Acteurs de dialogue n°11

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Au terme du cycle des espaces de dia- logue qui avait cet- te année le thème : « Mémoires et his- toire », que peut- on en dire ? Si l’objectif du pro- gramme Initiative Dialogue est avant tout de renforcer la cohésion sociale en créant des liens per- sonnels entre personnes d’origines et de cultures différentes, la thématique de l’an- née qui se termine aura bien servi ce but, notamment en touchant à l’une des racines de ce qui fait notre identité. Comme l’a sou- ligné une participante, « nous avons revisité l’histoire à travers le récit et le ressenti des personnes. » C’est tout autre chose qu’une connaissance livresque désincarnée. C’est un processus qui permet d’entrer dans l’in- timité de celui qui a une autre perception des faits et qui permet de prendre de la dis- tance par rapport à ses propres schémas de pensée. Il n’était néanmoins pas facile d’aborder des thématiques qui pouvaient être de nature à questionner l’idée que l’on se fait de soi- même et de son Histoire. La colonisation, l’esclavage, l’immigration ne laissent dans les esprits et les cœurs pas les mêmes ressen- tis selon le rôle qu’on y a joué, soi-même ou ses ancêtres. Mais comme l’a souligné un participant : on a pu s’exprimer librement sans crainte d’être jugés. Un participant a dit que ces échanges l’avaient amené à appréhender l’actualité autrement. Une autre a raconté que sur le chemin du retour à l’issue de ces rencon- tres, elle continuait l’échange avec son com- pagnon, elle d’origine Burkinabé, lui euro- péen : « Ces espaces ont contribué à faire évoluer notre regard sur plusieurs aspects de nos histoires respectives, vers plus de compréhension et une manière différente de les appréhender. » Ce travail sur soi à travers la rencontre avec l’autre différent doit se faire dans la durée. L’an prochain, la thématique de l’identité sera reprise. Une occasion de parler de soi, de se découvrir dans nos différences, de ré- fléchir ensemble à ce qui peut fonder notre communauté de destin. Une série d’événe- ments publics seront par ailleurs organisés sur « L’engagement et la réussite ». Ces ren- contres sont ouvertes à tous. Frédéric Chavanne ACTEURS DE DIALOGUE La lettre d’information trimestrielle d’Initiative Dialogue EDITO Été 2012 - N°11 Le programme Initiative Dialogue de l’association Initiati- ves et Changement a organisé vendredi 8 juin, une Confé- rence-Débat sur le thème: « En quoi la mémoire contri- bue-t-elle à construire notre identité ?». Dounia Bouzar, anthropologue du fait religieux, commençant par une anecdote, a souligné le rôle fondateur de la mémoire dans les quêtes d’identité et de dignité humaine. Le voyage à Auschwitz de «Monique», juive de 67 ans et d’une jeune musulmane de vingt ans, a permis à cette dernière d’intégrer l’histoire de son amie, d’en comprendre les horreurs… Un voyage au cours duquel, la mémoire de Monique est devenue sa mémoire. Dounia Bouzar a rappelé que dans les sociétés traditionnelles, l’univers symbolico-religieux était souvent structuré par un mythe d’origine, qui évoquait à la fois de l’origine du monde et l’origine du groupe, donc de l’individu appartenant à ce même groupe. Dans le passé, la mémoire collective était entièrement figée dans les structures, l’organisation, le langage ainsi que dans les pratiques quotidiennes de sociétés régies par telle ou telle tradition. De nos jours, les sociétés modernes ne fonctionnent plus comme des « sociétés de mémoires » ajoute-t-elle. Il existe autant de grou- pes que d’individus, plus rien n’est figé et la transmission ne se fait plus autour d’un seul héritage. A propos de la transmission de la mémoire, Dounia Bouzar, remar- que que la recomposition de la mémoire chez les jeunes héritiers de l’immigration est sujette à de nombreuses difficultés car ces der- niers se trouvent au croisement d’imaginaires collectifs hérités de plusieurs histoires. En effet, leur histoire individuelle s’inscrit dans l’histoire collective, à travers l’histoire du pays actuel, mais aussi l’histoire du pays d’origi- ne de leurs parents. D’autant plus, que les relations mutuelles entre ces deux pays ne sont pas encore entièrement apaisées. La confé- rencière note que l’histoire des deux pays respectifs détermine en grande partie leur propre relation à l’histoire et à la mémoire en général. Dounia Bouzar avance que pour de nombreux historiens, la France s’est toujours construite dans un idéal d’unité qui ressemble à un mythe. Il en reste une vraie difficulté collective pour apprendre à faire de l’unité avec la diversité, précise-t-elle. Cela nous mène à penser que celui qui a une différence aura forcé- ment une autre histoire. Ce qui explique la souffrance de certains jeunes Français issus de l’immigration. Deux cas de figure se présen- « Relire son passé... pour devenir acteur de son destin : Conférence-débat du 8 juin 2012 Conclusion du cycle « Mémoires et Histoire »

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Lettre d'information trimestrielle d'Initiative Dialogue

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Au terme du cycle des espaces de dia-logue qui avait cet-te année le thème : « Mémoires et his-toire », que peut-on en dire ?Si l’objectif du pro-gramme Initiative Dialogue est avant tout de renforcer

la cohésion sociale en créant des liens per-sonnels entre personnes d’origines et de cultures différentes, la thématique de l’an-née qui se termine aura bien servi ce but, notamment en touchant à l’une des racines de ce qui fait notre identité. Comme l’a sou-ligné une participante, « nous avons revisité l’histoire à travers le récit et le ressenti des

personnes. » C’est tout autre chose qu’une connaissance livresque désincarnée. C’est un processus qui permet d’entrer dans l’in-timité de celui qui a une autre perception des faits et qui permet de prendre de la dis-tance par rapport à ses propres schémas de pensée.Il n’était néanmoins pas facile d’aborder des thématiques qui pouvaient être de nature à questionner l’idée que l’on se fait de soi-même et de son Histoire. La colonisation, l’esclavage, l’immigration ne laissent dans les esprits et les cœurs pas les mêmes ressen-tis selon le rôle qu’on y a joué, soi-même ou ses ancêtres. Mais comme l’a souligné un participant : on a pu s’exprimer librement sans crainte d’être jugés.Un participant a dit que ces échanges l’avaient amené à appréhender l’actualité autrement. Une autre a raconté que sur le

chemin du retour à l’issue de ces rencon-tres, elle continuait l’échange avec son com-pagnon, elle d’origine Burkinabé, lui euro-péen : « Ces espaces ont contribué à faire évoluer notre regard sur plusieurs aspects de nos histoires respectives, vers plus de compréhension et une manière différente de les appréhender. »Ce travail sur soi à travers la rencontre avec l’autre différent doit se faire dans la durée. L’an prochain, la thématique de l’identité sera reprise. Une occasion de parler de soi, de se découvrir dans nos différences, de ré-fléchir ensemble à ce qui peut fonder notre communauté de destin. Une série d’événe-ments publics seront par ailleurs organisés sur « L’engagement et la réussite ». Ces ren-contres sont ouvertes à tous.

Frédéric Chavanne

Acteurs de diAlogueLa lettre d’information trimestrielle d’Initiative Dialogue

edito

été 2012 - N°11

Le programme Initiative Dialogue de l’association Initiati-ves et Changement a organisé vendredi 8 juin, une Confé-rence-Débat sur le thème: « En quoi la mémoire contri-bue-t-elle à construire notre identité ?».

Dounia Bouzar, anthropologue du fait religieux, commençant par une anecdote, a souligné le rôle fondateur de la mémoire dans les quêtes d’identité et de dignité humaine. Le voyage à Auschwitz de «Monique», juive de 67 ans et d’une jeune musulmane de vingt ans, a permis à cette dernière d’intégrer l’histoire de son amie, d’en comprendre les horreurs… Un voyage au cours duquel, la mémoire de Monique est devenue sa mémoire. Dounia Bouzar a rappelé que dans les sociétés traditionnelles, l’univers symbolico-religieux était souvent structuré par un mythe

d’origine, qui évoquait à la fois de l’origine du monde et l’origine du groupe, donc de l’individu appartenant à ce même groupe.

Dans le passé, la mémoire collective était entièrement figée dans les structures, l’organisation, le langage ainsi que dans les pratiques quotidiennes de sociétés régies par telle ou telle tradition. De nos jours, les sociétés modernes ne fonctionnent plus comme des « sociétés de mémoires » ajoute-t-elle. Il existe autant de grou-pes que d’individus, plus rien n’est figé et la transmission ne se fait plus autour d’un seul héritage.

A propos de la transmission de la mémoire, Dounia Bouzar, remar-que que la recomposition de la mémoire chez les jeunes héritiers de l’immigration est sujette à de nombreuses difficultés car ces der-niers se trouvent au croisement d’imaginaires collectifs hérités de plusieurs histoires.

En effet, leur histoire individuelle s’inscrit dans l’histoire collective, à travers l’histoire du pays actuel, mais aussi l’histoire du pays d’origi-ne de leurs parents. D’autant plus, que les relations mutuelles entre ces deux pays ne sont pas encore entièrement apaisées. La confé-rencière note que l’histoire des deux pays respectifs détermine en grande partie leur propre relation à l’histoire et à la mémoire en général.

Dounia Bouzar avance que pour de nombreux historiens, la France s’est toujours construite dans un idéal d’unité qui ressemble à un mythe. Il en reste une vraie difficulté collective pour apprendre à faire de l’unité avec la diversité, précise-t-elle.

Cela nous mène à penser que celui qui a une différence aura forcé-ment une autre histoire. Ce qui explique la souffrance de certains jeunes Français issus de l’immigration. Deux cas de figure se présen-

« Relire son passé... pour devenir acteur de son destin : Conférence-débat du 8 juin 2012

Conclusion du cycle « Mémoires et Histoire »

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tent à nous, une première génération de Français de référence mu-sulmane a grandi dans de véritables « trous de mémoires », creusés par plusieurs interlocuteurs.

Les générations qui suivent, sont enfermés eux, dans l’histoire de leurs parents, qui ne constitue qu’une partie de leur propre histoire. La plupart d’entre eux, ne peuvent pas remanier leur histoire, ne parviennent pas à se remanier. Remanier le passé, c’est aussi se remanier soi-même et parvenir à se définir en toute liberté, ra-joute-t-elle.

L’intervenante a partagé avec la salle, imprégnée par son expérience de terrain auprès de jeunes, dans le cadre de sa recherche, son approche des troubles de cette transmission. Elle explique que les parents, les grands-parents et les arrière-grands-parents, qui ont pris un jour la décision d’immigrer sur la terre de l’ancien coloni-sateur, partaient dans l’espoir d’une vie meilleure. Améliorer une situation économique fragile et accepter que son propre enfant soit

socialisé français.

Dounia Bouzar a revisité pour ses auditeurs l’histoire de ses pro-pres grands-parents. Elle note que le chômage qui touche de plein fouet les secteurs dans lesquels travaillent ces immigrés, n’a pas que des répercussions économiques. La place du père, sa légitimité, repose sur sa qualité de travailleur. La perte de l’emploi n’entraîne pas seulement la perte de revenus, mais la remise en cause du sens de l’histoire de la famille. L’autorité du père au chômage devient une enveloppe vide. Un contexte économique et social, qui ne permet pas au père déchu de mettre en mots son parcours migratoire.

Or le silence parental vient s’ajouter à une mémoire qui trie et sélectionne les évènements du passé. Des zones d’ombres ont longtemps fait partie des trous de mémoires. Dounia Bouzar, in-siste fortement pour qu’il y ait une reconnaissance dans les livres d’histoire de cette mémoire des grands-parents, affirmant que leur histoire appartient à l’histoire de la France. Cela nous aidera certai-nement à la construction d’une histoire partagée.

L’autre véritable enjeu selon Dounia Bouzar est de savoir comment faire face au discours radical, qui érige des frontières symboliques strictes afin de séparer les individus les uns des autres par la reli-gion. Un discours qui n’est pas forcément dangereux pour la so-ciété, mais empêche ces jeunes d’être sujets pensants. Un discours permettant à l’identité du groupe de remplacer celle de l’individu.

Par ailleurs, Dounia Bouzar relève que la plupart des récentes étu-des sociologiques montrent que les jeunes Français héritiers de l’immigration, repensent aujourd’hui «leur islam», en le rattachant à leur expérience humaine, à leur histoire et surtout à leur nouvelle histoire.

Enfin, Dounia Bouzar lance un appel à chacun de reprendre pos-session de son histoire, pour la rendre audible et comprendre que le passé n’a plus à être subi et qu’il ne pense pas à notre place…Je pense le passé, nous pensons le passé !

Synthèse réalisée par Jamila Labidi

Les plus fidèles étaient heureux de se retrouver au terme de ce cycle de rencontres d’Initiative Dialogue autour du thème de l’année : « Histoire et Mémoires ... ». Un autre temps fort de l’année visant, comme les fois précédentes, à tisser cette histoire commune à tou-tes les personnes présentes.

L’un des participant a relaté à cette occasion tous les débats et les commentaires suscités par la fameuse scène de drapeaux étrangers à de la Bastille le soir des élections : « Je me suis interrogé sur la raison de voir tous ces drapeaux étrangers (marocain, tunisien, algérien,…) le soir d’une élection française. A côté de lui, un jeune, tire son IPhone de sa poche, vérifie que d’autres drapeaux comme celui du Chili, de l’Irlande ou encore du Portugal volaient au vent ! Enfin, une jeune française originaire du Burkina-Faso souligne : « Si j’avais été à la Bastille je me serais bien vue brandir le drapeau de mon pays, pour une raison simple, entre la France et l’histoire de mon pays il y a un lien fort, c’est une question de mémoire… »

Voici une autre allégorie de nos espaces, celle d’une expérience vé-cue avec ces drapeaux, observés voire photographiés sous plusieurs angles et non pas un seul le soir du 6 mai.

Une autre participante rappelle le témoignage d’une mère de famille concernant la difficulté ou le défi de la transmission de la mémoire, face à une histoire officielle « l’Histoire que font les uns, n’est pas celle que les autres reconnaissent forcement ». En effet, comment faire quand l’histoire racontée dans le livre d’histoire de la 5ème de notre enfant, ne correspond pas à la mémoire et à l’histoire vécue ou transmise par la famille ?

En réponse à la question : « Ces échanges ont-ils eu un impact sur ma vie quotidienne », une jeune participante raconte comment sur le chemin du retour, elle continuait l’échange avec son compagnon : « Ces espaces, même s’ils n’ont pas suscité un réel changement dans notre vie, ils ont contribué d’une manière ou d’une autre à faire évo-luer notre regard sur plusieurs aspects de nos histoires respectives, vers plus de compréhension et une manière différente d’appréhen-der nos histoires respectives ».

Un ancien animateur de ces espaces explique que ces échanges lui ont permis de regarder l’actualité avec beaucoup plus de recul. In-tervenant sur la chaine France 24, il précise que ces échanges, dans une société aussi métissée que la nôtre, représentent un atout pour aborder des questions de société sensibles, notamment celles sou-levées lors de la campagne présidentielle : « sur les plateaux de té-lévision au cours de la compagne, dit-il, j’abordais, les questions de l’immigration ou encore de l’identité avec beaucoup plus de profon-deur et d’objectivité ».

Un jeune universitaire apprécie qu’au sein des ces espaces de dialo-gue, on peut prendre la parole sans être jugé. « Nous ne sommes pas dans la revendication, mais nous essayons d’avancer par soi même » précise-t-il.

Au milieu de la soirée, les participants ont été invités à se mettre en groupe de cinq ou six, pour échanger à partir de la question : que pouvons-nous entreprendre ensemble à la suite de ce cycle de dialogue ? Les propositions et les idées vont bon train ; créer un espace de dialogue virtuel sur les réseaux sociaux, filmer certains échanges ou

« Vers des mémoires responsables ! » Mai 2012 - Paris XV

esPAces de diAlogue

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témoignages forts (bibliothèque humaine), réaliser des reportages pour diffuser ce qu’on peut vivre au sein des espaces, créer un es-pace de dialogue au Maroc, pour les neuf cents résidents français qui ont voté front national le 6 mai, alors qu’ils adorent le Maroc…, créer une bibliographie avec films, reportages, témoignages sur la guerre d’Algérie ou encore les Kanaks et les évènements d’Ouvéa en 1988, l’histoire de l’esclavage, etc., créer des micro-trotoirs en rendant nos sujets un peu plus légers et accessibles à tous, organiser une journée portes ouvertes.

Quand l’un des participants nous met au diapason d’une exigence

plus élevée : « Il faudrait frapper fort », avec des images positives et loin de toute stigmatisation. Nous devrions inviter les médias locaux à nos espaces, témoigner qu’une partie de la société civile est déjà engagée dans ce genre de dialogue et donner de l’espoir à la France de demain.

C’est dans cette atmosphère chaleureuse et vivante, de l’humour et de l’honnêteté, qu’Initiative Dialogue aura semé au cours de cette soirée, des outils pour un engagement citoyen et responsable. Une soirée où le concept de «vivre ensemble» prenait force et profon-deur.

Jamila Barbouche

Un peu plus d’un an après son lancement, le Pacte civique a réussi à mobiliser plus de 150 organisations et 3000 adhérents. Chaque ad-hérent, personne ou organisation, était invité au cours des derniers mois à se poser la question de la profondeur de son engagement et à s’interroger sur la mise en œuvre d’une action concrète répon-dant au mieux à l’ambition du pacte.

Le Pacte civique vise à articuler la réflexion avec l’action, à organiser des débats sur des sujets prioritaires pour permettre la rencontre entre les forces de la société civile et des représentants du monde politique. Parmi ces actions, citons l’exemple de la caravane de la laïcité qui a permis d’aborder dans quatre villes de France la façon de gérer les problèmes liés à la diversité des convictions et des identités.Une autre action locale du Pacte civique concerne la commune de Kingersheim dont le maire, Jo Spieger, travaille avec son équipe sur la qualité de la vie démocratique. (il faudrait idéalement donner un exemple ou préciser de quoi il s’agit)Par ailleurs, des équipes projet continuent à se mettre en place pour travailler sur des chantiers jugés prioritaires tels que l’exclu-sion, la diversité et l’Europe.

Aujourd’hui, le Pacte civique souhaite améliorer sa visibilité et valo-riser les initiatives et réalisations de ses partenaires. De même que le CCFD, Terre Solidarité et Dialogues en Humanité, Initiatives &

Changement, à travers son programme Initiative Dialogue, s’inter-roge sur la façon dont son adhésion au Pacte civique peut l’aider à mieux atteindre les diverses générations, populations et milieux sociaux qui ont besoin d’apprendre à vivre ensemble. Le Pacte ci-vique peut-il aider à faire connaître nos espaces de dialogue et à développer nos liens avec les acteurs politiques ? Dans la droite ligne de la problématique retenue par le Pacte ci-vique pour les mois avenir, qu’est l’Europe et la Démocratie, le collectif s’est fixée comme l’une de ses priorités de mettre en place un projet pédagogique en direction des jeunes, en partant de leurs préoccupations, pour les aider à trouver le souffle collectif qui leur permettra de vivre dans un monde ouvert et respectueux des iden-tités et des engagements de chacun.

Jamila Labidi

Acteur de diAlogue

Quand la démocratie s’exprime à travers la société civile

Ancien officié ayant fait la guerre d’Algérie et fier des actions que nous avions menées pour le progrès des paysans dans le bled, j’ai un jour rencontré une jeune femme parlant avec fierté de son grand-père mort en Algérie dans la lutte pour l’indépendance. Rien d’inat-tendu dans ces positions différentes. Mais ce que j’ai apprécié à cette occasion, c’était la possibilité de se confier mutuellement ce qui fait nos mémoires sans nier celle de l’autre ; réalité de ces mémoires que personne ne peut gommer ; mais aussi espoir de construire malgré tout un avenir commun dans la paix.

Cette rencontre se passait il y a quelques mois au cours d’une soirée organisée par «Initiative – Dialogue. Le thème choisi pour le cycle de l’année était «Mémoires et Histoire», Désireux de vivre ensem-ble dans une société devenue multiculturelle, nous sommes séparés par beaucoup de barrières, naturelles ou élevées par les préjugés, la peur, les évènements et la caisse de résonance des médias.«Mémoires et Histoire» : venant d’horizons variés, nous avons des mémoires diverses, selon l’origine, la famille. Citoyens d’un même pays, nous avons la volonté de nous réclamer d’une histoire com-mune. Mais comment y arriver si je n’explore pas la mémoire de l’autre, si je ne suis pas sensibilisé à ses blessures et si ne peux lui confier les miennes? L’organisation des espaces de dialogue m’est apparue très construi-te : une équipe mûrit le thème de l’année, définit plusieurs angles pour l’aborder et l’approfondir, sans se répéter et sans se disperser ; ce travail préparatoire est «rentabilisé» puisque plusieurs groupes

en région parisienne travaillent sur le même thème ; les réactions, satisfaites ou critiques, sont renvoyées vers cette équipe. La péda-gogie mêle, dans chaque rencontre, une approche du thème et une synthèse en grand groupe, puis des échanges par quatre ou cinq qui permettent de parler et de se découvrir en vérité ; c’est donc une vraie rencontre, où chacun écoute l’autre et se trouve écouté par lui. L’observation de certaines règles rend ces échanges plus fructueux : - la confiance mutuelle vient si chacun a l’assurance que ce qu’il confie sera écouté avec bienveillance et conservé avec discrétion, - une présence suffisamment régulière permet de créer, de ren-contre en rencontre, des liens qui incitent à aller plus loin dans l’approche mutuelle, - l’habitude à prendre de parler non pour disserter intellectuel-lement, non pour montrer ses connaissances, mais pour dire son expérience propre, pour confier ce qui nous est personnel.Il m’a fallu apprendre à dire «je», plutôt que «on» ou même «nous».En outre, l’esprit d’Initiative-Dialogue ne nous amène pas à nous comparer, mais à nous comprendre. Alors, si vous entendez parler d’Initiative-Dialogue, si vous avez envie de partager, de découvrir la richesse des différences et de participer à un «vivre ensemble» apaisé, ne manquez pas l’occasion d’une rencontre. Vous y prendrez goût.

Xavier Gouraud

Témoignage

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AgeNdA

ContactInitiatives et Changement - 7bis rue des Acacias - 92130 Issy-les-Moulineaux01 41 46 03 60 - [email protected] - [email protected]://www.fr.iofc.org/projets/dialogue

Comité de rédactionFréderic Chavanne, Nathalie Chavanne, Rafael Tyszblat, André Brémard et Jamila Labidi.

Vendredi 12 octobre à 19h45

Vendredi 16 novembre à 19h45

Vendredi 14 décembre à 19h45

les espaces de dialogue reprennent avec votre soutien et votre participation dans : Les Yvelines, en Seine-Saint-Denis, à Paris 15ème.Un nouvel espace débutera à Paris-Belleville le 12 octobre.

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ANNoNces- Le programme Initiative Dialogue souhaite accueillir un volontaire au service civique, à partir du mois d’octobre 2012, merci de nous contacter dès maintenant ([email protected] ou [email protected])

- Initiative Dialogue recherche des bénévoles pour animer les espaces de dialogue à partir d’octobre 2012

lu, Vu, eNteNduLe phœnix, ou comment renaître d’une malédiction

Le magasine du Monde du 16 juin consacrait un article à Phan Thi Kim Phuc. Son image est restée comme la plus forte expression de l’horreur de la guerre du Viêt-Nam.

Le 8 juin 1972, après qu’un avion sud-vietnamien ait largué sur son village des bombes au napalm, petite fille de 9 ans, elle est atrocement brûlée. Sa photo fait la une des médias. Double malédiction pour elle.

40 ans plus tard, elle raconte : « J’ai longtemps voulu fuir cette petite fille plongée dans le chaos de la guerre du Viêt-Nam. Mais la photo m’a toujours rattrapée. De partout des gens surgissaient en disant : « C’est bien vous ? Quelle horreur ! » Et j’avais l’impression d’être doublement victime. Et puis j’ai décidé que ce qui m’apparaissait comme une malédiction avait aussi été ma chance. Et qu’il me revenait de choisir le sens à donner à cette photo. » La photo illustrait l’épouvante de la guerre, Kim est devenue ambassadrice de la Paix (pour l’UNESCO). Elle montrait la barbarie, Kim a parlé

d’amour et incarné le pardon. Elle évoquait la mort, Kim a montré la vie. La tragédie n’a jamais anéanti l’espoir : des anges gardiens sont sans cesse apparus sur son chemin. Et du quarantième anniversaire du drame, elle a voulu faire une hymne à la vie.

C’est donc en décidant non seulement de sortir d’une posture de victime, passive, mais d’en tirer parti pour agir et contribuer à un monde meilleur que Kim Phuc est entrée dans une seconde vie et s’est réalisée. Du comble de la souffrance, par l’amour qu’elle a apporté aux autres, et en rendant grâce à ceux qui l’ont aidée, elle a accédé au bonheur.

L’exemple de Kim Phuc m’a particulièrement interpelé, surgissant alors que nous réfléchissions pour nos évènements publics de l’an pro-chain au thème de la réussite… L’opposé de ceux qui s’installent dans une position victimaire, dont au mieux ils attendent réparations, au pire la justification de violences vengeresses. L’antithèse de la réussite, il n’en restera rien de positif, pas même pour eux-mêmes.

André BremardProchains espaces de dialogue•

Prochaine conférence Initiative Dialogue le 11 janvier au FIAP, Paris 14 Conférence autour du thème : « Engagement et réussite »

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