Abraham, père de tous les croyants - Expositions...

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« Père de tous les croyants » pour les juifs, les chrétiens et les musulmans, c’est-à-dire pour quelque deux milliards d’hommes, le personnage d’Abraham marque l’entrée du monothéisme dans l’Histoire. Sa destinée nous est contée dans la Bible et rappelée dans le Nouveau Testament et le Coran. L’importance de sa figure dépend moins de son historicité – au demeurant très hypothétique – que du symbole qu’il représente, à savoir le bouleversement sans précédent que sa rencontre avec un nouveau dieu, invisible et unique, a suscité. Destinataire des promesses divines, Abraham a cru en la parole de Dieu ; il lui a obéi et il est devenu ainsi le modèle par excellence du croyant. La Bible raconte que c’est en Mésopotamie, quelque 1800 ans avant notre ère, qu’Abraham entendit une voix l’exhortant à quitter le pays de son père et lui promettant une immense postérité. Obéissant sans hésitation à cet appel (Genèse 12, 25), Abraham quitte son pays pour s’en aller vers cette Terre promise qui sera appelée plus tard le pays d’Israël. Il voit s’accomplir la promesse divine par la naissance de ses deux fils : Ismaël, engendré par sa servante Agar, puis, treize ans plus tard, Isaac (« Dieu rit »), né miraculeusement de sa femme Sara, très âgée et stérile. Sur le mont Moriah, un ange du seigneur substitue un bélier à l’enfant qu’obéissant dans la foi à l’ordre divin, il s’apprêtait à sacrifier. Ismaël aura douze fils, comme le fils d’Isaac, Jacob, dont les douze fils fonderont les douze tribus d’Israël. La tradition fera du premier l’ancêtre des Bédouins du désert, et par extension des musulmans, et de Jacob, l’ancêtre du peuple d’Israël. Selon la généalogie biblique, Abraham précède Moïse, dont la Loi constitue le cœur du judaïsme. La tradition hébraïque le désigne ainsi parfois comme « proto-juif ». Parce qu’il a adhéré au monothéisme originel en rejetant les croyances polythéistes de ses pères, il est considéré comme le premier vrai croyant par les juifs, les chrétiens et les musulmans. Dans la généalogie qui ouvre son Évangile, Matthieu place Jésus comme son descendant direct, le nommant même « fils d’Abraham », tandis que les musulmans désignent Abraham comme un hanif, le premier vrai musulman, « soumis » à Dieu. Abraham, père de tous les croyants «Par toi se béniront toutes les nations de la terre.» (Genèse 12, 1-4) Dans le sein d’Abraham « Un pauvre, nommé Lazare, était couché à sa porte, couvert d’ulcères et désireux de se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche ; et même les chiens venaient encore lécher ses ulcères. Le pauvre mourut, et il fut porté par les anges dans le sein d’Abraham » (Luc 16, 19). Refuge de tous les justes quelle que soit leur confession, le « sein d’Abraham » est le symbole chrétien de la paternité universelle de ce patriarche. Ici, on voit Abraham portant sur ses genoux les justes de toutes les nations de la Terre et de toutes confessions, caractérisés par la différence de leurs coiffures et de leurs chapeaux. Bible de Souvigny abbaye de Souvigny (Allier), fin du XII e siècle, parchemin, Moulins, bibliothèque municipale classée, manuscrit 1, f. 256. L’appel d'Abraham L’« appel d’Abraham » est l’acte de naissance du monothéisme : Abraham, qui n’est alors encore qu’Abram, entend une voix inconnue, représentée ici symboliquement par un ange, qui lui demande de partir vers une terre qu’il ne connaît pas. Abram se met en route, comme le suggère le bâton qu’il tient à la main. Cette soumission à un dieu inconnu devient bientôt Alliance, faisant d’Abraham le « père d’une multitude de nations ». Haggadah de Pâque Allemagne, 1450-1470, parchemin, BNF, Manuscrits orientaux, hébreu 1333, f. 9 v°. La ligature d’Isaac L’épisode dit du « sacrifice d’Isaac » est un événement fondateur du judaïsme ; symbole tout autant de la foi d’Abraham prêt à sacrifier son fils que de la soumission d’Isaac au commandement de Dieu, ce récit inscrit l’Alliance divine dans un projet de vie. Cet acte de foi est au cœur du judaïsme, tout comme le monument qui fut construit pour le célébrer : le Temple de Jérusalem, symboliquement représenté ici par un chandelier à sept branches. Pentateuque Poligny (Jura), 1300, parchemin, 364 f., 51 x 35 cm, BNF, Manuscrits orientaux, hébreu 36, f. 283 v°. Le sacrifice du fils L’épisode du sacrifice du fils est un épisode commun aux trois grands monothéismes même si les interprétations qui en sont faites par les traditions diffèrent. Le texte coranique ne mentionne pas le nom du fils que la tradition musulmane interpréta comme étant Ismaël, le premier fils d’Abraham. Mais pour les trois traditions, cette épreuve fait d’Abraham le prédicateur d’une nouvelle religion, le monothéisme. Qesas-e Qor’ân ou Qesas al-anbiyâ’ (Histoire du Coran ou Histoire des prophètes et des rois du passé) Qazvîn (?), Iran, vers 1595, papier, 192 f., BNF, Manuscrits orientaux, supplément persan 1313, f. 40. D’Isaac au Christ Pour les chrétiens, l’épisode du sacrifice d’Abraham se lit comme une préfiguration du sacrifice de Jésus. Sur cette première page de la Vulgate sixto-clémentine, la vignette représentant le sacrifice du fils est mise en exergue, l’holocauste du bélier annonçant le sacrifice de Jésus sur la Croix représenté dans la vignette du bas. Biblia sacra vulgatae editionis Sixti Quinti pont. Max. jussu recognita atque edita Romae ex Typographia Apostolica Vaticana, M.D.XCII (1592), (12)-1131-23 p., in-fol., BNF, Réserve des livres rares, Résac. A. 217

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« Père de tous les croyants » pour les juifs, leschrétiens et les musulmans, c’est-à-dire pourquelque deux milliards d’hommes, lepersonnage d’Abraham marque l’entrée dumonothéisme dans l’Histoire. Sa destinéenous est contée dans la Bible et rappeléedans le Nouveau Testament et le Coran.L’importance de sa figure dépend moins deson historicité – au demeurant trèshypothétique – que du symbole qu’ilreprésente, à savoir le bouleversement sansprécédent que sa rencontre avec un nouveaudieu, invisible et unique, a suscité.Destinataire des promesses divines, Abrahama cru en la parole de Dieu ; il lui a obéi et ilest devenu ainsi le modèle par excellence ducroyant. La Bible raconte que c’est en Mésopotamie,quelque 1800 ans avant notre ère,qu’Abraham entendit une voix l’exhortant àquitter le pays de son père et lui promettantune immense postérité. Obéissant sanshésitation à cet appel (Genèse 12, 25),Abraham quitte son pays pour s’en aller verscette Terre promise qui sera appelée plustard le pays d’Israël. Il voit s’accomplir lapromesse divine par la naissance de ses deux

fils : Ismaël, engendré par sa servante Agar,puis, treize ans plus tard, Isaac (« Dieu rit »),né miraculeusement de sa femme Sara, trèsâgée et stérile. Sur le mont Moriah, un angedu seigneur substitue un bélier à l’enfantqu’obéissant dans la foi à l’ordre divin, ils’apprêtait à sacrifier.Ismaël aura douze fils, comme le fils d’Isaac,Jacob, dont les douze fils fonderont les douzetribus d’Israël. La tradition fera du premierl’ancêtre des Bédouins du désert, et parextension des musulmans, et de Jacob,l’ancêtre du peuple d’Israël. Selon la généalogie biblique, Abrahamprécède Moïse, dont la Loi constitue le cœurdu judaïsme. La tradition hébraïque ledésigne ainsi parfois comme « proto-juif ».Parce qu’il a adhéré au monothéisme originelen rejetant les croyances polythéistes de sespères, il est considéré comme le premier vraicroyant par les juifs, les chrétiens et lesmusulmans. Dans la généalogie qui ouvreson Évangile, Matthieu place Jésus commeson descendant direct, le nommant même« fils d’Abraham », tandis que les musulmansdésignent Abraham comme un hanif, lepremier vrai musulman, « soumis » à Dieu.

Abraham,père de tous les croyants«Par toi se béniront toutes les nations de la terre.»(Genèse 12, 1-4)

Dans le sein d’Abraham

« Un pauvre, nommé Lazare, étaitcouché à sa porte, couvert d’ulcères etdésireux de se rassasier des miettes quitombaient de la table du riche ; etmême les chiens venaient encore lécherses ulcères. Le pauvre mourut, et il futporté par les anges dans le seind’Abraham » (Luc 16, 19). Refuge detous les justes quelle que soit leurconfession, le « sein d’Abraham » est lesymbole chrétien de la paternitéuniverselle de ce patriarche. Ici, on voitAbraham portant sur ses genoux lesjustes de toutes les nations de la Terreet de toutes confessions, caractériséspar la différence de leurs coiffures et deleurs chapeaux.

Bible de Souvignyabbaye de Souvigny (Allier), fin du XIIe siècle,parchemin, Moulins, bibliothèque municipaleclassée, manuscrit 1, f. 256.

L’appel d'Abraham

L’« appel d’Abraham » estl’acte de naissance dumonothéisme : Abraham,qui n’est alors encorequ’Abram, entend une voixinconnue, représentée icisymboliquement par unange, qui lui demande departir vers une terre qu’il neconnaît pas. Abram se met

en route, comme le suggèrele bâton qu’il tient à la main.Cette soumission à un dieuinconnu devient bientôtAlliance, faisant d’Abrahamle « père d’une multitude denations ».

Haggadah de PâqueAllemagne, 1450-1470, parchemin,BNF, Manuscrits orientaux, hébreu1333, f. 9 v°.

La ligature d’Isaac

L’épisode dit du « sacrificed’Isaac » est un événement fondateur du judaïsme ;symbole tout autant de la foid’Abraham prêt à sacrifierson fils que de la soumissiond’Isaac au commandementde Dieu, ce récit inscritl’Alliance divine dans unprojet de vie. Cet acte de foi

est au cœur du judaïsme,tout comme le monumentqui fut construit pour lecélébrer : le Temple deJérusalem, symboliquementreprésenté ici par unchandelier à sept branches.

Pentateuque Poligny (Jura), 1300, parchemin,364 f., 51 x 35 cm, BNF,Manuscrits orientaux, hébreu 36, f. 283 v°.

Le sacrifice du fils

L’épisode du sacrifice du filsest un épisode commun auxtrois grands monothéismesmême si les interprétationsqui en sont faites par lestraditions diffèrent. Le textecoranique ne mentionne pasle nom du fils que latradition musulmaneinterpréta comme étant

Ismaël, le premier filsd’Abraham. Mais pour lestrois traditions, cette épreuvefait d’Abraham leprédicateur d’une nouvellereligion, le monothéisme.

Qesas-e Qor’ân ou Qesas al-anbiyâ’(Histoire du Coran ou Histoire desprophètes et des rois du passé)Qazvîn (?), Iran, vers 1595, papier,192 f., BNF, Manuscrits orientaux,supplément persan 1313, f. 40.

D’Isaac au Christ

Pour les chrétiens, l’épisodedu sacrifice d’Abraham se litcomme une préfiguration dusacrifice de Jésus. Sur cettepremière page de la Vulgatesixto-clémentine, la vignettereprésentant le sacrifice dufils est mise en exergue,l’holocauste du bélier

annonçant le sacrifice deJésus sur la Croix représentédans la vignette du bas.

Biblia sacra vulgatae editionis SixtiQuinti pont. Max. jussu recognitaatque edita Romae ex TypographiaApostolica Vaticana, M.D.XCII(1592), (12)-1131-23 p., in-fol.,BNF, Réserve des livres rares,Résac. A. 217