A qui proposer une angioplastie carotidienne en 2011

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14/11/2011 A QUI PROPOSER UNE ANGIOPLASTIE CAROTIDIENNE EN 2011 ? Technique séduisante développée dans les années 80, percutanée, pratiquée sans anesthésie générale, avec une durée d’hospitalisation brève, l’angioplastie carotidienne est passée du succès immense aux affres du désamour. Entre excès de tous côtés, entre ses fervents partisans et ses détracteurs acharnés, qu’en est-il exactement, quelle est sa place, à quels types de patients s’adresse cette méthode ? hez les patients symptomatiques porteurs d’une sténose carotidienne de plus de 50 %, la chirurgie fait nettement mieux que l’angioplastie. Les résultats des grandes études publiées récemment (EVA 3S, Space, Crest, ICSS) ont tous été concordants : la chirurgie bat l’angioplastie par KO !!! Prenons l’exemple de l’étude française EVA 3S (1) qui a porté sur 500 patients porteurs d’une sténose carotidienne symptomatique de plus de 60 % et arrêtée prématurément en 2005 : le TCMM (taux combiné de morbi- mortalité) a été de 3 % pour la chirurgie et de 10 % pour l’angioplastie. Et chose curieuse mais qui s’explique, plus les centres d’angioplastie étaient expérimentés, plus leur TCMM était élevé. Ces centres s’attaquaient en fait à des lésions de plus en plus complexes. Il n’y a donc aujourd’hui quasiment plus d’indication de la chirurgie carotidienne chez le patient symptomatique en dehors peut être des malades instables avec AIT répétés ou sub-intrants. Qu’en est-il chez le patient asymptomatique ? Les études ACAS puis ACST ont démontré le bénéfice de la chirurgie chez les patients porteurs d’une sténose carotidienne de plus de 60 %. Mais ce bénéfice est nettement plus faible que pour les patients symptomatiques : dans l’étude ACAS, il faut traiter 83 malades à 2 ans pour éviter un événement. Par ailleurs, les travaux de Peter Rothwell récemment publiés (2) ont montré que sous traitement « vasculaire » optimal (inhibiteurs de l’angiotensine, statines, anti- agrégants plaquettaires) le risque ischémique cérébral d’une sténose carotidienne asymptomatique passait de 2 % à 0,38 % par an. Dans ces conditions, y-a-t-il une place pour l’angioplastie ? Chez le patient à risque normal, aucune étude n’a montré à ce jour le bénéfice de l’angioplastie. Deux études sont en gestation, TACIT et ACST 2, qui vont randomiser les patients en 3 groupes : angioplastie, chirurgie, traitement médical. On conçoit très bien que le nombre de patients devra être considérable et la sélection des centres très rigoureuse. En revanche, chez certains types de patients notamment ceux porteur d’une sténose radique ou d’une resténose post- chirurgicale, l’angioplastie pourrait trouver une bonne indication. Ces faits doivent être tempérés par une évolution très lente des resténoses qui sont le plus souvent asymptomatiques et par un taux de resténose intra-stent élevé de l’ordre de 25 % dans les sténoses radiques. Qu’en est-il chez le malade à haut risque chirurgical ? Certains auteurs dont K. Ouriel de la Cleveland Clinic (3) ont montré l’augmentation nette du risque de la chirurgie carotidienne chez les malades à haut risque. Ceux-ci sont définis par l’existence d’une coronaropathie (ATP ou pontage < 6 mois), d’une insuffisance cardiaque, respiratoire ou rénale (créatininémie > 250 mmol / l). Par ailleurs, l’étude Sapphire dont la méthodologie est très discutable et l’auteur contesté, a montré une diminution de décès, AVC, infarctus myocardiques Q et non Q, dans le groupe angioplastie par rapport au bras chirurgie. On le voit donc après ce bref survol, les indications de l’angioplastie carotidienne sont très limitées chez les patients symptomatiques et restreintes aux sténoses radiques, aux resténoses et aux malades à haut risque chez les patients asymptomatiques. A qui donc proposer une angioplastie carotidienne ? …/… C

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ANGIOPLASTIE CAROTIDIENNE EN 2011

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A QUI PROPOSER UNE ANGIOPLASTIE CAROTIDIENNE EN 2011 ? Technique séduisante développée dans les années 80, percutanée, pratiquée sans anesthésie générale, avec une durée d’hospitalisation brève, l’angioplastie carotidienne est passée du succès immense aux affres du désamour. Entre excès de tous côtés, entre ses fervents partisans et ses détracteurs acharnés, qu’en est-il exactement, quelle est sa place, à quels types de patients s’adresse cette méthode ?

hez les patients symptomatiques porteurs d’une sténose carotidienne de

plus de 50 %, la chirurgie fait nettement mieux que l’angioplastie. Les résultats des grandes études publiées récemment (EVA 3S, Space, Crest, ICSS) ont tous été concordants : la chirurgie bat l’angioplastie par KO !!! Prenons l’exemple de l’étude française EVA 3S (1) qui a porté sur 500 patients porteurs d’une sténose carotidienne symptomatique de plus de 60 % et arrêtée prématurément en 2005 : le TCMM (taux combiné de morbi-mortalité) a été de 3 % pour la chirurgie et de 10 % pour l’angioplastie. Et chose curieuse mais qui s’explique, plus les centres d’angioplastie étaient expérimentés, plus leur TCMM était élevé. Ces centres s’attaquaient en fait à des lésions de plus en plus complexes. Il n’y a donc aujourd’hui quasiment plus d’indication de la chirurgie carotidienne chez le patient symptomatique en dehors peut être des malades instables avec AIT répétés ou sub-intrants.

Qu’en est-il chez le patient asymptomatique ? Les études ACAS puis ACST ont démontré le bénéfice de la chirurgie chez les patients porteurs d’une sténose carotidienne de plus de 60 %. Mais ce bénéfice est nettement plus faible que pour les patients symptomatiques : dans l’étude ACAS, il faut traiter 83 malades à 2 ans pour éviter un événement. Par ailleurs, les travaux de Peter Rothwell récemment publiés (2) ont montré que sous traitement « vasculaire » optimal (inhibiteurs de l’angiotensine, statines, anti-agrégants plaquettaires) le risque ischémique cérébral d’une sténose carotidienne asymptomatique passait de 2 % à 0,38 % par an. Dans ces conditions, y-a-t-il une place pour l’angioplastie ? Chez le patient à risque normal, aucune étude n’a montré à ce jour le bénéfice de l’angioplastie. Deux études sont en gestation, TACIT et ACST 2, qui vont randomiser les patients en 3 groupes : angioplastie, chirurgie, traitement médical. On conçoit très bien que le nombre de patients devra être considérable et la sélection des centres très rigoureuse. En revanche, chez certains types de patients notamment ceux porteur d’une sténose radique ou d’une resténose post-chirurgicale, l’angioplastie pourrait trouver une bonne indication.

Ces faits doivent être tempérés par une évolution très lente des resténoses qui sont le plus souvent asymptomatiques et par un taux de resténose intra-stent élevé de l’ordre de 25 % dans les sténoses radiques. Qu’en est-il chez le malade à haut risque chirurgical ? Certains auteurs dont K. Ouriel de la Cleveland Clinic (3) ont montré l’augmentation nette du risque de la chirurgie carotidienne chez les malades à haut risque. Ceux-ci sont définis par l’existence d’une coronaropathie (ATP ou pontage < 6 mois), d’une insuffisance cardiaque, respiratoire ou rénale (créatininémie > 250 mmol / l). Par ailleurs, l’étude Sapphire dont la méthodologie est très discutable et l’auteur contesté, a montré une diminution de décès, AVC, infarctus myocardiques Q et non Q, dans le groupe angioplastie par rapport au bras chirurgie. On le voit donc après ce bref survol, les indications de l’angioplastie carotidienne sont très limitées chez les patients symptomatiques et restreintes aux sténoses radiques, aux resténoses et aux malades à haut risque chez les patients asymptomatiques. A qui donc proposer une angioplastie carotidienne ? …/…

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Il y a des indications acceptées : Il s’agit des sténoses serrées non athéromateuses (radiques, post-endartériectomies et dysplasiques) et des sténoses athéromateuses avec accès chirurgical difficile (cou hostile, lésion haute, sténoses en tandem). Il y a des indications sélectives avec décision multidisciplinaire : Il s’agit des malades avec comorbidités sévères contre-indiquant la chirurgie et des occlusions de la carotide interne controlatérale.

Enfin il y a des non-indications (plutôt que contre-indications), il s’agit : des sténoses asymptomatiques sans co-morbidité ou des sténoses symptomatiques n’entrant pas dans le cadre d’un essai randomisé, des facteurs de mauvais pronostic que sont l’âge > 80 ans et les calcifications circonférentielles. Des conditions de navigations dangereuses (crosse déroulée, sinuosité carotidienne) rendant ce geste beaucoup plus délicat.

Pr Serge COHEN, Marseille

Bibliographie 1) Mas JL, Chatellier G, Beyssen B, et al. Endarterectomy versus stenting in patients with symptomatic severe carotid stenosis. N Engl J Med 2006; 355(16): 1660-71. 2) Rotwell P, Marquardt L, Stroke 2010 ; 41 :e11-e17. 3) Ouriel K, Hertzer NR Beven EG, et al. Preprocedural risk stratification: identifying an appropriate population for carotid stenting. J Vasc Surg 2001; 35: 728-32.