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numéro 9 juin 2004 lettre d’information de l’ARMMA Association pour le rayonnement du musée national du Moyen Âge S’ il n’avait été déclaré « trésor national » en juillet 2001, donc interdit d’exportation, tous les musées du monde, du moins les plus fortunés, se seraient disputé ce trip- tyque. « L’apparition sur le marché de l’art d’un retable de cette qualité, de cette dimension et dans un tel état de conservation est un événement rarissime », confirme Viviane Huchard, direc- trice du musée national du Moyen Âge (MnMA). Ouvert, le retable montre les douze apôtres entourant un tombeau vide. Acquisitions Triptyque de l’Assomption de la Vierge, huile sur bois, 1,15 m x 1, 60, vers 1520. DEUX « TRÉSORS NATIONAUX » (de plus) AU MUSÉE Rafale d’acquisitions : sept œuvres sont entrées au MnMA depuis le début 2004. Deux ont rang de patrimoine national : un feuillet enluminé du lectionnaire de Cluny, des années 1100, et un grand retable flamand de l’atelier de Gérard David, du début du XVI e siècle. © Photo RMN - Franck Raux

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numéro 9 � juin 2004

lettre d’information de l’ARMMA

Association pour le rayonnement

du musée national du Moyen Âge

S’il n’avait été déclaré « trésor national » en juillet 2001,donc interdit d’exportation, tous les musées du monde,du moins les plus fortunés, se seraient disputé ce trip-

tyque. « L’apparition sur le marché de l’art d’un retable de cettequalité, de cette dimension et dans un tel état de conservation estun événement rarissime », confirme Viviane Huchard, direc-trice du musée national du Moyen Âge (MnMA). Ouvert, leretable montre les douze apôtres entourant un tombeau vide.

Acquisitions

Triptyque de l’Assomption de la Vierge, huile sur bois, 1,15 m x 1, 60, vers 1520.

DEUX «TRÉSORS NATIONAUX»(de plus) AU MUSÉE

Rafale d’acquisitions : sept œuvres sont entréesau MnMA depuis le début 2004. Deux ont

rang de patrimoine national : un feuillet enluminédu lectionnaire de Cluny, des années 1100,

et un grand retable flamand de l’atelierde Gérard David, du début du XVIe siècle.

© Photo RMN - Franck Raux

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Une enluminure romaneAutre “nouveauté” insigne : le feuillet enlu-miné de L’Ascension tiré du lectionnaire (1) deCluny. Cet ouvrage, reconnu comme l’undes « monuments clés de l’enluminure romane

en France », est entré à la Bibliothèque natio-nale avec quelque cent cinquante manus-crits médiévaux de l’abbaye bourguignonneen 1881, explique François Avril, conser-vateur au département des manuscrits.Peutêtre commandé par l’abbé Hugues (qui diri-gea l’Ëglise clunisienne de 1049 à 1109), ilest surtout connu pour les cinq minia-tures qui l’illustrent,« fascinants témoignagesde la pénétration du style pictural byzantin dansla peinture en Europe septentrionale, style relayéet refiltré par les ateliers en activité à Romequelques années plus tôt ». Le volume com-portait lors de son entrée dans les collec-tions nationales de nombreuses lacérations.« Le splendide fragment correspond à une deces lacunes et s’insère parfaitement au feuillet64 », a vérifié le spécialiste. L’écriture, uneample minuscule dérivée de la caroline,

• 258 764 visiteurs sont entrésau musée national du MoyenÂge en 2003. À peu prèscomme en 2001. Maismoins qu’en 2002, annéeexceptionnelle avec ses300 000 visiteurs, pourpartie attirés par l’expositionsur les jardins. Bonnefréquentation début 2004.

• L’étude pour le devenir desthermes antiques et de l’hôtelde Cluny, présentée parBernard Voinchet, architecteen chef des monumentshistoriques, a été approuvéedans son principe parla commission supérieuredes monuments historiquesle 8 mars 2004.La couverture des thermesest donc acceptée, avecl’extension qu’elle autorisepour le musée.

• Elisabeth Antoine, 40 ans,est désormais conseillèrescientifique à l’Institutnational d’histoire de l’art(INHA). Elle a quitté sesfonctions de conservatriceau MnMA après dix annéesd’activité. Restent d’elle,notamment, ses travauxsur les jardins médiévaux.Restent aussi des acquisitionsmajeures réalisées sousson impulsion comme ladélicate Vierge de pitié(présentée en salle 21),le Berceau de l’enfant Jésus(salle 14) ou encorele Porte serviette en formede buste de jeune femme(salle 22).

• Autre départ : GenevièveFrançois, ingénieur d’étudesau CNRS, qui travaille surle Corpus des émauxméridionaux, programmede recherche sur l’émaillerielimousine du Moyen Âge,était installée au muséedepuis 1986. Elle aussirejoint l’INAH, rue Vivienne.

Au-dessus, la Vierge en Assomption est ins-crite dans une mandorle d’or,entourée d’unefoule d’anges et d’angelots. Elle est cou-ronnée par la Trinité.Une nuée noire sépareles deux scènes, terrestre et céleste. Lessplendides paysages d’arrière-plan sont trai-tés avec fantaisie et légèreté.L’ensemble estd’une très grande qualité picturale.Des figuresde saint André et de sainte Catherine occu-pent les revers des volets.La manière de ce retable et son émou-vante beauté permettent de l’attribuer àl’atelier de Gérard David.Même si les sourceshistoriques manquent pour distinguer lesœuvres du maître (actif à Bruges de 1484 à1523) de celles de son compagnon Isenbrantou encore de Ian Mostaert, le spécialistePhilippe Lorentz, ancien conservateur auLouvre,aujourd’hui professeur à l’universitéde Strasbourg, pense plutôt à Adrien Isen-brant (ou Ysenbrandt), connu à Bruges de1510 à 1551.« La vérité du visage des apôtres, leur person-nalisation amènent à penser qu’il pourrait s’agirde portraits, avance Viviane Huchard. L’und’eux (dans le panneau central, à gauche, au-dessus de l’apôtre agenouillé) pourrait être celuide Gérard David lui-même. Cette analyse desindividualités situe l’œuvre à la rencontre dedeux époques : le XVe siècle brugeois et la Renais-sance, dans le premier tiers du XVIe siècle. »Mise en vente par un marchand parisien,l’œuvre,qui provient de la collégiale du châ-teau de Grancey, en Côte d’Or, était dansune collection privée dijonnaise. Elle a étéexposée à Bruges en 1998. Son acquisitionpour le musée, par le ministère de la Cul-ture, sur le Fonds du patrimoine, permetd’enrichir une collection de peintures plusmodeste que celle des sculptures ou destapisseries et de compléter heureusementla présentation des retables sculptés desanciens Pays-Bas.

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est de la main du même scribe que le restedu texte. La peinture, « avec son admirabletraitement des figures et des drapés », est éga-lement du même artiste que les autres enlu-minures, confirme-t-il.Ce parchemin était en possession d’un anti-quaire parisien.« Son acquisition pour le muséese justifie à un double titre, précise VivianeHuchard : il s’agit d’un feuillet isolé (tandis queles manuscrits complets vont à la BN), quitémoigne de la grande époque de l’abbaye deCluny, envers laquelle le musée (installé dansl’hôtel parisien de ses abbés) garde un intérêt" filial ". Justification supplémentaire s’il en étaitbesoin : l’enluminure sera présentée au public,ce qui n’aurait pas été le cas à la BN. »

Un albâtre de la NativitéL’achat d’un relief figurant la Nativité estaussi venu enrichir l’importante collection-d’albâtres anglais du musée. Son iconogra-phie se fonde sur La Légende dorée : allon-gée, Marie dort,veillée par la belle figure deJoseph.Au premier plan,la sage femme Salomé

berce l’enfant Jésus. « Malgré sa surface cra-quelée et ravinée et sa polychromie très dégra-dée, l’œuvre est d’un grand intérêt,souligne Eli-sabeth Antoine,conservatrice. Son thème estrare parmi les quelque 2 500 albâtres anglaisrecensés dans le monde.Stylistiquement,elle sedistingue par sa qualité, sa monumentalité,son relief bien campé sous le volume des rideaux.Autant de caractères qui permettent de la dis-tinguer du " tout venant " des retables anglais

et de la dater du début de la production stan-dardisée, vers 1400. » L’œuvre a été acquiselors d’une vente publique à Louviers, le 25janvier dernier.

Deux vitraux...Lors de la même vacation, le musée a acheté unpanneau de vitrail, « typique des montages com-posites auxquels procédaient les antiquaires du XIXe

siècle »,explique Sophie Lagabrielle,conservatriceen chef. Un médaillon représentant un ange estentouré de belles grisailles du XIVe siècle, « audécor raffiné de motifs floraux, de pampres et d’oi-seaux, avec quelques grotesques dont nous avionspeu d’exemples ».Un autre petit vitrail est entré dans lescollections le 8 avril, sur proposition d’unantiquaire parisien (membre de l’ARMMA).Il s’agit d’un saint Pierre de la fin du XVe

siècle, en parfait état. « C’est une figure quenous ne possédions pas, typique de la produc-tion commune de la fin du Moyen Âge », pré-cise Sophie Lagabrielle.

... et deux statuettesbourguignonnes

Le musée a fait jouer son droit de préemp-tion, lors d’une vente publique à Drouot le18 mai, pour acquérir deux sculptures. Lapremière figure saint Jean-Baptiste et a conservésa dorure et sa polychromie d’origine tandisque la seconde, sainte Claire, a été décapéeet cirée. « Mais les deux pièces de taille iden-tique, en bois de noyer,relèvent du même ensemblecomme en attestent leur composition un peulourde, le bas du corps ramassé, avec le mou-vement en contraposto (pied droit en avant), etles traits délicats du visage, sortis du mêmeciseau », analyse Viviane Huchard.Deux statuettes du groupe sont conservéesau Louvre, tandis que d’autres sont signa-lées dans deux collections dijonnaises.L’uned’elles a figuré dans une exposition à Dijonsur Claus de Werwe. Elles ont été identi-fiées comme provenant du retable de l’ab-baye cistercienne de Theuley,à Vars (Haute-Saône),ces personnages entourant sans douteune scène de la vie du Christ,probablementla Crucifixion. « Cette acquisition va stimulerla recherche sur le mobilier de cette abbaye etsur la sculpture bourguignonne de la fin duMoyen Âge, dans l’entourage et l’influence deSluter,promet la conservatrice. Elle complèteheureusement la collection du musée qui necompte qu’un petit retable de cette produc-tion à la fois raffinée et provinciale. »

Enfin, la bibliothèque du musée s’est enrichiedu catalogue raisonné de la collection de Fré-déric Engel-Gros (1843-1918), un industrielqui avait rassemblé ses trésors au château deRipaille (visité l’an dernier par l’ARMMA).Cecatalogue – deux volumes in quarto impri-més en 1925 – a été dressé par l’historiend’art Paul Mantz.Beaucoup d’objets de cettecollection se trouvent aujourd’hui au Louvreet six tissus au MnMA. D’où l’intérêt de cetachat,réalisé par l’ARMMA en vente publiqueà Châtellerault le 5 juin. �

(1) Lectionnaire : Grand livre de chœur ras-semblant les textes des offices quotidiens etles lectures des Pères de l’Église.

Les " trésors nationaux "

Depuis la loi du 31 décembre 1992 (amendée en juillet 2000), les " tré-sors nationaux " sont interdits d’exportation. Entrent dans cette catégo-rie les biens appartenant aux collections publiques et ceux répertoriés autitre des monuments historiques ou des archives classées, pour lesquelsl’interdiction est définitive.D’autres œuvres « présentant un intérêt majeurpour le patrimoine national » peuvent être déclarées trésors nationauxet, dans ce cas, l’État a trois ans pour les faire passer dans l’une des caté-gories précédentes… ou bien il doit délivrer une autorisation de sortiedu territoire. C’est, fort heureusement, la première résolution qui a étéprise pour le triptyque et le manuscrit qui arrivent au musée.

L’Ascension, parchemin,44 cm de hauteur, vers 1100.

©Artcurial

Saint Jean-Baptiste, bois de noyer,46 cm de hauteur, première moitié du XVe siècle.

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Nativité, albâtre, 37,5 cm de hauteur,4,5 cm de profondeur, vers 1400.

Millefleurs n° 9, juin 2004 32 Millefleurs n° 9, juin 2004

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4 Millefleurs n° 9, juin 2004 Millefleurs n° 9, juin 2004 5

tallées dans les salles 6, 17, 21 et 22. La col-lection est donc remise en lumière,dans tousles sens du terme.Les aléas des travaux, dont le coût a par-fois débordé les prévisions, n’ont toutefoispas permis d’aller tout à fait au bout de cegrand chantier. L’ARMMA a donc décidé

de prendre à sa charge la res-tauration de cinq pièces : lesquatre rondels qu’elle a elle-même acquis en 2001 et un pan-neau historique de l’hôtel deCluny.Ce dernier a pu ainsi fairebonne figure à la belle exposi-tion sur les Primitifs français,présentée au Louvre au prin-temps dernier.L’attribution ducarton de ce Portement de Croixau maître des Très Petites Heuresd’Anne de Bretagne – le mêmeartiste qui aurait donné le car-ton de la Dame à la licorne etqui pourrait être Jean d’Ypres,selon Philippe Lorentz – a jus-tifié sa présence dans ce par-cours riche « de découverteset de redécouvertes ».Le panneau faisait partie desverrières de la chapelle de l’hô-tel de Cluny, élevée vers 1500.Cet unique survivant avait étédémonté, puis est revenu auXIXe siècle dans le fonds DuSommerard.Son dessertissagea permis de supprimer entreautres un vilain plomb de cassequi barrait le visage du Christet qui a été remplacé par uncollage discret.« La restaurationa permis de mieux apprécier lavirtuosité des verriers parisiens del’époque, l’originalité des coupesde verre aux formats audacieux,

et les effets de couleur avec des verres dou-blés et gravés », souligne Sophie Lagabrielle,en charge des vitraux au MnMA.Le panneauest désormais réinstallé dans la salle 17.Peut-

on espérer le voir ramené un jour dans lachapelle ? « Oui, en le présentant devant levitrage actuel, précise la conservatrice, car iln’est plus question de l’exposer aux intempé-ries et à la pollution. »

Redécouverte

Après la grande campagne de désinsectisa-tion des œuvres en bois menée durant l’été2003 (voir Millefleurs n° 8),qui a permis d’exa-miner de près les revers des grands objetsrarement déplacés, le panneau en arc briséde la Crucifixion n’a pas regagné la salle 14.Il nécessitait un refixage. Les conserva-teurs ont décidé d’en profiter pour confiercette rare peinture auvergnate du XIVe siècleaux restaurateurs, les vernis paraissanttrès oxydés.« Les tests de nettoyage pratiquéssur quelques fenêtres ont révélé des couleurssuperbes », se réjouit Sophie Lagabrielle, quipromet la redécouverte d’une œuvre sansdoute sous-estimée.La campagne de restauration des objets encuir se poursuit également, au rythme dedeux ou trois par an. « Là-aussi, sur des cof-frets traités récemment, nous avons eu la sur-prise de retrouver des couleurs vives et mêmede la dorure », indique Julia Fritsch, conser-vatrice en charge des témoins de la vie quo-tidienne.Les métaux ne sont pas oubliés.Après l’aqua-manile à la licorne nettoyé l’an dernier,c’estcelui en forme de buste de jeune homme(Allemagne, début du XIVe s.) qui vient derevenir dans sa vitrine de la salle 15.«Superbe !L’effet du nettoyage est très frappant sur cegenre de pièce en bronze de couleur dorée »,reconnaît-elle. La conservatrice se réjouitaussi du partenariat institué avec l’ateliermétal de l’Institut national du patrimoine àSaint-Denis : le musée reçoit chaque annéeses élèves en stage et ceux-ci font des tra-vaux pratiques sur quatre ou cinq pièces.Laprotection des petits objets en plomb estmoins spectaculaire que celle des bronzesmais tout aussi nécessaire. « Cette collabo-ration nous a également permis de réfléchir

Grâce à la Fondation Gaz de France,la collection de vitraux du MnMA,soit quelque 150 pièces, a retrouvé

luminosité et lisibilité. La convention ini-tiale ayant été passée en 2000,c’est un totalde 900 000 francs sur trois ans (plus de137 000 euros) que le mécène a investi dans

cette action. Quatre ateliers se sont parta-gés les travaux de nettoyage, démontage,suppression des plombs de casse, recollage,sertissage, etc. Les œuvres ont été réins-

Des couleurs retrouvéesRestaurations

La grande campagne de restauration des vitraux se termine. C’est au tour de sculptures, peintures,ivoires, cuirs, métaux de revivre sous les mains des spécialistes.

au moyen de prévenir les altérations et d’amé-liorer les conditions de conservation des métauxen réserve. »Les ivoires également sont confiés à tourde rôle à la patience des spécialistes. L’unedes récentes opérations a favorisé l’étudedu retable en plaquettes d’os dit Oratoiredes duchesses de Bourgogne, qui provient dela chartreuse de Champmol. Son démon-tage a permis à Xavier Dectot, conserva-teur, de mieux distinguer les parties ori-ginales des scènes déplacées ou remplacées.La plupart des ajouts proviennent d’unedizaine de coffrets différents, sortis, commele retable,de l’atelier de Baldassare Embria-chi, un marchand actif à Florence puis àVenise à la fin du XIVe siècle.L’un des voletsde l’œuvre ainsi étudiée est présenté à l’ex-position sur « L’art à la cour de Bourgogne »à Dijon.

Dérestauré ?Last but not least, les sculptures antiques dumusée font aussi l’objet des meilleurs soins.Après le Pilier des nautes réinstallé en 2003,c’est au tour de cinq des blocs découvertsen 1829 dans l’île de la Cité, sous l’églisede saint Landry, de changer de couleur. Ledé aux Musiciens et le dé à la Gigantomachie,qui étaient recouverts de la même croûtenoirâtre, ont été nettoyés au laser. Resteà consolider leurs épidermes. « Le Bloc auxtrois divinités pose, lui, des problèmes pluscomplexes, explique Florence Saragoza,conservatrice chargée des collectionsantiques. Il a déjà été restauré en 1953sous la direction de deux sommités de l’époque,l’universitaire Paul-Marie Duval et un conser-vateur du Louvre, Jean Charbonneaux. Or lematériau utilisé vieillit mal et les opinionsdes spécialistes ont évolué. » Alors, que faire

? Un comité scientifique a été constitué,avec des " sommités " d’aujourd’hui, dontJean-René Gaborit, conservateur au Louvre,Henri Lavagne,membre de l’Institut et Jean-Pierre Mohen, chercheur au CNRS. Affaireà suivre ! La restauration de cette œuvreest prise en charge par Christian Giaco-motto, président de l’ARMMA.En attendant, la statue du célèbre « Julien »– dont nous savons maintenant qu’il ne s’agitpas d’un portrait de cet empereur mais de

Aquamanile, bronze, 27 cm x 35,Allemagne, vers 1400.

© Photo RMN - Gérard Blot

Bloc aux trois divinités, calcaire,seconde moitié du IIe siècle.

Le Portement de croix, 73 cm x 41,Paris, vers 1500.

• Intruse. Le musée d’Artmoderne de la ville de Paris,en travaux, a proposé àses confrères d’hébergerdes œuvres. Le MnMA offre,jusqu’au 6 septembre, l’unede ses vitrines à AnnetteMessager. Avec « Mes petiteseffigies » – des peluchesaccompagnées de bribes decorps et de mots –, l’artiste ypoursuit son travailde « collectionneuse ».Elle sème aussi l’inquiétude,parfois l’incompréhension…Une expérience.

• Conservation préventive :tous les mardis, des équipesde restaurateursdépoussièrent les œuvres.Une nouvelle inspectiondes objets en bois va êtremenée pour vérifier, aprèsla grande désinsectisationde l’an dernier, queles vrillettes ne sont pasde retour.

• La thèse de Xavier Dectotsur les tombeaux des comtesde Champagne (1151-1284)est partiellement reprisedans un article du Bulletinmonumental n° 164-1,publication de la Sociétéfrançaise d’archéologie.

• Les auditeurs du « Bestiairedu Moyen Âge », le coursd’été de l’Ecole du Louvredonné par MichelPastoureau, vont, pourla deuxième annéeconsécutive, venir étudierle thème au musée.Chacun leur tour, en seizegroupes…

• Marie-Madeleine va êtreau centre d’un colloqueorganisé à la Sorbonne.Ce sera aussi le thème d’uncircuit proposé au musée,du 15 novembre au31 janvier. Au moins vingt-sixœuvres évoquent la sainte,dans dix salles différentes.

© Photo RMN - Franck Raux

l’effigie d’un prêtre de Sérapis – a droit,elle aussi, à un décrassage. Chaque mardi,jour de fermeture,elle est traitée par petitestouches, à l’aide de compresses aqueuses,tout simplement.Bon an, mal an, le musée dispose, sur sonbudget de fonctionnement, d’un crédit de150 000 euros pour les restaurations.L’intervention des mécènes a permis,depuistrois ans, d’accélérer le rythme des opé-rations. �

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Millefleurs n° 9, juin 2004 76 Millefleurs n° 9, juin 2004

Toutes de bleu revêtues, les salles 3 et4 ont changé d’allure. Finie la plon-gée dans le noir dès la deuxième pièce

du musée. Grâce à un coup de peinture, àdes stores translucides mais aussi aux nou-velles techniques d’éclairage, les vitrinesparaissent désormais très claires sans dépas-ser les 50 lux,maximum réglementaire pourla préservation des textiles.Sur le mur ouest,les tissus « simples » (mais souvent d’uneextraordinaire finesse). Islamiques pour laplupart, ils sont venus de la Bagdad abbas-side, de Syrie, d’Egypte ou encore d’Anda-lousie…En face, les tissus « façonnés »,dontle décor est généré par les croisements plusou moins complexes des fils de trame et dechaîne, et non plus constitué par une bro-derie ou une bande de tapisserie ajoutées.Beaucoup sont originaires d’Espagne ou d’Ita-lie. Au centre, trois vitrines présentent desobjets liturgiques,des pièces précieuses enri-chies de fils d’or et d’argent,et enfin des tis-sus coptes.

Cette nouvelle présentation est l’aboutis-sement de dix ans de travail, qui ont vu à lafois la restauration de ces pièces souventtrès fragiles et leur étude par une spécialistede l’histoire des techniques, Sophie Desro-siers, maître de conférence à l’Ecole deshautes études en sciences sociales.Son cata-logue raisonné est sorti en avril dernier (1).« Cette collection, pourtant rassemblée un peu

au hasard de dons, de fouilles et d’achats réa-lisés par des non-spécialistes, est cependantassez riche et diversifiée pour couvrir à peu prèstoute l’histoire du textile,de la Chine jusqu’à l’Es-pagne et pendant seize siècles », s’enthou-siasme-t-elle.En croisant les informations données parl’iconographie, par la nature des matériauxmais surtout par les techniques de tissage, laspécialiste, aidée de Georgette Cornu pourles tissus islamiques, a pu déterminer l’ori-gine de toutes les pièces.Ce qui l’a conduiteà rectifier bien des attributions fantaisistesdonnées par les inventaires.Un tissu que l’onavait identifié comme parisien à cause de sesmotifs occidentaux de fleurs de lis et defeuilles de vigne s’est ainsi révélé originairede Tabriz (Iran) ou d’Asie centrale. Il a sansdoute été réalisé d’après un modèle italienapporté par un marchand,mais avec le savoir-faire local. Un autre, attribué à l’Espagne duXIIIe siècle, vient lui aussi d’Asie centrale etil est plus vieux de cinq ou six siècles… Dix-

huit pièces considérées comme des fauxou de bonnes imitations récentes sontaussi publiées comme telles. Mais pas expo-sées. Les textiles authentiques sont asseznombreux pour permettre un renouvelle-ment de la présentation tous les ans. �

(1) Soieries et autres textiles de l’Antiquité au XVIe

siècle. Éditions de la Réunion des musées natio-naux. 100 €.

«Sobre, hiératique, monumental, avecun sens du volume exceptionnel pourle XIIe siècle. » C’est ainsi que,prié

de le définir en quelques mots,Xavier Dec-tot, conservateur au MnMA,présente l’art,reconnaissable entre tous,propre au val deBoí (prononcez Boui). Cette vallée encais-sée, située au pied du pic d’Aneto,point cul-minant des Pyrénées, a connu, entre 1125et 1175, une floraison artistique excep-tionnelle, qui lui vaut d’être classée parl’Unesco au patrimoine mondial de l’hu-manité. Ses églises romanes ont subsistéin situ, mais pas leurs richesses artistiques,redécouvertes en 1907 derrière des cloi-sons et des badigeons. Les fresques, dépo-sées, constituent l’un des fleurons du muséenational d’Art de Catalogne.Les sculpturessont dispersées entre Barcelone, le muséeépiscopal de Víc, l’église de Viella, le FoggArt Museum de Harvard (Massachusetts)et,désormais,notre musée parisien.Quinzepersonnages en tout,rattachés à cinq groupes– dont un seul est complet – figurant soitune Descente de Croix, soit les Saintes Femmesau tombeau.

Une vallée disputéeQu’est-ce qui peut expliquer le surgissementd’une école artistique aussi vigoureuse dansune vallée perdue ? Sa situation géographiqueet politique, justement,qui lui vaut un doubleafflux d’argent,explique Xavier Dectot.Auxconfins de la Catalogne et de l’Aragon, lesecteur est alors sous la coupe de petits sei-gneurs locaux,qui « jouent manifestement surles deux tableaux », à l’écart mais non loin dela frontière musulmane. Il est aussi disputéentre les deux évêques de Roda et d’Urgell,qui rivalisent pour construire et décorerquinze églises (là où on ne compte plus dixvillages aujourd’hui).La conjoncture religieuse éclaire aussi ledéveloppement des grands cycles sculptéset peints du val de Boí. La Réforme grégo-rienne, qui a placé la mort et la résurrectiondu Christ au chœur de l’année liturgique,est

Samson, samit de soie, Bizance, IXe siècle.

Sainte Femme, bois de poirier, vers 1120-1140.

contestée.Les prêches mais aussi les ensemblesfiguratifs doivent donc réaffirmer la réalitéde la Passion. C’est l’époque où, dans cer-taines régions, les images du Christ mort surla croix se multiplient sur les tympans ou au-dessus des autels.

ConfrontationLa redécouverte,en 2001,de la Sainte Femmealors acquise par l’ARMMA et Areva – la der-nière pièce encore en main privée et quin’était connue que par une mauvaise photode 1930 – a donné envie aux spécialistes derapprocher et de confronter les œuvres,d’af-finer leurs hypothèses et leurs datations.C’estl’objet de l’exposition qui sera présentée dansle frigidarium du 15 septembre au 3 janvier,et qui partira ensuite pour Barcelone,où ellemarquera la réouverture du musée natio-nal d’Art de Catalogne rénové.Un catalogue richement illustré sortirapour l’occasion. Les spécialistes y feront lepoint sur la redécouverte du patrimoine romancatalan, et de l’atelier de Boí en particulier,sur le style de l’artiste de génie qui l’anima,sur l’iconographie développée...Un colloque,organisé avec l’École nationale des chartes àla Sorbonne les 4 et 5 octobre,permettra dedébattre des mêmes questions.Le service culturel proposera aux visiteursde prolonger l’exposition (petite par le nombred’œuvres) par deux parcours – sur l’art cata-lan et sur les œuvres consacrées à la Pas-sion – dans les autres salles du musée. Desvisites-conférences seront bien sûr organi-sées pour les particuliers et les groupes,un cycle de visites approfondi permettra auxconférenciers des musées nationaux de déve-lopper à leur tour le thème de la Passion.Xavier Dectot lui-même consacrera, le7 octobre, le traditionnel " Un mois, uneœuvre " à la Catalogne romane.Des concertspermettront de goûter à la musique cata-lane et une séance de lecture donnera àentendre un texte du XIIe siècle : la Chan-son de Mon Cid. Bref, au musée, l’automnesera décidément roman et catalan. �

• Textiles encore avecl’exposition titrée « L’Egypte,la trame de l’Histoire », quiprésente des tissuspharaoniques, copteset islamiques. Après Rouenet Roanne, elle est présentéeà l‘Institut du monde arabejusqu’au 2 janvier 2005.C’est « notre » conservatriceFlorence Saragoza qui avaitconçu l’exposition avantd’entrer au musée, lequela aussi prêté une dizainede pièces pour les deuxdernières sections.

• Visite : les membres ducongrès international desétudes coptes, réunis à cetteoccasion à Paris, seront reçusau musée le 29 juin. Ilspourront examiner de prèsun choix d’objets relevantde leur champ d’interêt.

• Les Chroniques deFroissart, ce texte si vivantqui couvre les années1325-1400, vont faire l’objetd’une lecture au musée,le 6 novembre, par DenisPodalydès et FrançoiseGillard. La date sera aussicelle de la publication dusecond tome des Chroniquesaux « Lettres gothiques » etd’un colloque qui marquerale sixième centenaire dela mort de l’auteur, sousl’impulsion de Michel Zink.

• Les femmes-relais del’ARIFA, une association demédiation née à Montfermeilanimée par des immigrées,vont bénéficier de huit visites-conférences au musée,comme elles l’ont déjà faitau musée Picasso. À ellesensuite d’accueillir leurentourage devant les œuvres.

• www.musee-moyenage.fra enregistré 145 500connections en 2003.Et déjà près de 105 000à la fin mai 2004.

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Précieux tissagesÉtudes et publications

La publication du catalogue des soieries a fourni l’occasiond’une nouvelle mise en lumière de la salle des textiles.

Exceptionnelle réunion de famille : autour de la Sainte Femmeacquise en 2001, le musée rassemble la totalité des sculptures romanes

si particulières de la vallée de Boí.

Roman et catalan

• Un voyage de presse apermis d’emmener, en juin,treize journalistes françaisoutre-Pyrénées pour visiter lavallée de Boí et voir lesstatues in situ à Viella, Vic etBarcelone. De quoi permettreà l’exposition d’avoir bonnepresse…

• Echange de bons procédés :en contrepartie du prêt deses cinq statues, le muséede Víc va présenter unepetite dizaine de sculpturesde Notre-Dame de Paris àpeu près contemporaines.

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Millefleurs n° 9, juin 2004 98 Millefleurs n° 9, juin 2004

� Cluny. Un grand chantier médiévalau cœur de l'EuropeAnne Baud, Picard (44 €).

Bâtie entre la fin du XIe et le milieu du XIIe

siècle,la troisième abbatiale de Cluny demeure,jusqu'à la construction de Saint-Pierre deRome au XVIe siècle, la plus vaste église del'Occident.Ce monument exceptionnel,donton ne conserve en élévation que le bras suddu grand transept, est le fruit de tech-niques de construction et de conceptionsarchitecturales nouvelles, mises au servicedu projet de société porté par les moines.Ce livre clair et bien illustré fait le point desdernières recherches archéologiques. Il inter-roge les matériaux et les décors aussi bienque les textes,en dégageant l'ambition archi-tecturale et liturgique de cet édifice, l'un des“sommets de l'art médiéval”.

� Une histoire symbolique duMoyen Âge occidentalMichel Pastoureau, Seuil (27 €).

Plus de trente années de recherches surun domaine de connaissance à construire– l'histoire symbolique – sont réunies dansce livre qui reprend, en les reformulant, dif-férents articles de l'auteur. Portant sur unevaste palette de thèmes,de l'animal au végé-tal, de la couleur aux emblèmes et au jeu,en passant par les répercussions de ces sym-boles au-delà du Moyen Âge, cet ouvragenous plonge dans le monde foisonnant del'imaginaire médiéval.

� Le saint lévrier. Guinefort,guérisseur d’enfants depuis le XIIIe siècleJean-Claude Schmitt, Champs-Flammarion(10,19€)

Dans un témoignage unique, le dominicaininquisiteur Etienne de Bourbon († 1261)raconte la légende de saint Guinefort, chienlévrier tué injustement par son maître,dontla tombe,au milieu d'un bois dans la Dombes(Ain),devient le lieu de pèlerinage des femmesqui y apportent leurs enfants malades.L'enquête minutieuse, bâtie à partir de cedocument et du rite qu'il décrit, éclaire unpan significatif de la culture folklorique médié-vale et des réactions de la culture savante

cléricale dans sa lutte contre les “supersti-tions”. Placé sur la longue durée, du XIIIe auXIXe siècle, croisant les méthodes de l'his-toire, de l'ethnologie et de l'archéologie,ce livre a créé l'événement lors de sa publi-cation en 1979.Vingt-cinq ans plus tard,alorsqu'il paraît en format de poche, il garde toutson intérêt.

� L’Europe est-elle née au MoyenÂge ?Jacques Le Goff, Seuil (22 €)

À l'aune de la construction européenne, lecélèbre médiéviste, toujours en phase avecles grandes questions de son temps,méditesur les héritages médiévaux de l'Europe.Par-tant des prémisses anciennes et suivant l'his-toire de l'Occident du IVe au XVe siècle,cet essai s'attache à déceler les différentesstrates de l'élaboration discontinue d'unmodèle européen. Le passage en revue dela longue évolution de la société médiévalese conjugue à la réflexion sur notre propresociété.

Eliana Magnani

• Ménage : l’examen despoussières collectées lors dunettoyage des tapisseries apermit d’édicter des mesurespratiques. L’entreprise denettoyage est priée d’utiliserun aspirateur avec « filtreabsolu ». Des « tapis voraces »vont être disposés auxentrées. Autre préconisation :modifier la circulation de l’airdans l’une des deux seulessalles climatisées du musée.

• Le grand escalierd’honneur, sortie desecours pour le public, vafaire, début 2005, l’objetd’une restauration et d’unemise aux normes pourl’éclairage, le désenfumage,la rampe…

• La commission de sécuritéa aussi demandé le rempla-cement de la trentaine deblocs lumineux marquant lesissues de secours. « C’estune bataille de trous »,raconte la secrétairegénérale du musée, ElisabethLedanois, afin d’éviterau maximum de percer lesmurs antiques ou médiévauxpour passer les câbles.Sécurité/conservation :il faut trouver le meilleurcompromis…

• L’échafaudage massif dufrigidarium est toujours enplace sans que les travauxaient beaucoup avancé surla voûte... Du moins a-t-il étédécidé que la couverture, entuile canal, sera simplementréparée et que les hautesfenêtres seront refaites.

• Étanchéité oblige, unmarronnier a été coupé en2001 sur la terrasse en rez-de-chaussée, côté rue DuSommerard. Il a fallu cettefois désoucher, les racinescontinuant à se développer.7 à 8 m3 ont été extraits du sol.

Parmi les dernières parutions

C’est à Bourges, avec la Sainte-Cha-pelle de Jean de Berry,que s’achè-vera en septembre la découverte

de la vie artistique en France autour de l’an-née 1400.Ce voyage fera suite aux rencontresde printemps au musée du Louvre, ainsiqu’aux deux journées de Dijon consacréesà l’exposition sur le mécénat des ducs deBourgogne et à la visite de l‘architecturede la ville médiévale.En octobre, au musée national du MoyenÂge,Xavier Dectot réservera aux membresde l’association deux présentations « pri-vées » de la statuaire catalane de la valléede Boí.En cette année de célébration de la Chine,de son histoire, de son art, l’ARMMA por-tera ensuite ses regards sur l’Empire du Milieu

à l’époque du Moyen Âge européen, celledes dynasties des Tang,des Song et des Yuan(du VIIe au XIVe siècle).Un programme en deux volets est en pré-paration avec le musée Guimet : un confé-rencier présentera l’évolution des diverscourants spirituels du confucianisme, dutaoisme, du boudhisme et proposera uneapproche de l’imaginaire chinois. L’universreligieux, celui de la cour, celui des lettrésseront ainsi abordés.Cette introduction serasuivie par une présentation des œuvres dansles salles du musée.N’est-ce pas à la suite des récits du voyagede Marco Polo,diffusés à partir de 1298,ques’est enflammé l’imaginaire occidental pourla Chine ? �

Suzanne Establie

L’automne à l’ARMMAAu programme : Bourges, la Catalogne romaneet la Chine... au temps des cathédrales

• L’association a terminél’année 2003 avec 502membres à jour de leurcotisation.

• Jean-Claude Schmitt,historien spécialiste, entreautres, de l’image médiévale,a rejoint le conseild’administration del’ARMMA.

• “ L’actualité du MoyenÂge ” se focalisera surla Catalogne romane, le 24novembre, avec les deuxcommissaires de l’exposition,Jordi Camps i Soria,conservateur à Barcelone,et Xavier Dectot, sonhomologue parisien.

• Autre séance, le 19 janvier,autour de la fantastiqueacquisition de la pagedu lectionnaire de Cluny,avec Daniel Russo,de l’université de Bourgogneà Dijon, et DominiqueIogna-Prat, du CNRS.

• Avec le Bal des Ardents,très beau concert-récitretraçant cette fête tragiquedu 28 janvier 1393,le musée a ajouté une pierreaux multiples événementsorganisés autour dela formidable exposition« Paris 1400 ». Sur les 390spectateurs comblés (sallepleine les trois soirs), 70membres de l’ARMMA ontprofité du tarif ultra-réduitconsenti en échange d’unesubvention de l’association.

• Un mois, une œuvre : lesconférences données chaquepremier jeudi du mois par lesconservateurs ont rassemblé,en moyenne cette année,54 auditeurs le midi et 25 lesoir. Honorable… L’ARMMAva donc persévérer dans lesoutien financier accordéau bis donné en soirée(gardiennage oblige).

Amis du musée Livres

Christine de Pisan (auteur) et le Maître de la Cité des dames (enlumineur) :Œuvres pour Isabeau de Bavière, Paris, vers 1413.

Agenouillée, l’auteur remet son livre à la reine.Manuscrit de la British Library vu à l’exposition « Paris 1400 ».

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� Au Moyen Âge, l’ordre du savoir est orga-nisé en sept arts libéraux, subdivisés en deuxgroupes : le trivium (grammaire, rhétoriqueet dialectique) et le quadrivium (arithmétique,géométrie, astronomie et musique). Lamusique, c’est le Nombre rendu sensible.Or le Nombre révèle la concordance detoutes les parties de l’univers, la perfectionde la création divine. Les anges musiciens,très souvent présents, incarnent cet ordredu monde céleste.

� Mais la musique est aussi celle des hommes,et des désordres inhérents à sa condition…

� Elle est alors souvent représentée par desanimaux musiciens – singes souffleurs detrompette, ânes, renards (et même cochonorganiste sur la miséricorde du musée natio-nal du Moyen Âge) – ou par des person-nages mi-humains,mi-animaux – grotesques,griffons,sirènes – ou encore par des masqueset des fous, agités et qui font beaucoup devacarme à coups de tambours.

� La musique est aussi une pratique sociale…

� …et politique ! Les enluminures commeles comptes princiers montrent que lesjoueurs de trompette sont toujours nom-breux pour accompagner les batailles, lestournois, les noces et banquets, les entréesde ville. Le son du pouvoir manifeste aussison étendue.

� Au fait, subsiste-t-il beaucoup d’œuvres musi-cales médiévales ?

� Les sources sont lacunaires, même s’ilreste quand même beaucoup de choses, sur-tout des œuvres religieuses et des textes detrouvères et de troubadours,parfois accom-pagnés de notations musicales. Quelquestraités de musique nous sont aussi parve-nus, mais très théoriques, sur la musiquecomme science. Les romans et les chro-niques livrent plus d’informations sur les pra-tiques de la musique.Celles-ci ont aussi lais-sé beaucoup de traces dans la comptabilitédes rois ou des ducs.

� Quelle était la forme des notations musicales ?

� Le souci de noter la musique apparaît à

10 Millefleurs n° 9, juin 2004 Millefleurs n° 9, juin 2004 11

À voir et à entendre

tions sur le rythme à adopter, le type d’ac-compagnement et même la prononciationdes mots. Ils nous livrent forcément des re-créations. Mais il est très heureux que l’onpuisse entendre à nouveau tout un réper-toire longtemps oublié. �

Propos recueillis par Marie-Jo Maerel

(1) Martine Clouzot est maître de conférencesen histoire du Moyen Âge à l’université de Bour-gogne à Dijon (et membre de l’ARMMA).

(2) Le catalogue,enrichi d’articles fondamentaux,est co-édité par la Cité de la Musique et la RMN.50 €.

� Paradoxalement, la Cité de la Musiqueaborde la musique médiévale par sa repré-sentation figurée…

� De fait, l’exposition veut donner à voir età entendre. Mais d’abord à voir. La beautéde la centaine d’objets présentés mérite à

elle seule la visite. Nous avons obtenu desprêts de manuscrits extraordinaires de laBN et des bibliothèques d’Angers, Autun,Bruxelles,Cambridge... Les musées aussi ontété très généreux.

� Avez-vous obtenu toutes les œuvres que vousconvoitiez ?

� Non.Certaines œuvres sont indéplaçables,pour des motifs de conservation ou depoids.Plus rageant – et ce n’est pas faute dedémarches – nous n’avons pu faire veniraucun objet d’Italie, tant les valeurs d’assu-rance imposées sont hors de prix. Aucontraire, les Belges sont très arrangeants,aussi peu bureaucratiques que possible. Lesbibliothèques et musées de province semontrent aussi très heureux que l’on s’in-téresse à leurs richesses…

� Quant au parcours musical ?

� Nous avons proposé vingt-trois extraitsd’œuvres représentatives de la diversité desépoques (du grégorien au chant polypho-nique) et des genres (religieux, courtois,parodique…). Ils peuvent toujours être écou-

tés grâce au CD qui accompagne le cata-logue (2).

� Pourquoi avoir fait cette exposition ?

� Parce qu’elle n’avait jamais été faite, ni enEurope ni aux Etats-Unis. L’idée d’originerevient à Isabelle Marchesin, ma collègue del’université de Poitiers qui travaille sur lesreprésentations symboliques de la musique.Et Dieu sait que ces représentations sonttrès, très nombreuses dans le monde médié-val, sur les vitraux, les chapiteaux, les ivoires,les manuscrits… Mais notre propos a été demontrer comment on représente la musiqueet pourquoi ? Pas seulement pour elle-mêmemais parce que le vocabulaire musical per-met de décrire le monde.

� Pour vous, la musique serait une disciplinemathématique ?

la fin du VIIIe siècle. Comme on le voit dansles manuscrits de l’époque romane, elle ad’abord été indiquée par des neumes, c’est-à-dire par des petits signes de type sténo-graphique, des " pattes de mouche " qu’onremarque à peine au-dessus des mots.À par-tir du XIIe siècle,on trace quatre lignes avecdes notes en forme de carrés ou de losanges.À partir du XIVe siècle, le système se sophis-tique, avec des portées de cinq lignes rougeset des notes marquées en noir.

� Comment la musique évolue-t-elle ?

� Du début du Moyen Âge, nous sont par-venues des monodies,c’est-à-dire des chantsà une voix.La polyphonie se développe dansles cours à partir du XIVe siècle. Au départ,le pape se prononce violemment contrecette nouvelle mode, qui gène la compré-hension des mots. Et puis, il l’adopte trèsvite. Les plus belles messes polyphoniquesont été composées à Avignon et à Rome,pour les papes.

� A-t-on une idée de ce qu’était la musiquepopulaire ?

� On la connaît moins bien,même si nous enavons un écho dans des œuvres comme leRoman de Fauvel ou dans la musique courtoi-se. Car ceux qui écrivaient la musique ne l’in-ventaient pas de toutes pièces, ils reprenaientdes airs. Il n’y a pas de coupure radicale entre

musique savante et musique populaire. Onjouait de la musique dans toute la société etil y avait des aller et retour entre toutes lesformes d’expression. Exemple : le peupleentendait la musique religieuse à l’église.

� Les interprétations actuelles sont-elles fidèlesau son de jadis ?

� Qui peut le dire ? La musique se trans-mettait par voie orale, on ne lisait pas departition pour jouer, les manuscrits ne men-tionnent souvent que quelques notes, pourmémoire. Les professionnels d’aujourd’huise posent d’ailleurs de nombreuses ques-

Chantres devant un lutrin, Bible, bibliothèque Mazarine, Paris, XIIe siècle.

Miséricorde avec cochon organiste, stalle de chœur, bois de chêne, France de l’est (?), XVe siècle

«Moyen Âge, entre ordre et désordre » : le musée de la Musique accueille sous ce titreune belle exposition sur les représentations de la musique dans l’iconographie médiévale.

L’une des trois commissaires, Martine Clouzot(1), explique pourquoi.

Le tour des CDMare nostrumChant grégorien, troubadours et motets en Languedoc-Roussillon, par l’ensemble Discantusdirigé par Brigitte Lesne. Editions Jade, 2004, 22,70 €.L’alternance des chants du répertoire grégorien avec les chansons pieuses de trouba-dours en langue d’oc du XIIe siècle (Guiraut Riquier,Peire Cardenal,Raimon de Miraval,Foulque de Lunel) et des motets latins du XIIIe crée une palette sonore d’une grandehomogénéité. La qualité exceptionnelle des voix de femmes de l’ensemble Discantus,accompagnées par les cloches à main, insuffle une vitalité et un souffle d’une rare per-fection à ce répertoire sacré et poétique.

Guillaume Dufay (c. 1400-1474)Missa Se la face ay pale, par Diabolus in Musica dirigé par Antoine Guerber. Alpha, 2004,24,25 €.La Missa se la face ay pale du grand compositeur Guillaume Dufay est un joyau durépertoire vocal polyphonique du XVe siècle.Dans cettemesse somptueuse,écrite entre1452 et 1458 à la demande du duc Louis de Savoie, les cinq voix d’hommes s’entremê-lent avec une ingéniosité et une complexité toutes mathématiques qui donnent à l’en-semble une impression de simplicité bien ordonnée. Le groupe Diabolus in Musica a suallier à la perfection la rationalité et la sensibilité de cette œuvre magistrale.©

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12 Millefleurs n° 9, juin 2004

� LimogesLa Vierge de Moussac-sur-VienneMusée de l’EvêchéJusqu’au 26 septembre

� New YorkByzance : Foi et Pouvoir(1261-1557)Metropolitan MuseumJusqu’au 4 juillet

� Nogent-le-RotrouLe roman des Nogentais :des origines à la guerrede Cent AnsMusée-château Saint-JeanJusqu’au 20 septembre

� OrléansLumières de l'an milen OrléanaisMusée des Beaux-ArtsJusqu'au 11 juillet

� ParisMoyen Âge, entre ordreet désordreMusée de la MusiqueJusqu’au 27 juin

Paris 1400, les arts sousCharles VILouvreJusqu’au 19 juillet

Retable de Poissy, l’atelierdes EmbriachiLouvreJusqu’au 28 juin

� RouenVivre à Rouen à la findu Moyen ÂgeMusée départementaldes AntiquitésJusqu’au 31 octobre

� ToulouseSaints de chœur. Tapisseriesdu Moyen Âge etde la RenaissanceJacobins, jusqu’au 30 aoûtEnsuite à Caen

� AvilaIsabelle de CastilleMonastère de Notre-Damede Gracia MadrigalJusqu’au 1er août

� BarceloneSplendeur de la MéditerranéemédiévaleMusée maritimeJusqu’au 27 septembre

� BratislavaLes chemins qui firentl’Europe : Saint-Jacquesde Compostelle et sonpèlerinageSlovenské NarodnéMuzeumDu 15 septembreau 19 novembre(L’exposition ira ensuiteà Cracovie)

� BloisLouis d’Orléans et ValentineVisconti : mécénat etpolitiqueChâteau de BloisJusqu’au 26 septembre

� BourgesLa Sainte Chapelle deBourgesMusée du BerryJusqu'au 31 octobre

� ChantillyLes Très Riches Heures duduc de Berry et l’enluminureen France au début du XVe s.Musée Condé, châteaude ChantillyJusqu’au 2 août

� DijonL’art à la cour de Bourgogne.Le mécénat de Philippele Hardi et de Jean sans PeurMusée des Beaux-ArtsJusqu’au 15 septembre(L’exposition part ensuitepour Cleveland)

Si vous passez par...

est édité par l ’A R M M A (Association pour le rayonnementdu musée national du Moyen Âge), 6, place Paul-Painlevé, 75005 Paris.Téléphone : 01 53 73 78 28 - Courriel : armma@wanadoo. frDirecteur de la publication : Christian GiacomottoRédaction : Marie-Jo Maerel, Martine Clouzot, Eliana Magnani,avec la collaboration de Elisabeth Clavé, Xavier Dectot, Julia Fritsch,Marie-Christine Gérand, Viviane Huchard, Sophie Lagabrielle,Elisabeth Ledanois, Jeannine Mercier, Florence SaragozaImpression : Imp’Actes, 91260 La Ville-du-BoisDépôt légal : deuxième trimestre 2004 - ISSN : 1621-8000

Expositions autour du Moyen Âge

Les Très Riches heures du duc de Berry, mois d’août.Miniature des frères Limbourg au musée Condé de Chantilly.

Vers 1440-1450.

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