Actes Forum37 10112012 - inpact37.orgVincent Peltier – Porte-parole de la Confédération paysanne...
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AGRICULTURE ET SOCIETE
Les défis à relever en région Centre
ACTES Samedi 10 novembre 2012 – Tours
Remerciements
Nous remercions les équipes d’animateurs et les paysans bénévoles qui se sont investis à la
préparation de ce forum et qui ont permis à chacun de s’exprimer librement pendant cette
journée.
Quatre rencontres sur l’avenir de l’agriculture
Le monde agricole au sens large se retrouve au centre des préoccupations de nos concitoyens, à
savoir la qualité et le prix des aliments et la préservation des ressources naturelles.
Interpellés par la société, il nous faut changer de paradigme. L’autonomie déclinée dans ses
différents domaines sur nos fermes peut permettre de dégager des pistes. Une nouvelle PAC
doit renforcer les modèles agricoles vertueux. Enfin, ces changements n’auront pas lieu si nous
ne nous donnons pas les moyens d’installer et de conforter de nouveaux paysans en nombre
suffisant sur l’ensemble des territoires.
A travers ces rencontres, présents sur l’ensemble du territoire régional, nous confirmons notre
volonté d’apporter notre contribution tout en favorisant le dialogue entre les acteurs.
Emmanuel Leroux - Porte-parole de la Confédération paysanne du Centre
Pourquoi ce forum ?
En Touraine, la moitié des fermes a disparu en 20 ans. La superficie moyenne a été multipliée par
deux. Seules 20 nouvelles installations ont été aidées en 2011 !
Voulons-nous devenir toujours plus grands mais aussi toujours plus seuls ? Ou bien préférons-nous
être plus nombreux, à condition de vivre décemment de notre métier ? Cette alternative est possible.
Elle répond à des préoccupations alimentaires et environnementales partagées par l'ensemble de la
population.
C'est l'objet de ce forum que d'ouvrir une fenêtre sur un autre futur possible pour nos territoires, qui
associe agriculteurs et société civile. Nous vous invitons cordialement à y participer.
Vincent Peltier – Porte-parole de la Confédération Paysanne de Touraine
INTRODUCTIONS
Mot d’accueil de la Confédération paysanne
Vincent Peltier – Porte-parole de la Confédération paysanne de Touraine et agriculteur en Indre-et-
Loire
« Je me présente, Vincent Peltier, porte-parole de la Confédération paysanne de Touraine. Je suis
agriculteur sur une petite ferme où nous sommes 5 à travailler, tout au sud du département, avec ma
femme nous avons un troupeau de chèvres et nous fabriquons du fromage.
La Région Centre nous a permis de réaliser depuis ce printemps un cycle de conférences. Je remercie
la Région Centre de nous avoir permis de réaliser quatre forums sur des thèmes qui nous sont chers :
autonomie, installation, PAC et aujourd’hui Agriculture et Société. Nous remercions Marie-Madeleine
Mialot, vice-Présidente du Conseil Régional en charge des questions d’agriculture présente
aujourd’hui.
Le forum d’aujourd’hui est l’occasion de créer du lien entre urbains et ruraux, paysans et
consommateurs.
En Touraine, la moitié des fermes a disparu. L’agriculture ne se renouvelle plus : sur trois fermes qui
arrêtent, deux partent à l’agrandissement.
Ce constat est le résultat de l’échec de politiques agricoles qui ne développent qu’un seul modèle
agricole intensif et productiviste qui concentre les terres, les élevages et ne permet pas à tous les
agriculteurs de vivre décemment avec des prix rémunérateurs et des primes mieux réparties. C’est
un désastre pour nos campagnes qui se vident, pour nos espaces ruraux qui perdent leur dynamisme,
mais également un désastre sur le plan environnemental et social.
A la Confédération paysanne nous défendons un modèle agricole fondé sur une agriculture
paysanne, créatrice d’emplois et respectueuse de l’environnement qui offre une autonomie et un
revenu décent aux agriculteurs. Une agriculture qui réponde aux attentes de la société.
Nous sommes tous concernés par ces enjeux agricoles puisqu’il s’agit de notre alimentation, de nos
ressources et des deniers publics.
L’objet de ce forum est de partager le constat. Merci à M. Mazoyer et M. Serrano de nous éclairer et
à nous d’explorer ensemble les alternatives, de nouvelles pistes pour de nouvelles relations à
inventer entre agriculteurs et citoyens. »
Mot d’introduction du Conseil Régional
Marie-Madeleine Mialot – Vice-Présidente du Conseil Régional en charge des questions d’agriculture
Merci à la Confédération paysanne de tenir un forum dans le cadre de la Ferme Expo. Le Conseil
Régional a fortement soutenu depuis 2011 l’espace « saveurs ô centre » pour valoriser le patrimoine
culinaire de la Région Centre avec notamment la parution d’un guide qui recense les aliments et les
produits transformés.
Les documents importants de la Région en lien avec l’agriculture - Schéma Régional d’Aménagement et de Développement Durable du Territoire définit les
ambitions 2020
- Schéma Régional de Développement Economique et Social dont un chapitre sur l’agriculture
qui est un document innovant dont il faut relancer les débats en 2013
- Plan Climat Air Energie
- Stratégie Régionale de la Biodiversité
- Plan Régional d’Agriculture Durable (PRAD)
Les priorités du Conseil Régional
1. Industries agro-alimentaires
La région Centre est une grande région de production, mais il manque de la transformation. Le
Conseil Régional se bat pour que l’industrie agro-alimentaire se développe et qu’elle serve et travaille
avec l’agriculture du territoire et non celle en dehors. La Région soutient le développement des outils
de transformation sur le territoire (exemple du combat pour que l’abattoir d’Orléans continue
d’abattre les procs bio)
2. Agriculture biologique
L’objectif du Conseil Régional (CR) est ambitieux puisqu’il entend devenir la 5ème région de France
avec la plus grande Surface Agricole Utile de cultures en agriculture biologique. En ce qui concerne
les grandes cultures, il faut doubler les surfaces en agriculture biologique. Les Régions sont
dépendantes des politiques nationales, mais le CR Centre réalise des contrats d’appui aux filières et
appuie au niveau national une politique plus forte en faveur de l’agriculture biologique.
3. Autonomie des exploitations
a. Autonomie alimentaire des élevages
Le CR souhaite trouver des solutions pour que les fermes d’élevage ne dépendent pas des cours
mondiaux qui ne prennent pas en compte la réalité de l’élevage en créant des contrats d’appui aux
filières déjà développés à travers des contrats bovins et viande blanche. Le point sensible est encore
aujourd’hui la question du soja OGM importé.
b. Autonomie énergétique
Le CR entend trouver des solutions pour l’autonomie énergétique des exploitations en développant
l’écoconstruction, en récupérant les déchets et en développant les outils permettant de fournir
l’énergie favorable et nécessaire à la ferme.
4. Valorisation des productions
Le CR soutient les circuits de proximité et cherche à les développer dans les zones où ils sont
inexistants. Les outils de transformation, notamment pour le fromage, sont à créer ou recréer.
5. Problématique du foncier
Nous perdons beaucoup de surface agricole chaque année. Ils se créent des nouveaux contrats
territoriaux de proximité qui traitent de la question de l’urbanisme et de l’artificialisation des terres.
Il faut surtout travailler sur les zones d’activités (ZA), souvent financées par la Région car 30 % des
surfaces des ZA sont inoccupées. La priorité est à l’utilisation des friches industrielles.
La priorité du CR est aussi à l’installation des jeunes en agriculture.
6. Contribution de la Région à la réforme de la PAC
Le CR dans le cadre de la réforme de la Politique Agricole Commune (PAC) a rencontré un grand
nombre d’acteurs du monde agricole. Aujourd’hui, l’Association des Régions de France (ARF) travaille
avec un expert de l’INRA pour faire des simulations d’hypothèses sur les différents scénarios de la
réforme. Le CR est très vigilant. Les céréaliers vont voir leurs revenus baisser et les éleveurs de bovins
lait également. Il y a pourtant des centaines d’emploi à maintenir dans la région en lien avec ces
filières. Il ne faut pas considérer que seul l’élevage de montagne mérite notre attention dans cette
réforme.
CONFERENCES
Bouleversements de l’agriculture : en quoi sommes-
nous concernés ?
Intervenant : Marcel Mazoyer – Professeur émérite à l’AgroParisTech
La crise économique locale que nous vivons est la manifestation d’une crise qui touche l’ensemble du
monde. Elle correspond à une crise agricole, à un problème de pauvreté et implique une crise
alimentaire globale.
Rappel de la situation
� La problématique de la faim dans le monde Depuis la seconde guerre mondiale, malgré l’explosion démographique (la population mondiale a été
multipliée par 3), la production agricole a été de 8 à 10 % plus forte que la croissance de la
population.
Pourtant, aujourd’hui encore beaucoup de personnes souffrent de la faim et la répartition des
denrées alimentaires est très inégale.
- 3 milliards de personnes sont trop pauvres pour acheter les 2300 calories nécessaires pour se
nourrir convenablement.
o 2 milliards de personnes souffrent de maladies nutritionnelles dues à la malnutrition
(exemple : cécité, insuffisances intellectuelles, anémie…)
o 950 millions de personnes sont en sous-alimentation chronique : elles souffrent de la
faim plus de la moitié de l’année
o 9 millions de personnes meurent de faim chaque année. Ce chiffre représente une
fois et demie le nombre de morts de l’holocauste.
Comme le disait Ziegler, cette crise agricole « est un génocide muet, constant et consenti ». Le seul
vrai facteur de diminution de la sous-alimentation chronique, c’est le fait que les gens en meurent
massivement.
La sous consommation représente plus ou moins 30 % des besoins et 33 % des besoins sont non
solvables. Si la demande solvable augmentait, la production suivrait. Il ne s’agit pas d’augmenter la
production, mais la demande solvable. Nous pouvons donc produire le double de produits
alimentaires, si les gens sont trop pauvres pour les acheter cela ne changera rien.
La crise alimentaire n’est pas une question de production, mais bien une question de pauvreté.
� La pauvreté et la faim sont majoritairement paysannes
Paradoxalement, 70% de ces pauvres sous-alimentés appartiennent à des familles paysannes et la
plupart des autres sont eux-mêmes issus de familles paysannes pauvres poussées à l’exode vers les
bidonvilles, où règnent le chômage, les bas salaires et la précarité. Mais ce paradoxe n’est
qu’apparent. En effet, pour une population agricole totale de 2,7 milliards de personnes et pour une
population agricole active de 1,3 milliards de personnes, soit 40% de la population active mondiale,
on ne compte dans le monde que 28 millions de tracteurs et 300 millions d’animaux de travail. Ce qui
signifie que plus de 1 milliard d’actifs agricoles (soit plus de 2 milliards de personnes avec leurs
familles), n’utilisent pratiquement que des outils manuels et cultivent moins de 1 hectare par
travailleur. Un milliard d’actifs dont, près de la moitié n’utilisent presque pas d’intrants productifs et
ne produisent guère plus de 1 tonne de céréales ou d’équivalent-céréales 1 par travailleur et par an.
A quoi il faut ajouter que, dans plusieurs grands pays, du sud et de l’est, plus de 100 millions de
paysans, plus ou moins privés de terre aux époques coloniales ou communistes et par les récentes
acquisitions de terres des grands investisseurs, sont obligés de chercher du travail, au jour le jour,
contre des salaires allant de 1 à 5 dollars la journée.
Au total, la pauvreté et la sous-alimentation sont donc immenses, et très supérieures aux possibilités
d’aide alimentaire et financière2. La pauvreté et la faim sont aussi très majoritairement paysannes ou
d’origine paysanne. C’est donc là, que la production, la consommation et le revenu doivent d’abord
augmenter. D’autant plus que c’est aussi le principal moyen de freiner l’exode rural, de réduire le
chômage urbain, de relever les trop bas salaires qui en résultent et de limiter les mouvements
migratoires contraints par la pauvreté.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
� La baisse historique des prix agricoles réels : cause majeure de la
pauvreté paysanne.
Pour qu’un producteur agricole puisse investir, améliorer son équipement, sa production et son
revenu, il doit disposer d’un revenu supérieur au revenu nécessaire pour vivre convenablement. Or,
ce qui détermine le revenu de ce producteur, doté d’un certain niveau d’équipement et de
productivité, en l’absence de toute politique d’aide, ce sont les prix auxquels lui sont payés ses
produits. Ainsi, la cause de l’insuffisance de revenu, de centaines de millions de paysans, sous-
équipés et peu productifs, c’est d’abord la faiblesse des prix auxquels sont payés leurs produits. Des
prix qui sont généralement beaucoup trop bas pour leur permettre d’investir. De plus, depuis
plusieurs décennies, les prix réels (déduction faite de l’inflation) de ces produits ont énormément
baissé. Et ils ne permettent même plus aux paysans les plus appauvris de renouveler leurs outils et
de se nourrir convenablement. Ce qui les pousse massivement à l’exode, au chômage, à la précarité
urbaine et à l’émigration.
Depuis la Seconde Guerre Mondiale, en effet, la productivité des agricultures les plus lourdement
équipées et les plus performantes du monde, a été multipliée par cent3. Le coût de revient des
denrées produites par les plus compétitives d’entre elles, seules capables d’exporter sur un marché
international limité (10% de la production mondiale), a été divisé par plus de 6. Et, en conséquence,
1 Equivalent-céréales : quantité de produit(s) agricole(s) ayant la même valeur qu’une tonne de céréales
2 Le déficit de revenu des pauvres est de l’ordre de 3 milliards de dollars par an, alors que l’aide publique au
développement dépasse à peine les 100 milliards. Et le déficit de consommation alimentaire des malnutris et des sous-alimentés, exprimé en kilocalories, équivaut à 30% de la consommation mondiale, alors que l’aide alimentaire n’en représente que 1% et le commerce international de l’ordre de 10%.
3 Elle est passée d’environ 20 tonnes par travailleur (10 ha / travailleur x 2 t / ha) de céréales ou d’équivalent-
céréales en traction animale, sans engrais minéraux, à plus de 2000 tonnes avec des tracteurs de 200 CV et avec engrais (200 ha / travailleur x 10 t / ha).
le prix international réel, de ces mêmes denrées a aussi été divisé par 6. La courbe d’évolution du
prix international réel du blé (voir ci-dessous), très semblable à celles des autres denrées agricoles de
base, le montre bien.
Ce double mouvement d’augmentation de la productivité et de baisse des prix s’est produit en deux
temps et dans des conditions économiques et politiques très différentes. Dans un premier temps, de
1945 au début des années 1970, les agricultures familiales des pays développés et de plusieurs
grands pays en développement, soutenues et protégées par des politiques de développement
agricole et alimentaire particulièrement vigoureuses, ont tellement progressé que le prix
international réel des denrées agricoles a déjà été divisé par trois, environ.
Dans un second temps, depuis le début des années 1980, des investisseurs de toutes sortes, venus de
tous les horizons, ont profité de la libéralisation des politiques agricoles et des échanges agricoles
internationaux, pour installer quelques milliers de grandes entreprises agricoles à salariés, dans les
pays où existent de très grands domaines fonciers, peu ou pas exploités, et où les prix de la terre et
de la main d’œuvre sont extrêmement bas (Amérique latine, Europe du centre et de l’est, Afrique du sud et de l’est, Indonésie…). Grâce à quoi, ces entreprises, aussi lourdement équipées que les
exploitations familiales les plus performantes du nord, sont capables de produire à un coût moitié
moindre que celles-ci. Elles ont donc gagné beaucoup de terrain et de parts de marché, au détriment
des agricultures familiales du nord et du sud. De sorte que, depuis 1980, le prix international réel des
principales denrées agricoles a encore baissé de moitié, pour se retrouver au début des années 2000
à son plus bas niveau historique, soit 6 fois plus bas qu’à la fin des années 1940.
Résultat : la tonne de céréale produite dans ces quelques milliers de grandes entreprises installées
dans les pays à bas prix de la terre et de la main d’œuvre, coûte aujourd’hui de 50 à 100 $ ; elle coûte
de 100 à 250 $ dans les quelques millions d’exploitations familiales motorisées des pays développés,
qui ne pourraient résister à la concurrence des premières sans les aides qu’elles reçoivent ; et elle
coûte de 300 à 800 $ dans les centaines de millions d’exploitations paysannes en culture manuelle
des pays en développement, qui ne reçoivent aucune aide et ne peuvent résister à la concurrence
des précédentes4.
� Les subites envolées des prix agricoles
Cela étant, la baisse historique des prix n’est pas continue. De loin en loin, elle est interrompue par
des envolées de prix, subites et de très grande ampleur : par deux fois, en 1972-74 et en 2007-2008,
à l’issue d’une longue période de baisse d’environ 25 ans, le prix international du blé, tombé très bas
(200 $ la tonne au début des années 1970 et 100 $ au début des années 2000), s’est brusquement
envolé, doublant, triplant… en quelques mois.
En effet, lorsque la baisse des prix s'accentue pendant plus de deux décennies, cela ne provoque pas
seulement l’appauvrissement et l’exode des producteurs agricoles les plus démunis, cela stoppe les
investissements de la plupart des autres et cela décourage même les investissements des plus
compétitifs. Au total l’ensemble des investissements agricoles se trouve donc réduit et la production
ralentit, alors que la consommation de produits agricoles alimentaires et autres, peu élastique,
continue d’augmenter assez régulièrement. Moyennant quoi, les stocks de report, (d’une campagne
sur la suivante) baissent et se rapprochent d’un seuil (60 jours de consommation), qui parait
insuffisant, aux opérateurs avertis, surtout si de surcroît les prévisions de récolte sont mauvaises.
Auquel cas, ces opérateurs précipitent leurs achats, ce qui fait doubler les prix. Les spéculateurs
multiplient leurs achats et font rebondir les prix deux ou trois fois plus hauts.
Ces très hauts prix nuisent alors très gravement aux consommateurs pauvres des villes et aux
producteurs agricoles les plus appauvris, devenus acheteurs nets de nourriture dans les semaines
précédant la soudure (avant la récolte). Et ils nuisent aussi grandement aux éleveurs et aux
transformateurs de produits agricoles. D’un autre côté, ils permettent aux producteurs familiaux les
moins affaiblis par la précédente baisse des prix, de reconstituer leurs moyens de production, et ils
encouragent les plus assurés d’entre eux à investir quelque peu. Mais surtout, ils encouragent très
fortement les investisseurs venus de tous horizons, qui multiplient alors les grandes entreprises à
salariés, dans les pays à bas prix de la terre et de la main d’œuvre5. Ce qui, ne fait que réduire
toujours plus le terrain et les parts de marché accessibles aux producteurs familiaux du sud et du
nord. Au total, néanmoins, la production repart, alors que la consommation, peu élastique, continue
d’augmenter à son rythme. Moyennant quoi, les stocks remontent et les prix internationaux tendent
à se rapprocher des couts de revient des entreprises agro-exportatrices les plus compétitives,
4 Considérons par exemple un petit producteur, sahélien, andin ou himalayen, produisant 1 tonne de céréales ou d’équivalent-céréales par an et qui doit en garder les deux tiers pour nourrir sa famille : à 300 $ la tonne, avec un revenu monétaire de 100 $ il peut encore renouveler son équipement et même acheter des semences de qualité ; à 200 $ la tonne, avec un revenu monétaire de 66 $, il peut à peine renouveler son équipement ; à 100 $ la tonne, avec un revenu monétaire de 33 $, il ne peut plus renouveler entièrement son équipement qu’en se privant de nourriture.
5 Et il faut noter qu’ils investissent d’autant plus (ces grands investisseurs), que ces très hauts prix sont alors souvent présentés comme la conséquence inéluctable d’un épuisement des ressources, provoqué par la croissance effrénée de la consommation. Ce qui dispense de comprendre que la baisse des prix à long terme est à la fois la conséquence du puissant mouvement de développement des producteurs les plus compétitifs et la cause majeure de l’appauvrissement et de l’exclusion des petits producteurs.
récemment constituées ou rééquipées. Mais la reconstitution de stocks jugés suffisants prend
quelques années, de sorte qu’il suffit d’une mauvaise récolte pour que les prix rebondissent comme
ce fut le cas en 1978-79 et tout récemment, en 2011-12.
Conclusions
La libéralisation croissante des politiques et des échanges agricoles favorise donc, unilatéralement, la
croissance de quelques milliers d’entreprises agro-exportatrices délocalisées, très compétitives. Elle
freine le développement de plusieurs dizaines de millions de producteurs familiaux du nord et du
sud, encore capables d’investir. Et elle aggrave immensément les effets désastreux des fluctuations
de prix pour des centaines de millions de producteurs et de consommateurs, pauvres, très
insuffisamment protégés et aidés.
Ce mode de régulation de la production agricole par les prix internationaux, qui maintient en
permanence la demande et donc l’offre très en dessous des besoins est malthusien. Et comme il ne
crée pas pour autant les conditions économiques, sociales, écologiques pour subvenir à l’avenir à ces
besoins, il ne peut être considéré comme durable.
On ne peut donc réduire la pauvreté et la sous-alimentation et porter durablement la production à la
hauteur des besoins alimentaires, actuels et à venir, de toute l’humanité, sans porter remède à la
défaillance des politiques et à l’excès de libéralisation des échanges qui se sont imposés depuis un
quart de siècle.
Or, pour nourrir convenablement 10 milliards d’humains, dans un peu plus de cinquante ans, il
faudra au bas mot doubler la production agricole et alimentaire mondiale actuelle. Il faudra pour cela
utiliser toutes les terres cultivables, sans inconvénients, de la planète et toutes les techniques
connues, corrigées de leurs excès pour être durables. Il faudra donc mobiliser toutes les forces, tous
les savoirs et tous les savoir-faire de tous les producteurs du monde. En un mot, il faudra mettre à
contribution toutes les agricultures du monde.
Propositions pour des politiques de souveraineté alimentaires visant à mobiliser toutes les
ressources naturelles et humaines nécessaires pour subvenir convenablement et durablement aux
besoins alimentaires de toute l’humanité XXIème siècle.
Préservation des espaces ruraux et production
alimentaire : quels enjeux pour la Touraine ?
Intervenant : José Serrano – Enseignant-chercheur en Aménagement et Urbanisme à l’Université de
Tours
L’urbanisation se fait au détriment des terres agricoles en Indre-et-
Loire
� En 2003, l’occupation physique du sol était décomposée comme suit :
- 31 % d’espaces naturels
- 61 % d’espaces agricoles
- 8 % d’espaces artificialisés
Superficies d’occupation du sol en 2003 en Indre-et-Loire
La consommation d’espaces agricoles est plus importante en Indre-et-Loire qu’au niveau national.
� Evolution des superficies agricoles
Lorsqu’on observe l’évolution entre 1992 et 2003, on remarque un recul très important des prairies.
17 000 hectares ont en effet disparu, soit par retournement, soit par urbanisation. La part des forêts
a augmenté et la surface agricole utile a diminué avec une légère augmentation des cultures. En
parallèle, on note une nette augmentation des espaces artificialisés (comprenant le bâti, les parkings
et les espaces verts des pavillons et des zones urbaines). Cette tendance va en s’accélérant. Ceci
s’explique en partie par la construction importante de zones d’activités de surfaces très importantes
et par la réalisation de pavillons avec de grands jardins.
Entre 1992 et 2003, l’espace agricole a perdu le plus de surface. L’espace naturel a quant à lui été
mieux protégé.
Variation des superficies d’occupation du sol entre 1992 et 2003 en Indre-et-Loire
� Types de transferts d’occupation du sol en Indre-et-Loire6
Transfert des terres entre 1992 et 2003
Les transferts de terres se font principalement par la perte de terres agricoles vers l’urbanisation
(8400 ha entre 1992 et 2003), mais beaucoup de terres agricoles sont également transformées en
espaces naturel (4 300 ha). Les zones naturelles sont mieux protégées que les terres agricoles,
néanmoins, 3300 ha sont partis entre 1992 et 2003 vers l’artificialisation.
6 D.D.A.F. 37, 2004. " L'évolution des territoires d'Indre-et-Loire entre 1992 et 2003 ", Dossiers départementaux
de l'agriculture et de l'environnement d'Indre-et-Loire, n° 9, p. 1-6
Agricole
Artificiel Naturel
3 300 ha
4 300 ha 8 400 ha
Le foncier agricole est vu comme une ressource pour le
développement local par les élus locaux
� La fiscalité : une des raisons de l’artificialisation des sols
Une cause importante de l’artificialisation des sols est la question de la fiscalité. Celle-ci a changé
récemment, mais jusqu’en 2010, les communes percevaient une taxe professionnelle pour chaque
entreprise présente sur son territoire. L’intercommunalité de Tours a été financée quasiment
uniquement par cette taxe professionnelle et non par l’impôt sur les ménages. Cet aspect a poussé
les collectivités à construire des zones d’activités dans le périmètre du SCOT tourangeau. Elles n’ont
pas hésité à tout mettre en œuvre pour attirer des entreprises en construisant ces espaces proches
des axes routiers pour les remplir avant leurs voisins.
Il existe une grande inégalité des revenus fiscaux des communes (impôts locaux totaux rapportés au
nombre d’habitants) qui renforce la concurrence entre communes.
Cette taxe professionnelle a par ailleurs fortement augmenté entre 2000 et 2006 (cf tableau
ci-dessous). Il s’agissait pour les communes d’une véritable stratégie payante.
Offre de foncier économique et croissance de la taxe professionnelle (2000-2006) - source
José Serrano
Offre pléthorique de zones d’activités dans le SCOT tourangeau
Pléthore des zones d’activités dans le SCOT tourangeau
Ces zones d’activités (ZA) ont été implantées sur les bons sols de l’aire du SCOT : 54 % des ZA
sont sur des sols à haut ou bon potentiel agronomique. En général, dans les documents d’urbanisme,
la qualité agronomique du sol n’est pas un critère de choix. Il s’agit plutôt de la proximité de l’accès à
l’autoroute.
Surface de zones d'activités et potentiel agronomique des sols (aire SCoT Tours, 2009)- source
José Serrano
� La valeur agricole accordée aux espaces agricoles par les élus
Classification des sols selon l’intérêt d’élus de les conserver - source José Serrano
Ce tableau est le résultat d’une recherche auprès d’élus de l’agglomération tourangelle.
Pour les élus, les terres les moins intéressantes sont celles en céréales. A l’inverse, les terres ayant
plus de valeur sont celles permettant de faire de l’agriculture de proximité. Les terres les plus
importantes sont les vignobles, car ils ont une valeur patrimoniale que l’on ne peut pas délocaliser et
renvoie l’image de la culture française.
Aujourd’hui les bois et les forêts sont des espaces qui sont d’office préservés.
Cette vision des élus permet une consommation importante de terres agricoles souvent riches et
fertiles car les céréales sont très présentes sur le territoire.
Sol : Ressource spécifique non délocalisable
Sol : Ressource
générique
abondante
Valeur donnée au foncier selon les élus
Valeur donnée selon la profession agricole
Logements Zones d’activités
Bois et
forêts Vignobles Agriculture de
proximité Grandes cultures
Vignobles Grandes cultures
La profession agricole est peu mobilisée sur le sujet sauf les
viticulteurs
Cette tendance à la consommation d’espaces agricoles céréaliers est accentuée par la profession
agricole elle-même, puisque la Chambre d’Agriculture autorise ce point de vue et ne lutte pas contre
ce type d’urbanisation. Au contraire, elle cherche à ce que l’agriculture soit la mieux indemnisée
possible.
La partie de la profession agricole la plus mobilisée ce sont les viticulteurs qui défendent les zones
agricoles par les AOC. Ils sont présents dans les conseils municipaux et réussissent à faire déplacer la
pression foncière des vignobles vers les grandes cultures.
Des pistes pour redonner de la valeur au foncier
Il existe des exemples de création d’espaces et de parcs agricoles et semi-naturels qui ont permis la
revalorisation du foncier. En effet, la création de parc périurbain et la « patrimonialisation » de
l’espace agricole permet de le revaloriser.
Le parc de la Deûle (cf photos ci-dessous) est un parc en zone périurbaine de Lille regroupant des
espaces aménagés, des espaces naturels, des jardins partagés qui recréent du lien entre agriculture
et environnement. Des espaces paysagers avec des exploitations agricoles orientées vers la vente
directe y sont implantés. Ce projet a pu voir le jour car il a été réalisé sur un espace contraint. Il s’agit
de champs captant très vulnérables.
Photos du parc de la Deûle dans la métropole lilloise
Dans cette situation l’agriculture a une triple place pour les élus : une fonction alimentaire, de
protection de l’environnement et créatrice de paysage.
L’exemple de Montlouis-sur-Loire (ci-dessous) est une autre forme de cloisonnement et ainsi de
protection de l’agriculture. La commune a décidé de mettre en Zone Agricole Protégée une partie
des terres. Il s’agit d’une protection beaucoup plus forte que les documents d’urbanisme.
Aujourd’hui, si la commune voulait urbaniser elle se heurterait au véto du préfet.
La sanctuarisation du vignoble à Montlouis-sur-Loire et projet agri-urbain
Cet exemple est à nouveau lié à un projet de redécouverte de l’agriculture par les citadins, soit une
agriculture multifonctionnelle qui entretient les paysages, protège l’environnement et préserve le
cadre de vie, point très important pour les élus.
Conclusions
Les élus attribuent une prise en compte sélective du foncier agricole en fonction de productions
identitaires qui renvoient à des valeurs patrimoniales plus ou moins fortes. Les forêts, les vignobles
et les cultures maraichères sont préservées au détriment des céréales qui souffrent d’une moins
bonne réputation, alors qu’elles sont souvent situées sur des terres de grande qualité. Cette vision
sert d’alibi pour légitimer certaines actions d’urbanisation qui conduisent à la destruction de terres
agricoles. Une vision beaucoup plus globale des enjeux agricoles pour raisonner les projets de
développement urbain est aujourd’hui nécessaire pour prendre des décisions adaptées.
Les terres agricoles sont en partie en danger à cause d’un accord tacite de la profession agricole elle-
même qui légitime la vision des élus pour ne pas entraver le développement économique ou
résidentiel qui leur sert également de ressource économique.
Aujourd’hui, il nous faut changer de regard et changer de paradigme : passer du sol = une ressource
pour le développement local au sol = un patrimoine de la nation.
ATELIERS
UNE LIEN A TISSER ENTRE LES ACTEURS
Atelier 1 : agriculture et alimentation : quels liens entre
paysans et consommateurs ?
Rapporteur : Jacques Thibault – Agriculteur retraité en Indre-et-Loire
Animateur : Cléa Carmillet – Animatrice Confédération paysanne 41
Les consommateurs sont de plus en plus nombreux à chercher de nouvelles formes d’achat et de
consommation, dans un souci de rapprochement et de solidarité avec les paysans, de qualité, de
respect de la nature… En parallèle, nombreux sont les producteurs souhaitant créer ou renforcer les
liens avec les consommateurs.
Pour répondre à ces attentes, on a vu l’essor des circuits courts et de proximité : vente à la ferme,
AMAP, marchés locaux…
La demande des consommateurs en circuits courts est forte et va sûrement aller en augmentant
puisqu’on compte plus de 3000 habitants supplémentaires par an en Indre-et-Loire. Des projections
pour 2030 annoncent 600 000 habitants dans le département dont près des 2/3 dans l'agglomération
tourangelle.
En parallèle, la demande en produits issus de l’agriculture biologique croit, aujourd’hui 40% des
produits bio consommés en France sont importés car la production est trop faible sur nos territoires.
Elle représente 2,6% de la SAU totale en Indre-et-Loire contre 3,1% au niveau national (alors que
l'objectif du Grenelle est d'atteindre 6% en 2012 et 20% en 2020), ce qui représente 4,3 % des
exploitations agricoles du département.
Diversité des circuits courts de commercialisation
On dénombre une vingtaine d'AMAP (Association pour le maintien d’une Agriculture Paysanne) en
Touraine et quelques associations de consom’acteurs impliqués dans le développement de circuits
de distribution de proximité permettant de recréer du lien entre paysans et consommateurs.
Deux exemples de circuits courts en Touraine Véronique Petibon consommatrice à l’AMAP de la Belle Terre
L’AMAP de la Belle Terre est localisée à Chouzé sur Loire et regroupe plusieurs productions :
légumes, fruits, viande, fromages…
Qu’est-ce qu’une AMAP : Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne ?
Une AMAP est un partenariat de proximité entre un groupe de consommateurs et une ferme locale,
débouchant sur un partage de récolte régulier (le plus souvent hebdomadaire) composée des
produits de la ferme. L'AMAP est un contrat solidaire, basé sur un engagement financier des
consommateurs, qui paient à l’avance la totalité de leur consommation sur une période définie (la
« saison »). Ce système fonctionne donc sur le principe de la confiance et de la responsabilité du
consommateur ; il représente une forme de circuit court de distribution.
Véronique précise : lorsque l’on parle d’AMAP le A ne veut pas dire Association loi 1901, mais
association de paysans avec un groupe de consommateurs : il s’agit bien d’un partenariat sous forme
de contrat solidaire.
Il est important de rappeler qu’une AMAP s’adapte à la capacité de production du maraicher, (même
si y a d’autres producteurs) et que l’organisation (date de distribution, nombre d’adhérents) se met
en place en fonction des capacité du maraicher.
Au départ, Véronique a adhéré à l’AMAP principalement pour se nourrir localement avec des
produits sains, mais ses motivations ont évolué ensuite et c’est aujourd’hui toute une philosophie qui
YSEURES
l’intéresse dans cette démarche de partenariat producteurs-consommateurs : recréer du lien social,
soutenir un producteur, protéger l’environnement…
L’AMAP est un moyen très intéressant de sensibiliser à la saisonnalité et aux problématiques
agricoles et environnementales.
Les principales difficultés ressenties à l’AMAP de la Belle Terre sont :
- Arriver à passer un message clair aux consommateurs trop souvent noyés dans la masse des
labels, certifications et communications de la grande distribution
- Que tous les consommateurs adhèrent à l’ensemble du concept de l’AMAP et ne viennent
pas uniquement pour des produits sains
- Obtenir le soutien de l’ensemble des élus
Michel Galopin, agriculteur membre du P’tit Gibus, épicerie mobile et citoyenne
Le P’tit Gibus est une association loi 1901 qui représente 10 producteurs. Sa présidence est
tournante. Cette épicerie existe depuis un an et demi. Son objectif est de permettre au
consommateur de remplir son réfrigérateur avec tous les produits nécessaires en fixant des prix
rémunérateurs pour les producteurs et abordables pour les consommateurs.
La P’tit Gibus distribue aujourd’hui dans le quartier des deux lions à Tours (1 fois par semaine sur une
étale). L’objectif actuel est de trouver un bus pour faciliter la distribution mobile.
Il existe quelques difficultés pour ce nouveau mode de distribution pour lesquelles il faut revoir les
habitudes :
- Cela prend du temps pour que les producteurs se connaissent entre eux et il n’est pas
toujours évident de se mettre d’accord à 10 personnes
- Les commandes se font sur internet : les consommateurs veulent parfois acheter en direct et
les producteurs doivent gérer en amont les prises de commandes
- Difficile de créer des statuts adaptés au projet
- Difficile d’aborder la question financière de la façon la plus adaptée : qui emprunte ? qu’est
ce qui est mis en commun ?
- Disponibilités : l’objectif est de gagner du temps sur la vente et ne pas en perdre. Il faut
prendre des habitudes qui permettent de se dégager du temps
- Liens consommateur-producteur un peu moins fort que dans une AMAP ou au marché car la
distribution est tournante et la fréquence des rencontres est moins importante
Quels sont les enjeux de la distribution en circuits courts ?
Les motivations pour le consommateur et pour le paysan sont multiples :
- Contrat réciproque entre paysans et consommateurs : on s’engage ensemble pour une
question qui nous concerne tous.
- Le prix des produits est rémunérateur pour le paysan. Par ailleurs celui-ci est soutenu en cas
d’intempérie et de mauvaises récoltes
- Dans le panier de légumes que l’on reçoit, par exemple en AMAP, le travail du paysan est
inclus. On crée un vrai soutien au paysan en lui permettant d’avoir de la trésorerie avant
d’investir pour produire.
- La possibilité de se nourrir localement avec des produits de qualité pour diminuer
l’empreinte environnementale.
- Recréer du lien social entre consommateurs et entre ruraux et urbains. Apprendre les
besoins et exigences de chaque partie.
- Les consommateurs peuvent se rendre plus facilement sur la ferme, pour se rapprocher de la
terre ou apporter de l’aide au paysan dans ses récoltes.
Cependant, ces formes de commercialisation étant encore à la marge, elles rencontrent des
difficultés encore importantes :
- Contraintes des normes réglementaires et normes sanitaires qui souvent ne sont pas
adaptées aux petites structures qui vendent en circuits courts.
- La concurrence avec les marchés est une des principales difficultés.
- Les circuits courts sont créateurs d'emplois et de valeur ajoutée, mais nécessitent des outils
de transformation de proximité qui, pourtant, aujourd’hui sont en train de disparaître.
- Les citoyens impliqués dans les démarches de consommation alternative sont souvent des
personnes conscientes des enjeux avant de s’engager et représentent une très faible partie
de la population. Un des objectifs et une des difficultés est de conscientiser plus largement la
population vers un rapprochement avec les producteurs.
- Les collectivités ont du mal à suivre la demande et n’ont pas les outils nécessaires pour
favoriser le développement de ces circuits de distribution. Il existe une volonté politique
d’utiliser l’image positive des circuits courts, mais pourtant, il existe un réel manque de
financement.
- Difficultés de trouver un lieu où réaliser la distribution ou la vente : les espaces privés comme
publics sont réglementés.
- Pour le consommateur il existe des contraintes d’organisation : la distribution est fixée à des
dates et horaires précis
- Difficultés pour le paysan de communiquer sur son projet ou sur l’ouverture d’une nouvelle
AMAP
Les principaux enjeux et éléments de débats sur lesquels travailler :
- Comment communiquer quand le projet est créé ?
- Comment gérer la pression des commerçants installés ?
- Prix de revient : quel est le revenu nécessaire ? combien doit être le prix de vente ?
� Ce qui compte c’est que les prix soient rémunérateurs : il existe des situations où le paysan
ne veut pas vendre au vrai prix : (charges+salaires)/nombre de paniers. Est-ce que c’est par
fierté, est ce que c’est par pression ? est ce que c’est pour s’aligner au prix du marché ?
Parfois, les consommateurs réclament à payer plus cher et le paysan refuse.
Il est possible de vivre correctement à un prix inférieur à celui du marché. En effet, le revenu
nécessaire dépend de la personne, de ses besoins.
Qu’est-ce que le vrai prix ? A quoi on le compare ?
- Comment arriver à un contrat éthique plus large ? : il faut que la philosophie des AMAP
s’étende à des magasins et supérettes et mettre en place des contrats avec des producteurs
locaux. Quelle méthode employer ?
Plus largement les motivations et difficultés à distribuer ou acheter en
circuits courts
Les personnes (paysans et consommateurs) qui participent à développer les circuits courts
témoignent en disant que la philosophie du projet est une raison suffisante pour accepter les
difficultés et contraintes.
Il faut changer notre rapport à l’alimentation et devenir des mangeurs avant d’être des
consommateurs. L’aliment n’est pas un produit, il est une nécessité vitale.
Il nous faut aujourd’hui exploiter toutes les possibilités de sensibilisation et d’éducation sur ces
sujets.
Atelier 2 : dynamique locale : facteurs de cohésion et
d’épanouissement sur un territoire
Rapporteur : Jean-Luc Desplat – Agriculteur en Indre-et-Loire
Animateur : Marie-Pierre Auvray – Animatrice Confédération paysanne 37
L’installation en agriculture est en crise
Le nombre d’agriculteurs en Indre-et-Loire ne cesse de chuter. Les données du dernier
recensement agricole sont sans appel : en dix ans, le nombre de paysans a diminué de 25 %. Il s’agit
du plus fort taux en région Centre.
En Indre-et-Loire, la moitié des fermes a disparu en 20 ans : soit une ferme tous les 3 jours.
Ces constats sont dramatiques pour l’avenir de l’emploi rural de nos départements et pour la
capacité de la France à assurer sa souveraineté alimentaire. Il s’agit également d’éléments
dramatiques pour assurer de la vie dans nos campagnes et garder un tissu rural vivant et dynamique.
Aujourd’hui, en France, l’installation en agriculture est en crise !
La population agricole a vieilli et sur environ 30 000 départs par an en France, 10 à 12 000 n’ont pas
de successeurs. On note une installation pour trois départs à la retraite.
Le nombre d’exploitations a diminué et la SAU moyenne par exploitation est passée de 42 ha à 54 ha.
On assiste bien à la diminution du nombre d’exploitations et à la concentration des terres entre les
mains d’un nombre restreint d’agriculteurs. Cette observation pose la question de la répartition des
terres : sur 1 million hectares libérés, 50 % va à l’installation et 40 % à l’agrandissement (et 10 % sont
artificialisés). Seule la moitié des terres libérées sert à installer de nouveaux agriculteurs, le reste des
terres sert à l’agrandissement des exploitations voisines.
Cette problématique se retrouve en région Centre. La SAU transférée depuis 2000 : 56 % revient à
l’installation et 44% à l’agrandissement des structures existantes !
Face aux difficultés de la profession agricole à « s’autoreproduire », une des solutions est de faire
appel à des successeurs hors cadre familiaux (HCF). En effet, au début des années 2000, plus de 30 %
des installations sont réalisées en dehors du cadre familial. Pourtant les HCF connaissent de
nombreuses difficultés à être acceptés dans les campagnes. S’ils n’ont pas d’origine agricole ou de la
famille à proximité des terres, l’acceptation par le voisinage peut être complexe.
Les politiques agricoles sont responsables de ce déclin : orientées vers la productivité et la
compétitivité, elles ont favorisé l’agrandissement et l’endettement. Les politiques d’installation
sont injustes puisque orientées vers un seul modèle d’agriculture, toujours plus gourmand en terre
et en moyens. Elles sont aussi inefficaces : le PPP mis en place en 2009 devait favoriser
l’installation grâce à un parcours simplifié… Il est en réalité plus compliqué et excluant ; deux tiers
des installations se font sans les aides de l’Etat.
Les résultats de l’échec des politiques à l’installation sont des campagnes qui se vident. En Indre-
et-Loire 80% de la population se situe dans l'Agglomération tourangelle et des campagnes
vieillissantes : 7 chefs d'exploitation sur 10 sont âgés de plus de 45 ans
Témoignages des difficultés à la transmission des exploitations
Henry Robert, membre du conseil d’administration de la commune de Charnizay et du Pays Sud
Touraine
M. Robert est maire de la commune de Charnizay et a été à l’initiative d’une enquête en 2009 sur 6
cantons concernant la transmission des exploitations agricoles. Sur ce territoire on dénombre 1351
actifs agricoles dont 596, soit 44 %, ont plus de 50 ans. Sur l’ensemble des actifs agricoles, l’enquête
a obtenu 500 réponses. Les résultats décrivent de petites exploitations de 10 hectares de terre
environ. Sur les 500 réponses : 186 agriculteurs disent avoir un successeur assuré, mais il s’agit à 99
% de successeurs déjà installés. 254 agriculteurs se déclarent sans successeur. Parmi eux, 170
agriculteurs principalement éleveurs souhaitent absolument trouver un successeur.
Cette enquête permet de mettre en évidence les difficultés à transmettre une exploitation agricole.
Celle-ci est faible et rarement assurée et quand elle l’est une grande partie part pour
l’agrandissement. Ce sont des emplois qui disparaissent à chaque fois.
Des initiatives sont mises en place pour faciliter la transmission. La Chambre d’agriculture démarche
les cédants, mais ça ne fonctionne pas. Les cédants eux même bloquent la cession de leur ferme. Ils
sont réticents à l’idée de transmettre à une personne qu’ils ne connaissent pas ou qui ne vient pas du
milieu agricole.
Il y aurait un véritable travail à faire pour aider les cédants à accepter de transmettre à quelqu’un
d’extérieur à leur famille ou à leur groupe de connaissances.
Il est d’autant plus dommageable que des exploitations disparaissent sur ces cantons qu’il y a de
nombreuses opportunités pour se loger : 30 % de l’habitat est disponible. Les campagnes sont vides.
Cela est un frein pour mettre en place également des circuits courts et de la vente directe car il n’y a
pas assez de population. Rappelons qu’en Indre-et-Loire 50 % des habitants vivent à Tours. Il faudrait
trouver une façon de structurer la vente de produits de la campagne vers les grandes villes.
Jean-Luc Desplat, agriculteur en Indre-et-Loire, membre du pôle installation de l’ADDEAR 37,
Jean-Luc Desplat participe avec l’ADEAR 37 à la mise en place d’ « espaces tests » sur son
exploitation. Il accueille des porteurs de projet sur ses terres pour les aider à se lancer dans la
profession agricole de façon progressive. Il laisse quelques parcelles à un apiculteur, un héliciculteur
et un maraîcher. Ceux-ci peuvent bénéficier à la fois de terres mises à disposition et des conseils d’un
agriculteur expérimenté.
M. Desplat pense que la PAC a dévié de ses objectifs premiers qui étaient : assurer l’autosuffisance
alimentaire et la solidarité financière des pays membres. En effet, elle a répondu ces dernières
années aux besoins du marché ce qui a eu pour conséquences l’élimination des paysans. Ceux qui
sont restés sont alors devenus des chefs de terre et une sorte de nouvelle féodalité s’est mise en
place. Le déséquilibre est clair aujourd’hui : certains ont trop de terre et d’autres pas assez. Il est
important de rééquilibrer le partage du foncier.
Aujourd’hui, les paysans sont trop peu nombreux pour répondre aux problèmes et il faut maintenant
mobiliser la société civile. Toutes les associations ont un rôle à jouer pour que les campagnes restent
vivantes. Cet enjeu ne concerne pas que les agriculteurs.
Enjeux
Comment répondre à l’autonomie alimentaire des villes ? Et à la campagne, comment répondre au
vieillissement de la population ? Pour garder des paysans nombreux et un tissu rural vivant, il faut
maintenir les fermes en place et en installer de nouvelles.
- Il faut installer des paysans et en même temps leur assurer impérativement un revenu
décent.
- Il faut réorienter les aides agricoles : défendre des aides publiques justes avec une dotation
renforcée sur les premiers hectares, financée par une dégressivité des aides et un
plafonnement par actif
- Il faut une meilleure prise en compte des hors cadre familiaux dans l'accompagnement et
ouvrir plus largement les critères à l’installation
- Une aide équivalente pour tous les nouveaux installés
Leviers d’actions et axes de travail - Travailler sur le climat de confiance entre cédants et repreneur
- Prendre conscience qu’il s’agit d’une transmission d’une entité à valeur patrimoniale et non
d’un simple outil économique
- Comment rencontrer les propriétaires non exploitants ? les chefs de terres et créer avec eux
des ponts entre propriété et travail ? : quels sont les outils à inventer ?
- Développer des espaces test pour permettre aux porteurs de projets d’inventer et réfléchir à leur
projet
- Proposer des installations progressives, des installations collectives
- Proposer des formations sur la transmission
- Travailler avec les collectivités et avec les SAFER
Dans le département des Deux-Sèvres, des collectivités ont fait des études pour donner des terres
aux porteurs de projets qui n’avaient pas les moyens de s’acheter des terres. Différents acteurs du
territoire ont été rassembler pour créer une réelle dynamique locale et proche des territoires.
Il faut renforcer ce type de partenariat et valoriser les actions qui aident à l’installation de nouveaux
agriculteurs.
Atelier 3 : ressources naturelles : moyens de production
et bien commun de l’humanité
Rapporteur : Marie-Laure Duveau – Agricultrice en Indre-et-Loire
Animateur : Rapahëlle Cormerais-Thomin – Animatrice ADEAR 37
Aujourd’hui, alors que le monde traverse une crise écologique sans précédent, il est fondamental
que la société se penche sur des solutions pour rééquilibrer les cycles et diminuer notre empreinte
environnementale. Les agriculteurs sont les façonneurs de nos paysages et travaillent
quotidiennement à valoriser, entretenir et protéger les ressources. Leur rôle dans la protection de la
biodiversité, de l’eau, des sols, de la qualité de l’air n’est plus à prouver. Les attentes des citoyens
sont vives à la fois pour des questions sanitaires, mais aussi pour des raisons d’écologie. Il est du
devoir de chacun de réfléchir aux nouvelles méthodes pour préserver nos biens communs.
Nous allons voir dans cet atelier, en prenant l’exemple de la biodiversité culturale, où se situent les
enjeux, les difficultés et quelles sont les leviers d’action pour recréer une richesse variétale sur nos
territoires.
Des constats alarmants :
- La moitié des espèces vivantes que nous connaissons pourrait disparaître d’ici un siècle
- Quelques variétés de blés (très proches génétiquement les unes des autres) couvrent 80%
de l’assolement annuel en blé
- 80% des légumes cultivés il y a 50 ans ont disparu
Alors que la biodiversité s’effondre et que les variétés agricoles s’uniformisent, les semences
végétales et animales se trouvent sous contrôle renforcé.
Depuis toujours, les paysans produisent, échangent, ressèment leurs semences et multiplient leurs
plants. Le 28 novembre 2011, l’Assemblée nationale a adopté la loi relative aux Certificats
d’obtention végétale (COV). Cette loi autorise les semences de ferme pour 21 espèces seulement –
en échange de royalties aux obtenteurs – et l’interdit pour toutes les autres espèces. Le
gouvernement a choisi les lobbies de l’agriculture industrielle contre les paysans ! Cette loi bafoue un
droit ancestral et une liberté fondamentale reconnue internationalement tout en mettant en péril
l’autonomie des fermes.
Deux expériences en Indre-et-Loire sur les bénéfices mutuels entre agriculture et biodiversité
Quels services la biodiversité peut–elle rendre à l ’agriculture ? Etienne Hérault de la SEPANT a présenté l’action que mènent conjointement l’ADEAR 37 et la
SEPANT sur les bénéfices mutuels entre agriculture et biodiversité.
Biodiversité fonctionnelle = On parle de biodiversité fonctionnelle pour décrire les capacités
adaptatives des écosystèmes et les assemblages d'organismes aux variations des conditions
environnementales (abiotiques et biotiques), aux échelles de la population et de la communauté.
Cette approche s'intéresse aux raisons et conditions qui font que la biodiversité influence
fortement le fonctionnement, la stabilité et la productivité des écosystèmes.
La biodiversité a un rôle à jouer dans la qualité des sols (structures, taux Carbone/azote) dans le
développement d’auxiliaires de culture, la qualité de l’eau... Cette richesse permet la protection de
la faune, de la flore et des ressources, mais est pour le paysan un atout pour augmenter sa
production et produire une alimentation saine.
L’objectif pour 2013 est de mettre en place des « observatoires de la biodiversité » sur les fermes
volontaires et former les agriculteurs pour qu’ils puissent eux-mêmes observer la biodiversité
fonctionnelle sur leurs parcelles et la prendre en compte dans leurs itinéraires culturaux.
Semences paysannes : quand biodiversité rime avec a utonomie des paysans Pascal Joubert, paysan à Betz-le-Château, a présenté son travail sur les semences paysannes qui en
a découlé. En menant une réflexion sur l’autonomie globale de sa ferme, il en est en effet venu à
utiliser puis produire des semences paysannes de maïs (aussi appelées « maïs population »).
Il nous a présenté le travail de sélection que cela suppose et les avantages de ces semences :
autonomie économique (et éthique !) vis-à-vis des firmes semencières mais aussi adaptabilité de la
variété au contexte local et aux besoins de son exploitation.
Depuis l’année dernière, avec l’appui de l’ADEAR 37 dans le cadre du réseau de fermes semences
paysannes, il a également entrepris une création variétale selon un processus expérimental dit
« processus brésilien ».
Le paysan : gestionnaire des ressources naturelles ?
Les agriculteurs sont en première ligne pour la gestion des ressources naturelles, à la fois par le choix
de leurs semences, ils entretiennent une biodiversité cultivée, mais leurs pratiques influencent
également la richesse de la biodiversité sauvage.
Les agriculteurs travaillent avec différentes « ressources naturelles » :
- biodiversité végétale,
- biodiversité animale,
- vie du sol,
- eau,
- énergie des intrants organiques (fumier, paille),
- azote et carbone de l’air,
- soleil
- quelques fois : le vent
Certains agriculteurs expérimentent de nouvelles formes de pratiques agricoles. En voici différents
exemples qui participent à la protection des ressources et permettent une augmentation de la
production agricole et de la qualité des produits :
- Implantation de haies, de bandes enherbées pour créer des zones refuges pour la faune et
qui sert d’habitat pour les auxiliaires des cultures qui aident à lutter contre les ravageurs
- Travail du sol en surface (technique culturale simplifiée, semis sous couvert) pour limiter
l’érosion, ne pas déstructurer le sol, protéger les microorganismes du sol
- Utilisation de semences paysannes
- Agriculture sans intrants (AB…) et sans engrais de synthèse, utilisation du fumier et de la
terre paille
- Couverts d’hiver pour utiliser au mieux les ressources du soleil et protéger les sols de
l’érosion
- Plantations de légumineuses fixatrices de l’azote de l’air
- ….
A bien commun… responsabilité commune
Pourquoi qualifier les ressources naturelles de bien commun ?
A la fois parce qu’il s’agit d’un patrimoine que nous transmettons aux générations futures et parce
que ces ressources ont un caractère indispensable à la vie.
La notion de bien commun heurte celle de propriété. Les ressources naturelles sont gérées par celles
et ceux qui ont la propriété de la terre ou la charge de son exploitation. Un bien commun doit-il
appartenir à tous ou à personne ? Quelle valeur donner à un bien commun ? Quel mode de gestion
peut-on ou doit-on imposer ?
La notion de bien commun appelle aussi celle de responsabilité. L’agriculteur, propriétaire et/ou
exploitant est en première ligne pour la gestion de la biodiversité. Le législateur reconnaît cette
responsabilité des agriculteurs et les sollicite souvent pour qu’ils participent au maintien de la
biodiversité (MAE, volet agricole de la Stratégie nationale pour la biodiversité, etc.). Mais les
discussions se sont aussi orientées vers la responsabilité des non-agriculteurs : les citoyens ont aussi
la responsabilité de ce bien commun.
Un point de départ incontournable : travailler la prise de conscience
En guise de conclusion de l’atelier, nous nous sommes demandé quelles propositions pour faire
évoluer les pratiques agricoles vers plus de prise en compte et de protection des ressources
naturelles ? Trois chantiers sont ressortis des discussions :
- Un préalable incontournable : la prise de conscience des interactions agriculture et
ressources naturelles. Prise de conscience par les agriculteurs mais aussi les citoyens
(exemple de l’humus là encore)
- Repenser les liens entre les professionnels et la recherche pour aller vers une recherche
participative : Augmentation des connaissances - expérimentation par les agriculteurs.
- Faire évoluer le cadre législatif pour permettre des pratiques respectueuses des équilibres
naturels… ou mieux : les conforter !
Atelier 4 : gouvernance : des espaces de décisions à
créer ou à réinvestir
Rapporteur : Joël Devijver – Agriculteur en Indre-et-Loire
Animateur : Marie Guégan – Animatrice ARDEAR
Introduction de l’atelier
La gouvernance est l’ensemble des mesures, des règles, des organes de décisions qui permettent
d’assurer le bon fonctionnement d’une institution, d’un Etat, d’une organisation.
Quel est l’enjeu d’une bonne gouvernance ?
� Faire en sorte que les intérêts de tous les publics concernés soient respectés
� Faire en sorte que la voix de ces « bénéficiaires » ou « usagers » soit entendue
Pourquoi avoir choisi ce thème de la gouvernance ?
1- D’abord parce que l’agriculture et les politiques agricoles constituent un enjeu de société et
concernent tout le monde :
- Sans agriculture, on n’aurait pas d’alimentation
- Si les produits agricoles et alimentaires ne sont pas de bonne qualité, cela a des impacts sur
la santé publique
- Si les pratiques agricoles ne sont pas respectueuses de l’environnement, cela a des
conséquences sur l’eau, sur l’air, la terre, le climat
- Sans agriculture, ou si on développe une agriculture « de firme », cela aura des conséquences
sur l’emploi et l’attractivité des territoires ruraux
- Enfin, l’agriculture est un secteur économique de premier ordre.
� Enjeux économiques, sociaux, de santé, d’alimentation, d’environnement…
En Touraine, 1300 ha (soit l'équivalent de 20 fermes de taille moyenne) de terres agricoles
disparaissent chaque année. On note en parallèle, 45% d'augmentation du prix du foncier agricole
entre 2000 et 2010. L’accès à la terre est devenu de plus en plus complexe et nous avons vu que
depuis plusieurs années on assistait à une perte vertigineuse de paysans et un nombre en chute des
nouvelles installations. Une des raisons de l’échec de ces politiques agricoles est le mode de
gouvernance. Aujourd’hui, on voit naître des initiatives citoyennes pour pallier aux problèmes que
rencontrent les politiques publiques.
L’agriculture a des impacts aux niveaux économique, sanitaire, environnemental, et au niveau de
l’aménagement du territoire. Il s’agit bien d’un sujet qui concerne l’ensemble de la société et qui
demande une organisation politique et donc une gouvernance large.
2- Ensuite parce qu’aujourd’hui la prise de décisions et les politiques agricoles sont très, voire
trop souvent définies par le monde agricole lui-même ou par l’agroalimentaire. Très
souvent l’angle d’attaque est exclusivement économique et seuls les intérêts d’une minorité
sont défendus. Or il faut prendre en compte l’intérêt des bénéficiaires réels, c'est-à-dire des
consommateurs.
3- Enfin parce qu’on assiste à une véritable réappropriation des politiques agricoles et
alimentaires par des acteurs qui jusque-là étaient absents de la décision :
a. La société civile, les associations
b. Les collectivités territoriales
Deux témoignages qui illustrent la place des citoyens dans les politiques agricoles
� Phil Simond : il est nécessaire de s’interroger sur les leviers qui vont inciter les citoyens à se
préoccuper des questions agricoles :
o Intérêt individuel : la santé, le paysage, le rapport à l’élevage, l’alimentation carnée,
les grands débats sur l’eau, l’alimentation…le souvenir, les aïeux qui ont été paysans
o Intérêt général : la préoccupation citoyenne commence à être importante quand on
constate que la situation globale est grave.
� Sébastien Beaury, éleveur de chèvres en Indre-et-Loire : son installation a été permise grâce
à l’implication de la société civile à deux niveaux :
- Au niveau du foncier : c’est Terre de Liens qui lui a permis d’accéder à son exploitation ;
L’épargne citoyenne pour l’acquisition du foncier notamment avec l’association Terre de
liens permet de partager le foncier (bien commun) et de le sortir de la spéculation
foncière.
- Au niveau de la commercialisation : la vente en AMAP lui a permis de vendre ses
produits à un prix rémunérateur et d’avoir de la trésorerie. Dans les AMAP, les
consommateurs s’engagent à acheter des produits alimentaires à un paysan et
s’engagent à le payer, même si la récolte a été mauvaise (due par exemple au gel), il y a
donc une implication du citoyen dans des aspects qui débordent le simple fait de
produire et qui ne sont pas uniquement du ressort de l’agriculteur
- Epargne collective pour des projets de type énergie
Difficultés soulevées et pistes de propositions : - Minorité de citoyens sensibilisés : comment les faire participer, les sensibiliser, les
accueillir ?
o Aller chercher ces gens, insister sur les aspects sociaux de l’agriculture
o Jouer sur les politiques éducatives
- Comment faire en sorte que ces initiatives citoyennes soient portées au niveau des
politiques plus globales et instituées (Conseil régional, Etat, Europe) ?
o Rédiger des contributions des associations et syndicats lors des débats sur la
politique agricole
- Au-delà de l’action citoyenne, comment aller dans le sens d’une agriculture plus en phase
avec les attentes de la société, plus durable, plus juste, plus équitable ?
o Rendre accessible le foncier agricole : les collectivités, l’Etat ont un rôle à jouer :
� Création d’EPFR
� Taxation des plus-values sur la vente de terres agricoles pour éviter que
les terres sortent de l’agriculture
� Instaurer une prévalence des Schémas Régionaux d’Aménagement des
territoires sur les SCOT, les PLU
o Favoriser la transmission des fermes
� Prise en charge par l’Etat de la caution du paiement des fermages lors de
la cession d’une exploitation
� Revalorisation des retraites agricoles
Conclusions
Agriculture et Société : les défis à relever en région Centre
Ce forum vient clôturer une série de 4 forums réalisés en 2012 : sur l’installation, sur l’autonomie des
fermes et sur la Politique Agricole Commune. Aujourd’hui, ce dernier thème qui associe agriculture
et société aurait sûrement interloqué un quidam au siècle dernier. En effet, alors que le monde rural
a de tout temps rythmé la société, aujourd’hui, il existe des attirances et des incompréhensions, mais
on ne retrouve plus de liens directs entre ces deux entités.
Nous sommes 7 milliards de personnes sur terre et 3 milliards souffrent de la faim. Aujourd’hui 10 %
du marché définit les cours mondiaux des produits alimentaires. Ce constat est affligeant et
démontre bien les inepties d’organisation entre agriculture et société. Une organisation qu’il est
important de réinterroger.
L’agriculture est souvent interpellée, les citoyens ne comprennent pas forcément que le prix du pain
augmente quand le prix du blé augmente. Certaines crises sanitaires, comme la vache folle, ont créé
la confusion dans l’esprit des consommateurs. Et les attentes des citoyens envers l’agriculture sont
de plus en plus présentes, notamment par une volonté forte de préservation des espaces naturels. Il
est vrai qu’il faut créer une cohésion de l’espace, puisque les ressources qui sont des biens communs
ne connaissent pas de frontière : l’eau que chacun boit chaque jour passe bien dans nos champs.
En parallèle, les surfaces agricoles diminuent en France pour la construction de logements, de zones
d’activités et de zones de loisirs pour servir la société et les agriculteurs se voient amputer de leur
outil de travail. Autant d’exemples qui montrent les défis que nous devons relever ensemble.
Depuis 10 000ans, nous faisons des céréales, du pain, des galettes… Ce ne sont pas les aspects
techniques qui nous limitent, nous saurons toujours produire des denrées alimentaires. La maîtrise
du compostage, l’étude des rythmes naturels, la préservation de la biodiversité nous permettra de
répondre aux enjeux économiques et environnementaux. Techniquement nous saurons maîtriser les
systèmes de production. Aujourd’hui, le principal défi est de trouver les réponses à des enjeux de
société : avec qui l’on fait les choses ? Pourquoi ? Sous quelles formes ? C’est là qu’il y a des solutions
à trouver et des organisations nouvelles à inventer pour permettre plus de transparence, plus de
proximité et plus de justice entre agriculteurs et consommateurs. Ces enjeux sont politiques, les
conférences de ce forum l’ont bien démontré.
En 2013, la Confédération paysanne Centre continuera avec les départements à animer des forums
pour réinterroger l’agriculture contemporaine et inventer l’agriculture de demain. Nous porterons
nos réflexions l’année prochaine sur la réforme de la Politique Agricole Commune qui est un gros
chantier européen, sur les interactions entre systèmes de production entre céréales et élevage, sur la
viabilité économique des petites fermes. Nous espérons vous voir nombreux pour continuer à
enrichir le débat.
Emmanuel Leroux - Porte-parole de la Confédération paysanne du Centre