A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la...

31
A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE LANGAGE AVEC E. BENVENISTE ================

Transcript of A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la...

Page 1: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE LANGAGE AVEC E. BENVENISTE ================

Page 2: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

ADOPO Assi François

A la conquête de la Subjectivité dans le langage avec E. Benveniste

«Bien des notions en linguistique (...) apparaîtront sous un jour différent si on les rétablit dans le cadre du discours qui est la langue en tant qu’assumée par l’homme qui parle et dansla situation d’intersubjectivité, qui seule rend possiblela communication linguistique1».

RESUME

Ce texte est produit à partir d’une relecture des Problèmes de Linguistique Générale (PLG) de E. Benvéniste. Son ambition est simple : suivre le linguiste E. Benvéniste dans son souci de mettre au point un «modèle» linguistique en posant les conditions de possibilité d’une linguistique de la subjectivité qui ne rompt pas avec les principes fondamentaux de la linguistique comme discipline scientifique.

Au terme de ce parcours nous avons découvert, confirmant ainsi les travaux issus de la pensée du linguiste, qu’il a mis au point un véritable système «égophorique», avec un cadre conceptuel bien déterminé : l’appareil formel de l’énonciation. Ce qui lui a permis de rendre compte de ce nouvel objet en ouvrant, pour les linguistes, un nouvel espace d’investigation, celui de la subjectivité dans le langage.

ABSTRACT :

This study is result of a new reading of Problèmes de Linguistique Générale by E. Benvéniste. It simply aims at retracing how E. Benvéniste set on foot a « linguistic model » specifying the possible conditions of linguistic approach to subjectivity, an approach which is not in total opposition with the fundamental of linguistics as scientific discipline.

At the end of this round up, we have found, in the right lines with his thoughts, that he did devise a real « egocentric » system with a very precise conceptual framework: the theoretical framework of enunciation. This framework proved operational as it allowed E. Benveniste to account for a new topic and to open a new field of investigation: subjectivity in language.

1E. Benveniste, Problèmes de linguistique générale, 1966, p. 266

2

Page 3: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

LA SUBJECTIVITE DANS LE LANGAGE

INTRODUCTION

La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le langage, l’accueil favorable dont elle a pu bénéficier, comme l’ont d’ailleurs été bon nombre de concepts venus des disciplines connexes à la linguistique, au sein des spécialistes de la langue : la valorisation ou l’exploitation linguistique qui s’en est suivie, a ouvert à la réflexion sur la langue un nouvel espace d’investigation qui touche au domaine complexe du sujet dans la langue, problématique traditionnellement rejetée en dehors des limites de la linguistique, telles que F. de Saussure et N. Chomsky l’avaient précieusement dégagées

Cette ouverture, qui a pris de l’importance surtout à partir de E. Benveniste, a valeur de rupture en ce qu’elle propose une approche du fait linguistique qui semble rompre avec les sacro-saints principes du structuralisme et du générativisme orthodoxes, bien moins préoccupées par tout ce qui touche à l’aspect « énonciatif et pragmatique » de la langue où la subjectivité apparaît, que par des aspects formels et logico-mathématiques de la langue qui font «l’épochè » (mise entre des parenthèses, au sens du phénoménologue E. Husser1) du JE qui, selon E. Benveniste « s’approprie du mécanisme entier de la langue pour signifier et référer » , l’objectif étant ici de résoudre des questions de langue employée en tant que système de formes (et /ou algorithme pur) et combinaison des formes.

Le locuteur envisagé dans l’activité de la mise en œuvre de la langue, telle est la piste de réflexion nouvelle qu’ouvre le linguiste E. Benveniste.

Mais cette option, qui consacra ce locuteur-auditeur comme objet de la linguistique, n’a jamais été perçue par E. Benveniste lui-même comme une remise en cause des fondements théoriques et pratiques du structuralisme mais une orientation, une piste qui vient enrichir le champ, le domaine de la linguistique. A tous égards, l’approche reste fidèle à l’esprit du structuralisme tant dans les démarches que dans les objectifs visés par la théorie et le modèle structuraliste ; mais rompt , il est vrai, avec les exigences d’une forme d’analyse du fait linguistique qui, au nom de la « science » et des sacro-saints principes qui la gouvernent, a pratiquement jeté le discrédit sur le sujet utilisateur de la langue, celui que E. Benveniste nomme ici la « subjectivité dans le langage » qu’il tente d’ ériger en objet de la linguistique comme discipline « nomothétique ». Comme E. Benveniste a su le mettre en lumière, l’institutionnalisation de ce nouvel objet, avec les caractéristiques qui lui sont propres, ne l’a pas conduit à se détourner des voies et objectifs fondamentaux de la linguistique. Son ambition en effet n’est pas de rompre avec les amarres de l’esprit scientifique qui gouverne la

3

Page 4: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

ADOPO Assi François

linguistique depuis le 19ème siècle, mais de constituer, au sens de fonder, une autre linguistique, qui exige un autre type de modèle, aux côtés de celui fondé par le genevois, pour résoudre scientifiquement les problèmes théoriques et pratiques que semble susciter la question « insolite » de la subjectivité dans le langage.

L’ambition ici c’est de nous proposer le parcours suivi par E. Benveniste, les orientations qu’il proposa alors, les réactions de quelques linguistes et les implications aujourd’hui pour la linguistique qu’on voudrait voir sortir de l’état de « linguistique bloquée2 » pour une linguistique nouvelle qui, à en croire à C. Kerbrat-Orecchioni3, attend son « troisième fondateur ».

I. L’état des lieux

«Tout est subjectif dans le langage (...) Mais il nous semble plus intéressant de dépasser cette affirmation éculée en tentant de clarifier le statut (...) de cette bien envahissante subjectivité4».

Les modèles linguistiques conçus à partir de F. de Saussure et N. Chomsky ont administré la preuve de leur efficacité en fournissant les moyens aux linguistes d’aboutir à une connaissance profonde des langues à travers l’organisation et le fonctionnement des « structures »respectives des langues qui ont été étudiées. Le pas décisif dans la connaissance des langues par leurs « structures »a été opéré ces dernières années par N. Chomsky, malgré l’aversion qu’il a pour le structuralisme, en proposant l’approche la plus structurale qui a permis de découvrir les principes abstraits qui gouvernent la « structure » des langues d’une part, et de comprendre que les langues dans leur fonctionnement obéissent à des principes et à des paramètres, de l’autre. Telle l’orientation que propose le programme minimaliste (le dernier modèle qui est en rupture avec les modèles précédents ; il est caractérisé par sa simplicité et sa généralité); lequel stipule qu’en réalité entre les langues, il n’ y a pas autant de différences qu’on se l’imagine, les langues, dans leur singularité, ne se différenciant que par des écarts minimes, des paramètres.

L’orientation et l’objectif de ces modèles malgré leurs différences sont clairs et nets : il ne s’agit point de rendre compte de la subjectivité dans le langage, celle-ci demeurant une inconnue qui échappe à ces modèles (structuraliste et générativiste) qui ne peuvent de ce fait en rendre compte en toute rigueur .

C’est à E. Benveniste, partisan actif du structuralisme, contemporain de l’émergence de la grammaire générative te transformationnelle et de la 2 L’idée est de C. Kerbrat-Orecchioni, 1980, p.53 C. Kerbrat-Orecchioni, op.cit4C. Kerbrat-Orecchioni, 1980, p.149.

4

Page 5: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

LA SUBJECTIVITE DANS LE LANGAGE

philosophie analytique5, qu’est revenu le mérite d’avoir introduit pour la première fois en linguistique, le concept de subjectivité (dans le langage) et de lui avoir insufflé un contenu que n’ont d’ailleurs jamais cessé de monnayer les linguistes favorables à la linguistique du sujet6. En effet, c’est de la même problématique celle de la subjectivité dans le langage (ou de l’énonciateur structurant, de l’énonceur psychosocial), qu’on tente de faire percevoir par-delà la diversité des approches et/ou modèles théoriques mis en place7.

On note ici que même si E. Benveniste n’a pas eu le temps de mettre au point ce modèle, comme le feront peu après lui A. Culioli et H. Adamczewski, le linguiste E. Benveniste a néanmoins posé les bases de ce que C. Hagège a appelé près lui, l’ «égophorique» comme voie d’accès à cette subjectivité comme instances constitutives ou indices ( les fameux indices de personnes) de l’énonciation. Pour le linguiste, seule l’énonciation , qui a une structure dialogique demeure le domaine, l’espace privilégié où la subjectivité apparaît comme le paramètre essentiel autour duquel s’édifie l’énonciation, comme production linguistique, qui la « promeut à l’existence ». L’énonciation c’est donc le chemin d’immersion de la subjectivité, ; c’est l’espace de prédilection où elle apparaît comme individu linguistiques qui s’offre à l’analyse du linguiste sous les catégories linguistiques du Je et du tu. De ce point de vue, on peut rendre compte de cette subjectivité en restant dans la logique de la linguistique, sans nécessairement verser dans l’extra-linguistique en se soumettant totalement aux exigences de la linguistique comme science du discret.

I.1 Définition et portée linguistique de la subjectivité chez E. Benveniste.

1.1 .1 Définition de la notion

Pour E. Benveniste la subjectivité dans le langage se définit comme « la capacité du locuteur à se poser comme sujet»8du discours. Certes il est vrai que les rapports que la subjectivité avec le langage sont évidents (« elle n’est que l’émergence dans l’être d’une propriété fondamentale du langage » ); mais ce qui semble important et novateur ici, c’est le rapport que l’on découvre en définitive entre la subjectivité

5 voir la philosophie analytique et l’analyse du langage, in PLG, T1 ; 267 et SS.6 Comme l’attestent les travaux entrepris par A. Culioli, O. Ducrot, C. Kerbrat-Orrechioni(1980), J. Perrot(1974), C. Hagège(1982) et par H. Adamczewski(1986)7 Présentés comme des modèles autonomes, différents les uns des autres, mis au point par ces chercheurs pour résoudre le problème théorique de l’immersion ou de l’inscription des marques du locuteur dans la langue (perçu d’abord par G. Guillaume comme étant un problème que la linguistique doit résoudre puis formulé clairement par E. Benveniste), ces modèles , il faut bien le reconnaître et l’avouer , ont fini par se retrouver coude à coude en tentant, chaque modèle à sa manière bien sûr , de rendre compte de cette bien « envahissante subjectivité » qui « commande l’ici et le maintenant de l’énonciation ».8 E.Benveniste, 1966 :259

5

Page 6: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

ADOPO Assi François

et la langue ,dévoilant ainsi les liens latents qui existent entre la subjectivité et le discours , d’où elle tire sa substance, du fait que celui-ci «contient toujours des formes linguistiques appropriées à son expression»9; lesquelles formes apparaissent sous les espèces des catégories linguistiques que sont le je et du tu.( qui sont des formes et non des figures )

On le voit, la subjectivité ne renvoie donc pas à l’unique je, comme semblerait l’indiquer une lecture rapide et superficielle des Problèmes de Linguistique Générale, mais à cette double entité, ce que l’on nomme dans la terminologie benvénistienne, les indices de personnes liées par le discours, entretenant au sein celui-ci, comme instance qui les fonde, des relations de « complémentarité et de réversibilité 10». C’est dans le discours en effet que «JE pose une autre personne, celle qui tout extérieure qu’elle est à moi, devient mon écho auquel JE dis TU et qui me dit TU »11 Et, comme le précise E. Benveniste lui-même, c’est dans « cette réalité dialectique, englobant les deux termes le Je et le Tu et les définissant par relation mutuelle, que l’on découvre le fondement linguistique de la subjectivité dans le langage 12

1.2 Portée linguistique de la notion

On découvre, à partir de cette remarque du linguiste, que la réflexion sur la subjectivité ne se perd pas dans des considérations oiseuses ; elle débouche en effet sur le discours où la subjectivité s’offre comme donné linguistique qui sert de socle, de point d’ancrage sur lequel la réflexion en ce domaine s’appuie fermement.

Elément constitutif de l’espace de ce discours, la subjectivité se présente sous des formes de ce que le linguiste appelle lui-même les indiciels du langage ou ce que Strawson nomme les «egocentric particulars». Ces indiciels sont des éléments qui appartiennent à la langue même; ils forment au sein de celle-ci un micro-système d’éléments formels qu’utilise à dessein la subjectivité pour signaliser sa double présence dans le discours par l’entremise des individus linguistiques que le «discours promeut à l’existence» (E. Benveniste)

1.2.1 Caractéristiques de ces signes.

Différentes des autres unités, ces pronoms personnels ont ceci de particulier qu’elles constituent le «réseau d’individus linguistiques, distincts de toutes les désignations de la langue, en ce qu’elles ne renvoient ni à un concept ni à un individu, mais sont les premiers points d’appui de cette mise à jour de la langue où ils «émergent, s’installent», se manifestent comme des catégories de personnes.9 Idem, p. 263 10 E. Benveniste, 1966, pp. 261, 262,26311 Idem, p. 26012 Ibidem, p. 260

6

Page 7: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

LA SUBJECTIVITE DANS LE LANGAGE

Présentée désormais sous ces traits, ceux notamment de «catégories de personnes», constituant les éléments essentiels du discours, la subjectivité ne peut donc plus échapper au «pouvoir» du linguiste. Car il est établi que « tout ce qui relève des catégories de personnes ou des pronoms personnels a pour critère nécessaire et suffisant qu’on puisse l’identifier au sein et dans l’usage de la langue » 13 comme « instance (...) constitutive de toutes les coordonnées» où ces catégories de personne apparaissent sous «formes d’unités discrètes»14 .Ce sont donc ces éléments que le linguiste prend en charge, en les repérant, en expliquant leur fonctionnement et en montrant comment dans la dynamique du discours la subjectivité s’y prend pour les agencer afin que son dire accède à la signification.

1.2.2 Le fondement linguistique de la subjectivité est dans l’exercice de la langue.

La subjectivité, on l’a vu , a des liens étroits avec le langage15) mais ce sont surtout les rapports qu’elle entretient avec la langue («le langage se réalise toujours dans une langue» 16) comme système de signes et lieu de transactions « sémiotique et sémantique »17 qui intéressent le linguiste.

En quête d’unités objectives de signification, qui ne se dévoilent que dans l’acte d’appropriation et de mobilisation de cette langue par la subjectivité «pour transmettre l’information, communiquer l’expérience, imposer l’adhésion, bref organiser toute la vie des hommes»18, le linguiste ne fait finalement œuvre «scientifique» que dès l’instant où il s’impose le devoir de traquer la subjectivité, à la repérer à travers notamment les empreintes qu’elle laisse dans le discours. En dehors de ce cadre, celui notamment de la langue employée par la subjectivité, il n’a y a plus d’autres voies. Ou plutôt s’il y a d’autres voies qui s’offrent, elles ne peuvent être que des voies biaisées qui nous éloigneront à coup sûr de l’approche linguistique de la subjectivité. C’est pourquoi il demeure « vrai à la lettre que le fondement de cette subjectivité est dans l’exercice de la langue », celle avec laquelle la subjectivité entretient des « rapports immédiats et vivants » avec la langue dans le discours.

1.3 La notion de la subjectivité comme base de la linguistique de la parole

Connue désormais sous les aspects d’indices linguistiques qui possèdent des «rapports immédiats et vivants avec la langue », par le jeu du discours qui «les promeut littéralement à l’existence», la subjectivité renvoie de façon formelle à ces agents du discours, ces derniers formant le «réseau

13 E. Benveniste, 1974, p.223 ,14 Idem, pp. 262, 26315Ibidem, 1966, p.26116 Ibidem, p.2917 Ibidem, 1974, p. 22418 Ibidem, p. 224

7

Page 8: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

ADOPO Assi François

d’individus linguistiques » qui permettent l’actualisation de la langue en acte de parole.

Cette activité discursive, qui s’ancre sur ces «individus linguistiques », n’est que le résultat de la dialectique qui lie, dans le discours, la langue à la parole. Ici, la langue ne s’oppose pas de façon brutale à la parole, comme on l’avait fait par le passé ; mais langue et parole s’imposent comme deux termes complémentaires au service d’une autre linguistique celle de la subjectivité dont l’un des versants est la linguistique de la parole, celle-ci devant désormais siéger aux côtés de la très traditionnelle linguistique de la langue. L’important ici c’est le fait que pour la première fois dans l’histoire de la linguistique, après Saussure, l’on ait osé rompre avec une tradition, celle qui a tenu la parole loin des champs de la linguistique, pour affirmer non seulement son existence mais l’enjeu qu’il a pour la linguistique comme discipline scientifique. Cela, on le doit à E. Benveniste.

Réhabilitée, la parole, la grande oubliée du structuralisme, sort ainsi de l’antichambre de la linguistique où l’on l’avait soigneusement consignée depuis F. de Saussure. En structuraliste, E. Benveniste montre paradoxalement que la parole n’est plus le lieu de l’accidentel ou de l’accessoire : elle ne se présente plus sous les aspects «d’un piège» que le linguiste devrait déjouer ; elle acquiert une dimension épistémologique nouvelle, celle qui la consacre objet de réflexion en relation étroite avec la langue qui lui sert de socle, de terreau.

Liée finalement à la langue dans la dialectique du discours, la parole devient donc une pièce maîtresse pour le linguiste dans sa quête des formes et du sens, les deux axes sur lesquels l’action du linguiste doit porter prioritairement. Le domaine de la linguistique, on le voit ici, n’est plus seulement celui de la « langue envisagée en elle-même et pour elle-même » (F. de Saussure) mais s’étend au domaine du sens, comme construction ou opération de mise en relation d’unités linguistiques sous la conduite de la subjectivité dans le langage ; cette opération se réalise essentiellement par le canal de la phrase comme l’unité ultime « du discours »19

1.4 Le discours, la phrase et le sens

Selon E. Benveniste, le discours, (la mise ne emploie de la langue) est le « cadre constitutif de toutes les coordonnées qui définissent le sujet »20 ; l’unité du discours c’est la phrase. Et il n’ y a de phrase que prédicative. Elle est formée de signes et permet l’accès au dicible.

Fixer dans la phrase l’unité ultime est le moyen le plus sûr chez E. Benveniste d’intégrer la parole à la réflexion linguistique et de frayer le chemin vers la linguistique de la parole, la grande négligée du structuralisme, pour atteindre enfin la subjectivité dans son activité de producteur et de récepteur de sens. Telle est la grande leçon de la linguistique de la subjectivité et de l’énonciation dont les bases se trouvent

19 E. Benveniste,1974, pp. 224-225-226-22720 E. Benveniste 1966 :.263.

8

Page 9: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

LA SUBJECTIVITE DANS LE LANGAGE

ici posées. On comprend alors pourquoi la linguistique de la subjectivité, véritable linguistique du sujet, soit totalement orientée vers « l’intenté du locuteur21 » et « le pouvoir signifiant de la langue22 » ; et qu’elle ne soit surtout pas incompatible avec la linguistique de la langue avec laquelle elle entretient désormais des rapports de solidarité, de complémentarité dans le discours, comme lieu de production et de réception du sens.

Du sens, il en est bien question avec cette linguistique du sujet qui a vu le jour sous la plume de E. Benveniste, le premier en avoir en effet formulé les exigences et les orientations ; et l’un des tout premiers à admettre contre F. de Saussure, grand défenseur de la linguistique de la langue, l’existence d’une linguistique de la parole ; ces deux linguistiques étant posées non comme deux linguistiques qui s’ignoreraient totalement mais une linguistique à deux dimensions solidairement liées, même si chacune d’elles devait occuper un espace qui lui est spécifique: la langue comme système de signes (le domaine de la sémiotique); la parole celui du sens (la sémantique) auquel l’on accède par le discours par le canal privilégié de la phrase ( dont on connaît l’enjeu chez E. Benveniste dans la perspective du discours (la phrase, formée de signes, permet non seulement « de relier aux choses hors de la langue » mais de basculer de l’univers sémiotique vers l’univers sémantique »).

En posant comme nécessaire la linguistique de la subjectivité, E. Benveniste choisit donc la voie, celle qui permet justement de répondre au souci de l’énonciateur au cœur de l’activité de production linguistique, le discours dont il est le paramètre essentiel : rendre compte du locuteur au cœur de la production et de la réception du message comme lieu d’échange verbal constitué de formes qui, se combinant pour former le socle du discours, donnent sens. Telle est la voie nouvelle que l’approche linguistique de la subjectivité que propose E. Benveniste permet d’explorer.

1.5 La subjectivité une notion pourtant controversée

Mais, malgré les perspectives évidentes qu’elle semble ouvrir ici pour la linguistique post-saussurienne, la notion, à en croire des linguistes soulève plus de problèmes qu’il ne semble en résoudre réellement. Pour C. Kerbrat-Orecchioni 23 par exemple, la notion de subjectivité est « envahissante et ambiguë ». Bien plus, elle pose problème en suscitant une question épistémologique majeure : le statut de cette bien envahissante subjectivité qui, apparemment , cadre mal avec les buts et objectifs fixés à la linguistique par F. de Saussure et N. Chomsky, ces derniers ayant préalablement dégagé, on le sait, pour cette science, un espace exclusivement limité à la langue ou à la compétence, une sorte d ‘espace clos avant et au-delà duquel le discours du linguiste devient inconsistant et verbeux. Réfléchir à la subjectivité du point de vue la linguistique qui 21 Idem, p. 22522Ibidem, p.22923 C. Kerbrat-Orecchioni, 1980, p.49

9

Page 10: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

ADOPO Assi François

déborde ce cadre épistémologique délimité par les pères fondateurs de la linguistique moderne et contemporaine, ressemble à un crime de lèse majesté. Introduire la subjectivité en linguistique, c’est à première vue vouloir tourner le dos à l’esprit scientifique qui a été à la base de la constitution de la linguistique comme science nomothétique. Et c’est à quelque chose près vouloir légitimer un objet qui, aux yeux de «l’orthodoxie linguistique », est sans objet et par conséquent inintéressant pour la linguistique en tant que science emprico-déductive.

Et pourtant E. Benveniste nous indique qu’il est non seulement possible d’ériger en objet (linguistique) la subjectivité dans le langage mais qu’il est aussi possible d’en rendre compte avec toute la rigueur qui sied à la linguistique , comme science du discret. Telle est l’option que le linguiste prend en linguistique, ce champ disciplinaire largement dominé depuis des années par les théories et modèles scientifiques que sont en l’occurrence le structuralisme et le générativisme qui ont fait la preuve de leur efficacité dans la description et le fonctionnement des langues ; ces modèles ayant à l’écart , au nom du sacro-saint principe de la science, la subjectivité dans le langage et le lieu, c’est-à-dire le discours qui le promeut littéralement à l’existence en tant qu’ « individu linguistique » . C’est cet espace interlocutif créé par la subjectivité elle-même en tant que locuteur, qui se pose comme ego mobilisant la langue à son propre compte, que revendiquent et veulent conquérir les linguistes favorables à l’approche que propose E. Benveniste, avec la méthode et les outils conceptuels de la linguistique, comme quête du discret.

1.5.1 Le terme n’est donc ni piégé ni ambigu.

E. Benveniste légitime la recherche sur la « subjectivité » en indiquant la voie pour en rendre compte (du point de vue de la linguistique). C’est sous les aspects « d’individus linguistiques », appartenant au réseau des « indiciels du langage » que la subjectivité se conçoit et s’analyse comme telle, c’est-à-dire « individus linguistiques » à la fois comme source et cible du discours ; comme une activité dialogale ou colloquiale.

Si le concept introduit par E. Benveniste ne semble souffrir d’aucune ambiguïté, il se pose néanmoins la question du comment en rendre compte. En effet comment rendre compte de façon objective du sujet parlant ou de la subjectivité dans le langage dont le « statut est par essence subjectif » sans verser dans des supputations subjectives et totalement inexactes? La réponse à la question est fournie par E. Benveniste lui-même. Il faut se débarrasser de ce qu’il appelle «les vieilles antinomies»24 dont celles de langue/parole, subjectif / objectif notamment, pour envisager la question de la subjectivité comme étant le fait de l’homme dans la langue, engagé dans la dynamique du discours, comme espace ou lieu de construction de sens ; cet espace–discours étant le lieu où se neutralisent les oppositions objectif/

24 E. Benveniste,1966 :.260

10

Page 11: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

LA SUBJECTIVITE DANS LE LANGAGE

subjectif, langue/parole du fait même de cette subjectivité qui puise dans la langue, trésor collectif, des éléments ou unités linguistiques objectives qui se « subjectivisent » dans le discours qu’elle produit. On aperçoit que le problème de fond qui est posé ici, c’est moins une question de supplément d’objectivité à insuffler au concept, que celle d’articuler le subjectif et l’objectif dans le discours, bref d’objectiver la subjectivité qui se montre comme du doigt dans le discours qu’elle produit et qui porte nécessairement ses marques.

1.5.2 Contributions de C. Kerbrat-Orecchioni

C. Kerbrat-Orecchioni a choisi de passer aux cribles de la critique (inguistique )le concept benvenitien de subjectivité dans le langage. L’un de ses mérites c’est d’avoir choisi de refuser de s’enfermer dans ce qu’elle appelle les « ambiguïtés » et d’avoir souscrit à la construction d’une linguistique de la subjectivité, même si, pour elle, le terme devait passer par une sorte de « carthasis », du « fait qu’il est chargé et traduit une situation difficile »25

Elle a entrepris un travail intéressant en n’hésitant pas à accorder à cette notion , qu’elle jugeait auparavant d’« ambiguë », une certaine validité; avec elle en effet le concept de subjectivité reçoit comme une sorte de validation linguistique avec un sens et un contenu nouveaux, celui de subjectivité objectivée, sensé plus opératoire à ses yeux.

Par la notion de subjectivité objectivée qu’elle forge, C.Kerbrat-Orecchioni nous offre ainsi une compréhension de la subjectivité dans le langage. Au-delà des réserves qu’elle a formulées, son souci a fini par rejoindre celui entretenu alors par E. Benveniste, en conférant à cette notion, venue d’ailleurs, toute la portée linguistique qui semblait lui faire défaut. Comme E. Benveniste, elle est en effet d’avis que L’énonciation de la subjectivité dans le langage26 est une question éminemment linguistique qui pose dans le fond le problème de « l’inscription du locuteur » dans le discours. Par là elle vient ici jeter la lumière qui éclaire d’un faisceau lumineux le chemin tracé par E. Benveniste lui-même chez qui la question de la subjectivité se ramène en dernière instance à la « capacité d’ego à se poser comme sujet », c’est-à-dire comme locuteur dans la langue, qui s’approprie du mécanisme de cette langue, trésor collectif constitué essentiellement d’unités objectives, pour énoncer, signifier et référer( la référence fait partie de l’énonciation, note E. Benveniste) inscrivant ainsi sa présence dans le discours en tant « qu’individu linguistique » . C’est par cet acte d’appropriation de ces éléments (formels et objectifs), appartenant au système même de la langue, que s’accomplit l’articulation entre la subjectivité qui, émerge comme « ego » ou « sujet27 » linguistique, et la

25 C. Kerbrat-Orecchioni, 1980 : 15026 C’est le titre de l’excellent ouvrage qu’elle consacra à la question ; ouvrage dans lequel elle indique la voie à suivre : la « recherche des procédés linguistiques (…) par lesquels le locuteur imprime sa marque à l’énoncé, s’inscrit dans son message (…) et se situe par rapport à lui »…P.3227 E. Benveniste, 1966 :263

11

Page 12: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

ADOPO Assi François

langue (en tant que système de signes formels) celle-ci servant de terreau qui rend possible l’activité linguistique de la subjectivité.

En articulant l’objectif et le subjectif dans la dialectique du discours, E. Benveniste légitime la recherche sur la « subjectivité » en indiquant la voie pour en rendre compte du point de vue de la linguistique. C’est sous les aspects « d’individus linguistiques », appartenant au réseau des « indiciels du langage » que la subjectivité se conçoit et s’analyse comme telle, c’est-à-dire comme des « individus linguistiques », à la fois source et cible du discours comme activité dialogale ou colloquiale. Et c’est à ce prix, et uniquement à ce prix, qu’une réflexion scientifique qui échappe à la subjectivité sur la subjectivité comme « capacité d’ego à se poser comme locuteur » devient crédible.

Certes il est vrai que le domaine du langage reste « profondément marqué par l’expression de la subjectivité »; mais il ne s’agit pas d’une subjectivité qui « s’exprime dans le vide » mais bien d’une « entité linguistique » qui, pour se rendre présente dans le discours, s’appuie sur la langue comme système constitué de « formes linguistiques appropriées à son expression »28, au moyen desquelles la subjectivité s’inscrit dans le discours.

Pour parvenir à cette linguistique de la subjectivité, qui soit opératoire, E. Benveniste énonce deux conditions : faire tomber non seulement « ces vieilles antinomies moi, l’autre, de l’individu, de la société 29» d’une part , et, de l’autre, poser comme nécessaire l’existence d’une linguistique de la parole qui doit en toute logique s’articuler autour de la langue30. Telles sont les conditions qui doivent permettre au discours de s’actualiser et de « promettre » à l’existence la subjectivité qui « émerge », s’installe » comme sujet du discours, le discours étant « cadre constitutif de toutes les coordonnées qui définissent le sujet »31. C’est en effet dans le discours, c’est-à-dire dans la langue actualisée en acte de parole, comme lieu de « monstration du sujet32 » que la subjectivité apparaît effectivement sous formes « d’unités discrètes »33 qui « fonctionnement comme indices d ‘inscription dans l’énoncé du sujet d’énonciation34 ».

II L’approche benvénistienne de la subjectivité dans le langage28 Ibidem 29 E. Benveniste, op.cit, p. 26030 C. Kerbrat-Orecchioni demande que l’on élargisse les bases de la linguistique en dépassant le cadre devenu étroit tracé par F. de Saussure 31 E. Benveniste 1966 :.263.32 H. Parret, 198333 E. Benveniste, 1966: 26334 C. Kerbrat-Orecchioni, 1980: 32

12

Page 13: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

LA SUBJECTIVITE DANS LE LANGAGE

2.1 Cadre et outils d’approche de la subjectivité dans le langage

La mise en place d’un cadre formel traduit l’espoir que nourrit E. Benveniste de fournir une réponse formelle, objective au problème de la subjectivité dans le langage. Ce souci s’est concrétisé, au plan théorique par la « création » de ce cadre conceptuel, l’appareil formel de l’énonciation comme « la réponse » au problème que pose ce nouvel objet à la linguistique.

On découvre par le truchement de cet appareil formel de l’énonciation, que loin de s’être égaré dans les théories ethnologiques et anthropologiques de la subjectivité, E. Benveniste a plutôt choisi de suivre une voie, essentiellement linguistique, qui reconnaît la place qui revient de droit à la langue, dans une problématique qui, a priori, ne semble pas avoir de liens évidents avec elle. L’originalité dont il a fait montre, et qui est la réponse fournie à la question de la subjectivité, a consisté ici à montrer que la subjectivité entretient des liens « vivants et immédiats avec la langue », ce support constitué d’unités formelles et objectives qui servent à l’actualisation linguistique de la pensée de cette subjectivité. C’est ce dont semble vouloir rendre compte l’appareil formel de l’énonciation par l’entremise des éléments le constituant : les indices de personne (je-tu), de temps (le présent de l’indicatif repérable à travers les morphèmes de temps : ici-maintenant, etc.) et d’ostension (ce- cette...) qui indiquent du doigt la subjectivité dans l’exercice de la langue).

2.2 Portée linguistique de l’appareil formel de l’énonciation

L’appareil formel de l’énonciation comme mentionné plus haut repose sur un triple pilier constitué essentiellement d’éléments linguistiques dont :

• Les indices de personne (la première et la deuxième personne essentiellement) comme premier palier de l’appareil formel de l’énonciation. Comme tels, ils constituent les « premiers points d’appui » de la mise en place d’une linguistique de la subjectivité ; ils forment, chez le linguiste, le paradigme essentiel des individus. Ils ont ceci de spécifique qu’ils « ne sont pas des figures » mais plutôt des « formes « linguistiques qui indiquent des personnes qui relèvent du système même de la langue. Comme tels, ils ne renvoient ni à des objets situés en dehors de l’allocution ni à des concepts vides mais à des « éléments linguistiques » qui font partie de l’espace de l’interlocution qu’ils créent ; cette catégorie d’indices se différenciant des autres indices, notamment celle des non personnes, dont la

13

Page 14: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

ADOPO Assi François

fonction est de renvoyer contrairement aux premières à des entités situées en dehors de l’allocution 35

Il se dégage clairement chez E. Benveniste le souci de faire la différence nette entre les unités internes, indispensables au discours, à partir desquels il se crée comme al-locution, ces unités ayant valeur et contenu linguistiques ; et, les autres, externes, ces dernières, ne faisant pas chez lui l’objet d’un traitement spécial, du fait de leur statut non linguistique.

Des signes linguistiques internes, dépendent d’autres éléments dont les déictiques, qui partagent le même statut, forment ensemble la classe des éléments de la déixis (c’est-à-dire tout ce qui a rapport à l’ensemble des références à la situation d’énonciation et aux sujets qui y participent de manière concrète et effective). Comme nous l’a si bien montré C. Kerbrat-Orecchioni, la catégorie de la deixis concerne trois domaines : les catégories de personne ou les participants du discours : le « je et le tu », la catégorie de lieu, ce que les anglo-saxons appellent « spatial locations relative to the location of participants in speech event » et la catégorie de temps, à travers les morphèmes de temps : hier, aujourd’hui, etc.

• Les indices d’ostension comme deuxième palier de l’appareil formel de l’énonciation. Ces indices, qualifiés d’ostension par E. Benveniste, appelés shifters ou déictiques par les autres, sont des unités linguistiques qui organisent les relations spatio-temporelles autour du JE, comme repère. On y trouve de nombreux termes ou unités comme « ceci, ici, maintenant » et leurs corrélations : « hier, cela, l’an dernier, etc. », dont l’énonciation s’accompagne nécessairement d’un geste de l’énonciateur, désignant l’objet dont il est question dans le discours produit par la subjectivité.

La tradition a reconnu, à cet ensemble d’unités depuis Apollonius, une spécificité parmi les éléments de la langue. Ce sont les philosophes notamment les stoïciens qui, depuis l’antiquité grecque classique, ont eu le souci de donner un cachet particulier à cette catégorie d’éléments linguistiques. Les logiciens comme Peirce, B. Russell, dès la deuxième moitié du 20ème siècle, et des chercheurs d’autres disciplines comme le psychologue Karl Bülher (1934) , les linguistes (Frei, 1944, Lyons (1968-77) et E. Benveniste lui-même (1966-74), ont poursuivi la réflexion.

On retiendra dans le cadre de cette réflexion, le point de vue de E. Benveniste. Le linguiste a systématisé la question en mettant un accent particulier sur la fonction assumée par ces unités, dans la transmission et la réception du message émis par la subjectivité.

E. Benveniste a fait notamment toucher du doigt que ces unités forment au sein de la langue, une sorte de micro-système qu’il qualifie de « réseau d’individus 36» dont la fonction est de convertir la langue en acte de parole et de servir de point d’ancrage à l’énonciation que la subjectivité crée de sa propre initiative, en s’y déployant comme l’élément central, commandant « le ici et le maintenant » de l’énonciation.

35 Cf. E. Benveniste, 1966: 228-26536 E. Benveniste, 1966: 84,

14

Page 15: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

LA SUBJECTIVITE DANS LE LANGAGE

• Les indices de temps comme troisième pilier de l’appareil formel de l’énonciation.

Ces indices sont les unités dans la langue qui marquent le temps dans le discours (Ex. les morphèmes ici, hier, maintenant, etc.). Comme les autres, cette dernière catégorie d’indices, n’a d’existence ou de « réalité » que par rapport au présent comme moment privilégié du discours.

Ce qui caractérise donc cet appareil formel de l’énonciation c’est le fait que les éléments (indices de temps, d’ostention ou de personnes) qui le composent, se définissent seulement par rapport à l’instance du discours où ils sont produits sous la dépendance de la subjectivité ou du « sujet énonceur » comme le paramètre essentiel. Les rapports que cet énonciateur entretient avec la langue, par le canal privilégié de ces unités, permettent de rendre compte du statut linguistique de la subjectivité dans le langage »,». Qu’il s’agisse d’indices de temps, d’ostension ou de personnes, ces unités constituent dans la théorie benvénistienne le réseau formel d’individus, les indiciels du langage, créés par l’énonciation elle-même ; leur existence, étant intimement liée à celle du locuteur, permet de déterminer ce que C. Fuchs 37appelle les « coordonnées... de l’énonciation que sont le (moi - ici - maintenant) de l’énonciateur, à partir desquelles seront établies toutes les valeurs saptio-temporelles , comme par exemple « hier, aujourd’hui » etc. qui ne prennent de « valeur déterminée qu’à travers l’actualisation momentanée que leur confère le discours comme activité métalinguistique qui les promeut à l’existence ».

2.2 Le discours ou l’énonciation comme lieu de (de) monstration de la subjectivité dans le langage

Selon E. Benveniste, c’est « l’instance du discours qui est bien constitutive de toutes les coordonnées qui définissent les sujets » ; ces sujets se présentent sous forme d’entités linguistiques38. Leur présence se manifeste empiriquement dans l’appropriation des éléments linguistiques qu’ils mobilisent, ordonnent et conduisent au dicible. Autrement dit, seule la relation, qui s’instaure entre la subjectivité et la langue lors du discours, détermine « les caractères linguistiques » de l’opération de l’énonciation comme «acte... d’utilisation de la langue ».

La « subjectivité dans le langage » y apparaît, chez E. Benveniste, sous diverses formes, notamment dans le fonctionnement de nombreux éléments de la langue, qui portent les traces de la subjectivité( les subjectivèmes) dont principalement les performatifs, les délocutifs, les verbes de portée sociale .

37 C. Fuchs, 1981, p. 39, in DRLAV 2538 E. Benveniste, op.cit: 266

15

Page 16: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

ADOPO Assi François

2.3 Les subjectivèmes chez E. Benveniste

2.3.1 Les performatifs

Le performatif est le nom donné par J.L. Austin aux verbes qui réfèrent à un acte accompli par « ego » du fait même de leur énonciation.

De façon générale, les verbes performatifs sont un ensemble de verbes qui permettent de modaliser un énoncé ; on les distingue, depuis Austin leur inventeur, des verbes constatifs et des verbes, ceux que les logiciens nomment verbes d’attitude propositionnelle.

A la différence des verbes « d’attitude propositionnelle » (croire, savoir, estimer, se réjouir, etc.) qui manifestent l’adhésion de l’énonciateur à son énoncé, le performatif accomplit un acte de langage ; la performativité suppose donc une exacte coïncidence entre le sujet (de l’énoncé) et l’énoncé comme : « je te baptise au nom du père, du fils et du Saint-Esprit », le « Je » ne se réfère pas à celui qui « parle comme à une personne du monde extérieur (comme si l’on disait « Paul ou mon frère Jean), mais à l’énonciateur même en tant qu’il est l’énonciateur ». Cette catégorie de verbes dits performatifs présentent donc la singularité d’accomplir ce qui est dit ou énoncé et d’instaurer une réalité nouvelle par le seul fait de leur énonciation. Ici le dire est contemporain du faire .

2.3.2 Les délocutifs

La subjectivité dans le langage se manifeste aussi par les délocutifs. E. Benveniste a donné ce nom à des verbes39 dérivés non de bases lexicales mais d’adresse proférée par ego ; on a l’habitude d’illustrer le cas des délocutifs en reprenant l’exemple que E. Benveniste donne, justifie et commente40

2.3.3 Les verbes de disposition mentale

A côté de ces notions et de ces unités qui expriment la subjectivité, le linguiste pose une catégorie de verbes dont la particularité est de « dénoter par leur sens un acte individuel de portée sociale41 » Parmi ces verbes, figurent en bonne place ceux qu’il qualifie de verbes « d’opérations ou de dispositions mentales42 » parmi lesquels jurer, promettre, garantir, certifier, croire, présumer, supposer dont l’énonciation s’identifie avec l’acte même d’énoncé : ces verbes, qui se comportent un peu à la manière des performatifs, mais qu’il s’en différencient par des traits ont cependant en commun une caractéristique essentielle : une fois inclus dans le discours, ils impliquent « que JE prend une certaine attitude à l’égard de l’énoncé43..» qui est produit. 39 E. Benveniste, 1966, pp. 277-28540 Ibidem, pp. 277-28541 E. Benveniste, 1966, p. 26542 Idem, p. 26543 Ibidem, p. 264

16

Page 17: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

LA SUBJECTIVITE DANS LE LANGAGE

Ces verbes, schématiquement, entrent dans structures phrastiques de type :

JE + V (verbes d’opérations mentales) + QUE

En voici quelques exemples :

je jure de dire la vérité et rien que la vérité

je présume qu’il a été malade

je suppose qu’il ne viendra pas

je crois que Nadine viendra

Tous ces énoncés construits, à partir de ces verbes, restent profondément marqués par l’expression de la subjectivité et contrastent de ce fait même avec les énoncés suivants :

L’eau bout à 100 degrés

Le carré de l’hypothénuse est égal à la somme des carrés des deux autres côtés

Quatre et quatre font huit

La terre tourne autour du soleil

dont l’énonciation et le sens à vrai dire ne dépendent ni de la subjectivité qui les produit, ni des conditions de leur réalisation : ce sont des énoncés qui ne reflètent pas les états d’âme ou les dispositions psychologiques du producteur/récepteur du message :« leur énonciation appelle certitude, calcul et vérification scientifiques » ; ils échappent aux conditions d’énonciation et à toute influence de la « subjectivité » du locuteur.

Prononcés par celui-ci, ici ou ailleurs, maintenant ou plus tard, ces énoncés conservent en effet leur sens; ils peuvent être considérés comme étant des « énoncés objectifs ». Mais tout autre est la situation des quatre premiers énoncés qui restent profondément marqués par les empreintes de « la subjectivité ».

17

Page 18: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

ADOPO Assi François

III - LES DEICTIQUES OU LA FONCTION DE RENVOI

Eléments de la déixis, les déictiques figurent au nombre des unités objectives de la langue à valeurs subjectives que la langue met à la disposition de la subjectivité dans le langage : elles renvoient à l’ici et au maintenant du discours de la subjectivité, source et cible de l’énonciation, et servent à l’indiquer le locuteur comme du doigt.

Comme signes linguistiques, ici, c’est l’acte de production de l’énoncé de la subjectivité seule qui est directement responsable de leur émergence. Ces unités ont ceci de particulier qu’elles dépendent des pronoms personnels dont elles partagent le même statut, assumant, au moyen du discours, des fonctions similaires : « la fonction de renvoi » à la subjectivité dans le langage.

Font partie des déictiques, les démonstratifs (type ce, cette) , certains adverbes44, adjectifs et verbes subjectifs45., qui organisent les relations spatio-temporelles autour de la subjectivité comme point de repère.

Comme unités à valeur subjective, appartenant à la « deixis » de façon générale, et entretenant des « rapports vivants » avec la langue qui les engendre, leur rôle étant de permettre à la subjectivité de se déclarer comme producteur/récepteur du discours. E. Benveniste les regroupe sous la dénomination « de très nombreux indices d’ostention » (type « ceci, maintenant, ici »... qui, comme les autres indices (personnes, de temps), forment l’ossature de l’appareil formel de l’énonciation).

Ces unités se différencient des autres, du point de vue de la fonction qu’ils assument dans la structuration du message verbal : ils « impliquent un geste désignant en même temps qu’il est proféré l’instance du terme » 46et « mettent le locuteur en relation constante et nécessaire avec son énoncé »47; ils sont répertories dans la langue comme formant la classe fermée des « instruments d’accomplissement 48» de l’énonciation comme événement discursif, conduit par la subjectivité dans le langage. Comme les autres éléments « liés à l’exercice de la langue », et qui portent les marques de la subjectivité, les déictiques, dont quelques unes des caractéristiques seront données ici, ne peuvent, comme tout ce qui est d’ailleurs lié à l ‘énonciation, se concevoir que rapport à cette subjectivité -

Quelques propriétés des déictiques

On mettra ici en exergue trois traits propres aux déictiques :• leur caractère de formes vides• leur statut d’unités essentiellement subjectives• leur statut d’éléments énonciatifs.

44 Voir P.15 de ce papier 45 E. Benveniste, 1966: 26446 E. Benveniste, 1974, p. 8247 Idem, p. 8248 Ibidem, p.81

18

Page 19: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

LA SUBJECTIVITE DANS LE LANGAGE

Formes vides, c’est-à-dire ne renvoyant pas à des références stables, et asémiques, les déictiques « naissent d’une énonciation » et « renvoient » en discours » toujours et seulement à des « individus linguistiques précis » dans l’acte d’interlocution « où ils désignent à neuf »49. Les déictiques font donc partie des formes que commande l’énonciation : en tant qu’unités subjectives et énonciatives, ils participent à l’élaboration des faits de langue, directement liés aux circonstances d’énoncé qui permettent au locuteur, au moyen de la langue actualisée, de désigner et de référer.

Comme éléments énonciatifs, ces déictiques permettent aussi à « la langue de se trouver employée (...) dans un certain rapport au monde 50» Ainsi l’énonciation et la référence se trouvent être liées. Ou plutôt que la référence fasse précisément partie intégrante de l’énonciation51 ». Mais, même nombreux, ces déictiques ne forment pas une classe « fourre-tout » où viendraient s’abîmer toutes sortes de problèmes. C’est une classe délimitée d’éléments linguistiques à fonction précise qui, émanant de l’énonciation créée et par rapport à « l’ici-maintenant du locuteur52 » n’acquièrent leur statut (linguistique) que par rapport au producteur du discours (cf. ci-dessus) qui les implante dans l’acte de l’énonciation qui, à son tour les « promeut littéralement à l’existence53 »

Ces quelques exemples, que nous empruntons à C.Kerbrat-Orecchioni54, nous permettront de mettre en valeur que seule l’énonciation est « responsable de ces classes de signes qu’elle promeut à l’existence ». Elle a montré avec rigueur que les déictiques en tant que « classes de signes » couvrent l’espace :

• des pronoms personnels : je le et le tu

« Je te baptise au nom du Père et du fils et Saint-Esprit » • de certaines unités à valeur temporelle

futur : dans : je vous présente mon futur gendre.

prochain. Vous tournerez, s’il vous plaît, au prochain carrefour.

moderne : j’aime le mobilier moderne

• de certaines unités de localisation spatiale ou adverbe comme dans ces énoncés :

49 Comme le sont le JE ou le TU (« qui ne prennent de valeur déterminée qu’à travers l’actualisation momentanée que leur confère la production d’énoncés où ils apparaissent » C. Fuchs) en tant qu’ils sont liés à l’acte d’interlocution.Ibidem, p. 8350 E. Benveniste, 1974, p.82.51 Idem, op.cit: 52 Ibidem, op.cit:.84 53 ibidem op.cit 54 C. Kerbrat-Orecchioni, 1980: 48

19

Page 20: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

ADOPO Assi François

Derrière moi, la plaine s’étend à perte de vue

Je suis assis à la droite de mon père

Je suis devant la camionnette

Je suis né à Abidjan et j’ai vécu là pendant des années.

Je pars demain à Bouaké.

• de certains liens de parenté comme papa, maman, sans article ou déterminant dans cet énoncé.

17 Bonjour Papa, et Maman, comment va-t-elle ?

Ainsi dans ces énoncés, les unités derrière, à la droite, devant, là demain assument des fonctions de déictique, en tant qu’elles renvoient à l’ici-et au maintenant du locuteur », fonctions qu’elles n’acquièrent qu’au sein du discours qui se déroule autour de la subjectivité comme « centre de l’énonciation55 » et de la deixis. Comme signes linguistiques, ici, c’est donc l’acte de production de l’énoncé de la subjectivité seule qui est directement responsable de leur émergence.

55 E. Benveniste, 1974, p.83

20

Page 21: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

LA SUBJECTIVITE DANS LE LANGAGE

IV- AUTRES ELEMENTS DE LA DEIXIS.

La subjectivité dans le langage ne se montre pas chez E. Benveniste uniquement, dans l’ordre du discours par le canal singulier des déictiques. En effet, selon E. Benveniste, la présence d’autres éléments de la langue dans le discours, permet de la repérer à la fois comme producteur/récepteur du message, élément central de l’égophorique ou centre de la déixis autour duquel s’organisent les opérations linguistiques.

4.1 Les unités moins catégorisables

E. Benveniste admet qu’il y a dans la langue d’autres unités (quoique moins catégorisables) qui assurent dans le discours le renvoi à la subjectivité.

Le linguiste range ces unités dans ce qu’il appelle « toutes sortes de modalités formelles, qui appartiennent

a) soit aux verbes (comme les modes optatif, subjonctif), cette catégorie énonçant des attitudes de l’énonciateur à l’égard de ce qu’il énonce (attente, souhait, appréhension) ;

b) soit à la phraséologie (type d’unités peut-être (peut-être Pierre viendra –t-il) ; sans doute (sans doute ex. Pierre sera sans doute au rendez-vous demain) ; probablement (il pleuvra probablement cet après midi), cette catégorie indiquant incertitude, possibilité indécision56. Comme les unités précédentes, elles font partie des éléments autour desquels cette « fonction de renvoi » dans le discours s’organise et se structure.

4.2 Quelques opérations linguistiques57.

Ces opérations linguistiques se constituent sur la base de ce que C. Hagège58 nomme, à la suite de Holliday, les endophoriques et les exophoriques (dont les pronoms logophoriques59 ), la présence de ces éléments dans la production du discours, comme événement ou « marché linguistique » (P. Bourdieu), permet d’indiquer du doigt « l’énonceur psychosocial » ( C.Hagège) , ce producteur et récepteur du message, qui, au cœur de ces opérations linguistiques qu’il « commande » effectivement de sa propre initiative, laisse des traces qui permettent de le repérer, de l’identifier .

4.2.1. Les endophoriques56 E Benveniste 1974 :8557 ici on évoquera l’apport de certains linguistes dont C. Hagège , qui ont suivi la voie frayée par E. Benveniste en linguistique. Voir In E. Benveniste aujourd’hui,, actes du colloque de l’Université de Poitiers en 198358 C. Hagège, 1982, pp. 101-11259 Idem, 1974, pp. 287-310

21

Page 22: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

ADOPO Assi François

Ce terme, selon C. Hagège (1982), englobe lui-même des termes ceux d’autophoriques, d’anaphoriques et de cataphoriques (présentés ci-dessous) définis comme des procédés syntaxiques qui renvoient en discours à des activités linguistiques du producteur/récepteur du message. On s’appuiera sur quelques exemples pour en montrer l’enjeu pour notre problématique.

4.2.1.1 Les autophoriques

L’autophore s’exprime dans les langues comme le français non pas seulement par les pronoms (il, elle) mais aussi par d’autres unités linguistiques, les possessifs notamment (ma, ta, sa, son, mon) ici en l’occurrence, comme c’est le cas dans ces exemples :

Cette classe d’unités au sein des endophoriques signifie « identité de référence établie par le discours d’ego entre la source et la cible » 60 comme le montrent ici ces exemples :

Ma voiture est au garage Mon père a été sérieusement secoué par la maladie.

4.2.1.2 Les anaphoriques

Ce sont des unités linguistiques qui renvoient dans le discours de la subjectivité à une unité, à un syntagme ou à un énoncé antérieur, l’opération d’anaphorisation suivant dans les langues un schéma qui lui est propre, le mouvement est de bas vers le haut. Son fonctionnement exige la double présence d’un anaphorisé et d’un anaphorisant comme ici dans l’exemple

La banane, Yao la mange

l’anaphorisé ( banane ) reprend l’anaphorisant (la ) : on dit alors de la qu’elle est la reprise anaphorique de banane.

4.2.1.3 Les cataphoriques

A l’opposé des anaphoriques, les cataphoriques anticipent sur un élément postérieur, ce processus suivant, dans les langues comme le français, un mouvement, commandé par le locuteur/auditeur, qui part de haut vers le bas, comme l’illustrent ces exemples ci-dessous :

Lorsque je le voyais, Guy se remettait de sa maladie.

Je l’ai aperçue, la voiture de Laurent au coin de la rue Jean-Paul II.

60 C. Hagège, 1982, p. 104

22

Page 23: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

LA SUBJECTIVITE DANS LE LANGAGE

où le et l’ sont en position de cataphoriques qui, comme les autres unités (les anaphoriques, l’intonation comme signe linguistique) exercent dans le discours ce qu’il est convenu d’appeler la fonction de renvoi à la subjectivité.

Ici le locuteur mobilise des formes ou des structures qui servent de point « d’ancrage » à son message. Leur rôle c’est de « déterminer les coordonnées ... de l’énonciation que sont le moi-ici-maintenant de l’énonciateur » (C. Fuchs). C’est ainsi qu’ils « manifestent une des propriétés du langage, celle de comporter en lui-même les conditions de sa propre réflexité, de receler en tant que code, des unités renvoyant au fonctionnement même de ce code ».

4.2.1.4 Les extenseurs

Les traces du locuteur/auditeur se repèrent dans le discours au moyen d’extenseurs qui forment une échelle dont la subjectivité dans le langage « fixe les degrés de tension ».

4.2.1.5 Les opérations de focalisation ou d’emphatisation

La focalisation ou l’emphase est un procédé linguistique qui repose sur la syntaxe de la langue, utilisée à dessein par le locuteur/auditeur pour mettre en exergue ou valoriser une partie ou un élément concerné du message.

En guise d’illustration, voici quelques exemples :

C’est Paul qui a osé répondre à ce défi C’est Roland qui est venu.C’est le chien du voisin qui aboieC’est Jean qui doit relancer le jeu

Du point de vue de la forme, ces énoncés présentent des structures identiques. Ils sont introduits par le présentatif (ou marqueur de focalisation ou emphatiseur) « c’est... qui », dont la fonction dans la structuration de la phrase est de mettre en exergue une partie de l’énoncé. Dit autrement, ce marqueur d’emphase exerce ici une « fonction sélective », l’objectif principal de l’opération étant de concentrer l’essentiel de l’information sur quelques éléments sélectionnés, en l’occurrence ici Paul, Roland61.

4.2.1.6 Les opérations de thématisation et de rhématisation

Ce sont des opérations linguistiques qui en soi constituent comme les précédentes des réponses à la question que posent l’énonciation et la pragmatique : comment rendre compte de la subjectivité dans le langage, ce nouvel objet que E. Benveniste propose, tout en restant dans les limites qui

61 cf. Adopo, François 1988, p. 59 : Adopo, François in CIRL 26. P.103 et sq. et CIRL 28. P.124).

23

Page 24: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

ADOPO Assi François

s’imposent à la linguistique comme science. Elles font donc partie des éléments à valeur de « subjectivème » par lesquels les énonciateurs marquent leur présence en tant que producteur et récepteur du message. Elles reposent, en tant qu’opérations qui permettent de repérer l’énonceur psychosocial (C. Hagège) sur sa capacité de structuration de la phrase, en lui permettant « d’asseoir »,dans l’acte d’interlocution, une « stratégie élocutive» définissant une « hiérarchie » entre ce sur quoi porte l’énoncé du message (thème) et ce qu’il dit ou le commentaire qui est fait à son sujet (rhème).

Cette activité de structuration, que gouverne la subjectivité, peut obéir ou pas à l’ordre canonique d’apparition des termes : elle peut prendre appui sur ce l’on a appelé « la syntaxe d’expression »(qui constitue l’ordre canonique) et/ou la « syntaxe d’expressivité », cette dernière permettant à la subjectivité, selon l’effet qu’elle recherche, de placer en position de thème ou de rhème telle ou telle unité linguistique dans le discours, montrant ainsi sa liberté toute relative vis-à-vis de la « syntaxe d’expression ».

Mais, qu’il s’agisse de syntaxe d’expression ou de syntaxe d’expressivité, le sens n’a jamais été sacrifié. Ce qui montre bien que la syntaxe et la sémantique sont liées et qu’aucune réflexion sur la syntaxe ne peut, semble-t-il, se faire en ignorant la sémantique62, contrairement à ce que on l’avait prétendu à une certaine époque.

Il appert que la problématique de la syntaxe (au sens guillaumien du terme) ne s’écarte donc pas des orientations ou des objectifs de la linguistique de l’énonciation, telle que E. Benveniste en avait posé les bases et en a formulé les exigences et les conditions de possibilité : il s’agit d’une mobilisation, d’une appropriation au moyen du discours des éléments du système qu’est la langue par la subjectivité.

Cette activité de mobilisation de la langue (relevant soit de la thématisation soit de la rhématisation) étant soumise à la volonté ou à la capacité de structuration de la subjectivité dans le langage, étant bien entendu que cette activité dont la subjectivité est le centre suit les principes de la syntaxe, qu’elle soit d’expression ou d’expressivité, et de la sémantique. En voici quelques exemples à titre illustratif.

1 Il dort thème rhème

2 Yao mange la banane thème.1 Rhème. Thème2 La banane, Yao la mange the.1 th.2 th.3 rhème

3 Abidjan, on l’a fait commandeur thème groupe rhématique

62 C’est le sociologue P. Bourdieu (1975) qui reprochait à N. Chomsky de succomber à l’illusion éternelle du grammairien qui oublie que la langue est faite pour être parlée (cf. C.Kerbrat-Orecchioni 1980 :9)

24

Page 25: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

LA SUBJECTIVITE DANS LE LANGAGE

4 L’avion, Paul l’a a vu Th.1 Th.2 Th.3 Rhème.

5 Je pense que Nadine viendra Thème Rhème

6 Pour courir, il court thème rhème

7 L’Africa Sports d’Abidjan a remporté la Coupe Nationale de football en 1987 groupe thématique -groupe rhématique

8 La coupe nationale de football a été remportée par l’Africa Sports -groupe thématique groupe rhématique

9 C’est Yao que nous attendons ... Groupe rhématique...

10 Qui veut aller loin ménage sa monture -groupe thématique .groupe rhématique.

11 Il manquait encore des passagers dans l’autocar thème rhème

12 Tranquillement, il s’en alla se coucher thème rhème

De l’approche des différents niveaux d’analyse que propose C. Hagège à partir de ce qu’il appelle les trois points de vue63, on peut proposer une analyse sommaire de ces énoncés, en partant non des points de vue morphosyntaxique et sémantico-référentiel mais du point de vue3, celui de l’énonciatif-hiérarchique où l’énonceur pschysocial se montre maître du jeu qu’est le discours mettant, selon les exigences de la communication en position de thème ou de rhème telle portion ou telle unité de phrase.

On découvre en effet par le biais de ces phrases que dans le registre des thèmes et des rhèmes, entrent d’une part des unités, tout comme des séquences linguistiques entières de différentes natures (au sens grammatical du terme), tout ce mécanisme étant naturellement régit par la subjectivité dans le langage. Et que d’autre part le statut de thème ou de rhème ne revient pas de droit à une catégorie linguistique précise ; que c’est fondamentalement d’une fonction qu’il s’agit ; n’importe qu’elle unité pouvant assumer n’importe qu’elle rôle (thème ou rhème) selon les exigences du discours comme allocution.

63 C. Hagège, 1982, p.28

25

Page 26: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

ADOPO Assi François

Le remarquable ici c’est le fait que ces éléments aussi peuvent apparaître selon l’ordre que s’impose la subjectivité en fonction des exigences de la communication. Il peut alors se produire des « bouleversements syntaxiques » (c’est le cas de l’énoncé 4 par exemple) occasionnés justement par le choix que fait la subjectivité de mettre en position de thème ou de rhème telle unité linguistique plutôt que telle autre. Deuxième : une simple unité ou une séquence d’unité linguistiques peuvent assumer les fonctions de thème ou de rhème. Et qu’enfin, en phrase (au sens Benvénistien) le thème ne correspond pas toujours au sujet grammatical, ni le prédicat au rhème64. Et qu’il y a plusieurs types de thèmes et de rhèmes comme ces énoncés (P.22-24) le révèlent.

4.5 L’intonation

Phénomène linguistique qui relève de l’ordre du suprasegmental, comme le montrent les analyses pertinentes de Rossi, Hirst et Di cristo (1980), G. Faure (1980), M. Maltins-Baltar (1977), Y. Fonagy, J. Perrot et C. Hagège, (1985 : 58-253...) etc., l’intonation est à inclure ici dans le registre des éléments « objectifs à valeur subjective » qui joue un rôle déterminant dans la structuration de la phrase que commande la subjectivité en marquant, au niveau celle-ci, des rapports de hiérarchie à la fois syntaxique et sémantique, par la seule direction de la voix.

Liée au caractère non scriptural du langage, phénomène donc oral, peu enclin a priori à la formalisation, l’intonation dont les effets linguistiques se mesurent par la seule courbe de la voix, se situe au cœur d’importants problèmes linguistiques dont elle propose des solutions à tout le moins économiques, ceci se vérifiant sur le plan lexical (ici se rapporter aux importants travaux de Rossi, 1977, 1980 : 182 où il est démontré que les intonèmes ou morphèmes intonatifs ou expressifs sont apparentés aux unités lexicales ; à ceux de C.Hagège65 et autres 66 , ces travaux ont mis en lumière non seulement la dimension sémantico-référentielle de l’intonation mais aussi, et c’est ce qui nous intéresse ici pour notre propos, l’enjeu qu’il revêt au plan de la syntaxe et de la sémantique dans l’ordre du discours.

4 .5.1 Plan syntaxique

Sur le plan de la syntaxe, en s’en tenant à l’unique problème des subordonnées autres que relatives, C. Hagège a montré que beaucoup de langues, comme le français, marquent un rapport de hiérarchie syntaxique par le jeu de la courbe intonative. La subjectivité sait alors, sans que des conjonctions soient nécessaires, qu’une suite de mots doit être comprise comme partie de phrase exprimant un complément, une circonstancielle de temps, de cause, etc., comme si l’on avait respectivement « que », « lorsque », « parce que », « si « ou » pour que ». En effet la direction de la

64 cf. Adopo François, CIRL 28 p.124.65 C. Hagège 1978 :1466 cf. aussi le très précieux ouvrage, sous la direction de Rossi, fait d’articles consacrés à l’intonation

26

Page 27: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

LA SUBJECTIVITE DANS LE LANGAGE

voix, en l’absence du contour propre à une phrase complète indépendante, indique qu’il s’agit d’une proposition non autonome.

Ainsi en français les énoncés :

13 Il faisait un pas de plus, il tombait dans l’abîme

14 S’il avait fait un seul pas de plus, il se serait retrouvé dans l’abîme, ont le même sens, que ces phrases traduisent d’ailleurs différemment, si l’on considère ces énoncés dans leur configuration formelle.

L’énoncé 13 (de style oral) possédant une marque purement intonative, fait l’économie du marqueur de la conjonction introduisant la subordonnée, l’aspect subjectif restant marqué par la seule direction de la voix ; ici la marque intonative se substitue alors au marqueur « si » indiquant la conjonction : quant à l’énoncé 14 (plus soutenu), le subjectif se signale par des marques plus spécifiques, facilement identifiables et repérables : la conjonction Si en l’occurrence, dans cet énoncé.

4.5.2 Plan sémantique

L’usage de la courbe intonative n’a pas d’effets linguistiquement pertinents qu’en syntaxe ; en effet l’intonation ou courbe intonative joue un rôle important dans la hiérarchisation du point de vue sémantique de certaines phrases. Ici un seul exemple suffira pour rendre compte de ce phénomène. L’exemple est le suivant :

15 C’est du chinois qu’il parle.

Un énoncé de ce type, hors discours ou rencontré dans un manuel, peut paraître univoque ; il peut même perdre les nuances sémantiques que seul le discours oral permet de mettre en exergue grâce à l’intonation.

En effet l’énoncé « c’est du chinois qu’il parle » ne peut sortir de cette univocité en se désambiguisant (en revêtant le sens que la subjectivité lui insuffle) que grâce à l’intonation.

Fait de parole, lié à l’espace interlocutif du discours, l’intonation est un « constituant immédiat de la phrase » (Hockett, 1958) qui assure à la phrase une « signification ». C’est ici qu’elle assume bien ce que Rossi appelle des « fonctions phrastiques » qui n’apparaissent ordinairement qu’en situation de discours. C’est grâce à la courbe intonative en effet que le récepteur peut avoir les indices nécessaires pour comprendre le sens de notre énoncé « c’est du chinois qu’il parle ».

Enoncé, hors contexte, cet énoncé est susceptible d’une triple interprétation. D’abord il peut signifier le Chinois (individu de nationalité chinoise) ensuite le chinois (la langue chinoise, celle qui sert de moyen de communication) enfin il peut renvoyer au sens de discours indéchiffrable ou

27

Page 28: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

ADOPO Assi François

incompréhensible, ce genre de discours étant ordinairement qualifié de chinoiserie.

Ces différences de sens ne peuvent être perçues qu’en situation de discours et par le rapport de différence qui s’établit entre les signifiés et les signifiants produits par la courbe intonative; c’est par elle en effet que le(s) sens de l’énoncé « c’est du chinois qu’il parle » peut ou peuvent se dégager et que le récepteur peut savoir, en décodant, de quel sens il s’agit effectivement. Ainsi, le signifiant qui renvoie au signifié chinois, désignant la langue chinoise est-il différent de celui qui renvoie au signifié chinois désignant un individu de nationalité chinoise et vice versa. Autrement dit, chaque courbe produite par la voix, dans le cas l’énoncé « c’est du chinois qu’il parle » correspond, dans l’ordre du discours, à des signifiants différents renvoyant à des signifiés différents (il aurait été intéressant de montrer par des graphismes que nous ne pouvons malheureusement pas faire ici que l’intonation se comporte comme un véritable signe au sens de Saussure).

Au vu de tout ceci, il paraît bien difficile de refuser à l’intonation de jouer ce rôle d’élément structurant qui rend possible le sens.

Ce constat, qui reconnaît le caractère linguistique de l’intonation, rejoint la conclusion des travaux de haute portée scientifique, sus mentionnés, sous la direction de P.R. Léon et de Ph. Léon et de Ph. Martin (1967-1970) qui ont mis en valeur le statut linguistique de l’intonation, montrant ainsi, que loin d’être un phénomène banal ou un « fait marginal, situé à la périphérie de la langue », l’intonation est au contraire un fait déterminant dans la structuration de la phrase et du message en ce qu’elle ordonne et oriente le sens.

Fait de parole intégrée à la langue qui lui sert de terreau, l’intonation ici fonctionne comme une unité distincte, discrète, isolable, qui assume nettement des « fonctions distinctives » (A. Martinet), c’est-à-dire significative dans le cas de notre énoncé. C’est en effet par elle que l’énoncé qui nous préoccupe « c’est du chinois qu’il parle » peut avoir le sens que lui affecte conjointement le producteur et le récepteur du message. Il est clair que si le facteur intonatif n’intervenait pas ici, la phrase s’abîmerait effectivement dans l’ambiguïté que seule l’intonation permet ici de vaincre, de dissiper. On le voit ici, l’intonation cette unité non continue joue donc un rôle central dans la structuration de cette phrase et la transmission du message qu’elle véhicule. C’est en cela qu’elle se comporte comme un signe linguistique dont elle épouse littéralement les caractéristiques, celles notamment du signifiant et du signifié, comme nous avons tenté de le montrer à partir de cet exemple.

28

Page 29: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

LA SUBJECTIVITE DANS LE LANGAGE

CONCLUSION

Nous nous sommes efforcé de suivre E. Benveniste dans sa volonté de poser les conditions de possibilité d’une linguistique de la subjectivité, qui respecte rigoureusement les exigences de la linguistique comme science nomothétique.

Au terme de ce parcours, il nous a été possible, en nous appuyant sur les vues développées par le linguiste lui-même, de trouver une légitimité à cette linguistique de la subjectivité, envisagée sur la base de la linguistique de la parole, dont il pose ici les fondements. On a ainsi découvert, concernant la subjectivité dans le langage, ce nouvel objet proposé aux linguistes, qu’il ne s’agit pas ici d’une subjectivité métaphysique, sans prise réelle avec le concret de la langue, mais d’une entité ou des individus linguistiques qui entretiennent « des liens immédiats et vivants avec la langue », leur existence étant intimement liée au discours comme « instance » privilégié de translations verbales entre un JE (source) et un TU (cible), les deux principales personnes du discours entretenant, dans ce discours, des rapports de « complémentarité et de réversibilité ». Pour E. Benveniste, seul le « discours est l’instance constitutive de toutes les coordonnées qui définissent la subjectivité » en tant qu’entité linguistique. Sa présence se manifeste sous plusieurs formes, celles que le linguiste appelle « les indiciels du langage » qui « apparaissent sous formes d’unités discrètes » que le linguiste doit identifier, repérer.

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

Adamczewski, H. 1982 : Grammaire linguistique de l’anglais, Paris, A. Colin.

Adamczewski, H. 1991 : Le français déchiffré, clé du langage et des langues, Paris, A. Colin.

Adopo, F. 1988 : Les Approches de l’énonciation dans la linguistique contemporaine, thèse de doctorat unique, Université Paris 3. Sorbonne Nouvelle

Adopo, F. : 1990 : « Enonciation et pragmatique en linguistique », CIRL n°26. PP.65-107., Abidjan,Uni. Cocody.

Adopo, F. : 1991 : « Sens et référence en linguistique », CIRL n°28, PP.81-138, Abidjan, Uni. Cocody

29

Page 30: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

ADOPO Assi François

Austin, J. 1962: How to do things with words, trad. Française, Quand dire c’est faire, 1970, Paris, Seuil.

Bearth, T. 1992: « Constituent structure, natural focus hierarchy and focus types in Toura », Folio, linguistics (1-2)

Benveniste, E. 1966-1977 : Les problèmes de linguistique générale, 2 tomes, Gallimard, Paris.

Cervoni, J. 1987 : L’énonciation, Paris, P.U.F.

Chomsky, N. 1965 : Aspects de la théorie syntaxique, traduction française, Gallimard, Paris.

Chomsky, N. 1986 : La nouvelle syntaxe, traduction française, A. Rouveret, Gallimard, Paris

Culioli, A. 1976 : Séminaires de DEA transcrits par ses étudiants, Université Paris 7.

Danon-Boileau, L. : 1990 : Enonciation et référence, Paris, Ophrys, DRLA n°25 revue linguistique, université Paris8.

Hagège, C. 1982 : La structure des langues, QSJ 2006, PUF. Paris

Hagège, C. 1983 : « Benveniste et la linguistique de la parole ». In E. Benveniste aujourd’hui, actes du colloque de l’Université de Poitiers.

Hagège, C. 1984 : « Les pièges de la parole pour une linguistique socio-opérative » dans BSLP. TI XXIX.pp 1-47

Hazaël-Massieux, 1983 : « Le rôle de l’intonation dans la définition structuration du discours », in BSLP T1.XVIII. PP.97-160

Fonagy, I et Fonagy. J. 1983 : « L’intonation et l’organisation du discours », dans BSLP T1.XXVI, PP. 101-109.

Kerbrat-Orecchioni, C. 1982 : L’énonciation de la subjectivité le langage, A. Colin, Paris

Larreya, P. 1979 : Enoncés performatifs, présupposition : éléments de sémantique et de pragmatique, Paris, Nathan

Maingueneau, D. 1990 : Pragmatique pour le discours littéraire. Paris, Bordas.

30

Page 31: A LA CONQUÊTE DE LA SUBJECTIVITE DANS LE … Assi.pdf · La découverte par E. Benveniste de la notion de la subjectivité dans le ... Problèmes de Linguistique Générale, mais

LA SUBJECTIVITE DANS LE LANGAGE

Martins-Baltar, M. 1977 : De l’énoncé à l’énonciation : une approche des fonctions intonatives. Paris, Didier Credif.

Parret, H. 1983 : « L’énonciation en tant que déictisation et monstration », Langages 70, PP.83-97.

Perrot, Jean, 1974 : « Message et apport d’information, à la recherche structures », Langue française 21, 122-135.

Perrot, Jean, 1975 : « Les auxiliaires d’énoncés », Mélanges offerts E. Benveniste, BSLP LXX, 447-453.

Robert, St. 1993 : « Structure et sémantique de la focalisation, » in BSLP, TLXXXVIII, 24-47, Paris.

Saussure de F. 1970 : Cours de linguistique Générale, Paris, Payot.

Touranier, Ch.1993 : « Structure informative et structure syntaxique », in BSLP, T1.XXXVII.50-63.

François ADOPO Assi Abidjan, juin 2004.

31