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AEM – Guide du praticien Chapitre 6 : Les adaptations de l’AEM Les adaptations de l’AEM page 1 ZONES URBAINES Contexte Ces dernières années, les évaluations AEM ont été effectuées dans les zones urbaines d’un certain nombre de pays, y compris le Zimbabwe, Djibouti, le Somaliland, l’Angola, la Palestine, la Serbie et le Kosovo. Ces évaluations ont généralement été entreprises pour l’une des deux raisons suivantes. Apprendre davantage sur la population urbaine en expansion rapide dans de nombreux pays, et plus particulièrement sur les conditions de vie dans les zones les plus pauvres et les bidonvilles, a été une préoccupation naturelle. Ou bien, l’évaluation des besoins suite à un conflit interne (par ex. en Angola, au Kosovo) ou à des perturbations urbaines (par ex. au Zimbabwe) a suscité l’intérêt. Dans la plupart des cas, le but de l’activité était double : juger du niveau des besoins immédiats et établir des systèmes de suivi continu des moyens d’existence urbains. Quelques-uns des chocs auxquels les ménages urbains sont vulnérables, sont cités dans l’Encadré 1 dans le cas de trois villes. Ces chocs varient d’un endroit à l’autre, mais ils ont tous le potentiel d’avoir un impact soit sur le revenu en espèces soit sur les dépenses des ménages pauvres. Une préoccupation particulière à Harare – et sans doute dans d’autres villes comptant un taux élevé d’infection au VIH – est l’effet potentiel du SIDA. Encadré 1 : Les chocs auxquels les ménages urbains sont vulnérables Harare (Zimbabwe) L’inflation : l’augmentation des prix (loyers, électricité, ticket de bus) Les pertes d’emploi dans le secteur formel La lutte contre les entreprises « illégales » dans le secteur informel (perte de biens, d’outils, de capital) La maladie et le décès (ou le divorce) du principal soutien de famille (souvent à cause du SIDA) Les dépenses importantes imprévues (par ex. funérailles, médicaments – souvent à cause du SIDA) Djibouti Les changements de politiques du gouvernement, qui ont un effet sur : ○ Les salaires ○ Les pensions ○ Le coût des articles alimentaires ○ Le coût des articles non alimentaires (eau, électricité, scolarisation, etc.) ○ La migration vers la ville Les variations de l’activité des secteurs portuaire et de la construction, qui influent sur la disponibilité de travail occasionnel Les variations de la production de l’élevage et des cultures dans les régions qui approvisionnent Djibouti en sorgho, viande, légumes et qat. Hargeisa (Somaliland) Les fluctuations des taux de change qui entraînent l’augmentation du coût des aliments importés Le déclin du secteur de la construction (interdictions) Les restrictions imposées sur le commerce avec l’Éthiopie et l’étranger (par ex. dans le cas du qat) Les restrictions imposées sur les versements ou les réductions des versements

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Les adaptations de l’AEM page 1

ZONES URBAINES

Contexte

Ces dernières années, les évaluations AEM ont été effectuées dans les zones urbaines d’un certain nombre de pays, y compris le Zimbabwe, Djibouti, le Somaliland, l’Angola, la Palestine, la Serbie et le Kosovo. Ces évaluations ont généralement été entreprises pour l’une des deux raisons suivantes. Apprendre davantage sur la population urbaine en expansion rapide dans de nombreux pays, et plus particulièrement sur les conditions de vie dans les zones les plus pauvres et les bidonvilles, a été une préoccupation naturelle. Ou bien, l’évaluation des besoins suite à un conflit interne (par ex. en Angola, au Kosovo) ou à des perturbations urbaines (par ex. au Zimbabwe) a suscité l’intérêt. Dans la plupart des cas, le but de l’activité était double : juger du niveau des besoins immédiats et établir des systèmes de suivi continu des moyens d’existence urbains. Quelques-uns des chocs auxquels les ménages urbains sont vulnérables, sont cités dans l’Encadré 1 dans le cas de trois villes. Ces chocs varient d’un endroit à l’autre, mais ils ont tous le potentiel d’avoir un impact soit sur le revenu en espèces soit sur les dépenses des ménages pauvres. Une préoccupation particulière à Harare – et sans doute dans d’autres villes comptant un taux élevé d’infection au VIH – est l’effet potentiel du SIDA.

Encadré 1 : Les chocs auxquels les ménages urbains sont vulnérables

Harare (Zimbabwe)• L’inflation : l’augmentation des prix (loyers, électricité, ticket de bus)• Les pertes d’emploi dans le secteur formel• La lutte contre les entreprises « illégales » dans le secteur informel (perte de biens, d’outils,

de capital)• La maladie et le décès (ou le divorce) du principal soutien de famille (souvent à cause du SIDA)• Les dépenses importantes imprévues (par ex. funérailles, médicaments – souvent à cause

du SIDA)

Djibouti• Les changements de politiques du gouvernement, qui ont un effet sur :

○ Les salaires○ Les pensions○ Le coût des articles alimentaires○ Le coût des articles non alimentaires (eau, électricité, scolarisation, etc.)○ La migration vers la ville

• Les variations de l’activité des secteurs portuaire et de la construction, qui influent sur la disponibilité de travail occasionnel

• Les variations de la production de l’élevage et des cultures dans les régions qui approvisionnent Djibouti en sorgho, viande, légumes et qat.

Hargeisa (Somaliland)• Les fluctuations des taux de change qui entraînent l’augmentation du coût des aliments

importés• Le déclin du secteur de la construction (interdictions)• Les restrictions imposées sur le commerce avec l’Éthiopie et l’étranger (par ex. dans le cas

du qat)• Les restrictions imposées sur les versements ou les réductions des versements

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Principales caractéristiques des moyens d’existence urbains

La principale différence entre les zones urbaines et rurales est, bien entendu, l’impossibilité d’avoir sa propre production et la forte dépendance vis-à-vis du marché, non seulement pour la nourriture mais également pour de nombreux articles non alimentaires qui sont gratuits ou qui peuvent être collectés gratuitement dans les zones rurales (par ex. le logement, le combustible pour la cuisine, l’eau). Cela signifie que les populations urbaines pauvres sont fortement vulnérables aux changements dans les conditions du marché et plus particulièrement aux variations des prix des marchandises alimentaires et non alimentaires.

Une autre différence est la source de revenu en espèces. L’emploi formel régulier et les affaires sont les options les plus évidentes dans un contexte urbain, mais elles sont généralement réservées aux groupes socio-économiques moyens et plus aisés. Les ménages très pauvres et pauvres sont souvent actifs dans l’économie informelle ou « grise » (souvent très importante). À ce niveau, le travail occasionnel, le petit commerce et les entreprises à petite échelle sont les principales activités génératrices de revenu (Tableau 1).

Tableau 1 : Types d’activités génératrices de revenu par groupe socio-économique, Harare (2001) et Djibouti (2003)

Harare Djibouti

Très pauvres

1 source de revenu par ménage :• Salaire – travailleurs en usine,

agents de sécurité, travailleurs domestiques

• Petit commerce – vente

1 source de revenu par ménage :• Petit commerce – collations scolaires,

pain, aliments préparés, légumes, étals de thé

• Travail occasionnel – dockers, travailleurs de la construction, porteurs dans les marchés

Pauvres

2 sources de revenu par ménage :• Salaire – mêmes activités que

les très pauvres• Petit commerce – vente• Industries à domicile – petites

confiseries, charpente, soudure, salons de coiffure

1 source de revenu par ménage :• Salaire/pension – agents d’entretien,

chauffeurs de taxi• Petit commerce – qat, petits kiosques,

vendeurs de viande

2 sources de revenu par ménage :• Petit commerce + travail occasionnel

Moyen et plus aisés

1-2 sources de revenu par ménage :• Salaire – la plupart des

employés du secteur privé et du secteur public

• Entreprises – divers types, y compris la location de chambres.

1 source de revenu par ménage :• Salaire/pension – la plupart des

employés du secteur privé et du secteur public

• Entreprises – magasins, restaurants, minibus, importateurs/distributeurs de qat

2 sources de revenu par ménage :• Travail qualifié occasionnel

(électriciens, maçons) + petit commerce

• Salaire + entreprise

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Le revenu total est fonction non seulement du type d’activité génératrice de revenu, mais également du nombre de sources de revenu dans chaque ménage. Les ménages les plus pauvres sont généralement ceux qui n’ont qu’une seule source de revenu. Ceci peut s’expliquer soit par le fait qu’il n’y a qu’une personne en mesure de travailler (comme dans beaucoup de ménages dirigés par une femme, ou de ménages touchés par le VIH/SIDA), soit par le fait que le ménage ne peut accumuler suffisamment de capital pour entreprendre ne serait-ce qu’un très petit commerce ou qu’une très petite activité commerciale. À l’autre bout de l’échelle, les salaires et les activités commerciales vont souvent de paire, puisque c’est le salaire qui fournit le capital requis pour lancer l’entreprise (ou pour la soutenir dans les moments difficiles). Et les activités commerciales sont souvent nécessaires pour compléter les salaires relativement faibles des pays en développement, surtout dans le secteur public. D’autres sources de revenu qui ne doivent pas être négligées dans les zones urbaines sont les pensions et les versements d’aide sociale. Ceux-ci pourraient constituer, lorsqu’ils existent, l’unique source de revenu en espèces que les ménages pauvres reçoivent.

Il est possible que l’emprunt et l’endettement soient des facteurs plus significatifs dans un contexte urbain que dans un contexte rural. Cela s’explique par deux raisons. Tout d’abord, dans un contexte urbain, il n’est pas facile d’éviter de nombreux frais fixes (nourriture, loyer, eau, électricité, frais scolaires, transport, etc.) et il pourrait y avoir également des dépenses importantes imprévues, telles que les frais médicaux ou de funérailles. Ensuite, les possibilités d’obtenir un prêt pourraient être plus nombreuses, car les institutions de crédit sont plus actives dans les zones urbaines et les ménages urbains peuvent offrir une meilleure garantie de remboursement, soit parce qu’ils ont un salaire régulier, soit parce qu’ils possèdent des biens qu’ils peuvent donner en gage.

Dans une zone urbaine, il y a bien entendu moins d’occasions de cultiver la terre ou d’élever des animaux, mais cela ne signifie pas que ces activités n’existent pas du tout. Dans certains endroits, il est assez courant que des personnes cultivent quelques aliments dans un jardin personnel, un jardin ouvrier ou une autre parcelle de terre. De même, il n’est pas rare qu’un petit nombre d’animaux soient élevés dans la cour, même si ce ne sont que quelques poulets ou une chèvre. Ces activités ne doivent pas être totalement ignorées dans une évaluation de l’économie des ménages. Les occasions de produire ses propres denrées ont bien entendu tendance à augmenter lorsque l’on s’éloigne du centre ville et peuvent être assez importantes dans les zones périurbaines, où les terrains autour des maisons peuvent être plus grands et les lotissements peuvent être entrecoupés de champs ou de pâturages. Dans ces régions, la production végétale destinée au marché urbain peut être une source particulièrement importante de revenu en espèces. Si un travail est entrepris dans une zone périurbaine, il faudra choisir entre la méthode de terrain employée pour les zones agricoles (voir Chapitre 3) et la méthode d’évaluation urbaine décrite dans le présent chapitre. Une autre option est de combiner des éléments des deux méthodes.

Les ménages urbains pourraient également entretenir des liens étroits avec des proches qui vivent dans des zones rurales, en particulier s’ils ont eux-mêmes récemment migré d’une zone rurale. Cela pourrait aboutir à divers types d’assistance mutuelle. Les proches des zones rurales pourraient envoyer de la nourriture (ou les ménages urbains pourraient en ramener de leurs visites dans leur région d’origine) et les migrants urbains pourraient envoyer des dons en espèces ou en nature. Ou encore un proche d’une zone rurale pourrait venir travailler comme employé domestique chez un ménage plus aisé ou vivre en ville chez un proche pour y fréquenter une école du cycle secondaire.

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Étant donné qu’un moins grand nombre de variations annuelles et saisonnières ont une influence sur les zones urbaines, il pourrait sembler à première vue que les exercices du tableau chronologique et du calendrier saisonnier soient moins importants pour une enquête en milieu urbain. Mais ce n’est pas nécessairement le cas, et ces deux exercices pourraient produire des informations importantes sur les moyens d’existence urbains.

L’Encadré 2 indique les principaux changements qui ont influé sur la ville de Djibouti (un port important de la Mer Rouge et une base militaire internationale) pendant les six années qui ont précédé l’évaluation urbaine de 2003. L’activité du port ainsi que l’activité militaire avaient augmenté, pour plusieurs raisons. De plus, l’ajustement structurel et la privatisation du port et de l’aéroport avaient eu des conséquences importantes sur les niveaux d’emploi et de rémunération formels et, pour terminer, l’expulsion des migrants étrangers en 2003 a eu un certain nombre d’impacts (par ex. la réduction de la concurrence pour des emplois mal rémunérés, la réduction de la demande de biens et de services de base).

Encadré 2 : Tableau chronologique des événements qui ont influé sur l’économie de Djibouti (2003)

Année Mois Événement

1998 Mai • Réacheminement du commerce éthiopien d’Asab vers Djibouti, après la guerre entre l’Érythrée et l’Éthiopie

1999 Oct. • Seconde phase de l’ajustement structurel lancée (oct. 1999-jan. 2003)

2000 Fév.

Juin

Oct.

• Accord de paix signé, met fin au conflit interne qui a commencé en nov. 91 dans le nord du pays

• Accord signé avec les autorités portuaires de Dubaï pour la gestion du port

• Djibouti ratifie l’accord de commerce avec COMESA qui met fin aux barrières tarifaires et commerciales

2001 Avr.

Oct.

• Djibouti ferme ses frontières avec le Somaliland (jusqu’à juin 2002)

• Retour des réfugiés djiboutiens du conflit interne

2002 Jan.

Juin

Sep.

Oct.

• Des navires de guerre allemands et espagnols arrivent à Djibouti pour patrouiller les couloirs maritimes de la Mer Rouge afin de soutenir l’action des USA en Afghanistan

• Accord signé avec les autorités portuaires de Dubaï pour la gestion de l’aéroport

• Environ 900 troupes américaines débarquent pour établir les bases des activités antiterroristes

• Resserrement des contrôles des frontières par l’Éthiopie (en cours)

2003 Jan.Juil.Sep.

• Élection multipartite• Les migrants étrangers sont expulsés de Djibouti• 70 000 – 100 000 migrants étrangers sont expulsés vers l’Éthiopie,

l’Érythrée et la Somalie

Les variations saisonnières peuvent également être significatives et un autre exemple de Djibouti est donné dans le Tableau 2. La période la plus difficile de l’année, à Djibouti, est l’été, lorsque les températures maximales atteignent 40o C et que l’humidité stagne à plus de 50 %.

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Tableau 2 : Les facteurs saisonniers qui influencent les dépenses et les revenus dans la ville de Djibouti

Été (mai-sep.) :• Augmentation de la consommation d’électricité (ventilateurs et climatiseurs)• Augmentation des besoins en eau• Migration saisonnière hors de la zone, vers des régions moins chaudes (ce qui réduit les

opportunités d’emploi occasionnel et de petit commerce)• Augmentation des risques d’incendie dans les bidonvilles (destruction des habitations)• Moins d’opportunités pour les pêcheurs (été tardif en raison de vents défavorables)

Hiver (oct.-avr.) :• Réouverture des écoles (coûts d’inscription, des livres et du transport) • Augmentation de la production dans les jardins potagers locaux• Saison après récolte dans les zones qui fournissent du sorgho à la ville de Djibouti

Contrôler la sécurité alimentaire urbaine

On trouve presque toujours, dans les zones de subsistance rurales, un cycle saisonnier régulier de production et de consommation et, en conséquence, une année de consommation clairement définie, qui débute en principe immédiatement après la principale récolte. C’est la période d’analyse logique. Ce n’est pas le cas des zones urbaines, dans lesquelles les variations saisonnières sont moins marquées et où il est moins facile de prévoir quand les dangers qui frappent les moyens d’existence urbains se produiront. Autrement dit, il est plus logique de surveiller les moyens d’existence urbains de manière régulière – généralement tous les mois – que de réaliser des évaluations uniques une ou deux fois par an.

La surveillance des zones urbaines exige le suivi des évolutions des dépenses et des revenus en espèces. Pour surveiller les dépenses, il est nécessaire de définir un panier des dépenses, généralement pour le groupe socio-économique pauvre ou très pauvre, puis de suivre de près l’évolution des prix par un système de surveillance des prix du marché. Ceci est relativement facile. Suivre de près les changements dans les revenus en espèces est beaucoup plus difficile, surtout parce qu’une grande partie de ces revenus pourrait être perçue d’activités du secteur informel. Les revenus en espèces peuvent être surveillés de différentes manières. À Harare, où les activités informelles de commerce et d’affaires sont particulièrement importantes, il a été proposé d’entreprendre des « minienquêtes », pour surveiller les revenus et les profits d’un échantillon d’entreprises à petite échelle (Tableau 3). À Djibouti, en revanche, la proposition était de surveiller indirectement les revenus en espèces des pauvres, en surveillant la quantité de cargaison déchargée au port ainsi que les progrès de divers projets de construction dans la ville – ces activités réunies représentent une proportion importante de l’emploi occasionnel local.

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Tableau 3 : Suggestions pour surveiller les moyens d’existence des zones urbaines à Djibouti et à Harare

DjiboutiQue surveiller ? Comment surveiller ?

Coût du panier des dépenses alimentaires et non alimentaires de base

• Enquêtes mensuelles sur les prix du marché

La politique du gouvernement qui influe sur :• les niveaux d’emploi et de salaire

du gouvernement• le coût des articles alimentaires• le coût des articles non

alimentaires (eau, pétrole, électricité, scolarisation, soins de santé, etc.)

• la migration vers la ville

• Médias et publications du gouvernement

Activité des secteurs portuaire et de la construction

• Statistiques du port• Données des projets de construction

Production de l’élevage et de l’agriculture dans les zones qui approvisionnent Djibouti

Information provenant des projets d’alerte précoce dans les pays voisins

HarareQue surveiller ? Comment surveiller ?

Coût du panier des dépenses alimentaires et non alimentaires de base

• Enquêtes mensuelles sur les prix du marché

Emplois et salaires du secteur formel

• Conseils nationaux pour l’emploi (CNE) pour chaque secteur industriel.

• Journaux officiels du gouvernement, publiés périodiquement lorsque de nouveaux accords de salaires sont signés par les CNE.

• Le congrès des syndicats de travail du Zimbabwe (ZCTU) pour avoir des informations sur les accords relatifs aux salaires et sur les changements dans les chiffres de l’emploi.

• Le ministère du Travail, qui contrôle les réductions des dépenses et les rémunérations.

• Le Registre des sociétés et des institutions financières qui contrôle l’ouverture et la fermeture des sociétés.

Revenus du secteur informel • Enquêtes mensuelles sur les revenus/profits des entreprises informelles

Indicateurs « d’adaptation »

• Non-paiement des factures d’électricité et d’eau et pourcentage de la population pour qui ces services sont coupés (bureaux du district)

• Non-paiement des frais scolaires (ministère de l’Éducation ou directement d’un échantillon d’écoles)

• Malnutrition dans les centres de santé (ministère de la Santé, centre d’alimentation et de nutrition, ou directement d’un échantillon de centres médicaux)

• Mouvement vers les zones périurbaines (rapports de l’ONG Inter-country Peoples Aid)

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Étude de cas 1 : Surveiller les moyens d’existence urbains à Harare, 2001

En 2001, l’inflation galopante au Zimbabwe était l’une des principales menaces à la sécurité des moyens d’existence urbains. Une surveillance régulière des prix a révélé des augmentations considérables du coût du panier des dépenses de tous les groupes socio-économiques. Un suivi parallèle des salaires du secteur formel a indiqué une augmentation annuelle de 65 % du salaire minimum entre 2000 et 2001, c’est-à-dire tout juste suffisante pour couvrir 4 mois d’inflation des prix (voir la figure). La situation du secteur informel était mixte, le revenu de certaines entreprises a suivi le rythme de l’inflation, tandis que celui d’autres entreprises s’est laissé distancer.

Analyse de scénario dans un contexte urbain

Comme indiqué dans l’Étude de cas 2 sur Djibouti, une étape clé pour élaborer un scénario urbain consiste à établir le niveau minimal acceptable de dépenses pour les articles alimentaires et non alimentaires (le panier des dépenses minimales)1. Cela représente le niveau minimal de dépenses (et donc de revenu en espèces) au-dessous duquel une intervention quelconque est nécessaire. C’est en quelque sorte un seuil d’intervention. Il y a, bien entendu, un élément de jugement subjectif dans la définition de ce seuil (qu’est-ce qui constitue vraiment le « minimum » ?), et différents seuils peuvent être adoptés en fonction des objectifs du programme d’aide (soutien d’un niveau minimum de subsistance, aide plus générale au revenu, protection des ressources, etc.). L’objectif de l’exemple de Djibouti était de soutenir un niveau minimum de subsistance qui comprenait les dépenses actuelles des ménages pauvres et très pauvres en eau, éducation, pétrole, lait en poudre, etc.

1 L’Étude de cas 2 est basée sur une division des dépenses en trois catégories (de base, non alimentaire de survie et autres), ce qui fait que le déficit est calculé en termes de nourriture (voir le graphique Nourriture). La même analyse peut également être effectuée en divisant les dépenses en 4 catégories (en ajoutant les dépenses pour la protection des moyens d’existence), ce qui permet de calculer les déficits de survie et de protection des moyens d’existence.

Une surveillance continue a révélé des disparités croissantes entre les revenus et les dépenses tout au long de 2001

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Étude de cas 2 : Scénario de l’effet de l’augmentation du prix du pétrole sur les ménages très pauvres de Djibouti

L’analyse du scénario dans un contexte urbain est effectuée plus ou moins de la même manière que celle d’un contexte rural, sauf qu’un plus grand accent est placé sur les questions des dépenses. Le principe de base est de considérer l’effet du danger sur chacune des sources de dépenses, d’argent et de nourriture de la base de référence, et d’envisager de quelle manière les ménages tenteront de faire face au problème, c’est-à-dire :

Résultat = Base de référence + Danger + Réponse

Ce type d’analyse ainsi que les recommandations de FEWS NET ont convaincu le gouvernement d’intervenir pour améliorer la sécurité alimentaire des ménages pauvres de Djibouti.

Les mesures prises étaient entre autres :

• l’élimination de la taxe sur le pétrole,

• une réduction de la taxe sur les aliments de base,

• une réduction du prix de l’électricité et des taxes pour les boulangers locaux.

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Comment procéder

Principales différences par rapport à une évaluation des moyens d’existence agricoles

Une évaluation de l’économie des ménages effectuée dans une zone urbaine est différente de celle effectuée dans une zone rurale à plusieurs égards.

Le zonage des moyens d’existence

Dans une évaluation rurale, le but du zonage des moyens d’existence est de distinguer les zones ayant des caractéristiques de production et de marché différentes, afin de préparer des bases de référence séparées pour chaque zone. Dans une évaluation urbaine, l’exercice de zonage consiste moins à définir différents moyens d’existence qu’à comprendre la configuration de la ville, définir un cadre d’échantillonnage et planifier le travail de terrain. Dans ce cas, l’objectif est de diviser la ville en différentes zones selon le niveau social (voir la Figure 1), afin de pouvoir décider quelles parties visiter et quels entretiens y mener. Mais il est également important de comprendre les différences dans les caractéristiques des moyens d’existence observées entre les différentes zones (par ex. la zone du port, le quartier de la prostitution, le district de jardins potagers, etc.). Une autre différence importante est celle que l’on trouve entre les zones urbaines et les zones périurbaines, en raison des différences probables d’accès à la production personnelle des cultures et de l’élevage, au bois de chauffage, à l’eau, etc. Lorsqu’il existe des distinctions importantes entre les moyens d’existence de ces zones, il pourrait être nécessaire de les traiter comme zones de subsistance séparées, comme pour une enquête rurale.

Figure 1 : Zonage urbain basé sur le niveau socio-économique des différentes zones

Ville de Harare et banlieues Ville de Djibouti

District central des affairesFaible densité (plus aisés)Densité moyenne et forte (pauvres)

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L’enquête au niveau du groupe socio-économique

Dans un contexte rural, le plus utile est souvent de se concentrer sur l’accès à de la nourriture et à un revenu en espèces dont bénéficient différents groupes socio-économiques. En effet, les membres d’un groupe socio-économique partagent généralement les mêmes moyens d’existence et le même ensemble limité d’options pour obtenir de la nourriture et de l’argent, et ils adoptent quasiment les mêmes stratégies, aux mêmes périodes de l’année. Les pauvres, par exemple, pourraient posséder entre ½ et 1 hectare de terre pour y cultiver du sorgho et des haricots, pourraient élever 1-2 vaches laitières et travailler entre 10-20 jours par mois dans les champs de ménages plus aisés pendant la saison des pluies. En raison de l’homogénéité relative des moyens d’existence ruraux, l’enquête sur les sources de nourriture et de revenu représente le moyen le plus efficace de générer une compréhension rapide des moyens d’existence dans un contexte rural.

Cette même homogénéité des groupes socio-économiques n’est généralement pas observée dans un contexte urbain, où une source de nourriture – le marché – est en principe prédominante. Dans ce contexte, l’enquête est donc généralement axée sur les dépenses et le revenu en espèces. En ville, cependant, il existe souvent un grand éventail de sources de revenus pour tous les groupes socio-économiques et les salaires sont également moins réguliers qu’à la campagne. Un ménage pauvre pourrait par exemple faire le petit commerce d’aliments préparés, un autre pourrait vivre de la réparation de bicyclettes et un troisième du transport des marchandises dans un marché. Pourtant ces trois ménages pourraient appartenir au même groupe socio-économique. Un ménage pourrait avoir un jour de travail par semaine mais quatre jours la semaine suivante, et ainsi de suite. Globalement, il est difficile d’établir rapidement la situation moyenne ou type d’un groupe socio-économique donné, en raison de l’hétérogénéité des moyens d’existence urbains – du moins, si l’enquête porte essentiellement sur les revenus en espèces.

Bien que les revenus en espèces aient tendance à être hétérogènes dans les contextes urbains, les habitudes de dépenses ne le sont pas. Les familles pauvres dépensent généralement des sommes similaires sur des articles semblables, de sorte qu’une enquête sur les habitudes de dépenses est souvent l’approche la plus utile dans un contexte urbain. En ville, une autre raison très importante de centrer l’enquête sur les dépenses est que les économies urbaines sont principalement des économies de marché et que beaucoup d’articles essentiels pour vivre, qui souvent ne sont pas achetés dans un contexte rural, doivent être achetés en ville (par ex. le logement, l’eau, le bois de chauffage, etc.). Il est indispensable d’inclure ces éléments non alimentaires dans une analyse urbaine.

Les questions sur les revenus en espèces ne doivent pas pour autant être négligées dans une enquête urbaine. Mais l’objet de l’enquête est de déterminer le montant et les caractéristiques types des dépenses de divers groupes. Le revenu est utilisé principalement comme moyen de recoupement (pour s’assurer qu’il est possible de gagner la somme d’argent que le groupe ou le ménage en question déclare dépenser).

L’année de consommation et l’année de référence

Ce sont des concepts très importants dans une enquête rurale, mais ils sont moins pertinents dans un contexte urbain. Le concept d’année de consommation (qui dure 12 mois à partir du début de la principale récolte) a peu de signification dans une zone urbaine qui connaît moins de variations saisonnières, et l’analyse peut généralement être préparée pour n’importe quelle période de 12 mois définie. La question qu’il faut ensuite poser est : quels 12 mois choisir comme année de référence ? La réponse donnée pour la plupart des

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bases de référence urbaines préparées à ce jour, est : les 12 mois qui précèdent l’évaluation actuelle. Cette période a l’avantage d’être relativement présente à l’esprit des personnes et donc plus facile à se remémorer. Ceci dit, il pourrait être plus approprié, dans certains cas, de choisir une période de 12 mois différente. Supposons, par exemple, qu’un événement très significatif se soit récemment produit (l’éclatement d’un conflit ou une évolution majeure et soudaine des conditions économiques, comme le triplement des prix des combustibles), il serait certainement préférable dans ces cas-là de choisir les 12 mois qui précèdent ce choc, afin d’éviter les complications des récents changements profonds.

Étapes d’une évaluation de référence urbaine

La préparation d’une base de référence de l’économie des ménages urbains comporte les étapes suivantes :

• Une étude des sources secondaires• Un exercice de zonage urbain• Des entretiens au niveau de la communauté pour établir la classification socio-

économique• Des entretiens avec des représentants des ménages pour établir les caractéristiques

des dépenses et des revenus au niveau du ménage dans différents groupes socio-économiques

• Des entretiens avec des informateurs clés sélectionnés pour générer des informations sur des questions connexes pertinentes, notamment le statut de l’économie macro, l’approvisionnement en services (eau, assainissement, éducation, santé, électricité), la prévalence du VIH/SIDA, etc.

• Une analyse des données de terrain et la compilation de la situation de référence2

Aspects pratiques (taille de l’échantillon et durée du travail sur le terrain)

Le Tableau 4 renseigne sur le nombre d’entretiens effectués dans trois évaluations urbaines différentes. Il estime également la durée probable du travail sur le terrain. La durée totale de l’exercice sera plus longue que celle indiquée dans le tableau si un atelier de formation initial (d’environ 3 jours) doit être organisé et une journée supplémentaire au minimum sera nécessaire pour établir un zonage préliminaire avant le démarrage du travail sur le terrain. Il faut prévoir également 1-2 jours supplémentaires à la fin du processus pour la présentation des résultats, le cas échéant.

Tableau 4 : Nombre d’entretiens, nombre d’équipes de terrain et durée

Djibouti Hargeisa Harare

Nombre d’entretiens

Communauté 29 40 30

Représentants des ménages 75 60 115

Nombre d’équipes de terrain et durée du travail sur le terrain

Nombre d’équipes de terrain 5 5 s.o.

Durée du travail de terrain et analyse 17 jours 17 jours s.o.

2 Un ensemble de notes d’orientation modifiées pour réaliser un profil des moyens d’existence dans une zone urbaine est donné dans Annexe A du Chapitre 6.

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Il est plus facile de réaliser une évaluation dans une zone urbaine que dans une zone rurale car les distances à parcourir y sont relativement courtes. Les entretiens avec les représentants des ménages y sont également plus rapides, ce qui signifie qu’un plus grand nombre d’entretiens peut être effectué en une journée, à moins que d’autres facteurs n’interviennent (par exemple la température en milieu de journée dans le cas de Djibouti).

L’exercice de zonage urbain

L’exercice de zonage doit être adapté en fonction des circonstances locales. À Harare, par exemple, dans les zones à forte, moyenne et faible densité d’habitations, il a été appliqué tel qu’il était. Des informations supplémentaires y ont été ajoutées, fournies par des informateurs clés issus d’agences immobilières et d’agences pour l’emploi, sur les niveaux de loyers et de revenus dans la ville. À Djibouti, un exercice de cartographie préliminaire avec des participants à l’évaluation a été associé à des entretiens détaillés avec des informateurs clés issus des autorités des arrondissements, afin de classer différents quartiers de la ville en fonction de leur niveau socio-économique global3.

Après avoir préparé le zonage préliminaire, une décision doit être prise rapidement sur l’étendue de l’enquête et sur les zones à inclure et à exclure. À Djibouti, étant donné que les groupes socio-économiques pauvres faisaient l’objet de l’enquête, il a été décidé d’exclure les quartiers les plus riches et de rendre visite à un échantillon représentatif des autres quartiers (qui comprenaient le quartier de la prostitution, ainsi que les quartiers sélectionnés pour leur proximité des principaux marchés, leur accès aux jardins le long de la rivière Ambouli, la prédominance de dockers, le lieu d’implantation d’une communauté ethnique particulière, etc.).

L’entretien au niveau de la communauté

Recueillir les données

La prochaine étape consiste à identifier un point d’entrée dans la communauté. Les organisations communautaires possibles sont entre autres les groupes religieux, les associations de résidents ou les ONG locales. Les bureaux du gouvernement local peuvent généralement fournir des détails sur ces groupes ainsi que des conseils sur les personnes à contacter (celles qui sont les plus impliquées dans les affaires de la communauté, les plus actives, etc.). La procédure de base est identique à celle employée dans une zone rurale. Une classification socio-économique est réalisée avec un groupe de représentants de l’organisation communautaire, à qui l’on demande ensuite d’organiser des entretiens avec de petits groupes d’informateurs issus de différents groupes socio-économiques. Organiser ces entretiens de suivi au niveau du groupe socio-économique peut être plus difficile que dans un contexte rural, surtout dans le cas des groupes plus aisés, qui pourraient être très occupés et/ou préférer être interrogés seuls. Il pourrait donc être nécessaire, dans un contexte urbain, d’organiser une combinaison d’entretiens avec des groupes et avec des individus.

3 À Djibouti, la ville est divisée en arrondissements, quartiers et secteurs.

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L’Annexe A contient un exemple de formulaire d’entretien au niveau de la communauté dans une zone urbaine.

• Tableau chronologique – pour avoir une vue des récents événements• Information sur la population et l’origine des résidents (par ex. sont-ils principalement

des migrants récents provenant de zones rurales, des déplacés internes, etc. ?)• Information sur la fourniture de services dans la région (eau, assainissement et

ramassage des ordures, électricité, santé et éducation)• Information sur les types d’activités génératrices de revenus et taux de rendement de

ces activités• Dangers potentiels de l’année à venir• Liens avec d’autres régions (régions rurales, autres régions urbaines, l’étranger)• Dynamique de la communauté et dons – information sur les systèmes de soutien mutuel• Classification socio-économique• Calendrier saisonnier

Analyser les résultats

Établir une classification socio-économique globale pour une zone urbaine peut être difficile. En effet, différents résultats seront obtenus pour différentes régions ou « zones » (puisqu’elles diffèrent l’une de l’autre sur le plan des niveaux socio-économiques). Le Tableau 5 donne un exemple pratique (de Hargeisa) de la façon d’associer les résultats de différentes zones urbaines. Le principe de base est de « pondérer » les résultats de différentes zones en fonction de leur population.

Tableau 5 : Combiner les résultats de la classification socio-économique de différentes zones urbainesType de zone Classification socio-économique (% de ménages)

Étendue et valeur médiane (entre parenthèses)% population totale

Très pauvres Pauvres Moyens Plus aisés

Zones « mixtes » 0-10 % (5 %) 20-30 % (25 %) 50-60 % (55 %) 10-20 % (15 %) 85 %

Zones « pauvres » 25-35 % (20 %) 35-45 % (40 %) 35-45 % (40 %) 0 % 15 %

Ville entière 5-10 % 25-30 % 50-55 % 10-15 % 100 %

Calcul de la moyenne pondérée pour la ville entière, basé sur les valeurs médianes :

= {(% zones « mixtes » ÷ 100) x (% population totale des zones mixtes)} + {(% zones « pauvres » ÷ 100) x (% population totale des zones pauvres)}

par ex. pour les Très pauvres = {(5 ÷ 100) x (85 %)} + {(20 ÷ 100) x (15 %)} = 7,25 % ou étendue de 5-10 %

Toutefois, ce type de calcul n’est approprié que si la définition du niveau socio-économique est la même dans chacune des zones ; ce qui est peu probable, car la signification de « pauvre » ou « plus aisé » dans une zone peut être différente dans une autre. Dans la pratique, il pourrait donc être nécessaire d’effectuer une nouvelle classification des résultats de différentes zones avant de faire les calculs du Tableau 5. Le Tableau 6 donne un exemple de reclassification.

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Tableau 6 : Procédure de reclassification des entretiens avec des représentants des ménages dans une zone urbaineRésultats du terrain Très

pauvresPauvres Moyens Plus aisés

Ensemble d’entretiens 1 (zone « mixte »)

Classification socio-économique 5 % 25 % 55 % 15 %

Dépenses/revenus totaux (en milliers) 20 30 50 75

Ensemble d’entretiens 2 (zone « pauvre »)

Classification socio-économique 0 % 20 % 40 % 40 %

Dépenses/revenus totaux (en milliers) s.o. 20 30 50

Ensemble d’entretiens 2 reclassifié Les ménages pauvres deviennent les ménages très pauvres, les ménages moyens deviennent les

ménages pauvres, etc.

Classification socio-économique 20 % 40 % 40 % ←

Dépenses/revenus totaux (en milliers) 20 30 50 ←

Ce tableau montre les résultats de deux « ensembles » d’entretiens (Un ensemble représente la classification socio-économique et les entretiens correspondants avec les représentants des ménages d’un lieu). Dans cet exemple, il est très évident d’après les résultats des dépenses/revenus totaux (obtenus lors des entretiens avec des représentants des ménages) que les termes « pauvres », « moyens » et « plus aisés » ont une signification très différente dans la zone « pauvre » et dans la zone « mixte ». Il est donc logique de reclassifier les résultats de la zone « pauvre », les « pauvres » devenant les « très pauvres », les « moyens » devenant les « pauvres » et ainsi de suite.

Les entretiens avec des représentants des ménages

Un modèle d’entretien avec des représentants des ménages est inclus dans l’Annexe A, de même que des exemples de listes de contrôle d’entretiens pour les évaluations à Harare et à Hargeisa. La procédure pour conduire l’entretien avec des représentants des ménages est très similaire à celle d’une zone rurale, sauf qu’une attention plus importante est accordée aux dépenses, qui constituent généralement le point de départ des enquêtes dans un milieu urbain. Étant donné que les zones urbaines ne connaissent pas les mêmes caractéristiques saisonnières bien définies, la procédure la plus simple est de demander aux personnes quels articles alimentaires et non alimentaires elles achètent régulièrement tous les mois, et d’établir des dépenses mensuelles moyennes pour chacun de ces articles. Des questions sont ensuite posées sur les dépenses annuelles majeures et sur les moments où elles sont effectuées (par ex. scolarisation, visites dans les zones urbaines, etc.). Après avoir estimé les dépenses mensuelles totales (avec l’inclusion des dépenses annuelles au prorata), la prochaine étape consiste à déterminer d’où provient l’argent et la quantité approximative obtenue de chaque source.

Il faut décider quels prix utiliser pour le calcul des dépenses. Si les 12 mois précédents sont utilisés comme année de référence, le choix sera alors entre le prix moyen de l’année et le prix actuel. Si les prix ont évolué rapidement l’année précédente, il sera sans doute préférable de prendre le prix actuel qui sera celui dont on se souviendra le plus facilement. Dans ce cas-là, il ne faut pas oublier que l’estimation des dépenses totales portera plus sur le mois actuel que sur l’année globale. En règle générale, cela ne pose pas de problème

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majeur car la plus grande partie du suivi urbain est effectuée sur une base mensuelle de toute façon. La même considération est faite dans le cas du revenu en espèces : faut-il prendre le taux actuel de rendement (par ex. le taux de rémunération journalier actuel, le profit du petit commerce actuel, le salaire actuel) ou une moyenne de l’année globale ? La même approche doit bien entendu être adoptée pour le revenu en espèces et les dépenses.

Le modèle inclut également un espace pour enregistrer les informations suivantes :

• L’origine des résidents et la durée de leur résidence• Le capital et les ressources (bâtiments, véhicules, capital de roulement, bétail et terre)• L’accès aux services (eau, assainissement et ramassage des ordures, électricité, santé

et éducation)• La saisonnalité de l’accès à de la nourriture, le revenu en espèces et les dépenses• Le rôle de l’emprunt et des prêts4

• Les opportunités et les obstacles du groupe socio-économique• La dynamique de la communauté et les dons – informations sur les systèmes de

soutien mutuel.

Questions fréquemment posées

Q : Dans un milieu urbain les gens ne se connaissent pas très bien ; n’est-il donc pas difficile de trouver de bons informateurs clés pour effectuer la classification socio-économique ? R : Il est vrai que les habitants des zones urbaines vivent souvent des vies indépendantes et moins communautaires, mais c’est généralement le cas des personnes plus aisées plutôt que des pauvres. Les ménages pauvres urbains vivent souvent dans des conditions de surpeuplement et communiquent autant avec leurs voisins que dans un village – les dons et l’emprunt peuvent être très courants. Dans la pratique, les différences entre une zone urbaine pauvre et une zone rurale ne sont donc pas très grandes et, avec application, il est possible de trouver des groupes d’informateurs clés capables de préparer une bonne classification socio-économique et d’identifier facilement des participants possibles aux entretiens avec des représentants des ménages. Étant donné que les entretiens avec des représentants des ménages sont moins longs dans une zone urbaine, il y a généralement suffisamment de temps à la fin de chaque entretien pour procéder à une classification socio-économique rapide afin d’obtenir davantage de données pour l’analyse de la classification socio-économique.

Q : Si les ménages d’un groupe socio-économique particulier ont différentes sources de revenus en espèces, comment est-il possible d’effectuer une analyse des résultats pour un problème de revenu en espèces ?R : Il est vrai que cela peut créer des problèmes, mais ils ne sont sans doute pas aussi sérieux qu’on pourrait le penser. Bien qu’il existe de nombreuses activités individuelles

4 Lorsque l’enquêteur pose des questions sur l’emprunt et les prêts, il ne doit pas oublier que le montant des emprunts est en principe strictement limité et que si un prêt n’est pas remboursé, il est peu probable que d’autres prêts soient accordés. Les prêts ne peuvent donc pas être acceptés pour expliquer un grand écart entre le revenu en espèces et les dépenses annuels, surtout pour l’ensemble du groupe socio-économique. L’emprunt et les prêts sont généralement utilisés soit pour a) répartir le coût d’une dépense annuelle importante sur plusieurs mois, soit pour b) combler une insuffisance de revenu en espèces à court terme, par ex. vers la fin du mois dans le cas des employés salariés. N’oubliez pas non plus qu’une garantie ou qu’un gage quel qu’il soit sera demandé en cas de non-remboursement et que les ménages plus aisés pourraient donc avoir plus de facilité à emprunter. Lorsque les prêts sont accordés par des proches, ils peuvent parfois être accumulés et ils se font le plus souvent sous forme de dons plutôt que sous forme de véritables prêts.

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génératrices de revenus dans un contexte urbain, les pauvres obtiennent généralement un revenu en espèces de deux principales catégories d’activité : le travail occasionnel et les entreprises à petite échelle ou le petit commerce. Un revenu provenant d’une catégorie est souvent lié au revenu provenant d’une autre catégorie – dans les régions pauvres, une grande proportion du revenu en espèces obtenu des petites entreprises/petits commerces peut être générée par le travail occasionnel, et une baisse de ce travail aura donc un effet sur les revenus des petites entreprises et petits commerces. Cependant, lorsque ce n’est pas le cas, l’option est de réaliser un scénario du pire, et de considérer l’effet du « problème » sur les ménages qui comptent entièrement sur la source de revenu en question. Bien que cela soit moins utile qu’une analyse pour le groupe socio-économique entier (parce que le nombre de personnes concernées pourrait être inconnu), cela peut malgré tout donner des éclaircissements sur les impacts possibles d’un problème particulier.

Q : Pourquoi utiliser, dans ce contexte, des méthodes d’évaluation rapide plutôt qu’une enquête auprès des ménages ?R : L’évaluation de l’économie des ménages urbains a de nombreuses similarités avec une enquête conventionnelle sur les dépenses des ménages, en ce sens qu’elle pose des questions plus détaillées sur les caractéristiques des dépenses récentes. À condition que les vérifications essentielles sur la nourriture (qui doit totaliser environ 2 100 kcal par personne et par jour) et sur le revenu en espèces (qui doit être à peu près égal aux dépenses) puissent être incorporées, il est tout à fait possible de recueillir des données à travers une enquête auprès de ménages individuels. Si celle-ci peut être complétée par une enquête semi-structurée au niveau de la communauté pour connaître « les faits », tant mieux. Les enquêtes au niveau de la communauté sur les perceptions locales du niveau socio-économique seront également bénéfiques pour diviser les données d’enquête auprès des ménages en groupes socio-économiques utiles.

Utiliser des techniques d’échantillonnage aléatoire pour la sélection des ménages qui prendront part aux entretiens permettra également de garantir que l’échantillon est vraiment représentatif de la population de laquelle il est tiré. Ceci dit, il pourrait être impossible d’utiliser des techniques standard pour tirer l’échantillon car elles nécessitent des données démographiques exactes et une énumération complète des ménages des zones sélectionnées pour l’enquête. Il est très peu probable que ces données soient disponibles, en particulier sur les zones pauvres d’une ville, où la population pourrait être itinérante et où beaucoup de personnes pourraient vivre dans des logements non officiels ou non déclarés. Dans ce type de contexte, des techniques d’échantillonnage plus rapides, semblables à celles utilisées pour une enquête nutritionnelle rapide, seront généralement plus appropriées.