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Inflammation Figure 1. Examen systématique et com- paratif de l’ensemble des articulations et du rachis. 20 | La Lettre du Rhumatologue N o 394 - septembre 2013 Actualités sur la RHUMATOLOGIE PÉDIATRIQUE Monoarthrite de l’enfant : conduite à tenir Management of monoarthritis in a child Valérie Devauchelle-Pensec* * Service de rhumatologie, hôpital de la Cavale-blanche ; service de pédia- trie, hôpital Augustin-Morvan, CHU de Brest. L es rhumatologues prennent régulièrement en charge des enfants adressés tardivement pour des arthrites souvent passées inaper- çues. Pourtant, un examen systématique permet en général d’orienter le diagnostic, car les étiologies se sont peu modifiées au cours de ces 10 dernières années. L’âge de l’enfant et la durée d’évolution sont les éléments principaux indispensables au diagnostic étiologique. La recherche d’uvéite doit faire partie du bilan systémique d’une arthrite chronique. Démarche diagnostique La monoarthrite, définie comme une atteinte inflam- matoire d’une articulation, n’est pas une pathologie rare chez l’enfant. Les études épidémiologiques, même si elles sont peu nombreuses, estiment qu’elles seraient 4 fois plus fréquentes que les arthrites juvéniles idiopathiques (AJI), dont l’incidence varie entre 5 et 15 pour 100 000 enfants de moins de 16 ans (1, 2). Interrogatoire Les circonstances de découverte de la mono- arthrite de l’enfant sont variables et souvent liées à la découverte par les parents d’un gonflement, d’une boiterie ou d’un défaut d’utilisation d’un membre. La douleur est un phénomène incons- tant chez l’enfant, et un examen systématique de l’ensemble des articulations est nécessaire dans ce contexte. L’horaire de la douleur est également plus difficile à préciser chez l’enfant, chez qui l’on décrit malgré tout des douleurs mécaniques, inflammatoires ou permanentes. Le caractère nocturne et invalidant de la douleur doit faire évoquer une origine tumorale ou infectieuse. Il faudra rechercher une circonstance déclenchante à l’arthrite, en sachant qu’un traumatisme est souvent évoqué par excès et rarement responsable de la symptomatologie. Dans le cas d’une arthrite aiguë, les notions de piqûre de tique, d’infection virale, de vaccination récente, de coagulopathie ou de fièvre doivent être recherchées. Dans le cas d’une arthrite chronique, la présence d’une polyarthrite rhumatoïde, d’une spondyloarthrite, d’un psoriasis ou d’une fièvre récurrente, personnelle ou familiale, sera un élément clé du diagnostic. L’origine ethnique des parents doit être connue pour évoquer notam- ment une possible maladie auto-inflammatoire (fièvre méditerranéenne, etc.). Un contexte de vac- cination récente contre la rubéole, d’éruption virale (parvovirus B19), de piqûre de tique ou de griffure de chat est à rechercher. Il est important également de préciser le retentissement de l’arthrite sur les activités scolaires et sportives ainsi que sur la qualité du sommeil afin de mettre en place, si besoin, des prises en charge adaptées. Examen clinique Cet examen doit se faire avec un enfant déshabillé, en culotte, et doit être systématique, en recherchant un gonflement, une douleur ou une limitation de la mobilité (comparativement au côté controlatéral) de chaque articulation et du rachis dans son ensemble (figure 1). Bien sûr, l’examen général recherchera des signes d’orientation cutanés, ganglionnaires, de vaccination, une notion de fièvre. Une mesure staturopondérale faite systématiquement permettra d’évaluer l’éventuel retentissement de l’arthrite.

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Inflammation

Figure 1. Examen systématique et com-paratif de l’ensemble des articulations et du rachis.

20 | La Lettre du Rhumatologue • No 394 - septembre 2013

Actualités sur la RHUMATOLOGIE

PÉDIATRIQUE

Monoarthrite de l’enfant : conduite à tenirManagement of monoarthrit is in a child

Valérie Devauchelle-Pensec*

* Service de rhumatologie, hôpital de la Cavale-blanche ; service de pédia-trie, hôpital Augustin-Morvan, CHU de Brest.

Les rhumatologues prennent régulièrement en charge des enfants adressés tardivement pour des arthrites souvent passées inaper-

çues. Pourtant, un examen systématique permet en général d’orienter le diagnostic, car les étiologies se sont peu modifiées au cours de ces 10 dernières années. L’âge de l’enfant et la durée d’évolution sont les éléments principaux indispensables au diagnostic étiologique. La recherche d’uvéite doit faire partie du bilan systémique d’une arthrite chronique.

Démarche diagnostique

La monoarthrite, définie comme une atteinte inflam-matoire d’une articulation, n’est pas une pathologie rare chez l’enfant. Les études épidémiologiques, même si elles sont peu nombreuses, estiment qu’elles seraient 4 fois plus fréquentes que les arthrites juvéniles idiopathiques (AJI), dont l’incidence varie entre 5 et 15 pour 100 000 enfants de moins de 16 ans (1, 2).

Interrogatoire

Les circonstances de découverte de la mono-arthrite de l’enfant sont variables et souvent liées à la découverte par les parents d’un gonflement, d’une boiterie ou d’un défaut d’utilisation d’un membre. La douleur est un phénomène incons-tant chez l’enfant, et un examen systématique de l’ensemble des articulations est nécessaire dans ce contexte.L’horaire de la douleur est également plus difficile à préciser chez l’enfant, chez qui l’on décrit malgré tout des douleurs mécaniques, inflammatoires ou

permanentes. Le caractère nocturne et invalidant de la douleur doit faire évoquer une origine tumorale ou infectieuse.Il faudra rechercher une circonstance déclenchante à l’arthrite, en sachant qu’un traumatisme est souvent évoqué par excès et rarement responsable de la symptomatologie. Dans le cas d’une arthrite aiguë, les notions de piqûre de tique, d’infection virale, de vaccination récente, de coagulopathie ou de fièvre doivent être recherchées. Dans le cas d’une arthrite chronique, la présence d’une polyarthrite rhumatoïde, d’une spondyloarthrite, d’un psoriasis ou d’une fièvre récurrente, personnelle ou familiale, sera un élément clé du diagnostic. L’origine ethnique des parents doit être connue pour évoquer notam-ment une possible maladie auto- inflammatoire (fièvre méditerranéenne, etc.). Un contexte de vac-cination récente contre la rubéole, d’éruption virale (parvo virus B19), de piqûre de tique ou de griffure de chat est à rechercher. Il est important également de préciser le retentissement de l’arthrite sur les activités scolaires et sportives ainsi que sur la qualité du sommeil afin de mettre en place, si besoin, des prises en charge adaptées.

Examen clinique

Cet examen doit se faire avec un enfant déshabillé, en culotte, et doit être systématique, en recherchant un gonflement, une douleur ou une limitation de la mobilité (comparativement au côté controlatéral) de chaque articulation et du rachis dans son ensemble (figure 1). Bien sûr, l’examen général recherchera des signes d’orientation cutanés, ganglionnaires, de vaccination, une notion de fièvre. Une mesure staturopondérale faite systématiquement permettra d’évaluer l’éventuel retentissement de l’arthrite.

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Points forts

La Lettre du Rhumatologue • No 394 - septembre 2013 | 21

» Une monoarthrite de l’enfant impose de réaliser un examen systématique complet de l’ensemble des articulations.

» Une monoarthrite de plus de 3 semaines d’évolution nécessite de rechercher des anticorps antinucléaires. » Une suspicion d’arthrite septique impose une hospitalisation à but diagnostique et thérapeutique. » L’analyse cytologique et bactériologique du liquide articulaire permettra d’obtenir des arguments

diagnostiques objectifs. » La découverte d’une monoarthrite chez un enfant nécessite une prise en charge spécialisée.

Mots-clésMonoarthriteArthriteAnticorps antinucléairesArthrite juvénile idiopathiqueArthrite postvirale

Highlights » A child presenting mono-

arthritis requires a general physical examination. » All the children with mono-

arthritis of more than 3 weeks should get antinuclear anti-bodies investigation. » Suspicion of septic arthritis

needs urgent care. » Joint fluid analysis gives

important objectives data con-cerning inflammation or septic arthritis. » The diagnosis of mono-

arthritis in children requires a specific care.

KeywordsMonoarthritis

Arthritis

Antinuclear antibodies

Juvenile idiopathic arthritis

Postvirus arthritis

Étiologies des arthrites aiguës

Monoarthrite septique

La monoarthrite septique est, comme chez l’adulte, une urgence thérapeutique dont le diagnostic repose sur le contexte fébrile et le syndrome inflammatoire biologique. La ponction articulaire doit être systé-matique ; la monoarthrite septique est franchement inflammatoire, mais la recherche de germes n’est positive que dans 60 % des cas. Dans ce contexte, la plupart des enfants sont donc traités par antibio-thérapie parentérale avec lavage articulaire et immo-bilisation. Dans le cas d’une AJI, le diagnostic n’est souvent posé que secondairement, mais il faut savoir l’évoquer rapidement si l’atteinte est pluri-articulaire et si aucun germe n’est retrouvé à la ponction. Selon l’âge, les germes fréquemment retrouvés sont le staphylocoque doré, le streptocoque, l’Haemo philus influenzae. Il faut également rechercher le cocco-bacille Kingella kingae chez les enfants de moins de 3 ans (3) en ensemençant le liquide sur un flacon d’hémoculture. Enfin, l’arthrite peut être concomi-tante à une ostéomyélite chez le nourrisson.D’autres infections plus rares peuvent être recher-chées dans des contextes particuliers : la tuberculose sur des populations à risque, Neisseria gonorrhoeae chez les adolescents. Le rhumatisme articulaire aigu (RAA) est devenu exceptionnel dans la population française.

Atteintes post-traumatiques

Un traumatisme est souvent évoqué comme respon-sable d’un gonflement articulaire mais il en est rare-ment la cause chez l’enfant, excepté dans des lésions graves de fractures intra-articulaires visualisées sur la radiographie ou lors d’une lésion ligamentaire majeure, qui sera alors révélée par l’IRM. L’épanche-ment articulaire sera dans ce cas principalement de type hydarthrose ou hémarthrose.Une hémarthrose peut également traduire un trouble de l’hémostase sous-jacent (hémophilie, par exemple, chez le jeune garçon) ou de rares cas de dystrophies synoviales. Ainsi, l’hémangiome synovial, la chondromatose synoviale ou la synovite

villo-nodulaire se révéleront parfois par des épan-chements récidivants, avec un liquide mécanique ou peu inflammatoire. On retrouvera la notion de blocage articulaire lié à la présence de corps étran-gers intra-articulaires. L’IRM et la biopsie aideront à porter le diagnostic.

Synovite aiguë bénigne transitoire de hanche

Elle est plus fréquente entre 3 et 6 ans (rapport garçons/filles : 2/1), mais peut être observée jusqu’à l’âge de 11 ans. Elle entraîne une impotence brutale de la hanche qui, souvent, est cliniquement limitée. Rarement, un syndrome inflammatoire biologique survient ; il doit rester très modéré, et sa présence implique une surveillance plus rapprochée de l’enfant. La radiographie de hanche, de face et de profil, est normale, et l’échographie met parfois en évidence un épanchement intra-articulaire modéré. L’évolution est le plus souvent favorable avec le repos, en 3 à 5 jours. La récidive homolatérale ou contro latérale est possible. Si l’on craint une confu-sion avec une atteinte ostéoarticulaire ou une ostéo-chondrite, une scintigraphie ou une IRM aideront au diagnostic étiologique. Un contrôle radiographique à 1 mois sera réalisé systématiquement pour éliminer une ostéochondrite.

Arthrite de Lyme

Elle se révèle le plus souvent à un stade tardif de la maladie, sous la forme d’une arthrite atteignant essentiellement les genoux. Son diagnostic repose sur l‘interrogatoire, la zone d’endémie et la notion de piqûre de tique ou d’érythème migrant ; cependant, ces éléments sont très inconstants. Le diagnostic repose sur le Western Blot, qui sera, dans le cas d’une arthrite, le plus souvent fortement positif en IgG dirigés contre Borrelia burgdorferi. Une PCR sur le liquide ou sur la biopsie synoviale n’est recom-mandée qu’en cas de résistance au traitement ou d’arthrite chronique. La prise en charge repose sur les recommandations de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) de 2006.

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Inflammation

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Actualités sur la RHUMATOLOGIE

PÉDIATRIQUE

Arthrites réactionnelles et postinfectieuses

Ces arthrites surviennent dans un contexte d’infec-tion récente, digestive ou pulmonaire. Le liquide articulaire est inflammatoire mais stérile, si ce n’est la présence d’antigènes bactériens, ceux-ci n’étant cependant pas recherchés en pratique. Ces arthrites sont dues le plus souvent à Yersinia, Shigella, Sal-monella, Campylo bacter et Chlamydia (plutôt chez l’adolescent) et doivent faire rechercher des signes familiaux d’orientation vers une spondyloarthrite.D’autres germes peuvent également être respon-sables d’arthrites aiguës, tels que Mycoplasma pneumo niae, des streptocoques A, les méningo-coques ou Haemophilus influenzae. La rubéole était connue pour entraîner des arthrites aiguës, mais celles-ci ont disparu depuis la vaccination systé-matique.Les arthrites virales sont assez fréquentes chez l’enfant et de diagnostic difficile, ce dernier étant fondé le plus souvent sur l’anamnèse d’une infec-tion virale récente (3-15 j), avec ensuite des poly-arthralgies ou une polyarthrite plutôt périphérique et symétrique. Les notions de fièvre, de rash, d’asthénie modérée ou de myalgies sont évocatrices. Habituel-lement, l’atteinte articulaire survient brusquement après les prodromes de la virose. Sa durée est rela-tivement courte, les arthralgies et les arthrites ne persistant pas plus de 4 à 6 semaines. La mise en évidence de l’agent viral responsable est peu utile, car elle ne modifiera pas la prise en charge thérapeutique, excepté pour les hépatites B ou le VIH. De nombreux virus sont incriminés, dont l’herpesvirus, l’entérovirus, le Coxsackie B, le virus des oreillons. La ponction du liquide articulaire, si elle est faite, retrouve une formule mixte parfois inflammatoire, à prédominance de lymphocytes ou de neutrophiles selon le type de virus. D’un point de vue thérapeutique, il n’y a pas de traitement spécifique, et de simples mesures sympto-matiques sont suffisantes.Le parvovirus B19 (4) peut entraîner une arthrite chez les enfants, chez lesquels elle est appelée “érythème infectieux” ou “cinquième maladie”. Le parvovirus B19, découvert en 1975, est l’un des plus petits virus à ADN, et il est présent dans le monde entier. Les infections surviennent plutôt au printemps sous nos climats, avec une transmission aérienne principa-lement à partir des enfants. Cinquante pour cent des adolescents de 15 ans auraient des anticorps spécifiques. Les symptômes sont inexistants dans 25 % des cas et limités à un syndrome grippal dans 50 % des cas. La forme typique est représentée par

un exanthème en “paire de claques”, avec un rash malaire épargnant le nez et la région péri-orale, et parfois, dans un deuxième temps, un exanthème maculopapulaire et érythémateux du tronc et des membres. Des arthralgies et des arthrites peuvent se manifester simultanément ou juste après l’éruption cutanée. Elles sont relativement rares chez l’enfant (8 % des cas), avec une atteinte souvent asymé-trique et pauci-articulaire, mais elles dominent le tableau clinique chez l’adulte. Le diagnostic repose sur la sérologie et la PCR.

Arthrite et ténosynovites à piquants

Initialement décrites comme des arthrites à corps végétaux, elles sont dues à une réaction inflamma-toire locale et non infectieuse suite à une piqûre intra-articulaire par un fragment d’épine végétale (épine de prunellier, d’acacia, de palmes, de rosier, etc.). Toutes les articulations peuvent être atteintes, notamment les genoux, mais aussi les extrémités. La réaction inflammatoire entraîne une synovite à corps étranger. Il est recommandé d’essayer d’extraire le fragment et de traiter par anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et parfois synovectomie.De la même façon sont décrites des synovites à piquants, notamment d’oursins. La douleur est aiguë au moment de la piqûre et la phase de chronicisation peut survenir entre 3 et 75 jours après (5).Enfin, chez l’enfant comme chez l’adulte, il faut penser à des arthrites à corps étrangers, quelle que soit la nature de ce corps étranger (jouet, mine de crayon, etc.), lorsque les atteintes se situent plutôt au niveau des mains et des pieds.

Arthrites tumorales ou révélant un cancer

Les tumeurs intrasynoviales sont exceptionnelles. En revanche, des tumeurs malignes épiphysaires peuvent se révéler par une arthrite, mais elles sont très souvent accompagnées de signes généraux et, notamment, d’une douleur nocturne ainsi que d’une cassure de la courbe staturopondérale. L’ostéo-sarcome, le sarcome d’Ewing, le neuroblastome, le chondrosarcome, le lymphome ou l’hystiocytome fibreux malin peuvent entraîner des manifesta-tions articulaires. Enfin, une arthrite peut révéler une leucémie aiguë ou des métastases. La scinti-graphie osseuse, l’IRM ou le myélogramme aideront au diagnostic.

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Figure 2. Défi cit d’extension du genou droit dans le cadre d’une monoarthrite à anticorps antinucléaires, chez une petite fi lle de 5 ans.

Figure 3. Défi cit d’extension des doigts dans le cadre d’une ténosynovite des fl échisseurs (poly-arthrite séche).

La Lettre du Rhumatologue • No 394 - septembre 2013 | 23

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Étiologies des arthrites chroniquesLes arthrites chroniques sont en grande majorité liées à l’AJI, mais elles révèlent parfois d’autres pathologies plus rares ayant en général d’autres signes d’accompagnement évocateurs comme les collagénoses, le purpura rhumatoïde, les granulo-matoses ou une maladie auto- infl ammatoire.

Arthrite juvénile idiopathique

Les AJI sont divisées en 7 sous-groupes comportant des entités très différentes selon la classifi cation de l’International League Against Rheumatism tou-jours en vigueur actuellement. Les patients sont ainsi classés en fonction des symptômes qu’ils pré-sentent au cours des 6 premiers mois d’évolution de leur pathologie et de la présence ou non d’auto-anticorps ou d’antécédents familiaux. Le premier groupe est représenté par l’arthrite systémique, connue aussi sous le nom de “maladie de Still”, et qui mériterait peut-être d’être classée dans le registre des maladies auto-infl ammatoires, même si aucune anomalie génétique n’a encore été identifi ée dans cette pathologie. La forme la plus spécifi que de l’enfant est représentée par l’oligoarthrite à anticorps antinucléaires (fi gure 2). Il s’agit essen-tiellement d’une forme affectant la petite fi lle, à laquelle est associé un risque d’uvéite asympto-matique (dite “à œil blanc”), nécessitant une sur-veillance ophtalmologique systématique jusqu’à l’âge de 14 ans. Les autres formes correspondent aux polyarthrites avec ou sans anticorps, dont le pronostic et la prise en charge sont très proches de ceux de la polyarthrite rhumatoïde (fi gure 3). Enfi n, il existe des formes apparentées aux spondylo-arthrites et ayant comme particularité de donner fréquemment, chez le jeune garçon, des arthrites périphériques (fi gure 4, p. 24).

Maladies auto-infl ammatoires

Les maladies auto-infl ammatoires regroupent plu-sieurs pathologies rares pour lesquelles des progrès majeurs ont été faits au cours de ces 20 dernières années, en ce qui concerne à la fois leur physio-pathologie et leur traitement, avec notamment une grande effi cacité des thérapeutiques anti-IL-1. Les plus connues sont les fi èvres récurrentes familiales, en particulier la fi èvre méditerranéenne familiale

(FMF) ou “maladie périodique”. Les CAPS pour “syndromes périodiques associés à la cryopyrine”, regroupent 3 pathologies consécutives à un défi cit génétique en cryo pyrine (CIAS1). La plupart de ces pathologies sont liées à des épisodes de fièvres récurrentes survenant dès l’enfance et sont de trans-mission héréditaire, avec l’apparition d’un syndrome infl ammatoire biologique lors des épisodes fébriles ;

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Infl ammation

Figure 4. Monoarthrite du genou droit dans le cadre d’une spondyloarthrite juvénile chez un garçon de 13 ans.

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Actualités sur la RHUMATOLOGIE

PÉDIATRIQUE

elles sont accompagnées de différentes manifesta-tions douloureuses ou d’atteintes neurologiques ou des séreuses. À la frontière de ce concept clinique et génétique s’ajoutent d’autres maladies granu-lomateuses (syndrome de Blau, syndrome PAPA [Pyogenic Arthritis, Pyoderma gangrenosum, and Acne]) et d’autres encore pour lesquelles les ano-malies génétiques n’ont pas encore été identifi ées, comme le PFAPA (syndrome périodique avec aphtes, pharyngite et adénopathies).

◆ Fièvre méditerranéenne familialeLa FMF est la plus fréquente des maladies auto-inflammatoires. Elle atteint le plus souvent des sujets de moins de 10 ans et survient dans 80 % des cas avant 20 ans. Les accès infl ammatoires aigus associent des poussées fébriles, des atteintes des séreuses (péritonéales, pleurales ou testiculaires) extrêmement douloureuses, des arthrites ou des arthralgies parfois destructrices, une amyotrophie, des myalgies et des lésions cutanées telles que la plaque érysipéloïde. Les poussées apparaissent bru-talement et régressent en 72 heures. La complication la plus grave est l’amylose rénale de type AA. La colchicine permet de réduire l’intensité des crises et le développement de l’amylose. C’est une maladie autosomique récessive qui affecte essentiellement les populations du pourtour méditerranéen et du

Moyen-Orient : les Juifs séfarades et ashkénazes, les Arméniens, les Turcs, les Druses en particulier. La fréquence des sujets hétérozygotes y est très élevée. Cette maladie est très rare mais a déjà été observée chez les Caucasiens européens.

◆ Syndromes périodiques associés à la cryopyrineLes CAPS entraînent, dans la forme de type urti-caire familiale au froid, des accès fébriles déclenchés par l’exposition au froid et associés parfois à une urticaire, à des myalgies, à des arthralgies et à une conjonctivite. Dans le syndrome de Muckle-Wells (MWS) peuvent s’associer une surdité de percep-tion, des arthralgies ou des arthrites très doulou-reuses, non destructrices et sans atteinte du système nerveux central, contrairement au CINCA (syndrome chronique, infantile, neurologique, cutané et arti-culaire). Les accès durent de 24 à 48 heures et se répètent à intervalles irréguliers. Le MWS atteint surtout les populations originaires de l’Europe du Nord. Le CINCA ou NOMID (Neonatal Onset Multi-systemic Infl ammatory Disease) débute souvent dès la naissance. Les accès associent de manière carac-téristique une hyperthermie, une urticaire souvent présente dès la naissance et non prurigineuse, des signes neurosensoriels et des manifestations arti-culaires. L’atteinte neurologique est un élément important de la maladie. L’atteinte articulaire est variable, avec des arthralgies, des arthrites et des arthropathies épiphysométaphysaires déformantes.

◆ GranulomatosesL’arthrite granulomateuse infantile se caractérise par une polyarthrite granulomateuse, une uvéite et une éruption cutanée débutant avant l’âge de 5 ans. Elle est soit familiale (syndrome de Blau), soit sporadique (sarcoïdose à début précoce). Ce sont des pathologies très rares, entraînant des éruptions papulo-érythé-mateuses rosées ou brunes sur le dos et les extré-mités, une polyarthrite symétrique et des rétractions tendineuses. Elles sont associées à des mutations du gène codant pour NOD2/CARD15 (16q12).Des informations et des aides à la prise en charge sont synthétisées sur le site internet du CeRéMAI (Centre de référence des maladies auto-infl amma-toires) [http://asso.orpha.net/CEREMAI].

Conclusion

En pratique, la prise en charge d’une mono arthrite de l’enfant est fondée sur l’examen clinique systé-matique et la réalisation d’examens complémen-

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

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La Lettre du Rhumatologue • No 394 - septembre 2013 | 25

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taires parfois simples (tableaux I et II). En l’absence d’arthrite septique ou d’une forte altération de l’état général, un bilan biologique standard et une imagerie simple pourront dans un premier temps orienter le diagnostic. L’absence d’amélioration sous AINS après 1 à 2 semaines nécessite de procéder

à des examens plus complexes, et notamment la recherche des autoanticorps, ainsi qu’une consul-tation systématique en ophtalmologie. ■

Tableau I. Examens complémentaires à proposer dans le cadre d’une arthrite aiguë. À discuter selon le contexte.

Examens biologiques•NFS, VS, CRP•Hémostase•Uricémie selon le contexte

Ponction du liquide articulaire (cytologie et bactériologie), urgent si fièvre

Selon le contexte• Sérologies : Lyme, parvovirus B19, salmonelles, shigelles,

Yersinia, mycoplasme, antistreptolysines

Examens d’imagerie•Radiographies comparatives• Échographie : pour les articulations profondes

ou pour différencier mains et pieds

Tableau II. Examens complémentaires à proposer dans le cadre d’une arthrite subaiguë ou chronique. À discuter selon le contexte.

Examens biologiques•Anticorps antinucléaires, facteurs rhumatoïdes en Elisa

et ACPA, typage HLA-A et B à discuter•Hémocultures, urocultures•Recherche de tuberculose• Électrophorèse des protéines

et dosage pondéral des immunoglobulines

Examens d’imagerie (selon le contexte)

• IRM• Scintigraphie osseuse•Myélogramme

Examen ophtalmologique à la lampe à fente

Monoarthrite d’une durée > 3 semaines

Autres selon le contexte recherche génétique, dosage des IgD

ACPA : anticorps antipeptides citrullinés.

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Attention, ceci est un compte-rendu de congrès et/ou un recueil de résumés de communications de congrès dont l’objectif est de fournir des informations sur l’état actuel de la recherche ; ainsi les données présentées sont susceptibles de ne pas être validées par les autorités de santé françaises et ne doivent donc pas être mises en pratique.Le contenu est sous la seule responsabilité du coordonnateur, des auteurs et du directeur de la publication qui sont garants de son objectivité. Sous l’égide de La Lettre du Rhumatologue - Directeur de la publication : Claudie Damour-Terrasson - Rédacteur en chef : Pr Bernard Combe

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Directeur de la

Avecle soutien institutionneldes Laboratoires Lilly

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