9 premiers chapitres: Defabre

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Les 9 premiers chapitres du Roman à venir.

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Je ddie cette histoire Thomas Martin avec qui je partage le carburant de cette histoire: La Musique.Et aussi tous mes amis qui m'ont accompagn durant ma premire anne de Collge. (2011)




I

Un homme de haute taille se tenait sous une pluie martelant son casque et sa cotte de mailles. Ses bottes taient mles la fois de boue et de sang. Il tenait une pe; elle et t noble sans les filets carlates glissant le long de l'instrument de mort. La fire croix rouge sur la pice de tissu blanche tombant jusqu' ses genoux se mlait avec les claboussures qui rendait le dessin de plus en plus dtaill: la saintet de la croix avec le sang impie. Il respirait bruyamment, expirant un panache argent. Son regard tait riv sur un enfant. Le seul survivant d'une caravane de marchands et de voyageurs se rendant Damas. Ils taient dans une dimension part o seul ces deux tres existaient dans une inertie de mort. Ni l'orage ensanglant par le soir ni la multitude de corps gisant achevs par tous ces croiss ne les proccupaient.Ici, la mort tait le Dieu et allait treindre une dernire personne.Tremblant, l'enfant, l'oeil terroris, ses larmes constamment laves, tenait gauchement un sabre. M par l'instinct animal, il se protgeait, mais l'humain connaissait pourtant l'issu de cette silencieuse joute.Soudain, le crois avana. Le gamin recula, expirant des cris touffs. Il avanait toujours grands pas. Le gamin trbucha sur un cadavre. L'avance de la sentence continuait. L'enfant leva sa lame mais se la fit souffler instantanment. La mort leva son pe; mais alors une personne cheval s'approcha. Il tait habill exactement comme le crois en face du gamin mais il n'tait pas souill. Il vocifra quelque chose d'incomprhensible mais cet instant, le bourreau abaissa sa lame, soupira, les yeux ferms d'exaspration, excuta un habile mouvement pour nettoyer le sang et le rangea avec dextrit dans son fourreau avant de retourner vers son escadron comme si de rien n'tait.L'enfant, bless, fatigu, s'effondra, se confondant avec tous les autres sous une pluie tentant vainement de laver le sang rpandu sur cette terre sainte. Aprs tout, et fortiori ici, mme la Mort savait se montrer magnanime.










II

-Un mot pour te dfinir: arrogant! La personne qui venait de prononcer ces paroles tait d'un ge respectable portant des vtements amples d'un riche tissu; son visage d'une peau sombre creuse par le temps prolonge par une barbe noire terminant en pointe, il imposait assurment le respect... mais non pour le jeune homme devant lui. Celui-ci tait assis sur l'un des nombreux coussins multicolores sems ici et l l'intrieur de cette tente. Deux bougies clairaient l'intrieur, la lumire reflte par les rouge tentures rendaient une atmosphre intime.- Tu le sais, et pourtant tu continues faire comme si de rien n'tait. Arrogant ou inconscient, probablement les deux.- An-Lahad, jamais tu ne changeras, tu es toujours aussi protecteur envers moi. J'ai tout de mme vcu vingt-et-un ans au milieu de musulmans tant europen, et m'lever jusqu' ce grade dans l'arme de Salah Ahdin, rpliqua-t-il d'un ton badin.-Aprs tout, fais comme bon te semble, tu ne m'coutes jamais, mais sache tout de mme que les vents de complots contre toi sont rels et que tous les musulmans ne te respectent pas et ne sont pas tes pieds comme tu te plais le penser. Loin de l, ton sang pose problme bien des personnes sans compter avec ton grade de commandant de la police militaire.-Ah? rpondit-il indiffremment.Il se leva, carta le tentures et sorti. An-Lahad, interloqu, sortit galement. Ils se retrouvrent alors en hauteur sur une colline; et de l ils pouvaient contempler les milliers de soldats s'occupant comme ils pouvaient la tombe du soir. Le soleil s'clipsant, tous ces hommes paraissaient tre des ombres errant sur une terre qui n'tait pas la leur. Des ombres au services d'un homme dont un seul mot suffisait pour dclencher une tempte de violence faisant pleuvoir le sang qui abreuvait leur dvotion. Des ombres au services de la mort.Alors, l'outrecuidant les brossa un moment du regard et s'cria:-Mes frres! (ils tournrent tous la tte pour l'apercevoir) qui obissez-vous?Soudain, une terrible clameur retentit de plus en plus fort dans le dsert, ml des tintements du fer: "Allah et son prophte Mohammad, Salah Ahdin le grand et Defabre le bienheureux!"Defabre resta dos tourn An-Lahad, apprciant la vue de ces soldats l'acclamant. Il posa alors ses mains sur ses hanches et se retourna en haussant les paules d'un air exaspr pendant que la clameur s'estompait voyant qu'il ne prononcerait pas de disours.-Ils n'ont toujours pas compris qu'ils devaient me citer en premier.- Ta fiert est donc aussi touffante au point que tu t'estimes suprieur Allah!Defabre soupira et gloussa gentiment.-Mais non, voyons, je faisais de l'esprit, dit-il en lui tapotant l'paule.-Idiot. Ces blasphmes te conduiront la tombe. Allah n'apprcie pas les vaniteux.-Calme-toi donc, pas de quoi me condamner comme ces conjurs dont tu m'avertis l'existence. Tu devrais laisser ces proccupations et te relaxer. Tiens! dit-il en claquant des doigts, je te laisse mon harem pour cette nuit, je peux te garantir que cela te fera le plus grand bien.An-Lahad touffa une remonte violente de gne mle de colre mais il fut tout de mme oblig de le rappeler svrement l'ordre.-Silence! J'en ai assez! Je ne suis pas venu pour parler de chair mais de ta vie!-C'est honorable de ta part, vraiment.-Je m'en vais, assez d'humiliations pour ce soir. Je te laisse, toi et tes sarcasmes. Qu'Allah te garde.Il tourna les talons et descendit la colline grandes enjambes, la tte renfonce dans ses paules. Defabre le suivit du regard jusqu' ce qu'il le perdit de vue, dissout dans la multitude.Il croisa les bras pour prendre appui sur sa rflexion. Malgr le masque de firet, il prenait au srieux ces complots, souvent ce qu'An-Lahad disait se passait, son plus grand dam. Defabre tait pourtant au courant que si on ne l'adorait pas: on le dtestait. Non pas une aversion d'actes mais de sang. Celle-l est rellement pire car bien que l'on fasse de bonnes choses pour les gurir, le sentiment reste et est incurable. Celui-ci est fortement dangereux surtout dans un milieu de guerriers dvts en guerre contre les Francs, son sang. Il en avait dj une reprsentation. Des souvenirs de jeunesse lui revenaient. Les coups, les insultes, la solitude... An-Lahad. Il se forgea des actes qui taillrent alors sa grande fiert: un dclic n d'une impulsion animale. Aprs avoir sem des combats o il rendait enfin les coups, une rputation naquit. Et de cette rputation naquit sa fiert. Une fiert trs explicitement arbore, celle qui vous intimide et vous donne la sensation de n'tre qu'infrieur. C'tait cela que Defabre cultivait durant toute son adolescence. Et peu que de dire que cette puissance impalpable fonctionnait.Une enfance d'humiliation, une adolescence de construction, une maturit de jouissance.Nanmoins, il secoua la tte et rangea cette ide au coin de son esprit et se para de nouveau de sa firet. Cette expression tait un bon bouclier face au danger... au danger de la haine de sang.An-Lahad ne changera jamais, comme personne d'ailleurs.















III

- Vraiment? Au sein de mon arme?Salah Ahdin aimait recevoir ses personnes qu'il considrait proches dans le plus simple des apparats; montrer sa vritable personne plutt que l'image tait, pour lui, la plus grande marque de confiance qu'il pouvait offrir. plus forte raison envers An-Lahad, celui qui l'a suivi depuis son ascension au trne lorsque le dernier fatimide mourut.-Oui, et ces complots visent le "Grec". Je l'ai averti, mais il n'en a que faire. Vous le connaissez.-Je vois, mais que veux-tu que j'y fasse ? Tu n'as aucun nom me donner, de plus c'est son problme. Il sera chti pour son manque d'humilit, si c'est ce qu'Allah dsire.-Vous ne comprenez pas. Ce que je souhaite exprimer par l est que si ces personnes son capables de conspirer contre Defabre, il se pourrait bien qu'ils s'attaquent vous par la suite! dit An-Lahad en affichant sa terrible inquitude.Salah Ahdin fit craquer son fauteuil en changeant de position. Il se lissa sa barbe, tout ce que disait An-Lahad tait prendre au premier degr, jamais aucune circonlocution de sa part.-Explique-toi, An-Lahad.-Defabre, malgr ses accents impertinents, prouve un impressionnant respect votre gard par la clmence que vous lui avez accord par le pass. Il vous l'a bien rendue et est certainement le guerrier le plus habile que les musulmans n'eurent jamais lev; et ils le savent.-Cela est vrai, ils lui obissent aveuglment sur le terrain. Sa seule prsence fait balancer le cours d'une bataille, dit-il en levant le menton comme pour revoir contre le plafond de tissu ses quelques prouesses.-Oui, et c'est bien cette obissance qui rend jaloux certaines personnes.Ces mots tranchrent net le fil des souvenirs des combats o Defabre se colletait gracieusement contre ses ennemis. Il resserra ses longs doigts sur le bras du fauteuil. An-Lahad reprit:-coutez, pour vous protgez, il donnerait sa vie. Personne ne monte jamais de conspiration envers votre personne pour la simple raison que Defabre reprsente un cueil considrable, j'irais mme me risquer dire: insurmontable. Votre neveu Farruk-Shah galement, est fort mais n'a pas autant d'impact que lui. Il n'a pas son charisme droutant ni son gnie. carter Defabre, c'est se frayer un chemin au sultanat, comprenez-vous?Le sultan afficha une moue grave.-Que proposes-tu?Dployer une garde autour de lui. Nul besoin qu'il soit au courant, le connaissant, son go surdimensionn le lui interdirait. Doubler la nuit, videmment. Un homme a beau tre aussi dangereux que l'ire d'Allah, endormi, il est aussi inoffensif qu'un agneau. Comprenez que garantir sa vie, c'est renforcer votre assise.Salah Ahdin ferma les yeux pour mditer ces dangers. Il se leva lentement, prit une profonde inspiration et lissa les plis de ses habits.-S'il y a une chose dont j'ai horreur, c'est bien les dissensions parmi mes hommes. Comment unir les musulmans si dj mes hommes s'empoisonnent? C'est pour cela que j'ai cr ma police militaire et plac Defabre leur tte, sans doute l'homme le plus capable pour ce travail...Beaucoup de superlatifs lui conviennent... se dit An-Lahad.-Fais comme bon te semble. Jusqu' ce jour, jamais tu ne m'as fait dfaut. Si c'est pour garantir ma scurit et celui de mon meilleur guerrier.Il avana jusqu' son coneiller et posa ses mains sur ses paules.-Va, fais ce qui te semble juste.An-Lahad rprima sa joie et resta srieux.- grand Salah Ahdin, je vous remercie. Que l'histoire retienne votre gnrosit. Je m'en vais m'occuper de cette garde.Il s'inclina respectueusement et sortit htivement. Un sourire se faufila entre les lvres sches de Salah Ahdin.Defabre... Tu dois tre plus qu'un protg ses yeux.En sortant de sa tente, il bouscula un soldat. Dans son zle, il n'avait pas fait attention o il marchait. Il relissa un pli de son vtement tout en s'excusant sans regarder qui il avait affaire.-Et bien, mon cher An-Lahad, te voil bien press, cela ne te ressemble gure?La personne qu'il venait de bousculer n'tait autre que Defabre, habill normalement mais sans sa cape rouge habituelle qui lui couvrait la jambe droite.-Ah, Defabre! Que fais-tu l? dit-il surpris.-Moi? Je suis venu montrer mes respects au sultan et aprs, je pensais aller taquiner mes hommes, histoire qu'ils se musclent autre chose que la mchoire. Et toi?-Et bien... la mme chose que toi sauf que je me suis encore inform de nos relations avec les Francs Jrusalem..-Je vois. Alors? Sont-ils sages?-Oh et bien, ils respectent leur part de la trve. Ce Raymond privilgie la paix mais peut-on vraiment lui faire confiance? Son pre combattait Nur ed-Din qui poursuivait les mmes desseins que Salah Ahdin. Et jusqu' quand sa rgence va tenir? Jrusalem est un nid de serpents.-Oui, Guy de Lusignan est un vrai cobra. Il sautera sur l'occasion de se faire couronner ds qu'il le pourra. J'ai peur pour le jeune Baudoin.-Effectivement, cette situation va exploser au bout d'un moment. Ils sont assis sur une bouilloire hermtique en bullition. Guy fera tout pour possder le trne et nous faire la guerre par cette occasion.-On sera l pour fendre l'air au cas o, c'est pour cela que nous devons au moins traverser le Jourdain pour tre prt assurer nos positions au cas o. ajouta-t-il en souriant.-Tu sais, j'aimerais bavarder avec toi plus longtemps mais je dois m'en aller. Je suis press. Je te souhaite une bonne journe.Defabre s'inclina respectueusement avec son once d'impertinence. An-Lahad fit rapidement volte-face et partit grands pas laissant Defabre perplexe quant son comportement. Il esquissa un menu sourire, amus de le voir ainsi, mais ses yeux exprimrent une certaine inquitude: jamais il n'est ainsi.Enfin, l'esprit humain est si complexe.







IV

Le soleil avait termin sa course dans les cieux. L'arme pouvait enfin prendre du repos aprs une longue journe reintante. Certains aiguisrent leur lame ou poussetrent la sable acide; d'autres les jetrent et s'adonnrent au bavardage; d'autres encore s'endormirent rapidement, puiss, que ce soit de corps ou d'me.Le rgiment personnel de Defabre, lui, n'tait pas particulirement atteint par la fatigue. Il faut dire qu'il tait assurment imbu de lui-mme, mais c'tait de la minauderie. Face ses guerriers, il affichait un puissant charisme solennel. Et durant les entranements qu'il aimait donner personnellement, son charisme devenait acte et poussait la rigueur disciplinaire. Des punitions? Il n'en donnait pas; mais ils savaient qu'elles n'taient pas qu'hypothtiques. Leur promptitude tait l; les rsultats musculaires galement.En dpit de l'effort physique dont Defabre devait cultiver un amour probable; il en cultivait un plus grand pour la volupt.Aussi, il voyageait toujours avec son harem personnel.Toutes des femmes de son ge d'une beaut ensorcelante, slectionnes lui-mme en Egypte. Elles n'taient pas maltraites; bien au contraire, elles taient choyes, buvant leur soif et mangeant leur faim, voyageant dos de chameau, les chevaux tant rservs pour la guerre. La nuit, souvent, le Grec s'adonnait ces plaisirs; et les concubines le lui rendaient bien. Il tait bel homme, sa peau claire et ses longs cheveux d'or rendaient ses caresses exotiques, ses rles d'un autre monde.La tente fut monte rapidement si bien que les femmes s'apprtaient dj l'intrieur tout en se demandant qui passerait la premire pour le plaisir personnel du Grec. Pourquoi la premire? Pourquoi une plutt que plusieurs la fois, comme d'autres personnes avises? "Le lit est fait pour deux personnes" disait-il. Cette prfrence tonnait ses frres d'arme dans ce milieu polygame, d'autant plus qu'il a baign dans ces us et coutumes depuis un ge dont les souvenirs taient maintenant effrits. Une fois, la remarque lui a t faite, ce quoi il rpondit: "Certainement que la conscience atavique de mon sang est plus forte que n'a t votre ducation." Jamais plus on ne lui reposa la question...Les femmes causaient. Autant de robes qu'elles allaient s'offrir une fois revenues en Egypte que de pierres qu'elles virent chez un marchand plus tt. Moult sujets abords dans une ambiance gaie.C'est alors que Defabre carta les tentures. Les discussions s'arrtrent et tous les regards le pointrent. C'taient des regards qui avivaient la flamme de l'excitation en leur poitrine.Il brossa le panorama que bien de ses paires enviaient. Il faut dire qu'il possdait le don avec et pour les femmes.Defabre s'avana tout en se dshabillant de son haut. Aussitt sa chemise tomba sur le sol qu'une heureuse concubine s'en saisit et la huma; un tourbillon de fantasmes l'emporta alors. Torse nu, les courtisanes avaient le souffle qui se faisait profond.Il se dirigea alors vers le lit ceintur de fines draperies rouges, au fond de la tente. Il s'y allongea en soupirant.-De l'eau! exigea-t-il.Aussitt demand, une carafe lui fut apporte par l'une des nombreuses femmes. Il s'en saisit et but grande gorge sous le regard de toutes.-Matre Defabre, il est de mon devoir en tant que garante de votre bien-tre de vous faire remarquer que boire aussi rapidement peut entraner l'touffement, dit une des concubines qui semblait tre une sorte de suprieure hirarchique parmi elles.Il agita la main tout en continuant de boire et elle s'inclina.L'estomac rempli, il la reposa terre.-As-tu quelques remarques plus intressantes que celle-l?Elle s'humecta les lvres avant de rpondre:-Oui. Salah Ahdin vous a fait parvenir une nouvelle femme avec comme message: "Voil une rcompense pour tes loyaux services."-Je vois. Qu'on me l'amne!Elle s'inclina de nouveau et partit. Quelque moment plus tard, la rcompense se dtacha du groupe.Elle tait effectivement trs agrable au regard. L'agencement de son visage tait son got ainsi que sa longue chevelure d'bne coulant le long de son dos. Elle tait vtue d'une riche soierie qui pousait parfaitement le dlicieux relief de son corps lanc. Certainement que la partie droite de son clatant visage cach par ses cheveux rajoutait un mystre sensuel auquel Defabre frtillait l'ide de rsoudre.-Et bien! Salah Ahdin doit vraiment apprcier mes services pour me rcompenser si grassement, dit en la contemplant de bas en haut et vice-versa. Laissez-nous seuls, les filles. ces mots, elles s'clipsrent toutes rapidement. Enfin dans l'intimit, il demanda:-Quel est ton nom?-Djamila.Defabre se leva et reprit la carafe.-Voil un trs beau nom, remarqua-t-il tout en se renversant le reste de l'eau au visage et l'talant sur sa poitrine pour se rafrachir. Elle sourit discrtement et s'assit avec une lenteur gracieuse tmoignant son raffinement et sa condition sur les draps finement dcors de motifs reprsentant des lunes: la tranquilit de la nuit. Defabre l'observa, tant retourn, du coin de l'oeil.-Es-tu une prisonnire ou as-tu dj t concubine? dit-il toujours en arborant son dos humide.-Je suis nouvelle, mais on m'a bien lev dans l'art de satisfaire les hommes, rpondit-elle en triturant les manches de sa soierie.Il nota ce tic. Bien leve et pourtant gne?... Je fais toujours cet effet, remarque.Il s'assit ct d'elle et lui caressa son paule nue avec le revers de ses doigts.-Je vois. Es-tu vierge, Djamila?-Je le suis.Defabre la coucha en douceur et s'insinua au-dessus d'elle pour l'observer, tendue, les cheveux pars, les yeux envots par son visage.-As-tu peur, Djamila ?-Non.-Es-tu ton aise.-La vue ne m'est pas dplaisante.Tu respires pourtant trs profondment pour quelqu'un de calme.Il laissa un silence intime s'installer entre eux-deux. Il continuait de l'observer tout en restant dans cette mme position de promiscuit visuelle, appuy sur ses coudes, son visage dix centimtres de la sienne. C'est alors qu'elle lui effleura la joue ce qui rendit extatiques les fibres de sa peau sur cette surface. Il se laissa rouler sur le dos et ils inversrent les positions. Elle se retrouva assis en califourchon sur son entrejambe, ce qui l'excitait agrablement.-Ce que j'ai toujours trouv amusant c'est que les seules personnes que je laisse me regarder de haut sont des femmes, avoua-t-il.-Que fais-tu de Salah Ahdin ?-Il me parle ma hauteur.-Il te considre comme son gal ? demanda-t-elle.-Il aimerait me considrer comme son fils. Et je pense le considrer comme un pre d'une certaine manire... mme si je ne saurais jamais vraiment ce concept, remarque.-Oh, Defabre le bienheureux s'apitoie?-C'est de l'analyse.Et c'est ce que je fais l, maintenant. Ton manque de respect cache quelque chose...-Ferme donc les yeux, j'ai quelques artifices qui vont te plaire, toi qui est friand de ce genre de douceur, dit-elle en promenant ses mains sur sa poitrine.-tonne-moi.Oui, tonne-moi.Il ferma donc les yeux comme elle lui demanda et ouvrit fond ses autres sens. Elle promenait ses douces lvres sur le sillon entre ses seins et descendait sinueusement jusqu' son nombril. Son ivresse se faisait profond. Il sentit sa douce main caresser le long de son torse encore suintant, et revenir vers son cou qu'elle caressa de son pouce. Il entra dlicieusement dans une transe et soupira pour vacuer le surplus, jusqu' ce que, soudain, trs faiblement mais srement, il sentit son pouce se crisper sur sa gorge.Danger !Il rouvrit les yeux et vit Djamila une dague la main en plein lan pour lui poignarder d'un coup sec et prcis le torse. D'une rapidit entrane, il se saisit de son poignet et arrta la frappe mortelle, et, dans le mme effort, la prcipita sur le dos et jeta son arme. Elle resta d'abord muette, ne comprenant visiblement pas ce qui venait de se passer, ne s'attendant pas une riposte aussi vive de sa part. Elle commenait gmir: Defabre serrait son poignet.-Je ne tiendrais pas compte de ce que tu allais faire, tu as chou, mais j'exige de savoir immdiatement qui a commandit mon assassinat!Elle hsita un moment en pivotant sa tte sur la couverture.-Rponds-moi o je te brise le poignet qui te fait dj souffrir.-Me tueras-tu?-Je punirais l'assassin, non l'arme.-Qu'est-ce qui me garantit que tu ne le feras pas?-Ma parole.Elle frona les sourcils, cette rponse ne la satisfit visiblement pas. Mais elle sembla se rsigner, elle n'avait pas tant de choix possibles...-L'homme qui t'abhorre et dsire ta mort est Abbas.-Abbas? Je vois...Il relcha sa main et sortit du lit. Il posa les mains sur ses hanches et rflchit. Abbas tait un homme ambitieux qui hassaiait Defabre. Il se doutait bien qu'un jour il essaierait de l'occire pour la honte qu'il ressentait l'gard de l'Egypte d'tre dfendu par un Franc. C'tait habile d'utiliser une concubine pour le tuer, durant l'acte on baisse videmment toutes ses barrires mme les plus profondes, en particulier lui, friand de ce genre de loisir... Sa seule erreur fut d'avoir utilis une amatrice; et cela allait lui tre fatale. La question tait comment allait-il le punir. Plusieurs schmas s'talrent dans son esprit, des plus amicaux aux plus embarrassants. L'homme n'a jamais t assez cratif que dans le dessein de se nuire.Il sourit intrieurement face l'chec retentissant du plan d'Abbas.-Que vas-tu faire ? demanda nerveusement Djamila toute tremblante.-M'occuper de lui bien sr.-Et moi? Que vais-je devenir?-Si je te renvoyais, connaissant Abbas, il te tuerait, tu n'es qu'un outil et les outils deffectueux, on les jette.Elle frissonna l'ide d'avoir si peu d'importance mme si au fond elle le savait. Mis en face du mur, la raction est autre que la conecptualisation.-N'as-tu rien contre moi personnellement?La belle courtisane tourna vivement sa tte dans sa direction.-Rien...-Alors, veux-tu tre ma concubine, Djamila? Au lieu de donner la mort, tu donneras l'amour. Qu'en penses-tu?-Ma formation premire est dans ce but, je ne ferais que faire ce pourquoi j'ai t forme.-Alors, inaugurons, veux-tu?-Comment? N'ai-je pas essay de t'occire? Et pourtant...-Oh, allons, le pass appartient au pass, je ne peux dcidment pas laisser une femme malheureuse sous cette tente.Il rampa sur les draps laissant les sillons de son corps dessus et baisa avec grande douceur ses fines lvres. Mme si normalement, c'tait elle de mener l'exercice, elle se laissa bercer toute la nuit dans un ocan d'extase.

V


-Comment? Djamila a manqu son excution?-Oui, on a vu le Grec se pavaner aujourd'hui.Les deux personnes qui venaient se consulter taient assez grands et relativement minces. L'interrogateur portait des vtements riches et bigarrs mais qui ne ressortaient pas sous la clart de cette nuit, et lui donnaient un clat sombre papillonnant dans la pnombre. En revanche, l'informateur tait vtu d'habits de simple soldat. Ils causaient derrire une grande dune, au loin du campement des autres guerriers. Tous ses fragments de disussion se dissolvaient dans la clart obscure en cette frache nuit.-J'enrage. Le temps que j'ai pass chercher une catin qui rponde aux critres de cet imbcile hautain. Je me demande comment il a fait pour savoir que c'tait moi qui l'avait envoye? Rpondant au nom de Salah Ahdin, sa confiance devrait tre absolue! s'nerva-t-il en agitant ses bras d'agacement.-Je l'ignore, seigneur Abbas, rpondit l'informateur en baissant la tte.Abbas, serra les mains et relcha ses paules pour se calmer.-L'a-t-il tue?-Non, seigneur.-Voil le pire des scnarii, son amour pour les femmes est donc si colossale qu'il a pardonn celle qui a voulu le tuer et elle aura certainement parl! Flonie! Que de flonie dans cette arme divine. Heureusement que je suis l pour rectifier certains dfauts. Bref, je vais devoir exploiter son autre gnante faiblesse.-Seigneur?-Maintenant que cet incident est pass, il n'acceptera plus de cadeau dans ce genre et son attention redoublera... surtout en mon intention.-C'est vrai, et mme si ce n'tait gure le cas, ses gardes s'en seraient chargs. Ils le vnreraient presque, tellement leur confiance est grande pour lui. De plus, de nouveaux gardes se sont forms autour de lui, d'aprs mes informations: An-Lahad les auraient post pour le protger des tentatives d'assassinat.Abbas carquilla les yeux de rage et dut faire de grands efforts pour se contenir.-Maudit soit An-Lahad et son intelligence, maudit soit Defabre et son sang, maudit soit Salah Ahdin et son trne divin!-Seigneur...-Soit, je vais utiliser une autre tactique. Je ne voulais pas faire cela mais les conditions ont chang. J'ai manqu avec la chair, je russirais avec sa fiert. Je ferais en sorte qu'il se pige lui-mme, conscient de sa position mais forc par son outrecuidance. Tu vas faire ce que je vais te dire...


VI

-Vraiment, il se moque de moi, il a rig la stupidit au rang d'art!Defabre faisait les cents pas dans sa tente, les bras croiss, devant un An-Lahad exaspr face ses ractions puriles.-Vraiment, pensais-tu qu'il allait baisser les bras aprs un chec?-videmment que non! Mais je pensais avoir faire avec un pige plus... disons... labor que a, tu vois? Quelque chose digne de moi, enfin...-Le meilleur des cas et t qu'il ne te prpare pas de pige du tout. Quelle est la nature de sa prochaine farce dj?-Ce matin, un soldat d'Abbas me fait parvenir un message comme quoi il souhaiterait s'entretenir avec moi au sujet de ce qui s'est pass dans mon harem, il y a trois jours de cela, au point d'eau sud. Le fait est qu'il me demande de venir seul et que ce point d'eau est vraiment loign de tous regards trangers (il se tourna vivement vers An-Lahad) trange qu'est tout cela, non? dit-il avec une intonation niaise et ironique.-Que comptes-tu faire alors?-Ce que je compte faire? Je compte y aller!An-Lahad frona les sourcils: cette rponse ne concordait pas avec ses dductions.-Oui, quoi de plus magnifique, que de se prendre au pige et de le saboter de l'intrieur?-Je dois avouer que je ne te suis pas, Defabre.-C'est simple, je vais y aller, m'expliquer avec lui jusqu'au moment o on atteindra un point de non-retour: j'aurais en ma connaissance assez d'informations pour connatre ses motivations, ce qui est justement la raison pour laquelle il voudra me mettre mort. N'tant pas assez idiot pour omettre mes talents de bretteur, il aura certainement pris avec lui une huitaine ou une dizaine de guerriers pour tre vraiment sr que mon excution sera...Le problme est que sa faiblesse est de me sous-estimer, et il ne l'a toujours pas compris.-Je vois, je pense que c'est exactement ce qu'il a prvu. Il veut te prendre au pige de ta fiert ne l'oublie pas, et nous avons faire avec Abbas, un vritable cobra. Il te rserve fort probablement des fourberies. Si j'tais toi j'en avertirais Salah Ahdin mais...-Comment! Aller geindre vers le Grand Salah Ahdin? Il a autre chose faire que de s'occuper de mes querelles. De plus, me plaindre porterait prjudice ma rputation.-C'est ce que j'allais ajouter. Bon, fais ce que tu as accomplir, alors, si tu en es si sr. J'ai d'autres choses faire moi aussi. On se revoit ce soir pour le souper des gnraux.-Oui, je te prcde An-Lahad.Ils sortirent alors tous deux de la grande tente rouge et se sparrent la fourche du chemin grossirement trac par les va-et-vient. An-Lahad ne put se retenir de se retourner pour regarder Defabre s'loigner et se diriger vers le Sud.Peut-tre la dernire fois que je peux te voir; fais attention toi, crtin.Defabre lui ne se retourna pas. Il tait sr de lui. Son masque avec son lger rictus ternellement tir tait royalement pos sur son visage. Il avanait. Son pe claquait sur sa jambe gauche pendant que sa cape rouge virevoletait au rythme de ses pas sur celle de droite. Il regardait et l les diffrents guerriers des diffrents rgiments qui trompaient l'ennui comme ils le pouvaient. Ils le salurent ds qu'ils le voyaient. Bien que son escadron lui ne comportait que cinq cents guerriers avec qui il entretenait une relation de pre disciplinaire envers ses fils obissants, il entretenait cette mme relation avec tous les musulmans de Salah Ahdin. Un profond respect, voil ce que tous lui vouaient, quand a ne frisait pas la vnration. Un pre, un modle ayant fier allure autant hors et en guerre dont tout le monde souhaitait ressembler. Un Achille pour l'Islam.Malgr son go qui balayait un grand nombre de doutes, certains subsistaient tout de mme. Et si vraiment Abbas avait tout prvu? Et si il allait mourir ce point d'eau? Mourir l o tous retrouvaient le souffle de vie en quelques gorges.Hum, vritablement impossible, se dit-il en souriant face au soleil qui commenait rougeoyer derrire les dunes.Aprs quelque moment de montes et de dgringolades le long des dunes, il distinguait le fameux point de rencontre. Un point vert disparate pos sur le dsert avec quelques palmiers sems et l. Un autre point rouge, cette fois-ci, tait prsent.Abbas, chuchota-t-il avec ddain.Il continuait de cheminer dans les sables, ne quittant pas un instant le point d'eau des yeux. Malgr sa grande confiance en ses capacits, il commenait ressentir un pincement au coeur.Arriv, il pntra ce sanctuaire dtach de cet ocan brlant. Il eut un frisson cause de la fracheur des lieux. Enfin, il aperut une silhouette humaine sous les palmiers.Tout en s'approchant, ils s'changrent longuement des regards amuss, se souriant, alors que leurs mains taient poss sur le manche de leur arme...Ds que le Grec arriva six pas de lui, Abbas l'accueillit:-Te voil donc, Defabre.-Et voil le crotale qui envoit ses subordonns faire tout le travail pendant qu'il reste dans son nid, railla-t-il.Une lgre brise souffla, comme si l'atmosphre tentait vainement de calmer la tension. Elle repartit avec la certitude que la violence tait l'issue par laquelle cette altercation allait se conclure. La question tait: qui allait lancer les hostilits?-Je suis dsol du terrible malentendu entre nous, mon ami, s'excusa Abbas en soupirant mais sans lcher le manche de son sabre.-Oh, voyons, pas d'hypocrisie entre nous, crotale. Tu as bien voulu me tuer, n'insulte pas mon intelligence, ce serait un appel au meurtre, affirma Defabre d'un ton excessivement calme.Abbas le pera du regard, en raction aux acides paroles jetes par les lvres tires.-Trs bien, j'avoue, j'ai attent ta vie. Mais pas juste pour la violence, c'est pour...-Mon sang? Mon outrecuidance? Ma popularit? Ma place envers Salah Ahdin? Pas besoin de te justifier, crotale, tu as assez de raison de vouloir me tuer.-Tu as pu djouer ce plan, tu t'es dfait des charmes de la jeune concubine. C'est bien une preuve de ta perspicacit et de ton habilet, voudrais-tu te joindre moi?Defabre souligna l'abrupt de la rponse par un spasme la commissure des lvres.-Me joindre quoi?-Pourquoi crois-tu vraiment que j'ai tent de t'ter la vie?Il fit une moue de perplexit.-Sais-tu que personne n'ose t'affronter face face?-Je suis le plus mme de le comprendre, crotale.-Le fait est que tu respectes normment Salah Ahdin, tu donnerais ta vie pour son Djihad.Il ne rpondit pas.-Justement, je souhaite m'emparer de son sultanat et arrter ce Djihad.L, Defabre afficha une autre expression que celle de la condescendance: la surprise. Cette affirmation l'tonna vraiment: il n'et jamais pens qu'il visait si haut.Il souffla du nez et repris son masque habituel.-Le sultanat? Arrter le Djihad? Explique-toi.-Ce Djihad me dgote, nous n'avons que faire des Musulmans syriens et des Francs. Nul besoin d'une mme bannire alors que notre pays a dj besoin du plus grand soin. Ne me dis pas qu'il y a de la saintet derrire, ce n'est vraiment que pour la gloire et rien d'autre! Regarde le nombre de morts. Tout a dans le but d'une unification? La reconqute de Jrusalem est stupide aussi, nous ne la prendrons jamais. Nous devrions retourner en notre bel Egypte et nous occuper dj de cette terre qui en a besoin. Ne le penses-tu pas? Il resta un moment, dubitatif. Ce crotale n'tait pas si idiot qu'il ne le pensait.-Je ne pense pas. Je pense que les musulmans doivent s'unir sous une mme bannire pour contrer les Francs. Les Byzantins nous abhorrent dj, nous nous devons de nous montrer forts pour les dissuader de vouloir nos terres. ce moment nous pourrions nous occuper en paix de nos terres. Cette guerre est utile pour notre paix, aux Egyptiens et aux musulmans. Le terme de Djihad, la guerre sainte existe pour une raison.Un silence souffla.Defabre projeta son regard dans son esprit et rflchit. Les paroles d'Abbas l'avait vraiment mis en branle, malgr la confiance qu'il avait en la sagesse de son Sultan. Jamais il n'avait tourn le problme dans ce sens; il se contentait de faire tournoyer l'pe dans la mania et la chaleur du combat: extension de son orgueil qu'il aimait le montrer tous.Mais, est-ce que je crois vraiment ce que je dis? La guerre est-elle vraiment si utile que a? Tous ces morts pour une bannire. Le sacrifice est invitable, mais cette ampleur...-Je vois que nous ne serons pas d'accord. Jamais tu ne te ligueras contre Salah Ahdin? demanda Abbas sans rellement attendre d'infirmation.-Jamais.C'est alors qu'Abbas leva le bras et l'abaissa aprs un moment.Defabre fit une moue ennuye.Tout coup, une dune derrire l'oasis cracha un soldat, un sabre la main... et un autre, et encore un autre.Je vois, comme je l'avais imagin, une dizaine de guerriers.Mais la dune continuait, n'en finissant pas de vomir des ombres. D'une huitaine, ils passaient une quinzaine, une vingtaine, une trentaine...Oh? Une vraie arme!Une quarantaine, une cinquantaine... une soixantaine! Soixante! Il y avait maintenant plus de soixante guerriers encerclant les deux interlocuteurs.Defabre, calme, n'ayant pas chang de position regardait sans bouger la tte droite et gauche pour jauger ses adversaires.-Frres, je n'ai rien contre vous. Je n'aimerais pas avoir tuer des musulmans mais si vous m'y contraignez...Abbas poussa un gloussement grinant.-Ce sont des mercenaires. Tu penses bien que personnes dans cette arme ne lverait d'arme contre toi.Juste, se dit Defabre.-Je penserais toi quand je serais sur le trne.Et il passa travers les guerriers de sorte que plus qu'eux n'taient dans le champ de vision de Defabre.Il dgana son sabre et fit tourner son paule gauche pour se chauffer.-Quand vous voulez messieurs, dit-il avec son expression la plus fire qu'il et arbor.C'tait l l'invitation aux hostilits.


VII

-Seigneur An-Lahad, tes-vous srs que tous ces guerriers mobiliss soient utiles? Je veux dire... oui Abbas a certainement appel des mercenaires, mais pensez-vous que dans une si grande quantit...An-Lahad marchait aux cts d'un chef d'escadron stress par la mobilisation d'autant de musulmans pour une seule personne. Il lui avait expliqu brivement la raison de ce dplacement mais n'en avait pas vraiment saisi la gravit.-Farid, n'coutes-tu pas quand je te parle?Il baissa la tte de honte.-En rsum, la destine du sultanat rsultera d'un combat entre Defabre et Abbas.-Defabre et Abbas? Le sultanat?-C'est un peu long expliquer en dtail, mais Defabre va se battre contre Abbas; et nous connaissons Abbas, il a srement recrut plusieurs mercenaires pour ne pas avoir se salir les mains.-Mais vraiment, quinze de mes soldats?-Et qui sait? Ca ne sera peut-tre pas suffisant.Farid garda la tte baisse. Dans quoi s'tait-il laiss entraner? Quoiqu'il en soit, il n'avait d'autre choix que d'obir au conseiller personnel du grand Salah Ahdin, et de mettre un terme ce combat fratricide.Le chemin tait long. Defabre avait-il fait tout ce chemin rien que pour un combat? Pour affirmer un honneur dj acquis? Plus pour l'asseoir, il n'avait jamais assez d'assise pour ce genre de confort d'esprit, de gonflement de l'me. Les diffrents soldats spculaient aussi sur la vritable nature de leur mobilisation mais, quoique cela fusse, si An-Lahad lui-mme recrutait, cela impliquait une mission des plus importantes. Donc, le sang tait invitable. Ils le savaient, mais tout cela dans quel but? Ils en savaient encore moins que Farid.An-Lahad menant la marche, et son escadron suivant docilement esaladrent dune aprs dune, au bout d'une quarantaine, ils commenaient peiner. Defabre n'tait pas un grand commandant pour rien. Ses capacits taient proporionnels sa rsistance physique. Et aprs tous ces exercices, il avait encore se battre! Ces escalades minaient le corps mais renforaient davantage le respect pour le Bienheureux.Le conseiller tait arriv en-haut d'un nime colline de sable mais il s'arrta. Son inertie interloqua Farid et ses guerriers qui ne comprenaient pas le pourquoi de cette pause. An-Lahad garda ses yeux rivs sur un point dont il ne dtacha pas son regard en restant immobile. Tout tait fig en lui, ses bras, ses jambes et mme son visage.Farid, d'une nature curieuse, escalada son tour la dune et put contempler le spectacle.Ils taient bien arrivs au point d'eau sud mais quelque chose n'tait pas normal l'horizon. Plusieurs taches noires se massaient autour d'un point... rouge...-Mais, qu'est-ce? demanda navement Farid.-Au centre c'est Defabre et autour... je dirais environ une soixantaine de mercenaires, si ce n'est plus, rpondit An-Lahad.


VIII

La lame tournait, les hommes tombaient.Voyez un poisson, il est l'aise dans l'eau, nous en conviendrons; Defabre, l'image du poisson, tait son aise dans les combats; et les mercenaires le comprenaient.Il combattait. Un piquet droite, une estafilade gauche, une taillade l, une estocade ici: les coups fusaient de partout. Pourtant il n'avait pas l'air de rellement se battre, il bougeait, dansait, il ne gardait quasiment jamais les deux pieds terre ou s'il les gardait, c'tait pour mieux les relancer. Le sabre semblait avoir une conscience propre: parade dans le dos, retournement, contre-attaque: il agissait avec l'instinct, voil la source de ses techniques arythmiques. Bien qu'ils fussent, plus de soixante, aucun ne parvenait le toucher. Si on tentait de s'amasser sur lui, il bondissait et se frayait un chemin travers les mercenaires vtus de noire, pour mieux repartir dans son tourbillon spasmodique.Abbas, apeur, contemplait la scne avec effroi depuis une petite dune surleve.Est-ce un dmon?Il l'observait les yeux grands ouverts. La violence image par les filets de sang giclant des entailles traces par le sabre conscient tait contraire avec l'expression de Defabre, toujours impassible avec son rictus. Il s'amusait, ce qui le dgotait.Defabre en avait maintenant occis peu prs le quart et il n'tait pas essouffl. En revanche, la multitude qui l'entourait l'tait.-Et bien? On s'arrte alors que le travail n'est pas fini? Oh, allez, vous tes une myriade, je suis seul, persiffla-t-il.Les tueurs ne comprenaient pas. Ils taient pourtant une plthore mais cette personne blonde qui se tenait devant eux, seul, les remplissait d'apprhension. Ses lvres tires et ses yeux mi-clos, il dgageait une aura impressionnante. Une aura de puissance sans mme qu'il ait bouger, il ne tenait qu' voir son absence de blessure et le nombre de cadavres ou d'expirants allongs prs de ses pieds.Il avana. Ils se crisprent, ses pas semblaient tre une alarme, un glas qui sonnait. Une sentence, les treignant.Une pluie martelant le casque d'un homme.Son sourire s'effaa et son regard devint vide, il tait soudain ailleurs, un trauma ressurgissait.Les larmes sales laves par l'eau coulant du ciel.Il secoua la tte et tenta difficilement de se reconcentrer.Qu'est-ce que...Il se remit en position de combat avec un visage agac. Les victimes devant lui prirent cela pour un signe de faiblesse et redoublrent de motivation pour l'liminer; ou ne serait-ce que pour le blesser, au moins a. Defabre, lui, continuait les mettre terre aprs avoir pralablement trac un sillon carlate sur leurs corps, mais avec de plus en plus de difficult. Un souvenir, si c'en tait un, incomplet, revenait sans cesse le harceler sous forme de bribes d'images fugaces ou de fragments de son qui partaient et revenaient. Ces -coups lui faisaient ressentir un noeud l'estomac. Il serrait les dents, cette boule le gnait au plus haut point et ralentissait ses mouvements. Ses mouvements fluides semblables un drapeau que l'on agiterait taient maintenant devenus saccads, s'arrtant chaque impulsion. Il essayait vainement de contrer ce sentiment handicapant, mais c'tait en vain.Mais merde, qu'est-ce que j'ai!Il ne l'avait pas remarqu mais son visage d'auparavant arborant la condescendance avouait maintenant l'effort.C'est alors que, sans qu'il ne s'en soit rendu compte, des clats de son pourpoint vert vola d un coup ascendant.Ces clats taient mls de gouttes rouges.Soudain, il sentit un long trait trs douloureux lui parcourir du sein gauche son paule droite. Par cette fente taille par un adversaire face lui, son bras encore en-haut aprs l'excution, il eut l'impression que toute sa force s'chappa brusquement de cette ligne.Il s'affaissa, mais s'appuya encore sur son sabre.-Ha... si... si... tu restes en vie... quelle gloire... insultante tu pourrais... ramener... chez... toi... balbutia-t-il, son sang s'coulant le long de la plaie.Avec le peu de rserve d'nergie qu'il lui restait, il cingla vers son ennemi et lui pera le torse droit au coeur. Il n'avait pas eu le temps de ragir face la vitesse d'excution du Grec. Il ne put que constater dans son dernier souffle.Defabre l'observa tomber. Il ne reprit pas son sabre plant dans le corps du cadavre mais il garda son bras gauche pour essayer de contenir le sang s'coulant du sillon rouge. Il respirait bruyamment par la bouche.Il contempla son oeuvre, des cadavres, encore et encore partout. Il devait rester sept mercenaires encore en vie, l'observant.-Bien quoi?... ne venez... vous pas... chercher... le Bienheureux Defabre?... Le Franc parmi... les musulmans? mprisa-t-il.Sa vue commena baisser. Il vacilla et retomba sur ses genoux, ivre de douleur et de fivre mmorielle. Il perdait contact avec tout ce qui se passait autour de lui. Ses paupires s'affaissrent et dans une dernire fente, il vit un autre spectacle. Des amoncellements de cadavre une nuit de pluie, un homme barbu drap dans un tissu blanc avec une croix rouge sur son torse, une pe en main, le sang courant le long du fil.Avant de se sentir tomber lentement, sa joue rsonnant lourdement sur le sable et la poussire, il entendit vaguement une clameur fantomatique derrire lui, et son nom scand.Defabre!


IX


-Abbas, tu es reconnu coupable de haute trahison envers le commandant en chef de la police militaire de l'arme du Djihad du Grand Salah Ahdin.An-Lahad avait fait dferl en urgence ses quinze soldats de fortune pour liminer les derniers mercenaires pris de court du tratre et fait port Defabre dlirant le plus rapidement au campement.Abbas tait genou devant lui, Farid et les quinze soldats dont deux avaient pos leurs sabres sous son cou pour l'gorger s'il tentait quoi que ce soit. De toute manire: maintenant ou aprs qu'est-ce qui changeait part le protocole?-Trahison? J'ai tent d'aider l'Islam en menant en enfer ce Franc! objecta-t-il vivement.An-Lahad le considra un moment. Il paraissait sous le choc et prt se dfendre chaque attaque qu'on lui porterait tel un serpent accul. Il commenait prouver de la piti pour lui. Ses intentions n'taient pas si mauvaises aprs le complot pour s'emparer du sultanat. Il voulait mener l'Egypte dans la paix. Aprs tout, qui ne le voulait pas?-Ce que tu as tent de faire n'tait pas une aide mais une condamnation. Penses-tu tre vraiment plus sage que Salah Ahdin? rpondit An-Lahad.-Ce Djihad n'a pas de sens. Il ne se terminera jamais. Nous pouvons vaincre nos ennemis en les dissuadant de nous affronter en appuyant la puissance de notre pays. Les morts ne sont pas requis.-Vraiment? Et Defabre? Et tous ces mercenaires morts?-Il tait un ennemi de par sa nature martiale, le laisser en vie et t une menace constante pour l'Egypte! C'est un Franc. Et qui nous fait la guerre? Les Francs!Les Francs.Ce mot tait appuy avec tellement de rancoeur que c'en tait presque effrayant. Cela avait rappel An-Lahad un jour o il tait parti Jrusalem en compagnie de ses quelques gardes, pour il ne sait plus quelle flnerie. Il passa alors ct d'une glise et entendit une clameur se lever au-dedans. Des voix puissantes et basses s'levaient et sortaient du clocher pour se disperser dans tout le quartier, distribuant sa ferveur tous. An-Lahad leva la main pour cacher le soleil du matin et regarda cette glise.-Qu'est-ce? demanda-t-il un de ses gardes.-Une prire francque, seigneur, rpondit-il.-Et quel Dieu prie-t-il?-Jhovah, seigneur.-Jhovah... Et que dit cette prire, toi qui connais la langue francque?Le garde dgagea une de ses boucles de cheveux qui passait sur son oreille droite et couta.-Ils disent: "Lou soit Jhovah Dieu l'unique et son fils Jsus Christ crucifi pour l'amour des hommes ici en cette ville sainte. Lou soit l'amour de Jhovah Dieu pour l'homme pcheur et imparfait, pardonne-le. Que ton rgne soit universelle et que ton Fils rgne sur le royaume clste, Amen."Il l'coutait, et pensait: "cette religion prche donc la paix?" Il laissait vagabonder son esprit sur l'me de ces barbares vnrant un Dieu d'amour, comme eux.-Cette prire ressemble beaucoup au ntre, ajouta-t-il.Son interprte se contenta de hausser les paules mais un autre bondit dans la discussion et dit avec ddain.-Peut-tre, mais n'oubliez pas qu'ils sont francs!L'intonation sur le mot: franc tait rempli d'aversion. An-Lahad ne fit qu'observer son visage dform par ce sentiment.Ainsi, ce sentiment est si puissant?-Bref, qu'allez-vous faire? Me tuer je pense. Et bien faites ce qu'il y a faire. ces mots An-Lahad dgana son pe et trancha sa tte. Elle roula, ensanglantant le sable. Le corps retomba lourdement.Farid resta coi devant la vlocit de la rponse d'An-Lahad devant ce sarcasme. An-Lahad excuta un mouvement sec pour nettoyer le sang sur sa lame et la rengana sans mot dire.-Les sarcasmes. J'ai toujours eu beaucoup de peine avec ce genre d'humour. Surtout s'il vient d'un tratre ayant attent la vie de Defabre.Il fit demi-tour laissant Farid toujours paralys face la brivet des vnements qui se sont enchans. Il reprit son souffle et ordonna que l'on rapporte le corps au camp, sans oublier la tte ayant roul jusqu'en bas de la dune.-Je n'ai pas que a faire, rajouta An-Lahad, une longue guerre se dfile l'horizon, par-del le Jourdain. Nous avons la mener contre eux et non pas contre nous. De plus nous aurons besoin de toutes les ressources disponibles mme s'ils sont d'une fiert d'un mpris infini. Vous me trouverez chez les mdecins si vous me cherchez.