97-010 du 20 aout 1997 portant libéralisation de l’espace audiovisuel et dispositions pénales spéciales relatives au délit en matière de presse et de communication audiovisuelle en République du Bénin qui réglemente les autorisations d’émissions. S‘agissant des deux types de médias, ils ne peuvent opérer sans autorisation de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC). Toute personne physique et morale peut obtenir l’autorisation d’émettre par radio ou télévision. Toutefois les personnes physiques béninoises doivent fournir tous les renseignements nécessaires à l’examen de leur demande et produire la liste complète et détaillée des moyens qu’ils comptent mettre en exploitation. Quant aux personnes morales, en plus des obligations mises à la charge des personnes physiques, elles doivent prouver que  : (i) la moitié du capital social ou des titres participatifs appartiennent à des personnes physiques ou morales béninoises ; (ii) ces personnes disposent de plus de la moitié des voix à l’Assemblée générale ou à celle des actionnaires ; (iii) plus de la moitié des membres de la direction sont de nationalité béninoise ; (iv) nul ne peut détenir plus de 51% du capital social parmi ses membres.

S’agissant de conditions d’autorisation des radios et télévisions privées, il semble qu’en l’absence de dispositions légales spécifiques, c’est à la HAAC qu’il revient de discuter avec elles en toute liberté. Il faut signaler que les autorisations sont renouvelables, mais accordées chaque fois pour six ans pour les radios et pour dix ans pour les télévisions.

En ce qui concerne en particulier les radios, le postulant qui compte lancer une radio commerciale doit avoir un capital d’au moins 19 millions de F CFA (US$40,168). S’il s’agit d’une radio non commerciale, il faut que le postulant satisfasse aux conditions de lancement des radios commerciales ou soit une association à but non lucratif. S’agissant des télévisions privées diffusant par faisceaux hertziens, elles doivent être des entreprises de droit béninois ayant un capital d’au moins deux cent cinquante millions (250.000.000) de francs CFA (US$528,529). Ce montant est de cent millions quand il s’agit de télévision privée commerciale par câble ou par satellite. Quant aux télévisions privées non commerciales, elles ne peuvent être autorisées que si elles sont des associations ou fédérations d’associations, à moins de satisfaire aux conditions prévues pour l’autorisation des télévisions commerciales.

Les radios communautaires (privées non commerciales) jouent un rôle important au Bénin en matière d’éducation et de sensibilisation des populations, majoritairement analphabètes, surtout à l’intérieur du pays. Ceci est principalement dû au fait que la plupart des radios privées commerciales ne couvrent que les zones urbaines et surtout Porto Novo, Cotonou et Parakou. Ces dix derrières années, la coopération suisse s’est impliquée dans l’accompagnement des radios communautaires en leur fournissant des équipements et en assumant leurs frais d’immobilisation. Ces stations sont très importantes dans le sens qu’en plus de fournir des

132 ODEM, Rapport 1988–2000, op. cit., p.58.

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8 2 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

informations sur le développement agricole et économique, elles couvrent des questions sociales et assurent le divertissement de la population. Selon une évaluation récente: « à la différence de la radio rurale nationale, les radios rurales locales, les radios communautaires ou associatives et les radios commerciales ne se comportent pas comme des rouages dans la machine de la propagande gouvernementale. Elles constituent le creuset de l’expression pluraliste des susceptibilités politiques, sociales, économiques, philosophiques et religieuses du pays. ».133

Les acteurs de la liberté de la presseSelon le rapport sur l’état de la liberté de la presse, 1ère édition, parue en 2005, il y avait 73 stations de radiodiffusion sonore, 38 quotidiens, 25 périodiques, quatre chaines de télévision (cinq depuis l’autorisation d’une nouvelle chaine depuis lors). Mais ces chiffres fluctuent souvent à l’approche des élections, comme le montrent le nombre de 250 titres nouveaux enregistrés au ministère de l’intérieur entre 2005 et 2007, c’est-à-dire à la veille des élections présidentielles de 2006, et législatives de 2007.134 Les animateurs de ces différents organes se retrouvent au sein des associations professionnelles que sont l’Union des professionnels des médias du Bénin (UPMB),135 le Conseil national du patronat de la presse et de l’audiovisuel (CNPA-Bénin),136 l’Observatoire de la déontologie et de l’ethique dans les médias (ODEM)137 et la Maison des médias(MdM).138

En ce qui le concerne, l’État possède un journal, La Nation, une agence de presse, l’Agence Bénin-Presse (ABP), et un Office de radiodiffusion et de télévision du Bénin (ORTB) comportant une chaîne de télé qui atteint l’ensemble du pays aussi bien qu’une station de radio qui, elle aussi,

133 Idem.134 En réalité certains acteurs politiques financent la création de journaux pour porter leurs messages, et n’arrivent pas toujours

à continuer le financement desdits journaux une fois l’élection passée.135 Elle a vu le jour lors du congrès constitutif de mai 2004 à Cotonou. L’UPMB œuvre à l’avènement d’une véritable presse

professionnelle au Bénin en contribuant à une formation permanente et soutenue de ses membres. Elle défend les intérêts

matériels et moraux des journalistes de même que la liberté de presse. Il est en fait le syndicat des journalistes béninois. Lors de

son dernier congrès, elle a connu quelques difficultés qui ont conduit à la création de deux autres syndicats. Mais, dans les faits,

en tant qu’issue d’un compromis lors des état généraux de la presse, elle continue de jouer le rôle d’organe représentatif des

journalistes.136 Le Conseil national du patronat de la presse et de l’audiovisuel (CNPA-Bénin) est le creuset de réflexion des patrons de la

presse béninoise. Le CNPA a pour mission essentielle de défendre et promouvoir les intérêts du patronat de la presse et de

l’audiovisuel du Bénin.137 Lancé le 3 mai 1999, l’ODEM est à la base de l’adoption en septembre 1999 d’un code de déontologie pour les médias

au Bénin. L’ODEM est composé de treize membres des médias publics et privés. Le mandat de deux ans des membres est

renouvelable une seule fois. L’objectif principal de l’ODEM est d’assurer le respect des règles de déontologie et d’éthique par les

médias, protéger l’accès aux informations libres et contribuer à élever la qualité des médias. L’ODEM publie des communiqués

en vue d’assurer le respect de ses dispositions. Par ailleurs, il produit un rapport annuel sur le respect de l’éthique aussi bien

qu’un rapport semestriel sur l’état de la liberté de la presse au Bénin avec l’appui de Friedrich Ebert Stiftung.138 La Maison des médias (MdM) est instituée par les états généraux de la presse béninoise, tenus à Cotonou du 18 au

23 novembre 2002 et l’administration de la MdM a été installée le 08 juin 2005. La MdM est ouverte à tous les acteurs et

usagers des médias, tous secteurs et toutes catégories confondus, du Bénin et d’ailleurs. La MdM est la propriété collégiale et

indivisible des associations professionnelles des médias. Elle est apolitique, à but non lucratif et dispose d’une autonomie de

fonctionnement et de gestion. La MdM a des fonds propres issus des différentes subventions octroyées à la presse privée par

l’État béninois, et est le fruit de plusieurs années d’économies à mettre à l’actif des organisations professionnelles des médias.

La Maison des médias est situé sur un immeuble à trois niveaux situé en plein cœur d’un quarter résidentiel de Cotonou. Le coût

de l’achat, de la réfection ainsi que les frais notariaux sont d’environ de 250.000.000 FCFA (US$528,529).

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atteint tout le territoire national. Ces organes sont régis par des textes spécifiques, même s’ils sont également soumis au contrôle de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication qui procède également à des appels à candidature en vue de sélectionner les personnes parmi lesquelles le Président de la République désigne leurs responsables. À la différence des médias privés et communautaires, les médias publics (l’ORTB et l’ONIP) sont clairement définis par la loi : ce sont des établissements publics à caractère social, culturel et scientifique. La loi leur accorde une certaine autonomie quant à la gestion et à l’administration. La réalité est pourtant différente. Le Conseil d’administration est contrôlé par le gouvernement et est composé largement de représentants de plusieurs ministères plus un délégué, un représentant des usagers et un expert du domaine de l’imprimerie et de l’information pour l’ONIP et un expert de l’audiovisuel pour l’ORTB. Tous sont désignés par le ministère de tutelle.139

Depuis 1997, le gouvernement béninois attribue une enveloppe de 300 millions de francs CFA (US$634,235) à titre d’aide publique à la presse privée. L’enveloppe est divisée en deux composantes : aide aux organes de média (écrits comme audiovisuels) et aide pour la formation. Les critères d’éligibilité à l’aide pour les journaux sont la publication, le respect de la loi et le professionnalisme. La part de l’aide affectée à la formation est sous forme de séminaires, de stages pratiques et d’ateliers destinés aux journalistes et aux reporters-photographes ainsi qu’aux rédacteurs et aux directeurs des organes audiovisuels. Toutefois, malgré les mesures mises en œuvre, les parties prenantes ont été pratiquement unanimes à penser que l’aide accordée aux médias par le gouvernement n’est pas bien utilisée. En 2008, l’aide de l’État s’est accrue de 50.000.000 CFA (US$ 105,706).

L’État encadre la liberté de la presse à travers, historiquement, le ministère de la Communication dont le rôle est de définir et de mettre en œuvre la politique de communication du gouvernement. Mais depuis la création de la HAAC par la Constitution de 1990, le ministère de la Communication a perdu la plupart de ses prérogatives en matière de médias et d’information, et partage le rôle de supervision du secteur des médias avec la HAAC. Le ministère continue à essayer d’assurer la gestion de l’allocation annuelle du gouvernement aux médias qui est gérée par la HAAC. De même, compte tenu de textes peu clairs, le ministère de la Communication et la HAAC se divisent sur la question de l’attribution de nouvelles fréquences à des radios et télévisions.

La Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC) est une institution créée par la Constitution de 1990 pour gérer, au nom de l’État, la liberté de la presse et de la communication au Bénin, qu’il s’agisse du secteur public ou du secteur privé. La HAAC est officiellement indépendante du gouvernement. Les premiers conseillers de la HAAC sont entrés en fonction en juillet 1994. La HAAC est une autorité administrative indépendante composée de neuf membres : le président qui est désigné par le Président de la République et les autres sont élus. Ils ont un mandat non-renouvelable et non-révocable de cinq ans.

139 Coopération danoise au Bénin, Document de présentation du Projet d’appui à la démocratie et à l’état de droit (PADED) de

la Coopération danoise au Bénin, Cotonou, 2008.

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8 4 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

La Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication, conformément aux dispositions des articles 24, 142 et 143 de la Constitution a pour mission (article 5 de la loi organique n° 92-021 du 21 août 1992 relative à la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (H.A.A.C.) :

• de garantir et d’assurer la liberté et la protection de la presse ainsi que de tous les moyens de communication de masse dans le respect de la loi ;

• de veiller au respect de la déontologie en matière d’information et l’accès équitable des partis politiques, des associations et des citoyens aux moyens officiels d’information et de communication ;

• de garantir l’utilisation équitable et appropriée des organismes publics de presse et de communication audiovisuelle par les institutions de la République, chacune en fonction de ses missions constitutionnelles et d’assurer le cas échéant les arbitrages nécessaires.

La Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication, en sa qualité de garante de l’exercice de la liberté de presse et de communication (article 6 de la loi organique) :

• assure l’égalité de traitement entre tous les opérateurs en matière de presse et de communication ;

• propose à la nomination par le chef de l’État en Conseil des ministres, les directeurs des organes de presse publique ;

• garantit l’autonomie et l’impartialité des moyens publics d’information et de communication ;

• veille à la sauvegarde de l’identité culturelle nationale par une maîtrise appropriée de l’ouverture des moyens de communication sur le marché ;

• veille à favoriser et à promouvoir la libre concurrence ;• veille à la qualité et à la diversité des programmes au développement de la production

et de la création audiovisuelle nationale, ainsi qu’à la mise en valeur du patrimoine culturel national et universel ;

• veille à ce que les organes de presse ne fassent pas l’objet de concentration afin de maintenir le caractère pluraliste de l’information et de la communication ;

• peut faire des suggestions en matière de formation dans le domaine de la presse et de la communication ;

• garantit l’indépendance et la sécurité de tout opérateur de presse et de communication ;

• prend toute initiative et organise toute action de nature à accroître le respect de la déontologie et de l’éthique, la conscience professionnelle ;

• encourage la créativité dans le domaine de la presse et de la communication ; • garantit les conditions du soutien de l’État à la presse publique et privée.

La difficulté majeure que rencontre la HAAC reste, en dehors de la gestion de l’aide de l’État à la presse, la question de l’accès équitable des différents acteurs politiques aux médias de service public. Si elle réussit bien cette mission en période électorale, elle a du mal à la rendre effective en période non électorale. Le fait que chaque organe doive comporter dans son personnel un

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ou plusieurs journalistes professionnels ou des personnes travaillant dans des conditions qui permettent de le devenir, amène à s’interroger sur comment devient-on journaliste au Bénin.

Il y a deux voies d’accès à la profession de journaliste : l’accès après une formation dans une école de journalisme et la formation sur le tas.140 Mais ce sont les personnes formées sur le tard qui dominent largement la profession. Une enquête menée en 2000 sur un échantillon de 100 journalistes a montré que 95% des personnes interrogées possèdent un diplôme universitaire, 5% n’ont pas fait d’études universitaires et seulement trois personnes ont fait une école de journalisme dont deux à l’extérieur du Bénin.141 La 11ème édition de l’Agenda des médias parue en juin 2007 recense un total de 1 541 professionnels des médias tant du service public que privé.142

Les journalistes béninois sont mal payés. Dans certaines entreprises de presse, les journalistes ne reçoivent pas de salaire. On leur donne plutôt des allocations journalières. Ce phénomène s’étend à la couverture des réunions, colloques, séminaires ou autres, puisque dans la pratique, les organisateurs de ces rencontres sont très souvent obligés de donner une «  enveloppe  » aux journalistes qui assurent la couverture de leurs manifestations. C’est le seul moyen de s’attirer une relation biaisée, et orientée des faits. La couverture ou l’analyse n’est donc pas juste et objective dans de pareilles situations. Par ailleurs, une bonne partie de la couverture tend à se baser sur des opinions. Il y a donc très peu d’initiative et de volonté de faire des reportages basés sur l’imagination, la compétence, la maitrise du sujet et des analyses critiques et objectives. Ces problèmes de statut et de formation ont été perçus par les associations professionnelles et la HAAC qui consacrent des efforts pour améliorer le statut des journalistes (Convention collective), leur formation et la prise en compte de l’éthique et de la déontologie (Code de déontologie de la presse béninoise).

La situation de la liberté de la presseAu Bénin, la liberté de presse est reconnue et consacrée par de multiples textes. Les médias indépendants sont actifs et expriment une variété d’opinions sans restriction. Il n’y a pas de restriction gouvernementale à la liberté d’accès à l’information ou à l’Internet. Aucune radio ni télévision, nationale ou internationale n’a été « coupée » pendant des élections. Mais il n’existe pas un droit légal d’accès aux informations, et souvent, dans les administrations, la mention « confidentiel » est abusivement et trop systématiquement utilisée sur des documents qui n’ont rien de confidentiel. Il est vrai que les journalistes finissent toujours par obtenir les documents qu’ils veulent et excipent du droit à protéger leur sources. Les publications critiquent le gouvernement librement et fréquemment mais leur impact sur l’opinion publique (en milieu rural) est restreint à cause du niveau de tirage inadéquat et de la généralisation de l’analphabétisme. Toutefois la pratique des revues de presses commentées en langues nationales sur certaines radios est devenue un phénomène très important qui permet à des milliers de personnes analphabètes ou ne pouvant se procurer les journaux, de se tenir informés de l’actualité.

140 Idem., p.95.141 Idem.142 ODEM, Rapport national sur l’état de la liberté de la presse au Bénin, 2ème édition, Fondation Friedrich Ebert, Cotonou, 2007,

p.36.

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8 6 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

Malgré des efforts louables, ces dernières années pour juguler le phénomène, l’amateurisme, la vulnérabilité de certains journalistes aux pouvoirs financiers et certaines considérations politiques conduisent encore à des condamnations de journalistes, même si les emprisonnements, non seulement sont limités aux périodes suivant les condamnations, mais parfois, ne sont pas exécutées. Le débat sur la « dépénalisation des délits de presse » refait surface de façon périodique- certains préfèrent parler de « suppression des peines privatives de liberté en matière de délits de presse », ce qui n’exclurait pas alors des amendes-, mais les autorités politiques ( Président de la République comme députés à l’Assemblée nationale ), qui promettent souvent d’analyser la question, semblent attendre une plus grande responsabilité de la part des journalistes avant d’examiner effectivement le texte de loi qui pourrait consacrer cette avancée déjà connue dans les pays voisins.

Depuis plusieurs années, le pays est considéré comme modèle de bonnes pratiques médiatiques et de liberté de la presse non seulement en Afrique de l’Ouest mais aussi à travers le continent africain. En 2006, le Bénin s’est classé premier en Afrique et 23ème au niveau mondial dans l’indice de la liberté de la presse de Reporteurs Sans Frontières (RSF), c’est à dire une meilleure performance que celles affichées par la France, l’Italie et les USA.143 Toutefois en 2007, le Bénin est descendu de 30 places dans le classement global et le pays a également perdu la première position en Afrique pour se classer 9ème tandis qu’il n’arrivait qu’à la 53ème place mondiale. En 2008, le Bénin a encore dégringolé passant de la 9ème à la 11ème place en Afrique, et de la 53ème à la 70ème place dans le monde. Certes, cette baisse de performance n’est pas liée à des menaces contre les journalistes, même si certains d’entre eux ont eu des difficultés avec la police et la justice,144 mais est surtout due au fait de contrats entre l’exécutif et certains organes de presse. Ces contrats fortement rentables au plan financier pour ceux qui les ont signés, étouffent dans les faits, toute critique contre le gouvernement et empêchent des sons de cloches différents de se faire entendre sur les antennes ou dans les pages des organes sous contrats.145 Il faut reconnaitre néanmoins que les sons de cloche différents réussissent à se faire entendre sur d’autres antennes ou dans d’autres lignes puisque toutes les chaines de radio et de télévision, et tous les journaux n’ont pas signé les contrats. De plus, certains journaux appartiennent officiellement ou officieusement à des personnalités politiques de l’opposition, ce qui finit par créer un espace public pluriel.

F. Le Médiateur de la RépubliqueDeux étapes cruciales ont jalonné la vie de cette institution de l’espace public béninois. Il convient de les analyser à tour de rôle pour rendre compte de l’ancrage définitif que cet organe a fini par acquérir dans l’espace public.

143 ODEM, Rapport national sur l’état de la liberté de la presse au Bénin, 2ème édition, Fondation Friedrich Ebert, Cotonou, 2007,

p.36.144 Par exemple, en septembre 2006, quatre journalistes ont été arrêtés pour « diffamation et offense au chef d’État », mais ont

été relâchés quelques jours plus tard par le Procureur de la République. 145 DHPD, Rapport sur l’état de droit et de démocratie au Bénin, « Les médias à l’ère du changement », Cotonou, 2008.

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3 . P A R T I C I P AT I O N A U P R O C E S S U S P O L I T I Q U E 8 7

Le difficile accouchement du Médiateur : la période de l’Organe prési-dentiel de médiation (OPM) Conscient de ce que les administrés ont souvent beaucoup de mal à défendre leurs droits face à une administration puissante, et conformément à l’une de ses promesses électorales, le Président Boni Yayi a créé par décret un organe présidentiel de médiation (OPM), en attendant un véritable Médiateur de la République qui ne peut être mis en place que par une loi. La bonne gouvernance de l’État demande en effet que l’administration soit rapprochée du citoyen et malgré la décentralisation et la déconcentration administratives d’une part, l’existence d’un juge administratif récemment déconcentré aux niveaux des tribunaux d’autre part, les problèmes non réglés que portent les citoyens dans leurs relations avec l’administration demeurent nombreux. La nécessité s’imposait donc de trouver un mécanisme gracieux qui soit entièrement consacré à la question de satisfaction des citoyens (clients de l’administration) et de réduction des dysfonctionnements de l’administration. Tel est l’objet de l’OPM. Selon le décret n° 2008–158 du 28 mars 2008 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de l’OPM, cet organe a pour mission d’assister le Président de la République dans le règlement, par la médiation, des différends et litiges de toute nature soumis à son arbitrage, sans préjudice des compétences reconnues aux institutions et structures de l’État par les lois et règlements. Ces litiges sont notamment ceux qui pourraient naître des rapports entre les personnes physiques ou morales et les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics ou tout autre organisme investi d’une mission de service public.

L’OPM est dirigé par un Médiateur nommé par le Président de la République en raison de ses expériences professionnelles éprouvées, de sa solide connaissance de l’administration publique, de son audience sur l’échiquier politique, de son dévouement au bien commun, de son intégrité morale avérée, de sa probité intellectuelle et de son attachement à la concorde et à la paix sociales.

L’OPM jouit d’une autonomie de gestion et son budget est alimenté par le budget national et par plusieurs apports extérieurs (Danemark, Suisse, Pays Bas…).

Encadré 8: Bilan de l’OMP pour les années 2007–2008

I- En récapitulatif, la situation des recours en 2007 ainsi que leurs traitements se présentent

comme ci-dessous :

• Nombre de plaintes reçues jusqu’au 31 décembre 2007: 232

• Nombre de plaintes acceptées : 160

• Nombre de plaintes pour lesquelles l’OPM n’est pas compétent: 72

a litiges privés : 38

b dossiers en instruction devant les juridictions : 8

c litiges opposant les agents de l’État en service et leur administration : 19

d non-épuisement des voies de recours administratifs : 7

• Nombre de plaintes par objet (sur la base des 160 plaintes acceptées)

a Gestion de carrière : 39

b Réclamation de droits salariaux, primes et indemnités et autres droits financiers : 28

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8 8 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

c Licenciements abusifs : 15

d Litiges domaniaux : 14

e autres : 64.

Soit un total de 96 équivalents à 60% des plaintes acceptées.

II- En récapitulatif, la situation des recours 2008, ainsi que leurs traitements se présentent

comme ci-dessous :

A- Présentation générale des plaintes :

• nombre de plaintes reçues (janvier 2008 au 25 novembre 2008) : 480

• nombre de plaintes acceptées : 350 soit 72,92%

a en cours de traitement : 300 soit 85,71%

b clos : 50 soit 14,29%

• nombre de plaintes rejetées : 130 soit 27,08%

a litiges privés : 50 soit 38,46%

b dossiers en instruction devant les juridictions : 20 soit 15,38%

c litiges opposant les agents de l’État en service et leur administration : 38 soit 29,23%

d non épuisement des voies de recours administratifs : 22 soit 16,92%.

B- Répartition des plaintes par objet (sur la base des 350 plaintes acceptées) :

a fréquents par ordre décroissant :

– Gestion de carrière : 135

– Litiges domaniaux : 80

– Réclamation de droits salariaux, primes, indemnités et autres droits financiers : 30

– Licenciements abusifs : 20

Soit un total de 265 équivalant à 75,71% des plaintes acceptées.

b autres : 85 soit 24,29% des plaintes acceptées.

Sur les 350 interpellations, l’OPM a seulement enregistré 42 réactions des structures contre

lesquelles les plaintes ont été formulées.

S o u R C e : Rapport d’activités 2007–2008, Porto-Novo, février 2009, disponible sur le site du Médiateur de la République du Bénin, http://www.mediateur.gouv.bj.

Le Médiateur de la RépubliqueLa loi n° 2009-22 du 11 Aout 2009 instituant le Médiateur de la République, qui remplace désormais le décret n° 2008-158 du 28 mars 2008 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de l’OPM, entraine une disparition de l’organe présidentiel de médiation et la naissance d’un véritable « Médiateur de la République » au Bénin.

Le Médiateur de la République est, selon l’article 2 de la loi qui l’a créé, «  une autorité administrative indépendante. Il ne reçoit d’instruction d’aucune autorité politique, administrative, législative ou judiciaire. » Selon le même texte (article 8), « Le Médiateur de la République reçoit les griefs des administrés relatifs au fonctionnement des administrations centrales de l’État, des collectivités décentralisées, des établissements publics et les étudie afin d’y apporter des solutions équitables. Il suggère au chef de l’État des propositions tendant au fonctionnement normal et à

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l’efficience des services publics. Il contribue de façon générale à l’amélioration de l’État de droit et de la gouvernance administrative. »

Il peut également (article 9) «  … à la demande du Président de la République ou du gouvernement, des membres de toute autre institution de la République, participer à toute activité de conciliation entre l’administration publique et les forces sociales et/ou professionnelles. » Il peut encore « être sollicité par le Président de la République pour des missions particulières relatives aux questions de réconciliation et de paix au niveau national, régional ou international. »

Toutefois, les litiges suivants ne relèvent pas de sa compétence  : les différends qui peuvent s’élever entre les personnes physiques ou morales privées  ; les différends internes à l’administration, c’est-à-dire ceux qui peuvent s’élever entre les administrations et leurs agents ; les procédures engagées devant la justice ou la dénonciation d’une décision judiciaire.146 Lorsqu’il est saisi d’un recours relatif à l’un des domaines d’incompétence, il adresse au réclamant une suite lui indiquant une démarche alternative.

Lorsqu’une réclamation lui semble justifiée, le Médiateur de la République fait toutes les recommandations qui lui paraissent de nature à régler les difficultés dont il est saisi et, le cas échéant, toutes propositions tendant à améliorer le fonctionnement de l’organisme concerné. Le Médiateur de la République peut demander à l’administration concernée d’être tenu informé des mesures qui auront été effectivement prises pour remédier à la situation dont il est saisi.

A défaut de réponse satisfaisante dans le délai qu’il a fixé, il peut en aviser par écrit, le Président de la République et s’il le juge nécessaire, exposer le cas dans un rapport spécial ou dans son rapport annuel.

Le Médiateur de la République établit en effet un rapport d’activités chaque année. Ce rapport est transmis officiellement au Président de la République, chef du gouvernement. Il est publié au Journal officiel de la République du Bénin. Mais le Médiateur est libre d’établir autant de rapports spéciaux qu’il juge pertinents sur des situations de mal administration avérées et récurrentes, assortis de propositions de réforme.

Suite à la promulgation de la loi instituant le Médiateur de la République, le Professeur Albert Tevoedjre a été nommé à la tête de cette institution en Conseil extraordinaire des ministres le lundi 17 août 2009. Ancien fonctionnaire international, homme politique et personnalité intellectuelle de premier plan au Bénin, le Professeur Tevoedjre occupait déjà le poste de Responsable de l’organe présidentiel de médiation.

G. Le Haut commissariat à la gouvernance concertéeLa création, d’un Haut commissariat à la gouvernance concertée, par décret n° 2007-624 du 31 décembre 2007, et son installation solennelle le 19 février 2008, marquent la volonté du chef de l’État, Boni Yayi, de consacrer et d’institutionnaliser une tradition béninoise de dialogue et de concertation. C’est en effet dans ce pays qu’a eu lieu, en 1979, une Conférence nationale des cadres, prémices à la célèbre Conférence des Forces vives de la nation de février 1990 qui a connu de nombreuses tentatives de reprises dans plusieurs pays africains.

146 Article 10.

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9 0 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

Le HCGC a pour objectifs d’appuyer le Président de la République dans ces initiatives tendant à :• réaliser les aspirations des populations béninoise à une bonne gouvernance dans

tous les domaines, politique, économique, social, administratif, culturel et à tous les niveaux : étatique, national et local, et œuvrer en sorte qu’elles soient effectivement satisfaites ;

• rechercher , par la concertation, le dialogue et les échanges entre les forces vives de la Nation et les acteurs de la vie publique, y compris les présidents des institutions de la République, les voies et moyens de parvenir à une meilleure appropriation, par les populations béninoises, des principes d’une bonne gouvernance , ainsi que ceux des objectifs du millénaire pour le développement ;

• faire émerger une vision concertée et partagée de la bonne gouvernance, gage de l’unité nationale et du développement économique et social.

Le HCGC a pour missions, d’une part, la facilitation des mécanismes de consultations des populations (À ce titre, le HCGC est chargé de la collecte et du classement des informations sur des questions déterminées, dans tous les domaines politique, économique, social et administratif, aussi bien au niveau national qu’au niveau local), d’autre part, l’organisation d’un forum annuel regroupant toutes les parties intéressées par un problème de grande préoccupation nationale. En mettant en place cette institution, l’objectif recherché est d’instaurer une tradition de concertation, de bonne gouvernance et de reddition des comptes. Moïse Mensah, ancien fonctionnaire international et personnalité politique respectée et consensuelle, a été nommé Haut commissaire par le Président de la République et installé dans ses fonctions le 19 février 2008. Le personnel technique qui devait l’appuyer a été progressivement mis en place jusqu’en aout 2008. Le Haut commissariat a tenu plusieurs sessions de son comité de pilotage, composé des représentants de l’administration, des partenaires techniques et financiers, du secteur privé et de la société civile ainsi que des organisations syndicales, pour valider ses programmes de travail et ses rapports. Il a par ailleurs organisé des rencontres avec les partenaires techniques et financiers, les médias, la société civile et plusieurs autres acteurs de la vie politique et socio économique du pays, afin de partager avec eux sa mission.

Le HCGC a surtout, au cours de l’année 2008, assuré la préparation et la tenue du forum annuel de concertation dont le thème fut « : Les réalités de la pauvreté face aux défis des objectifs du millénaire pour le développement ». Pour y parvenir, le Haut commissariat a initié des mini fora dans le village ou quartier de ville le plus pauvre de chacun des douze départements. Ces mini fora ont permis aux populations de démontrer leur capacité à définir et prioriser leurs réelles préoccupations en matière de lutte contre la pauvreté et de promotion de la croissance. Il a été ainsi recensé les stratégies mises en œuvre, ou proposées, par les populations elles-mêmes, en vue de sortir de la pauvreté. Les rapports de ces mini fora ont été présentés, en même temps que d’autres études, au forum annuel, qui a regroupé près de quatre cents participants de toutes les catégories socio économiques et de toutes les communes du Bénin. Les résultats de ces travaux ont débouché sur d’importantes recommandations visant à réduire la pauvreté et booster l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement à l’horizon 2015. Un projet de communication en conseil des ministres a été introduit par le HCGC afin que les ministères

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3 . P A R T I C I P AT I O N A U P R O C E S S U S P O L I T I Q U E 9 1

concernés et autres acteurs publics et privés puissent concevoir ou réorienter les projets ou programmes de développement en tenant compte des recommandations issues dudit forum. La communication a été approuvée et des séances de concertation ont cours entre le Haut commissariat et différents ministères concernés par les recommandations du forum en vue de leur mise en œuvre.

Toujours au cours de l’année 2009, à l’instar de ces actions en matière de gouvernance économique, le HCGC a poursuivi beaucoup d’autres actions de concertation en matière de gouvernance politique et d’enracinement de la démocratie au Bénin. Mais il faut surtout signaler les préparatifs et la tenue du forum de concertation 2009 dont le thème est : « Quelle gouvernance pour le développement du secteur privé au Bénin ? » Ce forum qui a regroupé, fin 2009, tous les acteurs institutionnels ou non du secteur privé (formel comme informel), le gouvernement, les administrations, les partenaires techniques et financiers, les associations diverses, a permis de réfléchir sur les attentes respectives du secteur public et du secteur privé, et de faire des propositions concrètes au gouvernement et aux autres partenaires relatifs à la mise en place d’un véritable dialogue secteur public/ secteur privé permanent susceptible de permettre la levée de tous les obstacles à la participation du secteur privé au développement économique et social du Bénin.147

H. Recommandations

Statut du Médiateur de la République Si la procédure de révision de la Constitution en cours aboutissait, il serait souhaitable d’inscrire l’existence de cette institution dans la Constitution elle-même de manière à lui donner une plus grande autorité.

En ce qui concerne les libertés d’association, de réunion, de manifesta-tion, les droits syndicaux et le dialogue social Le code du travail devrait être modifié de façon à ne plus exiger des syndicats le dépôt de leurs statuts avant toute reconnaissance de leur personnalité juridique. Le Conseil national du travail et le Comité consultatif paritaire de la fonction publique devraient être dynamisés sur base des textes existants, des normes internationales du travail et en tenant compte de l’expérience vécue ainsi que des insuffisances relevées. Le gouvernement et le Parlement devraient envisager le vote d’une loi sur le droit syndical qui contienne la formulation d’un cadre complet de négociation «  gouvernement-confédérations syndicales  », la détermination des vrais acteurs du dialogue social et le renforcement de leur légitimité et la promotion de la démocratie sociale à l’échelle de l’entreprise et des services publics.

En ce qui concerne la liberté des médias Il est important de renforcer l’autonomie de la HAAC à l’égard du pouvoir exécutif, notamment dans la désignation de son président, le renforcement du nombre de ses membres désignés par

147 Cf. le site Internet du HCGC: www.gouvernance-benin.org.

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9 2 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

les professionnels des médias et la maitrise totale par la HAAC des fréquences à attribuer aux promoteurs privés pour l’exercice de la liberté de presse.

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4 . L E S É L E C T I O N S 9 3

4

Les élections

Le cadre juridique des élections au Bénin est caractérisé par une multitude de lois votées, amendées et revues à la veille de chaque élection. La mise en œuvre de ces lois est souvent soumise à des dérogations qui les rendent vulnérables à des manipulations politiques. L’organisation des élections depuis 1995 par la Commission électorale nationale autonome (CENA), un organe indépendant du gouvernement, a constitué un développement majeur dans l’évolution de la démocratie béninoise. L’expertise technique et la stabilité institutionnelle attendues de la CENA sont néanmoins menacées par son caractère non permanent. Sa forte politisation ainsi que la confusion entre ses compétences et celles de la Cour constitutionnelle en matière de résolution des conflits électoraux sont parmi les facteurs qui menacent l’intégrité du processus électoral au Bénin.

A. Organisation des élections Le préambule de la Constitution réaffirme l’opposition fondamentale du peuple béninois, « à tout régime politique fondé sur l’arbitraire, la dictature [et] la confiscation du pouvoir ». L’article 2 rappelle que le principe de la République du Bénin est « Le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple ». Les articles 3 et 4 confirment que la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants élus et par voie de référendum. L’article 5 précise que ce sont les partis politiques qui concourent à l’expression du suffrage. L’article 6 insiste sur le caractère universel, égal et secret du suffrage. Enfin, les conditions favorisant un bon déroulement des élections, à savoir les libertés de pensée, d’opinion, d’expression, de presse, d’association, de réunion et de manifestation sont consacrées aux articles 23 et 24. Diverses autres dispositions relatives à la Cour constitutionnelle rappellent que toute loi violant ces principes sera invalidée pour violation de la Constitution.

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9 4 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

En vertu d’une loi de 1990, l’organisation des élections était de la compétence du ministère de l’Intérieur.148 La loi de 1990 prévoyait des garanties pour prévenir d’éventuelles manœuvres frauduleuses émanant du gouvernement. Parmi ces garanties il y avait la possibilité pour chaque candidat ou liste de candidats de désigner, dans chaque bureau de vote, un délégué chargé de contrôler les opérations de vote, de dépouillement des bulletins et de décompte des voix. Il était également prévu que le dépouillement devait être public et enfin, le fait que la Cour constitutionnelle allait procéder au recensement général des votes, proclamer les résultats et connaître du contentieux. C’est sur cette base que firent organisés les scrutins relatifs aux législatives et à la présidentielle de 1991.

À la veille des élections de 1995 et 1996, les députés de l’opposition, qui ne faisaient plus confiance à la capacité du pouvoir d’organiser des élections neutres, ont introduit une proposition de loi électorale modifiant la loi de 1990. Ce texte a été voté en septembre 1994 malgré l’opposition du gouvernement sur certains de ses points, en particulier le dessaisissement du ministère de l’intérieur dans l’organisation des élections et la création d’une Commission electorale nationale autonome (CENA). Le gouvernement s’est opposé à la nouvelle loi électorale telle que votée par les parlementaires au motif que le Parlement a violé le principe de la séparation des pouvoirs puisque la création d’un nouvel organe administratif est de la compétence de l’exécutif. Le Président de la République a demandé une deuxième lecture de la loi qui a été de nouveau votée le 21 novembre 1994 sans que les dispositions querellées, c’est-à-dire celles relatives à la création de la CENA – ne disparaissent. Le 30 novembre 1994, le Président de la République a saisi la cour constitutionnelle pour qu’elle déclare la nouvelle loi contraire à la Constitution. La cour constitutionnelle a jugé que la loi était conforme à la Constitution et validé la création d’une commission électorale indépendante.

Encadré 9: La cour constitutionnelle valide la création de la CENA

« Considérant que la création de la CENA, en tant qu’autorité administrative indépendante, est

liée à la recherche d’une formule permettant d’isoler, dans l’administration de l’État, un organe

disposant d’une réelle autonomie par rapport au gouvernement, aux départements ministériels

et au Parlement, pour l’exercice d’attributions concernant le domaine sensible des libertés

publiques, en particulier des élections honnêtes, régulières, libres et transparentes ;

Considérant que la création de la CENA se fonde sur les exigences de l’État de droit et de

démocratie pluraliste affirmées dans le Préambule de la Constitution du 11 décembre 1990 ;

Considérant que l’attachement du Peuple béninois aux principes de la démocratie et des droits

de l’Homme tels qu’ils ont été définis par la Charte des Nations unies de 1945 et la Déclaration

Universelle des droits de l’Homme de 1948, s’est traduit par l’intégration à la Constitution du 11

148 Loi90-034 du 31 décembre 1990 portant règles générales pour les élections du Président de la République et des membres

de l’Assemblée nationale.

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4 . L E S É L E C T I O N S 9 5

décembre 1990 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples qui fait siens les principes

précités (…);

Considérant que la Déclaration universelle des droits de l’Homme dispose en son article 21

alinéa 3 : ‘’ … La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ; cette

volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au

suffrage universel égal et au vote secret suivant une procédure équivalente assurant la liberté de

vote…’’ ;

Considérant que la création de la Commission electorale indépendante est une étape importante

de renforcement et de garantie des libertés publiques et des droits de la personne ; qu’elle permet

d’une part, d’instaurer une tradition d’indépendance et d’impartialité en vue d’assurer la liberté et

la transparence des élections, et d’autre part, de gagner la confiance des électeurs et des partis et

mouvements politiques ; (...)

Considérant que le régime électoral, qui se définit comme l’ensemble des règles juridiques

qui déterminent la manière dont il est possible de se porter candidat à une élection et d’être

élu, repose sur des séries d’opérations à savoir des mesures préparatoires (date du scrutin et

convocation des électeurs, présentation des candidats), la campagne électorale (organisation

et contrôle), le scrutin (mode, déroulement, dépouillement, proclamation, réclamation ou

contentieux) ; qu’ainsi, selon la Constitution, le régime électoral est une matière remise dans sa

totalité au législateur ; que dès lors, l’Assemblée nationale peut, à volonté, en fixant les règles

électorales, descendre, aussi loin qu’il lui plait, dans le détail de l’organisation du processus

électoral, ou laisser au gouvernement le soin d’en arrêter les mesures d’application ;

Considérant que rien dans la Constitution ne s’oppose à la création, par l’Assemblée nationale,

d’une Commission electorale nationale autonome ; qu’en procédant comme elle l’a fait,

l’Assemblée nationale n’a fait qu’exercer l’une de ses prérogatives constitutionnelles et n’a donc

pu violer le principe de la séparation des pouvoirs contenu notamment dans les articles 54, 98

et 100 de la Constitution ;

Considérant que l’organisation, le fonctionnement et les attributions de la C. E. N. A, tels qu’ils

apparaissent dans la Loi n° 94-013, ne ressortissent pas au domaine du pouvoir réglementaire ;

qu’il s’en suit qu’il n’y a pas eu non plus violation du principe de la séparation des pouvoirs ».

S o u R C e : Décision DCC 34-94 des 22 et 23 décembre 1994, Recueil 1994, pp.159 et suivantes.

La CENA était au départ composée de 17 personnes désignées par diverses structures, soit sept par le gouvernement, sept par l’Assemblée nationale, deux par la Commission béninoise des droits de l’Homme et un magistrat du siège de l’ordre judiciaire. Il a aussi été prévu que cette CENA ait des démembrements au niveau départemental (neuf membres, dont quatre désignés par le gouvernement, quatre par l’Assemblée nationale et 1 magistrat de l’ordre judiciaire) et local (sept membres nommés par la CENA, sur proposition de la Commission électorale départementale (CED).149 Aucun membre de la CENA ou de ses démembrements ne peut être candidat à l’élection concernée.

149 Le niveau local correspond à la circonscription électorale retenue pour les élections législatives.

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9 6 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

Selon l’article 37, alinéa 2, de la loi 94-013 du 17 janvier 1995, la Commission électorale nationale autonome (CENA), est « chargée de la préparation de l’organisation, du déroulement, de la supervision des opérations de vote et de la centralisation des résultats qu’elle met à la disposition du ministre chargé de l’Intérieur pour transmission à la Cour constitutionnelle. Elle a tout pouvoir d’investigation pour assurer la sincérité du vote. » L’alinéa 1 du même article dispose que la « Commission electorale nationale autonome travaille sous l’autorité de son bureau en collaboration avec un ministre désigné par le gouvernement qui met à la disposition de la Commission, les moyens dont elle a besoin pour l’accomplissement de sa mission. »

Malgré la relative clarté de ces dispositions et l’arbitrage de la Cour constitutionnelle, des confits de compétence entre la CENA et le ministère de l’Intérieur sur des aspects de l’organisation des élections étaient très fréquents au début, comme l’illustrent les exemples dans l’encadré ci-après.

Encadré 10: Bras de fer entre CENA et gouvernement

1 – Par message radio n° 599 du ministre de l’Intérieur, de la sécurité publique et de

l’administration territoriale en date du 16 mars 1995, relatif à la désignation d’observateurs

dans les bureaux de vote, message adressé à tous les préfets de départements, le ministre

indique, dans le dernier paragraphe « ...Par ailleurs, vous demande faire remarquer à ces chefs

circonscription administrative que pour mon département, Union démocratique des forces du

progrès (UDFP) n’a présenté aucune liste. Par conséquent aucun récépissé ne doit être délivré

à d’éventuels observateurs qui seraient mandatés par l’usurpateur Adalin Timothée cautionné

par la Commission électorale nationale autonome (CENA) ».

C’est pour demander l’annulation pour inconstitutionnalité de ce paragraphe du message

ministériel que Monsieur Timothée Adanlin, président de l’U D F P a saisi la Cour

constitutionnelle par requête en date du 21 mars 1995.

Après analyse du dossier la Cour a répondu que « Considérant que la loi 94-013 en son article

37 dispose : « la Commission électorale nationale autonome est chargée de la préparation, de

l’organisation, du déroulement, de la supervision des opérations de vote et de la centralisation

des résultats » ; qu’il en résulte que le MISAT n’a aucune compétence pour intervenir en la

matière ; qu’en conséquence, le message radio n° 599 du ministère de l’Intérieur de la sécurité

et de l’administration territoriale (MISAT), en ce qu’il interdit aux Préfets de délivrer des

récépissés d’observateurs aux délégués du parti UDFP, doit être déclaré nul et de nul effet ».

2 – Lors des préparatifs pour l’organisation du premier tour de l’élection présidentielle

du 3 mars 1996, le Président de la CENA a sollicité du ministre de l’Intérieur qu’il mette

à sa disposition, pour le lundi 26 février 1996, dernier délai, trois millions huit cent mille

(3 800 000) enveloppes non gommées en vue du vote du dimanche 3 mars 1996, ces

enveloppes devant être acheminées par la CENA en même temps que les autres imprimés

électoraux le mardi 27 février 1996. Suite au refus du ministre de l’Intérieur de mettre lesdites

enveloppes à sa disposition, le Président de la CENA saisit, par requête du 27 février 1996 la

Cour constitutionnelle pour demander « qu’il plaise là Cour constitutionnelle de dire et juger

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4 . L E S É L E C T I O N S 9 7

qu’il ne revient pas au ministre de l’Intérieur, de la sécurité et de l’administration territoriale

(MISAT) de livrer les enveloppes dans les départements, sous-préfectures et circonscriptions

urbaines et que le refus de Monsieur le ministre de l’Intérieur de livrer les enveloppes à

la CENA constitue une violation de l’article 37 de la loi n° 94-013 et de l’article 124 de la

Constitution béninoise. »

La Cour constitutionnelle, après mesures d’instructions urgentes diligentées à l’endroit du

ministre de l’Intérieur ce même jour, 27 février 1996, mesures demeurées sans réponse, a

décidé : « qu’il résulte de la lecture croisée des dispositions des articles 37 et 46 de la loi n°

94-013 du 17 janvier 1995 que seule la CENA est habilitée à assurer l’organisation de toutes

les opérations de vote en collaboration avec un ministre désigné par le gouvernement ; que

la désignation à cet effet du ministre de l’Intérieur n’emporte transfert à celui-ci d’aucune des

attributions de la CENA ; qu’en vertu de l’article 117 de la Constitution, il y a lieu d’enjoindre

au ministre de l’Intérieur de livrer sans délai à la CENA les enveloppes en vue des élections

présidentielles de mars 1996 ».

S o u R C e S : Cour constitutionnelle, décision EL -P-96–006 du 27 janvier 1996 ; décision EL95-012 du 24 mars 1999, Recueil, vol 1 p.64

Malgré son caractère progressiste, la loi du 17 janvier 1995 créant la CENA comportait des insuffisances importantes, parmi lesquelles :

1. La manière dont le gouvernement devrait mettre les moyens financiers et matériels à la disposition de la CENA n’était pas détaillée ou précisée, ce qui fragilisait l’autonomie de la CENA.

2. Le délai d’installation de la CENA n’était pas précisé.3. Aucune structure électorale n’était prévue, entre deux élections pour assurer la

transition et conserver le matériel électoral.

Ce sont ces faiblesses que viendront corriger la loi 98-034 du 15 janvier 1999 portant règles générales pour les élections en République du Bénin. Le mérite principal de cette loi de 1999 est d’avoir amélioré l’autonomie de la CENA en prévoyant expressément en son article 40 que celle-ci :

…dispose d’une réelle autonomie par rapport au gouvernement, aux départements ministériels, au Parlement et à la Cour constitutionnelle (…) Elle jouit d’une autonomie de gestion de son budget. Elle dispose d’un Secrétariat administratif permanent (SAP-CENA). Elle élabore son règlement intérieur.

Il faut relever que s’agissant de ses moyens de travail et de son autonomie, la loi 98-034 du 15 janvier 1999 n’évoque plus des moyens qu’un ministère mettrait à la disposition de la CENA, mais insiste sur «  l’autonomie de gestion de son budget  » par la CENA,150 pendant que le SAP-CENA, nouvelle création de la loi, s’occupe de « gestion de la mémoire administrative et

150 Article 40.al.3.

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9 8 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

du patrimoine électoral [ainsi que de la] gestion de la liste électorale nationale et du matériel électoral  ».151 Il est clairement précisé que le SAP-CENA ne peut prendre aucune décision relevant de la compétence de la CENA. Sous le régime de cette loi, il n’est pas prévu que pendant les élections, les membres du SAP-CENA fassent partie de la CENA, mais la loi dit seulement que ceux-ci assistent les commissaires dans leurs missions. Ce SAP-CENA, qu’on peut qualifier de première génération, est composé d’un secrétaire administratif permanent assisté de cinq adjoints, tous désignés par le Président de la République parmi les hauts fonctionnaires ayant totalisé au moins dix ans d’expérience professionnelle. Les cinq adjoints du SAP-CENA se voient confier les attributions suivantes :152

• logistique et opérations électorales ;• communication, relations publiques, gestion des archives ;• affaires juridiques ;• circonscriptions électorales et listes électorales ;• administration et finances.

Il a été prévu qu’un décret pris en conseil des ministres règlerait l’organisation et le fonctionnement des services du SAP-CENA, lequel devrait, selon la loi,153 se mettre sous l’autorité hiérarchique et fonctionnelle du président de la CENA, une fois celle-ci installée.

La nouvelle loi de 1999 modifie, par la hausse, la composition de la CENA. Il y a désormais 23 membres, contre 17 dans l’ancien texte. Le gouvernement, malgré cela, désigne seulement trois membres contre sept dans la précédente loi. La Commission béninoise des droits de l’Homme voit aussi réduit son quota de représentants, celui ci passant à un au lieu de deux dans l’ancien texte. L’Assemblée nationale qui a voté la loi, démarre manifestement là une politisation à outrance de la CENA comme il sera con staté dans les textes postérieurs. Elle « s’offre » 15 membres contre sept dans l’ancien texte. Pour faire bonne mesure, le nombre de magistrats du siège de l’ordre judiciaire est également revu à la hausse, soit désormais, quatre au lieu d’un seul dans le texte précédent et il est exigé de ces derniers une expérience professionnelle de dix ans et une désignation en Assemblée générale des magistrats.

Les Commissions électorales départementales (CED) continuent d’avoir 9 membres mais la clé de répartition change : un désigné par le gouvernement, cinq par l’Assemblée nationale, deux magistrats et un représentant de la Commission béninoise des droits de l’Homme. Rien ne change au niveau de la désignation des Commissions électorales locales (CEL), sauf que désormais, le local correspond à la commune et non plus à la circonscription électorale (qui comprend plusieurs communes), ce qui augmente nécessairement le nombre de membres de CEL, d’autant que si le nombre de sept membres est conservé pour les communes ordinaires (74/77), les communes à statut particulier (3/77, Cotonou, Parakou, Porto-Novo)ont des CEL de 15 membres.

Désormais, la CENA doit être installée au plus tard 60 jours avant la date du scrutin et ses membres prêtent serment devant la Cour constitutionnelle. La CENA, après centralisation des résultats des élections législatives et présidentielles, les transmet, elle-même, à la Cour

151 Article 47.152 Article 48 de la loi n° 98–034 du 15 janvier 1999 portant règles générales pour les élections en République du Bénin.153 Article 48 de la loi n° 98–034 du 15 janvier 1999 portant règles générales pour les élections en République du Bénin.

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4 . L E S É L E C T I O N S 9 9

constitutionnelle et non plus par l’intermédiaire du ministre de l’Intérieur. La Cour, après vérification de la régularité, examen des réclamations, proclame les résultats définitifs. Mais c’est la CENA qui proclame les résultats des élections locales dont le contentieux relève de la Cour suprême.

C’est sur la base de cette loi générale que seront organisées les législatives de 1999, à l’issue desquelles la CENA a rendu un rapport sur, notamment, son expérience de collaboration avec le SAP-CENA.154 Suite à ce qu’il a qualifié de « conflit d’attributions entre la CENA et le SAP-CENA », le rapport a recommandé de modifier la loi électorale aux fins de :

• Revoir la composition du SAP. En effet, la composition actuelle du SAP est lourde et inutile ; il faut désigner un cadre de conception de l’administration assisté d’un secrétaire administratif et d’un responsable chargé du matériel ;

• Revoir les attributions du SAP car il doit veiller à la conservation de la mémoire administrative, du matériel électoral et assurer la conservation et la bonne tenue des listes électorales.

Une nouvelle loi a été votée en 2001 pour répondre à ces recommandations.155 En vertu de cette dernière loi, la CENA a changé encore une fois de composition et passé à 25 membres désignés à raison de trois par le gouvernement (+ 2), 19 par l’Assemblée nationale (+ 4), deux par les magistrats (- 2) et un pour la Commission béninoise des droits de l’Homme.

Fait notable, désormais, la désignation des membres de la CENA par l’Assemblée nationale doit se faire en tenant compte de la « configuration politique », c’est-à-dire proportionnellement au nombre de députés appartenant à chaque groupe parlementaire. Cette prescription n’a pas été imaginée par les députés eux-mêmes. C’est la Cour constitutionnelle qui l’a imposée l’Assemblée nationale « pour garantir la transparence (principe à valeur constitutionnelle) dans la gestion des élections (Cf. Décision DCC 34-94 du 23 décembre 1994). »156

La loi de 2001 prévoit aussi que la CENA doit être installée au moins 90 jours avant la date du scrutin, contre 60 jours dans la précédente loi. Notons que ces délais ne sont pas souvent respectés157 et ne sont partiellement respectés après intervention de la Cour constitutionnelle.

Autre nouveauté remarquable, les membres du SAP-CENA qui sont désormais au nombre de quatre, sont désignés par l’Assemblée nationale et nommés par décret du Président de la République pris en conseil des ministres. Ils sont chargés, en plus de leurs attributions classiques, « de la supervision des structures professionnelles chargées de l’informatisation des listes électorales. »158

154 CENA, Élections législatives de mars 1999, Rapport général du 10 mai 1999, Cotonou, Imprimerie Tundé, 1999.155 La loi n° 2000- 18 du 03 janvier 2001 portant règles générales pour les élections en République du Bénin.156 Décision DCC-O78 du 7 décembre 2000. 157 Cf par exemple l’article 1er de la loi n° 2003 -02 du 27 janvier 2003 portant dérogation à l’article 41 de la loi n° 2000-18 du 03

janvier 2001 portant règles générales pour les élections en République du Bénin qui dispose « Nonobstant les dispositions de

l’article 41 de la loi n° 2000-18 du 03 janvier 2001 portant règles générales pour les élections en République du Bénin et pour le cas

où le délai de quatre-vingt dix (90) jours ne pourrait être respecté, toutes les institutions concernées doivent avoir désigné dans

les cinq (05) jours qui suivent la promulgation de la présente loi, les membres de la Commission électorale nationale autonome

(CENA) et les membres des Commissions électorale départementales (CED) chargés de l’organisation matérielle et de la gestion

des élections législatives de 2003 ». 158 Article 48.

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1 0 0 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

Cette loi générale a servi de base à l’organisation de l’élection présidentielle de 2001 et des élections législatives de 2003. À l’issue de la présidentielle de 2001, la CENA a fait quelques constats et recommandations dans son rapport.159 Dans la rubrique de l’organisation et de la gestion de l’élection présidentielle, elle a déploré son installation tardive. Elle n’a en effet été installée que le 21 janvier 2001, soit 35 jours seulement avant la date du premier tour de scrutin au lieu de 90 jours prévus par la loi électorale. Après les travaux préparatoires consacrés à la conception du calendrier électoral et autres tâches connexes, elle s’est consacré aux opérations électorales proprement dites. Elles comprennent, selon le rapport 2001, le dépôt des candidatures, le recensement des électeurs s’étendant à la formation des agents recenseurs et à l’inscription sur les listes électorales, le premier tour et le second tour du scrutin.

Le rapport de la CENA rappelle que la phase du second tour du scrutin a été frappée par deux incidents majeurs :

• désistement de Monsieur Nicéphore Dieudonné Soglo, alors deuxième au premier tour au motif que « les conditions régulières pour une élection transparente et crédible n’étaient pas réunies ».

• désistement également du troisième, Me Adrien Houngbedji, pour les mêmes motifs que ceux évoqués par Monsieur Soglo.

La crise ne sera dénouée que par l’appel lancé par de nombreuses personnalités au quatrième candidat, Bruno Amoussou, qui marqua son accord pour « prendre part au deuxième tour de la présidentielle de 2001 ».

À ces incidents, il convient d’ajouter la démission de neuf membres de la CENA, y compris la vice-présidente du Bureau pour «  irrégularités observées à plusieurs niveaux ». C’est donc la nomination par la CENA de 11 personnes ressources pour appuyer les coordonnateurs départementaux qui permettra de sauver les meubles. La CENA a également fait observer que le personnel électoral était insuffisant et que la nécessité de recruter des personnes ressources en 2001 pour venir en appui aux Commissions électorales locales (CEL) des villes de Cotonou, Porto-Novo, Parakou et Abomey-Calavi s’imposait en raison :

• de la qualité de commune à statut particulier attribuées aux villes de Cotonou, Porto- Novo, Parakou ;

• de la densité de la population dans ces localités ; • de la ville de Cotonou qui constitue, elle seule, un département composant treize

arrondissements dont chacun a la taille, du point de vue densité de la population, d’une sous-préfecture (désormais appelée commune) ;

• de la densité de la population et de l’étendue de la ville d’Abomey- Calavi.

La CENA a ainsi recommandé une modification de la loi électorale afin que le nombre des membres CEL de chacune de ces communes soit porté à :

• 143 au lieu de 21 pour Cotonou à raison de 11 par arrondissement ;• à 55 au lieu de 21 pour Porto-Novo à raison de 11 par arrondissement ;

159 CENA, Rapport général de l’élection présidentielle de mars 2001, Cotonou, ONIP, 2001.

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• à 33 au lieu de 21 pour Parakou à raison de 11 par arrondissement ;• à 30 au lieu de 11 pour Abomey- Calavi.

La loi n° 2005-14 du 28 Juillet 2005 portant règles générales pour les élections en République du Bénin a essayé de tenir compte de ces constats. Elle a créé un démembrement supplémentaire à la CENA, les commissions électorales d’arrondissement (CEA), et donne des détails sur la composition des bureaux de la CENA et de ses démembrements. Elle a également rendu les membres du SAP-CENA membres de droit de la CENA et précisé que le SAP-CENA est le Secrétaire général de la CENA. Cette mesure était particulièrement importante compte tenu de l’expertise et de la mémoire institutionnelle que peuvent verser les membres du SAP-CENA aux travaux de la CENA.

En outre, la loi de 2005 a modifié le mode de désignation des membres des Commissions locales (ou de commune) qu’elle aligne sur celui des CEA, tous étant désignés par la société civile et l’Assemblée nationale. Les agents recenseurs sont désignés, pour le compte de la CENA, par les partis politiques. Quant aux membres des bureaux de vote, ils doivent également être désignés par la CENA, mais sur proposition des candidats ou des listes de candidats. Il faut relever que ces modes de désignation doivent être revus ainsi que la pertinence de maintenir tous ces niveaux de démembrements de la CENA si l’on veut tirer les leçons de la difficulté de mettre en œuvre ces règles trop sophistiquées lors de l’élection présidentielle de 2006.

En ce qui concerne les délais d’installation de la CENA, la nouvelle loi confirme les 90 jours au plus tard avant le scrutin, mais ajoute que pour la présidentielle de 2006, l’installation doit être achevée au plus tard six mois avant le scrutin.

Le contrôle de constitutionnalité de la loi de 2005 a donné à la cour constitutionnelle l’occasion de réaffirmer son attachement au pluralisme et à la participation de la société civile au processus de renforcement de la démocratie. L’article 36 de la loi votée par le Parlement prévoyait en effet que :

La Commission électorale nationale autonome est composée de vingt-cinq (25) personnalités reconnues pour leur compétence, leur probité, leur impartialité, leur moralité, leur sens patriotique et désignées à raison de : deux (02) par le Président de la République ; dix-neuf (19) par l’Assemblée nationale en tenant compte de sa configuration politique ;les quatre (04) membres du Secrétariat administratif permanent de la Commission électorale nationale autonome… 

La Cour constitutionnelle a estimé que cet article est contraire à la Constitution parce que : « La CENA est composée exclusivement de personnalités toutes désignées par l’Assemblée nationale (19 + 4) et le Président de la République (2) à l’exclusion de personnalités désignées par la société civile, composante de médiation ou d’interface par excellence ». Pour la haute juridiction, « cette exclusion de la société civile est contraire au principe à valeur constitutionnelle de transparence, d’honnêteté, de fiabilité et de sincérité des élections ».160

160 Décision DCC 05-056 des 21 et 22 juin 2005, Recueil 2005, p.267 et suivantes.

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1 0 2 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

Cette « omission » sera corrigée par les députés dans la nouvelle version de l’article 36 qui prévoyait désormais que :

La Commission électorale nationale autonome est composée de vingt-cinq (25) personnalités reconnues pour leur compétence, leur probité, leur impartialité, leur moralité, leur sens patriotique et désignées à raison de :deux (02) par le Président de la République ; dix-huit (18) par l’Assemblée nationale en tenant compte de sa configuration politique ; un (1) par la société civile ; les quatre (04) membres du Secrétariat administratif permanent de la Commission électorale nationale autonome. 

Une nouvelle loi a été adoptée en janvier 2007 pour servir de base aux législatives de mars 2007.161 Elle ne crée aucune innovation particulière sauf en ce qui concerne les comités techniques sur lesquels se base la CENA pour accomplir sa mission. Alors que la loi de 2005 prévoyait deux comités techniques chargés l’un des équipements, de la logistique et du fichier électoral, l’autre, des ressources humaines et de la centralisation des résultats, le nouveau texte prévoit plutôt trois comités techniques. Un comité du fichier électoral, de la planification, du vote et de la centralisation des résultats, un comité des ressources humaines, de la formation et de la communication et un comité du budget, de la logistique, des équipements, chargé de la répartition du matériel.

La loi n° 2007-25 du 23 novembre 2007 portant règles générales pour les élections en République du Bénin donne encore l’occasion au Parlement d’opérer quelques modifications dans le dispositif législatif. Avec cette nouvelle loi, le nombre de membres de la CENA est de nouveau revu à la baisse et revient à 17 membres, à raison de deux nommés par le Président de la République, 13 par l’Assemblée nationale en tenant compte de sa configuration politique, un par la société civile et le Secrétaire administratif permanent de la CENA. Les autres membres du Secrétariat administratif permanent de la CENA ne font plus partie de la CENA. Le bureau de l’institution est également revu à la baisse, passant de sept personnes à cinq personnes.

En dépit des multiples modifications du cadre juridique au fil des années, l’organisation des élections au Bénin reste caractérisée par des lacunes importantes. En avril 2007, le Président de la République a créé une « Commission de juristes indépendants sur le système électoral en République du Bénin » chargée d’identifier ces lacunes et, plus généralement, d’évaluer le système électoral du Bénin afin de proposer des solutions pour son amélioration.162 Parmi les lacunes liées à l’organisation des élections, la commission a identifié les suivantes :163

161 La loi N° 2006-25 du 05 janvier 2007 portant règles générales pour les élections en République du Bénin. 162 Décret n°2007-171 du 18 Avril 2007. La commission était composée des 5 experts suivants : Professeur Maurice Ahanhanzo-

Glele, résident de l’Institut des Droits de l’Homme, la démocratie au quotidien (IDH-DQ), ancien président de la Haute Cour

de justice, ancien membre de la Cour Constitutionnelle (président de la Commission) ; Mme Elisabeth Pognon, magistrat à

la retraite, ancienne présidente de la Cour Constitutionnelle (vice-présidente de la Commission) ; Professeur Théodore Holo,

titulaire de la chaire Unesco des droits de la personne et de la démocratie (rapporteur de a Commission) ; Maître Robert Dossou,

avocat à la cour, ancien bâtonnier ; Maître Saïdou Agbantou, avocat à la cour, ancien président de la CENA. 163 GLELE Ahanhanzo Maurice (Président), Théodore Holo (Rapporteur) et autres, Rapport de la commission de juristes

indépendants sur le système électoral en République du Bénin, Cotonou, 27 avril 2007.

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• L’instabilité de la CENA, organe « ad hoc » créé à l’occasion de chaque élection, ne permet pas de capitaliser les acquis de ses membres. De même, les modifications répétées de lois électorales à chaque élection ne permettent pas non plus leur appropriation par des membres à divers niveaux de la CENA installés souvent dans la précipitation.

• La politisation de la CENA sert des intérêts partisans et empêche de tenir compte des critères fixés par la loi tels que la probité, la compétence, l’impartialité et le patriotisme. Cette politisation est consacrée par la Cour constitutionnelle qui a institué « une clé de répartition des membres de la CENA sur la base d’un quota attribué à chaque groupe parlementaire en tenant compte de la configuration politique de l’Assemblée nationale pour que soient représentées toutes les forces politiques ».

• Les longs retards accusés dans la transmission et la proclamation des résultats provoquant ainsi des perturbations dans l’organisation du second tour du scrutin.

• Le coût exorbitant des élections surtout par rapport aux pays à population plus importante que celle du Bénin.

Encadré 11: Quelques pistes pour améliorer l’organisation des élections au Bénin

Rapport entre la CENA et les autres institutions

La CENA et les autres structures de contrôle doivent entretenir de bonnes relations tout en

restant chacune dans les limites de ses compétences.

La CENA et la Cour constitutionnelle : L’enjeu est d’éviter des interférences dans les actions de la

CENA et de la Cour constitutionnelle. D’où il importe de clarifier les attributions de chacune des

institutions en confiant la gestion du processus électoral, y compris la publication des résultats

provisoires à la CENA et le contentieux électoral à la Cour constitutionnelle. Cette clarification

impose une relecture de la loi fondamentale. Par ailleurs, la liste des électeurs inscrits doit être

transmise à la Cour constitutionnelle deux mois avant le scrutin pour contrôle et publication.

La CENA et Cour suprême : Il faudra que la loi électorale permette à la CENA de proclamer les

résultats provisoires des élections communales. La Cour suprême n’interviendra que pour

connaître du contentieux électoral et proclamer les résultats définitifs. Il convient alors de lever

l’équivoque de l’arrêté n° 79/ CA/ECM de la Cour suprême du 19 janvier 2002 qui énonce que

« la CENA n’a aucun pouvoir de contrôle et de sanction des irrégularités du scrutin ».

La CENA et Assemblée nationale : Il est arrivé que l’on modifie la loi électorale à trois mois des

élections, ce qui constitue une violation du Protocole de la CEDEAO de 2001 relatif à la bonne

gouvernance, la démocratie et aux élections qui interdit toute modification six mois avant les

élections. Il faut alors réunir tous les textes de loi relatifs aux élections dans un document

unique ou code électoral pour sa meilleure appropriation par les citoyens.

La CENA et gouvernement : Les blocages liés au financement des élections seront levés par

la mise des fonds à disposition de la CENA et ce, à bonne date. Cette autonomie financière

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1 0 4 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

n’exonère pas la CENA du respect de la lettre de cadrage du ministre en charge des finances.

Ces blocages seront aussi levés par la création d’un Fonds spécial pour les élections. À cet effet,

un compte bancaire sera ouvert et alimenté chaque année.

Conservation du matériel électoral et des équipements bureautiques

Pour assurer une meilleure conservation du matériel électoral, la commission choisit les chefs-

lieux des départements pour abriter le matériel électoral lourd (urnes, isoloirs, feuilles d’isorel)

sous la responsabilité du Préfet qui peut associer les mairies dans cette tâche. Les équipements

bureautiques (ordinateurs, photocopieurs, télécopieurs) peuvent être confiés au ministère des

finances comme c’est actuellement le cas. Et pour réduire davantage le coût des élections, il est

souhaitable d’envisager la location du matériel bureautique durant la période électorale.

Formation des membres de la CENA de ses démembrements et des agents électoraux

Il y a aujourd’hui un amateurisme qui caractérise le système de formation des formateurs qui

se chargent à leur tour de répercuter les connaissances reçues jusqu’au niveau le plus bas des

agents des bureaux de vote. La réforme envisagée s’adresse à la CENA qui devrait faire recours

aux ONG ou experts qualifiés en matière de droit, de démocratie et d’élection (AFJB, IDH-DQ ;

WILDAF ; anciens présidents et secrétaires généraux de CENA, anciens membres de la Cour

constitutionnelle). La formation s’adresse aux démembrements de la CENA, aux membres

des bureaux de vote, aux délégués des candidats ou partis politiques en lice, voire les agents

recenseurs. Des outils pédagogiques sont à élaborer au profit desdits bénéficiaires qui doivent

être d’un niveau scolaire minimum de BEPC.

S o u R C e : Glélé Ahanhanzo Maurice (Président), Théodore Holo (Rapporteur) et autres, Rapport de la commission de juristes indépendants sur le système électoral en République du Bénin, (extraits) Cotonou, 27 avril 2007.

B. Inscription sur les listes électoralesLa participation aux élections au Bénin est conditionnée à l’inscription sur une liste électorale. Ne peut être inscrit sur une liste électorale qu’un(e) citoyen(ne) béninois(e) âgé de 18 ans et jouissant de ses droits civils et politiques.164 Cette inscription est considérée comme un devoir pour tout citoyen, mais aucune sanction ne vient punir le défaut d’inscription. Il est important d’observer qu’au moment où est adopté ce texte l’âge de la majorité civile était toujours de vingt et un ans et ne passera à dix huit ans qu’avec le Code des personnes et de la famille de 2004. C’est donc un choix du législateur d’élargir la base électorale en fixant la majorité électorale à un âge atteint plus tôt que l’âge de la majorité civile.

La présentation d’une pièce d’identité avant l’inscription est facultative. Le seul témoignage du chef de village ou de quartier de ville ou de son représentant quand il est présent au poste de recensement, suffit pour considérer que la personne remplit toutes les conditions légales pour se faire inscrire sur une liste électorale. Impensable dans la plupart des pays africains qui ont suivi le Bénin dans la voie de la démocratisation, cette pratique légale a ouvert la voie, à chaque

164 Loi90-034 du 31 décembre 1990 portant règles générales pour les élections du Président de la République et des membres

de l’Assemblée nationale.

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consultation électorale, à de nombreuses irrégularités et fait l’objet de plusieurs contentieux relatifs aux cartes d’électeurs et aux listes électorales.

La liste électorale élaborée dans ces conditions doit être affichée. Elle est par ailleurs déclarée permanente et peut faire l’objet de révision avant chaque élection, sauf si celle si a lieu moins de six mois après la précédente.165 En réalité, à la place des révisions en question, la CENA a plutôt procédé à la confection de nouvelles listes électorales par défaut de conservation de la liste précédente, ce qui n’a fait qu’augmenter le coût des élections.

Par ailleurs, les élections législatives de 1995 et présidentielles de 1996 ont mis à nu les trois grandes faiblesses suivantes du système de liste électoral au Bénin :

• de fréquentes remises en cause de la fiabilité des listes électorales à travers les déclarations de plusieurs partis politiques et les décisions de la Cour constitutionnelle relatives aux résultats des élections.

• L’absence ou la faiblesse du système de l’état civil dans le pays, entraînant une faible fiabilité des listes électorales établies.

• L’organisation des élections a connu des coûts de plus en plus croissants justifiés, entre autres, par la reprise des opérations d’inscription de tous les électeurs sur de nouvelles listes électorales à chaque nouvelle élection.

La loi 98-034 du 15 janvier 1999 portant règles générales pour les élections en République du Bénin a tenté de corriger ces faiblesses. Cette loi confirme d’abord le caractère permanent de la liste électorale et prévoit que celle liste devra continuer d’être affichée. La loi prévoit surtout que la liste électorale devra être « si possible informatisée ». En application de cette disposition, le parlement a lancé un programme de constitution d’une Liste électorale permanente informatisée (LEPI) avec l’appui du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), la coopération du Danemark, la coopération canadienne et de l’International Foundation for Electoral Systems (IFES).

La loi du 3 janvier 2001 a ensuite précisé un certain nombre de mesures destinées à lutter contre les fraudes aux listes électorales rendues possibles par les inscriptions sans aucune pièce d’identité.166 Elle a prévu de nouvelles règles sur l’inscription sur les listes électorales pour les béninois de l’extérieur. Elle a également rendu obligatoire l’informatisation des listes électorales alors que cette informatisation n’était envisagée, sous la loi de 1999, qu’à condition qu’elle fût possible. Cette disposition impérative n’a cependant jamais connu d’application effective, suite aux lois de dérogation qu’adopte le Parlement à la veille de chaque consultation électorale pour repousser indéfiniment la mise en place de cet outil de modernisation du système électoral.

Par ailleurs, à la place du simple témoignage permettant d’inscrire ceux qui n’ont aucune pièce, la loi exige désormais un témoignage écrit et signé du représentant du conseil de village ou du quartier de ville contresigné par le président du bureau d’inscription. Elle ajoute que le faux témoignage est puni d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de cent

165 Article 11 de la loi 94-013 du 17 janvier 1995 portant règles générales pour les élections du Président de la République et des

membres de l’Assemblée nationale.166 Loi n° 2000-18 du 3 janvier 2001 portant règles générales pour les élections en République du Bénin.

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1 0 6 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

mille francs (US$211) à deux cent mille francs CFA167 (US$423). Enfin, la carte d’électeur doit être infalsifiable, comporter un numéro de série et de souche. S’agissant de l’inscription des étrangers sur les listes électorales, la loi prévoit que ne peut s’inscrire sur une liste électorale que celui qui est détenteur d’un passeport béninois ou d’une carte consulaire d’identité en cours de validité et immatriculé depuis au moins six mois à l’ambassade ou au Consulat de la République du Bénin dans le pays de résidence.

En 2005, une nouvelle loi a détaillé les conditions de réalisation d’une LEPI,168 mais elle a aussitôt prévu des clauses dérogatoires qui ont abouti à l’impossibilité de faire la LEPI, voire de procéder plus simplement au recensement électoral prévu pour être une phase initiale de la LEPI. Toutes les lois électorales postérieures ont maintenu ces dérogations.

En 2006, sous l’impulsion du président Yayi Boni fraichement élu, le gouvernement a voulu régler le problème du manque de pièces d’identité ou d’état civil des personnes sollicitant leur inscription sur les listes électorales, en initiant un projet appelé RAVEC, ou Recensement administratif à vocation d’état civil. Le programme RAVEC n’avait qu’une ambition très limitée et visait à permettre la délivrance des actes de naissance aux personnes qui n’en avaient pas.169

Le RAVEC est conçu comme une opération d’aide à la réalisation de la LEPI, dans le sens de l’amélioration de l’état civil au Bénin. Sa première phase, celle du recensement sur les registres de requérants a connu un succès considérable : les demandeurs d’actes de naissance (en principe seulement ceux qui ont plus de quinze ans) dans les 77 communes se sont chiffrés à 2 336 159 personnes. Sa deuxième phase, celle des audiences foraines des tribunaux pour délivrer les actes de naissance, a connu quelques difficultés de mise en œuvre dues en particulier aux vacances judiciaires et aux grèves des magistrats et des greffiers. 506 000 actes ont néanmoins pu être délivrés dans 28 communes. Les services compétents du projet RAVEC espéraient pouvoir achever cette deuxième phase avant la fin 2008, mais le manque de moyens financiers n’a pas permis de réaliser cet objectif.170

De leur coté, les partenaires techniques et financiers du Bénin ont marqué leur accord pour accompagner le pays dans la mise en place d’une Liste electorale permanente informatisée (LEPI). Courant 2008, le gouvernement béninois a sollicité l’appui de la communauté internationale pour relancer le processus de la LEPI. Le 27 mars 2008, les partenaires se sont réunis pour examiner les conditions de relance de ce processus pour lequel ils étaient tous prêts en 2004 mais qui n’a pas pu se faire, faute de consensus politique. Ils se sont entendus pour qu’une étude d’actualisation du document LEPI de 2008 soit faite. Cette étude, réalisée sur financement de l’Union européenne, s’est achevée en octobre 2008 et a permis de préciser les conditions de réalisation du consensus politique nécessaire à la mise en œuvre de la LEPI. Les points du rapport ont porté sur l’état des lieux, les conditions préalables au plan juridique, institutionnel et

167 Articles 14 et 109.168 Loi n° 2005-14, intervenue le 28 Juillet 2005 et portant règles générales pour les élections en République du Bénin.169 Une version plus ambitieuse du RAVEC impliquant des opérations de recensement et la Constitution d’une banque

de données de toutes les personnes ayant un acte d’état civil a été abandonnée par le gouvernement après que la cour

constitutionnelle l’avait jugée contraire à la Constitution. Voir la décision DCC 06-171 du 7 novembre 2006.170 Projet RAVEC, Le RAVEC, une activité d’aide à la réalisation de la LEPI, Cotonou, avril 2008. Par décision prise en conseil des

ministres début 2009, le gouvernement a décidé d’accélérer le processus.

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sociopolitique, la méthodologie /technologie appropriée, le plan de mise en œuvre du projet, des propositions pour la pérennisation des acquis techniques et matériels. Suite à ce rapport qui a été réalisé dans un contexte de grande concertation avec toutes les forces politiques, les partenaires techniques et financiers ont réitéré leur disponibilité à soutenir la mise en place de la LEPI et décidé de mettre leurs contributions dans un panier commun géré par le PNUD.171

Fin 2009, la loi sur la LEPI était adoptée,172 les organes de supervision et de réalisation de la LEPI étaient en place, le panier commun des partenaires techniques et financiers était également réalisé et un projet d’appui technique avait reçu mandat des partenaires techniques et financiers pour appuyer le Bénin dans la réussite des opérations. Toutes les conditions semblaient donc réunies pour la réalisation d’une LEPI, idéalement, avant les élections législatives et présidentielles de 2011. Mais des tensions sont nées lorsque certains acteurs politiques de l’opposition ont dénoncé une « gestion solitaire » du processus de réalisation de la LEPI par le superviseur général de la Commission politique de supervision de la LEPI. Ces acteurs de l’opposition appelaient donc à un dialogue politique rapide pour éviter la consommation de la mise en place d’une LEPI non consensuelle qu’ils rejetteraient. Les organisations de la société civile, regroupées au sein de FORS-LEPI, ont également réagi pour appeler au dialogue. Le processus connaissait donc un début difficile en janvier 2010.173

C. Conditions d’éligibilité

A la Présidence de la RépubliqueL’article 44 de la Constitution relatif aux conditions requises pour se présenter à l’élection présidentielle dispose que :

Nul ne peut être candidat aux fonctions de Président de la République s’il : -n’est de nationalité béninoise de naissance ou acquise depuis au moins dix ans  ; -n’est de bonne moralité et d’une grande probité  ; -ne jouit de tous ses droits civils et politiques ; -n’est âgé de 40 ans au moins et 70 ans au plus à la date de dépôt de sa candidature ; -ne réside sur le territoire de la République du Bénin au moment des élections ; -ne jouit d’un état complet de bien-être physique et mental dûment constaté par un collège de trois médecins assermentés désignés par la Cour constitutionnelle.

Une condition prévue dans la Constitution et liée à l’histoire politique du Bénin voudrait que « Tout membre des forces armées ou de sécurité publique qui désire être candidat aux fonctions de Président de la République doit au préalable donner sa démission des Forces armées ou de sécurité publique ».174

À travers, les diverses lois définissant les règles particulières pour l’élection du Président de la République à savoir la loi n° 90-036 du 31 décembre 1990, la loi n° 95-015 du 23 janvier 1996

171 Il s’agit en particulier de l’Union européenne, du Danemark et du PNUD.172 Loi n° 2009-10 portant organisation du recensement électoral national approfondi et établissement de la liste électorale

permanente informatisée.173 Déclarations faites au cours de programmes dans les médias audiovisuels en début janvier 2010.174 Article 64 de la Constitution.

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1 0 8 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

et la loi n° 2000-19 du 3 janvier 2001 on observe, s’agissant des conditions requises pour être candidat à une élection présidentielle, la reprise pure et simple de l’article 44 de la Constitution béninoise.175 Le législateur n’a eu que très peu de marge de manœuvre ici puisque la Constitution a déjà prévu elle-même la durée et la limitation des mandats le mode de scrutin, la possibilité de deux tours en cas d’absence de majorité au premier tour,176 le mode de convocation du corps électoral,177 la gestion du contentieux électoral.178

Les différentes lois électorales n’ont donc apporté du nouveau que dans les détails administratifs relatifs surtout à la déclaration de candidature et au cautionnement exigé des candidats. Sur ce dernier point, c’est le même montant de 5 millions prévu en 1990 qui a été maintenu jusqu’à ce jour, autorisant parfois des candidatures fantaisistes, malgré l’obligation d’avoir dix pour cents pour se faire rembourser son cautionnement.

Au ParlementLe candidat à la députation doit être âgé de 25 ans au moins. S’il est béninois de naissance, il doit résider depuis au moins un an au Bénin. S’il est étranger naturalisé béninois, il doit être domicilié au Bénin et y vivre sans interruption depuis dix ans au moins. Il est interdit à quiconque d’être candidat dans une circonscription électorale dont le territoire comprend ou est compris dans une circonscription administrative où il exerce une « fonction de commandement » – c’est-à-dire préfet, chef de circonscription urbaine, sous-préfet, secrétaire général de préfecture, de circonscription urbaine ou de sous préfecture – à moins de démissionner de ses fonctions 12 mois avant la date du scrutin.179

Chaque parti ou liste de parti doit présenter des candidats dans toutes les circonscriptions électorales. Le mandat de chacun d’eux est incompatible avec tout autre emploi public national ou international.

175 Article 4 de chacune des lois. 176 Article 45 de la Constitution : « Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Si celle-ci

n’est pas obtenue au premier tour de scrutin, il est procédé, dans un délai de quinze jours, à un second tour. Seuls peuvent se

présenter au second tour de scrutin les deux candidats qui ont recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour. En

cas de désistement de l’un ou de l’autre des deux candidats, les suivants se présentent dans l’ordre de leur classement après le

premier scrutin. Est déclaré élu au second tour le candidat le candidat ayant recueilli la majorité relative des suffrages exprimés. »177 Décret pris en conseil des ministres selon l’article 46.178 Article 49 de la Constitution : « La Cour constitutionnelle veille à la régularité du scrutin et en constate les résultats.

L’élection du Président de la République fait l’objet d’une proclamation provisoire. Si aucune contestation relative à la régularité

des opérations électorales n’a été déposée au Greffe de la Cour par l’un des candidats dans les cinq jours de la proclamation

provisoire, la Cour déclare le Président de la République définitivement élu. En cas de contestation, la Cour est tenue de statuer

dans les dix jours de la proclamation provisoire ; sa décision emporte proclamation définitive ou annulation de l’élection. Si

aucune contestation n’a été soulevée dans le délai de cinq jours et si la Cour constitutionnelle estime que l’élection n’était

entachée d’aucune irrégularité de nature à en entraîner l’annulation, elle proclame l’élection du Président de la République dans

les quinze jours qui suivent le scrutin. En cas d’annulation, il sera procédé à un nouveau tour de scrutin dans les quinze jours de

la décision. » 179 Article 11 nouveau (Loi n° 98-036 du 15 janvier 1999) de la loi 94-015 du 27 janvier 1995.

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4 . L E S É L E C T I O N S 1 0 9

D. Système électoralLe Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois. Nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels. Pour les élections présidentielles, l’ensemble du territoire constitue l’unique circonscription électorale.180

Les députés sont élus au suffrage universel direct. La durée de leur mandat est de quatre ans. Ils sont rééligibles sans limitation de nombre de mandats.181 Chaque député est le représentant de la nation toute entière et tout mandat impératif est nul. La Constitution prévoit que c’est la loi qui fixe le nombre de députés, les conditions d’éligibilité, le régime des incompatibilités qui leur sont applicables et les conditions dans lesquelles il est pourvu aux sièges vacants à mi-mandat.182

La loi 90-35 du 31 décembre 1990 a choisi le scrutin proportionnel de liste avec plus fort reste comme mode de scrutin pour l’élection législative. Le département est retenu comme circonscription électorale. Ce système a été modifié par une loi de 1995. Désormais le système électoral pour les élections législatives est le scrutin proportionnel avec plus forte moyenne et les circonscriptions électorales sont passées à 18, soit trois par département.183 En 1999, la loi 98-036 du 15 janvier 1999 portera le nombre de circonscriptions électorales à 24. Ce sont ces textes antérieurs qui ont été remis en vigueur en 2003, sous réserve des nouveautés contenues dans les lois générales. En 2007, ce fut le statu quo en la matière. Une proposition de loi non encore adoptée en fin janvier 2010 envisage de porter le nombre de députés à 97 et d’ériger chacune des 77 communes du Bénin en circonscription électorale.

e. Les pratiques électorales En dépit de sa relative bonne réputation, le processus électoral béninois est miné par des pratiques de corruption, un système opaque de financement des campagnes, des abus du processus législatif pour exclure des candidats et des abus des ressources de l’État par les partis et candidats au pouvoir.

Tentatives d’exclusion des candidatsÀ deux reprises au moins, le Parlement a tenté d’écarter des candidatures spécifiques aux élections présidentielles en votant des lois qui ajoutaient des conditions particulières à celles énoncées dans la Constitution. En 1995, l’Assemblée nationale a adopté la loi n° 95–015 définissant les règles particulières pour l’élection du Président de la République, dont l’article 5 prévoyait que : 

Au cas où un citoyen se trouve au bénéfice de plusieurs nationalités, il est tenu, lors du dépôt de sa candidature pour la fonction de Président de la République, de renoncer officiellement à toute nationalité autre que celle du Bénin et d’en fournir la preuve en versant au dossier de candidature tous documents officiels pouvant faire foi.

180 Article 42 de la Constitution.181 Article 80 de la Constitution.182 Article 81 de la Constitution.183 Loi 94-015 du 27 janvier 1995.

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1 1 0 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

Cette disposition constituait une tentative claire d’écarter la candidature de Nicéphore Soglo, qui détenait la nationalité française en plus de sa nationalité béninoise. Deux députés saisirent la Cour constitutionnelle pour demander l’invalidation de la loi ou de cette disposition au motif que la loi votée en ces termes ajoute une restriction et une limitation à la condition de nationalité prévue à l’article 44 de la Constitution. En réponse à cette requête, la Cour a retenu qu’ « en procédant comme il l’a fait, l’article 5 de la loi (…) [querellée] créé une condition supplémentaire en matière de nationalité pour l’élection du Président de la République, alors que la seule condition exigée à ce titre par la Constitution en son article 44 est d’être « de nationalité béninoise de naissance ou acquise depuis au moins dix ans ».184

En 2005, alors que se succédaient des sondages favorables à la candidature non encore officiellement annoncée du Dr Boni Yayi, président de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) dont le siège est à Lomé, les députés ont voté une nouvelle loi électorale qui prévoyait que :

Nul ne peut être candidat à l’élection présidentielle s’il :(…) ne réside sur le territoire de la République du Bénin au moment des élections. Le moment des élections durant lequel le candidat doit résider sur le territoire de la République du Bénin correspond à la période allant de l’installation de la Commission électorale nationale autonome à la proclamation des résultats définitifs du scrutin.185

Étant donné qu’en vertu de la loi l’installation de la CENA devait avoir lieu six mois avant les élections, cette loi aboutissait en fait à l’élimination de la candidature de Boni Yayi qui, jusqu’à trois mois avant le scrutin, avait encore sa résidence à Lomé au Togo. Saisie par plusieurs requérants proches du futur candidat Boni Yayi, la Cour a annulé la loi 2005-26 du 24 mai 2005 en considérant que « la seule condition exigée par la Constitution en son article 44 5ème tiret est « de résider sur le territoire de la République du Bénin au moment des élections » » et que la loi avait violé la Constitution en créant « une condition supplémentaire relative à la durée de résidence. »186

Au total, par l’action de la Cour constitutionnelle, deux tentatives d’exclusion de candidats sérieux, dont le premier était en exercice, et le deuxième, le sera, ont échoué, permettant ainsi de ne pas déplorer au Bénin des cas flagrants d’instrumentalisation de la Constitution, de la loi ou de la justice, pour exclure des adversaires politiques de la possibilité d’accession à la gestion des affaires publiques de leur pays.

Corruption, achat de conscience et abus des biens de l’ÉtatLa loi 90-034 du 31 décembre 1990 portant règles générales pour les élections du Président de la République et des membres de l’Assemblée nationale a constitué une première tentative de lutte contre la corruption électorale et l’achat des consciences pendant les opérations électorales. Ses articles 58, 59 et 60 limitaient les dépenses électorales à un million de francs CFA (US$2,114) par

184 DCC 96-002 du 5 janvier 1996, Recueil 1996, p.17.185 Loi no 2005-26 du 24 mai 2005, article 5.186 Décision DCC 05-69 des 25 et 26 Juillet 2005. Article 36 alinéa 3.

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candidat pour les élections législatives et à cinquante millions de francs CFA (US$105,706) pour l’élection présidentielle. Les candidats étaient également tenus, avant l’élection, de dresser des comptes de campagne retraçant l’origine des ressources et l’ensemble des dépenses à effectuer. Trente jours après le scrutin, tout candidat était tenu de déposer auprès de la Chambre des comptes de la Cour suprême, ses comptes de campagne accompagnés des pièces justificatives. Le candidat était exposé à une procédure pénale et à des sanctions telles qu’une amende de 10 millions de francs CFA (US$21,141) et cinq ans de déchéance civique en cas de dépassement des comptes prévus, et en dehors de la publication desdits comptes.

Ces dispositions ont été difficilement appliquées. La Chambre des comptes de la Cour suprême n’a pas été capable d’exercer le contrôle qui lui a été confié dans la loi de 1990. Les candidats ont généralement ignoré les conditions strictes qui leur sont imposées en vertu de la loi, sans que cela n’entraîne la moindre sanction, et en s’abritant parfois derrière leur ignorance de certaines dépenses que des « bonnes volontés » auraient faites à leur insu, en leur faveur.

La loi 94-013 du 17 janvier 1995 portant règles générales pour les élections du Président de la République et des membres de l’Assemblée nationale va un peu plus loin que la précédente. S’agissant des mesures de lutte contre la fraude et la corruption électorales, en dehors des dispositions relatives aux frais de campagne, la loi précise en son article 31 que :

Trois mois avant tout scrutin, et jusqu’à son terme, sont interdits les pratiques publicitaires à caractère commercial, les dons et libéralités ou des faveurs administratives faites à un individu, à une commune ou à une collectivité quelconque de citoyens, à des fins de propagande pour influencer ou tenter d’influencer le vote. L’utilisation des biens ou moyens d’une personne morale publique, institution ou organisme public, aux mêmes fins est interdite, notamment ceux des sociétés, offices et projets d’État. L’usage des attributs, biens et moyens de l’État, des sociétés d’État et des projets est également interdit. 

L’article 33 interdit aux associations et ONG de soutenir des candidats et des partis. L’article 34 prévoit le remboursement des frais de campagne électorale aux partis politiques en tenant compte du nombre d’élus de chaque parti ou du pourcentage de 10% obtenu par tout candidat à la présidentielle. Plusieurs dispositions pénales sanctionnent les règles relatives à l’inscription sur les listes électorales, à la campagne électorale, aux dépenses électorales, au déroulement du scrutin, etc.

La loi n° 98-034 du 15 janvier 1999 portant règles générales pour les élections en République du Bénin n’a pas réellement modifié ces dispositions. La loi n° 2000-18 du 03 janvier 2001 portant règles générales pour les élections en République du Bénin a, quant à elle, procédé à quelques innovations. S’agissant de la propagande électorale, en dehors des mesures traditionnelles de lutte contre la fraude et la corruption électorales, le régime de la campagne électorale s’enrichit de nouvelles dispositions : l’interdiction aux autorités administratives et aux membres de la CENA

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1 1 2 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

et de ses démembrements de se prononcer sur, de soutenir ou de dénigrer une candidature quelle qu’elle soit.187

Sur le plan du scrutin, la nouvelle loi introduit le bulletin unique dans le système électoral,188 offrant ainsi l’occasion de diminuer une forme de fraude électorale par rétention des bulletins d’un ou plusieurs candidats ou liste(s) de candidats. Certains électeurs gardaient par devers eux, des bulletins de candidats pour lesquels ils n’ont pas voté pour démontrer, contre rémunération, à certains candidats ou à leurs partisans, que seul leur bulletin avait effectivement été déposé dans l’urne. Ils apportaient ainsi la preuve de leur vote en faveur du candidat, du parti ou de la liste dont ils n’avaient plus le bulletin. Et le membre de la famille politique choisie leur donnait une récompense, souvent une somme d’argent. Avec le bulletin unique, cette pratique n’est plus possible puisque le seul bulletin doit nécessairement être déposé dans l’urne. Diverses dispositions relatives surtout au déroulement du scrutin et au dépouillement sont précisées tenant compte des fraudes ou irrégularités constatées au préalable.

La loi n° 2005-14 du 28 juillet 2005 portant règles générales pour les élections en République du Bénin, part de ces acquis pour aller encore plus loin. S’agissant de la campagne électorale, la nouvelle loi rend illégales l’offre de tissus, de tee- shirts, de stylos, de porte clefs, de calendriers et autres objets utilitaires à l’effigie des candidats ou symboles des partis ainsi que leur port et utilisation, six mois avant le jour du scrutin, ce qui permet de limiter encore mieux qu’avant l’achat des consciences. Mais cette disposition, à l’instar de celles qui limite les frais de campagne, pose le problème de son contrôle effectif. Il faudrait poursuivre la réflexion sur cette question. En ce qui concerne le déroulement du scrutin, la nouvelle loi réduit la durée du scrutin à neuf heures pour permettre, dans la plupart des cas, d’achever le dépouillement sur place avant la tombée de la nuit.

F. Financement des électionsC’est l’État qui finance les élections au Bénin, mais très souvent avec l’appui des Partenaires techniques et financiers. Le Budget des élections, au sens large, comporte, non seulement le budget de la Commission électorale nationale autonome (CENA), mais aussi les budgets des autres structures qui ont un rôle plus ou moins direct dans les élections, comme la Cour constitutionnelle, juge du contentieux des élections nationales. Cette dernière institution recrute par exemple, lors de l’élection présidentielle, des personnes ressources supplémentaires pour l’aider à faire son travail de contrôle de la régularité du scrutin sur le terrain. La loi autorise en effet la Cour à sanctionner les irrégularités qu’elle pourrait elle-même relever. Mais, les développements qui suivent concernent uniquement le budget des élections, au sens strict de budget touchant à l’organisation du scrutin, en d’autres termes, le budget de la CENA.

L’examen des rapports des CENA successives révèle, au fil des ans, une prise en charge plus importante par le budget national des dépenses électorales, même si l’appui des partenaires, en nature, comme, en numéraire, n’a jamais fait défaut. Par exemple, pour les législatives de 1999, le gouvernement du Bénin par le ministère des finances a prévu les dépenses des élections

187 Article 36 alinéa 3.188 Article 60.

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au budget national, soit trois milliards cinq cent quarante sept millions deux cent soixante deux mille deux cents francs (3.547.262.200) CFA (US$ 7,5millions), mais les partenaires au développement ont apporté une assistance significative au Bénin dans le but de l’accompagner dans le processus démocratique.189 Pour la présidentielle de 2001, le gouvernement du Bénin a mobilisé un budget de six milliards cinq cent douze millions deux cent trente huit mille quatre cents francs (6.512.238.400) CFA (US$ 13,7 millions). Le PNUD a mis à la disposition de la CENA une somme de vingt cinq millions cinq cent francs (25.500.000F) CFA (US$ 53,910) pour les travaux de dépouillement (paiement des opératrices de saisie et achat du matériel de bureau. L’aide de l’Agence de la francophonie s’élève à dix millions six cent quatre vingt treize mille cent trente huit francs (10.693.138F) CFA (US$22,606) pour acquisition de matériel (fax et photocopieurs) au profit des Ambassades des zones francophones. Les gouvernements du Ghana et du Nigeria ont mis chacun à la disposition de la CENA 20 000 flacons d’encre indélébiles pour les premier et second tours, aux conditions ci- après : (i) les flacons vides devront être retournés à la commission électorale du Ghana ; (ii) l’assistance de la Commission nationale de la République du Nigeria est un prêt remboursable en nature ou en valeur financière correspondante.

On note donc que la tendance, au fil des ans, est la prise en charge complète par le budget national des dépenses électorales.

Un double problème est néanmoins à signaler par rapport à cette situation. Il s’agit premièrement de la nécessité de maitriser les dépenses électorales. Le budget de la CENA est ainsi passé de 1.704.115.300 FCFA (US$ 3,6 millions) en 1996 à 6.832.780.000 (US$ 14,5 millions) en 2001 à 12.285.786.000 FCFA (US$26 millions) en 2006. Pour ce qui est des législatives, il est passé de 1.144.946.900 (US$ 2,4 millions) en 1995 à 3.547.262.200 (US$ 7,5 millions) en 1999, à 6.668.200.000 (US$14 millions) en 2003, d’où l’inquiétude exprimée par la Commission des juristes indépendants et leur appel à une meilleure rationalisation des dépenses électorales,190 ce, d’autant qu’une partie de ce budget est financée par les partenaires techniques et financiers.

Deuxièmement, malgré l’autonomie de gestion de son budget par la CENA, une certaine dépendance de celle-ci vis-à-vis du gouvernement provoque une possibilité de manœuvres de la part de celui-ci pour empêcher la tenue des élections comme l’illustre l’encadré ci-dessous.

189 Parmi ces contributions, on peut citer : Danemark (8 000 urnes transparentes, 69 000 scellés et quatre conteneurs pour la

conservation des urnes) ; USAID (17 000 flacons d’encre indélébile, 40 000 scellés en plastique pour les urnes) ; France (6 200

isoloirs, 24 appareils de télécopie, 1 photocopieur de grande capacité et l’impression de guides de l’électeur, financement d’un

téléfilm pour la sensibilisation sur le bulletin unique) ; Canada (impression de 40 000 manuels de formation pour les agents

recenseurs et les membres de bureau de vote) ; PNUD (location d’ordinateurs pour la centralisation des résultats des élections

et la prise en charge de tout le personnel affecté à cette tâche ; Pays Bas (impression de 100 000 000 bulletins spécimen pour

la sensibilisation).190 GLELE Ahanhanzo Maurice (Président), Théodore Holo (Rapporteur) et autres, Rapport de la commission de juristes

indépendants sur le système électoral en République du Bénin, Cotonou, 27 avril 2007.

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1 1 4 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

Encadré 12: La cour constitutionnelle vole au secours des élections de 2006

Le Président Mathieu Kerekou devant achever son deuxième et dernier mandat constitutionnel

comme Président de la République en avril 2006, l’élection présidentielle devant permettre

de désigner son successeur devait avoir lieu en mars 2006. Comme ce fut le cas depuis 1995,

cette élection devait être organisée par la Commission electorale nationale autonome (CENA),

organe administratif indépendant, installé à quelques mois de chaque scrutin et qui reçoit les

fonds nécessaires à l’organisation de l’élection du gouvernement. Alors que deux mois s’étaient

écoulés depuis l’installation de la CENA et que le gouvernement, au motif de vouloir « ramener

les différents budgets de la CENA et des autres Institutions à des normes raisonnables », a

refusé de débloquer les ressources financières nécessaires à l’organisation du scrutin, deux

requérants saisissent, le 14 novembre 2005, la Haute Juridiction.

Ils exposent que : « Depuis bientôt deux mois, la Commission electorale nationale autonome,

malgré la volonté affichée de ses membres d’organiser dans le délai constitutionnel …les

consultations électorales …, se heurte à des obstacles liés essentiellement au non déblocage

par le ministère des Finances des fonds y afférents … Les activités de la CENA se trouvent …

bloquées et du coup le processus électoral (…) faute par le gouvernement d’avoir doté la CENA

des moyens financiers, l’installation des Commissions electorales départementales (CED)

par deux fois a été programmée et reportée » . Les requérants estiment donc que, sur la base

des articles 114 et 117 de la Constitution, et vu « … la nécessité de ne pas compromettre … le

déroulement de l’élection présidentielle de mars 2006 », la cour devrait constater « l’extrême

urgence commandée par le calendrier électoral établi par la CENA » et , d’une part, « enjoindre

au ministre des Finances et de l’Èconomie de mettre sans délai à la disposition de la CENA

2006 les moyens financiers dont elle a besoin pour accomplir sa mission », d’autre part, de

dire et juger : que « le terme constitutionnel du mandat actuel du Président de la République

est le 6 avril 2006 » ; que « la CENA est une structure autonome, un organe administratif et

technique indépendant des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire » ;(…) qu’il y a « obligation

constitutionnelle pour le gouvernement de doter la CENA des moyens financiers dont elle a

besoin pour accomplir sa mission ».

La Cour constitutionnelle, invoque alors l’article 114 de la Constitution, et précise que cette

disposition fait d’elle « l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité

des pouvoirs publics ». Elle ajoute « qu’en cette qualité, elle a compétence pour prendre toute

décision susceptible d’éviter la paralysie du fonctionnement régulier des institutions et des pouvoirs

publics ». Après avoir convoqué et écouté un ministre du gouvernement qui a confirmé que

les moyens financiers n’avaient pas encore été mis à la disposition de la CENA à la date du

17 novembre 2005, la Cour constate qu’il résulte des faits que « depuis son installation le

23 septembre 2005, la CENA ne dispose pas encore de moyens financiers pour démarrer

ses activités ; (…) le terme du mandat présidentiel en cours étant le 6 avril 2006 à minuit,

il urge que le processus électoral se poursuive ; qu’en conséquence, la Cour, organe

régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics, demande

au gouvernement et à l’Assemblée nationale de prendre en urgence toutes les mesures

administratives et législatives nécessaires au déroulement harmonieux du processus électoral

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pour l’élection du Président de la République en mars 2006, ordonne au gouvernement et

spécialement au ministre des Finances et de l’Économie de mettre dans les vingt-quatre (24)

heures de la présente décision à la disposition de la CENA une avance substantielle de fonds

pour assurer le démarrage immédiat de ses activités, dit et juge que la CENA devra gérer ces

fonds conformément aux règles de l’orthodoxie financière ».

Constatant que, deux à trois semaines après cette décision, le gouvernement n’avait toujours

pas débloqué de fonds pour la tenue du scrutin, trois requérants saisissent à nouveau la haute

juridiction. Le premier demande à la Cour de constater le non respect de sa décision DCC

05-139. Le deuxième invoque une série de dispositions constitutionnelles et demande à la

Cour de constater que le gouvernement, son chef et le ministre des Finances et de l’Économie

les ont violées. Quant au troisième, il introduit auprès de la Cour un « recours en vue de

débloquer le processus électoral ». La Cour accède à ses différentes demandes. Elle cite d’abord

l’article 124, alinéas 2 et 3, de la Constitution aux termes duquel : « … Les décisions de la Cour

constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et

à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles ».

Se basant sur le prolongement de cette disposition dans la Loi organique sur la Cour

constitutionnelle, notamment l’article 34 alinéas 2, 3 et 4 de la loi organique sur la Cour

constitutionnelle, la Cour rappelle que ces décisions « …doivent en conséquence être exécutées

avec la diligence nécessaire ». Elle en déduit que « le gouvernement est tenu d’exécuter la

Décision DCC 05-139 en mettant une avance substantielle à la disposition de la CENA. » La

Cour ajoute « qu’en se comportant comme ils l’ont fait, le gouvernement et le ministre des

Finances et de l’Économie ont violé par ailleurs l’article 35 de la Constitution aux termes duquel

« Les citoyens chargés d’une fonction publique ou élus à une fonction politique ont le devoir

de l’accomplir avec conscience, compétence, probité, dévouement et loyauté dans l’intérêt et le

respect du bien commun ».

Le gouvernement finira par se plier aux injonctions de la Cour, surtout que la société civile avait

organisé une cotisation nationale au profit de la Commission electorale nationale autonome

(CENA) pour lui permettre d’organiser le scrutin et que les partenaires au développement

avaient décidé de financer directement la CENA. Le gouvernement ne pouvait dès lors que jouer

sa partition, au risque de voir l’élection se tenir sans sa participation financière.

S o u R C e S : Cour constitutionnelle, décision DCC 05-139 du 17 novembre 2005, Recueil 2005, pp.681 et suivantes ; décision DCC 05-145 du 1er décembre 2005, Recueil 2005, pp.721 et suivantes.

G. L’observation des électionsAu début du processus démocratique dans les années 1990, le Bénin recevait plusieurs observateurs internationaux à chaque cycle électoral. Les missions internationales d’observation des élections arrivent désormais en nombres de moins en moins importants avec les cycles plus récents des élections, et des organisations de la société civile béninoise se sont de plus en plus organisées pour procéder à l’observation nationale des élections et produire des rapports publics. L’observation des élections par les organisations nationales ne connait généralement

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1 1 6 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

aucune entrave notable. Les ONG concernés reçoivent même des financements des partenaires techniques et financiers, au même titre que les structures de l’État impliquées dans les élections.

Quant aux organes de presse, nationaux, comme étrangers ils ont toujours été libres d’observer les élections et de publier des tendances sans aucun problème. La seule exigence qui leur est faite est de préciser qu’il ne s’agit pas de résultats officiels et que seuls les organes habilités devraient procéder à la proclamation officielle des résultats.

H. La validité des résultats et résolution judiciaire des disputes électorales

Tout le contentieux des élections législatives et présidentielles est tranché par la Cour constitutionnelle.191 La Cour intervient à pratiquement toutes les phases du processus électoral pour trancher les litiges et contestations qui en naissent, y compris  : le contrôle de constitutionnalité des lois électorales, le contrôle du déroulement de la campagne électorale et du scrutin, et les contestations sur les résultats du scrutin.192

Unicité du contentieux électoralContrairement beaucoup de pays francophones, le Bénin ne fait pas de différence dans le traitement judiciaire du contentieux électoral selon que ce contentieux porte sur la liste électorale ou sur les résultats du scrutin. Dans la tradition de plusieurs pays francophones, en effet, les contestations ou disputes portant directement et uniquement sur les inscriptions, les refus d’inscription, les radiations ou les omissions dans l’établissement des listes électorales relèvent des tribunaux judiciaires ordinaires. Seul le contentieux relatif aux résultats des scrutins relève dans ces pays d’un juge électoral spécial, le conseil d’État ou la cour constitutionnelle ou encore le conseil constitutionnel selon le pays. C’est le cas, par exemple, des pays suivants : Belgique, Burina Faso, Côte d’Ivoire, France, Mali et Sénégal.

La compétence des tribunaux judiciaires en matière de listes électorales se justifie dans ces pays par le fait que l’inscription, le refus d’inscription, les radiations ou omissions dans l’établissement des listes, renvoient à l’établissement ou à la contestation de la qualité d’électeur et relèvent donc du domaine de l’état civil des personnes, domaine de compétence traditionnelle des tribunaux judiciaires ordinaires.

Au Bénin, la Cour constitutionnelle en tant que garante de la régularité des élections présidentielles et législatives, connaît de toutes les irrégularités touchant aux listes électorales et aux cartes d’électeurs, considérées comme partie intégrante de tout le processus électoral. Tout citoyen peut donc présenter une réclamation en inscription ou en radiation en introduisant un recours par simple lettre adressée à la Cour constitutionnelle.193 Ce choix du législateur béninois peut paraître curieux. C’est que, simplement, le législateur béninois refuse de confiner l’intervention du juge électoral à l’après scrutin, c’est-à-dire à l’analyse des contestations du scrutin. Il veut que l’ensemble des questions suscitant un contentieux soit soumis à un seul et

191 Article 117 de la Constitution. Pour le reste de ce chapitre, voir Gilles Badet, Cour constitutionnelle et régularité des élections au

Bénin, Cotonou, Fondation Friedrich Ebert, 2000.192 Articles 49,81 et 117 de la Constitution.193 Article 56, loi no 91-009 du 4 mars 1991 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle.

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même juge, le juge électoral. Cette vision est d’ailleurs clairement affichée dans les textes qui prévoient que « tout le contentieux électoral » relatif aux élections présidentielles ou législatives est soumis à la Cour constitutionnelle qui statue conformément aux textes en vigueur, ce qui dénote une volonté du législateur, celle de remettre le contentieux aussi bien des actes préparatoires du scrutin, du scrutin lui-même que du dépouillement et des résultats, à un juge unique, le juge électoral.

Dans un pays à forte densité d’analphabètes, la démarche n’est pas sans mérite puisque la personne qui conteste telle ou telle question liée aux élections présidentielles ou législatives n’a pas à se demander quelle est la juridiction compétente. Il en existe une seule, la Cour constitutionnelle. Et comme le contentieux des listes électorales doit en plus être réglé très rapidement, le citoyen qui ne sait pas à quelle juridiction adresser sa réclamation risque de ne pas avoir de suite à sa réclamation puisqu’une juridiction se déclarera incompétente et que, du fait du retard, celle compétente finira par déclarer la requête irrecevable.

Le choix du législateur béninois est donc salutaire pour les requérants éventuels qui savent que c’est la Cour constitutionnelle qui règle tous les « problèmes » liés aux élections nationales, requérants qui auraient peut-être été un peu perdus en cas de répartition de compétence entre la Cour constitutionnelle, juge électoral et le juge civil. Mais dans la perspective prochaine d’une liste électorale permanente informatisée, on pourrait envisager un contentieux des listes électorales hors périodes électorales. Dans ce cas, ce contentieux pourrait relever en premier ressort des juridictions civiles, quitte à envisager des recours à la Cour constitutionnelle, en cas de non satisfaction.

Risque de partialité de la Cour constitutionnelle en matière de conten-tieux des résultats de l’élection présidentielle Le système actuel de l’organisation du contentieux des résultats de l’élection présidentielle expose la Cour constitutionnelle aux risques de partialité. Un tel risque a été exposé en 2001 lorsque les candidats Soglo et Houngbédji, arrivés respectivement en deuxième et troisième positions au premier tour de l’élection présidentielle, ont désisté et refusé de participer au deuxième tour pour protester contre « les tripatouillages » qu’ils croyaient avoir relevé dans le scrutin, notamment, en relation avec la liste électorale qu’ils ont estimé non fiable. La Cour constitutionnelle, saisie de leur requête, n’a pas considéré leur réclamations comme pertinentes.

Ce risque provient de la confusion des compétences de la cour constitutionnelle et de la délimitation floue du champ de ces compétences avec celles de la CENA. L’article 117 de la Constitution prévoit que « La Cour constitutionnelle.... veille à la régularité de l’élection du Président de la République, examine les réclamations, statue sur les irrégularités qu’elle aurait pu par elle-même relever et proclame les résultats ». Or, aux termes du même article, en ce qui concerne les élections législatives, la Cour est seulement chargée « de statuer, en cas de contestation » sur leur régularité.

Au moment où ces textes étaient rédigés, le Bénin n’avait pas de CENA. Avec l’avènement de cette institution, il est apparu que deux institutions devraient désormais être destinataires des résultats électoraux en provenance du terrain (mairie, préfecture et ministère de l’intérieur reçoivent aussi pour archivage). Cela a entraîné des cafouillages, chacune des institutions donnant parfois des résultats différents de ceux donnés par l’autre.

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1 1 8 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

Dans la pratique et la législation actuelles, les résultats venant des démembrements de la CENA sont transmis en même temps à la Cour constitutionnelle et à la CENA. Chaque institution fait son travail de recensement et dispose de son total presque en même temps. La Cour ne prend donc pas comme point de départ les résultats de la CENA pour en faire la correction sur la base des recours. De plus, la Cour a un pouvoir de redressement et d’annulation des voix. Les résultats proclamés de part et d’autre ne seront donc jamais les mêmes.

Enfin, en matière d’élections présidentielles, la Cour s’autosaisit des irrégularités, et procède, avant tout recours, aux réajustements et annulations de voix nécessaires avant de proclamer les résultats qui sont censés être provisoires. Il s’ouvre alors une période de cinq jours où les candidats peuvent contester ces résultats. C’est après examen de ces contestations que la Cour proclame les résultats définitifs.

Mais, à dire vrai, cette période de cinq jours ne sert à rien. La Cour estime quasi systématiquement qu’elle a déjà relevé elle-même les différentes irrégularités, de sorte que les résultats provisoires deviennent toujours définitifs. En fait, tout requérant, dans ce délai, demande à la Cour constitutionnelle de se déjuger. La tendance pour la Cour de banaliser ou de négliger les requêtes est grande. Et elle l’a fait aussi bien en 1996 qu’en 2001 .Elle a considéré chaque fois avoir déjà fait le travail demandé, avec l’aide de ses délégués sur le terrain qui ont pu lui transmettre des rapports sur les irrégularités constatées, et que les irrégularités, lorsqu’elles ont été avérées, ont déjà été sanctionnées. Autrement dit, la Cour constitutionnelle veut faire croire qu’avec l’aide de délégués, dont les critères de recrutement n’ont pas été imposés par la loi, elle a réussi, en envoyant quelques uns de ces sept membres sur le terrain, à détecter toutes les irrégularités qui ont pu entacher l’élection présidentielle sur tout le territoire national.

Cette attitude s’explique par le fait que la Cour ne peut pas se déjuger. Cette faille dans le système du contentieux électoral ne peut être corrigée que par une réorganisation de la répartition des compétences entre la cour et la CENA. Il conviendrait à cet effet que:

• Soit, la CENA proclame les résultats provisoires et la Cour, sur la base des recours et de ses observations personnelles, opère les corrections utiles en vue de la proclamation définitive des résultats. L’organisation du scrutin prendrait un peu plus de temps dans ce cas.

• Soit, la CENA se contente de collecter et de centraliser les résultats qu’elle transmet à la Cour constitutionnelle qui a l’exclusivité de la proclamation des résultats, dans les textes et dans la réalité.

En ce qui concerne le contentieux des élections communales, la loi l’a confié à la Cour suprême et le moins qu’on puisse dire est que ce n’est pas un bon choix. La preuve ; Plus d’une année après les élections municipales, communales et locales de 2008, ce contentieux n’est toujours pas vidé. Or, si l’on peut comprendre que sous l’ancien système judiciaire, la chambre administrative de la Cour suprême était la seule juridiction administrative du pays, depuis l’avènement de la nouvelle loi sur l’organisation judicaire, le pays connait maintenant une organisation de juridictions administratives de la base (tribunal) jusqu’au sommet (Cour suprême) ? Il serait donc temps que le contentieux des élections municipales, communales et locales soit distribué dans l’ensemble de cet appareil juridictionnel de manière à régler le problème de l’engorgement.

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4 . L E S É L E C T I O N S 1 1 9

On pourrait par exemple considérer que le contentieux des locales (conseils de villages ou de quartiers de villes, unités administratives les plus basses) relève des chambres administratives des tribunaux d’instance, avec possibilité d’appel et de cassation. Le contentieux des communales et municipales pourrait quant à lui relever de la compétence des chambres administratives des cours d’appel avec possibilité de cassation.

Encadré 13: Les pouvoirs respectifs de la Cour constitutionnelle et de la CENA, d’après Nicéphore Dieudonné Soglo, ancien Président de la République, maire de Cotonou

La Constitution du 11 décembre 1990 a 15 années d’existence déjà, quelle appréciation faites-

vous de sa pratique ?

La Constitution est un outil mis en place au sortir de la conférence nationale pour réguler la

vie de la nation. C’est une œuvre humaine. Comme l’a rappelé la Présidente de notre parti

politique, toute Constitution prévoit sa révision. Il y a des débats autour de cette Constitution.

Je ne reviendrai pas là-dessus. Il faut maintenant dépassionner ce débat là et n’avoir dans

son champ de vision que les intérêts du pays. Je n’ai que deux points qui me posent quelques

problèmes dans cette Constitution. Il y a d’abord les pouvoirs exorbitants conférés à la Cour

constitutionnelle. Dans une interview que j’ai accordée au journal le Matinal j’ai eu à me

prononcer là-dessus. Nous avons fait de la Cour constitutionnelle une institution au-dessus de

la mêlée dont les décisions sont sans appel, donc une institution quasi infaillible.

Or, en 2001, elle a pu ignorer les listes déjà contestables de la CENA pour s’appuyer, prétendit-

elle, sur des listes envoyées des bureaux de vote. Dans tous les pays, la chose à laquelle on

ne touche pas, même en cas de faute grossière, c’est la liste électorale. Elle constitue une

donnée de base de toute consultation électorale. Ce qui provient des bureaux de vote ne peut,

en aucune façon, servir de base ou de référence. Or c’est ce qui s’est passé, c’est ce sur quoi

s’est appuyée la cour. Je ne veux pas revenir là-dessus. Un grand nombre de juristes étrangers

ont trouvé cela absolument scandaleux à l’époque. On doit donc modifier le pouvoir de la

cour, le pouvoir de faire ce qu’elle veut. Sinon, elle nous conduira tout droit au gouvernement

des juges. Ce qui est un désastre pour toute véritable démocratie et qui risque d’aboutir

à une violente contestation si on ne s’y prend pas tôt, parce que la pratique de notre cour

constitutionnelle ne satisfait personne et ne peut satisfaire personne.

En 1996, les membres de cette Cour ont été fantastiques. Ils ont pratiquement absorbé les

pouvoirs de la CENA. Si on me demandait mon opinion, je militerais pour la suppression de

la cour constitutionnelle ou du moins son intégration dans la Cour suprême en tant l’une des

chambres de cette institution. Les compétences de la Cour constitutionnelle ne peuvent pas

être maintenues en l’état. Il vaut mieux régler les problèmes aussi graves, aussi sensibles à

froid. Tout le monde peut alors dire ce qu’il a sur le cœur, vider sa conscience. Le Bénin tient un

rôle phare dans les expériences démocratiques en cours en Afrique. Il faut à tout prix continuer

de tenir ce rôle.(…)

Vous l’avez souligné, la Constitution est une œuvre humaine, elle n’est donc pas parfaite et a

besoin d’amélioration. Que préconisez-vous ?

Page 136: AfriMAP Benin Democ Principal

1 2 0 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

Je pense que vos journées de réflexion sur la Constitution vont permettre de régler un certain

nombre de problèmes. (…) Enfin, je voudrais que nous allions vers le couplage des élections

présidentielles, municipales et locales, sinon on va toujours continuer à tendre la main pour les

organiser. Et puis, un pays qui est en permanence en campagne électorale s’éloigne visiblement

des horizons du développement. Ce n’est pas responsable.

S o u R C e : IDH et Chaire UNESCO, Journées de réflexions sur la Constitution du 11 décembre 1990, Les actes, Cotonou, 7 et 8 Aout 2006, 2007, pp.190–191.

I. Recommandations

Sur la nécessité d’une stabilité du cadre juridique des élections au BéninLes lois électorales béninoises dénotent une recherche constante du meilleur système électoral possible. Elles révèlent aussi parfois le manque de responsabilité des acteurs politiques, qui tantôt, prévoient des textes inapplicables, tantôt manquent des occasions de mettre en œuvre les dispositions légales qu’ils ont eux-mêmes prévues.

Il est donc urgent que les députés et le gouvernement s’inspirent des nombreuses études aujourd’hui disponibles pour améliorer le système électoral béninois dans le sens de sa professionnalisation en constitutionnalisant par exemple une CENA à composition légère, s’appuyant, entre autres acteurs sur les élus locaux.

Il est également urgent que les juridictions mettent effectivement en œuvre les dispositions du droit pénal électoral, afin que les différents acteurs électoraux répondent de leurs actes et que les périodes électorales ne soient plus les moments de toutes les magouilles, de toutes les compromissions et de l’enrichissement illicite.

S’agissant plus particulièrement des dispositions relatives à l’élection présidentielle, les cinq points suivants méritent des améliorations:

(1) La Constitution doit prévoir la possibilité pour la Cour constitutionnelle ou la CENA d’avoir à convoquer le corps électoral lorsque le Président de la République ne le fait pas dans un certain délai et les délais de convocation du corps électoral doivent être beaucoup plus antérieurs à ceux en cours actuellement, d’où une refonte des articles 45 et 46 de la Constitution.

(2) La proclamation des résultats du premier tour doit être clairement provisoire et permettre les recours devant déboucher sur les résultats définitifs. L’article 49 de la Constitution ne semble avoir envisagé cela que pour le deuxième tour.

(3) Le délai de quinze jours entre les deux tours doit avoir comme point de départ, la proclamation définitive des résultats du premier tour.

(4) Le désistement ne doit être possible que dans un délai maximum de 48 heures après les résultats définitifs du premier tour.

(5) La Cour constitutionnelle doit cesser d’être juge et partie en se cantonnant au contentieux.

Page 137: AfriMAP Benin Democ Principal

4 . L E S É L E C T I O N S 1 2 1

Sur les recommandations de la Commission des juristes indépendantsIl est important de mettre en œuvre toutes les recommandations émises par la Commission des juristes indépendants sur l’organisation des élections et la réforme du système électoral. Le Président de la République et le Parlement doivent travailler de concert à l’amorce d’un processus de mise en œuvre législative et administrative afin que l’essentiel de ces recommandations soient effectives avant les élections présidentielles et législatives de 2011.

Page 138: AfriMAP Benin Democ Principal

1 2 2 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

5

Le système partisan et le statut de l’opposition

Les partis politiques se forment et exercent librement leurs activités. Une charte des partis politiques détermine les conditions d’exercice de cette liberté, y compris l’obligation de respecter les principes de la souveraineté nationale, de la démocratie, de l’intégrité territoriale et de la laïcité de l’État.  Le paysage partisan du Bénin est caractérisé par une atomisation accentuée, avec plus de 100 partis agréés au 14 juin 2007. Cet émiettement a paradoxalement servi d’atout démocratique en tant qu’il a privé le Président de la République d’une majorité automatique à l’Assemblée nationale alors qu’il dispose déjà de pouvoirs importants dans le système présidentiel béninois. En revanche, la composition des partis politiques et leur fonctionnement ne facilitent pas une participation optimale des acteurs politiques au processus démocratique et au développement socioéconomique du pays. Le statut de l’opposition contient une longue liste de droits et avantages divers offerts aux partis politiques qui ne se reconnaissent pas dans l’équipe au pouvoir. Cependant, son respect est largement lié à la bonne volonté du pouvoir en place.

A. Cadre juridiqueLa Charte des partis politiques définit le parti politique comme un groupement de citoyens, formés en vue de promouvoir et défendre des projets de sociétés et des programmes politiques. Dans leur vocation à conquérir le pouvoir d’État ou à participer à la représentation du peuple au niveau local et national, les partis politiques concourent à la formation de la volonté politique et à l’expression du suffrage universel par des moyens démocratiques et pacifiques.194

194 Article 2, loi 2001-21 du 21 février 2003 portant Charte des partis politiques.

Page 139: AfriMAP Benin Democ Principal

5 . L E S Y S T È M E P A R T I S A N E T L E S TAT U T D E L’ O P P O S I T I O N 1 2 3

Les partis politiques doivent exprimer leurs objectifs dans leur programme politique, et ces objectifs doivent « contribuer à la défense de la démocratie et de la souveraineté nationale (…), la sauvegarde de l’unité nationale (…), la protection des libertés fondamentales et des droits de la personne ».195 Doivent être proscrits des objectifs ou programmes des partis politiques, «  … l’intolérance, le régionalisme, l’ethnocentrisme, le fanatisme, le racisme, la xénophobie, l’incitation et/ ou le recours à la violence sous toutes ces formes. » Concrètement, aucun parti ne peut fonder sa création et son action sur une base et/ou des objectifs comportant le sectarisme et le népotisme, l’appartenance exclusive à une confession, à une philosophie, à un groupe linguistique ou à une région, l’appartenance à un même sexe, à une ethnie ou à un statut professionnel déterminé, l’appartenance à une association de développement ou à une organisation non gouvernementale.196 Les partis politiques ne doivent porter atteinte ni à la sécurité, ni à l’ordre public, ni aux droits et libertés individuels ou collectifs.197

Les conditions et la procédure à suivre pour la création d’un parti politique sont déterminées par les articles 15 à 29 de la Charte des partis politiques. Les personnes désirant créer un parti politique doivent faire une déclaration administrative en déposant un dossier auprès du ministre chargé de l’intérieur. Ce dossier comprend un certain nombre de pièces dont le procès verbal de la réunion constitutive du parti politique, quatre exemplaires des statuts et règlements intérieurs, quatre exemplaires du projet de société, les actes de naissance, certificats de nationalité, attestation de résidence et casiers judiciaires des membres fondateurs, la dénomination du parti et l’adresse complète du siège prévu pour le parti. Un numéro d’arrivée est immédiatement communiqué au déposant du dossier ou expédié par courrier administratif dans un délai de deux mois. Ce même délai de deux mois permet au ministre en charge de l’intérieur de procéder, au besoin, à toute étude utile, à toute recherche et enquête nécessaire au contrôle de la véracité du contenu de la déclaration. La conformité à la loi s’apprécie non seulement par rapport aux exigence de la loi en matière d’objectifs, de buts et de programmes des partis politiques tels qu’examinés ci-dessus, mais aussi par rapport au nombre et à la provenance des membres fondateurs. La loi prévoit en effet que le nombre des membres fondateurs d’un parti politique ne doit pas être inférieur à dix par département. Le nombre de départements étant de 12 en janvier 2010, aucun parti politique ne peut donc être formé sans un minimum de 120 membres en provenance de tous les départements du pays. Ces membres doivent être âgés de dix huit ans au moins, être de nationalité béninoise, jouir de leurs droits civils et politiques et ne pas avoir été condamnés à une peine afflictive ou infamante, avoir, en ce qui concerne les dirigeants, leur domicile ou leur résidence sur le territoire national.

Après le contrôle de conformité et dans un délai de deux mois, le ministre chargé de l’intérieur délivre un récépissé de la déclaration au mandataire du parti politique, avec avis de réception. Si à l’expiration du délai de deux mois, aucune notification n’est faite, le dossier est réputé conforme à la loi. Dans le cas où le récépissé n’est pas délivré dans le délai de deux mois pour non-conformité à la loi, le ministre est tenu de procéder à une notification motivée au parti politique concerné au plus tard 8 jours avant l’expiration du délai de deux mois. Ce parti

195 Article 3, idem.196 Article 5, idem.197 Article 8, idem.

Page 140: AfriMAP Benin Democ Principal

1 2 4 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

politique peut saisir la chambre administrative de la Cour suprême dans le délai de 15 jours de la notification. La Cour est tenue de statuer en procédure d’urgence.

La publication au journal officiel doit intervenir dans les deux mois qui suivent la réception du récépissé. Elle est faite par les responsables du parti politique dans le délai de deux mois après réception du récépissé (ou deux mois après le dépôt du dossier en cas de silence de l’administration qui n’a pas délivré de récépissé dans ce délai). Au terme de la procédure de publication, le parti politique acquiert définitivement la personnalité morale.

B. Le paysage partisanLa Conférence nationale de 1990 a opté pour le multipartisme intégral ; elle a rejeté toutes les propositions de réduction a priori du nombre de partis politiques. Au sortir de la dictature du parti unique, ce choix s’imposait ; la majorité des béninois optait pour l’exercice intégral de toutes les libertés politiques. Il était mal perçu d’organiser une démocratie contrôlée, un multipartisme limité du type de celui qu’a expérimenté le Sénégal de 1976 à 1981. La loi n° 90-23 du 13 août 1990 prévoyait donc simplement que le nombre de membres fondateurs nécessaires à la création d’un parti politique devrait être de trois par département. Comme il n’y avait que six départements, il suffisait donc de se retrouver à dix huit personnes pour créer un parti politique. Ainsi, les partis politiques ont proliféré, ce qui a entraîné, avec l’application de la représentation proportionnelle, «  une atomisation sans précédent du paysage politique béninois  ».198 Le nombre de partis politiques est passé de 36 aux législatives de 1991 à 115 à la veille des législatives de 1999.

La représentation de ces différents partis politiques à l’Assemblée nationale est un bon repère pour mesurer leur vraie capacité de mobilisation ainsi que l’émiettement que crée la multitude de partis politiques sur la vie politique. Pour faciliter la comparaison, il est intéressant de prendre comme point de départ, la deuxième législature quand le nombre de députés est passé de 60 à 83.

Au total, de toute l’histoire des élections législatives au Bénin du renouveau démocratique (depuis 1990), la Renaissance du Bénin (27 députés aux législatives de 1999) détient toujours le record du meilleur score obtenu par un parti politique, c’est à dire sans alliance devant le PRD (19 députés en 1995). Quant à l’UBF (Union pour le Bénin du futur), il détenait avant 2007 le record de score d’une alliance, soit 31 députés en 2003. Comparable à la liste « Force Cauris pour un Bénin émergent » (FCBE), cette alliance était néanmoins plus large et regroupait la plupart des grands partis de la classe politique traditionnelle. Désormais, avec 35 députés en 2007 (et ce, jusqu’en 2011), c’est donc la liste FCBE qui détient le record d’élus.

Toutefois, et paradoxalement, un multipartisme prononcé a constitué un atout pour l’existence des nécessaires contre poids démocratiques, même si la santé d’une démocratie pluraliste ne saurait se mesurer à la présence d’un très grand nombre de partis politiques. Il s’agit souvent de micro-partis, formés sur des bases ethno-régionales, de partis fragiles, constamment menacés par les querelles intestines et les scissions, de partis qui se font et se défont au gré des intérêts conjoncturels des «  grands électeurs  » du pays. La multitude des partis politiques a provoqué un émiettement de la représentation nationale qui, aggravé par la

198 Stéphane BOLLE, « L’État de droit et de démocratie pluraliste au Bénin, Bilan et perspectives », in, http://www.la-constitution-

en-afrique.org/article-13784862.html.

Page 141: AfriMAP Benin Democ Principal

5 . L E S Y S T È M E P A R T I S A N E T L E S TAT U T D E L’ O P P O S I T I O N 1 2 5

Tableau 3 : Nombre de sièges par parti à l’Assemblée nationale depuis 1995

Nom du parti 1995–1999a

1999–2003b

2003–2007c

2007–2011

Force Cauris pour un Bénin émergent (FCBE)

– – – 35

Union pour le Bénin du futur (UBF) – – 31 –

Alliance pour une dynamique démocratique (ADD) – regroupant les militants de la RB, du PSD et du MADEP

– – – 20

La Renaissance du Bénin (RB) 21 27 15 –

Parti du Renouveau Démocratique (PRD) 19 11 11 10

Front d’action pour le renouveau, la démocratie et le développement (FARD–Alafia)

10 10 – –

Parti social démocrate (PSD) 8 9 – –

Mouvement africain pour la démocratie et le progrès (MADEP)

– 6 9 –

Force clé – – 5 4

Union pour la démocratie et la solidarité nationale (UDS)

5 – – –

Rassemblement des démocrates pour la liberté et la reconstruction nationale (RDL–Vivoten)

3 – – –

Union pour la relève (UPR) – – – 3

Alliance IPD (Impulsion pour le progrès et la démocratie)

3 4 2 –

Alliance etoile – 4 3 –

Car–Dunya – 3 – –

Notre cause commune (NCC) 3 – – –

Merci – 2 – –

La Nouvelle alliance (LNA) – – 2 –

Alliance MDC–Parti socialiste (PS)–CPP – – 2 –

Nouvelle génération FDDM–UNSP (Union nationale pour la solidarité et le progrès)

2 – – –

Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP)

– – – 2

Alliance du renouveau (AR) – – – 2

Coaliation pour un Bénin émergeant (CBE) – – – 2

FE – – – 2

Autres (un député chacun)d 9e 7f 3g 3

Total 83 83 83 83

Note : Ce tableau reflète la répartition des sièges en début des législatures; il ne considère pas les sièges gagnés ou perdus par les partis et coalitions en cours de législature.

Page 142: AfriMAP Benin Democ Principal

1 2 6 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

a Cf. Cour constitutionnelle, Proclamation des résultats définitifs des élections législatives du 28 mars 1995, Recueil des décisions,

élections législatives 1995, 1er volume, p.67 et suivantes et Cour constitutionnelle ; Proclamation des résultats définitifs des élections

législatives partielles du 28 mai 1995 dans la première circonscription électorale du département de l’Atlantique et dans la

troisième circonscription électorale du département du Borgou, Recueil des décisions, élections législatives 1995, 2ème volume, p.229

et suivantes.

b cf. Agapit Napoléon MAFORIKAN, Le Parlement béninois en marche, Cotonou, Friedrich Ebert Stiftung, 1999 ; Cour

constitutionnelle, Proclamation des résultats définitifs des élections législatives du 28 mars 1995,

c Cour constitutionnelle, Proclamation des résultats définitifs des élections législatives du 30 mars 2003, Recueil des décisions,

élections législatives 2003, p.49 et suivantes.

d Les plus petits partis sont ici identifiés uniquement par leurs sigles en note de bas de page. Leurs dénominations complètes

sont indiquées dans la liste en annexe II à la fin de ce rapport.

e RAP, ADD, ASD, PCB, ADP, MNDD, Alliance caméléon, UNDP, et RDP.

f PDB, PS, RUND, Ensemble, RDP, RPR-UNSD, Alliance Suru.

g AFP, le RDP, le MDS ALO de ALOME.

transhumance politique, a empêché les présidents de la République successifs de disposer d’une majorité parlementaire automatique.199 L’absence d’une majorité automatique a largement contrebalancé l’immensité des pouvoirs du Président de la République dans le système politique et constitutionnel béninois.

La question est de plus en plus posée de savoir s’il est préférable de laisser le spectre politique se décanter, pour que le nombre de partis se réduise spontanément et durablement dans des proportions raisonnables, ou plutôt s’il faut légiférer pour créer de nouveaux garde-fous au multipartisme intégral.200

Des lois votées au Parlement ont toutefois essayé de corriger les excès et dérives du système. La Charte des partis politiques élaborée en 2003 était une tentative de « canaliser » la prolifération des partis politiques. Elle dispose que pour créer un parti politique, il faut qu’il y ait au moins dix membres fondateurs par département, ce qui fait, en comptant les douze départements, 120 béninois. L’article 7 dispose :

Les partis politiques sont tenus de participer aux élections nationales et locales. Tout parti politique perd son statut s’il ne présente pas, seul ou en alliance de candidats, à deux élections législatives consécutives. La décision de retrait de l’enregistrement délivré est prise par arrêté du ministre chargé de l’intérieur et publiée au journal officiel de la République du Bénin. Le recours en annulation contre l’arrêté du ministre chargé de l’intérieur est suspensif.

Mais les effets recherchés par cette loi n’ont pas été atteints, du moins, pas entièrement : aux législatives du 25 mars 2007, 16 partis et dix alliances de partis ont concouru (4 316 candidats pour 83 sièges).

199 Stéphane Bolle, idem.200 Stéphane Bolle, idem.

Page 143: AfriMAP Benin Democ Principal

5 . L E S Y S T È M E P A R T I S A N E T L E S TAT U T D E L’ O P P O S I T I O N 1 2 7

Les dispositions de la Charte n’ayant pas été suffisants pour réduire la prolifération des partis, le président Boni Yayi a constitué en 2007 une « Commission des juristes indépendants sur la réforme du système électoral » en charge de réfléchir, entre autres, sur des propositions visant à contrôler la prolifération des partis politiques. La Commission a notamment proposé l’adoption d’un scrutin mixte « permettant l’élection d’une partie des députés au scrutin majoritaire à un tour, l’autre partie des députés à la représentation proportionnelle », estimant qu’une telle réforme  «  est de nature à favoriser le regroupement des forces politiques, ce qui clarifierait l’échiquier politique et faciliterait le choix de leurs élus par les citoyens  ». Le risque majeur de cette formule est qu’elle ouvre la voie à la possibilité de trop déséquilibrer les institutions en faveur du Président de la République, quasiment assuré de disposer d’une majorité à l’Assemblée nationale.201 On ne peut en effet perdre de vue le risque de présidentialisme lié à l’ « assujettissement » du Parlement au Président de la République qui est déjà particulièrement fort dans le système constitutionnel béninois.

Les alliances entre partis politiques pourraient réduire les effets négatifs de l’émiettement des partis. Mais l’expérience montre que les regroupements ont été créés autour de et sous l’impulsion du Président de la République en fonction et n’ont souvent pas survécu à ce dernier. L’Union pour le Bénin du futur (UBF), par exemple, a été créée sous le Président Kerekou au pouvoir entre 1996 et 2006, tandis que les Forces Cauri pour un Bénin émergent (FCBE) ont été constituées sous le Président Yayi au pouvoir depuis 2006.

Les rivalités de leadership entre dirigeants des partis empêchent également la Constitution et la durabilité des regroupements des partis. Le phénomène de regroupement politique le plus fréquent est celui par lequel les partis proclament leur soutien au Président de la République en fonction, une stratégie qui leur vaut d’être invités aux débats sur les partages de postes après les victoires aux élections. L’autre constat est que ces regroupements ne se font pas autour de programmes de développement. Il n’y est souvent question que de stratégie pour conserver le pouvoir au profit de leur leader afin de continuer à être « du bon côté ».

Du côté de ce qui est assimilable à l’opposition en début 2010, on peut signaler que l’Alliance pour une dynamique démocratique (ADD), créée à la veille des élections législatives de 2007, et composée, au départ, de trois partis (RB, PSD, MADEP) pour ne compter que ceux qui ont un député à l’Assemblée nationale a élargi ses rangs au Parti du Renouveau démocratique (PRD) pour former le Groupe des 4 (G4). Plus tard, ce groupe des 4 a encore élargi ses rangs pour intégrer le parti «  Force Clé  ». Désormais, cette alliance se nomme «  L’Union fait la nation » (UN). Mais là encore, comme pour l’alliance autour du chef de l’État en exercice, il s’agit essentiellement de groupements mis en place pour une échéance électorale précise (en l’occurrence ici, la présidentielle de 2011), de sorte qu’il est difficile de prédire la pérennité de ces alliances. D’ailleurs, d’une part, chacun des partis constituant ces alliances prend bien soin de garder son existence juridique intacte au niveau du ministère de l’Intérieur, d’autre part, des partis aux idéologies différentes , par exemple, les sociaux démocrates (notamment le PSD) et des libéraux (notamment la RB), se retrouvent dans un même groupe sans aucune plate forme programmatique commune.

201 Idem.

Page 144: AfriMAP Benin Democ Principal

1 2 8 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

Encadré 14: Le multipartisme intégral, d’après Nicéphore Dieudonné Soglo, maire de Cotonou et ancien Président de la République

La Constitution du 11 décembre 1990 a 15 années d’existence déjà, quelle appréciation faites-vous de

sa pratique ?

(…) Le deuxième problème, touche au multipartisme intégral. C’est un problème très important.

Dans un pays pauvre comme le nôtre, quand on prend le pouvoir, c’est de se donner la capacité

de l’exercer normalement avec la majorité qui vous a fait confiance. Le cas de la Grande

Bretagne est là. Dans ce pays, depuis des siècles, les Anglais ont adopté le scrutin uninominal

à un tour. Il y aussi l’expérience faite par Senghor où au lieu d’avoir plusieurs partis, on en a eu

que trois. Avec le multipartisme intégral, chacun fait son numéro et on dit que si tu veux que je

te donne mes voix, j’exige ceci, je réclame cela. On oublie l’intérêt général pour se perdre dans

des marchandages sans fin. Et nous bradons ainsi l’essentiel. Avec le multipartisme intégral, et

à défaut d’une majorité de gouvernement, on court alors après les mouvances présidentielles.

Vous l’avez souligné, la Constitution est une œuvre humaine, elle n’est donc pas parfaite et a besoin

d’amélioration. Que préconisez-vous ?

Je pense que vos journées de réflexion sur la Constitution vont permettre de régler un certain

nombre de problèmes. Il faut, à travers le mode de scrutin, aboutir à ce que celui qui exerce le

pouvoir puisse disposer d’une majorité pour appliquer son programme. On le jugera à la fin de

son parcours et on évitera toute cette gymnastique qui oblige à des compromis boiteux, pour

ne pas dire de graves compromissions. (…).

S o u R C e : IDH et Chaire UNESCO, Journées de réflexions sur la Constitution du 11 décembre 1990, Les actes, Cotonou, 7 et 8 aout 2006, 2007, pp.190–191.

C. Composition des partis politiques

Représentation des femmes au sein des partis politiquesLes partis politiques béninois sont réfractaires à toute enquête les concernant quant à leur composition et à leur fonctionnement. Ainsi ne se sont-ils pas montrés disponibles pour répondre aux questionnaires qui leur ont été envoyés quant à la représentation des femmes en leur sein.202 D’après le sondage Le profil genre du Bénin publié en 2003, sur 123 partis politiques recensés en 2003 au Bénin, seuls trois étaient présidés par une femme et que le parti « La Renaissance du Bénin », un des plus importants du Bénin, présidé par une femme, compte plus de 60% de femmes militantes, mais paradoxalement, à sa direction nationale, on note seulement huit femmes sur un total de 30 membres. Le Livre blanc de 2008, s’est intéressé, faute d’informations en provenance des partis, à la situation des femmes dans les deux partis politiques importants qui ont accepté de fournir des informations. Il s’agit du Parti du renouveau

202 David Godonou HOUINSA, Femmes du Bénin au cœur de la dynamique du changement social, Le livre blanc, Cotonou,

Fondation Friedrich EBERT, 2008, p.89.

Page 145: AfriMAP Benin Democ Principal

5 . L E S Y S T È M E P A R T I S A N E T L E S TAT U T D E L’ O P P O S I T I O N 1 2 9

démocratique (PRD) et du Mouvement africain pour la démocratie et le progrès (MADEP). Au niveau du PRD, les femmes ont occupé en 2007 10 à 11% des postes de direction, respectivement au sein du Bureau politique et de la Direction nationale, tandis qu’au sein du MADEP, elles ont occup.8 à 27% des postes sur la période allant de 1997 à 2008.203

Le constat général qui se dégage est que les femmes jouent souvent le rôle de militantes à la base, surtout les femmes des marchés. Ces dernières sont souvent organisées en mouvements de soutien au profit des leaders politiques et de leur parti, mais elles n’ont pas de rôle clé dans la direction des partis. Sur la liste des partis politiques qui se sont conformés à la nouvelle charte des partis politiques en 2007, seuls deux noms de femmes apparaissent sur les soixante treize partis.204

Ethnicité, régionalisme et système partisanLa dimension ethno-régionale n’a jamais été absente de la création et du fonctionnement des partis politiques au Bénin. Des données tant historiques qu’actuelles l’attestent. Au plan historique, comme examiné plus haut, la division ethno-régionale des rassemblements politiques béninois s’est matérialisée quelques années avant l’indépendance intervenue en 1960.205 A la veille des élections législatives de 1951, le désir des originaires de la partie septentrionale de la colonie de voir attribuer un des deux postes de députés revenant à la colonie à un des leurs et le refus du parti de l’Union progressiste dahoméen (UPD) d’accéder à leur demande devaient conduire les « Nordistes » à se regrouper au sein d’un mouvement à base ethnique et régionaliste qu’ils ont appelé « Groupement ethnique du Nord », par opposition au Sud qui « brimait le Nord et le traitait de parent pauvre ».206 Les justifications étaient que le Nord avait accusé du retard dans tous les domaines et que pour rattraper ce retard, il fallait se libérer de la tutelle des Sudistes et avoir un authentique fils du Nord dans les instances de prise de décision. Hubert Maga a été ce messie qui était censé conduire les destinées des ethnies Baribas, Dendi, Somba etc... Effectivement, suite aux élections législatives, M. Maga l’emporta au Nord. Pendant ce temps, les suffrages s’éparpillaient au sud entre plusieurs listes, l’unité étant difficile à trouver face aux rivalités classiques entre les frères adversaires que sont les Fons, héritiers du royaume d’Abomey et les Gouns, héritiers du royaume de Porto-Novo. Finalement, c’est un Goun, Sourou Migan Apithy, qui l’emportera au Sud. Cette situation de départ entraina une prise de conscience du Nord par rapport au poids qu’il peut avoir dans la balance politique dahoméenne. « Ainsi le Nord et le Sud devinrent une réalité politique objective, une exigence constante et déterminante de la politique du Dahomey (futur Bénin) ».207

Les données de l’histoire politique récente du Bénin attestent que ces tendances n’ont pas beaucoup changé. Pour Christophe Kougniazonde, Professeur de sciences politiques à

203 Idem.204 Il s’agit de madame Rosine SOGLO de la Renaissance du Bénin (RB) et de madame Ramatou Baba Moussa du

Rassemblement démocratique pour le développement (RDD-Nassara).205 Maurice Glele Ahanhanzo, Naissance d’un État noir, L’évolution politique et constitutionnelle du Dahomey, de la colonisation à nos

jours, Paris, LGDJ, 1969, pp.119–120.206 Idem, p.119 ; Voir aussi Alain Kisito Metodjo, Devenir Maire en Afrique, Décentralisation et notabilités locales au Bénin, Paris,

L’armattan, 2008, pp.61–62.207 Maurice Glele Ahanhanzo, idem.

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1 3 0 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

l’université d’Abomey-Calavi, «  l’appartenance à un groupe ethnique ou une communauté régionale constitue la base fondamentale de l’expression électorale. L’ethnie et la communauté régionale apparaissent alors comme les points d’ancrage autour desquels se créent la plupart des partis politiques au Bénin ».208 En 1995, par exemple, la décomposition des suffrages obtenus, et donc des députés élus par département, montre l’ancrage ethno-régional du vote et le fait que les électeurs ont voté essentiellement pour un parti dont le responsable est originaire du même département qu’eux. Ainsi le FARD-ALAFIA dont les responsables sont du Nord doit 91,87% de son score national aux votes issus des deux départements du Nord du pays. L’UDS dont le premier responsable est originaire du Nord vient en deuxième position dans le nombre de voix obtenues au nord. Dans le Mono d’où est originaire le leader du PSD, plus d’un électeur sur deux a accordé sa voix au PSD. 61, 20% de l’ensemble des voix obtenues dans le pays provient du département d’origine du leader. 54,54% du score national du PRD a été réalisé dans l’Ouémé, département d’origine du leader de ce parti, pendant que la RB est arrivé en tête dans les départements du Zou et de l’Atlantique, département majoritairement composés d’électeurs Fons, ethnie d’origine du leader de ce parti.209

Par ailleurs, plusieurs partis politiques béninois sont nés de la transformation des associations de développement de certaines communes.210 Par exemple, c’est dans l’association Iri Bonsè, composée essentiellement de cadres du Borgou que l’UDS a puisé ses premiers militants, le président de l’association devenant le président du parti. Les associations de développement des communes du Mono ont travaillé à la naissance du PSD. Quant à l’Association de développement des communes du Plateau, elle a donné naissance au MADEP. Constatant ce phénomène, Joël AÏVO a remarqué qu’ « opèrent au Bénin et concourent aux suffrages des citoyens, des partis fondamentalement régionaux et ethno régionaux. Des partis communaux, sous-préfectoraux, voire de quartier, font partie de ceux qui, sans avoir une réelle assise, détiennent des parcelles non négligeables du pouvoir politique. »211 Il n’est dès lors pas surprenant que le PRD soit d’abord perçus comme parti des Goun et Yorouba du Sud-est , la RB, parti des Fon du Centre-sud, le PSD, parti des Adja du Sud-ouest, le FARD ALAFIA ou l’UDS, parti des Bariba et Dendi du Nord, et ainsi de suite. Une étude réalisée en août 2006 auprès de 1 022 béninois révèle que pour 53% de ceux qui s’étaient déclarés militants de partis politiques, « les partis politiques facilitent une entente intra ethnie ».212

208 Christophe Kougnianzonde, Multipartisme et démocratie : Quel lieu commun ?, Cotonou, Fondation Friedrich Ebert, 2001, p.91.209 Idem, pp.91–94210 Voir sur cette question, Epiphane Quenum, « Financement des partis politiques », Communication à l’Atelier d’échanges sur

la question du financement des partis politiques au Bénin, INFOSEC, Cotonou, 14 avril 2009, p.4.211 Joël Aïvo, « La perception des partis politiques au sein de l’opinion publique. », in, Jean Niklas Engels, Alexander Stroh et

Léonard Wantchekon (eds), Le fonctionnement des partis politiques au Bénin, Cotonou, Fondation Friedrich Ebert, 2008, p.147.212 Kotchikpa Olodo et Damasse Sossou, « Militantisme et identification ethnique au Bénin », in, Jean Niklas Engels, Alexander

Stroh et Léonard Wantchekon (eds), Le fonctionnement des partis politiques au Bénin, Cotonou, Fondation Friedrich Ebert, 2008,

p.116.

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D. Financement des partis politiquesEn vertu de la Charte des partis politiques le financement des partis politiques se fait par des ressources propres ou de ressources externes.213 Les ressources propres comprennent les cotisations des membres  ; les contributions volontaires et les souscriptions des membres  ; les produits de leurs biens patrimoniaux ; les recettes de leurs activités. Quant aux ressources externes, elles se composent des aides entrant dans le cadre de la coopération entre partis politiques nationaux et/ou étrangers  ; les emprunts souscrits conformément aux lois et règlements ; les dons et legs ; les subventions et autres aides de l’État. L’ensemble des acquisitions des partis politiques au titre de l’aide, des dons et legs, doit faire l’objet d’une déclaration adressée à la Cour suprême sous le sceau du secret. Le montant des dons et libéralités éventuels de source extérieure au Bénin provenant de personnes physiques ou morales et destinées à un parti politique ne doit en aucun cas dépasser 1/3 du montant total des ressources propres de ce parti. Pour permettre le contrôle de l’ensemble de leur comptabilité, les partis politiques sont tenus de déposer leurs comptes annuels à la Chambre des comptes de la Cour suprême, au ministère chargé de l’intérieur et au ministère des finances, et d’être en mesure de justifier la provenance de leurs ressources financières et leurs destinations. Il est aussi imposé à la direction du parti de rendre compte à ses membres, dans un rapport, de la provenance des ressources financières qui ont été accordées au parti au cours de l’année civile.214 Enfin, les partis politiques sont tenus d’ouvrir un compte auprès d’une institution financière installée au Bénin et leurs revenus ne sont pas imposés sauf s’ils proviennent d’activités lucratives.215

La réalité est cependant très loin de ces dispositions législatives modernes. Les partis politiques sont perçus simplement comme des structures d’ascension pour les cadres et des structures d’assistance sociale pour les populations à la base,216 militants ou non. Il n’existe pas de tradition des cotisations au sein des partis au Bénin. La Chambre des comptes de la Cour suprême éprouve de sérieuses difficultés à exercer son mandat de contrôle de l’ensemble des opérations comptables de l’État, principalement par manque de moyens et de personnel. Elle n’accomplit donc pas efficacement son rôle de contrôle des comptes et des dépenses des partis politiques. Cette défaillance laisse la voie ouverte à la possibilité des pratiques de financement occulte des partis politiques. Au cours d’une procédure judiciaire intentée contre elle aux États Unis en 2005, une société américaine du nom de « Titan » a plaidé coupable et reconnu avoir versé aux Béninois dans le cadre de la campagne présidentielle de 2001, au profit du Président en exercice, la somme de 2,1 millions de dollars US (environ 1,3 milliard de francs CFA) comme pots de vin, en vue de s’assurer le maintien de sa collaboration technique et commerciale avec la société publique béninoise de télécommunications.217

La Charte des partis politiques adoptée en 2003 prévoit un financement public des partis politiques en ces termes :

213 Articles 32 à 40, Charte des partis politiques.214 Article 37, Charte des partis politiques.215 Article 38, Charte des partis politiques. 216 Cyr Comlan Davodoun, Présidentielle 2006 au Bénin. Le coup du 3ème larron, Cotonou, Star édition, 2007, p.127.217 Wilfrid Hervé Adoun et François K. Awoudo, Bénin, une démocratie prisonnière de la corruption, Cotonou, Fondation Friedrich

Ebert et Editions COPEF, 2008, pp.183 et suivantes.

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Les partis politiques régulièrement inscrits et ayant au moins un (1) député bénéficient d’une aide financière annuelle de l’État. Le montant de cette aide est fixé par décret pris en Conseil des ministres. En tout état de cause, cette aide ne peut être inférieure à cinq millions (5. 000. 000) de francs par député élu. La répartition de cette aide se fera au prorata du nombre de députés obtenus par parti politique.218

C’est en février 2009 seulement que le décret d’application de cette disposition a été publié. Le communiqué du gouvernement du 25 février 2009 annonçant la publication de ce décret a déclaré que le financement public des partis répondait au souci « d’approfondissement de la culture politique et démocratique » et à la volonté « de mettre en œuvre progressivement, en fonction de l’évolution de la croissance économique, la politique d’aide de l’État aux Institutions qui s’est déjà traduite par l’octroi d’aide annuelle à la presse, aux organisations syndicales et, récemment, aux composantes de la société civile béninoises telles que les confessions religieuses et les chefferies traditionnelles  ». À la fin janvier 2010, cependant, aucun parti politique représenté à l’Assemblée nationale n’avait reçu le moindre franc au titre de ce décret.

Certains commentateurs ont suggéré que le gouvernement devrait mettre en oeuvre des critères de répartition de l’aide plus élaborés que le simple fait d’avoir un député à l’Assemblée nationale. Ils ont par exemple proposé l’exigence d’une représentativité géographique minimale dans les suffrages obtenus, l’équité dans la prise en compte du genre dans les positionnements sur les listes de candidatures, le respect par le parti des règles de fonctionnement et de financement.219

e. Fonctionnement des partis politiques

Démocratie interne au sein des partis politiquesPour un observateur averti de la classe politique béninoise, « le parti politique fonctionne comme une société dans laquelle ce sont les actionnaires majoritaires qui décident. Les supposés militants se contentent d’un statut d’employé et attendent de leur leader des émoluments périodiques, des primes d’assujettissement, de dévouement, de soutien et d’appui à la résolution de leurs problèmes sociaux. Les membres des partis ignorent royalement, d’une manière générale, leur devoir de militant et se contentent de revendiquer des droits, notamment celui de se voir placer à des postes lucratifs ».220 Cette « privatisation » des partis politiques s’illustre par le fait que c’est le Président du parti, et parfois quelques proches de lui, qui financent, à eux seuls, les activités du parti, notamment les campagnes électorales. C’est ce qui explique d’ailleurs le manque de démocratie véritable au sein des partis politiques, les décisions étant prises souvent par ceux qui financent les activités. Et lors des positionnements sur les listes électorales en vue

218 Article 40.219 Mathias Hounkpe et Francis Laleye, « Problématique du financement des partis politiques au Bénin », Communication au

séminaire du ministère chargé des Relations avec les institutions du Bénin, Cotonou, 14 avril 2009.220 Comlan Cyr Davodoun, op. cit. p.127.

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de participer aux élections législatives ou communales, seules les personnes qui financent ont le (premier et le) dernier mot.

Des conflits ou ruptures naissent régulièrement dans les partis politiques du fait que certaines personnalités de ces partis, parfois membres des organes dirigeants, découvrent les listes de candidatures de leurs partis politiques dans les journaux, en même temps que l’ensemble des citoyens, et constatent qu’elles n’ont pas été positionnées à la place qu’elles avaient souhaitée et que le président du parti leur avait parfois promise. C’est ce qui explique les dépôts tardifs des listes de candidatures aux élections législatives et communales. Certains présidents de partis ont peur, en déposant avant le dernier jour (voire la dernière heure) la liste des candidats de leurs partis, de voir certains de leurs alliés se faire enrôler sur des listes de partis adverses si leur nom n’apparait pas sur les listes de leur parti de départ et qu’ils ont encore le temps de « négocier » leur place sur les listes de partis politiques adverses. Dans les faits, aux postes éligibles, les responsables de partis politiques, avant tout, se positionnent eux-mêmes et /ou positionnent les « bailleurs » ou « financiers » du parti, à moins que ceux-ci ne préfèrent recommander tel ou tel inconnu qui a leur confiance, mais que les militants ne connaissent pas forcément. Les candidats sont donc parfois désignés sans tenir compte de l’intérêt du parti, du militantisme ou de l’électorat qu’ils peuvent drainer, convaincre ou mobiliser.221

Peu de partis politiques sont à jour de l’organisation des congrès, assemblées générales et autres réunions statutaires. Quand ces rencontres sont organisées, c’est parfois après plusieurs années de retard et dans des conditions n’offrant pas toujours la liberté pour les membres de réclamer un compte rendu effectif des activités du parti aux responsables sortants, ni de désigner les personnes de leur choix aux commandes du parti.

L’absence de démocratie interne est à la base de nombreuses scissions au sein des partis politiques. Le parti « La Renaissance du Bénin » (RB) de l’ancien Président de la République et actuel maire de Cotonou, Nicéphore Dieudonné Soglo en est une illustration. Créé en 1992 par son épouse, Rosine Vieyra-Soglo, alors que le Président Soglo était au pouvoir, ce parti dont le Président Soglo a pris la présidence d’honneur en 1994 avec l’adhésion de plusieurs cadres et ministres, s’est progressivement appauvri de ses cadres, surtout pendant les dix ans passés dans l’opposition au Président Kerekou entre 1996 et 2006. Tous les anciens cadres du parti RB qui l’ont quitté 222 ont évoqué le manque de prise en compte de leurs points de vue, le fait que les décisions ne soient pas toujours prises avec la transparence et la concertation requises. Le même arguments a été aussi évoqué pour justifier les départs de Kamarou Fassassi, ancien ministre, du Parti du renouveau démocratique (PRD), et sa création du Parti du réveil des démocrates (PRD-Nouvelle génération), de Jean Claude Hounkponou, ancien député, du Parti social démocrate (PSD) et sa création du parti « Union pour le progrès et la démocratie (UPD-Gamesu) », du Dr

221 Cabinet Afrique Conseil, « Rapport d’autoévaluation du Bénin en matière de démocratie et de gouvernance politique dans le

cadre du MAEP », Juin 2007, p.49.222 C’est notamment le cas de : le député et ancien ministre Valentin Aditi Houde, qui a quitté le parti RB pour former son

propre parti, le Rassemblement pour le progrès et le renouveau (RPR), l’ancien député, aujourd’hui conseiller communal Maxime

Houedjissin, fondateur du Parti espace républicain (ER), l’ancien ministre Georges Guedou, créateur du parti « Union-force pour

la République », Yves Edgard Monnou, ancien ministre, Guy Amédée Adjanonhou, ancien ministre et actuellement Commissaire

à l’Union économique et monétaire ouest africaine.

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Albert Bocco Sinatoko du Front d’action pour le renouveau, la démocratie et le développement (Fard-Alafia), et sa création du Cercle d’action pour le renouveau démocratique (CARD Dunya).

Mais ces scissions ou départs ne sauraient faire oublier le phénomène de la « transhumance politique  » qui consiste pour certains militants et cadres, à démissionner de leur parti pour rejoindre un autre parti, qui, dans leurs calculs, devrait leur offrir des avantages personnels plus intéressants, à court ou moyen terme. Le parti bénéficiant de la transhumance politique est presque toujours un parti proche du Président de la République en fonction. On ne saurait systématiquement justifier le phénomène de la transhumance politique par le manque de démocratie au sein des partis politiques. Des préoccupations égoïstes et personnelles expliqueraient aussi nombre de mouvements d’un parti à un autre.

Participation aux débats nationaux et à la formulation des politiquesD’après un sondage réalisé en 2006, 62% des Béninois estiment que l’influence des partis sur les diverses politiques publiques mises en œuvre n’est pas importante.223 D’après la même enquête, 75% des Béninois pensent que la plupart des partis politiques servent leurs intérêts égoïstes et ne sont pas au service de la population, comme cela se doit.224

Les militants à la base, ainsi que les cadres des partis politiques ne sont généralement ni préparés ni formés à la compréhension de certains dossiers ou de certaines questions d’intérêt majeur pour le développement politique, culturel et socioéconomique. Il ne faut donc pas s’attendre à les voir subitement maitriser ces questions, une fois élus ou nommés à des postes de responsabilité. La formation dont il s’agit doit être civique, mais pas seulement, car il s’agit pour tous les citoyens, à plus forte raison, pour les militants de partis politiques, appelés à prendre éventuellement des décisions pour l’avenir du pays et des autres citoyens, de comprendre les enjeux politiques, économiques sociaux et culturels des différents problèmes qui se posent au pays et au monde afin de participer à la définition, à la critique, au suivi, à l’évaluation des politiques publiques avec la possibilité de proposer une alternative sérieuse.

F. Le statut de l’oppositionAu Bénin, l’opposition politique est doté d’un statut régi par la loi qui en définit la composition et délimite ses responsabilités.225 C’est cette loi qui donne le contenu de ce qu’il faut entendre par opposition et qui en sont les responsables.

L’opposition est considéré comme « l’ensemble des partis, alliances de partis ou groupes de partis politiques qui, dans le cadre juridique existant, ont choisi de professer pour l’essentiel, des opinions différentes de celles du gouvernement en place et de donner une expression concrète à leurs idées dans la perspective d’une alternance démocratique. » Son statut est constitué de

« l’ensemble des règles juridiques permettant aux partis, alliances de partis ou groupes de partis

223 Kotchikpa Olodo et Damasse Sossou, « Militantisme et identification ethnique au Bénin », in, Jean Niklas Engels, Alexander

Stroh et Léonard Wantchekon (eds), Le fonctionnement des partis politiques au Bénin, Cotonou, Fondation Friedrich Ebert, 2008, p.115.224 Idem. 225 Loi n° 2001-36 du 14 octobre 2002 portant statut de l’opposition.

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politiques de l’opposition de disposer de l’espace de liberté qui leur est nécessaire pour participer pleinement et sans entrave à l’animation de la vie politique nationale. »226

Pour être un parti de l’opposition, il faut, selon la loi : être un parti politique, une alliance de partis ou un groupe de partis politiques régulièrement enregistrés ; faire une déclaration officielle et publique de son appartenance à l’opposition et la faire enregistrer au ministère chargé de l’intérieur. Ce dernier transmet, dans un délai de deux mois au plus tard, l’enregistrement au journal officiel pour publication ; la publication au journal officiel peut aussi se faire à la diligence du parti politique concerné ; développer pour l’ essentiel des positions et des opinions différentes de celles du gouvernement ; ne pas accepter un poste politique à un niveau quelconque du pouvoir exécutif.227

Est considéré comme l’un des chefs de l’opposition, tout chef d’un parti politique de l’opposition dont le nombre de députés à l’Assemblée nationale constitue de façon autonome un groupe parlementaire. Est également considéré comme l’un des chefs de l’opposition, tout chef d’un groupe de partis de l’opposition constitué en groupe parlementaire à l’Assemblée nationale. Est enfin considéré comme l’un des chefs de l’opposition, tout chef de parti, alliance de partis ou groupe de partis de l’opposition représentés ou non à l’Assemblée nationale mais ayant totalisé à l’issue des dernières élections législatives, 10% des suffrages exprimés. Les chefs de l’opposition choisissent en leur sein un porte-parole

Le rôle de l’opposition est «  de: critiquer le programme, les décisions et les actions du gouvernement ; développer des programmes propres ; proposer des solutions alternatives à la nation ; œuvrer pour l’alternance au pouvoir par des voies légales. »228

Les droits reconnus à l’oppositionLa loi sur le statut de l’opposition accorde un certain nombre de droits à l’opposition. Il s’agit des libertés d’expression, de manifestation et de réunion ainsi que du droit à la sureté des membres de l’opposition. Il y a aussi la liberté de conscience et tous les autres droits reconnus aux citoyens.

S’agissant de la liberté d’expression, l’opposition peut exprimer son opinion sur toute question d’intérêt national et sur toute décision de l’exécutif. Pour cela, la loi prévoit que, conformément à l’article 142, alinéa 2, de la Constitution, les partis politiques de l’opposition bénéficient d’un accès équitable aux moyens officiels d’information et de communication. Cependant, ni la loi ni son décret d’application ne détaillent comment cet accès doit se faire pour être équitable. De son côté, la HAAC a failli à faire respecter cette exigence, en partie faute de critère clair de ce qui constitue un accès équitable. L’opposition peut aussi être consultée sur toute autre question d’intérêt national et international. La loi en fait une obligation, en prévoyant que « L’opposition est consultée par le gouvernement sur les questions importantes engageant la vie de la nation telles que : menace à la paix civile, risque d’invasion étrangère ou de guerre, intervention militaire à l’étranger. Cette consultation peut être écrite ou orale. Lorsqu’elle est

226 Article 2, idem.227 Article 3, idem.228 Article 4, idem.

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orale, l’opposition peut être consultée ensemble. » Mais cette obligation n’en est pas vraiment une, puisque la loi ajoute que « La non consultation ne donne lieu à aucune sanction. »229

Dans l’exercice de leurs libertés de réunion et de manifestation, les membres de l’opposition bénéficient des services d’ordre et de sécurité publique. Toute interdiction de réunions et de manifestations publiques par l’administration doit être spécialement motivée et la décision d’interdiction est susceptible de recours devant le juge des référés. S’agissant du droit à la sureté, l’État est tenu de prendre des mesures particulières pour assurer la sécurité des responsables nationaux des partis, alliances de partis ou groupes de partis de l’opposition en accord avec ces derniers. Ceux-ci doivent, dans l’accomplissement de leurs missions politiques, être à l’abri de toute mesure portant atteinte à leur intégrité et à leur sécurité personnelle.

Les avantages accordés à l’oppositionLes partis politiques de l’opposition bénéficient de l’aide de l’État au financement des partis politiques conformément à la Charte des partis politiques. En outre, les chefs de l’opposition bénéficient des avantages protocolaires qui ne doivent pas être inférieurs à ceux accordés aux membres du gouvernement.230

Conformément à l’article 15.2 b du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, l’élection des deux vice-présidents, des deux questeurs et des deux secrétaires parlementaires tient compte autant que possible de la nécessité de reproduire au sein du Bureau la configuration politique de l’institution parlementaire. La présence de l’opposition au sein du Bureau de l’Assemblée nationale est une simple faculté et les parlementaires béninois, toutes tendances confondues, n’acceptent généralement pas que des élus d’une autre tendance siègent au sein du Bureau avec ceux qui ont remporté les élections législatives. La pratique a été plutôt, à chaque fois, de partager les postes de responsabilité au sein du Bureau de l’Assemblée nationale entre les différents partis appartenant, selon les résultats de l’élection, au groupe majoritaire qui est, tantôt la majorité présidentielle, tantôt, l’opposition non encore déclarée. La Cour constitutionnelle se contente toujours de rappeler le caractère facultatif et non contraignant de la présence d’un opposant au sein du Bureau de l’Assemblée nationale. Mais il faut aussi reprocher à ce système de représentation de l’opposition au sein du Bureau son caractère quelque peu anachronique. En début de législature, ni les groupes parlementaires qui servant d’étendard de mesure de la configuration politique, ni la déclaration d’appartenance à l’opposition ne sont disponibles pour retenir clairement les partis de l’opposition et ceux de la majorité parlementaire ou présidentielle. Le fait d’ailleurs que les deux majorités puissent ne pas coïncider pose un autre problème à la juxtaposition ou combinaison du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale avec la loi sur le statut de l’opposition. Le premier est fondé sur l’existence de majorité et d’opposition au sein du Parlement (majorité et opposition parlementaires). La deuxième est fondée sur l’opposition au pouvoir exécutif (majorité présidentielle et opposition au pouvoir du Président de la République). Or, il peut arriver que la majorité parlementaire soit de l’opposition (au Président de la République et à son gouvernement).

229 Article 6, idem. 230 Voir Stéphane Bolle, « Le statut de l’opposition au Bénin, pour quoi faire ? », http://www.la-constitution-en-afrique.over-blog.

com/article-25293577.html.

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Les devoirs de l’oppositionL’opposition a le devoir de respecter scrupuleusement la Constitution ainsi que les lois et règlements de la République. À l’occasion des réunions et manifestations publiques qu’ils organisent, le parti, l’alliance de partis ou le groupe de partis politiques de l’opposition prennent les dispositions nécessaires pour prévenir les troubles à l’ordre public conformément aux lois et règlements en vigueur. Les partis politiques doivent, dans leurs programmes et dans leurs activités, proscrire l’intolérance, le régionalisme, l’ethnocentrisme, le fanatisme, le racisme, la xénophobie, l’incitation et/ou le recours à la violence sous toutes ses formes.

Limites du statut de l’opposition Après l’adoption de la loi sur le statut de l’opposition sous le Président Kérékou, la Renaissance du Bénin (RB) et l’Union pour la démocratie et la solidarité nationale (UDS) ont été les seuls partis représentés à l’Assemblée nationale qui ont fait la déclaration prévue par la loi pour affirmer leur appartenance à l’opposition. Depuis le départ du Président Kerekou et l’avènement de son successeur Boni Yayi en 2006, plus aucun parti représenté à l’Assemblée nationale n’a fait de déclaration d’appartenance à l’opposition. Et pourtant, dans les déclarations, les communiqués, les votes à l’Assemblée nationale et les comportements de tous les jours, on sent bien que certains partis politiques représentés au Parlement fonctionnent comme étant de l’opposition, car, travaillant ouvertement pour une alternance politique. Le manque d’intérêt de ces partis à réclamer les droits et avantages que la loi offre à l’opposition peut s’expliquer par le caractère peu attrayant de ces avantages tels qu’ils sont compris par le gouvernement.

Pendant longtemps les partis d’opposition ont exigé l’adoption par le gouvernement du décret portant modalités de mise en œuvre de la loi sur le statut de l’opposition, comme si c’est l’absence de ce décret qui les empêchait de se déclarer de l’opposition. En dépit de l’adoption de ce décret, néanmoins, aucun d’eux n’a fait cette déclaration. Ils ont désormais fait valoir que le texte ne leur confère que des avantages protocolaires alors qu’ils auraient souhaité que des questions comme les modalités d’accès aux médias publics fassent l’objet d’une meilleure attention. Ils ont souligné aussi le caractère trop facultatif des obligations qui pèsent sur le gouvernement quant au respect de leurs droits.

Les droits et avantages de l’opposition paraissent extrêmement fragiles dans la mesure où leur jouissance est laissée, en général, à la bonne discrétion du pouvoir exécutif. Il semble, dès lors, préférable d’inscrire le statut de l’opposition dans la Constitution et de prévoir une loi organique qui détaille les obligations qui devront peser sur le pouvoir exécutif quant au respect des droits de l’opposition.231

231 Ces avantages ont fait l’objet du décret du 20 novembre 2008 portant modalités d’application de la loi sur le statut de

l’opposition dont voici quelques extraits : Article 3 : Conformément aux dispositions de l’article 15 de la loi n° 2001–36 du 14

octobre 2002 portant Statut de l’opposition, le(s) chefs (s) de l’opposition bénéficie (nt) des avantages protocolaires ci-après :

invitation à certaines négociations et aux accords engageant le Bénin à l’intérieur ou à l’extérieur à titre d’observateur ; l’initiative

de demander à être reçu par le Président de la République sur des questions d’intérêt national ; invitation aux manifestations et

réceptions officielles ; accueil et assistance par les représentants du Bénin dans les missions et postes diplomatiques à l’arrivée

et au départ dans les pays de leur juridiction autant que faire se peut ; le(s) chefs (s) de l’opposition est (sont) tenu (s) d’arborer

un signe distinctif pendant leurs déplacements et à l’occasion des cérémonies officielles. Le signe distinctif du représentant

de l’opposition est à la charge de l’État. Article 4 : À l’ occasion des cérémonies officielles, le(s) chef(s) de l’opposition a droit

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G. RecommandationsLe nombre minimum requis des membres fondateurs devant provenir de chaque département qui est de dix est trop faible pour jouer le rôle de préservation de l’unité nationale et d’émergence de partis véritablement nationaux qui lui est assigné. Il est important de l’augmenter à au moins 20.

Il est important de mettre de l’ordre dans le paysage partisan en diminuant le nombre trop élevé des partis politiques existants. Cet objectif doit néanmoins être poursuivi dans le respect de la nécessité de préserver la diversité des partis politiques représentés à l’Assemblée nationale et l’impossibilité pour les différents présidents de la République de disposer d’une majorité automatique à l’Assemblée nationale. La combinaison du scrutin majoritaire avec le scrutin proportionnel aux élections législatives ainsi que la mise en œuvre des règles actuelles de sanction des partis politiques qui ne participent pas à plusieurs élections législatives successives conduirait à une plus grande clarification du paysage politique.

Le gouvernement devrait mettre en œuvre rapidement le décret sur le financement des partis politiques pour permettre à ceux-ci de jouer les différents rôles que leur confie la loi, en particulier, l’animation de la vie politique et publique. À terme, il faudra toutefois améliorer aussi bien la Charte des partis politiques que le décret sur le financement des partis politiques de manière à intégrer des critères de couverture géographique diversifiée (s’agissant notamment des militants, des antennes régionales, et des suffrages obtenus), de prise en compte du genre et du mixage générationnel dans les modalités d’octroi de fonds publics aux partis politiques.

La désignation du chef de l’opposition selon les critères de représentativité à l’Assemblée nationale ou de suffrages obtenus lors des élections législatives est en contradiction avec le fait qu’on peut être candidat à l’élection présidentielle sans appartenir à aucun parti politique et arriver en deuxième position, voire en première position, tous les présidents de la République du renouveau démocratique ayant été élus sans être porté par un parti politique en particulier. Dans ces conditions, pourquoi ne pas faire du candidat arrivé en deuxième position à l’élection présidentielle passée le chef automatique de l’opposition.

Il est important de soustraire l’exercice des droits et avantages de l’opposition à la discrétion du pouvoir exécutif. À cet effet, il semble préférable d’inscrire le statut de l’opposition dans la Constitution et de prévoir une loi organique pour détailler les obligations qui devront peser sur le pouvoir exécutif quant au respect desdits droits.

aux considérations protocolaires et aux honneurs conformément aux textes en vigueur. Article 5 : Les missions diplomatiques

accréditées au Bénin et les personnalités étrangères en visite au Bénin peuvent recevoir ou être reçues par le(s) chef(s) de

l’opposition. Article 6 : le (s) chef(s) de l’opposition bénéficie(nt) en outre de : un véhicule de fonction ; un chauffeur ; un garde-

corps ; un (chargé de mission, un secrétaire particulier, En tout état de cause, les avantages ne sont pas cumulatifs.

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6 . L’A S S E M B L É E N AT I O N A L E 1 3 9

6

L’Assemblée nationale

Pendant les trente premières années de son indépendance, le Bénin n’a disposé d’aucun Parlement élu. L’institution parlementaire est née avec le renouveau démocratique au début des années 1990. En vingt ans de pratique démocratique, cependant, la très forte rotation des députés à l’occasion des élections successives n’a pas permis de développer une solide tradition parlementaire. Le Parlement souffre également d’un profond déséquilibre de compétence et d’expertise au profit de l’exécutif. Ce déséquilibre l’empêche de participer efficacement à la définition des politiques publiques. Son rôle de contrôle de l’action de l’exécutif s’est amenuisé au fil du temps avec le recours de plus en plus fréquent aux mesures exceptionnelles qui permettent au Président de la République de passer outre l’autorisation parlementaire dans le processus d’élaboration du budget.

A. Fonctions L’Assemblée nationale a pour mandat constitutionnel de voter les textes de lois et de contrôler l’action gouvernementale.232 Le contrôle budgétaire constitue un mandat particulier du Parlement dont l’exercice permet de réaliser les deux autres fonctions à la fois.

Vote des loisLe mandat principal de l’Assemblée nationale est de voter les lois. Les matières qui relèvent du domaine de loi sont énumérées à l’article 98 de la Constitution.233

232 Cf. « http://www.bj.refer.org/benin_ct/cop/assemble/anbfonc.htm »233 Sont du domaine de la loi les règles concernant :

– la citoyenneté, les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés

publiques, les sujétions imposées, dans l’intérêt de la défense nationale et de la sécurité publique, aux citoyens en leur

personne et leurs biens ;

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1 4 0 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

L’initiative des lois appartient concurremment au Président de la République et aux membres de l’Assemblée nationale. Les initiatives du gouvernement prennent le nom de « projets de loi » et celles des députés de « propositions de loi. » Les projets et propositions de loi sont inscrits et numérotés dans l’ordre de leur arrivée, sur un rôle général portant mention de la suite qui leur a été donnée. Le dépôt sur le Bureau de l’Assemblée nationale de ces textes de lois est annoncé sans délai en séance publique par le Président.

Le Bureau examine la recevabilité des projets et propositions au regard des dispositions de la Constitution. L’irrecevabilité est prononcée par le Président de l’Assemblée, soit, d’office, soit, à la demande du Président de la République. Les projets de lois, les propositions de lois et propositions de résolutions sont, après l’annonce de leur dépôt, renvoyés à l’examen de la Commission compétente ou d’une commission spéciale et temporaire de l’Assemblée nationale. Les propositions de lois et les propositions de résolutions sont transmises au gouvernement dans les 48 heures suivant l’annonce de leur dépôt.

Le Président de l’Assemblée nationale saisit la Commission permanente compétente ou la Commission spéciale et temporaire désignée à cet effet de tout projet de loi ou de proposition de résolution déposé sur le bureau du Président de l’Assemblée nationale. La commission saisie

– la nationalité, l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et les libertés ;

– la procédure selon laquelle les coutumes seront constatées et mises en harmonies avec les principes fondamentaux de la

Constitution ;

– la détermination des crimes et délits ainsi que des peines qui leur sont applicables ;

– l’amnistie ;

– l’organisation des juridictions de tous ordres et la procédure suivie devant ces juridictions, la création de nouveaux ordres

de juridiction, le statut de la magistrature, des offices ministériels et des auxiliaires de justice ;

– l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature ;

– le régime d’émission de la monnaie ;

– le régime électoral du Président de la République, des membres l’Assemblée Nationale et des assemblées locales ;

– la création des catégories d’établissements publics ;

– le statut général de la fonction Publique ;

– le statut des personnels militaires, des Forces de sécurité publique et assimilés ;

– l’organisation générale de l’administration ;

– l’organisation territoriale, la création et la modification de circonscriptions administratives, ainsi que les découpages

électoraux ;

– l’état de siège et l’état d’urgence ;

La loi détermine les principes fondamentaux :

– de l’organisation de la défense nationale ;

– de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ;

– de l’enseignement et de la recherche scientifique ;

– du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ;

– des nationalisations et dénationalisation d’entreprises et des transferts de propriété d’entreprises du secteur public au

secteur privé ;

– du droit du travail, de la sécurité sociale, du droit syndical et du droit de grève ;

– de l’aliénation et de la gestion du domaine de L’État ;

– de la mutualité et de l’épargne ;

– de l’organisation de la production ;

– de la protection de l’environnement et de la conservation des ressources naturelles ;

– du régime des transports et des télécommunications ;

– du régime pénitentiaire.

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6 . L’A S S E M B L É E N AT I O N A L E 1 4 1

du texte peut demander à écouter les auteurs du texte et parfois des personnes ressources en vue de recueillir les explications nécessaires. Les commissions examinent ensuite le texte, article par article et proposent des amendements. Le rapporteur rédige au nom de la commission un rapport (auquel est annexé le texte de loi amendé) qui est mis à la disposition de tous les parlementaires après son adoption par la Commission. Les projets et propositions de lois adoptés par les Commissions compétentes sont inscrits sur proposition du Président de l’Assemblée nationale, après avis de la Conférence des Présidents, sur l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale. Les discussions en séance publique s’engagent sur la base du texte proposé par la commission, suivi d’une intervention du ministre compétent. Le débat s’ouvre, en général, par la lecture du rapport de la commission compétente saisie du dossier. S’ouvre ensuite la discussion générale dans laquelle interviennent les orateurs inscrits. Après la clôture de la discussion générale, les députés passent à la discussion détaillée et aux amendements.

Le texte dans son ensemble est mis aux voix. Après le vote du rapport, les députés procèdent, dans les mêmes conditions que l’étude du rapport, à l’examen du projet de loi annexé au rapport. Lorsque les différents articles ont été successivement examinés et mis aux voix, l’Assemblée vote sur l’ensemble du projet ou de la proposition. Les votes s’effectuent normalement à main levée et en cas de doute, par assis et levé. Une fois adoptée, dans les quarante-huit heures, la loi est transmise en quatre exemplaires au Président de la République pour promulgation. Ce délai est réduit à vingt quatre heures en cas d’urgence. Avant l’expiration de ce délai, le Président de la République peut demander au Parlement une seconde lecture de la loi ou de certains de ses articles et la même procédure reprend.

Contrôle de l’action gouvernementale L’Assemblée nationale, bien que ne pouvant pas censurer le gouvernement, peut l’interpeller et dispose de pouvoirs non négligeables comme en témoignent les litiges avec le gouvernement, par ailleurs, toujours réglés conformément aux mécanismes constitutionnels.

La Constitution donne à l’Assemblée nationale non seulement le pouvoir de voter des lois, mais aussi celui de contrôler l’action du gouvernement qui a le devoir d’expliquer ou de justifier son action devant les députés. Quand un député souhaite demander des renseignements ou des explications au gouvernement, il peut poser soit une question orale, soit une question d’actualité, soit une question écrite. Il peut aussi interpeller le gouvernement ou solliciter la mise en place d’une Commission d’enquête.

Les questions orales sont posées par un député au gouvernement, soit sur sa politique générale, soit sur les dossiers ou affaires relevant d’un département ministériel donné. Les questions peuvent être posées sous la forme de questions orales avec débat ou de questions orales sans débat, conformément aux dispositions de l’article 113 de la Constitution. Tout député qui désire poser une question orale en remet le texte au Président de l’Assemblée nationale qui le notifie au gouvernement. La séance réservée chaque semaine, par priorité aux questions des membres de l’Assemblée nationale et aux réponses du gouvernement est fixée par le Bureau après consultation de la conférence des Présidents.

La question orale avec débat est appelée par le Président qui peut fixer le temps de parole imparti à son auteur. Le ministre compétent y répond. Il peut différer cette réponse en

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1 4 2 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

annonçant pour l’un des deux prochains jours de séance plénière une communication du gouvernement avec débat sur le même sujet. Cette annonce interrompt le débat sur la question orale. La communication du gouvernement est inscrite d’office en tête de l’ordre du jour de la séance choisie par le gouvernement. Après la réponse du ministre, le Président donne la parole aux orateurs inscrits. L’auteur de la question a priorité d’intervention. Après l’audition du dernier orateur, le Président passe à la suite de l’ordre du jour.

La question orale sans débat est exposée souverainement par son auteur. Le ministre compétent y répond. L’auteur de la question peut reprendre la parole. Le ministre peut répliquer. Aucune autre intervention ne peut avoir lieu.

Les questions d’actualité sont déposées à la présidence de l’Assemblée au plus tard deux heures avant l’heure fixée par le bureau pour la conférence des présidents. Elles sont libellées souverainement. Le Bureau décide, après consultation de la Conférence des présidents, en fonction de leur caractère d’actualité et d’intérêt général, d’inscrire la question à l’ordre du jour de la plus prochaine séance réservée aux questions orales. La première heure de la séance lui est consacrée par priorité. La question est appelée par le Président. Après la réponse du gouvernement l’auteur de la question peut reprendre la parole s’il est absent, la question n’est pas appelée. Il n’est pas tenu de rôle de questions d’actualité.

Les questions écrites : tout député qui désire poser une question écrite à un ministre, en remet le texte au président de l’Assemblée nationale qui le transmet au Président de la République dans les huit jours. Les questions doivent être sommairement rédigées et ne contenir aucune imputation d’ordre personnel ou à l’égard de tiers nommément désignés. Elles ne peuvent être posées que par un seul député à un seul ministre. Les questions écrites sont inscrites sur des rôles spéciaux au fur et à mesure de leur dépôt. Toute question écrite peut être transformée à tout moment en question orale. Les questions d’ordre particulier ou personnel doivent être traitées par correspondances ou contact direct entre le député et les ministres intéressés.

Les ministres doivent répondre aux questions dans un délai de 30 jours à compter de leur transmission. Dans ce délai, les ministres ont toutefois la faculté de demander à titre exceptionnel, pour rassembler les éléments de réponse, un délai supplémentaire qui ne peut excéder trente jours. Les réponses sont transmises aux auteurs des questions par les soins du président de l’Assemblée nationale. Les réponses des ministres aux questions écrites sont publiées au journal officiel.

Les interpellations : conformément aux dispositions des articles 71 et 113 de la Constitution, le Président de la République ou tout membre de son gouvernement peut, dans l’exercice de ses fonctions gouvernementales, être interpellé par l’Assemblée nationale. Par ailleurs toute question écrite ou orale à laquelle il n’a pas été répondu dans le délai d’un mois peut faire l’objet d’une interpellation dans les conditions prévues par la Constitution. Les demandes d’interpellation dûment motivées et signées par dix députés au moins sont déposées sur le Bureau de l’Assemblée nationale en séance publique. A partir du dépôt aucune signature ne peut être retirée. Les demandes sont examinées par le Bureau selon la procédure des questions urgentes pour leur inscription à l’ordre du jour.

La décision d’interpellation est prise à la majorité simple des députés présents. Le Président de l’Assemblée nationale transmet, s’il y a lieu, l’interpellation au Président de la République

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6 . L’A S S E M B L É E N AT I O N A L E 1 4 3

dans les huit jours. Dans un délai de trente jours, le Président de la République répond à ces interpellations par lui même ou par l’un de ses ministres qu’il délègue spécialement devant l’Assemblée nationale.

Les Commissions d’enquêtes : l’Assemblée nationale peut aussi constituer des Commissions parlementaires d’information ou des commissions d’enquête et de contrôle. La création d’une Commission parlementaire d’information d’enquête ou de contrôle par l’Assemblée nationale résulte du vote d’une proposition de résolution déposée, affectée à la Commission permanente compétente, examinée. Cette proposition doit déterminer avec précision, soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises publiques ou semi-publiques dont la commission de contrôle doit examiner la gestion. Les Commissions parlementaires d’information, d’enquête et de contrôle ne peuvent comprendre plus de dix (10) députés. La commission saisie d’une proposition de résolution tendant à la création d’une Commission parlementaire d’information, d’enquête ou de contrôle doit déposer son rapport dans les 30 jours de la session ordinaire suivant l’affectation de cette proposition.

Les pouvoirs du Parlement en matière de contrôle budgétaireEn matière budgétaire, deux possibilités existent pour permettre au pouvoir législatif de contrôler l’exécutif. Il s’agit de l’examen et du vote de la loi de finances de l’année et du processus conduisant au vote de la loi de finances de règlement.

Le gouvernement doit déposer le projet loi de finances de l’année (budget général de l’État) au plus tard une semaine avant le démarrage de la session d’octobre (deuxième quinzaine du mois d’octobre). Le texte est soumis à la Commission des finances et des échanges quant au fond, et à la Commission du plan, de l’équipement et de la production pour avis. Après de nombreux travaux en commissions où chaque membre du gouvernement et chaque président d’institution vient défendre les prévisions de crédits qui sont prévues à son profit, le rapport est élaboré et une plénière est fixé pour connaitre du dossier. Mais plusieurs dispositions constitutionnelles réduisent le pouvoir d’analyse ou la marge de manœuvre du Parlement en cette circonstance. En dehors de l’hypothèse des douzièmes provisoires par lesquels le gouvernement peut demander au Parlement de l’autoriser à exécuter les recettes et les dépenses de l’État, au cas où le projet de lois de finances n’a pu être déposé à temps,234 le reste des dispositions constitutionnelles reflète plutôt la restriction des pouvoirs de l’Assemblée nationale. Ainsi par exemple, l’article 107 de la Constitution dispose que « Les propositions et amendements déposés par les députés ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique, à moins qu’ils ne soient accompagnés d’une proposition d’augmentation de recettes ou d’économies équivalentes. » De même, si l’Assemblée nationale qui doit voter le budget en équilibre ne s’est pas prononcée, à la date du 31 décembre, les dispositions du projet de loi de finances peuvent être mises en vigueur par ordonnance. Dans ce cas, le gouvernement saisit, pour ratification, l’Assemblée nationale convoquée en session extraordinaire dans un délai de quinze jours. Si l’Assemblée nationale n’a

234 Article 111 de la Constitution.

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1 4 4 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

pas voté le budget à la fin de cette session extraordinaire, le budget est établi définitivement par ordonnance.235

Si l’on ajoute à ces dispositions, la possibilité d’adopter le budget par voie d’ordonnances de mesures exceptionnelles, comme examiné plus haut, on ne peut manquer de conclure à la restriction des pouvoirs parlementaires en matière budgétaire. Un tel constat est confirmé par le manque d’exercice, par le Parlement béninois, du contrôle a posteriori du budget, c’est-à-dire le vote des lois de finances de règlement. En effet, l’article 112 de la Constitution dispose que « l’Assemblée nationale règle les comptes de la Nation selon les modalités prévues par la loi organique de finances. Elle est, à cet effet, assistée de la Chambre des comptes de la Cour suprême qu’elle charge de toutes enquêtes et études se rapportant à l’exécution des recettes et dépenses publiques, ou à la gestion de la trésorerie nationale, des collectivités territoriales, des administrations ou institutions relevant de l’État ou soumises à son contrôle ». Le Parlement exerce ce contrôle à travers les lois de finances de règlement dont l’article 99 de la Constitution précise qu’elles «  contrôlent l’exécution des lois de finances, sous réserve de l’apurement ultérieur des comptes de la Nations par la Chambre des comptes de la Cour suprême. »

Ainsi, en principe, à chaque budget de l’État voté doit être associée une loi de règlement pour que le processus soit bouclé. Le projet de loi de règlement est un ensemble d’articles renseignant d’une part, sur les recouvrements de recettes de l’État en vertu des autorisations reçues et, d’autre part, sur l’exécution par les ministères et institutions de l’État, des crédits mis à leur disposition par l’Assemblée nationale lors du vote du budget de l’État. Ce même document expose la situation de la trésorerie, arrête le résultat d’exécution de l’année dont il propose le transfert au compte permanent des découverts du Trésor et sollicite de l’Assemblée nationale l’approbation des dépassements de crédits rendus nécessaires en cours de gestion.236 Plusieurs acteurs devraient jouer un rôle important dans l’adoption de cette loi de finance dite de règlement. Le Gouvernement, tout d’abord qui, ayant en charge l’exécution de la loi de finances initiale, dispose des documents permettant de rédiger le projet de loi de règlement. La Chambre des comptes de la Cour suprême ensuite, qui a la charge d’examiner à fond les documents élaborés par le gouvernement et de produire un rapport synthétique destiné à apporter l’éclairage nécessaire pour la compréhension pas toujours aisée des documents financiers.237 L’Assemblée nationale devrait enfin, examiner attentivement les documents pour voter le texte soumis à son appréciation en faisant les observations, constats et recommandations pertinentes au gouvernement.

Le Parlement n’a, toutefois, réalisé ce contrôle politique sur l’exécution du budget de l’État qu’avec une très relative efficacité. C’est seulement en 1999 que le gouvernement a déposé pour la première fois les comptes de l’État à la Chambre des comptes. Ont suivi les comptes de 2000, 2001 et 2002. Le retard noté dans l’adoption des lois de finances de règlement est imputable à tous les acteurs puisque le gouvernement ne produit pas régulièrement les comptes, la Chambre des comptes de la Cour suprême n’a pas les moyens humains et techniques d’exercer son

235 Articles 110 de la Constitution.236 Maxime Bruno Akakpo, Réflexions su r la gouvernance financière au Bénin, Cotonou, Transparency Bénin, avec l’appui de l’USAID

Bénin, année non précisée, pp.78–79.237 Idem, pp.84–86.

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6 . L’A S S E M B L É E N AT I O N A L E 1 4 5

contrôle, et finalement, l’Assemblée nationale n’est même pas mis en situation de devoir exercer son mandat constitutionnel.

Au cours de l’année 2009, une prise de conscience de la situation a toutefois conduit à l’organisation d’un atelier parlementaire visant à accélérer la prise des lois de finances de règlement en retard. Mais l’on risque de ne pas atteindre les objectifs visés par l’exercice, puisque l’idée sera désormais de faire passer ces lois de finances de règlement comme des lettres à la poste pour redorer le blason du Bénin auprès des partenaires au développement sans que l’exercice ne donne vraiment l’occasion de faire des remontrances ou recommandations de bonne gouvernance à l’exécutif et à l’administration.

Encadré 15: Compétences du Parlement minées par les pouvoirs spéciaux du Président de la République.

Le 1er août 1994, le Président Nicéphore Soglo reproche aux parlementaires d’avoir amendé la

loi de finances présenté par son gouvernement de sorte que « le budget voté par l’Assemblée

nationale nous met en contradiction avec nos engagements vis-à-vis de nos bailleurs de fonds,

n’est pas en équilibre, ne respecte pas les repères financiers du Programme d’ajustement

structurel et ne respecte pas les engagements internationaux déjà souscrits par le Bénin. » Il

décide donc d’adopter deux ordonnances, la première (n° 94-001) portant « Loi de finances

pour la gestion 1994 », la deuxième (n° 94-002) portant « Loi de programme d’Investissements

Publics pour la gestion 1994 ». Le 5 août 1994, le Président de l’Assemblée nationale saisit la

Cour constitutionnelle, entre autres parce que les engagements internationaux dont le Président

de la République invoque la violation « ne sont ni précisés, ni produits, ce qui rend impossible

la vérification des allégations contenues dans le message [à la nation], alors que, ne peuvent

être considérés comme traités, accords ou engagements internationaux que ceux qui ont été

ratifiés en vertu d’une loi (…) » Par ce recours, le Président de l’Assemblée nationale entendait

contester, non seulement, le fait que les actes dont le Président de la République évoque la

violation soient véritablement des « engagements internationaux », mais aussi l’effectivité

d’une menace grave ou immédiate qui atteindraient l’application de pareils actes. En plus,

le Président de l’Assemblée nationale trouve que d’autres pistes que le recours aux mesures

exceptionnelles sont disponibles et reproche au Président de la République de ne les avoir

pas essayées avant de recourir aux mesures exceptionnelles. En d’autres termes, au grief de

non satisfaction aux conditions de fond de recours aux mesures exceptionnelles, le Président

de l’Assemblée nationale ajoute un grief relatif à l’inopportunité de recourir aux mesures

exceptionnelles.

Ce sont ces deux griefs que la Cour rejette en décidant que la « décision initiale de mise en

œuvre des pouvoirs exceptionnels est un pouvoir discrétionnaire du Président de la République

(et que) le recours à l’application de l’article 68, dès lors qu’il a été exercé dans les conditions

prescrites par la Constitution est un acte de gouvernement qui n’est pas susceptible de recours

devant la Cour constitutionnelle ».

La Cour ne peut donc apprécier ni la réunion des conditions de fond justifiant le recours aux

mesures exceptionnelles, ni l’opportunité des dites mesures. Il en est d’autant plus ainsi

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1 4 6 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

qu’elle n’a pas pu invalider des ordonnances prises malgré son avis préalable constatant la

non réunion des conditions de recours aux mesures exceptionnelles. C’est ainsi que dans le

cas des ordonnances de 1994, lorsque la Cour les a déclarées contraires à la Constitution pour

défaut de consultation de la Cour, et que le Président de la République, a repris la procédure

pour consulter la Cour, celle-ci a considéré, par avis, que « La loi de finances votée le 28 juillet

1994 n’étant toujours pas promulguée pour devenir exécutoire, celle-ci ne saurait constituer

une menace grave et immédiate pour l’exécution des engagements internationaux ; (…) que

dans la situation actuelle, il n’apparaît pas qu’il y ait menace pour l’exécution des engagements

internationaux ni pour le fonctionnement régulier des pouvoirs constitutionnels (…) que ne

sont pas réunies les conditions exigées par la Constitution pour l’application de son article

68 ».

Après des discussions infructueuses sur des mesures socioéconomiques contenues dans les

projets de loi de finances et de programme d’investissement publics 1996 qui ont conduit à

leur rejet par le Parlement, le Président Soglo les a néanmoins mises en œuvre à travers quatre

ordonnances du 30 janvier 1996, la première (n° 96-01) autorisant la notification de l’accord

de crédit relatif au Programme d’ajustement structurel III, la deuxième (n° 96-02) mettant en

œuvre le budget général de l’État, la troisième (n° 96-03) mettant en œuvre le programme

national d’investissements publics et la quatrième (n° 96-04) adoptant le Code des marchés

publics. La Cour constitutionnelle a déclaré que ces ordonnances étaient conformes aux

conditions de forme posées par la Constitution.

S o u R C e S : Cour constitutionnelle, Avis CC 02-94, Recueil 1994, p.131 et décisions DCC 27-94 du 24 août 1994, Recueil 1994, et DCC 32-94 du 24 novembre 1994, Recueil 1994, pp.151–154

B. CompositionC’est la loi qui determine le nombre de députés, lequel n’est pas déterminé dans la Constitution. Il est actuellement de 83 députés élus dans vingt-quatre circonscriptions électorales. Les députés sont élus au scrutin proportionnel de liste à un tour, avec répartition des sièges selon la plus forte moyenne. Ce mode de scrutin présente deux avantages : il assure la représentation élargie de l’essentiel des forces du paysage politique, tout en renforçant, en principe, la représentation des grands partis.

Répartition en genre et en catégories socioprofessionnellesLes données disponibles en début de mandat de la cinquième législature 2007–2011 montrent que les femmes étaient sous représentées au parlement, avec seulement 7 femmes sur 83 députés, soit moins de 10%. 13 députés venaient du secteur privé et y avaient exercé le commerce, tandis que 9 députés étaient enseignants du secondaire et de l’université et que 8 députés étaient juristes. Le gros des députés, soit 53 sur 83, étaient des cadres de la fonction publique, de la gestion comptabilité, de la gestion immobilière, de l’agro-industrie et des douanes.

Représentation des partis politiques Aux législatives du 25 mars 2007, 16 partis et 10 alliances de partis ont concouru (4 316 candidats pour 83 sièges). Douze partis politiques ou coalitions de partis politiques ont obtenu des sièges.

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6 . L’A S S E M B L É E N AT I O N A L E 1 4 7

Les partis politiques des principaux candidats malheureux à la présidentielle de 2006 (Lehady Soglo, Bruno Amoussou, Antoine Kolawolé Idji) s’étaient regroupés dans une coalition, l’Alliance pour une dynamique démocratique (ADD), tandis que le Parti du renouveau démocratique (PRD) d’un autre candidat malheureux à la présidentielle de 2006 (au second tour), Me Adrien Houngbedji, faisait cavalier seul avec un petit parti, le PRS.

La cinquième législature du Parlement issue des élections de mars 2007 a enregistré un taux de renouvellement de 67% contre un taux de maintien de 33%. Pour les 83 sièges en compétition, les résultats se présentent comme suit :238

• FCBE (Force Cauris pour un Bénin émergent) : 35 sièges ;• ADD (Alliance pour une dynamique démocratique, comprenant essentiellement les

militants de la RB, ceux du PSD et ceux du MADEP) : 20 sièges ;• Parti du renouveau démocratique (PRD) : 10 sièges ;• Force clé : 4 sièges ; • UPR (Union pour la relève) : 3 sièges ;• Quatre partis ayant chacun 2 sièges (UNDP, AR, CBE et FE) ; et • trois partis ayant chacun 1 siège.

Au sein de l’Assemblée nationale, c’est au niveau des groupes parlementaires que les députés expriment leurs préoccupations politiques et leur adhésion aux idéaux des partis qui les ont positionnés sur les listes de candidatures. Les députés peuvent en effet, s’ils ou elles le désirent, choisir de s’organiser en groupes parlementaires par affinités politiques. Aucun groupe ne peut avoir moins de 9 membres. En se constituant, ces groupes font une déclaration politique signée par leurs membres. Les députés ne peuvent faire partie que d’un seul groupe parlementaire. Tout député qui n’appartient pas à un groupe est considéré comme non-inscrit.

De façon globale, la configuration du Parlement (2007–2011) est marquée par la majorité relative de la liste parrainée par le Président de la République, c’est à dire la liste « Forces Cauris pour un Bénin émergent, » regroupant une vingtaine de partis politiques. Elle n’atteint pas à elle seule la majorité absolue (42 députés), mais établit un nouveau record nettement meilleur que les précédents.239 Forces Cauris pour un Bénin Émergent a conquis 35 des 83 sièges de l’Assemblée nationale, où sont représentées 12 formations (partis ou alliances de partis) politiques comme en 1991. Les partis traditionnels, de l’Alliance pour une dynamique démocratique (ADD regroupant la Renaissance du Bénin, le Parti social démocrate et le Mouvement africain pour la démocratie et le progrès : 20 élus) au Parti du renouveau démocratique (PRD : 10 élus), ont été les grands perdants, les victimes de la profonde recomposition du système au profit de Boni Yayi, chef de l’État depuis avril 2006.

Par la suite, lors de la formation des groupes parlementaires, en mai, puis en septembre 2007, ces coalitions électorales ont éclaté en plusieurs groupes parlementaires selon leurs

238 Voir http://www.afrique-express.com/afrique/Bénin/politique/bénin-assemblée-nationale.html.239 La nouvelle législature est entrée en fonction le 23 avril 2007 avec les suivants comme membres de son bureau : Président :

Mathurin Nago (FCBE); 1er vice-président : André Dassoundo (FCBE) ; 2ème vice-président : Antoine Dayori (FE); 1er questeur :

Saka Fikara (AR) ; 2ème questeur : Mama Djibril Débourou (FCBE) ; 1er secrétaire parlementaire : Joachim Dahissiho (UNDP) ;

2ème secrétaire parlementaire : Amissétou Affo Djobo (FCBE).

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1 4 8 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

affinités. La majorité des députés soutenaient le Président Boni Yayi. Ils s’étaient répartis en quatre groupes parlementaires :

• le groupe « Bénin Émergent - Paix et démocratie » (13 députés), présidé par Issa Salifou (Saley) du parti UPR ;

• le groupe « Démocratie Emergence » (12 députés), présidé par Sylvain Zohoun (élu sous l’étiquette FCBE) ;

• le groupe « Bénin Emergent - Solidarité et Progrès » (12 députés), présidé par Justin Yotto Sagui (élu sous l’étiquette FCBE) ;

• le groupe « Bénin Émergent - Gouvernance concertée » (12 députés), présidé par Anani Adébayo Abimbola (élu sous l’étiquette FCBE).

Dans l’opposition non déclarée, l’alliance électorale ADD avait éclaté en deux tendances, qui ont formé des groupes distincts à l’Assemblée nationale. Un premier groupe s’appelle « Alliance pour une dynamique démocratique (ADD) - Nation et développement », et est présidé par Rosine Vieyra-Soglo, l’épouse de l’ancien Président de la République, Nicéphore Soglo. Le principal parti de cette alliance est le parti, Renaissance du Bénin de Rosine et Nicéphore Soglo. Ce groupe compte 10 députés. Un deuxième groupe, dénommé « Add/Paix et Progrès », s’est formé autour de Bruno Amoussou (leader du Parti social démocrate-PSD) et d’Antoine Kolawolé Idji (leader du Mouvement africain pour la démocratie et le progrès-MADEP). Ce groupe parlementaire est présidé par Jean-Baptiste Edaye et compte aussi 10 députés.

Toujours à classer dans l’opposition, le PRD d’Adrien Houngbedji s’est allié au PRS pour former un groupe parlementaire (10 députés) PRD-PRS, présidé par Augustin Ahouanvoebla. Enfin, quatre députés élus sous les couleurs du parti Force-Clé n’avaient pu former de groupe parlementaire.

La Cour constitutionnelle, saisie en janvier 2009, a rendu une décision en février 2009 de laquelle il ressort quelques modifications de cette configuration politique. La nouvelle configuration politique de l’Assemblée nationale, validée par la Cour constitutionnelle en février 2009 sur la base de la division en majorité et minorité parlementaires,240 se présente comme suit :

• tendance majoritaire : 44 • tendance minoritaire : 37  • non inscrits : 2 • total : 83.

On retrouve désormais une majorité de députés opposée au chef de l’État, avec la composition détaillée suivante :

240 Il convient de ne pas confondre la majorité parlementaire avec la mouvance présidentielle. Précisément dans le cas présent, la

majorité parlementaire, en début 2009, se compose des partis opposés au Président de la République, de sorte que les députés

soutenant le chef de l’État, majoritaires en début de législature, se retrouvent dans l’opposition parlementaire, mais dans la

mouvance présidentielle. La majorité est définie comme étant « un parti ou coalition de partis détenant la majorité des sièges

du Parlement » par opposition à la minorité qui en détient moins. Cf. Décision de la Cour constitutionnelle DCC 09-015 du 19

février 2009.

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6 . L’A S S E M B L É E N AT I O N A L E 1 4 9

• La tendance majoritaire (partis opposés au Président de la République), composée de : – Groupe parlementaire G13 : 13 députés ; – Groupe parlementaire ADD Nation et Développement : 11 députés ; – Groupe parlementaire ADD Paix et Progrès : 10 députés ; – Groupe parlementaire PRD-PRS : 10 députés ;

• La tendance minoritaire (partis qui soutiennent le Président de la République) composée de : – Groupe Bénin émergent solidarité et progrès : 12 députés ; – Groupe parlementaire Démocratie et emergence : 13 députés ; – Groupe parlementaire Unité nationale : 12 députés.

En janvier 2010, le Président Boni Yayi avait perdu la majorité dont il disposait au début de la législature en 2007. En conséquence, la majorité parlementaire doit faire tout le temps l’objet de recherches permanentes d’équilibre entre la mouvance présidentielle et l’opposition à la mouvance présidentielle. Un tel équilibre a cependant été difficile à trouver, comme en témoigne le fait qu’au cours de la cinquième législature le Parlement a rejeté à plusieurs reprises les lois de finances proposées par le gouvernement et les rapports du Président de l’Assemblée nationale, un partisan du Président de la République.

C. Organisation et fonctionnement

Calendrier législatifLes députés sont tenus de participer à deux sessions ordinaires de trois mois chaque année. La première session, dénommée session législative, s’ouvre au cours de la première quinzaine du mois d’avril et la deuxième session, dénommée session budgétaire, s’ouvre au cours de la seconde quinzaine du mois d’octobre. En outre, l’Assemblée nationale peut convoquer, sur l’initiative de son Président, ou à la majorité absolue des membres, des sessions extraordinaires si l’ordre du jour est bien défini.

Convocation des sessions et détermination de l’agendaLa Conférence des Présidents émet un avis sur l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale proposé par son Président. Les projets et les propositions de lois sont inscrits à l’ordre du jour de l’Assemblée. Les demandes d’inscription prioritaires du gouvernement sont adressées au Président de l’Assemblée nationale qui en informe les présidents des commissions compétentes et les transmet pour avis à la plus prochaine Conférence des présidents. Si, à titre exceptionnel, le gouvernement demande une modification de l’ordre du jour par adjonction, retrait ou inversion d’un ou de plusieurs textes prioritaires, le Président en donne immédiatement connaissance à l’Assemblée.

Les demandes d’inscription d’une proposition complémentaire à l’ordre du jour sont adressées au Président de l’Assemblée nationale par le président de la Commission saisie au fond ou par un président de groupe parlementaire.

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1 5 0 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

Les organes de l’Assemblée nationaleL’Assemblée nationale est de type monocaméral, c’est à dire constitué par une chambre unique. Il dispose des organes ci-après:

Le Président est considéré au Bénin comme la deuxième personnalité de l’État. Il dirige l’Assemblée nationale et est chargé de représenter son institution aussi bien sur le plan national qu’international. Il préside toutes les séances et réunions et assure la police des débats. Il assure le fonctionnement de l’institution et donne son avis sur les propositions de nominations à certains postes de direction des institutions de la République.

Le Bureau assiste le Président dans la direction de l’institution. Élu pour chaque législature (donc pour quatre ans), le Bureau coordonne et organise les travaux de l’Assemblée nationale et des Commissions. Il se réunit une fois par semaine pendant les sessions et une fois par mois hors session. Les décisions sont prises par consensus mais à défaut de consensus les décisions sont prises au scrutin secret. Il compte sept membres à savoir le Président, deux vice –présidents, deux questeurs et deux secrétaires parlementaires.

Le bureau actuel (2007–2011) est ainsi composé: Président : Mathurin Nago (FCBE); 1er vice-président : André Dassoundo (FCBE) ; 2ème vice-président : Antoine Dayori (FE); 1er questeur : Saka Fikara (AR) ; 2ème questeur : Mama Djibril Débourou (FCBE) ; 1er secrétaire parlementaire : Joachim Dahissiho (UNDP) ; 2ème secrétaire parlementaire : Amissétou Affo Djobo (FCBE).

La Conférence des Présidents comprend le Président de l’Assemblée, les autres membres du Bureau, les Présidents des Commissions permanentes et les Présidents des groupes parlementaires. Elle sert d’organe consultatif du Président. Elle émet son avis sur l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale proposé par le Président, conseille le Bureau dans la nomination par l’Assemblée nationale des membres des institutions de la République telles que la Cour constitutionnelle, la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication, etc.

Les Commissions permanentes. Les membres de l’Assemblée nationale se repartissent en cinq commissions techniques spécialisées selon les principaux secteurs d’activités. Il s’agit des commissions (i) des lois, de l’administration et des droits de l’Homme, (ii) des finances et des échanges, (iii) du plan, de l’équipement et de la production, (iv) de l’éducation, de la culture, de l’emploi et des affaires sociales, et (v) des relations extérieures, de la coopération au développement, de la défense et de la sécurité.

Les compétences respectives de ces commissions sont :1. Commission des lois, de l’administration et des droits de l’Homme : Constitution,

lois, justice, pétition, administration générale et territoriale, promotion et protection de la démocratie et des droits de l’Homme.

2. Commission des finances et des échanges : Recettes et dépenses de l’État, exécution du budget, monnaie et crédit, activités financières intérieures et extérieures, contrôle financier des entreprises publiques et semi-publiques, domaine de l’État, consommation, commerce intérieur et extérieur, fiscalité.

3. Commission du plan, de l’équipement et de la production : Planification, agriculture, élevage et pêche, forêt et chasse, hydraulique, énergie, mines et industrie, action coopérative, technologie, communication et tourisme, aménagement du territoire

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6 . L’A S S E M B L É E N AT I O N A L E 1 5 1

et urbanisme, équipement, transport et travaux publics, habitat, environnement et protection de la nature.

4. Commission de l’éducation, de la culture, de l’emploi et des affaires sociales : Education nationale, recherche scientifique et technique, formation professionnelle, promotion sociale, jeunesse et sports, promotion culturelle, information, alphabétisation, travail et emploi, santé, famille, condition de la femme et de l’enfant, population, sécurité sociale et aide sociale, pensions.

5. Commission des relations extérieures, de la coopération au développement, de la défense et de la sécurité : Relations internationales, politique extérieure, coopération internationale, traités et accords internationaux, relations interparlementaires, conférences internationales, protection des intérêts des béninois à l’étranger, statut des étrangers résidant au Bénin, coopération et intégration interafricaines, organisation générale de la défense, domaine militaire, politique de coopération et d’assistance dans le domaine de la défense et de la sécurité, personnel civil et militaire des armées, gendarmerie, justice militaire, police, sécurité et intégrité territoriale, sécurité des personnes et des biens.

Les Commissions permanentes regroupent chacune au moins 13 membres et sont saisies, à la diligence du Président de l’Assemblée nationale, de tous les projets ou propositions de lois entrant dans leur domaine de compétence. Le Président de L’Assemblée nationale peut décider du renvoi d’une étude à une commission spéciale ou temporaire après consultation de la Conférence des Présidents.

L’inscription dans les Commissions permanentes est obligatoire pour tous les députés à l’exception des membres du Bureau. Les Commissions ne peuvent pas siéger en même temps que l’Assemblée plénière sauf cas d’urgence. La présence aux réunions des Commissions est obligatoire. Les débats des Commissions ne sont pas publics. Ceci réduit la participation du public dans le travail du parlement et constitue donc une grande faiblesse du système démocratique au Bénin.

L’Assemblée nationale peut constituer en outre, en son sein, des Commissions spéciales et temporaires pour un objet déterminé. Ces Commissions cessent d’exister de plein droit lorsque les projets ou propositions qui ont provoqué leur création sont adoptés, rejetés ou retirés.

D. Conditions de travail

Traitement (salaire) des députésLes conditions du traitement salarial des députés sont définies au Bénin par la loi n° 2001-30 du 11 décembre 2001 portant détermination des indemnités parlementaires et autres avantages dus aux Députés, membres de l’Assemblée nationale. Comme l’indique l’intitulé de cette loi, il existe, au profit des députés à l’Assemblée nationale, des indemnités mais aussi « d’autres avantages ». Toutefois, cette loi fixe les critères généraux et détermine de façon vague les composantes du traitement des députés. Le montant exact du salaire des députés et des indemnités qui l’accompagnent est gardé secret et l’acte qui le détermine n’est jamais rendu public. Les

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1 5 2 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

démarches effectuées pour le présent rapport auprès du Parlement et des députés individuels pour connaître le montant exact du traitement des députés sont restées sans suite.

Les indemnitésAux termes de la loi, les éléments constitutifs des indemnités parlementaires sont  : (i) l’élément permanent de rémunération, (ii) les indemnités relevant de l’exercice de la fonction parlementaire, et (iii) les indemnités spécifiques en rapport avec la fonction exercée au sein de l’institution parlementaire.

Le député perçoit une indemnité mensuelle égale au traitement à l’indice maximum des cadres supérieurs de la hiérarchie des administrations publiques civiles ou militaires de l’État affecté d’un coefficient correcteur égal à deux. Le Président de l’Assemblée nationale perçoit une indemnité mensuelle égale au traitement à l’indice maximum des cadres supérieurs de la hiérarchie des administrations publiques civiles ou militaires de l’État affecté d’un coefficient correcteur égal à quatre. Le député perçoit, en plus, des indemnités de téléphone, d’électricité, d’eau et de logement, ainsi qu’une indemnité de fonctionnement d’un cabinet particulier.241 Par ailleurs, le député qui exerce une fonction particulière au sein des organes de l’Assemblée nationale perçoit une indemnité de sujétion. Il bénéficie en fonction de son poste d’un véhicule de fonction ainsi que de la gratuité du logement conformément aux dispositions du règlement intérieur de l’Assemblée nationale.

Autres avantages dus aux députésIl existe aussi d’autres avantages dus aux députés, membres de l’Assemblée nationale, qui sont :

• la prime d’installation payable à chaque législature ;• la sécurité sociale et la couverture médicale ;242 • les signes extérieurs distinctifs du parlementaire ;243

• une prime vestimentaire ;• le passeport diplomatique pour le député, ses conjoints et enfants ;• la sécurité individuelle ;244

• l’hébergement ;• les frais afférents au déplacement à l’intérieur245 et à l’extérieur du territoire national

dans le cadre d’une mission officielle.246

241 Le Président de l’Assemblée nationale a droit à la « domesticité » et à la gratuité de l’eau, de l’électricité et du téléphone242 Le député a droit à une sécurité sociale. Il a droit ainsi que ses conjoints et enfants à une couverture médicale.243 Les attributs extérieurs distinctifs du député sont :

– un insigne distinctif et une écharpe portés par les députés lorsqu’ils sont en mission, dans les cérémonies publiques et

en toute circonstance où ils ont à faire connaître leur qualité ;

– une cocarde pour l’identification de leur véhicule.244 Le Président de l’Assemblée nationale a droit à une sécurité rapprochée. Le député a droit, à sa demande, à une sécurité

rapprochée ou à une sécurité globale dans le cadre de l’exercice de sa fonction.245 L’État assure le transport du député en lui octroyant un véhicule à l’état neuf.246 Le député peut effectuer des missions officielles à l’intérieur et à l’extérieur du territoire national dans les conditions ci-après :

– Missions à l’intérieur du territoire national

Les conditions de voyage à l’intérieur sont déterminées par le Bureau de l’Assemblée nationale.

– Missions à l’extérieur du territoire national

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6 . L’A S S E M B L É E N AT I O N A L E 1 5 3

Il existe aussi des frais supplémentaires de sessions et des travaux en commissions qui sont remboursés aux députés sur une base forfaitaire.

Appui administratif et technique Le cabinet du Président de l’Assemblée nationale est composé d’une équipe de secrétaires, de conseillers, de chargés de mission, d’aide de camp, dirigé par un directeur de cabinet, et dont le rôle est d’assister, de conseiller et d’appuyer le président de l’institution dans ses taches, il existe un Secrétariat général administratif.

Le Secrétariat général administratif est dirigé par un Secrétaire général administratif nommé par le Président de l’Assemblée nationale parmi les fonctionnaires de la catégorie A, échelle 1 (grade plus élevé de l’administration publique au Bénin). Il est assisté d’un Secrétaire général administratif-adjoint nommé dans les mêmes conditions. Ils sont chargés, sous l’autorité du Président, d’apporter leur aide aux députés, notamment en matière d’information et de documentation, et sous l’autorité des questeurs, d’assurer la gestion administrative et financière de l’Assemblée nationale.  En 2007, 143 agents travaillaient au sein de ce secrétariat général administratif qui comprend deux directions : la direction des services législatifs et la direction de la questure.247

La direction des services législatifs est dirigée par un directeur nommé par le Président parmi les fonctionnaires de la catégorie A, échelle 1. Il exerce ses fonctions sous l’autorité du Secrétaire général administratif.  Elle comprend le service des séances et des questions de la transcription et de la rédaction ; le service des commissions, des réunions du bureau et de la conférence des présidents ; le service de la documentation et des archives ; et le service de la communication. La direction de la questure est dirigée par un directeur nommé par le Président parmi les fonctionnaires de la catégorie A, échelle 1. Le directeur de la questure exerce ses fonctions sous l’autorité du Secrétaire général administratif. Elle le service du personnel et de la santé ; le service de la comptabilité ; le service du matériel et de l’entretien ; le service financier ; le service de la restauration et de l’hôtellerie et le service du protocole.

L’Assemblée nationale a obtenu le soutien technique et financier de plusieurs partenaires. Depuis 1991 plusieurs partenaires techniques et financiers, bilatéraux comme multilatéraux, ont soutenu l’Assemblée nationale afin de l’aider à améliorer ses performances. Les interventions des partenaires s’inscrivent surtout au niveau du renforcement des capacités institutionnelles, techniques et financières aussi bien des membres élus du Parlement que de son personnel administratif.

L’African Capacity Building Foundation (ACBF) a été l’une des premières structures à avoir appuyé le Parlement béninois de façon pérenne, en créant, seule au départ, la Cellule d’analyse des politiques de développement de l’Assemblée nationale (CAPAN). Cet appui a eu pour

Voyage en avion : Président et vice-présidents : 1ère classe, autres députés : classe affaires.

– Frais de mission : les frais de missions sont déterminés par le Bureau de l’Assemblée nationale.

– Salon d’honneur : le député a droit au passage au salon d’honneur de l’aéroport ; le service du protocole de l’Assemblée

nationale est responsable des formalités nécessaires pour le voyage du député.247 Assemblée nationale du Bénin, Secrétariat général administratif, Plan triennal de formation du personnel, 2007–2009, Porto-

Novo, 2007, pp.22–35.

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1 5 4 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

objectifs  : (i) d’améliorer les capacités institutionnelles et humaines de l’Assemblée nationale en matière de formulation et d’analyse des politiques de développement; (ii) d’améliorer les capacités du personnel administratif de l’Assemblée nationale et de la société civile en matière de politique de développement et de formulation des lois; (iii) de développer un programme d’études et de recherche mieux adapté aux défis auxquels le Bénin est confronté ; (iv) d’intégrer l’aspect genre dans les activités du Parlement; et (v) de rendre plus visibles les activités du Parlement au moyen de la communication et renforcer ses relations avec les médias et la société civile. En janvier 2010, ce projet en était à sa deuxième phase et avait reçu les soutiens des coopérations néerlandaise et danoise.

Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), à travers les Projets d’appui à la réforme et la modernisation de l’Assemblée nationale (PARMAN 2004–2008) et l’Unité d’analyse, de contrôle et d’évaluation du budget de l’État (UNACEB, désormais intégré à l’Assemblée nationale), a également contribué au renforcement des capacités des députés, de l’Assemblée nationale et du personnel administratif, sur les plans techniques et matériels.

Après une vingtaine d’années d’exercice de démocratie parlementaire, et malgré la légitimité et le prestige dont elle jouit, l’Assemblée nationale béninoise souffre encore de nombreuses faiblesses qui l’empêchent d’exercer pleinement ses trois principales fonctions que sont la représentation, la législation et le contrôle de l’action gouvernementale. Malgré les appuis, la principale contrainte qui continue d’entraver la performance du Parlement béninois est le constat d’un déséquilibre important de niveau d’information, de moyens et de ressources humaines compétentes entre le gouvernement et le Parlement. En effet, les compétences et capacités des députés, de l’administration parlementaire ou du personnel de soutien, ainsi que de manière générale, les capacités institutionnelles du Parlement, sont faibles. De plus, le Parlement souffre parfois d’une confusion entre les tâches politiques – du ressort du cabinet du Président de l’Assemblée nationale – et administratives – relevant du secrétariat général administratif. Le recrutement des agents parlementaires se fait parfois sur base des critères plus politiques qu’objectives et techniques. De son côté, le secrétariat général administratif est parfois contourné et des taches techniques confiées au cabinet.

Malgré les actions entreprises avec l’appui du PNUD, de l’USAID et de l’ACBF, les conditions de travail de l’institution restent difficiles. Parmi les déficits les plus importants du Parlement béninois, il faut citer  : l’insuffisante maîtrise des textes fondamentaux (dont la Constitution, les lois organiques et le Règlement intérieur de l’Assemblée), la faible aptitude à initier des lois et à proposer des amendements, la nécessité d’un rapprochement plus fort des députés du peuple d’une façon générale, et de leurs bases électorales en particulier, du fait d’un grand déficit de communication entre le Parlement et la population, la faible représentation féminine, les limites du pouvoir du Parlement de contrôler l’action gouvernementale, le sous-équipement en ressources humaines et matérielles de l’Assemblée (cadres parlementaires, équipements informatiques) et la très forte rotation des députés à chaque législature (avec un taux de renouvellement du Parlement de près 70% lors des législatives de mars 2007). Le Parlement doit, en outre, s’adapter aux nouvelles exigences d’analyse et de suivi des politiques

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6 . L’A S S E M B L É E N AT I O N A L E 1 5 5

publiques, d’intégration sous régionale et régionale et de s’insérer ainsi dans les réseaux en construction.248

e. Budget de fonctionnement du ParlementL’Assemblée nationale jouit de l’autonomie financière. À ce titre, elle établit son budget prévisionnel et le transmet au ministre chargé des Finances pour intégration au projet de budget de l’État. Le budget de l’Assemblée nationale est élaboré selon la nomenclature du budget de l’État et réparti en chapitres et articles pour la gestion du personnel, du matériel et de fonds spéciaux tenus à sa disposition. Le budget de l’Assemblée nationale fait partie intégrante du budget de l’État voté annuellement conformément aux dispositions de la loi organique relative aux lois de finances. Les dotations budgétaires de l’Assemblée nationale sont mises à sa disposition par délégations trimestrielles de crédits et les fonds versés au début du trimestre au compte de l’Assemblée nationale dans une institution bancaire installée sur le territoire national. Pour l’année 2007, le budget du Parlement était de 7.136.627.000 FCFA (US$ 15 millions) tandis qu’en 2008, il a été de 7.431.475.000 FCFA (US$ 15.7 millions). Ce budget s’est élevé à 8.170.380.376 F Cfa (US$ 17.2 millions) en 2009, puis à 8.488.309.136 F Cfa (US$ 18 millions) pour 2010. Ces montants sont supérieurs à 1% du budget général de l’État chaque année.

F. Participation du public au travail ParlementaireDepuis 1999, il existe 24 circonscriptions électorales au Bénin.249 Toutefois, la Constitution précise que le député a un mandat national et non impératif. Autrement dit, bien qu’étant élu dans une circonscription électorale donnée, il ne représente pas sa circonscription, mais la nation toute entière.

Les députés perçoivent une indemnité de fonctionnement d’un cabinet particulier qui leur permet de garder un lien avec leurs électeurs. De façon régulière, souvent les week-ends, les députés se rendent dans les localités d’où ils ont élus. À ces occasions, les députés jouent aux assistants sociaux en assistant aux différentes cérémonies telles que les baptêmes, funérailles, ou tournois sportifs, et en apportant aux organisateurs les soutiens financiers et matériels dont ils ont besoin. Ils reçoivent des dizaines de personnes qui viennent soumettre différents problèmes dont souvent ceux relatifs aux frais de scolarité ou de soin de leurs enfants ou parents, à moins qu’il ne s’agisse de frais d’entretien de la clientèle politique. Les députés ne peuvent souvent pas échapper à ces sollicitations, sauf s’ils ne sont plus intéressés par un nouveau mandat. Il arrive aussi que certaines séances soient organisées pour remercier les populations pour leur élection ou expliquer à celles-ci le sens d’un vote ou d’une position politique prise à l’Assemblée nationale.

Les populations sont libres de participer aux débats Parlementaires. Il existe une salle réservée au public qui voudrait assister aux séances plénières de l’Assemblée nationale. Des journalistes se sont spécialisés en suivi des travaux Parlementaires et ont créé un réseau des journalistes Parlementaires. Les travaux en commissions sont plus fermés. Les députés décident de recevoir, lors de ces séances, les personnes qu’ils souhaitent et qui sont à même de les éclairer

248 Projet PARMAN du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) d’appui au Parlement béninois,

document de la phase 2 du projet, p.9.249 La loi n° 98-036 du 15 janvier 1999.

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1 5 6 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

sur tel ou tel point. Il leur arrive de recevoir par exemple, lors de la session budgétaire, des syndicalistes venus expliquer leurs préoccupations et désireux de voir les députés les défendre lors des votes.

G. RecommandationsIl est important de poursuivre les efforts de renforcement des capacités des députés et des fonctionnaires Parlementaires. Chaque député ou groupe de députés (groupe Parlementaire par exemple) doit pouvoir disposer d’un cabinet composé au minimum, d’agents spécialisés en procédure législative et en contrôle budgétaire.

Le nombre d’assistants de commissions techniques devrait être sensiblement augmenté afin de renforcer leur rôle d’appui. Le Parlement et le gouvernement devraient également créer un véritable corps d’agents Parlementaires, notamment en instituant une filière à l’École nationale d’administration et de magistrature pour préparer à un tel corps professionnel.

Le Parlement devrait effectuer une réforme de son fonctionnement interne et ouvrir les travaux des Commissions au public pour permettre une plus grande participation populaire au travail Parlementaire.

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7

Décentralisation et autorités traditionnelles

Le renouveau démocratique, formellement inauguré par la Conférence des forces vives de la nation en février 1990, a ouvert la voie à un mode de gestion décentralisée de l’État. Après 42 ans de pouvoir étatique centralisé, la Conférence a institué deux sphères de pouvoir, le pouvoir local d’une part, et le pouvoir central d’autre part. La Constitution du 11 décembre 1990, consensus politique de cette conférence consacre la décentralisation comme un nouveau mode de gestion du pouvoir étatique. En dépit d’une délimitation claire des compétences entre l’État et les communes, le transfert des compétences n’a pas encore été réalisé de façon effective en faveur des communes. En plus des ressources financières, les communes accusent une carence en personnel qualifié et compétent. Des efforts sont réalisés pour informer le public sur l’évolution du processus de décentralisation, mais l’absence d’information suffisante et adéquate sur les revenus des communes accentue la déplorable qualité de la participation populaire dans la démocratie locale.

A. La structure territorialeLa réforme de l’administration territoriale intervient avec la Constitution du 11 décembre 1990, complétée par la loi n° 97-028 du 15 janvier 1999 portant organisation de l’administration territoriale en République du Bénin. L’article 151 du titre 10 de la Constitution relatif aux collectivités locales pose le principe de la libre administration de celles-ci par des conseillers élus. C’est au législateur que le constituant a néanmoins réservé le pouvoir de création des collectivités locales, ainsi que les relations que celles-ci entretiennent avec le pouvoir central. Aux termes de l’article 1er de la loi de 1999, l’administration territoriale de la République est assurée par les

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1 5 8 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

autorités et services déconcentrés de l’État et par les collectivités territoriales décentralisées. La loi consacre le département comme seul niveau de déconcentration et la commune comme l’unique niveau de décentralisation.

Le département est une circonscription administrative de l’État, sans personnalité juridique ni autonomie financière. Il est l’organe déconcentré et est administré par un représentant de l’État, nommé par décret pris en conseil des ministres, appelé Préfet. Ce représentant relève hiérarchiquement du ministre chargé de l’administration territoriale, et est, à ce titre, dépositaire de l’autorité de l’État dans le département. Ce dernier dispose en outre d’un organe administratif  : la Conférence administrative départementale (CAD), présidée par le Préfet et composée de l’ensemble des directeurs départementaux et responsables départementaux des sociétés et offices d’État et d’un organe politique à caractère consultatif : le Conseil départemental de concertation et de coordination (CDCC), présidé par le Préfet et composé des maires et adjoints aux maires ainsi que de trois représentants de la société civile.

Quant à la commune, elle constitue au Bénin la collectivité décentralisée.250 La loi ne distingue pas les communes des centres urbains de celles des zones rurales. Cependant, elle établit une distinction, non de nature, mais de degré entre les communes de droit commun ou communes ordinaires d’une part, et les communes à statut particulier d’autre part. Les grandes agglomérations urbaines disposent d’un statut particulier.251 Trois critères cumulatifs servent de base pour ériger une commune de droit commun en une commune à statut particulier: (i) avoir une population de cent mille (100.000) habitants au moins ; (ii) s’étendre de façon continue sur une distance de 10 km au moins; (iii) disposer des ressources budgétaires suffisantes pour faire face aux dépenses de fonctionnement et d’investissement.252 Les communes des trois principales villes – Cotonou, Porto-Novo et Parakou – ont, à la date de janvier 2010, ce statut particulier.

Contrairement au département, la commune jouit de la personnalité juridique et de l’autonomie financière.253 La commune est administrée par un Conseil élu dénommé « Conseil communal  ». Elle est le cadre institutionnel pour l’exercice de la démocratie à la base et la réalisation des actions de développement. La Commune est subdivisée en unités administratives locales sans personnalité juridique ni autonomie financière. Il s’agit des arrondissements, divisés eux-mêmes en quartiers de ville ou villages. Les arrondissements, villages et quartiers de ville sont des unités administratives disposant d’organes infra-communaux à caractère consultatif.

L’organisation institutionnelle et le fonctionnement intra communal ont été considérés comme peu satisfaisants254 car de nombreuses contraintes sont à lever en vue d’un approfondissement de la démocratie et des gouvernances locales. Ainsi, l’on note une ambiguïté statutaire des unités administratives locales que sont les arrondissements, les villages et les quartiers de ville: elles ne disposent guère de personnalité juridique, ni d’autonomie financière au regard de la loi ; leurs conseils sont cependant élus et appelés à collaborer avec le maire qu’ils

250 Article 1er al. 3 de la loi n° 97-028 du 15 janvier 1999 portant organisation de l’administration territoriale en République du

Bénin.251 Article 1er de la loi n° 98-005 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes à statut particulier.252 Article 2, idem.253 Article 21 de la loi n° 97-028 du 15 janvier 1999 portant organisation de l’administration territoriale en République du Bénin.254 UA- MAEP, Rapport d’évaluation de la République du Bénin, Cotonou, 2008, p.89

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7 . D É C E N T R A L I S AT I O N E T A U T O R I T É S T R A D I T I O N N E L L E S 1 5 9

assistent. Leurs capacités fonctionnelles sont pour l’essentiel tributaires du bon vouloir du maire, ce qui est source d’incompréhensions, de tensions, voire de conflits.255

Tableau 4 : Structure territoriale

Découpage territorial

Coll. Terr.

Circ. Adm.

Unité adm.

Organe délibérant

Organe exécutif

Organe déconcentré de tutelle

Département 12 Non Oui Non Conférence administrative départementale

Préfet : Nommé

Ministre de l’Administration territoriale

Commune 77 Oui Non Non Conseil communal ou municipal : Élu

Maire : Élu Préfet

Arrondisse-ment

546 Non Non Oui Conseil d’arron- dissement : Élu

Chef d’arron-dissement : Élu

Maire

Quartier de ville ou vil-lage

3628 Non Non Oui Conseil de village ou con-seil de quartier de ville : Élu

Chef de vil-lage ou chef de quartier de ville : Élu

Maire

Source : Notre propre reconstruction

B. Les compétences des collectivités décentraliséesLa Constitution ne procède pas à la répartition des compétences entre les collectivités locales (les communes) et l’État. La loi n° 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin fixe les compétences dévolues aux collectivités locales. De manière générale, les commune sont responsables de la gestion des « affaires locales ». A cet effet elles doivent fournir des services de bases aux populations. Ces compétences couvrent les services de proximité qui étaient traditionnellement fournis par les différents départements ministériels de l’État central. En vertu des dispositions de l’article 82 de la loi de 1999, les collectivités locales disposent de trois types de compétences : les compétences propres, les compétences déléguées et les compétences exercées en concours avec l’État.

Compétences propresIl s’agit des compétences que la commune exerce de manière exclusive ; elles concernent :

• le développement local, l’aménagement, l’habitat et l’urbanisme ;• les infrastructures, l’équipement et les transports ; • l’environnement, l’hygiène et la salubrité ; • de l’enseignement primaire et maternel ; • l’action sociale et culturelle ; • les services marchands et les investissements économiques et ;• la coopération décentralisée et la coopération intercommunale.

255 Idem.

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1 6 0 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

Compétences déléguéesL’exercice de ces compétences par la commune est soutenu par des rapports hiérarchiques avec l’État. Au titre des compétences déléguées, on note :

• la police administrative ;• la protection civile ;• l’état civil ;• la police judiciaire ;• la contribution à l’organisation des élections ;• la publication des lois et règlement.

Compétences partagéesCes compétences impliquent l’intervention de l’État et de la commune. Elles concernent les domaines ci après :

a) L’enseignement, l’éducation et l’alphabétisation : construction, équipement, réparation et entretien des écoles maternelles par la commune, tandis que l’État se charge de la définition des programmes d’enseignement et de la nomination des enseignants ainsi que la création des écoles ;

b) La santé : équipement au niveau de l’arrondissement, du quartier de ville pour la commune et élaboration des politiques de santé ainsi que recrutement du personnel, équipement des centres de santé communaux, départementaux et nationaux par l’État.

Toutefois, la loi n° 98-005 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes à statut particulier élargit ces compétences en ce qui concerne les communes à statut particulier qui, en plus des compétences citées ci-dessus, ont la charge de la construction, des réparations et de l’équipement des établissements publics d’enseignement secondaire et des centres de formation professionnelle de niveau communal. Elles élaborent aussi leur plan de circulation urbaine, organise les transports urbains collectifs, installent et entretiennent les feux de signalisation ainsi que des organes d’information.

Transferts des compétences et des ressourcesAu stade actuel de la décentralisation, le résultat de l’effectivité du transfert de compétences aux collectivités locales est plus que mitigé. On assiste aux résistances multiformes des ministères sectoriels à se dessaisir des compétences que la loi reconnaît aux collectivités locales. L’exemple emblématique de cette résistance est symbolisé par la gestion de l’État du marché de Dantokpa, malgré une timide association de la commune de Cotonou.

L’effectivité de la décentralisation nécessite généralement un désengagement total des services déconcentrés de l’État au profit des communes, dans la gestion des affaires qui relèvent de la compétence des communes. Le gouvernement a décidé, en 2004, de procéder à un « transfert en bloc aménagé par domaine de compétences, » puis a créé un « Comité paritaire État/communes de suivi du transfert des compétences aux communes ». Cette option, en dehors

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des compétences déléguées déjà exercées par les communes telles que l’état civil, la police administrative, la protection civile, etc., prévoit deux blocs de transferts :

(i) Les transferts immédiats, consacrés par les procès verbaux de passation de pouvoirs entre les sous-préfets ou chefs de circonscriptions urbaines et les maires ainsi que l’arrêté n° 0053/ MISD/ DC/ SG/ DGAT/ DAE SATDR du 07 février 2005, portant abrogation de l’arrêté n° 217/ MISAT/ DC/ SA du 05 novembre 1992, relatif à la cogestion des gares routières du Bénin. Ces transferts immédiats concernent le développement local, le budget communal ou municipal ; le plan de développement local ; l’aménagement du territoire (schéma directeur d’aménagement, plan d’urbanisme, lotissement, etc.) ; la gestion des gares routières, parkings, embarcadères et marchés (à l’exception des marchés gérés par la Société de gestion des marchés autonomes [SOGEMA]) ; les déchets solides et liquides ; l’assainissement urbain ; le permis de construire, etc. les ressources humaines, matérielles et financières des anciennes administrations sous préfectorales et des circonscriptions urbaines.

(ii) Les transferts différés portent pour l’essentiel sur les compétences sectorielles de certains départements ministériels telles que la construction des écoles maternelles et primaires ; la construction des centres de santé ; l’installation de lignes de télécommunications locales ; la réalisation et la gestion de réseaux d’éclairage public ; la fourniture et la distribution d’eau potable, les réseaux d’adduction d’eau en zones urbaines, la construction des pistes rurales et des ouvrages d’art.

(iii) Exercice des politiques sectorielles : En décembre 2005, le comité paritaire État/ communes a constaté que, bien que des compétences locales considérées comme devant être transférées de manière différée l’aient été formellement, dans la réalité, les communes n’ont encore la possibilité d’exercer ce pouvoir que marginalement puisque la plupart des ministères sectoriels continuent, d’une part, de définir leur politique sans intégrer la dimension communale et, d’autre part, d’assurer la maîtrise des compétences dévolues aux communes.

Au niveau des ressources humaines, la situation se présente comme suit :

Personnel hérité des anciennes administrations déconcentréesLe personnel en place dans les anciennes sous-préfectures et circonscriptions urbaines devenues des collectivités locales décentralisées (communes) était composé de 4 000 agents, à raison de 94% d’agents d’exécution, et de 6% d’agents d’encadrement. Seulement 82 cadres A ont été recensés au début du processus de décentralisation (2003) alors que le besoin est estimé à 308. Entre 2003 à 2006 environ 90 cadres A et B ont été recrutés pour occuper les postes de Secrétaires généraux (coordination) ; des techniciens en planification (suivi évaluation du Plan de développement communal); cadres techniques (maîtrise d’ouvrage); chefs de service financier (gestion des finances locales). Malgré le renforcement de la capacité de gestion dans les domaines prioritaires que ces recrutements ont apporté, ainsi que les nombreuses formations et

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1 6 2 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

renforcement de capacité dont ont bénéficié les nouvelles recrues, on reste loin de la satisfaction des besoins.

De plus, les communes n’ont pas les moyens de supporter les charges financières occasionnées par le recrutement de personnes vraiment qualifiées. La plupart des cadres recrutés sont en effet payés sur les ressources propres des communes sur la base de contrat de travail. Ainsi, les communes prennent en charge plus de 80% de leur personnel. La part du budget communal consacrée aux salaires est passée de 2003 à 2005, de 25 à 27% en moyenne.

Dans ces conditions, seules les communes de Cotonou, Parakou et Porto-Novo qui sont à statut particulier, ainsi que quelques villes secondaires telles que Abomey Calavi, Sèmè Podji, Ouidah, Lokossa, Bohicon, Abomey, Savalou, Dassa, Kandi, Djougou etc, peuvent se doter d’administrations communales dotées de compétences pouvant concevoir et promouvoir le développement local.

Transfert de personnel et perspective de mise en place d’une fonction publique territorialeDans le cadre de l’accompagnement des communes dans le processus de décentralisation,

l’État a décidé de mettre en place une fonction publique territoriale. À cet effet, le gouvernement a été initié en 2008 un projet de loi portant Statut général des fonctionnaires territoriaux, mais l’adoption de cette loi est régulièrement repoussée à plus tard, un retard souvent à l’origine des grèves des personnels des communes et préfectures. L’État a, en outre, pris l’engagement de mettre des ressources humaines à la disposition des communes pendant les trois premières années de la décentralisation. Mais cet engagement n’a pas été tenu jusqu’à mi janvier 2010. Les départements, structures déconcentrées qui devraient apporter leur appui conseil aux communes ne le peuvent pas souvent, faute de personnel qualifié, compétent et en nombre suffisant.

C. Les finances localesConformément à l’article 21 de la loi n° 97-028 du 15 janvier 1999 portant organisation de l’administration territoriale en République du Bénin, la commune jouit de la personnalité juridique. Par conséquent, l’effectivité de cette personnalité juridique est tributaire d’un instrument budgétaire propre. À cet effet, la loi n° 98-007 du 15 janvier 1999 portant régime financier des communes en République du Bénin mentionne trois sources de revenus pour les communes : les ressources propres des communes, le transfert de l’État et le financement induit de la coopération des partenaires.

Les ressources propresLes ressources propres de la commune sont constituées des impôts et taxes locaux. Il s’agit principalement de l’impôt sur le foncier bâti et non bâti, de la patente et de la licence et d’une multitude d’autres taxes et redevances. Si dans les zones urbaines, ils peuvent être relativement consistants, en revanche, ils le sont moins dans les zones rurales. Cette fiscalité locale se subdivise en fiscalité propre et en fiscalité partagée avec l’État. À ce jour, les communes n’interviennent pas dans la chaîne fiscale ; c’est l’État qui procède au recouvrement et les reverse aux communes. Seule une petite minorité des impôts et taxes fournit l’essentiel des ressources fiscales locales. Les communes béninoises ont encore des efforts à faire dans la mobilisation des ressources

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locales. Les ressources tirées de l’exploitation du domaine représentent moins du dixième des ressources fiscales.

Tableau 5 : Ressources locales dans le budget (en milliers de FCFA)

Ressources 2003 2004 2005

1. Impôts et taxes 12,5 13 11,2

2. Domaine et services 2,2 3,5 4,5

3. Dotations** 5,5 5,2 3 500, 000

4. Subventions 6,5 1,5 2,2

5. Emprunts 00 00 00

Source : Service finances locales, direction des collectivités locales du ministère de l’Intérieur, de la sécurité et de la décentralisation, Cotonou, Bénin, 2006.

Les transferts de l’ÉtatLe transfert concomitant des compétences et des ressources n’a été prévu ni par la Constitution ni par la loi. Dès lors, l’État décide discrétionnairement de l’allocation de dotation ou de subventions qu’il verse aux communes. En conséquence il y a une inconsistance dans la nature et la hauteur des subventions versées aux communes au fil des années, comme le montre le tableau ci-après :

Tableau 6 : Subventions de l’État entre 2003 et 2005

Nature des ressources 2003 2004 2005 Total

Subvention de l’État aux charges salariales des collectivités locales déshéritées

277.450.000 277.450.000 291.322.000 846.222.000

Subvention de substitution à la taxe civique

450.000.000 450.000.000 472.000.000 1.372.000.000

Subvention d’équilibre au budget de fonctionnement des communes

– 248.000.000 248.000.000 496.000.000

Contribution de l’État au Fonds de solidarité intercommunal

600.000.000 900.000.000 1.200.000.000 2.700.000.000

Contribution à la réalisation des microprojets communaux

– 924.000.000 924.000.000 1.848.000.000

Reversements effectués par l’État en cours d’exercice au titre de la fiscalité partagée (taxe de voirie + TVA)

4.760.812.778 4.708.073.082 – 9.468.885.860

Total 6.088.262.778 7.507.523.082 3.135.322.000 16.731.107.860

Source : Service finances locales/ Direction des collectivités locales/ministère de l’Intérieur de la sécurité et de la décentralisation, Cotonou, Bénin, 2006.

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1 6 4 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

Le fonds de péréquationL’article 153 de la Constitution dispose que « l’État veille au développement harmonieux de toutes les collectivités territoriales sur la base de la solidarité nationale, des potentialités régionales et de l’équilibre inter-régional ». C’est à ce titre que la loi n° 98-007 du 15 janvier 1999 portant régime financier des communes en République du Bénin institue un Fonds de solidarité intercommunale afin de contribuer à la solidarité et au développement harmonieux et équilibré des communes. Le gouvernement a attendu cinq ans avant d’adopter en 2005 un décret de création d’un fonds d’appui au développement des communes (FADEC). Ce fonds devrait contribuer à juguler le déséquilibre actuel des ressources entre la ville de Cotonou et le reste des communes du pays. En effet, la commune de Cotonou réalise, à elle seule, parfois jusqu’à 60% des rentrée fiscales de l’ensemble des communes du pays.

L’appui financier des partenaires au développement et la coopération décentraliséeLa décentralisation a eu un impact certain sur la coopération intergouvernementale. Ainsi, plusieurs partenaires l’ont inclus dans leurs axes d’interventions. Il s’agit notamment de la France, de l’Allemagne, de la Belgique, du Danemark, etc. Leur contribution se chiffre à 60 milliards de CFA (US$ 126,8 millions) entre 2003 et 2005. Elles proviennent essentiellement, au plan bilatéral, de la France, de l’Allemagne, de la Belgique, du Danemark, des Pays Bas, de la Suisse et des États-Unis, et au plan multilatéral, de la Banque mondiale, du PNUD, du FNUAP et de l’Union européenne.

La France et l’Allemagne sont les premiers partenaires au développement impliqués dans l’appui au processus de décentralisation au Bénin. Leurs actions à travers le projet tripartite d’appui à la décentralisation et à la déconcentration a permis la préparation aux plans technique et juridique de la mise en œuvre de la décentralisation. Au plan multilatéral, la Banque mondiale, le PNUD, le FNUAP et l’Union européenne jouent un rôle important dans le financement de la décentralisation.

Tableau 7 : Appui de différents partenaires à la décentralisation au Bénin

Projets Bailleur Montant en Euro (sauf précisions pour une autre unité monétaire)

État d’exécution

Communes bénéficiaires

Construction d’équipements marchands

France 3. 353. 878 Terminé Communes de Cotonou, Porto-Novo et Parakou.

Remise à niveau des voiries communales

France 4. 600. 000 Terminé Cotonou et Porto-Novo

Décentralisation et appui aux collectivités locales

France 610. 000 En cours Nombreuses communes

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Projets Bailleur Montant en Euro (sauf précisions pour une autre unité monétaire)

État d’exécution

Communes bénéficiaires

Décentralisation et gestion urbaine

France 1. 200. 000 En cours Cotonou, Parakou, Porto-Novo, Bohicon, Kandi et Natitingou.

Réhabilitation du stade Charles de Gaule

France 1. 025. 000. 000 CFA En cours Porto- Novo

Conservation et gestion des ressources naturelles

Allemagne - - Communes de l’Atacora et de la Donga

Adduction d’eau en milieu rural et urbain

Allemagne Communes des départements du Mono, du Couffo, de l’Ouémé, du Plateau, de l’Atacora et de la Donga.

Appui au développement communal

Danemark 1. 000. 000 de couronnes danoises

Communes du Zou

Fonds de développement communal pour l’Atacora et la Donga

Belgique 5. 700. 000 Communes de l’Atacora et de la Donga

Fonds de développement communal pour le Mono Couffo

Belgique 5. 700. 000 Communes du Mono et du Couffo

Projet ADECOI PNUD - FENU

2. 800. 000 de dollars US

Bembèrèkè, Nikki, N’Dali, Tchaourou, Sinendé, Pèrèrè et Kalalé.

Amélioration de l’utilisation des services de Santé de la reproduction

FNUAP - - Zones sanitaires de Bembèrèkè, Aplahoué, Pobè, Tanguiéta, Malanville et Natitingou.

Source : Annexes du Bilan de la réforme de l’administration territoriale et évaluation de la gestion des communes, Rapport synthèse en vue du Forum national, ministère de l’Intérieur, de la sécurité publique et des collectivités locales, Cotonou, février 2007.

La coopération décentralisée a également connu un essor considérable au cours des années 2003 à 2006. Plusieurs communes béninoises ont été jumelées avec des communes de

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1 6 6 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

France, d’Allemagne, de Suisse, de Belgique, des Pays Bas et de la Slovaquie. Des associations de communes béninoises ont aussi créé des liens avec plusieurs collectivités françaises. Il est difficile de faire un bilan de ces jumelages. Ce bilan parait extrêmement diversifié selon les communes, l’année de démarrage de la collaboration et divers autres facteurs.

D. Fonctionnement de la démocratie locale

Difficile ajustement institutionnelAlors que la Constitution de 1990 consacre le principe de la libre administration de la commune par des conseillers élus, les premières élections communales et municipales de l’ère du renouveau démocratique n’ont été organisées qu’en 2002 et 2003. Les conseillers communaux et municipaux sont élus au suffrage universel. Les premières élections au niveau local de 2003 n’ont pas connu la désignation des membres du conseil de village ou de quartier de ville. Les élections du 20 avril 2008 ont offert l’occasion de procéder à la mise sur pied de toutes les structures locales prévues par la loi.

De manière générale, les élections sont assez transparentes au Bénin, même si de temps à autre, quelques dysfonctionnements apparaissent. La Commission électorale nationale autonome (CENA), organe de gestion des élections, se trouve trop politisée et parfois confronté à l’absence des moyens financiers lui permettant de conduire à bien le processus. L’un des problèmes significatifs est la faible participation des populations aux scrutins locaux. Le taux de participation lors des élections de décembre 2002 et janvier 2003 se situait autour de 45%.

Le processus de décentralisation entamé en 2003 avec l’installation des premiers conseils communaux et municipaux a connu de nombreuses difficultés dans sa mise en œuvre. L’État central a traîné les pieds pour transférer les compétences, et quand celles-ci ont été transférées, les communes n’ont pas pu les exercer, non seulement parce que l’État central continue de définir et de mettre en œuvre les politiques sectorielles, mais aussi parce que les communes n’ont et n’ont reçu ni les ressources financières, ni les compétences techniques et humaines pouvant leur permettre d’exercer les compétences que leur donne la loi. Le processus de transferts de compétences a fait l’objet de plusieurs rencontres et commissions paritaires (État – communes) dont les résolutions tardent à être appliquées. Il a été relevé en outre256 une tendance prononcée à la destitution souvent fantaisiste des maires, de nombreux conflits internes favorisés par des intrigues et querelles politiciennes, la mauvaise maîtrise des textes, exacerbée par l’incompétence et parfois l’analphabétisme de nombreux élus locaux, l’affairisme, les intrusions de l’autorité de tutelle du fait d’une interprétation trop extensive du contrôle de tutelle, la mauvaise collaboration entre services déconcentrés présents sur le territoire communal et élus locaux, etc.

Par ailleurs, les départements (administrés par des préfectures) censés apporter un appui conseil aux communes sont tout aussi dépourvus de compétences humaines et techniques compatibles avec l’atteinte de pareils résultats. Cela est d’autant crucial que, faute d’application des textes, les six nouveaux départements créés n’ont toujours pas commencé à fonctionner, les préfectures continuant d’administrer et d’exercer leur tutelle sur les communes appartenant à deux départements différents.

256 UA- MAEP, Rapport d’évaluation de la République du Bénin, Cotonou, 2008, p.89.

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Les ressources transférées sont néanmoins en hausse ces dernières années et la création récente d’un ministère uniquement en charge de la décentralisation et de l’aménagement du territoire ainsi que la tenue d’un forum sur le bilan et les perspectives de la décentralisation, permettent d’espérer de meilleures suites au processus. Il en est de même du leadership que développe de plus en plus le Bénin dans la coordination de l’appui des partenaires au processus de décentralisation. On peut donc croire que les nouveaux conseils issus des élections de 2008 connaîtront de meilleures avancées sur les terrains de la démocratie locale et du développement à la base.

Contrôle démocratique La loi au Bénin a instauré le contrôle démocratique de la gestion de l’exécutif communal par le Conseil dont il émane. Le maire et les adjoints au maire sont élus par le Conseil communal dont ils sont membres. Le Conseil communal peut retirer sa confiance au maire en cas de désaccord grave ou de crise de confiance, par un vote de défiance à la majorité des 2/3 des conseillers.257 Lors de la première mandature communale, on a enregistré une très grande instabilité des jeunes exécutifs communaux. En effet, la destitution des maires, mode de contrôle de l’exécutif communal par le Conseil instauré par le législateur, s’est avérée, à la pratique, plus nuisible que bénéfique à la démocratie locale, puisqu’elle ne permettait pas aux élus de se consacrer réellement aux problèmes de développement. Réagissant à cet état de chose, le gouvernement a institué des procédures strictes sur la destitution des maires.258

Quant aux fonctionnaires locaux, aucun mécanisme démocratique ne permet au Conseil communal de contrôler leur gestion. Toutefois, s’agissant du comptable, la loi dispose que la fonction de comptable de la commune est assurée par un comptable du Trésor nommé par le ministre chargé des Finances, et qu’en cette qualité, il tient la comptabilité des deniers et la comptabilité des valeurs de la commune, conformément aux dispositions des lois et règlements. Le contrôle de sa gestion relève par conséquent de la compétence de la Chambre des comptes de la Cour suprême.

Bien que la loi prévoie que les séances du Conseil communal sont publiques et que toute personne a le droit de consulter sur place le procès verbal et/ou le compte rendu des délibérations du Conseil communal,259 on note encore un manque d’engouement au niveau de la population à assister à ces réunions du Conseil communal. La raison principale évoquée est le fait que le Conseil communal se tient en français et que la majorité de la population ne comprend pas cette langue d’une part, et d’autre part l’exigüité des locaux abritant lesdits conseils.

Pour remédier à ces insuffisances, des ONG ou réseaux d’ONG tels que ALCRER ou Social Watch Bénin ont initié des activités de contrôle citoyen de l’action publique dans certaines communes du pays pour faciliter le contrôle des populations sur les activités des communes et donner un contenu à l’obligation de compte rendu qui pèsent sur les élus locaux par rapport aux populations.

257 Article 53 de la loi n° 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin.258 Décret n° 2005-375 du 23 juin 2005 fixant les modalités de destitution du maire.259 Articles 30 et 34, loi n° 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin.

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1 6 8 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

Accès aux informations sur la gouvernance localeLa décentralisation induit une nouvelle approche de la gestion de la chose publique. Cette approche consiste à mieux impliquer la population dans la gestion des affaires de leur localité. Cette implication passe par l’information du public. À ce niveau, plusieurs efforts ont été consentis par les autorités en charge de la décentralisation tant sur le plan national que sur le plan local. Ainsi des publications officielles sont éditées pour présenter le corpus juridique sur la décentralisation ainsi que les informations concernant la vie des communes. Il s’agit des Recueils des lois sur la décentralisation, le Guide du maire, le Guide du planificateur communal, le Guide du vulgarisateur, le Guide pour la planification du développement communal, la « Territoriale », bulletin trimestriel, édités par le ministère en charge de la Décentralisation, de l’ « Échos des communes » animé par l’Association nationale des communes du Bénin (ANCB), du « Municipal, » organe privé, de Lokossa-XO, etc.

De manière générale, ces publications sont disponibles et accessibles à tous ceux qui s’intéressent à la gouvernance locale. Toutefois, ces documents sont édités en français, ce qui rend leur usage très réduit. En effet, une très grande partie de la population ne maîtrise pas la langue française. Leur rédaction est souvent laissée à un comité de rédaction qui peut faire appel à la contribution écrite des populations ou des interviews réalisées au sein de celle-ci. En dehors de ces canaux d’information, les citoyens peuvent également recourir aux radios locales et communautaires à travers des émissions conçues et réalisées en langues locales. Il en est de même des assemblées villageoises animées périodiquement par les chefs d’arrondissement pour informer et sensibiliser la population.

Cependant, les informations relatives au budget des communes continuent d’être un sujet tabou et peu de sources informent réellement la population à ce sujet. Certaines communes disposent de sites Internet. C’est le cas des villes de : Ouidah,260 Porto Novo,261 Parakou262 et Abomey-Calavi.263 L’Association nationale des communes du Bénin (ANCB) a son propre site Internet.264

La chefferie traditionnelle, une institution entre respect et marginalisationLa chefferie traditionnelle au Bénin est confrontée à une difficile cohabitation des légitimités, dans sa recherche d’une conciliation entre les modes de gestion issues de la colonisation et les formes d’organisations traditionnelles. Piliers de l’organisation sociale pendant la période précoloniale, l’influence des chefferies traditionnelles s’est réduite pendant la colonisation, comme c’était le cas généralement dans les anciennes colonies françaises. Le Roi ou chef traditionnel dans la tradition, était à la fois homme politique, chef de famille, personnage religieux, juge, et concentrait dès lors l’ensemble des attributs de la puissance publique. Avec

260 http://www.villedeouidah.org. 261 http://www.villedeportonovo.com. 262 http://www.villeparakou.bj. 263 http://www.abomey-calavi.bj. 264 http://www.ancb-bénin.org.

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la période coloniale s’ouvrira le règne absolu des gouverneurs et commandants de cercle, dépouillant les Chefs et les Rois de leurs attributs et les reléguant à des fonctions subalternes.

La chefferie traditionnelle n’a pas non plus été épargnée par l’instabilité politique qu’a connue le Bénin. Ainsi, par exemple, les chefs traditionnels ont été destitués de leurs fonctions de représentation locale de l’État et des populations rurales au profit de ‘conseils révolutionnaires’ pendant la Révolution (1972–1990). En dépit de cette destitution, le pouvoir central n’interdisait pas leur intronisation, tant qu’elle ne constituait pas des ‘troubles à l’ordre public’. Mais l’État ne leur reconnaissait aucun statut juridique ni dans l’appareil administratif, ni un rôle dans le pouvoir local. Ils étaient à la limite des figurants.

Le processus de démocratisation et la décentralisation amorcés au cours des décennies 1990–2000 n’ont pas entrainé une restauration complète de l’autorité de la chefferie traditionnelle. Au contraire, ces organisations traditionnelles se sont trouvées davantage marginalisées. En effet, la Constitution du 11 décembre 1990 consacre la libre administration des collectivités territoriales locales par des conseils élus. La mise en œuvre de la décentralisation au Bénin a donc entrainé l’affaiblissement du pouvoir des autorités traditionnelles dont la légitimité, de type monarchique, a été tout temps renforcée par le colonisateur (tant que ces rois acceptaient de jouer les rôles de relais et de suppôts de la colonisation). Dépositaire incontestable de la tradition, l’autorité traditionnelle dont les composantes sont les royautés et les chefferies, cohabite avec le pouvoir républicain, fondé, lui, sur le principe de l’élection (Président de la République, députés, conseillers, maires, chef d’arrondissement et de village). En revanche, les responsables traditionnels sont nommés au sein des familles garantes de la tradition suivant des règles de succession coutumière bien précises. Généralement, ces règles sont guidées par l’oracle. Les responsables traditionnels ont en principe, un pouvoir à vie. Contrairement aux autorités locales élues, aucune disposition légale ne prévoit la rémunération des autorités traditionnelles.

Toutefois, malgré l’absence d’un dispositif légal reconnaissant leur légitimité, les autorités traditionnelles sont actuellement loin d’être des figurants. Ils représentent un recours pour le peuple qui les sollicite pour le règlement des problèmes tels des cas de disputes, d’affaire, de dette, de divorce, d’adultère, de sorcellerie, de litiges fonciers, de conflits au sein des communautés, de mobilisation sociale, de gestion des problèmes relatifs à l’irrationnel, de manquement aux interdits sociaux (profanation des lieux sacrés, inceste) et de cataclysme (sécheresse, inondation).

Dans la pratique, les autorités traditionnelles jouent un rôle non négligeable dans la vie politique. En matière de mobilisation sociale, les rois et les chefs traditionnels sont très sollicités par les acteurs politiques. Ils apportent aussi leur soutien aux autorités locales dans le cadre de la gestion du patrimoine culturel. Ils sont également des relais efficaces pour les campagnes de sensibilisation dans divers domaines (santé, éducation, …) et leurs connaissances en matière de médecine traditionnelle sont généralement très appréciées.265

En dépit du rôle que jouent les autorités traditionnelles dans la vie publique, elles ne sont pas consultées dans le cadre de la désignation des fonctionnaires. Toutefois, les politiciens les courtisent parce qu’elles sont considérés comme des grands électeurs du fait qu’elles continuent

265 Nadège Zinzindohoue-Badet, « Analyse transversale des expériences d’acteurs collectées sur l’initiative : « De l’inclusivité

institutionnelle au pluralisme juridique » », Alliance pour refonder la gouvernance en Afrique, section Bénin, Aout, 2009.

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1 7 0 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

d’avoir une influence sur les populations notamment lors des campagnes électorales. La reddition de compte à la population par les autorités traditionnelles se fait lors des assemblées. Cette séance de compte rendu peut aussi faire lieu d’échange sur les questions touchant la vie des populations. Ces questions sont généralement relatives à l’ordre naturel des choses. Les membres de la cour royale, les sages et notables sont les plus représentés au cours de ces réunions. Les femmes ne sont pas exclues mais ne doivent pas prendre la parole.

Malgré la dissymétrie de ces deux légitimités, les autorités locales collaborent de façon informelle et officieuse avec les autorités traditionnelles. À Abomey, par exemple, les autorités locales élues collaborent avec les autorités traditionnelles dans la cadre du règlement des affaires domaniales et foncières.266 Dans presque toutes les autres communes où l’institution traditionnelle est encore très remarquée, la municipalité sollicite très souvent le concours de celle-ci pour le règlement de certains problèmes liés à la vie des populations, bien que ce recours n’ait pas été prévu par les lois et règlements.267

e. Recommandations Le gouvernement devrait mettre effectivement en œuvre les transferts de compétences et de ressources prévus par les lois, conformément aux concertations entre le gouvernement et l’Association nationale des communes du Bénin. Le gouvernement devrait également procéder à la mise en place effective d’une administration territoriale composée d’agents ayant reçu des formations spécifiques sur la gestion des municipalités, la prestation des services sociaux de base et le développement local.

Le gouvernement devrait renforcer la capacité des ministères, de leurs directions départementales et des préfectures de départements à assister les communes dans la gestion des affaires locales.

Des mesures concrètes et immédiates devraient être prises pour renforcer la capacité financière des communes. À cet effet, il est important de veiller à un renflouement plus conséquent et plus fréquent du Fonds d’appui au développement des communes (FADEC). De même, les communes devraient renforcer la possibilité de faire des emprunts sur le marché financier, et solliciter pour cela les garanties du gouvernement central.

Les communes devraient associer davantage les autorités traditionnelles à la gestion des affaires locales en définissant un cadre légal appelé à régir leur participation et leur implication dans les activités des collectivités décentralisées, notamment leurs droits et obligations, les activités de médiation dans les conflits, la participation au processus de prise de décision, le régime des incompatibilités et des indemnités.

266 Adjakidje Antoine Nassi (1er adjoint au Maire d’Abomey), cité par La Territoriale, n° 001 d’avril à Juin 2005.267 Voir aussi, Gilles Badet, « Justice pénale traditionnelle et respect des droits de l’Homme : réflexion autour d’une décision

de la Cour constitutionnelle du Bénin, Article publié en anglais et en français sur le site « www.afrimap.org » de Open society

Institute, Africa Governance Monitoring and Advocacy Project, AFRIMAP, (« http://www.afrimap.org/english/images/paper/

file438c7168362c4.doc », octobre 2005)

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8 . A I D E A U D É V E L O P P E M E N T E T P A R T I C I P AT I O N P O L I T I Q U E 1 7 1

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Aide au développement et participation politique

La coopération internationale a joué et continue de jouer un rôle particulièrement important dans le développement du Bénin en général, et dans l’avancement de son processus démocratique en particulier. L’appui international a permis de renforcer les mécanismes de comptabilité démocratique et d’accroître l’indépendance des institutions de contre poids démocratique. Toutefois la participation des acteurs nationaux et ceux de la société civile à la définition et à l’évaluation de ces différentes formes d’appui n’est pas encore rendue effective et systématique. De même, le gouvernement n’a pas encore réussi à prendre la maîtrise effective de la coordination de l’appui des partenaires dans différents domaines.

A. Appui extérieur au développement démocratiqueDepuis le déclenchement réussi du processus de démocratisation en 1990, les organismes bilatéraux et multilatéraux de coopération ont injecté un effort considérable dans le soutien matériel, financier et techniques aux institutions nationales chargées de mettre en œuvre la gouvernance démocratique. Les institutions de contre poids démocratiques ont également bénéficié d’un appui extérieur important. L’appui extérieur a été octroyé de façon particulière au Parlement, aux médias et aux organisations de la société civile.

L’Assemblée nationale et les partis politiquesDepuis 1991 plusieurs partenaires techniques et financiers (bilatéraux comme multilatéraux) ont soutenu l’Assemblée nationale afin de l’aider à améliorer ses performances. Les interventions extérieures ont progressivement tourné vers le renforcement des capacités institutionnelles,

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1 7 2 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

techniques et financières aussi bien des membres élus du Parlement que de son personnel administratif.

• L’ACBF (African capacity building Foundation) a été la première structure à appuyer la création de la Cellule d’analyse des politiques de développement de l’Assemblée nationale (CAPAN). Cet appui a eu pour objectifs d’améliorer les capacités institutionnelles et humaines de l’Assemblée nationale en matière de formulation et d’analyse des politiques de développement; d’améliorer les capacités du personnel administratif de l’Assemblée nationale et de la société civile en matière de politique de développement et de formulation des lois; de développer un programme d’études et de recherche mieux adapté aux défis auxquels le Bénin est confronté ; d’intégrer l’aspect genre dans les activités du parlement; de rendre plus visibles les activités du Parlement au moyen de la communication et renforcer ses relations avec les médias et la société civile. Début 2010, ce projet en était à sa deuxième phase de mise en œuvre.

• L’ambassade des Pays Bas soutien l’Assemblée nationale à travers la CAPAN pour maximiser les résultats dans le domaine du renforcement des capacités des élus, du personnel administratif pour une durée de 4 ans (2007–2011) avec un budget d’à peu près € 800.000.

• Le PNUD à travers les Projets d’appui à la réforme et la modernisation de l’Assemblée nationale (PARMAN 2004–2008) et l’Unité d’analyse, de contrôle et d’évaluation du budget de l’État (UNACEB, désormais intégré à l’Assemblée nationale)), a contribué au renforcement des capacités des députés, de l’AN et du personnel administratif, sur les plans techniques et matériels.

• L’Assemblée nationale française, assiste l’institution surtout en matière d’appui technique.

• L’Ambassade de Chine a doté l’Assemblée nationale de divers lots d’équipement.• Le « Programme d’appui à la démocratie et l’état de droits » (PADED) de la

Coopération danoise au Bénin, prévu pour la période 2009–11, a comme première sous-composante de la composante 1 le renforcement de l’Assemblée nationale (AN), en particulier sa capacité à accomplir son rôle de vérification et de contrôle du travail du pouvoir exécutif. Les volets principaux de la sous-composante sont : (i) renforcement du travail de suivi et de contrôle de l’AN, (ii) renforcement de la capacité du personnel permanent de l’AN, et (iii) des activités pilotes pour renforcer la capacité des partis politiques représentés dans l’AN. La sous-composante est un financement complémentaire à un projet en cours de l‘AN avec financement de la Fondation africaine pour la construction des capacités (ACBF) et est administrée par la Cellule d’analyse des politiques de développement de l’Assemblée nationale (CAPAN) comme un supplément au projet existant.

Le MédiateurPour compléter les efforts du gouvernement, l’ambassade du Danemark a signé avec l’OPM, en décembre 2006, une convention d’appui dont le montant est de 150 millions de FCFA (1,7

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8 . A I D E A U D É V E L O P P E M E N T E T P A R T I C I P AT I O N P O L I T I Q U E 1 7 3

millions DKK) pour l’année 2007. Les deux objectifs visés étaient de renforcer les capacités institutionnelles (ressources humaines et équipement) de l’OPM et de lui permettre de mieux se faire connaître du grand public. Un avenant à la première convention de 60 millions FCFA (0,7 millions DKK) a été signé plus tard en 2008 pour la période allant de juin à novembre 2008 pour les mêmes objectifs. La seconde sous-composante de la composante 1 du projet « PADED » (2009–2011) de la coopération danoise au Bénin vise à renforcer la capacité du Médiateur de la République. Les volets principaux de la sous-composante sont : (i) renforcement du Médiateur au niveau du siège à Porto-Novo, et (ii) un appui pour augmenter la présence du Médiateur dans l’intérieur du pays.

Les Pays-Bas ont aussi accompagné la mise en place de l’OPM, par un accord d’appui dont l’objectif est d’aider l’OPM à démarrer effectivement ses activités. Autrement dit, cet appui vise à rendre l’OPM rapidement opérationnel tant à travers une contribution à la réhabilitation de ses locaux qu’à la réalisation d’une série d’activités prioritaires. Le programme est mis en œuvre à partir du 15 décembre 2006. Il sera achevé pour le 15 novembre 2009, soit une durée de trois ans. Son montant correspond à 394 millions de FCFA (4,5 millions DKK, ou 0,6 millions €). La coopération suisse appuie aussi l’OPM dans la mise en place de sa première délégation départementale au nord du pays (Parakou dans le Borgou). Le budget indicatif de cet appui est de 168 millions FCFA (1,9 millions DKK).

Le Haut commissariat à la gouvernance concertéeLe PNUD- Bénin est le partenaire privilégié du Haut commissariat à la gouvernance concertée à travers un projet d’appui qui permet à l’institution internationale d’accompagner les efforts du gouvernement pour la mise en œuvre de sa politique de gouvernance concertée. Des contacts avec d’autres partenaires extérieurs ne se sont pas encore traduits en partenariat formalisé. Il s’agit de l’ambassade du Brésil, de l’ambassade des Pays-Bas, l’Union européenne.268 Il faut préciser que la délégation de la Commission de l’Union européenne est membre du comité de pilotage du Haut commissariat à la gouvernance concertée.

Appui à l’organisation des élections et au système électoralLe système électoral béninois a toujours reçu l’appui des partenaires techniques et financiers du Bénin comme il a pu être démontré dans le chapitre consacré aux élections. Le dernier symbole en cours de l’appui des partenaires techniques et financiers au système électoral béninois est le projet dit « LEPI ». Le Projet d’appui à la liste électorale informatisée est un projet multi bailleurs doté d’un panier commun dans lequel le gouvernement contribue (2009–2011). Il fait suite à une demande formulée par le gouvernement béninois en vue d’assister sur les plans techniques et opérationnels la mise en œuvre de la liste électorale permanente informatisée, cela dans une optique de développement des capacités institutionnelles et de durabilité. Le projet vise à contribuer au renforcement du processus démocratique et à sa consolidation en vue d’une meilleure gouvernance. La mise en place d’une liste électorale permanente informatisée contribuera à terme à la mise en place d’un système électoral crédible, transparent, durable, économiquement efficace et performant au Bénin.

268 Entretiens avec des officiels du Haut commissariat à la gouvernance concertée, Cotonou, janvier 2010

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1 7 4 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

Les résultats escomptés du projet sont : 1. La LEPI est mise en place à bonne date afin de renforcer le caractère libre,

transparent, crédible et démocratique des échéances électorales de 2011 tout en permettant aux électeurs d’exercer tous leurs droits.

2. La LEPI est reconnue par sa satisfaction aux principes directeurs d’un recensement électoral accepté par toutes les parties prenantes au processus électoral, incluant la satisfaction des critères d’exhaustivité, d’exactitude, d’actualité et d’inclusivité.

3. L’organe de gestion de la LEPI dispose des capacités et compétences opérationnelles et techniques pour actualiser et réviser la LEPI et son utilisation pour les échéances électorales post 2011.

4. La Cour constitutionnelle dispose des capacités nécessaires pour accompagner le processus de mise en place de la LEPI, en particulier celle de traitement dans les délais du contentieux y relatif.

5. La pérennisation des acquis par la mise en œuvre d’un instrument qui permettra à terme de réduire substantiellement les coûts d’organisation des événements électoraux.

En vue d’accompagner la mise en œuvre de la LEPI et d’assurer sa pérennisation, en sus d’un appui opérationnel et financier à l’organe de gestion de la LEPI, une assistance technique et opérationnelle à la Cour constitutionnelle en charge de la gestion du contentieux fait partie intégrante de ce projet. Des mécanismes et procédures sont institués et opérationnalisés afin que les différents acteurs du processus électoral obtiennent l’information appropriée, adéquate et exacte en ce qui concerne la LEPI et sa mise en place. Pour ce faire, une composante de communication, de sensibilisation et d’éducation électorale reposant sur la société civile est prévue. Elle est bâtie autour d’une stratégie de communication acceptée par l’ensemble des acteurs du processus électoral au Bénin. Le projet a cinq composantes qui se déclinent comme suit :

1. Appui à la réalisation de la LEPI ;2. Appui à l’organe de gestion de la LEPI ;3. Appui à la gestion du contentieux ;4. Appui aux Organisations de la Société Civile ;5. Communication et sensibilisation.

Les principaux contributeurs à ce projet sont l’Union européenne, le Danemark, les Pays-Bas, le PNUD, et le gouvernement béninois.

Promotion de la genre-sensitivité dans le développement démocratique et économiqueLa coopération internationale visant la promotion de la genre-sensitivité dans les développements démocratique et économique au Bénin s’est diversifiée au cours des 20 dernières années.269

269 Voir à ce sujet : Coopération danoise au Bénin, PADEP, Composante 3, Cotonou, 2008.

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La coopération suisse a soutenu la production de plusieurs documents d’analyse dans le but de mettre en évidence les enjeux liés à la prise en compte des inégalités de genre dans la réduction de la pauvreté. Depuis 2003, des appuis ont été donnés au Ministère en charge de la Femme pour :

• Le renforcement des capacités des Centres de promotion sociale (CPS) et Comités départementaux de promotion de la femme en genre et développement ;

• L’évaluation décennale de la mise en œuvre de la plate-forme d’actions de Beijing ;• Le symposium genre, culture et développement humain ;• La prise en compte de l’égalité femmes/hommes dans le guide de suivi-évaluation de

la Stratégie de réduction de la pauvreté en 2003, 2004 et 2005 ;• La prise en compte de l’égalité femmes/hommes dans les rapports d’avancement de

la mise en œuvre de la Stratégie de réduction de la pauvreté ;• La prise en compte de l’égalité femmes/hommes dans la méthodologie des enquêtes

légères auprès des ménages pour l’élaboration du profil de la pauvreté au Bénin ;• Les revues annuelles de la mise en œuvre de la SRP ;• La prise en compte de l’égalité femmes/hommes dans le suivi-évaluation de la mise

en oeuvre de la Stratégie de réduction de la pauvreté.

Dans le cadre de la décentralisation, la coopération suisse appuie le réseau des ONG « Consortium des femmes et pouvoirs décisionnels » à travers lequel les organisations des droits des femmes reçoivent des formations et des sensibilisations pour jouer un rôle plus décisif dans le processus de décentralisation. En outre, la coopération suisse est en partenariat avec le Danemark pour le financement du PARAG/SRP actuellement exécuté par le ministère en charge de la Femme.

L’USAID contribue à la promotion du genre au Bénin dans le domaine particulier de l’éducation. L’agence s’intéresse également aux violences faites aux femmes pour lequel un projet de trois ans est actuellement en cours. Ce projet dénommé projet « Empower » ( Enabling Mobilization and Policy implementation for Women’s Rights) est une initiative de l’ancien président Georges W. Bush en date du 30 juin 2005 dont le but est d’appuyer quatre pays africains dont le Bénin, qui consentent des efforts significatifs dans le cadre de la lutte contre la violence à l’égard des femmes. Le projet vise essentiellement à sensibiliser les populations sur la violence subie par les femmes, apporter un soutien aux victimes afin qu’elles puissent se prendre en charge pour une bonne réintégration sociale et renforcer les capacités judiciaires à traiter les dossiers relatifs à la violence infligée aux femmes. Il est exécuté par l’ONG international Care International à travers certaines ONG locales et le ministère en charge de la Femme. Au nombre de ses actions, le projet assure le renforcement des capacités des CPS du ministère en charge de la Femme qui sont en contact direct avec les victimes.

La Composante 3 du PADED de la Coopération danoise au Bénin (2009–2011) vise le renforcement des capacités du ministère en charge de la Femme. L’objectif de la composante est  : «  L’environnement institutionnel pour assurer l’égalité des droits des femmes et des hommes est amélioré. » Pour atteindre cet objectif, les résultats suivants sont attendus:

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1 7 6 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

• les capacités institutionnelles du ministère en charge de la Femme sont renforcées afin qu’il puisse assumer son rôle de veille et de coordination pour la promotion de l’égalité de genre ;

• le ministère en charge de la Femme fournit un service d’écoute et conseil aux femmes et aux hommes qui ont subi ou non une violation de leurs droits humains ;

• les capacités du ministère en charge de la Femme sont renforcées pour assurer la coordination des actions genre ;

• le statut juridique des femmes a été vulgarisé en vue d’assurer le respect de l’égalité des droits humains ;

• les recommandations et engagements régionaux et internationaux auxquels le Bénin a souscrit sont mis en œuvre et évalués.

Par rapport à ces résultats, plusieurs activités sont identifiées et concernent entre autres  : les études, le renforcement des capacités, la vulgarisation des lois, le plaidoyer et le lobbying. Ces activités seront menées tant au niveau central qu’au niveau déconcentré afin de toucher au mieux les structures ainsi que les communautés à la base. La composante est sous la tutelle du ministère en charge de la Femme représenté par la Direction de la programmation et de la prospective (DPP). La composante est un appui programmatique au ministère en charge de la Femme, c’est à dire que l’appui viendra renforcer le fonctionnement du ministère en charge de la Femme de façon intégrale, et en même temps il est destiné au renforcement de certaines lignes de travail spécifique, entre elles le fonctionnement des centres de promotion sociales répandues dans toutes les communes du pays.

La prise en compte du genre au Bénin est également soutenue par des bailleurs multilatéraux, notamment certaines agences des Nations unies, des organisations non gouvernementales, internationales et locales.

Les actions du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) en ce qui concerne le genre dépassent le cadre strict des questions de population. Le FNUAP est engagé auprès du MFE. En particulier, il est à l’origine et au pilotage du Groupe thématique « genre, population et développement » de la concertation des bailleurs de fonds au Bénin. Il appuie la mise en place des actions de la Direction de l’observatoire de la femme et de l’enfant sous tutelle du ministère et le renforcement des mécanismes nationaux étatiques (les points focaux genre des ministères) et non gouvernementaux (réseau des femmes leaders, réseau des femmes africaines ministres et Parlementaires). Le FNUAP estime que les données statistiques habituelles, même désagrégées, ne suffisent pas à mettre en exergue les enjeux de développement liés aux inégalités de genre. Le Programme de coopération entre le Bénin et le FNUAP pour la période 2009–2013, intègre un programme dans le domaine de l’égalité entre les sexes. L’effet attendu du programme est l’environnement juridique et socioéconomique favorable à la promotion de l’équité, l’égalité entre les sexes et à la réduction des violences basées sur le genre.

Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) est également impliqué dans les questions de genre au Bénin et participe au Groupe thématique genre. Des interventions ponctuelles ont été faites à travers :

• L’appui à l’élaboration de la Politique nationale de promotion de la femme (PNPF) ;

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• L’appui aux femmes productrices de beurre de karité ;• L’appui à l’organisation d’un atelier sur le genre et les objectifs du millénaire ;• Le financement de l’étude sur le profil de la femme béninoise ; • Le financement de la participation béninoise à diverses conférences internationales

sur la femme ainsi qu’au séminaire sur le programme régional relatif à l’égalité des sexes.

Il soutient aussi le genre et l’environnement comme thèmes transversaux à travers le Projet de développement local, le Projet national de développement communautaire conduit par la Banque mondiale et le Programme national d’appui à la réduction de la pauvreté.

Le PNUD exécute actuellement en coopération avec le ministère en charge de la Femme un projet intitulé « Appui à l’élaboration d’un cadre de renforcement des meilleures stratégies et pratiques de réhabilitation, de production et d’intégration et de protection du genre au Bénin (CaRMeSP) ». Le projet vise à appuyer l’élaboration de référence institutionnelle et opérationnelle pour préparer et amorcer l’identification systématique, la capitalisation et la mise en œuvre efficace de meilleures stratégies, pratiques et actions. Enfin, Le PNUD intervient conjointement avec Danida et la coopération suisse pour le financement du PARAG/SRP, programme susmentionné.

En plus des organisations et des agences susmentionnées, presque tous les PTF touchent le thème genre d’une façon ou autre. La réalisation d’une étude visant à décrire les différents domaines d’interventions des PTF relatives au genre et la division de travail entre eux est prévue pour 2009.

Les médiasLa DANIDA a appuyé l’ODEM dans le cadre du PGDP à hauteur de FCFA 38.200.000 (US$ 80,759) pour la période 2005 – 2007. La première sous-composante de la composante 2 du PADED (2009–2011) de la coopération danoise au Bénin vise la consolidation de la liberté de la presse et de la liberté d’expression et d’information au Bénin. Les volets principaux de la sous-composante sont  : (i) consolidation de la politique médiatique incluant le nouveau Code de la Presse, (ii) renforcement des capacités des médias (journalistes, gestionnaires, attachés de presse), et (iii) des études et évaluations (y compris une étude d’état des lieux, une étude pour développer et adapter les indicateurs de l’UNESCO et une évaluation des médias publics audiovisuels).

C’est la Fondation pour les médias d’Afrique de l’Ouest (MFWA) qui a pris en charge la mise en œuvre de la sous-composante en coopération étroite avec les partenaires béninois (CNPA, ODEM, UPMB, Maison des Médias), le ministère de la Communication, la HAAC et les PTF. Par ailleurs, les Suisses financent un programme de communication pour la période 2006 – 2009 à hauteur de FCH 1. 591.200 exclusivement destiné à appuyer des stations de radio communautaires. Les Pays-Bas ont un contrat pour soutenir l’Association de recherche et d’appui aux médias (ARAM) à hauteur de quelques FCFA 57.810.000 (US$ 122,217) du 1er décembre 2007 au 1er mars 2008.

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1 7 8 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

La société civileDepuis le début du Renouveau démocratique en cours au Bénin, plusieurs partenaires techniques et financiers (PTF) ont initié divers programmes pour soutenir les différentes composantes de la société béninoise. Ces PTF continuent de soutenir directement ou indirectement les organisations de la société civile (OSC) en les associant intimement à la mise en œuvre de leurs programmes qui ont soit une ampleur nationale ou régionale.270

L’USAID a financé dans les années 1990 un programme visant le renforcement de la capacité des ONG béninoises qui a contribué à la création et renforcement de beaucoup d’OSC qui maintenant sont actives au pays. Ces dernières années, l’Allemagne par exemple a ciblé le renforcement de capacités des OSC pour qu’elles interviennent dans la mise en œuvre des programmes sectoriels. La Belgique a mis sur pied un fonds spécial pour soutenir les micro réalisations à la base. Comme la Belgique, la France et le Canada disposent aussi d’un fonds social de développement qui aide à financer les projets des OSC. Les Pays-Bas exécutent leur programme de gouvernance en utilisant les OSC comme intermédiaires.

Plus récemment, l’Union européenne a aussi initié une initiative du genre financée par le 9ème FED dénommée le programme pour des OSC appuyées et renforcées (OSCAR) pour intégrer la promotion du dialogue social et du développement participatif. Bien que certains de ces programmes aient atteint des résultats probants, l’absence de cohérence entre les acteurs n’a pas permis au secteur de maximiser les acquis obtenus.

La seconde sous-composante de la composante 3 du PADED de la coopération danoise (2009–2011) vise à renforcer la capacité de la société civile afin qu’elle puisse influencer les décisions politiques et socioéconomiques. La sous-composante a deux volets différents : (i) financements des initiatives présentées par les organisations de la société civile (OSC), et (ii) renforcement des capacités des OSC. Il faut signaler qu’à travers le Programme gouvernance et droits de la personne, aujourd’hui terminé, le Danemark avait déjà appuyé les OSC impliquées dans la mise en œuvre des reformes de décentralisation, de la lutte contre la corruption et de promotion des droits des femmes et des enfants.

Rôle particulier des fondations allemandes La Fondation Konrad Adenauer est réputée pour ses appuis aux acteurs nationaux, locaux, universitaires et de la société civile béninoise en matière de décentralisation, de formation en droits de la personne, d’éducation civique, de formation des personnels de l’armée aux règles démocratiques, de réflexions sur le système Parlementaire et la Constitution. Quant à Friedrich Ebert Stiftung, ses appuis en direction des médias et des syndicats sont les appuis phares à côté d’autres appuis, notamment en matière de publications de travaux d’études et de recherche sur les questions de gouvernance politique et économique. L’appui de la Fondation Hans SEIDEL à l’École nationale d’administration et de magistrature de l’Université d’Abomey Calavi par le passé et son appui récent au processus du MAEP au Bénin doivent également être soulignés.

270 Coopération danoise au Bénin, PADEP, composante 2, Cotonou, 2008.

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8 . A I D E A U D É V E L O P P E M E N T E T P A R T I C I P AT I O N P O L I T I Q U E 1 7 9

B. Appropriation nationale et harmonisation de l’aideLe droit à l’assistance et à la coopération internationales a été expressément prévu dans la directive 15 du projet de directives du Haut commissariat aux droits de l’Homme relatif aux « stratégies de lutte contre la pauvreté sous l’angle des droits de l’Homme. » Il trouve son fondement dans la Déclaration du millénaire (objectif 8 des O M D), les articles 13, 55 et 56 de la Charte des Nations unies et 2. 1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Ses objectifs sont la mise en place d’une aide publique au développement juste et équitable, l’accès des États en développement aux marchés sans tarifs douaniers ni contingents et le renforcement du programme d’allègement de la dette. Tous ces objectifs sont déclinés en indicateurs. Par ailleurs, le Bénin a adhéré à la Déclaration de Paris qui a pour objectif d’harmoniser l’aide pour renforcer son efficacité.

Il faut signaler que c’est environ 30% du budget national qui est supporté par l’aide publique au développement (environ 450 millions de dollars), ce qui est très important. Cette situation n’a pas encore conduit les partenaires à mettre en place une stratégie commune d’assistance (JAS). Pour le moment, le leadership en matière d’harmonisation de l’aide est assuré par les partenaires au développement et non pas par le gouvernement.271 La Banque mondiale a annoncé son intention d’aller vers une stratégie commune d’assistance avant de déterminer son nouveau programme d’appui.272 Ces derniers ont mis en place un groupe local de « Participatory Development and Good Governance », sous présidence suisse. Le Groupe des partenaires a créé ainsi une plate-forme commune de dialogue avec les autorités, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre de la réforme de décentralisation.

Dans le cadre de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris au Bénin, beaucoup d’actions ont été entreprises pour opérationnaliser les objectifs de la déclaration. Le ministère de l’Économie et des finances a coordonné, en 2007, l’exercice lancé par l’OCDE visant à faire un état des lieux des indicateurs de la Déclaration de Paris au Bénin. Ce travail a ensuite été suivi d’une démarche plus ambitieuse qui a abouti à la définition d’un plan d’actions pour mettre en œuvre les recommandations de la Déclarations de Paris et améliorer l’efficacité de l’aide. Ce plan d’actions a quatre objectifs  : (i) renforcer la coordination de l’aide basée sur les priorités nationales et le leadership du gouvernement, (ii) améliorer la transparence l’efficacité et la responsabilité dans la gestion des ressources affectées au développement, (iii) consolider les approches programmes et harmoniser les modalités de l’aide et (iv) harmoniser la gestion des missions et des travaux analytiques.273

L’aide budgétaire correspondant davantage à l’appropriation nationale de l’utilisation de l’aide extérieure, le groupe de partenaires fournissant l’aide budgétaire (groupe ABC) s’efforce d’accélérer la mise en œuvre de la Déclaration de Paris dans le pays. Tous les six mois, une revue conjointe est organisée entre ces partenaires et le gouvernement pour faire le point de la coopération au développement. Cet exercice se fait aussi chaque fois que le gouvernement

271 Extraits du Plan pluriannuel 2008–2011 sur la coopération néerlandaise au Bénin, http://www.mfa.nl/cot-fr/.272 Extraits du Plan pluriannuel 2008–2011 sur la coopération néerlandaise au Bénin, p.2, http://www.mfa.nl/cot-fr/.273 République du Bénin, Rapport d’avancement de la SCRP 2007, p.87.

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1 8 0 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

présente le rapport annuel sur la mise en œuvre de la Stratégie de croissance pour la réduction de la pauvreté.

La Stratégie de réduction de la pauvreté et le cadre de dépenses à moyen terme offrent également un nouvel espoir d’amélioration de la coordination dans une constellation secteur/partenaire se dessinant comme suit :274

• Secteur appui budgétaire : Danemark, Banque mondiale, Commission européenne, Suisse, Pays-Bas, Banque africaine de développement ;

• Secteur agriculture : Danemark, Banque mondiale, France, Allemagne ;• Secteur education : Danemark, Banque mondiale, France, Allemagne, États-Unis

d’Amérique, Banque africaine de développement ;• Secteur eau et assainissement : Danemark, Banque mondiale, France, Allemagne,

Belgique ;• Secteur transports : Danemark, Commission européenne, France, Allemagne ;• Secteur santé : Banque mondiale, Commission européenne, France, États-Unis

d’Amérique, Belgique ;• Secteur justice : Banque mondiale, Commission européenne, France, Belgique.

Encadré 16: Pressions extérieures sur le processus démocratique

Compte tenu du caractère relativement exemplaire du processus démocratique béninois, en

comparaison avec ceux d’autres pays de la sphère francophone africaine, le Bénin n’a pas

vraiment vécu des situations de conditionnalité démocratique. Le processus démocratique doit

beaucoup plus aux pressions des acteurs nationaux qu’aux partenaires étrangers. Toutefois, à

deux périodes différentes, l’influence des partenaires étrangers s’est fait sentir de manière plus

ou moins intensive dans l’avènement ou la poursuite du processus démocratique.

Le premier moment est celui du lancement du processus démocratique en 1989/1990. S’il est

vrai que le processus s’est déclenché dès la fin 1989 avec un régime militaro-marxiste que les

difficultés économiques et sociales avaient rendu à la fois plus lucide et plus vulnérable, il n’en

demeure pas moins que la France a eu sa contribution, pour ne pas dire sa conditionnalité à

jouer dans le processus. D’après Francis Akindes, c’est en fait un chantage qui a été exercé

sur le Président Kerekou : « soit il accepte une transmission pacifique du pouvoir en échange

d’une aide à la sortie “ en beauté ” de la scène politique, soit il persiste à conserver le pouvoir

et la France lui coupe non seulement l’aide économique directe mais intervient afin que les

organismes internationaux (FMI, Banque mondiale,…) en fassent autant ». Par la voix de

son ambassadeur Guy Azaïs, la France incite M. Kerekou à adopter un scénario de sortie de

crise lui permettant de demeurer à la tête de l’État. Le 7 décembre 1989, circule à Cotonou,

semble-t-il avec la complicité du chef de l’État, une note confidentielle exposant les vues

de la France et en partie reprise par le communiqué diffusé dans la soirée pour officialiser

la convocation de la Conférence nationale. Paris subordonne le décaissement de nouvelles

274 DANIDA (coopération danoise au Bénin,), Partenariats bénino-danois, stratégie, 2004–2008, Cotonou, 2004, p.18.

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8 . A I D E A U D É V E L O P P E M E N T E T P A R T I C I P AT I O N P O L I T I Q U E 1 8 1

aides à l’achèvement, courant février 1990, d’un plan de « lumpen-démocratisation » qu’elle

s’engage à financer: annonce de la tenue d’une « convention nationale » ; révision de la Loi

fondamentale par l’Assemblée en exercice pour consacrer la séparation du Parti de la révolution

populaire du Bénin (PRPB) et de l’État ; tenue d’un congrès du PRPB pour déterminer les

modalités d’accueil « au sein de ses structures (de) toutes les sensibilités politiques du pays ».

Pour Stéphane Bolle, « il s’agissait ni plus ni moins pour le Bénin d’adapter le modèle du

parti unique pluri-tendanciel pratiqué dans d’autres pays, de manière à maîtriser le flux des

revendications démocratiques et à agréger les franges contestataires de l’élite béninoise. La

Conférence nationale substituera à un plan français, bien en deçà des concessions consenties

par Mathieu Kerekou dès le 7 décembre 1989, le schéma d’une transition consensuelle mais

radicale à la démocratie. L’absorption des pressions françaises par les dynamiques internes

n’a pas privé « le berceau de la démocratie africaine et de l’alternance » d’une manne de 160

millions de francs versés par Paris contre l’abandon du marxisme-léninisme et l’organisation

de la Conférence nationale. Ce test « grandeur nature » de la conditionnalité démocratique est

instructif : prudente, l’injonction de la France est susceptible d’être instrumentalisée par ses

destinataires ; signal fort en faveur du changement, elle ne peut absolument en déterminer le

cours. »

Le deuxième moment où le processus démocratique a obtenu un coup de pouce de la

communauté internationale pour sortir d’un enlisement fut celui de la veille de la présidentielle

de 2006. Alors même que ces deux mandats constitutionnels étaient arrivés à expiration,

le Président Kerekou, ou plutôt ses partisans -du moins officiellement-, après avoir testé la

possibilité de faire réviser la Constitution et avoir échoué, ont essayé d’évoquer le manque de

ressources financières pour l’organisation du scrutin. En dehors de la mobilisation sociale qui

a permis de faire échouer cette ruse, la communauté internationale a contribué à débloquer

la situation. Les partenaires au développement avaient ainsi contourné le gouvernement pour

remettre directement à la Commission électorale nationale autonome (CENA) des fonds lui

permettant de démarrer le processus électoral. Il a fallu que les partenaires prennent la parole

pour dire qu’ils étaient prêts à aider directement la CENA sans passer par le gouvernement,

pour que ce dernier se ravise et finisse par apporter la contribution financière attendue. De

plus, sans que cela ne soit officiel, le gouvernement américain, dont l’ambassadeur était

extrêmement actif sur le terrain de la tenue du scrutin, avait considéré que le Millénium

Chalenge Account, qui devait permettre au Bénin d’avoir une subvention de 170 milliards de

FCFA (307 millions de dollars US) pour une durée de cinq ans, pouvait être suspendu. Cette

situation s’est soldée par la tenue du scrutin. Même s’il ne s’agit pas de la seule cause qui

a conduit à la tenue du scrutin, on peut considérer qu’il y a là, tout au moins, une influence

positive de la communauté internationale sur la poursuite du processus démocratique béninois.

S o u R C e S : Francis Akindes, Les mirages de la démocratie en Afrique subsaharienne francophone, Paris, Khartala, CODESRIA, 1996, p.53 ; Stéphane Bolle, « La conditionnalité démocratique dans la politique africaine de la France », Afrilex, n° 2, septembre 2001, http://afrilex.u-bordeaux4.fr/sites/afrilex/IMG/pdf/2dos3bolle.pdf.

Page 198: AfriMAP Benin Democ Principal

1 8 2 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

C. Participation nationale et transparence

Rôle du ParlementLe Parlement participe aux relations extérieures, essentiellement par la procédure d’autorisation de ratification des traités ou accord internationaux. En effet, le Parlement doit autoriser la ratification des traités de paix, des traités ou accords qui modifient les lois internes de l’État, ceux qui comportent cession ou adjonction de territoire, ceux qui engagent les finances de l’État, avant que ceux-ci ne puissent être ratifiés par le Président de la République.

En général, ce sont les occasions d’autorisation de ratification des accords de crédits qui permettent aux Parlementaires de se prononcer sur les questions d’aide au développement. Dans la pratique, le gouvernement n’associe presque jamais les Parlementaires à la négociation et à la signature des traités ou accords en matière d’aide au développement. Quand ces aides constituent des subventions, les traités qui les consacrent n’ont pas besoin de passer par le Parlement puisque leur objet n’est pas d’  «  engager les finances de l’État  ». Mais quand il s’agit d’accords de crédits, de prêts, le gouvernement est obligé de passer par le Parlement afin d’obtenir son accord d’autorisation de ratification. C’est seulement à cette occasion que les députés à l’Assemblée nationale à travers leurs commentaires de vote, donnent leur point de vue sur des accords particuliers, la manière dont les relations avec des partenaires doivent se dérouler, les leçons qu’ils tirent de l’utilisation faite par le passé des fonds empruntés chez les partenaires pour réaliser des projets spécifiques, les propositions, conseils ou recommandations de toutes sortes à l’endroit du gouvernement. Le Parlement ne peut pas apporter d’amendements au projet de loi d’autorisation de ratification d’un engagement déjà négocié et signé par l’exécutif. Il n’a que le choix, soit de ratifier en bloc, soit de rejeter en bloc le projet de loi en refusant de ratifier. Il lui reste néanmoins la possibilité d’émettre des commentaires et points de vue en les insérant si possible dans des résolutions en direction du gouvernement.

Encadré 17: Le gouvernement passe outre l’autorisation Parlementaire de ratifier des accords de coopération (Communiqué du conseil des ministres)

Le conseil des ministres s’est réuni en séance extraordinaire le lundi 28 juillet 2008, sous la

présidence effective du Président de la République, Chef de l’État, chef du gouvernement. Au

cours de cette séance, le conseil des ministres a examiné une communication du chef de l’État

relative à la prise d’Ordonnances, conformément aux prérogatives que lui confère l’article 68 de

la Constitution béninoise du 11 décembre 1990, ceci pour trouver une issue à l’impasse créée

du fait de l’ajournement sine die de l’examen et du vote par l’Assemblée nationale de quatre

projets de lois soumis par le chef de l’État à la Représentation nationale. Il s’agit de 3 projets de

loi portant autorisation de ratification de trois Accords de prêt visant le financement du projet

de protection contre l’érosion côtière, d’une part, et d’un projet de loi modifiant les articles 11 et

33 de la loi n° 90-002 du 9 mai 2002 portant Code des Investissements et instituant le régime «

D » relatif aux investissements lourds, d’autre part.

Page 199: AfriMAP Benin Democ Principal

8 . A I D E A U D É V E L O P P E M E N T E T P A R T I C I P AT I O N P O L I T I Q U E 1 8 3

Cette initiative du Président de la République fait suite à la décision DCC 08-072 de la Cour

constitutionnelle en date du 25 juillet 2008 et aux consultations du Président de la République

avec le Président de l’Assemblée nationale et le Président de la Cour constitutionnelle sur

les mesures exceptionnelles exigées par le report sine die par la Représentation nationale

de l’examen et du vote de ces quatre projets de lois, conformément à l’article précité de la

Constitution. Elle est motivée par :

– la détermination du chef de l’État de ne pas perdre, pour des raisons inavouées,

d’importantes ressources financières difficilement obtenues de différents bailleurs de

fonds et destinés pour les unes, à financer la lutte contre l’érosion côtière qui créée

quotidiennement des graves dommages humains, matériels et moraux aux populations

installées sur la bande côtière de notre pays et pour les autres, à apporter une réponse

appropriée à la lancinante pénurie du ciment par l’ajustement et l’ouverture de notre Code

des Investissements, aux investissements lourds.

– le refus de mettre en péril les engagements internationaux souscrits par notre pays avec

les partenaires au développement qui sont disposés à apporter d’importants financements

directs étrangers.

L’enjeu de la prise de ces Ordonnances réside dans :

– l’impérieuse nécessité pour le Président de la République, chef de l’État, chef du

gouvernement et son gouvernement de poursuivre contre vents et marées dans la voie

de l’émergence politique, économique, sociale et culturelle de notre pays par la mise en

œuvre des réformes structurelles et de grands programmes et projets à fort potentiel de

développement, de croissance et d’emplois ;

– l’obligation de promptitude pour notre pays en quête de développement face à une

communauté financière internationale ;

– l’obligation pour chacun et pour tous, de placer l’intérêt national, les questions de

développement socioéconomique et de lutte contre la pauvreté bien au-dessus de toutes

autres considérations ;

– l’obligation pour les dirigeants de notre nation quelles que soient la position partisane ou

les fonctions officielles qu’ils occupent, de s’accorder sur l’essentiel qu’est la recherche

permanente du bien-être des populations béninoises.

Eu égard à ce qui précède, le conseil des ministres a adopté les quatre Ordonnances suivantes :

1. Ordonnance portant autorisation de ratification de l’Accord de prêt n° 1127P signé à

Vienne le 05 septembre 2007 entre la République du Bénin et le Fonds OPEP pour le

Développement international (OFID), dans le cadre du financement partiel du projet de

protection côtière à l’Est de Cotonou ;

2. Ordonnance portant autorisation de ratification de l’Accord de prêt signé à Cotonou le 17

décembre 2007 entre la République du Bénin et le Fonds Kowéitien pour le développement

économique arabe, dans le cadre du financement partiel du projet de protection côtière à

l’Est de Cotonou ;

3. Ordonnance portant autorisation de ratification de l’Accord de prêt n° 1/484 signé

à Cotonou le 28 juin 2008 entre la République du Bénin et le Fonds saoudien de

développement, dans le cadre du financement partiel du projet de protection côtière à l’Est

de Cotonou ;

Page 200: AfriMAP Benin Democ Principal

1 8 4 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

4. Ordonnance modifiant les articles 11 et 33 de la loi n° 90-002 du 09 mai 1990 portant Code

des investissements et instituant le régime « D » relatif aux investissements lourds.(…)

Le gouvernement lance un appel patriotique à tout le peuple béninois dont l’engagement, la

détermination, l’adhésion voire l’abnégation sont nécessaires à la réussite des programmes et

projets d’avenir, porteurs de progrès. (…)

Cotonou, le 28 juillet 2008

Le Secrétaire général du gouvernement, Victor P. Topanou.

Participation de la société civileDepuis quelques années, les partenaires au développement du Bénin ont de plus en plus fréquemment associé la société civile, et parfois le secteur privé, au processus de planification, de programmation ou d’évaluation de l’aide qu’ils accordent au Bénin. D’après la délégation au Bénin de la Commission de l’Union européenne, « les organisations de la société civile et du secteur privé sont régulièrement invitées à dialoguer dans le cadre de la programmation du Fonds Européen de Développement (FED). La tenue de la revue à fin de parcours du 9éme FED et la préparation du 10e FED ont été identifiées comme une opportunité importante de renforcer ce dialogue et de le pérenniser à travers la mise en place d’un cadre de concertation régulière. Une tournée nationale pour recueillir les avis de la société civile sur les premières orientations de la programmation sera organisée en juillet – août [2006]. Selon, les mêmes sources « La programmation du 10e FED a été lancée officiellement le 20 juin 2006 en présence des représentants des services de l’Ordonnateur national (ministère des Finances et de l’économie), des ministères sectoriels, de la société civile du secteur privé, des autorités locales et des États-membres. Des groupes de travail ont été mis en place autour de quatre thèmes pour accompagner le processus de programmation. »275

Dans le cadre de la mise en place de son programme d’appui à la démocratie et l’État de droit (PADED, 2009–2011), la Coopération danoise au Bénin a recruté des consultants béninois et étrangers, pour procéder d’abord à l’évaluation- capitalisation du programme précédent, le Programme gouvernance et droits de la personne (PGDP), ensuite, à l’identification des besoins en matière de démocratie et de gouvernance, enfin à la programmation des activités du nouveau projet. La société civile a été associée intimement à chacune de ses étapes, à travers des organisations ou des personnes ressources. Les consultants invitaient les personnalités ou membres des organisations de la société civile à des focus group e dans les locaux de l’ambassade, en même temps que d’autres acteurs concernés par la problématique. Les consultants se rendaient également sur le terrain pour aller collecter les points de vue de la société civile tant sur l’évaluation du Programme PGDP finissant que sur le contenu éventuel du projet PADED en création.

Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et l’ensemble du système des Nations unies pratiquent également ces différentes formes de consultation des acteurs de

275 Délégation de la Commission de l’UE au Bénin, Profil Gouvernance du Bénin, Cotonou, Janvier 2007, pp. 39-40.

Page 201: AfriMAP Benin Democ Principal

8 . A I D E A U D É V E L O P P E M E N T E T P A R T I C I P AT I O N P O L I T I Q U E 1 8 5

la société civile. Par exemple, dans l’exercice de mise en place du projet d’appui à la réalisation de la liste électorale permanente informatisée en 2009, la coalition d’acteurs de la société civile, FORS–LEPI, a été consultée pour donner son point de vue avant que le document de projet ne soit finalisé.

Les défis à relever ne sont donc pas ceux de la sensibilisation des partenaires et du gouvernement à cette participation de la société civile. Il semble qu’il faut plutôt rechercher maintenant les formules pour que ces consultations soient de plus en plus systématiques et approfondies, car comme l’observe la Délégation de l’UE à Cotonou, «  Le délai imposé par les services de la Commission européenne pour mener un dialogue en profondeur avec les différents types d’acteurs non étatiques représentatifs de toutes les régions du pays est trop court au vu du travail à réaliser. Néanmoins, l’Ordonnateur national (ministère des Finances et de l’économie) et la Délégation ont choisi cette opportunité pour créer un mécanisme de concertation régulier qui se poursuivra (….). »276

Accès aux informationsL’accès aux informations relatives à la coopération au développement au Bénin ne semble poser aucun problème particulier. Tous les partenaires au développement importants du Bénin disposent d’un site internet sur lequel il est possible de télécharger les documents de projets qui ont fait l’objet d’accord avec le gouvernement. Il s’agit notamment des partenaires suivants : le PNUD,277 la coopération néerlandaise,278 la coopération danoise,279 la coopération française,280 la coopération allemande,281 la Banque mondiale,282 etc. De plus, lorsque des consultants ou chercheurs s’adressent aux partenaires pour obtenir les informations relatives à leur appui au Bénin, il n’y a pas de rétention d’information particulière qui ait été signalé.

Mais il est évident que tous les aspects de la coopération ne peuvent apparaitre sur les sites Internet. On imagine ainsi que certains aspects de certaines coopérations font l’objet de négociations confidentielles. Il serait difficile d’évaluer quelle part des relations entre le Bénin et les partenaires en question, resterait ainsi dans l’ombre.

Les accords de partenariat font souvent l’objet de cérémonies officielles de signature fortement médiatisées. Les projets et programmes sont ensuite mis sur internet, au moins dans leur résumé, avec indication des objectifs à atteindre, de la durée, du montant total, etc.

D. RecommandationsLes partenaires au développement et le gouvernement devraient renforcer et institutionnaliser la participation de la société civile à la programmation et à l’évaluation des programmes d’appui des partenaires au développement.

276 Idem.277 http://www.bj.undp.org/fr/pnudben.html.278 http://www.mfa.nl/cot-fr/.279 http://www.ambcotonou.um.dk/fr/.280 http://www.ambafrance-bj.org/france_benin/.281 http://www.cotonou.diplo.de/Vertretung/cotonou/fr/.282 http://www.banquemondiale.org/bénin.

Page 202: AfriMAP Benin Democ Principal

1 8 6 PARTIE II BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

Le gouvernement et ses partenaires devraient également veiller à une participation plus effective de l’Assemblée nationale à la conclusion des accords de crédits importants.

Il est recommandé au gouvernement de prendre le contrôle effectif de la coordination de l’aide au développement au-delà du rapport sur la coopération au développement qu’il élabore périodiquement.

Page 203: AfriMAP Benin Democ Principal

A N N E X E I 1 8 7

ANNEXE I : Principaux traités sous-régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme, à la citoyenneté et à la démocratie ratifiés par le Bénin

Organisations de référence

Désignation et (entrée en vigueur) Ratifications

ONU Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 (23 mars 1976)

22 mars 1992

ONU Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (3 janvier 1976)

12 mars 1992

ONU Protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 (23 mars 1976)

12 mars 1992

ONU Convention relative à l’esclavage du 25 septembre 1926 telle qu’amendée par le protocole du 07 octobre 1953 (07 juillet 1995)

12 mars 1992

ONU Convention relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 (22 avril 1954)

4 avril 1962

ONU Protocole relatif au statut des réfugiés du 31 janvier 1967 (04 octobre 1967)

09 décembre 1969

ONU Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes du 18 décembre 1979 (03 septembre 1981)

30 novembre 2001

ONU Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 (2 septembre 1990)

30 août 1990

ONU Protocole facultatif se rapportant à la convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication des enfants dans les conflits armés (pas encore en vigueur)

30 mars 2004

ONU Protocole facultatif se rapportant à la convention relative aux droits de l’enfant et concernant la prostitution et la pornographie mettant en scène des enfants (pas encore en vigueur)

30 mars 2004

ONU Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale du 21 décembre 1965 (4 janvier 1969)

30 novembre 2001

ONU Convention relative aux droits des migrants Non

Page 204: AfriMAP Benin Democ Principal

1 8 8 BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

ONU Convention relative aux cas des apatrides Non

ONU Convention sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement du mariage du 10 décembre 1962 (9 décembre 1964)

23 juin 1965

ONU Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (26 juin 1976)

12 mars 1992

ONU Statut de la Cour pénale internationale du 18 juin 1998 (1er juillet 2002)

22 février 2002.

OIT Convention concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical du 09 juillet 1948 (4 avril 1950)

16 mai 1968

OIT Convention concernant l’application des principes du droit d’organisation et de négociation collective du 1er juillet 1949 (18 juillet 1951)

16 mai 1968

OIT Convention concernant l’égalité et la rémunération entre la main d’œuvre masculine et la main d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale du 29 juin 1951 (23 mai 1953)

16 mai 1968

OIT Convention sur la discrimination en matière d’emploi et de profession du 25 juin 1958 (15 juin 1960)

22 mai 1961

OIT Convention concernant la protection des représentants des travailleurs dans l’entreprise et les facilités à leur accorder du 23 juin 1971 (30 juin 1973)

11 juin 2001

UNESCO Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement du 14 décembre 1960 (22 mai 1962)

09 mai 1963

UA Convention de l’UA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique du 10 septembre 1969 (20 juin 1974)

12 mars 1973

UA Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples de juin 1981 (21 octobre 1986)

25 février 1986

UA Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatifs aux droits de la femme en Afrique de juillet 2003

8 mars 2005

UA Charte africaine des droits du bien-être de l’enfant 30 mai 1997

UA Charte africaine pour la démocratie, les élections et la gouvernance

Non ratifié

Page 205: AfriMAP Benin Democ Principal

A N N E X E I I 1 8 9

ANNEXE II : Listes des partis politiques regulièrement enregistrés à la date du 14 juin 2007 au Bénin

(Loi n° 2001-21 du 21 février 2003 portant Charte des partis politiques)

n° Date de dépôt

Numéro d’enregistre-ment

Dénomination Sigle 1er responsable

1 20/02/04 001–19/04/04 La Renaissance du Bénin RB VIEYRA-SOGLORosine

2 20/02/04 002–19/04/04 Rassemblement pour la démocratie et le panafricanisme

RDP HOUNGNINOU O. Dominique

3 20/02/04 003–19/04/04 Union pour la démocratie et la solidarité nationale

UDS LAFIA Sacca

4 20/02/04 004–19/04/04 Parti du renouveau démocratique

PRD HOUNGBEDJI Adrien

5 23/02/04 005–22/04/04 Parti du réveil des démocrates pour la nouvelle génération

PRD-Nouvelle génération

FASSASSI Kamarou

6 25/02/04 006–23/04/04 Union pour la paix et la démocratie

UPD MIGNONNOU D. Agbohessi

7 03/03/04 007–30/04/04 Mouvement pour le développement par la culture

MDC ACHODE Codjo

8 18/03/04 08–14/05/04 Parti socialiste du Bénin PSB-Baantiee

HOUDOU Ali

9 26/03/04 009–24/05/04 Rassemblement pour le progrès et le renouveau

RPR HOUDE Valentin Aditi

10 02/04/04 010–25/05/04 Union pour la solidarité et le développement

UNSD BIAOU ADolphe

11 04/06/04 011–25/06/04 Mouvement pour une alternative du peuple

MAP CAPO-CHICHI Olivier

12 02/10/04 012–15/07/04 Union patriotique UP DANSOU Essou Félix

13 19/05/04 013–16/07/04 Front d’action pour le renouveau, la démocratie et le développement

FARD-ALAFIA

TAWEMA Daniel

14 18/05/04 014–16/07/04 Congrès du peuple pour le progrès

CPP GOUNONGBE Jean

Page 206: AfriMAP Benin Democ Principal

1 9 0 BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

n° Date de dépôt

Numéro d’enregistre-ment

Dénomination Sigle 1er responsable

15 24/05/04 015–22/07/04 Front d’action panafricain pour le développement économique social

FADES DASSOUNDO André I.

16 24/05/04 016–22/07/04 Rassemblement national pour la démocratie

RND ABIMBOLA Adébayo Anani

17 03/06/04 017–03/08/04 Union pour la patrie et le travail

UPT AZONHIHO Dohou Martin

18 17/06/04 018–16/08/04 Rassemblement pour l’unité nationale et la démocratie

RUND IDRISSOU Ibrahima

19 23/02/04 019–30/11/04 Parti social démocrate PSD AMOSSOU Bruno

20 26/02/04 020–30/11/04 Mouvement africain pour la démocratie et le progrès

MADEP FAGBOHOUN Séfou L.

21 04/03/04 021–30/11/04 Union pour le progrès et la démocratie

UPD- GAMESU

HOUNKPONOU H. Jean-Claude

22 21/05/04 022–30/11/04 Congrès africain pour le progrès

CAP- SURU GADO Girigissou

23 04/10/04 023–03/12/04 Mouvement pour le social démocrate

MSD ADIMI Chabi Félix

24 06/10/04 024–06/12/04 Force espoir EP DAYORI Antoine

25 30/04/04 025–13/12/04 Union pour la relève UPR ISSA Salifou

26 29/10/04 026–28/12/04 Union pour le Bénin du futur

UBF GANDAHO Innocent Joseph

27 12/01/05 027–11/03/05 Mouvement pour la patrie et la démocratie au Bénin

MPDB ADJAHO Honoré

28 08/11/04 028–04/04/05

Union démocratique pour le développement économique et social

UDES HOUNGBEDJI Gatien

29 13/01/05 029–13/06/05 Union des forces d’eveil pour la relève

UFER OURA Chacon Rigobert

30 27/01/05 030–13/06/05 Union-forces pour la République

U-FOR GUEDOU AGOSSOU Georges

31 04/03/05 031–16/06/05 Mouvement pour l’entente au bénin

MEB AHO Edouard

32 14/01/05 032–13/07/05 Impulsion pour le progrès et la démocratie

IPD NATA Théophile

33 15/10/04 033–28/07/05 Mouvement pour la démocratie et la solidarité

MDS FIKARA Sacca

34 24/03/05 034–28/07/05 Echelle pour la démocratie et le développement

EDD ALIA C. A. Edgar

Page 207: AfriMAP Benin Democ Principal

A N N E X E I I 1 9 1

n° Date de dépôt

Numéro d’enregistre-ment

Dénomination Sigle 1er responsable

35 18/02/04 035–28/07/05 Alliance Pour La Démocratie Et Le Progrès

ADP AKINDES Sylvain Aimard

36 18/05/05 036–29/07/05 Union Des Forces Démocratiques

UFD SACCA Zimé

37 24/11/04 037–17/08/05 Union Pour Le Travail Et La Démocratie

UPD DASSIGLI Z. Barnabé

38 19/02/04 038–17/08/05 Parti national « Ensemble » EZIN Jean-Pierre Ounvèhoun

39 20/02/04 039–17/08/05 Congrès africain pour le renouveau ‘‘DUNYA’’

CAR- DUNYA

SINATOKO Albert

40 21/05/04 040–17/08/05 Parti libéral réformateur PLR LOKO François- Xavier

41 25/03/05 041–24/08/05 Rassemblement des démocrates pour la liberté et la reconstruction nationale

RDL- VIVOTEN

ADJOVI Séverin Hinnounonboua

42 18/02/04 042–26/08/05 Parti pour la démocratie, la concorde et la solidarité

PDCS-Barka DANGO Sahidou

43 02/05/05 043–26/08/05 Union nationale pour la démocratie et le progrès

UNDP KINIFFO Maximilien Alexandre

44 21/06/05 044–26/08/05

Parti pour la rénovation sociale

PRS CAKPO Robert

45 13/07/05 045–31/08/05 Parti républicain PR HOUEDJISSIN Maxime

46 26/08/05 046–08/09/05 Mouvement pour l’alternative républicaine

MAR BEHANZIN Frédéric Togbédji

47 18/08/05 047–26/09/05 Parti démocratique du Bénin

PDB DANKORO Soulé

48 05/08/05 048–12/10/05 Parti ecologiste du Bénin ECOLO/ LES VERTS

HUINVI TOUSSAINT

49 26/07/05 049–12/10/05 Union nationale pour la solidarité et le progrès

UNSP ZOUMAROU Wally Bobo Mamadou

50 22/09/05 050–24/10/05 Union démocratique des forces du progrès

UDFP ADANLIN Dossa Timothée

51 15/07/05 051–28/10/05 Parti du progrès et de la démocratie

PPD AGNAN Barthélemy

52 14/07/05 052–28/10/05 Union des forces citoyennes UFP AGBOTA Lucien

Page 208: AfriMAP Benin Democ Principal

1 9 2 BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

n° Date de dépôt

Numéro d’enregistre-ment

Dénomination Sigle 1er responsable

53 26/05/05 053–28/10/05 Mouvement pour le développement et la liberté

MODEL AZON Adoumènou Rigobert

54 03/08/05 045–28/10/05 Alternative forces citoyennes AFC ADIHOU Alain François

55 27/08/05 055–28/10/05 Rassemblement démocratique pour le développement

RDD- NASSARA

BABA-MOUSSA Ramatou

56 21/05/05 056–17/11/04 Nouvel elan pour le progrès NEP TAGNON Robert

57 17/01/05 057–17/11/05 Parti démocratique pour l’unité nationale

PDUN AHOUNOU Vincent Emmanuel

58 02/09/05 058–22/11/05 Union des forces démocratiques- Gbédokpo

UFD-Gbédokpo

AHOYO Jean-Roger

59 24/10/05 059–07/12/05 Parti pour l’essor de la jeunesse

PEJ AÏSSI Sylvanus Angelo

60 11/10/05 060–26–12/05 Eveil du peuple pour la démocratie

EPD GBAGUIDI Victorin Coovi Alphonse

61 19/07/05

061–30/12/05

Mouvement d’actions pour le renouveau dans la concorde, l’honneur et l’equité

MARCHE

OGBO DOSSA Dansou

62 23/11/05 062–30/12/05 Union pour une vie nouvelle UVN DJOSSOU Salomon Jean

63 12/10/05 063–03/01/06 Parti des démocrates patriotes

PDP MAGBEHOU Richard

64 25/10/05 064–04/01/06 Parti de la convergence PC TINHOUN Gnansounou Félix Jean-Marie

65 15/12/05 065–04/01/06 Réveil patriotique RP YAHOUEDEU François janvier

66 30/11/05 066–07/01/06 Forum national d’eveil civil et civique

FONEC YACOUBOU TOURE Idrissou Adam

67 07/11/05 067–13/01/06 Parti du rassemblement des citoyens pour la vérité

RCV ASSOGBA Zinsou Loth

68 18/01/06 068–24/01/06 Parti social démocrate le bélier

PSD- BELIER

GAGLOZOUN Dossou Goras

69 069–21/04/06 Notre cause commune NCC ODJO Tankpinou François

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A N N E X E I I 1 9 3

n° Date de dépôt

Numéro d’enregistre-ment

Dénomination Sigle 1er responsable

70 070–10/05/06 Impulsion pour une nouvelle vision de la République

INVR-kokari BANI Samari

71 15/11/05 071–12/05/06 Union pour le triomphe de la République

UTR GBEGAN Alabi Antoine

72 072–15/05/06 Mouvement du Bénin-lutte contre la pauvreté

MB-LCP GANSE Georges

73 073–12/06/06 Parti de la révolution populaire du Bénin

PRPB DOSSOU Cossi Théophile Mohamed

74 074–23/06/06 Nouvelle vision pour le changement assouca

NVCAssouca

KOUWANOU GnonlonfinMathias

75 075–07/07/06 Union pour la nation UPN HOUNTONDJI Jean Alexandre

76 076–04/08/06 Force Cauris pour le changement modifie et devenu force coalisées pour le changement

FCC MARIANO Serge et BOCCO Vicentia

77 077–31/07/06 Union pour la démocratie et le progrès social

UDPS DAGBENON Lawin Orè Pierre

78 078–14/08/06 Convention des démocrates africains- Fifa

CDA-Fifa NOUDEDJI Justin

79 079–24/08/06 Notre patrie commune(Les Abeilles)

NCP-Les Abeilles

KOUAKANNOU Jeanne

80 080–01/09/06 Union pour un Bénin solidaire

UBS AGBO Valentin Akpadji

81 081–08/09/06 Front Républicain pour une alternative patriotique

FRAP HOUNGUE Hortense épouse YAHOUEDEHOU

82 082–08/09/06 Restaurer l’espoir RE AZANNAÏ Candide Armand-Marie

83 083–08/09/06 Convergence des forces vives Irédé

CFV Irédé ACHADE Madeleine

84 084–08/09/06 Génération-Action progrès GAP MONNOU Edgard Yves

85 085–08/09/06 Rassemblement des Béninois pour une nouvelle vision

RBNV VIDEGLA Gbétchégnon Auguste

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1 9 4 BÉNIN : DÉMOCRATIE ET PARTICIPATION À LA VIE POLITIQUE

n° Date de dépôt

Numéro d’enregistre-ment

Dénomination Sigle 1er responsable

86 086–08/09/06 Mouvement démocratique pour un changement au Bénin

MBCB LOVESSE Patrice

87 087–25/09/06 Alliance nationale pour le changement

ANC ABOUMON Philippe

88

088–25/09/06

Union des forces engagées pour le développement

UFED OLOULOTAN Sikirou Alabi

89 089–25/09/06 Union des forces patriotiques du changement

UFPC ISSA MAMAN Sani

90 090–25/09/06 Union des forces de changement prospérité

UFC-Prospé-rité

ABOUM Achadé

91 091–03/11/06 Parti des forces du progrès PFP CHRYSOSTOME Boniface Eric Comlan

92 092–14/11/06 Union fraternelle et patriotique pour la République

UFPR SOUKPON Célestin Mathias Edgard

93 093–15/11/06 Parti pour la démocratie et le progrès social

PDPS HINCATI Omer

94 094–22/11/06 Mouvement pour la démocratie et le développement dans le changement

MDDC GANGBO Grâce Louise Fongnon

95 095–29/11/06 Front d’eveil pour le développement

FED KARIMOU Rafiatou

96 096–12/12/06 Campagne pour la moralité et la démocratie (ANNULÉ POUR FUSION AVEC PRD)

CMD FASSASSI Yacouba

97 097–15/12/06 Parti « ALAFIA » SAÏDOU Alassane

98 098–21/12/06 Ensemble c’est plus sûr EPS TAKPARA Daouda

99 099–21/12/06 Front uni pour une alternative démocratique

FUPAD GBAGUIDI Ahitonon Ladislas Prosper

100 100–31/01/07 Union pour l cause républicaine

UCR KOUPAKI A. Clotaire

101 101–31/01/07 Vision et espoir pour un Bénin emergent

VEBE SOMASSE Valentin

102 102–31/01/07 Alliance pour la sociale démocratie

ASD DOSSOU Robert Marcellin

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A N N E X E I I 1 9 5

n° Date de dépôt

Numéro d’enregistre-ment

Dénomination Sigle 1er responsable

103 103–08/02/07 Mouvement pour l’union et le progrès

MPMP ADEBO Djamiou

104 104–19/02/07 Parti communiste du Bénin PCB FATONDJI Pascal

105 105–30/04/07 Union pour le changement UPC AGUE-ZINSOU Omer

106 106–31/05/07 Mouvement pour le développent et l’enracinement du changement

MODEC KOKOYE Sènou Jean

Source : Ministère de l’Intérieur. Contact : Boni Zime Mako, directeur des Affaires intérieures, publié sur le site www.izf.net

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