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Dossiers • PRISE EN CHARGE DES TOXICITÉS DIGESTIVES ÉCONOMIE ET RECOMMANDATIONS EN ANÉMIE ET NEUTROPÉNIE #2 Revue annuelle bilingue Novembre 2016

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Dossiers • prise en charge des toxicités digestives • économie et recommandations

en anémie et neutropénie

#2Revue annuelle bilingueNovembre 2016

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nouveaux traitementsnouvelles tolérances

nouvelles prises en chargeWWW.TAO-MEETING.COM

7e ÉDITION

30 NOVEMBRE1ER DÉCEMBRE2017

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Journal of Cancer Toxicity ManagementEditeur : Manner – 58 av de Wagram 75017 PARISDirectrice de la publication : Sonia Litwin

Rédacteur en chef Florian Scotté, Hôpital Européen G. Pompidou, Paris, France

Comité de rédaction France et Europe René-Jean Bensadoun, CHU, Poitiers, FranceMario Dicato, Centre Hospitalier du LuxembourgMario Di Palma, Institut Gustave Roussy, Villejuif, FrancePhilippe Giraud, Hôpital Européen G. Pompidou, Paris, FranceJoseph Gligorov, Hôpital Tenon, Paris, FranceDidier Kamioner, Hôpital de l’Ouest Parisien, Trappes, FranceJean Lacau Saint-Guily, Hôpital Tenon, Paris, FranceVincent Launay Vacher, Hôpital Pitié Salpêtrière, Paris, FranceDidier Mayeur, Centre Hospitalier de Versailles, FranceJean Baptiste Rey, Institut Jean Godinot, Reims, FranceFrançois-Georges Riet, Hôpital Européen G. Pompidou, Paris, FranceStéphane Vignot, Hôpital de la Pitié Salpêtrière, Paris, FranceMarie-Line Garcia, Hôpital Saint-Antoine, Paris, France

Fausto Roila, Santa Maria Hospital, Terni, ItaliePere Gascon, Clinical Hospital of Barcelona, Barcelone, Espagne

Comité de rédaction USAJeffrey Crawford, Duke University, Durham, USAJohn Glaspy, Université de Californie (UCLA), Los Angeles, USARichard Gralla, Albert Einstein School of Medecine, NY, USAMario Lacouture, Memorial Sloan-Kettering Cancer Center, New York, USA

Comité Scientifique

Président du Comité scientifique Ivan Krakowski, Institut Bergonié, Bordeaux, France

Regis Aubry, CHRU de Besançon, FranceBrigitte Bonan. Hôpital Foch, Suresnes, FranceThierry Bouillet, Hôpital Avicennes, Bobigny, France Gilles Calais, Hôpital Bretonneau, Tours, FrancePhilippe Colombat, Hôpital Bretonneau, Tours, FranceSylvie Dolbeault, Institut Curie, Paris, FranceCatherine Durdux, HEGP, Paris, FranceStéphane Hans, HEGP, Paris, FranceChristian Hervé, Université Paris Descartes, FranceJean Pierre Lotz, Hôpital Tenon, Paris, FranceDenis Moro Sibilot, CHU de Grenoble, FranceLaurent Mortier, CHRU de Lille, FranceStéphane Oudard, HEGP, Paris, FranceNicole Pelicier, HEGP, Paris, FranceCaroline Robert, Institut Gustave Roussy, Villejuif, FranceManuel Rodrigues, Institut Curie, Paris, FrancePhilippe Rougier, HEGP, Paris, FranceMarc Spielmann, Institut Gustave Roussy, Villejuif, FranceJulien Taieb, HEGP, Paris, FranceMarcel-Louis Viallard, Hôpital Necker, Paris, France Secrétariat de rédactionNathalie Frament - [email protected]

Abonnements : Manner – 58 av de Wagram 75017 PARIS

Conception graphique et maquetteArnaud Gautron Design Graphique - www.agdg.fr

Fabrication Imprimerie CorletZI, rue Maximilien Vox 14110 Condé-sur-Noireau

Prix au numéro : 25 €Abonnement annuel : Etudiants (France et export) 30€ - Individuel (France et export) 50 € - Institutions 100€ (France et export)

ISSN : en cours - Dépôt légal : à parution

La revue Journal of Cancer Toxicity Management est publiée chaque année à l’occasion du congrès TAO-Cancer toxicity management (CTM). Revue et congrès abordent ensemble tout le champs des com-plications du cancer.

Car les complications du cancer (et de ces traitements) reviennent comme jamais au coeur de l’actualité : les toxicités des thérapies in-novantes restent nouvelles, imprévues et bien souvent non-maîtri-sées. Face à l’arrivée de ces thérapies, mal connues et nombreuses, il s’agit donc d’anticiper : définir les profils de patients et créer de nouveaux parcours de soins et d’accompagnement. C’est ce à quoi s’attelleront le congrès et la revue CTM : décrypter ces toxicités et montrer des exemples d’organisations optimisées. Former et offrir des sources d’inspiration.

Parler des complications donc. Parce que les biothérapies et les immunothérapies continueront d’arriver ces prochaines années. Parce que les thérapies orales se développent. Parce qu’on soignera désormais le patient depuis l’hôpital jusqu’au domicile, par des nouveaux personnels et des nouveaux outils.

Discipline à part entière, la gestion de complications et toxicités deviendra la raison de repenser les organisations et sera donc au cœur de nos projets. Revue et congrès suivront de près les tolé-rances de ces nouveaux traitements, et bien-sûr les recommanda-tions.

Le congrès 2016 se concentrera de façon tout à fait inédite sur la tolérance des immunothérapies. Thérapies qui se généralisent et pour lesquelles les prises en charge restent encore flous. Thérapies dont on connaît encore mal les effets indésirables. Thérapies qu’il s’agit d’intégrer au mieux, sans se faire prendre par surprise.

La revue complétera le congrès par un point sur les toxicités diges-tives du cancer. L’occasion de refaire un point sur les recommanda-tions et d’envisager toutes les complications possibles, notamment sous traitements innovants. Un dossier complet dans lequel nous espérons que vous trouverez formation et inspiration pour votre propre pratique clinique.

Bonne lecture à tous !

Dr. Florian Scotté

#2Revue annuelle bilingueNovembre 2016

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DossierPRISE EN CHARGE DES TOXICITÉS DIGESTIVES

Gestion de la mucite orale associée aux thérapies cibléesRené-Jean Bensadoun

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10Mucites bassesLoïc Lebellec 12Prise en charge de la diarrhéeDiana Bello Roufai 16Constipation et cancer : les enjeux d’une prise en charge adaptéeClaire Gervais 21Nouveautés antiémétiques : le pointF.Scotté, A.Saadi, C.Brami, S.Morin, P.Leroy, M.Laurans, C.Gervais 25Nausées et vomissements radio-induitsJean-Christophe Faivre 31Reflux gastro-œsophagien, œsophagite et gastriteDr Lysiane Marthey 36Ascites malignesMarc Hilmi 42Toxicités hépatiques des chimiothérapiesMarion Corouge, Stanislas Pol 44Toxicités digestives des chimiothérapiesTiphaine Lambert 48

NewsClaire Gervais

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DossierECONOMIE ET RECOMMANDATIONS EN ANÉMIE ET NEUTROPÉNIE

Impact médico économique des ASE et GCSF sur la prise en charge des patients atteints du cancerJean-Jacques Zambrovski

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54Recommendations on the Management of Anemia in CancerPere Gascon 56Recommandations sur la prise en charge de la neutropénie en cancérologieMarc Laurans, Florian Scotté 60Gestion anémie et neutropénie, conversation avec les patientsMarie-Line Garcia 67

Dossiers • prise en charge des toxicités digestives • économie et recommandations

en anémie et neutropénie

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4 #2 - Novembre 2016

News

L’actualité en oncologie n’a probablement jamais été aussi riche que ces dernières années. Les immunothérapies gagnent encore du terrain tant dans leurs indications que dans les stratégies de traitement. Cela pose bien sûr des questions majeures de tolérance dont l’ampleur reste difficile à évaluer. Les soins de support sont donc plus que jamais à l’honneur et se font désormais la part belle des revues scientifiques de tout premier plan. Cette revue de la littérature s’est donnée pour objectif de résumer l’an-née 2016 en dix point forts.

La télémédecine à l’aire du numérique : le grand saut à l’ASCO 2016®Les résultats d’une étude de phase 3 rando-misée évaluant l’intéret d’une web-appli-cation (Moovcare®) ont été présentées lors du congrès de l’ASCO 2016® par Fabrice Denis(1). Les patients inclus étaient suivis pour un cancer bronchique (stades II-IV) soit par scanners réguliers annuels et sur-veillance des symptômes avec l’application (bras expérimental) soit uniquement par des scanners plus rapprochés en fonction du stade (bras standard). Au total, 133 patients ont été inclus. La survie globale (critère de jugement principal) était significativement supérieure dans le bras expérimental (19 versus 12 mois ; HR = 0,325 ; p=0,0025). La qualité de vie était également améliorée et l’application permettait de diminuer de 50% le nombre des scanners. L’impact mé-dico-économique était donc très en faveur de l’application.

Le chiffres du cancer et la crise économique

Une étude descriptive s’est intéressée aux données de mortalité par cancer dans 60 pays entre 2000 et 2010(2). Les résultats glo-baux sont en faveur d’une diminution de la mortalité de l’ordre de 1% (696.000 décès par cancers évités en 2010, 426.000 chez les hommes et 271.000 chez les femmes). En revanche, la mortalité par cancers hépa-tiques (+2.5%) est en augmentation dans les deux sexes et celle par cancers bron-chiques chez les femmes (+1 à 6%). Les auteurs ont insisté sur les enjeux que repré-sentent la prévention et la recherche dans ces indications.Sur un plan davantage analytique, une étude longitudinale a évalué l’impact de la crise économique de 2008-2010 sur la mor-talité par cancer à partir des données de la Banque Mondiale et de l’ONU (75 pays, plus de 2 milliards de personnes concer-nées)(3). Le chômage était significativement associé à un risque accru de décès par can-cer (soit 312 847 décès supplémentaires), exception faite du cancer du poumon chez les femmes. Il n’y avait pas de lien en revanche avec les cancers incurables. Ces données sont donc en faveur d’une moins bonne prise en charge en situation de chô-mage (difficultés financières d’accès aux soins, problèmes psychologiques retardant le diagnostic), bien que les pathologies ne soient pas plus agressives. Ces probléma-tiques médico-économiques sont donc par-ticulièrement sensibles et concernent, rap-pelons-le, plus de 6 millions de personnes en France.

Claire GervaisService d’ Oncologie-Radiothérapie Hôpital de la Pitié Salpêtrière Paris, France

Soins oncologiques de support en 2016, le top 10

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L’immunothérapie, entre rêve et réalité

Après le mélanome et le cancer bronchique non à petites cellules métastatiques, l’étude Checkmate 025 a fait l’objet d’une bombe dans le cancer du rein en 2015(4). Les résul-tats étaient en faveur d’une amélioration significative de la survie globale avec le nivolumab (anti-PD-1) en deuxième ligne en comparaison avec l’évérolimus (25 ver-sus 19.6 mois ; HR=0.73 (IC 98.5%, 0.57-0.93; p=0.002). Le plus impressionnant restait, comme pour les autres inhibiteurs de checkpoints, les longs-survivants à plus de deux ans.Une nouvelle analyse de cette étude a porté sur la qualité de vie(5). Les scores étaient significativement supérieurs avec le nivo-lumab en comparaison avec l’évérolimus (p<0·0001). Parmi les 361 patients traités par nivolumab, 55% décrivaient une amé-lioration de leur qualité de vie contre 37% des 343 patients traités par évérolimus. De plus, cet effet du traitement expérimental était obtenu plus rapidement (4.7 mois vs médiane non atteinte).Les interactions médicamenteuses et les in-terférences avec les tests biologiques posent également question. Une lettre au New England Journal of Medicine a fait l’objet d’une alerte concernant les tests de com-patibilité utilisés avant transfusions san-guines(6). Le daratumumab, un anticorps monoclonal anti CD38 indiqué dans le traitement des myélomes multiples serait responsable de faux positifs. Des alterna-tives existent avec l’utilisation du dithio-threitol et le contrôle phénotypique et génotypique des unités de globules rouges. Il s’agit d’une problématique particulière-ment importante, notamment dans cette indication avec un fort besoin transfusion-nel. Les auteurs ont insisté sur l’importance de ces considérations lors du développe-ment des médicaments en phases précoces.

Douleurs chroniques cancéreuses, des recommandations « evidence-based »Les douleurs concernent 40% des patients survivants d’un cancer et leur impact sur la qualité de vie est particulièrement défavo-rable, y compris dans la période « après-cancer ». Forts de ce constat, des experts mandatés par l’ASCO® ont établis des recommandations à partir de 63 articles à fort niveau de preuve(7). Plusieurs points sont évoqués concernant le diagnostic, l’évaluation et le traitement des douleurs : - L’évaluation gradée des douleurs doit

concerner chaque consultation ; - Les douleurs peuvent révéler une réci-

dive tumorale, un second cancer ou des effets tardifs des traitements et néces-sitent une prise en charge et une sur-veillance spécifique ;

- Le recours à un autre professionnel de santé est parfois nécessaire ;

- Les traitements opioïdes doivent être prescrits pour des patients avec des douleurs résistantes aux antalgiques de premières lignes (paliers 1 et 2 de l’OMS) et nécessitent une attention particulière quant aux effets indési-rables et mésusages ;

- Les traitements non médicamenteux possibles sont résumés dans le Tableau 1.

Quels effets à long terme des traitements du cancer de la prostate localisé ?Le cancer de la prostate localisé permet trois attitudes thérapeutiques : la prosta-tectomie radicale, la radiothérapie asso-ciée à une hormonothérapie et la surveil-lance active. Le projet « ProtecT » pour Prostate Testing for Cancer and Treatment a comparé les patient-reported outcomes de 1643 hommes, à partir de questionnaires remplis au diagnostic, 6 et 12 mois après randomisation, puis tous les ans(8). La pros-tatectomie radicale était pourvoyeuse d’un plus grand nombre d’effets indésirables sur les fonctions sexuelles et la continence urinaire. Bien que certains patients récu-péraient, ces effets négatifs étaient les plus importants des trois groupes. Les effets dé-létères sur la sexualité de la radiothérapie associée à l’hormonothérapie étaient plus importants à 6 mois, s’amendaient par la suite et restaient stables dans le temps. La continence urinaire était peu atteinte par la radiothérapie. La sexualité et la continence se dégradaient progressivement en cas de surveillance active. Concernant la toxicité digestive, le groupe radiothérapie était le plus impacté à 6 mois et récupérait par la suite, exception faite de la fréquence accrue de rectorragies. Aucune différence significa-tive n’a été observée entre les trois groupes

News

Tableau 1. Traitements non médicamenteux des douleurs chroniques cancéreuses, recommandés par l’ASCO®(7)

Disciplines Exemples

Médecine physique et réadaptation Thérapies physiquesThérapies occupationnellesThérapies récréativesProgrammes d’exercices individuelsOrthèsesUltrasonsChaud/froid

Thérapies intégratives MassagesAcupunctureMusicothérapie

Thérapies interventionnelles Blocs nerveuxInjection intrathécales/périduralesVertébroplastie

Approches psychologiques Thérapies cognitivo comportementalesRelaxation

Thérapies neurosensorielles TENSStimulations de la moelle épinièreStimulations nerveuses périphériquesStimulations transcraniennes

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6 #2 - Novembre 2016

sur l’anxiété, la dépression, la qualité de vie et l’état de santé général.

Traitement des mucites et ostéonécroses de la mâchoire, le laser à tout bon !La Multinational Association of Supportive Care in Cancer (MASCC) a édité en 2014 des recommandations sur la prise en charge des mucites induites par les traite-ments du cancer(9). Le laser basse fréquence (LBF) est une option évoquée pour deux indications : - la prévention de la mucite induite par

les conditionnements de chimiothéra-pie avant allogreffe de moelle osseuse pour des hémopathies, avec ou sans irradiation corporelle totale ;

- la prévention de la mucite induite par la radiothérapie pour des cancers de la tête et du cou avec ou sans chimiothé-rapie concomitante.

Il n’est donc pas recommandé, au vu des données de la littérature, d’utiliser le LBF à visée curative. Pourtant, de nombreux centres experts l’utilisent avec de très bons résultats.L’ostéonécrose de la mâchoire est une autre complication des traitements oncolo-giques. Une récente méta-analyse a évalué le lien avec les traitements par biphospho-nates(10). L’incidence serait de 0,8 à 12% selon les études. Cette complication grave implique parfois des traitements chirurgi-caux lourds et les séquelles demeurent très importantes. Une revue de la littérature a évalué l’intérêt du LBF, en association avec les thérapeutiques classiques dans le trai-tement des ostéonécroses de la mâchoire induites par les biphosphonates(11). Le LBF présente une action anti-inflammatoire et peut permettre de contrôler les douleurs, de diminuer la prolifération bactérienne et stimuler la cicatrisation. Les auteurs ont re-tenu sept études avec un niveau de preuve suffisant. Les taux de réponses globales étaient supérieurs pour les patients traités par LBF (55% vs 30%). Il semblerait donc y avoir un bénéfice à l’adjonction du LBF à la stratégie thérapeutique initiale dans cette indication. Aucun effet indésirable n’a été rapporté. Des études ultérieures semblent nécessaires afin de le lever le doute sur une

éventuelle protection ou aggravation des processus carcinologiques.

Du nouveau pour les nausées-vomissements chimio induits

Les traitements des Nausées-Vomissements Chimio-Induits (NVCI) progressent rapi-dement et permettent désormais un taux important de réponses complètes, même en cas de chimiothérapie hautement émé-tisantes. Le référentiel de l’Association Francophone pour les Soins Oncologiques de Support (AFSOS) distingue la prophy-laxie primaire (triplets NK1, sétron, cor-ticoïdes) de la prophylaxie secondaire, en cas de NVCI non contrôlées (ajout de benzodiazépines, anti-D2 ou olanzapine)(12). Une étude de phase 3 randomisée a évalué l’intérêt de l’olanzapine contre pla-cebo, en première ligne pour 380 patients, en association avec palonosetron 0,25 mg IV ou granisetron 1 mg IV ou 2 mg PO ou ondansetron 8 mg IV ou PO, dexametha-sone 12 mg J1 puis 8 mg de J2 à J4 et un inhibiteur de neurokinine de type 1 (fosa-prepitant 150 mg J1 ou aprepitant 125 mg J1 puis 80 mg J2-3)(13). Les protocoles de chimiothérapies étaient équilibrés dans les deux bras (cisplatine ou anthracycline-cy-clophosphamide). La prévention des nau-sées (critère de jugement principal) était

significativement supérieure dans le bras olanzapine (37,3% vs 21,9%, p=0,002), aux phases aiguës et retardées. La réponse complète au traitement était également améliorée (63,6% vs 40,6%, p<0,001). Bien que la tolérance semblait satisfaisante dans les deux bras, les patients traités par olanzapine présentaient davantage de som-nolence à J2 (5% de somnolence sévère).Concernant les NCVI des chimiothérapies moyennement émétisantes, les stratégies de prise en charge évoluent également. Une étude de phase 3 a comparé une injec-tion unique de fosaprepitant (150 mg) J1, par rapport au placebo, en association avec une bithérapie setron + corticoïdes J1 et se-tron J2-J3(14). Les protocoles de chimiothé-rapies concernés étaient équilibrés (53% de carboplatine et 22% d’oxaliplatine). Les patients recevant le fosaprepitant pré-sentaient une amélioration significative de la réponse complète à la phase retardée (78.9% versus 68.5%; P < 0.001) et de la réponse globale (77.1% versus 66.9%; P < 0.001), mais pas à la phase aiguë (93.2% versus 91.0%; P = 0.184) (Figure 1). Aucune différence n’a été observée en terme de to-lérance entre les deux bras.

Figure 1. Proportion de sujets avec (A) une réponse complète et (B) pas de NVCI à la phase aiguë (0-24h), retardée (25h-120h) et globale (0-120h) après l’initiation du traitement(14)

(A) (B)

100

RCphase aiguë

p=0,184

Fosaprepitant Control

p<0,001

78,9 77,1

68,5 66,9

p<0,001

RCphase retardée

RCphase globale

%

90

80

70

60

50

40

30

20

10

0

100

NVphase aiguë

p=0,069

p<0,001 p<0,001

Fosaprepitant Control

83,9

94,8

82,7

75,1

92,0

72,9

NVphase retardée

NVphase globale

%

90

80

70

60

50

40

30

20

10

0

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7NEWS

Après un cancer du sein, 25% des patientes se plaignent de fatigue sévèreLa fatigue est un symptôme très fréquent et souvent sous-évalué. Une méta-analyse a tenté d’examiner la prévalence de la fatigue liée à la maladie et/ou aux traitements et de décrire l’évolution de la fatigue sévère qui suit la prise en charge d’un cancer du sein. Au total, 27 études ont été retenues (12  327 patientes). En cas de tumeurs avancées (stade II ou III) et de chimiothéra-pies, les patientes étaient plus à risques que celles avec des lésions de stades plus faibles, sans chimiothérapie. Les traitements de ra-diothérapie et d’hormonothérapie étaient également pourvoyeur de fatigue sévère. Les patientes entourées par leur partenaire présentaient moins de risque de fatigue sévère. La prévalence globale de la fatigue sévère était de 26,9 % (IC 95% 23,2-31,0) mais sur des données poolées, donc très hétérogènes. Une diminution nette de la prévalence semblait survenir à 6 mois de la fin des traitements oncologiques.L’AFSOS propose des algorithmes de prise en charge de la fatigue dans un référen-tiel régional(15). Il est préconisé de ne pas encourager les siestes (absence de béné-fice, voire effets délétaires). Les techniques d’économies d’énergie sont à favoriser (fractionner les activités, hiérarchises les objectifs journaliers). Une approche psy-chologique et médicamenteuse (prise en charge de l’anémie notamment) sont par-fois nécessaires. La réhabilitation physique est à recommander fortement. En effet, l’activité physique permettrait de réduire de 20 à 30% la fatigue.

Thérapies ciblées, attention les yeux !

De nombreuses classes de traitements peuvent être responsables de toxicités ocu-laires. Les nouvelles thérapies ciblées sont désormais mieux connues pour entrainer des effets indésirables ophtalmologiques parfois sévères, comme des conjonctivites, une baisse d’acuité visuelle, des kératites, voire des neuropathies optiques. Le recours à l’ophtalmologiste est le plus souvent in-diqué. Une revue de la littérature s’est fixée

comme objectif de répertorier ces toxicités et de proposer des prises en charges adap-tées(16).Les anti-MEK constituent une classe parti-culière avec une atteinte oculaire spécifique définie par une rétinopathie bilatérale et symétrique temps et dose-dépendante (cé-cité nocturne). Les anti-EGFR entrainent quant à eux une atteinte de la prolifération cellulaire nor-male de la cornée, des paupières et des glandes lacrymales. Des soins locaux à base de larmes artificielles et sérum physiolo-gique sont le plus souvent suffisants. Les collyres aux corticoïdes sont réservés aux formes sévères.Les inhibiteurs de BRAF mais également les inhibiteurs de checkpoints (anti PD-1 et anti-CTLA-4) peuvent entrainer des uvéites, des hyalites et des iritis par atteinte de la barrière immunitaire.

Les patients diabétiques et sujets âgés ont un risque accru de neuropathie chimio induiteLa toxicité neurologique de nombreux agents cytotoxique est souvent limitante et nécessite une anticipation en cas de comorbidités. Une méta-analyse à partir de 23 études (1401 patients) a été menée afin d’étudier le lien entre la survenue de la neuropathie et les comorbidités.Les patients ayant reçu du paclitaxel étaient plus sujets à une neuropathie de grade 2 à 4 en comparaison avec le docetaxel (25% vs 12%; OR=2.20; IC95%=1.52-3.18; p=0.001). Les sels de platine étaient également pourvoyeurs de neuropathies. Pour chaque année d’âge supplémentaire, le risque était accru de 4% (p=0,006). Les patients diabétiques avaient quant à eux un risque multiplié par deux (OR=2.13; IC95%=1.31-3.46; p= 0.002). En revanche, les patients avec des maladies auto-im-munes présentaient deux fois moins de neuropathie (OR= 0.49; IC95%=0.24-1.02; p= 0.06). L’hypercholestérolomie, l’hypertension artérielle, l’atteinte vascu-laire périphérique et le zona n’étaient pas associés à un sur-risque de neuropathie. •

RÉFÉRENCES1. F. Denis et al. – ASCO®2016 – Abs. #LBA9006. 2. Hashim D, Boffetta P, La Vecchia C, Rota M, Bertuccio

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Gestion de la mucite orale associée aux thérapies ciblées .................................. 10

Mucites basses ............................................ 12

Prise en charge de la diarrhée ..................... 16

Constipation et cancer : les enjeux d’une prise en charge adaptée .... 21

Nouveautés antiémétiques : le point ........... 25

Nausées et vomissements radio-induits ....... 31

Reflux gastro-œsophagien, œsophagite et gastrite ................................. 36

Ascites malignes ......................................... 42

Toxicités hépatiques des chimiothérapies ... 44

Toxicités digestives des chimiothérapies ..... 48Illus

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Dossier

PRISE EN CHARGE DES TOXICITÉS DIGESTIVES

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10 #2 - Novembre 2016

Stomatite chez les patients bénéficiant d’une thérapie ciblée

Ces dernières années, des lésions de la muqueuse buccale, souvent uniques et douloureuses, ont été rapportées en asso-ciation avec l’administration de différentes thérapies ciblées (par exemple anti-EGFR et inhibiteurs de mTOR)(2).Elting et al.(3) ont déterminé (méta-ana-lyse) que les toxicités muqueuses orales as-sociées aux agents ciblés étaient fréquentes chez les patients traités par bevacizumab, erlotinib, sorafenib ou sunitinib. La sto-matite à l’everolimus est également très fréquente(3).Cette analyse par Elting et al. montre que stomatite, oesophagite, et xérostomie sont des complications occasionnelles des thé-rapies ciblées, mais que ces problèmes ne sont pas significativement plus fréquents ou plus graves que ceux observés avec les chimiothérapies classiques, notamment les anti-tyrosine kinases.A l’inverse, dans une revue systématique sur 44 études utilisant les inhibiteurs de mTOR, les mIAS (mTOR Inhibitor-Associated Stomatitis)(4) ont été identifiés comme les effets secondaires les plus fré-quents (73,4%)(5). Ces lésions de stomatite étaient en gravité la troisième cause d’effets secondaires graves (20,7%), représentant 27,3% des réductions de dose, et 13,1% des arrêts, et a été la toxicité dose-limitante la plus fréquente (52,5%). Il est important de noter que la majorité des mIAS se pro-duisent peu de temps après l’initiation de l’agent(6).

René-Jean BensadounCentre de Haute Energie Nice

Gestion de la mucite orale associée aux thérapies ciblées

A partir du référentiel ESMO, actualisation 2015-2016(1)

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Dossier : Prise en charge Des toxicités Digestives

11Gestion de la mucite orale associée aux thérapies ciblées

Traitement préventif et curatif des stomatites liées aux thérapies cibléesLe diagnostic de la mucite orale et gastro-intestinale causée par les agents ciblés est généralement basé sur l’histoire clinique et l’examen clinique. La relation temporelle entre le moment de l’administration de la thérapie ciblée et les symptômes est sou-vent suffisante pour établir le diagnostic.

Mesures préventivesLes mesures préventives sont importantes dans la réduction de la sévérité de la stoma-tite. Toutes les sources de traumatisme (par exemple des arêtes vives ou des prothèses mal ajustées) devraient être éliminées et tous les stimuli douloureux tels que les ali-ments chauds, les aliments durs, pointus ou épicés, devraient être évités.Une hygiène buccale efficace est essentielle;

il est important que les patients soient convenablement instruits sur les compli-cations orales avant le traitement (figure 1).Il doit être conseillé aux patients de pro-grammer des consultations dentaires ré-gulières afin d’évaluer l’état de leur cavité buccale, et par ailleurs est demandé aux patients d’informer les professionnels de santé dès les premiers signes et symptômes de complications orales(2).

Soins bucco-dentaires de base et bonnes pratiques cliniquesLes soins bucco-dentaires de base sont la clé pour prévenir et réduire les plaies buc-cales; enseigner au patient l’hygiène bucco-dentaire est donc très important. Un proto-cole complet de soins bucco-dentaires de base est à donner au patient.Pour les traitements par chimiothérapie et radiothérapie, McGuire et al.(12) ont conclu que, en raison de l’insuffisance de preuves et-ou de preuves contradictoires, il ne peut être donné de recommandations fortes pour les soins locaux de base en prévention ou traitement de la mucite buccale, tant pour les soins dentaires, que pour les bains de bouche (solution saline, bicarbonate de sodium, mélange divers, phosphate de cal-cium ou chlorhexidine)(12).Pour les thérapies ciblées, par contre, une recommandation en faveur des bains de bouche avec solution saline est possible (en raison de la charge microbienne qui est considéré comme pouvant favoriser la for-mation de blessure buccale dans cette po-pulation). Ces bains de bouche sont bien tolérés par les patients, avec une bonne adhésion du patient à ces soins de base.Concernant les soins curatifs de ces stoma-tites, il n’existe pas de recommandations validées, mais l’utilisation de corticoides locaux et généraux, d’anti-ulcéreux, et du

laser de basse énergie est préconisée. Le groupe « OrOr » (prise en charge préventive et curative des stomatites sous everolimus) propose le protocole suivant, qui peut être considéré comme une base de travail (tableau 1). •

RÉFÉRENCES :1. Peterson D. E., Boers-Doets C.B, Bensadoun R.J.,

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Figure 1. Conseils hygiéno-diététiques en prévention des stomatites sous thérapie ciblée

• Se brosser les dents avec une brosse souple après chaque repas, au moins 3 fois par jour ;

• Privilégier les dentifrices sans menthol ou pédiatriques ;

• Boire au moins 2 litres par jour (eaux minérales, thé, tisane, boissons à base de cola) ;

• Privilégier les aliments moelleux ou mixés ;

• Eviter de manger des aliments comme du gruyère, de l’ananas, des noix ; des aliments trop épicés ou acides (jus de citron, vinaigrette, moutarde), secs, croquants ou durs ainsi que la menthe (irritante) ;

• Hydrater les lèvres en appliquant un lubrifiant gras (lanoline, vaseline, beurre de cacao) :

• Supprimer ou réduire la consommation d’alcool et de tabac.

Tableau 1. Protocole de prise en charge préventive et curative des stomatites sous Everolimus (Groupe de travail OrOr, France)

Règles hygiéno-diététiques en préventif

• Mesure hygiéno-diététiques (inscrites dans le carnet de suivi du patient) : hygiène buccale, nutrition, aliments à éviter

• Bains de bouche au bicarbonate (1,4%)

• Pas d’ATB ou d’antifongique local systématique.

Traitement curatif dès l’apparition d’une mucite de grade 1

• Bicarbonate de sodium (carbonate monosodique 1,4%) : 1 flacon de 500 mL

• Cytotec (misoprostol) : 4 cp à dissoudre dans le bain de bouche 6 bains de bouche/jour avec cette solution Renouveller la solution tous les 4 jours

• Keal ou Ulcar (sucralfate) : 3 sachets

+ Prise en charge précoce et symptomatique de la douleur et de l’inflammation

• Mucite ≥ Grade 2 : corticoïdes + antalgiques de niveau 3 :

Solumedrol (methyl prednisolone) associé aux bains de bouche de bicarbonate : 80 mg en ampoule + si besoin 1 ampoule (injection) de Xylocaïne 2% (lidocaïne) dans chaque flacon de bicarbonate

Corticoïdes oraux ou dermocorticoïdes sur les lésions aphtoïdes (exemple: Dermoval pommade)

Morphiniques oraux ou patchs ; xylocaine gel ; VEA Olio, gel translucide (ne pas prendre le spray).

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12 #2 - Novembre 2016

La mucite est une altération de l’épithélium et du tissu conjonctif sous-jacent se traduisant par des lésions (érythème, inflammation, ulcé-ration, nécrose) plus ou moins symptomatiques. Elles s’étendent de la bouche à l’anus, mais en pratique, le terme mucite est associée à l’atteinte buc-cale et oropharyngée. Les atteintes diges-tives hautes (estomac, œsophage) sont rarement rapportées et les mucites basses sont souvent confondues, étant donné le peu de spécificité, avec la présence de diarrhées, quasi-constantes lors de l’utili-sation des traitements pharmacologiques (chimiothérapie, thérapies ciblées, immu-nothérapie, radiothérapie). Cependant, l’altération de la muqueuse intestinale en-traîne également des ballonnements, des douleurs abdominales, éventuellement des rectorragies et une malabsorption contri-buant à la dénutrition. Les organes pelviens peuvent également être atteints comme la vessie, le vagin, l’utérus, la vulve.Selon la sévérité de la mucite, les consé-quences vont de la simple gêne à la mise en jeu du pronostic vital. Une réduction des doses, voire l’interruption plus ou moins prolongée du traitement peuvent

être nécessaires, entrainant une perte de chance pour le patient dans le contrôle de la maladie voire dans l’espérance de vie, et conduisant aussi à un surcoût des soins spécifiques et à un déficit en terme de qualité de vie pour les patients (douleurs, dénutrition)(1).

Evaluation

Concernant les mucites digestives, il faut différencier « diarrhées » (augmentation de la fréquence des selles) et « mucite » avec présence de douleurs +/- de rectorragies, d’émission de glaire et de diarrhées ou en cas de preuve radiologique et/ou endosco-pique d’une inflammation de la muqueuse.L’évaluation de la sévérité des mucites basses repose sur une échelle : The National Cancer Institute Common Terminology Criteria For Adverse Events (NCI-CTCAE) utilisée dans les essais cliniques. Elle me-sure les signes indirects comme les diar-rhées, les douleurs abdominales, les rector-ragies. L’atteinte grêlique, colique, rectale et anale peuvent être différenciées dans la version 4.03. La prise en charge découle de la sévérité de la mucite(2).

Traitements en cause

1. La chimiothérapieDe nombreux protocoles de chimiothéra-pie standard sont responsables de mucites digestives, notamment ceux à base de 5-FU, de capecitabine, de tegafur et surtout d’irinotecan avec 10 à 25% de diarrhées de grade 3-4 et jusqu’à plus de 30% en cas d’association avec la radiothérapie. En cas de chimiothérapie intensive dans le cadre d’une allogreffe de cellules souches héma-topoïétiques, des mucites digestives de Grade 3-4 ont été décrites dans plus de 30 à 50% et dans plus de 60% en cas d’irradia-tion corporelle totale associée(3-6).

2. La radiothérapie(7)

L’entérite radique regroupe l’ensemble des complications intestinales de la radiothéra-pie abdomino-pelvienne. La présentation aiguë, marquée par des troubles digestifs à type de diarrhées, dès la deuxième semaine, est la conséquence directe de l’irradiation (environ 75% des patients). Elle régresse dans les semaines qui suivent l’arrêt et se traite de manière symptomatique(8, 9). La présentation chronique peut apparaître 2 mois à 30 ans après et résulte d’une atteinte transmurale de l’intestin avec une fréquence

Loïc LebellecCentre d’Investigation Clinique CHRU de Lille Service du Professeur Dominique Deplanque

Mucites basses

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Dossier : Prise en charge Des toxicités Digestives

de 5 à 15 % chez les malades traités(10, 11). Elle intéresse le grêle, responsable d’une malabsorption, de fistules et d’accidents subocclusifs, le sigmoïde responsable de sténose ou le rectum (troubles du transit, ténesmes, épreintes, impériosités et émis-sions de glaires). C’est une affection grave avec, dans les formes sévères, une survie à 5 ans de 36 %(12). En cas d’atteinte sévère résistante au traitement médical, une prise en charge chirurgicale peut être nécessaire (50%), avec une mortalité d’environ 15 % et une morbidité jusqu’à 50%. Un support nutritionnel parentéral prolongé est par-fois requis(13). Ce risque est majoré en cas de dose pelvienne élevée > 45 Gy, mais éga-lement en cas de dose de l’ordre de 20 à 25 Gy en assocation avec une chimiothérapie ou une laparotomie.L’irradiation du canal anal est souvent res-ponsable de réactions inflammatoires dou-loureuses (lésions de radio-épithélite). Le plus souvent, elles disparaissent dans les 3 mois suivant la fin de la radiothérapie mais il peut persister des séquelles dans 3 à 20 % des cas qui peuvent parfois se manifester plusieurs années après. Des effets retardés comme les fistules anales post-radiques peuvent également être observées(14).La cystite aigue peut apparaître tôt vers la deuxième ou tardivement à la troisième ou quatrième semaine sous la forme de polla-kiurie, dysurie, hématurie, urgenturie, dou-leurs. Elle est réversible après la radiothéra-pie. Une cystite hémorragique tardive peut survenir dans les 6 mois à 10 ans suivant l’irradiation (2% de complications sévères dans la plupart des séries avec une irradia-tion centro-pelvienne de 60 Gy). On peut observer un syndrome irritatif associé à une hématurie dans ≤ 5 % des cas(15). Concernant l’atteinte gynécologique, il existe peu de données concernant l’irradia-tion de l’endomètre, mais il peut faire l’ob-jet d’ulcérations. L’atteinte vaginale peut se manifester par une sécheresse vaginale, des démangeaisons, des brûlures ou une dys-pareunie. La vulve peut également être le siège de réactions précoces souvent vives.

3. L’immunothérapie(16)

Après 5 à 10 semaines de traitement, des toxicités digestives, toutes confondues, de grade 1-2 étaient observées dans 20 à 30%

des cas, et de grade 3-4, notamment avec les anti-CTLA-4 (cytotoxic t-lymphocyte associated antigen 4) dans 11% des cas. Des colites, tout grade confondu, étaient dia-gnostiquées chez 5 à 13% des patients rece-vant un anti-CTLA (dont 3 à 9 % de grade 3-4) et chez 2 à 4% des patients recevant un anti-PD1/PD-L1 (programmed cell-death protein or ligand 1) (dont 1 à 3 % de Grade 3-4)(17-19). De rares décès toxiques sur perforation digestive ont également été décrits avec les anti-CTLA-4 (<0.5%)(20). En cas d’association anti-CTLA-4/anti-PD-1, 23 % de colites tout grade étaient obser-vées, dont 17% de grade 3-4(21). Enfin, un effet dose a été démontré pour les anti-CT-LA-4 uniquement, concernant la survenue de toxicité de haut grade (3-4)(18, 22).

4. Les thérapies cibléesL’utilisation des thérapies ciblées, est éga-lement associée à une augmentation de l’incidence des diarrhées de tout grade ou de haut grade, de 2 à 8 fois plus impor-tantes par rapport aux traitements conven-tionnels (erlotinib, gefitinib, lapatinib, so-rafenib, sunitinib). Bien que les diarrhées constituent un effet secondaire attendu de ces traitements, la combinaison avec la chimiothérapie entraine une toxicité diges-tive sévère(23, 24).

Prise en charge

La prise en charge repose, notamment, sur des recommandations d’organisations pro-fessionnelles : Multinational Association of Supportive Care in Cancer/ International Society of Oral Oncology (MASCC/ISOO), Oncology Nursing Society (ONS), American Society of Clinical Oncology (ASCO), National Comprehensive Cancer Network (NCCN)(4).

1. Prise en charge globaleDe manière générale, en cas de toxicité de tout grade, un traitement symptomatique doit être débuté (antalgiques, anti-spas-modiques, anti-diarrhéiques, hydratation, traitements locaux). Un régime adapté doit également être suivi en cas d’atteinte diges-tive. En cas de grade 2, une adaptation des doses du traitement voire une interruption concernant l’immunothérapie peut s’avérer

nécessaire. En cas de grade 3, l’interruption du traitement médical est requise avec re-prise en cas de retour à un grade 1, après discussion des rapports bénéfices/risques avec le patient. En cas de diarrhées, une origine infectieuse doit être éliminée par un prélèvement de selles : coprocultures, recherche parasitaire, recherche de toxine de clostridium difficile et réactivation CMV ; en cas d’infection avé-rée, un traitement spécifique sera réalisé.

2. Prise en charge spécifique a. ChimiothérapieIl est recommandé d’utiliser l’octreotide à la dose ≥ 100 µg sous-cutanée 2 fois par jour pour traiter les diarrhées induites par la chimiothérapie en cas d’ineffica-cité du loperamide (Niveau de preuve II). L’utilisation des probiotiques contenant du Lactobacillus est suggérée pour empêcher la survenue de diarrhées chez les patients recevant une chimiothérapie (Niveau de preuve III)(4).

b. Radiothérapie - L’entérite radique(7)

La prévention est essentielle et repose, notamment, sur le volume et la dose par fraction pendant l’irradiation. Une dose de 10 Gy par semaine ne doit pas être dépas-sée en particulier si le volume est grand ou le sujet est âgé. Un régime adapté sans ré-sidu (pauvre en fibres, à base de riz, pâtes, pommes vapeurs, bananes bien mûres, gelée de coing, biscottes et carottes) est recommandé à but préventif, associé à une hydratation abondante (2L par jour : eau, thé, tisane, eau de riz, bouillon de légumes, jus de carottes ou boissons gazeuses à tem-pérature ambiante). Le café, les boissons glacées, les fruits et les légumes crus, les céréales, le pain complet et le lait sont à éviter.Le traitement des complications tardives est en général difficile. Il est essentiellement préventif et repose sur le respect des doses de tolérance des différents organes. En cas d’entérite chronique, une prise en charge nutritionnelle s’impose (malabsorption responsable d’une dénutrition parfois sé-vère) : compléments alimentaires oraux, supplémentation en vitamines et minéraux adaptée. En cas d’occlusion chronique sur

Mucites basses

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14 #2 - Novembre 2016

sténose radique, le traitement est d’abord médical : aspiration digestive, correction des désordres hydroélectrolytiques et nutri-tion parentérale. Une nutrition parentérale exclusive de quelques semaines, éven-tuellement associée à une corticothérapie pendant 4-8 semaines, peut être tentée, surtout si l’irradiation est récente. En cas de persistance, le recours à la chirurgie par des équipes spécialisées devient nécessaire. La correction de facteurs associés pouvant aggraver l’évolution de la maladie est indis-pensable (contrôle HTA, diabète et arrêt du tabac). En cas de diarrhées chroniques, une origine secondaire doit être éliminée et traitée spécifiquement : entéropathie cho-lérétique, contamination bactérienne chro-nique du grêle, malabsorption du lactose, diminution de la compliance rectosig-moïdienne, sténoses coliques ou du grêle, nouvelles lésions néoplasiques… D’autres causes doivent également être éliminées : effets secondaires de médicaments, dys-thyroïdie, constipation, maladie cœliaque, insuffisance pancréatique (sur pancréas postradique), lymphangiectasies…Il est suggéré d’utiliser la sulfasalazine 500 mg Per os 2 fois par jour pour prévenir la

survenue d’une entéropathie radio-induite (Niveau de preuve II) et des probiotiques contenant du Lactobacillus pour empê-cher la survenue de diarrhées chez les pa-tients recevant une radiothérapie pour un cancer pelvien (Niveau de preuve III). Le sucralfate, par voie orale, pour traiter les mucites gastro-intestinales radio-induites est contre-indiqué (Niveau de Preuve I), ainsi que l’acide -acetyl salicylique (ASA) et ses dérivés (mesazaline et l’obsalazine) par voie orale pour prévenir les diarrhées ai-gües radio-induites (Niveau de preuve I) (4).

- La rectite radique Il est recommandé d’utiliser l’amifostine IV à la dose ≥ 340 mg/m2 pour empécher la survenue de rectite radio-induite (Niveau de preuve II). Des lavements à base de su-cralfate pour traiter les rectites chroniques radio-induites sont suggérés (Niveau de preuve III), ainsi que l’oxygénothérapie hyperbare (Niveau de preuve IV). Les sup-positoires de misoprostol pour prévenir les rectites aigues radio-induites en cas de trai-tement par radiothérapie d’un cancer de la prostate sont contre-indiqués (niveau de preuve I)(4).Trois possibilités de traitement

endoscopique existent : la coagulation par plasma d’argon, le laser ou la formolisation de la muqueuse pathologique. Les résultats sont difficiles à interpréter, en raison de l’absence de contrôle, de définition claire de l’efficacité (nombre de transfusions, nombre d’émissions sanglantes, gravité des lésions endoscopiques…) et d’une réponse variable selon la gravité de l’état initial du patient. De plus, le risque de compli-cations graves semble très élevé. Aussi ces traitements endoscopiques doivent-ils être discutés au cas par cas(7).De nombreux agents ont aussi été utilisés en mono ou polythérapie sans que des études suffisamment fiables aient pu prou-ver un bénéfice significatif (polymyxine E, tobramycine, amphotéricine B, camo-mille, bétaméthasone, prostaglan- dine E2, nitrate d’argent, agents antioxydants comme bêta-carotène et azé- lastine, indo-méthacine, drogues anticholinergiques, aciclovir). D’autres agents paraissent pro-metteurs  : facteurs de croissance GM-CSF, G-CSF, immunoglobulines TGF_3 et IL11 (études réalisées chez l’animal uniquement à ce jour), etc. Ces agents nécessitent une validation par des études complémen-taires(7).

Tableau 1. Prise en charge de la colite sous immunothérapie

Grade (NCI-CTACE version 4)

1 : Asymptomatique

2 : Douleurs abdominales ; sang ou glaires dans les selles

3 : Douleurs abdominales sévères ; modification du transit ; signes péritonéaux

4 : Pronostic vital engagé

Prise encharge

Ambulatoire Hospitalisation Hospitalisation +/- soins intensifs

Corticothérapie (équivalent prednisolone)

Non • Si persistance 5j après arrêt ou aggravation : Per os : 0.5-1mg/kg/jour jusqu’à retour à G1

• En cas de persistance ou aggravation Cf G3

• Décroissance sur 2 à 4 semaines• Endoscopie et biopsies doivent être

considérées pour déterminer la durée de la décroissance

• Per os ou IV : 1-2 mg/kg/j• Dès retour à G1,

décroissance sur 1 à 3 mois en fonction de la sévérité

• Avis gastro-entérologique

Idem G3+ Avis chirurgical

Anti-TNF alpha (infliximab) (Contre-indiqué en cas de sepsis et de perforation)

Non En cas de persistance malgré la corticothérapie (cf G3)

• En cas de persistance ou aggravation après 2-3 jours de cortico : infliximab 5 mg/kg + poursuite cortico

• Endoscopie et biopsies recommandées pour éliminer autre cause

• Nouvelle injection à 2 et 6 semaines si persistance ou récidive

• PEC diététique

Idem G3

Immuno-thérapie Poursuite Arrêt temporaire Arrêt et discuter la reprise en fonction de la balance B/R avec le patient

Arrêt définitif

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Dossier : Prise en charge Des toxicités Digestives

15Mucites basses

- L’anite radiqueEn cas de lésions de radio-épithélite aigues, le traitement est symptomatique et basé sur les topiques cicatrisants. Les lésions chroniques comme les fistules anales post-radiques doivent être drainées, mais la mise à plat chirurgicale expose à un risque important d’incontinence. On lui préfèrera les colles biologiques ou le maintien des drainages si elles sont bien supportées(14).

- La cystite radiqueLa prévention repose sur une hydratation abondante et un respect des contraintes aux organes à risque. A la phase aigue, une surinfection urinaire peut être favorisée ; elle doit être recherchée et traitée ; une hy-dratation abondante doit être maintenue, avec parfois le recours à une alcalinisation des urines. En cas de cystite hémorragique chronique, des lavages vésicaux sont réali-sés permettent une évacuation des caillots, puis une coagulation par cystoscopie et des transfusions sanguines si nécessaire. Ensuite, des instillations d’acide hyaluro-nique peuvent être faites. Un traitement par oxygène hyperbare, lorsqu’il est acces-sible, permet un taux de réponse clinique d’environ 80%, afin d’éviter la sanction chirurgicale grevée d’un risque élevé de morbidité et de mortalité(15).

- Atteinte gynécologique Les rapports sexuels doivent être interrom-pus durant la radiothérapie, ils peuvent être repris quelques semaines après la fin du traitement si l’état local le permet. En cas de mucite vaginale responsable de pertes, des ovules vaginaux antiseptiques sont prescrits. En cas d’atteinte vulvaire douloureuse, un traitement par topiques cicatrisants permet de soulager la patiente.Les effets secondaires tardifs comme un ré-trécissement du vagin et des douleurs lors des rapports sexuels peuvent être réduits par l’administration d’ovules vaginaux ou de crème à base d’œstrogènes (en l’absence de contre-indication) et l’utilisation d’un gel lubrifiant. Un dilatateur peut égale-ment être utilisé.

c. Immunothérapie (Tableau 1)Le traitement doit être interrompu en cas de symptômes modérés ou de Grade 2. Un scanner abdominal est nécessaire pour évaluer la sévérité et l’extension des lésions digestives. La recherche de calprotectine fécale peut être utile à l’orientation dia-gnostique. En cas de colite de grade ≥ 3 ou de grade 2 persistante après 3 jours d’une corticothérapie systémique, un avis gas-tro-entérologique est recommandé en vue d’une endoscopie digestive avec biopsies pour confirmer le diagnostic, par ailleurs une cure courte d’anti-TNF alpha, inflixi-mab (1 ou 2 injections) est indiquée(17, 19).

d. Thérapies ciblées Les mécanismes physiopathologiques en cause étant encore méconnus, des études supplémentaires sont nécessaires afin d’en-visager une stratégie optimale préventive et curative de ces effets secondaires. Un traitement symptomatique doit être pres-crit, une réduction des doses peut s’avérer nécessaire(25).

Conclusion

Les mucites basses sont fréquentes et sous-évaluées dans les études cliniques. L’atteinte digestive est souvent confondue avec la présence de diarrhées. Le retentisse-ment clinique et pronostique dans la prise en charge des patients est important, et né-cessite des mesures préventives et curatives adaptées afin d’éviter une perte de chance pour le patient en modifiant son traite-ment. Une prise en charge précoce lors des toxicités de faible grade pourrait permettre une meilleure tolérance de la poursuite du traitement. L’identification de facteurs de risque permettrait de proposer un traite-ment et une prise en charge personnalisée à nos patients. •

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16 #2 - Novembre 2016

La diarrhée est un effet secondaire fréquent associé aussi bien aux traitements anti-tumoraux systémiques que sont la chimiothérapie, les thérapies ciblées et l’immunothérapie qu’aux traitements locaux tels que la radiothérapie pel-vienne. Ainsi, plus de 30% des patients suivant un traitement par fluorouracile, irinotécan ou la combinaison des deux sont sujets à une diarrhée de grade 3 à 4(1,2). Les inhibiteurs de tyrosine kinase peuvent quant à eux induire une diarrhée chez 50% des patients(3). En cas de persistance du symptôme ou de débit important, elle peut induire des conséquences métaboliques sévères, parmi lesquelles figurent la déshydratation, l’insuffisance rénale aigüe, les désordres électrolyiques et la mor-bidité cardiovasculaire. Il existe également un risque infectieux notable pouvant conduire au sepsis des patients exposés à un risque de neutropénie médicamenteuse accru(4). Enfin, le clinicien peut être amené à réduire la dose-intensité thérapeutique, ce qui peut impacter négativement le bénéfice clinique des traitements spécifiques. La prévention, le diagnostic précoce et le traitement de la diarrhée sont donc des problématiques essentielles dans la prise en charge au long cours des patients en oncologie.

Physiopathologie de la diarrhée

La délai et la fréquence de survenue de la diarrhée varient selon la nature du trai-tement et ses modalités d’administration. Ainsi, la diarrhée précoce survenant dans les 24h après le traitement, constitue un effet secondaire à effet généralement dose-dépendant que l’on observe fréquemment avec l’irinotécan hebdomadaire ou les bolus de fluorouracile. En revanche, la diarrhée retardée survenant au-delà des 24h suivant le traitement, peut apparaitre quelque soit la posologie administrée. La phy-siopathologie en cause est multifactorielle. Les principaux mécanismes identifiés sont l’intolérance au lactose, la malabsorption des disaccharides non lactiques, la malabsorption des acides biliaires, la prolifération bactérienne intestinale, les infec-tions virales (comme le cytomégalovirus), les infections bactériennes (clostridium difficile), l’insuffisance pancréatique, la iatrogénie parallèle aux traitements spéci-fiques (laxatifs)(3). Cette diarrhée peut être accompagnée d’un panel de symptômes incluant des nau-sées et/ou vomissements, une anorexie et des douleurs abdominales. Ils constituent alors le syndrome gastrointestinal(5). La radiothérapie abdominopelvienne provoque quant à elle une entérocolite aiguë se traduisant par des crampes abdominales et une diarrhée dans environ 50% des cas. L’incidence est accrue en cas de chimiothérapie concomittante. Les symptômes apparaissent généralement à la troisième semaine de traitement.

Diana Bello RoufaiService d’Oncologie Médicale CHU Amiens Sud Place Laennec 80000 Amiens

Prise en charge de la diarrhée

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Dossier : Prise en charge Des toxicités Digestives

17Prise en charge de la diarrhée

Prise en charge de la diarrhée

L’étape préalable à tout soin repose sur l’évaluation de la gravité du tableau clinique. Cette évaluation requiert une gradation de la toxicité selon les critères NCI-CTC version 4.0 et la recherche de signes de gravité. Ainsi, une diarrhée de grade 3 ou 4, et/ou la présence de signes d’alerte à type de vomissements de grade 2 ou plus, de sepsis, de neutropénie de grade 2 ou plus, de déshydrata-tion ou de signes péritonéaux représenteront une situation consi-dérée comme sévère. Devant une diarrhée de grade 1 ou 2 exempte des signes de gravité pré-cités, le tableau clinique sera considéré comme étant de gravité faible à modérée.

Prise en charge de la diarrhée d’intensité faible à modérée (grade 1 à 2 sans signes de gravité)La prise en charge initiale repose sur une adaptation du régime diététique(5) et notamment sur la réduction des apports lactiques et des aliments hyperosmolaires. Ceci requiert une éducation thé-rapeutique du patient qui doit être apte à quantifier le nombre de selles journalières pour une meilleure évaluation ambulatoire par le clinicien. Une hydratation orale de l’ordre 1.5 à 2L par jour est recommandée. Le lopéramide est ensuite débuté. Il s’agit d’un opioïde synthétique qui diminue le péristaltisme intestinal en se fixant directement au muscle lisse de la muqueuse digestive. Du fait de son taux d’absorption minime, il n’a pas d’effet systémique. Il doit être initié à la dose bolus de 4 mg suivi par un comprimé de 2mg toutes les 4h ou après chaque selle molle sans dépasser une dose journalière de 16 mg. En cas de succès du lopéramide, le patient doit poursuivre les mesures diététiques et revenir progressi-vement à un régime standard. En cas de diarrhée médicamenteuse, le lopéramide peut être interrompu après un intervalle libre sans diarrhée de 12 heures. En revanche, si la radiothérapie est incrimi-née, le traitement doit être poursuivi.Si les symptômes persistent plus de 24h, les prises de lopéramide doivent être rapprochées à un intervalle de 2h et une antibiothéra-pie prophylactique doit être discutée.

En cas de persistance de la diarrhée plus de 48h sous une posolo-gie optimale de lopéramide, celui-ci doit être relayé par un traite-ment de seconde ligne. Il est également essentiel de poursuivre les investigations étiologiques par une coproculture (à la recherche de Clostridium Difficile et de ses toxines, de Salmonelle, Escherischia Coli et Campylobacter Pylori) et d’évaluer le retentissement méta-bolique par un bilan sanguin comprenant un ionogramme san-guin et une créatinémie. Le traitement symptomatique de 2ème ligne indiqué dans les recommandations internationales est l’octréotide(5–8). Cet analogue de la somatostatine réduit la sécré-tion de VIP (peptide intestinal vasoactif), prolonge le temps de transit intestinal et participe à la majoration de l’absorption d’eau et d’électrolytes. Il est initié à la dose de 150 µg par jour et peut être progressivement majoré à la dose de 500 µg par jour par voie sous-cutanée ou intraveineuse. Il est également possible de recou-rir aux morphiniques. En pratique clinique, un recours aux dérivés opioïdes de type codéine à la dose de 30 à 60 mg par jour est fréquemment réalisé en seconde intention. Par ailleurs en cas de diarrhée de grade 1, une rotation des ralentisseurs de transit repo-sant sur un relais par racécadotril (100 mg/8h pendant 7 jours) peut être opéré.Un report du traitement spécifique en cause et une réduction de dose doivent être envisagés dès la survenue d’une diarrhée de grade 2 (tableau 1).

Prise en charge de la diarrhée sévère (grade 3 à 4 et/ou présence de signes de gravité)Une diarrhée sévère requiert une supplémentation hydro-électro-lytique, préférentiellement par du sérum physiologique, adaptée aux pertes évaluées, à la fonction rénale et aux carences métabo-liques identifiées au ionogramme sanguin. Le recours d’emblée à l’octréotide à la dose de 150 ug par jour (ou 50 ug/h), en cas de déshydratation sévère est recommandé. Une escalade thérapeu-tique progressive jusqu’à 500 ug/jour peut également être réalisée en cas de résistance des symptômes. Une antiobiothérapie pro-phylactique doit être discutée. Cette prise en charge requiert une hospitalisation du patient. Le traitement spécifique en cause doit être interrompu. Si une réintroduction est envisagée, elle se fera à dose réduite (tableau 2).

Cas particulier de l’irinotécanL’irinotécan peut induire une diarrhée immédiate ou différée à 24h après son administration en inhibant l’acétylcholine estérase, provoquant ainsi un syndrome cholinergique. Cette symptoma-tologie est rapidement contrôlée par l’injection d’atropine. Le risque de diarrhée sévère est accru en cas de maladie Gilbert, qui implique une diminution de la glucoroconjugaison de la biliru-bine. Un risque analogue existe en cas de mutation bi-allélique du gene UGTA1.

Cas particulier des TKI (inhibiteurs de tyrosine kinase)La diarrhée est l’effet secondaire le plus fréquent après l’éruption cutanée chez le patient sous TKI. Certaines études suggèrent même que sa survenue serait prédictive d’une réponse thérapeutique. Sa

Tableau 1. Critères de toxicité NCI-CTC version 4.0

Grade 1 • Majoration de 4 ou moins du nombre de selles par jour par rapport à la fréquence de base;

• Légère augmentation des volumes de stomie par rapport à l’état initial

Grade 2 • Augmentation de 4 à 6 du nombre de selles par jour par rapport à l’état initial;

• Augmentation modérée des volumes de stomie par rapport à l’état initial

Grade 3 • Augmentation de 7 ou plus du nombre de selles par jour par rapport à l’état initial;

• Incontinence; • Hospitalisation requise;• Augmentation sévère des volumes de stomie par

rapport à l’état initial;• Interférance avec les activités élémentaires de la vie

quotidienne

Grade 4 Mise en jeu du pronostic vital nécessitant une prise en charge en urgence

Grade 5 Décès

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18 #2 - Novembre 2016

prise en charge reste actuellement guidée par les mêmes recom-mandations qui régissent la diarrhée chimio-induite.

Cas particulier de l’immunothérapieLes anticorps monoclonaux à visée immunothérapeutique que sont les anti-CTLA4 et les anti PD1 peuvent provoquer des colites diffuses ou segmentaires caractérisées histologiquement par la pré-sence d’un infiltrat inflammatoire. Face à une diarrhée d’intensité modérée, en l’absence de réponse après une semaine de traitement standard, une corticothérapie doit être initiée à la dose de 0.5 mg/kg par jour de presdnisone ou équivalent(9). L’obtention préalable d’une coproculture négative est souhaitable. En cas de diarrhée sévère, la corticothérapie sera d’emblée débutée à la dose de 1 à 2 mg/kg par jour d’équivalent prednisone, après exclusion d’un diagnostic infectieux ou d’une perforation sous-jacente(10). En cas d’inefficacité thérapeutique après 5 à 7 jours de corticothérapie, un avis spécialisé doit être sollicité avant d’initier un traitement par anti-TNF alpha de type infliximab à la dose de 5 mg/kg(11). Si les symptômes de grade 3 ou 4 persistent sous bithérapie (corticoïdes et infliximab), l’infliximab peut être renouvelé 15 jours après la première injection. En cas de fièvre ou de neutropénie, une anti-biothérapie prophylactique probabiliste doit être envisagée chez les patients traités au long cours par des immunosupresseurs.

Investigations complémentaires

Tout symptôme évocateur de péritonite, et notamment le météo-risme abdominal doit conduire à la réalisation d’un scanner ab-dominal, afin d’évaluer l’étendue de l’atteinte colique et grêlique, d’éliminer de potentielles complications (perforations, abcès) et de détecter une éventuelle entérocolite du neutropénique.En l’absence de réponse thérapeutique au traitement médical de première et deuxième intentions bien conduit, comprenant au moins un ralentisseur du transit de type lopéramide et l’octréo-tide, une endoscopie digestive avec biopsies étagées du colon, du duodémum et de toute lesion suspecte et/ou ulcèreuse doit être realisée. Aucun geste endoscopique ne doit être réalisé devant une entérocolite du neutropénique compte-tenu du risque de perfo-ration.

Diagnostic différentiel

Le diagnostic différentiel à ne pas omettre est la stéatorrhée (émis-sion de plus de 6g de selles par 24h). Cette malabsorption de graisses peut être liée à 2 principaux mécanismes: la malabsorption des acides biliaires et la prolifération bactérienne de la muqueuse digestive. Cette symptomatologie est généralement résolutive sous un régime diététique pauvre en graisses associés à des chélateurs d’acides biliaires (colestyramine).

Traitement prophylactique

Il n’existe actuellement aucune recommandation validée pour un traitement préventif de la diarrhée, en dehors de l’administration d’atropine en prémédication de l’irinotécan afin de prévenir le risque de syndrome cholinergique.

Conclusion

Le lopéramide demeure le traitement standard de la diarrhée non compliquée. Les deux seules alternatives dont nous disposons en cas d’échec thérapeutique sont l’octréotide et les opioïdes systé-miques. La clé de la prise en charge repose sur l’identification pré-coces de signes de gravité de façon à débuter une prise en charge adaptée et rapide. L’enjeu actuel, face à la multiplicité du panel thérapeutique disponible en oncologie médicale (chimiothérapie, thérapies ciblées, immunothérapie) et la diversité des mécanismes physiopathologiques impliqués dans la diarrhée, repose sur le dé-veloppement de traitements symptomatiques et prophylactiques avec des profils pharmacologiques adaptés aux traitements dispen-sés. •

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Dossier : Prise en charge Des toxicités Digestives

19Prise en charge de la diarrhée

Tableau 2. Diagramme de prise en charge

Evaluation initiale

Grade 1-2

Prise en charge ambulatoire initiale

Grade 1

Immunothérapie• Poursuite du traitement

spécifique• 0.5 mg/kg/jour

d’équivalent prednisone

Chimiothérapie etthérapies ciblées

• Arrêt du traitement spécifique• Octréotide IV ou sous-cutané

150 à 500 ug/jourou opioïdes systémiques

Intensité légère Intensité modérée

Informer le médecin référent

Intensité sévère

Grade 2 Grade 3-4

Signes de gravité :fièvre, sepsis

vomissements ≥ grade 2neutropénie ≥ grade 2

déshydratationOMS ≥ 2

signes péritonéaux

Mesure diététiques :• arrêt des produits lactés, de l’alcool

des substances hyperosmolaires• hydratation orale abondante: 1,5 à 2L par jour

Persistance des symptômes après 24h• Consultation médicale

• Bilan biologique sanguin à la recherchede troubles hydroélectrolytiques

• Coprocultures

• Majoration du lopéramide: 2mg/2h• Antibiothérapie adaptée à la coproculture

ou discussion d’une antibioprophylaxiepar quinolones (sauf en cas de diarrhée radio-induite)

Grade 2 et symptomes ≥ 1 semaine

Arrêt lopéramide sauf si diarrhée radio-induite

Immunothérapie• 1 à 2 mg/kg/jour

d’équivalent prednisone :+/- Infliximab

5 mg/kg si échec

Chimiothérapie etthérapies ciblées

Octréotide IV ou sous-cutané :de 150 à 500 ug/jour

ou opioïdes systémiques

Evolution vers une diarrhée générale de grade 3-4

Evaluation médicale en urgence + hospitalisation

Traitement symptomatique :Lopéramide 4mg puis 2mg toutes les 4h

ou après chaque selle liquide

• Bilan biologique à la recherche de troubles hydroélectrolytiques• Coproculture

• Réhydratation intraveineuse• Antibiothérapie probabiliste

• Arrêt du traitement spécifique +/- reprise à dose réduite

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Bien que très fréquente, la constipation est encore sou-vent taboue. L’évocation des symptômes digestifs au can-cérologue peut être difficile pour les patients et la plainte est parfois sous-évaluée.L’incidence de la constipation rapportée par les soignants serait presque deux fois infé-rieure à celle rapportée par les patients(1).Cet article de synthèse a pour objectifs de rappeler les recommandations relatives à la prise en charge de la constipation ainsi que les spécificités du patient atteint de cancer.

Impact médico-économique

Dans une étude observationnelle, trans-versale, menée dans 77 centres en France, 61,7% des patients atteints de cancer et traités par morphiniques ont rapporté une constipation avec un retentissement signifi-catif sur la qualité de vie(2). Les symptômes digestifs ont été associés à une hospitalisa-tion (16% des patients), aux douleurs (75% des patients) et aux fréquents changements dans les prescriptions d’opioïdes et de laxa-tifs. Parmi les patients constipés de cette cohorte, plus de neuf sur dix étaient traités par laxatifs, quotidiennement pour plus de la moitié d’entre eux. Les hospitalisations pour ce motif ont concerné 8% des patients se plaignant de constipation dont plus de 15% avaient des symptômes très sévères. Le coût mensuel de la constipation liée au opioïdes est estimé entre 126 et 4000 dol-lars par patient(3). Ces dépenses sont liées à des traitements plus onéreux qu’en cas de constipation chronique ainsi qu’aux besoins plus importants en consultations

médicales et hospitalisations. L’impact financier de la constipation aux États-Unis a également été mis en évidence grâce au registre national des urgences(4). En 2011, 703 391 consultations liées à ce symp-tôme ont été enregistrées, représentant un coût global de plus d’un milliard et demi de dollars. Ces chiffres étaient en augmen-tation de plus de 50% en 2011 par rapport aux données de 2006.

Un diagnostic clinique

La constipation chronique ne doit pas être confondue avec la « fausse diarrhée du constipé », diagnostic différentiel classique, qui consiste plus en une alternance diar-rhée et constipation.Le calendrier des selles dans lequel, le pa-tient collige les caractéristiques des selles des 15 derniers jours, peut être utile pour estimer la sévérité de l’atteinte et évoquer d’éventuels facteurs déclenchant (traite-ments oncologiques, prise d’antalgiques, anxiété, etc.). L’examen clinique doit être complet, no-tamment neurologique et abdominal. L’examen proctologique de débrouillage et le toucher rectal permettent d’éliminer une fissure anale, une stase rectale, une masse suspecte ou un trouble de la statique pel-vienne.Aucun examen complémentaire n’est né-cessaire en première intention.

Cancer, traitements et constipation-maladie : les trois étiologies à évoquerUn ralentissement du transit voire un

Claire GervaisService d’Oncologie-Radiothérapie Hôpital de la Pitié Salpêtrière Paris, France

Constipation et cancer :les enjeux d’une prise en charge adaptée

Constipation et cancer : les enjeux d’une prise en charge adaptée

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22 #2 - Novembre 2016

syndrome occlusif sont parfois les pre-miers signes évocateurs d’une maladie néoplasique ou peuvent témoigner d’une reprise évolutive. Certaines causes sont à rechercher en priorité du fait de leur consé-quences graves (occlusion mécanique) ou parce qu’elles sont révélatrices d’une complication nécessitant une intervention d’urgence (étiologie neurologique). Trois causes majeures à identifier sont présentées dans le tableau 1.Les traitements opioïdes sont responsables d’un ralentissement du transit systéma-tique et nécessitent une prise en charge an-ticipée (prescription conjointe d’un laxatif) afin de prévenir au mieux ces effets indé-sirables. De nombreux médicaments utili-sés lors de la prise en charge d’un cancer peuvent être responsables de constipation (tableau 2)(5). Les alcaloïdes de la pervenche, par exemple, sont des chimiothérapies dont la toxicité digestive est à connaître. Par une atteinte neurologique sur le sys-tème neuro-végétatif, ces produits peuvent entraîner un iléus paralytique pouvant si-muler un abdomen chirurgical. Les sels de fer ou les antiémétiques oraux peuvent éga-lement être impliqués. Les nouvelles théra-peutiques telles que les thérapies ciblées (inhibiteurs de tyrosine kinase) et immu-nothérapies imposent une surveillance pré-cise, notamment lorsqu’elles sont utilisées chez des patients risquant une occlusion mécanique ou d’origine biologique (fausse diarrhée). Une enquête précise de l’ensemble des médicaments doit être réalisée afin de ne pas méconnaitre les traitements d’autres prescripteurs mais également la prise spon-tanée par le patient de produit « over-the-counter » ou de médecine complémentaire favorisant la constipation.La constipation chronique peut être pré-sente indépendamment de la maladie cancéreuse et nécessite une prise en charge diagnostique et thérapeutique adaptée. En cas d’échec de la prise en charge initiale, de

symptomatologie sévère et/ou de signes cliniques évocateurs d’une « constipation maladie », le recours au gastro-entérologue est alors indispensable afin d’apprécier le mécanisme de la constipation. Deux examens peuvent être utiles: la ma-nométrie ano-rectale (MAR) avec un test d’expulsion au ballonnet et la mesure d’un temps de transit colique (TTC) avec mar-queurs radio-opaques(6). L’objectif est de distinguer trois types de constipation : - Constipation de transit (hypomotricité

colique liée à une anomalie primitive du muscle digestif ou de l’innervation viscérale) ;

- Constipation distale (stase en regard du recto-sigmoïde liée à des anomalies du plancher pelvien ou du rectum) ;

- Constipation fonctionnelle (diagnostic d’élimination en cas d’examens com-plémentaires normaux).

Lorsqu’un trouble de la statique pelvienne est discuté, des examens spécifiques sont réalisés (défécographie, défécoIRM) pour relier la constipation distale à une anoma-lie anatomique. Ils permettent parfois de poser une indication chirurgicale.

Des traitements laxatifs en première intention

L’adaptation des règles hygiéno-diété-tiques est souvent insuffisante et ne doit pas retarder le recours au traitement médi-camenteux. Le renforcement de la ration en fibres (céréales, légumes verts, fruits) peut s’accompagner d’une augmentation du nombre des selles et d’une améliora-tion de leur consistance en cas de défaut d’apport marqué. L’augmentation jusqu’à 15 à 40 grammes de fibres par jour doit être progressive afin de limiter la surve-nue des flatulences et des ballonnements. L’activité physique et l’augmentation de la ration hydrique sont recommandées au titre du bien-être général plus que de leur efficacité réelle sur la constipation. Ils sont

recommandés en première intention(6). La figure 1 résume l’algorithme de prise en charge.Les laxatifs osmotiques sont indiqués en cas de fréquence des selles diminuée (par exemple, macrogol, lactulose, sorbitol). Ils permettent un afflux d’eau au travers de la muqueuse intestinale par échanges osmo-tiques et peuvent donc être responsables de diarrhées(6). En cas d’administration chronique de laxatifs osmotiques sucrés, il en résulte un phénomène « d’adapta-tion ». Les bactéries coliques s’adaptent, la métabolisation des sucres est diminuée et l’effet laxatif s’amenuise(7). Les laxatifs os-motiques de type macrogol ne sont quant à eux pas métabolisés par la microflore co-lique et bénéficient d’un excellent rapport coût efficacité.Les laxatifs émollients (lubrifiants) peuvent être utiles en cas de selles dures et sont souvent utilisés en automédication (par exemple, la paraffine liquide). Ils lu-brifient le contenu colique et provoquent le ramollissement du bol alimentaire. Chez le sujet âgé, existe un risque de régurgita-tions huileuses, surtout en cas de prise ves-pérale, exposant à un risque de pneumopa-thie sévère.Les laxatifs de lest utilisés en cas de selles peu fréquentes, augmentent la masse fécale et modifient sa consistance (par exemple, téguments de la graine d’ispaghul, gomme de sterculia). Ils sont également recom-mandés en première intention mais contre-indiqué en cas de constipation liée aux opioïdes(6). Plus largement, ils sont à éviter

Tableau 1. Causes de constipation liées au cancer

Causes mécaniques Cancer digestifCompression extrinsèqueCarcinose péritonéale

Causes neurologiques Compression médullaire ou syndrome de la queue de cheval

Causes métaboliques HypercalcémieHypokaliémie

Tableau 2. Traitements oncologiques pourvoyeurs de constipation

Traitements de support

Antalgiques opioïdesAntiacidesAnticholinergiquesAntidépresseursAntiémétiques (sétrons)DiurétiquesInhibiteurs des canaux calciques Sels de ferSympathomimétiques

Chimiothérapies Alcaloïdes de la pervenche : vincristine, vinblastine, vindesine, vinorelbine, vinflunineTaxanes : paclitaxel, docétaxel Temozolomide Thalidomide

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Dossier : Prise en charge Des toxicités Digestives

23Constipation et cancer : les enjeux d’une prise en charge adaptée

en cas de diminution du péristaltisme.Les laxatifs stimulants favorisent le péris-taltisme en augmentant les contractions coliques par une action parasympatho-mimétique anticholinestérasique (par exemple, docusate de sodium, bisacodyl). Ils sont le plus souvent efficaces et amé-liorent la qualité de vie. La diarrhée et les douleurs abdominales sont des facteurs d’interruption thérapeutique dans environ 10% des cas. Ils peuvent être utilisés en trai-tement de fond sous surveillance médicale (risque de troubles hydroélectrolytiques).Les laxatifs par voie rectale ont un intérêt en cas de constipation distale et de dysché-sie (par exemple, glycérol, dihydrogéno-phosphate de sodium dihydraté sorbitol). En cas de fécalome, l’évacuation de celui-ci est un préalable à leur administration. Il existe plusieurs médicaments qui diffèrent par leur mode d’action (effet osmotique, effet stimulant ou dégagement gazeux). Dans certains cas, les irrigations rétrogrades

peuvent être utiles.Les colokinétiques sont des agonistes sérotoninergiques sélectifs des récepteurs 5-HT4 qui permettent d’augmenter la fré-quence des selles et d’améliorer leur consis-tance. Seul le prucalopride est disponible dans cette classe permettant une améliora-tion de la qualité de vie. Il a obtenu l’AMM dans le cadre de la constipation chronique réfractaire aux traitements laxatifs de pre-mière intention. Son principal effet secon-daire concerne les céphalées (10% des cas), principalement au cours des premiers jours de traitement. La limite majeure d’utilisa-tion reste le prix élevé et l’absence de rem-boursement par la sécurité sociale.

Les spécificités de la constipation liées aux opioïdes

L’antagoniste morphinique périphérique par voie sous-cutanée (méthylnaltrexone) est indiqué dans la constipation liée aux

opioïdes et n’a l’AMM qu’en cas de mala-dies avancées, relevant de soins palliatifs, lorsque la réponse aux laxatifs habituels a été insuffisante(7) (figure 2). Il a la capacité de liaison aux récepteurs µ avec un franchisse-ment limité de la barrière hémato-ménin-gée, ce qui permet une antagonisation de l’effet des opioïdes au niveau digestif sans modifier les effets analgésiques. Son effi-cacité a été prouvée en phase 3, avec une reprise du transit pour 62,9% des patients contre 9,6% sous placebo(8). Il est formel-lement contre-indiqué en cas d’obstacles digestifs (risque de perforation).Le naloxegol est la forme orale bientôt disponible, en cours d’enregistrement à l’European Medicines Agency. Son taux de réponse à 12 semaines (critère de jugement principal, phase 3) était significativement supérieur à celui du placebo (44.4% vs. 29.4%, p=0.001)(9).La prévention de la constipation liée aux traitements morphiniques passe également par une meilleure prise en compte de l’ac-tion de ces médicaments sur les récepteurs μ de l’intestin. L’utilisation de comprimés d’action prolongée associant oxycodone et naloxone avec un rapport 2:1 a montré un intérêt, en phase 2, dans le contrôle des douleurs et la réduction de la constipa-tion(10). Les diarrhées seraient, en revanche, plus fréquentes qu’en cas d’utilisation d’un dérivé morphinique seul mais les autres symptômes digestifs (nausées, vomisse-ments, douleurs abdominales, dyspepsie) auraient été moins rapportés.

Et dans l’avenir ?

La définition de facteurs favorisants, no-tamment génétiques, est au cœur des pré-occupations afin de mieux prévenir les symptômes des patients les plus à risque. Une étude descriptive réalisée dans 17 centres en Europe et publiée en 2015, a tenté d’identifier des facteurs génétiques et non-génétiques associés à la constipation des patients atteints de cancer et traités par des antalgiques morphiniques(11). Plusieurs facteurs généraux ont été mis en évidence de façon significative : type de laxatifs, ré-duction de mobilité et hospitalisation pour les patients recevant des laxatifs, altération de l’état général et présence de métastases

Figure 1. Prise en charge de la constipation

Plainte du patient concernant une constipation (défécation < 3 fois par semaine)

Confirmation du diagnostic

Evaluation des causes

Traitement de la constipation

Poursuitedu traitement

NON-CORRIGIBLES

CORRIGIBLES

Poursuitedu traitement

Poursuitedu traitement

Première intention : traitement par laxatif oral+/- Association d’un laxatif osmotique et d’un stimulant- Adaptation aux besoins du patient

Deuxième intention- Suppositoire rectal et lavement- Antagoniste morphinique périphérique en cas

de traitement par opioïde

Troisième intention- Evacuation manuelle- Technique d’irrigation transanale- Antagoniste morphinique périphérique en cas

de traitement par opioïde

Elimination de l’occlusionintestinale tumorale

Traitements des causes

AMÉLIORATIONDES SYMPTÔMES

AMÉLIORATIONDES SYMPTÔMES

AMÉLIORATIONDES SYMPTÔMES

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chez les patients ne recevant pas de laxatifs. Parmi les 75 polymorphismes nucléoti-diques étudiés, cinq ont été significative-ment associés à la constipation (rs1800532 sur TPH1, rs1799971 sur OPRM1, rs4437575 sur ABCB1, rs10802789 sur CHRM3, and rs2020917 sur COMT). Ces données sont intéressantes pour expliquer les variations interindividuelles observées en pratique clinique. En terme de thérapeutique, les travaux s’orientent vers des cibles nouvelles. Une action au niveau des canaux chlore ou la stimulation des récepteurs de la guany-late cyclase au niveau des cellules intesti-nales permet de provoquer une sécrétion aqueuse et chlorée par les cellules coliques qui améliore l’hydratation des selles et qui leur donne une consistance rendant facile leur expulsion. Deux médicaments dans cette classe ont prouvé leur efficacité : le

linaclotide qui agit sur la guanylate cyclase et la lubiprostone qui agit au niveau des canaux chlore(12). Le linaclotide agit aussi au niveau des terminaisons sensitives entériques en augmentant leur seuil de décharge avec un effet antalgique viscéral. Ce médicament est particulièrement indi-qué dans le syndrome de l’intestin irritable avec constipation. La lubiprostone a permis d’améliorer des malades souffrant d’une constipation sous opioïdes donnés pour une indication non carcinologique(13). Aucune de ces molécules, tout comme l’elobixibat (cf infra) n’a fait l’objet d’une évaluation dans le cadre spécifique de la constipation induite par les opioïdes chez des malades atteints d’un cancer.L’elobixibat est un inhibiteur sélectif du transporteur iléal des acides biliaires (transporteur apical dépendant du so-dium). Il agit en réduisant la réabsorption

iléale des acides biliaires, en maintenant donc une concentration intraluminale éle-vée d’acides biliaires. Leur augmentation intra-colique est associée à une stimula-tion de la motricité de la sécrétion épithé-liale (effet cathartique des acides biliaires). L’elobixibat accélère le temps de transit colique mesuré en scintigraphie chez des patients constipés(14). La place de ces médi-caments dans l’arsenal thérapeutique spé-cifique en oncologie reste donc à définir. •

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Figure 2. Exemple de la constipation liée aux opioïdes

Dès l’introduction de l’opioïde et durant tout le traitement

- Veiller à une hydratation suffisante- Augmenter l’apport

de fibres alimentaires

Bithérapie laxative (osmotique + stimulant)+ / -

Lavement rectal si présence de selles

Bithérapie par laxatifs osmotique + stimulant

- Conserver une activité physique- Verticaliser le patient- Procéder à la mise au fauteuil- Effectuer des exercices

respiratoires coordonnés

Laxatif osmotique ou stimulant à adapter au transit

Selon l’observance du traitement

- Renforcer les règles hygiéno-diététiques- Adapter si nécessaire la posologie du laxatif osmotique ou stimulant- Traitement rectal par suppositoire

Au troisième jour sans selle

Favoriser un environnement propiceà l’exonération :- Intimité- Installation- Horaires

Poursuite du traitement laxatif+

Antagoniste morphinique périphérique+ / -

Lavement rectal si présence de sellesau toucher rectal

Préparation pour investigation coliqueou

péristaltogène intestinal+ / -

Lavement rectal

Au quatrième jour sans selle

Reprise d’un transit correct à 48h ?

Reprise d’un transit correct à 48h ?

ÉLIMINER UNE OCCLUSION INTESTINALE

ÉLIMINER UN FÉCALOME AU TOUCHER RECTAL

NON

OUI

NON

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Parmi les thématiques chères aux soins de support, la lutte contre les nausées et vomissements tient une place parti-culière. Cette complication a fait partie des réflexions fédératives au sein de la MASCC (Multinational Association for Supportive Care in Cancer), mais a également été pointée comme l’une des cinq avancées les plus importante dans l’histoire de la cancérologie des 50 dernières années, par l’ASCO.

Y-a-t-il des progrès dans ce domaine ?

La réponse est oui, tant sur le plan des thérapeutiques que de la prise de conscience par les professionnels de l’importance de leur prise en charge.La perception des souffrances et les écarts entre patients et professionnels (médecins et infirmières) avaient été mises à l’index par l’équipe de Basch en 2010(1). Le cas spécifique des nausées et vomissements a été abordé dans le cadre d’une étude mul-ticentrique internationale. Une comparaison des méthodes d’évaluation, de suivi, de prise en charge, a été comparée entre des populations de patients, d’infirmières et de médecins investis en cancérologie(2).Il est ressorti de cette étude que l’incidence des nausées et vomissements induits par la chimiothérapie et la radiothérapie (NVCI/NVRI) est souvent sous-estimée (no-tamment les nausées), avec des différences d’évaluation de ce symptôme subjectif, entre les patients et les soignants. Sur le total de 947 personnes (375 médecins, 186 infirmières en oncologie et 386 patients) qui ont participé à cet observatoire. 60% des patients ont rapporté des nausées seules, tandis que 18% ont déclaré des vomissements seuls. Les soignants en oncologie ont eu tendance à surestimer l’incidence des NVCI/NVRI mais sous-esti-mer leur impact sur la vie quotidienne des patients. Seulement 38% des patients ont rapporté avoir une bonne observance dans la prise des traitements antiémétiques. Les facteurs principaux rapportés ont été la réticence à ajouter des traitements médi-camenteux et la crainte de la survenue des NVCI/NVRI lors de la prise de ceux-ci. Point le plus important peut-être, le manque de retour d’information des patients auprès des professionnels, au sujet de leur ressenti émétique a été lié à la perception comme secondaire des nausées et vomissements. Les médecins comme les infir-mières, ont également jugé ces symptômes comme non prioritaires, preuve qu’il est encore nécessaire de travailler sur cette thématique… De cet écart de perception, résulte un défaut de prophylaxie antiémétique.Le potentiel émétisant des chimiothérapies a été défini suivant des abaques, au re-gard des différentes publications regroupées dans le cadre des recommandations(3). Quatre niveaux de risque émétisant ont ainsi été définis : - Les chimiothérapies à risque élevé (HEC - chimiothérapies hautement éméti-

santes) de NVCI pour lesquelles plus de 90% des patients sont concernés par cet

F.Scotté, A.Saadi, C.Brami, S.Morin, P.Leroy, M.Laurans, C.GervaisUnité Fonctionnelle de Soins oncologiques de Support, Hôpital Européen Georges Pompidou, Pôle Cancérologie Spécialités, 20 rue Leblanc, Paris, [email protected]

Nouveautés antiémétiques : le point

Nouveautés antiémétiques : le point

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effet indésirable s’ils ne reçoivent pas de prophylaxie antiémétique.

- Les chimiothérapies de risque modéré (MEC - chimiothérapies moyennement émétisantes) pour lesquelles 30 à 90% des patients présentent des NVCI.

- Les chimiothérapies à faible risque émétisant (LEC - chimiothérapies fai-blement émétisantes) avec 10 à 30% de risque émétique et

- Les chimiothérapies à très faible risque (moins de 10% de patients concernés par le risque).

Un travail de classification du risque émé-tique de 42 agents anticancéreux a été réalisé sur la base d’une analyse de la lit-térature et présenté lors du congrès 2015 de la MASCC à Copenhague (Jordan K. et al. Abs. 11-08-P - MASCC 2015). Ces nouveaux agents ont été intégrés dans la mise à jour de la classification du risque émétique des agents anticancéreux publiée dans Annals of Oncology(4). On retrouve des chimiothérapies, mais également des thérapies ciblées dont le risque émé-tique était jusqu’alors inconnu. Sur une base de 1569 publications, 126 ont été utilisées pour cette revue de littérature. Concernant les agents injectables, aucun des nouveaux agents n’a été classé comme hautement émétisant, et la majorité a été classée très faiblement émétisants. À noter que 4 agents n’ont pu être classés du fait de l’absence de données : le nab-paclitaxel, l’obinutuzumab, l’ofatumumab, et le thio-tépa. De la même manière pour les agents oraux, aucun agent hautement émétisant et une large majorité de très faiblement émé-tisants (Tableau 1).Une évaluation du potentiel émétisant de chaque protocole de chimiothérapie a éga-lement été proposée et nécessiterait une mise à jour, rendue difficile par la multi-plicité des associations thérapeutiques au-jourd’hui utilisées(5).Un tableau reprenant la globalité du ni-veau émétisant de chaque molécule, mis à jour dans les recommandations récentes MASCC ESMO, est présenté dans cet article (Tableau 2).Les changements essentiels apportés dans cette classification sont l’augmentation du niveau de risque de l’association anthra-cycline/cyclophosphamide qui devient

hautement émétisante et l’intégration des nouvelles molécules, notamment les immunothérapies et les thérapies ciblées, dans cette classification.Le risque de nausées et vomissements induits par la radiothérapie dépend essen-tiellement du champs irradié(3, 6). Le risque élevé (> 90 % de patients concernés) cor-respond aux irradiations corporelles to-tales, le risque modéré (60 - 90 % des pa-tients) aux irradiations hémi-corporelles, et aux régions abdominales supérieure et corporelle supérieure. Les irradiations à faible risque (30 - 60 % des patients) cor-respondent aux radiothérapies pan-encé-phaliques, rachidiennes, de la tête et du cou, de l’hémi thorax inférieur et du pelvis. Les radiothérapies du sein et des extrémités sont considérées à risque minimal (< 30 % des patients).Il convient de préciser que, lorsque chimio-thérapie et radiothérapie sont associées, c’est le potentiel émétisant de la chimio-thérapie qui définit la stratégie de prophy-laxie antiémétique (sauf si la radiothérapie est plus émétisante que la chimiothérapie, ce qui est rare).

Nouveautés thérapeutiques

Le développement de nouvelles molécules devrait permettre de majorer l’efficacité de la prophylaxie antiémétique, d’améliorer ainsi la tolérance digestive aux chimiothé-rapies (notamment orales), d’en améliorer de fait adhérence et efficacité et de limiter la nécessité de recourir aux traitements de

secours. Parmi ces nouvelles molécules, on trouve essentiellement des inhibiteurs de neurokinine de type 1 (anti-NK1) de nouvelle génération. Les deux molécules activement développées sont le rolapitant et le nétupitant dont la durée d’action pro-longée devrait permettre de renforcer l’effi-cacité antiémétique en association avec le palonosétron. Au-delà des nouvelles molé-cules, l’avenir pourrait se tourner sur le pas-sé et sur de « vieux » médicaments comme l’olanzapine, utilisée au quotidien comme antipsychotique. L’enjeu de la recherche clinique repose sur un investissement dans la lutte contre les nausées, mais également dans le cadre de la radiothérapie et aussi des nouvelles thérapeutiques ciblées, souvent adminis-trées per os selon un schéma continu. Les particularités des patients et leur sensibilité digestive, doit également être travaillée, de même que l’éducation autour de l’impor-tance du report des informations (de tolé-rance) vers les professionnels de santé.Le Nepa est une combinaison dans un seul comprimé, à prendre par voie orale 1 heure avant la chimiothérapie, de deux molécules : le netupitant à la dose de 300 mg (nouvel antagoniste du récepteur NK1 d’affinité plus longue et plus importante) et le palonosetron à la dose de 0,5 mg. Ces deux molécules anti-émétiques associées dans un même comprimé, agissent ainsi en synergie dans la prévention des NVCI. Une étude de phase II et deux études de phases 3 randomisées, comparant le NEPA aux traitements anti-émétiques classiques,

Tableau 1. Classification du risque émétisant des nouveaux anti-cancéreux

Classification Nouveaux agents injectables Nouveaux agents oraux

Très Faiblement Pixantrone PomalidomideVemurafenib

Faiblement AfliberceptBrentuximabCabazitaxelCarfilzomibEribulineIpilimumabPertuzumabTrastuzumab / emtansineVinflunine

AfatinibAxatinibDabrafenibDasatinibIbrutinibNilotinibPazopanibPonatinibRegorafenibRuxolitinibVandetanibVismodegib

Modérément TemozolomideTrabedectine

TemozolomideBosutinib Crizotinib

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ont démontré un intérêt significatif de cette nouvelle association par rapport aux sché-mas antiémétiques standards(7-9).Dans les trois études, le critère de jugement principal a été le taux de réponse complète (RC) défini comme l’absence de vomisse-ment et de prise de traitement antiémé-tique de « sauvetage » durant les 120h sui-vant l’administration de la chimiothérapie. La posologie optimale du netupitant du combo « Nepa » a été déterminée par l’étude de phase II dans laquelle 694 pa-tients traités par cisplatine ont été rando-misés entre le NEPA 100/0,5 mg (100 mg de netupitant, 0,5 mg de palonosetron), le NEPA 200/0,5 mg (200 mg de netupitant, 0,5 mg de palonosetron), le NEPA 300/0,5 mg (300 mg de netupitant, 0,5 mg de palo-nosetron), le palonosetron seul (0,5 mg) et l’aprepitant(7). Tous les patients ont reçu en complément de la dexamethasone de J1 à J4 dans le cadre du protocole anti-émétique classique. Les résultats ont montré une meilleure effi-cacité en faveur du combo NEPA 300/0,5 mg par rapport aux 2 autres dosages, et en comparaison de l’association palonosetron / aprépitant, sans majoration de la toxicité. Deux études de phase 3 ont permis d’éva-luer l’efficacité du NEPA 300/0,5 mg en prise unique à J1 en comparaison des protocoles de référence utilisés dans les chimiothérapies hautement (HEC) et mo-dérément (MEC) émétisantes(8, 9). Dans le cadre des MEC, le protocole de chimiothé-rapie de référence choisi a été AC (adriamy-cine + cyclophosphamide)(22). Le NEPA a été comparé au palonosetron 0,5 mg. Dans les deux bras, les 1455 patients inclus ont reçu une corticothérapie (dexamethasone 12 mg) afin de correspondre au protocole antiémétique de référence. Les résultats ont montré une supériorité du NEPA par rapport au palonosetron en termes de ré-ponse complète, à savoir pas de nausée, ni vomissements et pas de nécessité de prise de traitement de secours (76,9% vs 69,5%, p=0,001). Dans le cadre des HEC, le pro-tocole de référence choisi comme bras standard a comporté l’association aprepi-tant (de J1 à J3), palonosetron (J1) et dexa-methasone de J1 à J4(9).Le critère de jugement principal de cette étude a été la tolérance pour les 413

patients randomisés. Cette dernière a été identique dans les 2 bras. Le pourcentage de réponse complète a été de 81% dans le bras NEPA contre 76% dans le bras contrôle sans rapport d’analyse statistique. Ces don-nées d’études ont permis sa mise sur le marché aux Etats-Unis d’Amérique ainsi qu’une AMM européenne. L’association est intégrée aux dernières recommandations MASCC-ESMO récemment publiées(4)

Le rolapitant est un inhibiteur de

neurokinine de type 1 (INK1, famille de l’aprépitant), dont la particularité est d’avoir une longue durée d’affinité pour son récepteur (demi-vie de 180 heures). Cette molécule présente la particularité d’une administration unique d’un com-primé à 180 mg per os 1 heure avant l’administration de la chimiothérapie. Son efficacité a été évaluée à travers 3 études randomisées ; deux en chimiothérapies hautement émétisantes à base de cisplatine

Tableau 2. Classification des thérapeutiques anticancéreuses selon le risque émétique

Niveau de risque émétisant

Chimiothérapies injectables Chimiothérapies orales

Haut Cisplatine Dacarbazine HexamethylmelamineAssociation Anthracycline/cyclophosphamide ProcarbazineCarmustineCyclophosphamide ≥1500 mg/m2

MechlorethamineStreptozotocine

Modéré AlemtuzumabAzacitidineBendamustineCarboplatineClofarabineCyclophosphamide < 1500 mg/m2Cytarabine > 1000 mg/m2DaunorubicineDoxorubicine

EpirubicineIdarubicineIfosfamideIrinotecanOxaliplatineRomidepsinTemozolomideThiotepaTrabedectine

BosutinibCeritinibCrizotinibCyclophosphamideImatinibTemozolomideVinorelbine

Faiblement AfliberceptBelinostatBlinatumomabBortezomibBrentuximabCabazitaxelCarfilzomibCatumaxumabCetuximabCytarabine < 1000 mg/m2DocetaxelEribulinEtoposide5FUGemcitabine

IpilimumabIxabepiloneMethotrexateMitomycineMitoxantroneNab-PaclitaxelPaclitaxelPanitumumabPemetrexedDoxorubicine liposomale pegyléePertuzumabTemsirolimusTopotecanTrastuzumab-emtansineVinflunine

afatinibAxatinibCapecitabineDabrafenibDasatinibEverolimusEtoposideFludarabineIbrutinibIdelalisibLapatinibLenalidomideOlaparibNilotinibPazopanibPonatinibRegorafenibSunitinibTegafur uracilThalidomideVandetanibVorinostat

Minimal BevacizumabBleomycineBusulfan2-ChlorodeoxyadenosineCladribineFludarabineNivolumabOfatumumab

PembrolizumabPixantronePralatrexateRituximabTrastuzumabVinblastineVincristineVinorelbine

ChlorambucilErlotinibGefitinibHydroxyuréeMelphalanMethotrexateMoutarde L-PhenylalaninePomalidomideRuxolitinibSorafenib6-ThioguanineVemurafenibVismodegib

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29Nouveautés antiémétiques : le point

et une dans les chimiothérapie modéré-ment émétisantes (MEC)(10). L’étude menée dans les MEC est majeure car il s’agissait de la première à démontrer une supério-rité significative d’une triple association Inhibiteur de NK1, sétron et corticoïde sur l’association standard sétron + corticoïde dans cette indication.La supériorité a été nette dans cette étude randomisée multicentrique menée auprès de 1369 patientes traitées par MEC, notam-ment sur la phase retardée (de 24 à 120h post chimiothérapie). La tolérance au trai-tement a été habituelle avec cette famille d’antiémétiques (céphalées, constipation) avec toutefois un taux plus élevé de neutro-pénie (5% vs 3%).Le rolapitant se place donc dans la course des nouveaux antiémétiques oraux, avec des résultats d’études comparatives signi-ficatifs. Comme pour toutes les nouvelles molécules, des études comparatives entres inhibiteurs de neurokinine de type 1 sont attendus mais probablement difficiles à obtenir. Il n’en demeure pas moins que la forme orale associée à une demie vie longue, place le rolapitant comme un trai-tement prophylactique de choix dans l’ave-nir.L’olanzapine est une ancienne molécule in-diquée comme antipsychotique. R.. Navarri travaille depuis longtemps sur cette molé-cule et a publié dans New England Journal of Medicine, une étude de phase III ran-domisée versus placebo, associant l’olan-zapine 10 mg per os au schéma standard en prévention des chimiothérapies haute-ment émétisantes(11). L’ensemble des 380 patients inclus dans les deux bras de traite-ment, ont reçu association prophylactique standard par sétron (palonosetron 0,25 mg IV ou granisetron 1 mg IV ou 2 mg PO ou ondansetron 8 mg IV ou PO), dexametha-sone (12 mg J1 puis 8 mg de J2 à J4) et un inhibiteur de neurokinine de type 1 (fosa-prepitant 150 mg J1 ou aprepitant 125 mg J1 puis 80 mg J2-3).Un tiers des patients était traité suivant un protocole à base de cisplatine et 2/3 par une association anthracycline-cyclophos-phamide, bien répartis entre les deux bras de traitement.Les résultats ont tous été significatifs en faveur du recours à l’association standard

avec olanzapine 10 mg PO, que ce soit en terme de nausées comme de réponse com-plète (pas de vomissement, pas de traite-ment de secours). La significativité a tou-ché autant les phases aigues (24 premières heures post chimiothérapie) que les phases retardées (24 à 120h) ou les périodes glo-bales (0 à 120h), avec une tolérance sem-blable entre les deux groupes en dehors d’une sédation plus importante dans le groupe olanzapine.

De nouvelles recommandations :

Une mise à jour des recommandations antiémétiques de l’ASCO a été proposée par un groupe de leaders d’opinion sur la thématique des nausées et vomissements chimio et radio-induits(12). La question était de savoir si le NEPA pouvait être in-corporé aux recommandations. Une revue de 32 publications a été réalisée et 3 ont été retenues selon les critères des guidelines de l’ASCO, une phase II randomisée et deux phases III. Ces études ont montré une ef-ficacité intéressante du NEPA et une tolé-rance similaire à celle de l’association palo-nosetron et aprépitant, essentiellement en lien avec une constipation et des céphalées. Le NEPA a été testé auprès de patients trai-tés suivant des protocoles de chimiothé-rapie à base de cisplatine ou d’une asso-ciation anthracycline-cyclophosphamide, considérée comme hautement émétisantes par les américains (et donc l’ASCO). Le NEPA a été jugé comme étant une nouvelle

option antiémétique en prévention des chimiothérapies hautement émétisantes (incluant donc l’association AC). Plus récemment encore, un autre groupe d’experts internationaux a publié la mise à jour des recommandations MASCC-ESMO(4). Dans ces recommandations, sont intégrées les nouvelles classifications, mais également de nouvelles stratégies antiémé-tiques, incluant les nouvelles molécules précédemment décrites. En résumé, l’asso-ciation anthracycline-cyclophosphamide passe au statut « risque émétisant élevé » au même titre que le cisplatine et le car-boplatine s’octroie une prophylaxie parti-culière dans la famille « risque émétisant modéré », avec intégration d’un inhibiteur de neurokinine de type 1 à administrer à J1 en association à un sétron et un corticoïde. La synthèse de ces recommandations sont présentées dans le tableau 3.L’AFSOS n’est pas en reste puisque doivent être présentées lors des journées des réfé-rentiels 2016, les référentiels inter-régio-naux sur la prophylaxie des nausées et vomissements radio-induit.La lutte antiémétique a montré d’impor-tants bouleversements durant les trente dernières années permettant de passer de 100% de patients souffrant de NVCI à 15% de patients touchés en 2008. Le dévelop-pement de nouveaux traitements, comme l’appropriation des recommandations nationales et/ou internationales par les praticiens devraient permettre d’aboutir à une efficacité de la prophylaxie proche des

Tableau 3. Prophylaxie antiémétique MASCC-ESMO 2016

Groupe à risque Phase aiguë (J1) Phase retardée (J2-J3)

Hautement Emetisant - non AC Sétron + Dex + NK1 Dex ou si APR 125 mg J1: MCP+Dex ou APR 80 mg

Hautement Emetisant - AC Sétron + Dex + NK1 Rien ou si APR 125 mg J1: Dex ou APR 80 mg

MEC - Carboplatine Sétron + Dex + NK1 Sétron + Dex + NK1

MEC non Carboplatine Sétron + Dex Rien (ou Dex à considérer si oxaliplatine, cyclophosphamide ou antharcycline)

Faiblement Sétron ou Dex ou Domperidone Rien

Très faiblement Rien Rien

Sétron: palonosetron préféré si pas d’utilisation de NK1 à J1Dex : CorticoïdeNK1 : Antagoniste de récepteur neurokinine de type 1 tels que APREPITANT ou FOSAPREPITANT ou ROLAPITANT ou NEPAMCP : metoclopramideAPR : aprepitant

Roila F et al. Annals Oncol 2016

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30 #2 - Novembre 2016

100%(13). •

RÉFÉRENCES :1. Basch E. The missing voice of patients in drug-safety reporting. N Engl J Med 2010

Mar 11;362(10):865-9.2. Vidall C, Fernández-Ortega P, Cortinovis D et al. Impact and management of chemo-

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4. Roila F, Molassiotis A, Herrstedt J, Aapro M, Gralla RJ, Bruera E, Clark-Snow RA, Dupuis LL, Einhorn LH, Feyer P, Hesketh PJ, Jordan K, Olver I, Rapoport BL, Roscoe J, Ruhlmann CH, Walsh D, Warr D, van der Wetering M; participants of the MASCC/ESMO Consensus Conference Copenhagen 2015.. 2016 MASCC and ESMO guideline update for the prevention of chemotherapy- and radiotherapy-induced nausea and vomiting and of nausea and vomiting in advanced cancer patients. Ann Oncol. 2016 Sep;27(suppl 5):v119-v133.

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8. Hesketh PJ, Rossi G, Rizzi G, et al. Efficacy and safety of NEPA, an oral combination of netupitant and palonosetron, for prevention of chemotherapy-induced nausea and vomiting following highly emetogenic chemotherapy: a randomized dose-ranging pivotal study. Ann Oncol. 2014 Jul;25(7):1340-6.

9. Aapro M, Rugo H, Rossi G et al. Randomized phase III study evaluating the efficacy and safety of NEPA, a fixed-dose combination of netupitant and palonosetron, for prevention of chemotherapy-induced nausea and vomiting following moderately emetogenic chemotherapy. Ann Oncol 2014 Jul;25(7):1328-33.).

10. Rapoport BL, Chasen MR, Gridelli C et al. Safety and efficacy of rolapitant for preven-tion of chemotherapy induced nausea and vomiting after administration of moderately emetogenic chemotherapy or anthracycline and cyclophosphamide regimens in patients with cancer : a randomised, active-controlled, double-blind, phase 3 trial. Lancet Oncol 2015 ; 16 : 1071-78

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31

L’incidence cumulée des nausées et vomissements radio-in-duits (NVRI) au cours d’une irradiation est de 40 à 80 %(1, 2). Il existe cependant une nette diminution des effets secondaires radio-induits grâce aux innovations technologiques de la radiothérapie (Radiothérapie Conformationnelle avec Modulation d’Intensité (RCMI), RadioThérapie Guidée par l’Image (RTGI)…). Cet effet indésirable est parfois redouté par les patients (comme pour la chimiothé-rapie). Les nausées et vomissements sont cependant sous estimés et sous diagnosti-qués par les oncologues radiothérapeutes qui les considèrent trop souvent comme l’apanage de la chimiothérapie ; ils ne sont parfois pas considérés comme un effet secondaire important par les radiothérapeutes oncologues(3). Par ailleurs, il existe une asymétrie de perception entre patient et professionnels de santé de la même manière que pour les nausées et vomissements chimio-induits (NVCI). Ce sous dia-gnostic conduit par voie de conséquence à un sous traitement(2, 4, 5). Trois sociétés savantes ont développé des recommandations de bonnes pratiques cliniques relative aux nausées et vomissements radio-induits à ce jour : le NCCN, LA MASCC avec l’ESMO et l’ASCO(6, 7).L’objectif de cette mise au point est de faire la synthèse sur l’état de l’art au sujet des nausées et des vomissements radio-induit afin de mieux les évaluer et les prendre en charge.

Jean-Christophe FaivreInstitut de Cancérologie de Lorraine - Alexis-Vautrin, département universitaire de radiothérapie, 6 avenue de Bourgogne, Vandœuvre-lès-Nancy F-54519, [email protected]

Nausées et vomissements radio-induits

Figure 1. Facteur de risque NVRI et/ou NVCI

Facteurs de risque individuels

NauséesVomissements

Adulte < 55 ansSexe féminin

Risque émétogène de la radiothérapie

Risque émétogène de la chimiothérapie Se reporter au référentiel NVCI de l’AFSOS

Localisation anatomique irradiéeDose totale

FractionnementEtalement

Volume irradiéTechnique de radiothérapie/balistique

Organes à risque :tube digestif, area postrema

Facteur protecteur

Intoxication alcoolique

Antécédents de :- nausées gravidiques- mal des transports

Sujet anxieuxSujet qui pense être

à haut risque de NVCI

Antécédents de nauséeset/ou vomissements

lors d’une précédentecure de chimiothérapie

et/ou radiothérapie

Nausées et vomissements radio-induits

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32 #2 - Novembre 2016

Définition

Les nausées et vomissements radio-induits sont caractérisés par une phase latente asymptomatique d’une à 2 heures après l’irra-diation suivie d’une période de nausées et/ou de vomissements qui peuvent durer de 6 à 8 heures(8). Ils peuvent apparaître dès la première séance d’irradiation et jusqu’à une semaine après la fin de l’irradiation. La nausée est une perception subjective difficile à définir de sensation désagréable au niveau de l’estomac, souvent associée à un malaise, un dégoût de la nourriture et de la boisson, une hypersalivation, caractérisée par une envie de vomir, suivie ou non de vomissement. Le vomissement est l’expulsion violente de matières contenues dans l’estomac. On distingue 4 présenta-tions cliniques des nausées et vomissements radio et/ou chimio-induits : - Les NVRI/NVCI anticipés surviennent avant la radiothérapie

et/ou chimiothérapie - NVRI/NVCI aigus surviennent au cours des 24 premières

heures de la radiothérapie et/ou de la chimiothérapie - Les NVRI/NVCI retardés surviennent après la 24e heure de la

radiothérapie et/ou chimiothérapie sans limite de fin - Les NVRI/NVCI réfractaires malgré un traitement bien mené

L’importance des NVRI / NVCI est évaluée selon la classification NCI-CTAE V 4.03 et présentée en Tableau 1.

Conséquences et complications des nausées et vomissements

Les NVRI / NVCI peuvent avoir de multiples conséquences pour le patient avec : - Un retard voire un refus d’irradiation conduisant à une dimi-

nution de l’efficacité antinéoplasique de l’irradiation(2, 4). - Une altération de la qualité de vie tant sur les activités quoti-

diennes et professionnelles que la vie sociale et relationnelle(9). - Une déshydratation avec des troubles hydro-électrolytiques

(insuffisance rénale, hypokaliémie, hyperchlorémie, alcalose métabolique) et une dénutrition en cas de vomissements su-baigus(10).

- Une interruption des traitements pris par voie orale (médi-caments non pris ou évacués avec les vomissements) et une décompensation de comorbidités associées.

- Une inhalation bronchique avec pneumopathie (syndrome de Mendelssohn)(11)

- Plus rarement, une oesophagite, une déchirure longitudinale du cardia liée aux efforts de vomissements (syndrome de Mallory-Weiss) ou une rupture de l’œsophage (syndrome de Boerhaave).

Les bonnes pratiques en soins oncologiques de support

Elles reposent sur une prise en charge en 3 temps :Le premier temps = avant l’irradiation : il consiste à délivrer une information au patient lors des consultations par le médecin, le manipulateur voire l’infirmière de coordination, éventuellement complétée par un livret patient ; mettre en place les mesures pré-ventives le cas échéant ; et, respecter des contraintes de dose aux organes à risque en radiothérapie.Le deuxième temps = pendant l’irradiation : il consiste à évaluer systématiquement et prendre en charge des effets secondaires lors des consultations hebdomadaires en cours de radiothérapie.Le troisième temps = après l’irradiation : il consiste à évaluer sys-tématiquement et prendre en charge des effets secondaires lors de consultations de suivi à long terme permettant le contrôle a poste-riori des traitements délivrés.

L’évaluation du risque émétogène

Les facteurs de risque des NVRI et/ou NVCI sont présenté en Figure 1. Le risque émétogène – et donc le prévention / prise en charge des NVRI – dépendront de 2 facteurs principaux(2, 4, 12) : - la localisation anatomique irradiée qui permet de classer l’irra-

diation de minime à haut risque émétogène. Une synthèse des classifications localisation à risque émétogène est présentée en Tableau 2.

- la chimiothérapie concomitante associée le cas échéant : le risque émétogène de la chimiothérapie est généralement supé-rieur à celui de la radiothérapie.

Le risque émétogène dépend également d’autres facteurs même

Tableau 1. L’importance des NVRI / NVCI est évaluée selon la classification NCI-CTAE V 4.03

Grade 1 Grade 2 Grade 3 Grade 4 Grade 5

Nausées Perte d’appétit

Réduction des apports alimentaires sans perte de poidsHydratation IV < 24h

Apport calorique ou hydrique insuffisantHydratation IV ou Nutrition parentérale exclusive > 24h

- -

Vomissements 1/24h2 à 5/24hHydratation IV < 24h

> 6/24hHydratation IV ou Nutrition parentérale exclusive > 24h

Risque vital Décès

Tableau 2. Classifications localisation à risque émétogène

Risque émétogène Localisation anatomique

Haut > 90% Irradiation Corporelle Totale, Irradiation Nodale Totale

Modéré 60 à 90 % Abdomen, Irradiation Hémicorporelle

Faible 30 à 60 % Encéphale, cérébrospinal, ORL, thorax inférieur, pelvis

Minime < 30 % Sein, membres

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Dossier : Prise en charge Des toxicités Digestives

33Nausées et vomissements radio-induits

si ils n’ont pas d’impact très clair sur la prévention et la prise en charge des NVRI(2, 4, 13) : - les facteurs liés à la radiothérapie : la dose totale, le fraction-

nement, l’étalement, le volume irradié, la technique de ra-diothérapie, la dose aux organes à risque (tube digestif, area postrema).

- les facteurs liés au patient, de la même manière que pour les NVCI : l’âge jeune (moins de 55 ans), l’antécédent de nau-sées/vomissements préalables chimio-induits, gravidiques et de mal des transports, le sexe féminin, les troubles anxieux. L’addiction à l’alcool est un facteur protecteur.

La prise en charge : on distingue habituellement 3 situations.

- la prophylaxie primaire : elle correspond au traitement préven-tif systématique optimal dès le 1er cycle de chimiothérapie/première séance de radiothérapie contre les NVCI et NVRI à la phase aiguë et à la phase retardée

- la prophylaxie secondaire : elle correspond au traitement pré-ventif réévalué et adapté à la suite de NVRI et NVCI lors du précédent cycle de chimiothérapie / séances de radiothérapie. Elle n’existe pas en cas de radiothérapie exclusive.

- les traitements de secours : ils correspondent aux traitements à mettre en place en cas de NVCI et/ou NVRI malgré une pro-phylaxie bien conduite

- La mise en œuvre de la prophylaxie est présentée en Figure 2. On distingue deux grands cadres pour la prévention des NVRI : 1) la radiothérapie concomitante à la chimiothérapie et/ou une thérapie ciblée et 2) radiothérapie exclusive.

En cas de radiothérapie concomitante à la chimiothérapie et/ou une thérapie ciblée

Le risque émétogène est généralement plus élevé pour la chimio-thérapie dans ce cas et la prévention et le traitement de rattrapage correspondent à celle des nausées et vomissements chimio-induits.

En cas de radiothérapie exclusive

1) Prophylaxie primaire antiémétiqueIndications Les indications de la prophylaxie primaire antiémétique en fonc-tion du risque émétogène de l’irradiation sont présentées dans le Tableau 3(6, 7). Une adaptation de la prophylaxie en fonction des

Tableau 3. Indications de la prophylaxie primaire antiémétique en fonction du risque émétogène

Risque émétogène Indications pour la RT3D et la RCMI seulement

Haut Prophylaxie avec antagoniste 5 HT 3 avant chaque séance et jusqu’à 24 heures après la fin de la radiothérapie. +/- corticothérapie les 5 premiers jours de l’irradiation

Modéré Prophylaxie avec antagoniste 5 HT 3 avant chaque séance et jusqu’à 24 heures après la fin de la radiothérapie. +/- corticothérapie les 5 premiers jours de l’irradiation

Faible Prophylaxie ou rattrapage avec antagoniste 5 HT 3 ou antidopaminergique à poursuivre jusqu’à la fin de l’irradiation

Minime Rattrapage avec antidopaminergique à poursuivre jusqu’à la fin de l’irradiation

En cas de chimiothérapie concomitante

Prophylaxie à adapter au risque émétogène de la chimiothérapie sauf si le risque émétogène de la radiothérapie est supérieur

Figure 2. Mise en oeuvre de la prophylaxie

Radiothérapie avec chimiothérapie concomitante

Prophylaxie en fonction du traitement le plus émétogène

Oui

Poursuitedu même traitement

Non

Prophylaxie secondaireen fonction du niveau

émétisant du protocolede chimiothérapie

Chimiothérapie : prophylaxie primaire en fonctiondu niveau émétisant du protocole de chimiothérapie

Règles hygiéno-diététiques

Radiothérapie : prophylaxie primaire en fonctionde la localisation anatomique irradiée

Règles hygiéno-diététiques

Dosimétrie

Pratiques non-conventionnellesà portée thérapeutique

Traitements de rattrapage

EFFICACITÉ ?

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facteurs individuels du patient est possible dans certains cas. Il n’y a pas d’indication de prophylaxie en cas de radiothérapie stéréo-taxique et de curiethérapie. Les radioprotecteurs n’ont pas fait la preuve de leur efficacité(14). Posologies Les posologies des principaux traitements antiémétiques dispo-nibles en France sont présentées dans le Tableau 4. Les autres cor-ticoïdes et antidopaminergiques peuvent être raisonnablement utilisés même si ils n’ont pas été évalués au sens strict dans la prévention et la prise en charge des NVRI. Pour les antagonistes 5 HT 3, une dose unique semble aussi efficace que dose deux fois par jour et la voie per os semble aussi efficace que la voie intravei-neuse par analogie avec les NVCI.La durée est mal connue. La prophylaxie primaire antiémétique débute dès le début de l’irradiation et se poursuit jusqu’à 24 heures après la fin de l’irradiation. En cas de mauvaise tolérance des médicaments antiémétiques, un arrêt ou relais par un autre traitement antiémétique est conseillé, d’autant plus si cela a lieu après 2 semaines d’irradiation, est conseillé. Une étude a montré que la majorité des symptômes ont lieu durant les 2 premières semaines de l’irradiation. Tolérance Les antagonistes 5 HT 3 (sétrons) ont des effets secondaires habi-tuellement modérés tels que céphalées, constipation et augmen-tation transitoire des transaminases(15–17). En cas d’irradiation abdominale, cela peut parfois, permettre une diminution de la diarrhée secondaire à l’entérite radique aiguë associé(1, 18). Les corticoïdes, eux aussi, peuvent conduire à des effets secondaires modérés habituels tels que insomnies et bouffées vasomotrices de la face. Ils peuvent permettre un effet co-antalgique. Les antidopa-minergiques peuvent être responsables de somnolence et troubles extrapyramidaux.

2) En cas d’échec de la prophylaxie primaire : prises en charge diagnostique et thérapeutique de rat-trapage Démarches diagnostique devant des nausées et vomissements en cours d’irradiation Il convient en premier lieu de mener une démarche diagnos-tique rigoureuse avant d’attribuer ceux-ci à la radiothérapie. Tout d’abord en éliminant les diagnostics différentiels de nausées et de

vomissements, notamment les plus fréquemment rencontrées en cancérologie : régurgitation, reflux gastro-oesophagien, chimio-thérapie associées, urgences médicochirurgicales, médicaments (antibiotiques, opiacés), insuffisance rénale aiguë (tumorale ou chimiotoxique), hypertension intracrânienne et méningite carci-nomateuse, syndrome coronarien aigu inférieur (5FU), hépatite et de mauvaise tolérance d’une nutrition entérale.Evaluation du retentissement des nausées et vomissements : il est d’abord clinique par la mesure du poids, du pourcentage de perte de poids en fonction du temps, de l’indice de masse cor-porel, de l’évaluation des ingestas (échelle visuelle analogique) et la recherche de signe de déshydratation. Il est ensuite biologique avec réalisation d’un ionogramme sanguin, urée, créatininémie, hématocrite, albuminémie, pré-albuminémie en cas de signe de déshydratation, d’altération de l’état général, de perte de poids importante, sujets fragiles / âgésIndications d’hospitalisation : les indications d’hospitalisation correspondent à l’ensemble des complications liées aux nausées et vomissements et la décompensation d’une affection associée. - Interruption des traitements indispensables pris par voie orale

(exemple : anticoagulants) (médicaments non pris ou évacués avec les vomissements).

- Décompensation d’une affection associée - Déshydratation – troubles hydro-électrolytiques (insuffisance

rénale, hypokaliémie, hyperchlorémie, alcalose métabolique) nécessitant une correction par voie parentérale (impossibilité par voie orale)(10).

- Dénutrition - Troubles de la conscience (attention aux risques d’inhalation

bronchique du contenu gastrique avec pneumopathie (syn-drome de Mendelssohn))(11)

- Œsophagite - Déchirure longitudinale du cardia liée aux efforts de vomisse-

ments (syndrome de Mallory-Weiss) - Rupture de l’œsophage (syndrome de Boerhaave)

Traitement de rattrapage En cas de radiothérapie associée à la chimiothérapie, le traitement de rattrapage est identique aux traitements de rattrapage des NVCI. En cas de radiothérapie exclusive, les traitements de rattrapage sont mal codifiés. Les traitements antidopaminergiques, corti-coïdes et benzodiazépines peuvent être utilisés. En cas d’absence

Tableau 4. Posologies des principaux traitements antiémétiques disponibles en France

Risque émétogène Posologie per os Posologie par voie intraveineuse

Antagonistes 5 HT 3

Granisétron KYTRIL® 2 mg 1 mg

Ondansétron ZOPHREN® 8 mg deux fois / jour 8 mg deux fois / jour

Palonosétron ALOXI® Non disponible en France 0,25 mg

Dolasétron ANZEMET® et Tropisétron NAVOBAN® ne sont plus commercialisés en France

Corticoïdes

Déxaméthasone DECTANCYL® ou Gé® 4 mg 4 mg

Antidopaminergiques

Métoclopramide PRIMPERAN® 10 mg * 3/jour 10 mg * 3/jour

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Dossier : Prise en charge Des toxicités Digestives

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de prophylaxie antiémétique, le traitement de rattrapage com-mence par un antagoniste 5 HT 3 (sétrons) prescrit de la même manière que la prophylaxie primaire. Les antagonistes des récep-teurs à la neurokinine 1 (aprépitant, nulapitant, rolapitant) sont en cours d’évaluation sans que l’on puisse les recommander pour le moment(19–21). Il ne faut pas oublier de prendre en charge les autres causes de nausées et vomissements associées. Il n’a pas été démontré d’effi-cacité des pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique dans ce cadre(22). Il est nécessaire d’adapter les formes galéniques quand la voie per os devient difficile voire impossible. Des galé-niques alternatives existent avant de recourir aux voies invasives intraveineuses, sous cutanées ou intramusculaires des antiémé-tiques et des autres médicaments. Cependant, la voie intraveineuse peut avoir l’avantage de permettre une réhydratation du patient en même temps. Pour les traitements antagonistes 5 HT 3 (sétrons), l’ondansétron existe en forme lyoc, suppositoire, sirop, film oro-dispersible. Pour les antidopaminergiques, le métoclopramide existe en suppositoire et solution buvable. Pour les corticoïdes, il n’existe pas d’autre galénique pour la déxaméthasone. Les autres corticoïdes et antidopaminergiques peuvent être raisonnablement utilisés même si les molécules n’ont pas été évalués au sens strict dans la prévention / prise en charge des NVRI.Règles hygiénodiététiques Elles sont délivrées en consultation auprès d’un diététicien(ne). Elles demeurent empiriques. Malgré les nausées et vomissements, il faut continuer à manger car plus l’estomac est rempli, moins il rejette facilement les aliments. - Fractionnez votre alimentation : mangez de petites quantités

souvent dans la journée. - Buvez souvent en petites quantités et lentement. - Manger lentement - Consommez des aliments froids plutôt que chauds dont les

odeurs peuvent déclencher des nausées. - Evitez les aliments acides type agrumes, vinaigrettes… - Mangez souvent des aliments lisses et épais (potages épais,

purées, flans, desserts à base de semoule ou tapioca) : les mor-ceaux augmentent le brassage dans l’estomac, ce qui favorise les vomissements, tandis que la vidange gastrique est plus ra-pide avec des aliments lisses.

- Evitez les aliments difficiles à digérer comme les aliments frits, gras ou épicés.

- Maintenir une position assise pendant 30 min après le repas ; si position couchée, préférer le côté droit pour favoriser la vi-dange gastrique.

Conclusion

Sous-diagnostiqué, les NVRI nécessitent une meilleure prise de conscience de leurs existences par l’oncologue radiothérapeute. Sous-traité, les NVRI nécessitent de connaître et d’appliquer les recommandations de bonnes pratiques existantes. La gestion des symptômes est un aspect extrêmement important de la prise en charge des patients atteints de cancer et nécessitent une prise en

charge précoce et « aggressive » adaptée. Ces éléments devraient s’inscrire dans une démarche globale de formation et d’homogé-néisation des bonnes pratiques en soins oncologiques de supports dans chaque service de radiothérapie. •

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Nausées et vomissements radio-induits

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Le reflux gastro-œsophagien, l’œsophagite et la gastrite sont des maladies courantes dans la population générale, mais il existe assez peu de données sur ces troubles lorsqu’ils surviennent chez des patients atteints de cancer. En effet, la gravité du cancer et l’enjeu du traitement anticancéreux, qu’il s’agisse de chirurgie, de chimiothérapie ou de radiothérapie, font souvent mettre de côtés ces troubles digestifs considérés comme bénins. Toutefois, il existe des interactions potentielles entre ces maladies et la prise en charge du cancer. Par ailleurs, elles peuvent parfois être sévères…

Dr Lysiane MartheyService Hépato-gastroentérologie et Nutrition ; Hôpital Antoine Béclère ; 157 rue de la porte de Trivaux ; 92 140 CLAMARTlysiane.marthey @aphp.fr

Reflux gastro-œsophagien, œsophagite et gastrite

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Dossier : Prise en charge Des toxicités Digestives

37Reflux gastro-œsophagien, œsophagite et gastrite

Le Reflux Gastro-œsophagien (RGO)

L’œsophage est un conduit musculo-squelettique permettant le passage des aliments du pharynx jusqu’à l’estomac. Il mesure environ 25 cm et est délimité par deux sphincters, le Sphincter Supérieur de l’œsophage (SSO) ou Bouche Œsophagienne, et le Sphincter Inférieur de l’œsophage (SIO) ou Cardia. Lors de la déglutition, les deux sphincters se relâchent et le péristaltisme se propage le long de la paroi œsophagienne afin de conduire le bol alimentaire du pharynx vers l’estomac. Le SIO est un des éléments essentiel du système anti-reflux. Associé aux piliers du diaphragme, il empêche le contenu gastrique acide de remonter dans l’œso-phage. Il est contracté au repos et se relâche transitoirement lors du passage du bol alimentaire sous l’effet d’une stimulation du système nerveux autonome, en particulier le nerf vague(1).Le RGO survient de façon physiologique, principalement après les repas, lorsque le SIO se relâche. Il n’est pathologique que lorsqu’il s’accompagne de symptômes et/ou de lésions de la muqueuse œsophagienne, c’est-à-dire d’une œsophagite peptique. Il est causé par une relaxation du SIO précédant un reflux du contenu gas-trique acide dans l’œsophage, agressant la muqueuse œsopha-gienne qui n’est pas protégée par une couche de mucus, comme l’est la muqueuse gastrique. Il peut être favorisé par une hernie hiatale ou une distension gastrique(2-6).Le RGO est très fréquent ; il affecte 10 à 30% de la population générale(7,8). Le pyrosis en est la manifestation la plus typique. Il se caractérise par une brulure rétro-sternale ascendante. Il peut s’associer à des régurgitations et survient plus fréquemment en période postprandiale. Il peut être déclenché par l’antéflexion, ou le décubitus. Il s’agit d’un symptôme chronique, retentissant sur la qualité de vie. Le RGO peut également se manifester par des symptômes extra-digestifs, comme l’asthme, la toux, une laryngite, un enrouement…Le diagnostic peut être porté par l’interrogatoire lorsque les symp-tômes sont typiques. L’endoscopie œsogastroduodénale est réali-sée en cas de symptômes persistants ou de signes d’alarme, à la recherche de lésions d’œsophagite (érythème, ulcérations…), mais un examen normal n’élimine pas le diagnostic de RGO(9). La pH-métrie œsophagienne peut être proposée en cas de symp-tômes atypiques ou de résistance au traitement médicamenteux. Le principe est d’enregistrer parallèlement les variations de pH dans l’œsophage 5 cm au-dessus du SIO grâce à une sonde naso-gastrique munie de capteurs laissée en place 24 heures d’une part, et les symptômes ressentis par le patient d’autre part, et d’évaluer leur concordance(10).Le traitement du RGO repose principalement sur les médicaments diminuant l’acidité gastrique. Il s’agit des antiacides comme l’hy-droxyde d’aluminium (MaaloxR) ou le phosphate d’aluminium (PhosphalugelR) ou des anti-sécrétoires, antihistaminiques anti-H2 (Ranitidine, AzantacR ; Cimétidine, TagametR…) ou inhibi-teurs de la pompe à protons (IPP) (Esoméprazole, InexiumR  ; Pantoprazole InipompR…)(11-13). L’objectif est de soulager les symptômes et de cicatriser les lésions d’œsophagite, si elles existent. En cas de mauvaise réponse au traitement, on peut

proposer de diviser la dose d’IPP par deux en une prise matin et soir, d’augmenter la posologie, d’associer un traitement par IPP à un traitement anti-H2 ou de changer d’IPP. Les IPP peuvent être prescrits par cures intermittentes de quelques semaines lors des périodes d’exacerbation des symptômes ou au coup par coup, à la demande du patient en fonction de ses symptômes(14,15)… Par, ailleurs, des règles hygiéno-diététiques, comme surélever la tête du lit, éviter le décubitus après le repas, diminuer la consommation de tabac, perdre du poids, et porter des vêtements larges peuvent également être proposées. La prescription d’IPP a beaucoup augmentée ces dernières années, particulièrement chez les patients âgés(16). Près de la moitié des patients ayant un cancer reçoivent un traitement antiacide ou an-ti-sécrétoire(17). Ces traitements, en augmentant le pH gastrique, peuvent modifier la biodisponibilité des traitements concomi-tants. En effet, l’augmentation du pH gastrique modifie la solu-bilité de certains médicaments et donc leur absorption. La ques-tion d’éventuelles interactions entre antiacides, anti-sécrétoires et traitement anti-cancéreux se pose donc, d’autant plus que de nombreux traitements anti-cancéreux oraux ont été développés récemment, en particulier les inhibiteurs de tyrosine kinase (TKI)(18). Par exemple, sous Anti-H2, l’aire sous la courbe (AUC) et le pic de concentration maximale Cmax du dasatinib (SprycelR) diminuent de 61% et 63% respectivement(19). Sous IPP, l’AUC et le pic de concentration maximale Cmax du nilotinib (TasignaR) diminuent de 34% et 27% respectivement(20). En revanche, l’AUC et le pic de concentration maximale Cmax de l’imatinib (GlivecR) ne semblent pas modifiés par la prise d’IPP ou d’antiacide(21,22). L’impact des modifications du pH gastrique varie donc d’un trai-tement à l’autre… Mais les modifications du pH gastrique ne sont pas les seules causes d’interactions entre traitement du reflux et traitement anti-cancéreux. Ainsi les IPP diminuent la clairance du méthotrexate à haute dose, majorant sa toxicité(23). Ils interagissent également avec certains cytochromes, en particulier le cytochrome P450. Il n’a pas été rapporté d’impact des antiacides ou des an-ti-sécrétoires sur le métabolisme des traitements anti-cancéreux par le système des cytochromes. Toutefois, une diminution de l’efficacité de certains médicaments par inhibition du CYP2C19, comme le clopidogrel sous omeprazole et sous esomeprazole, a été clairement établi(24). A l’inverse, une diminution de la clairance du tacrolimus, responsable d’une augmentation de son AUC a été rapportée chez des patients présentant une mutation du CYP2C19 traités par lansoprazole(25). Il est probable que les traitements anti-cancéreux n’échappent pas à ce type d’interactions.En résumé, les mécanismes de ces interactions sont nombreux et variés et il ne s’agit pas forcement d’un effet de classe. Il est donc important de vérifier, idéalement par une consultation de concilia-tion médicamenteuse, qu’il n’y a pas d’interaction entre le traite-ment anti-cancéreux et un traitement antiacide ou anti-sécrétoire susceptible de diminuer son efficacité ou de majorer sa toxicité.

L’œsophagite

L’œsophagite se manifeste par une douleur rétrosternale, une

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odynophagie ou une dysphagie. Elle peut se compliquer d’ulcère, d’hémorragie ou de sténose.La prévalence de l’œsophagite pep-tique compliquant le RGO est estimée à 2-3%(26,27). Son traitement repose sur les mêmes médicaments que le RGO non compliqué.Il existe également des œsophagites médi-camenteuses(28), aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), aux bisphos-phonates oraux, ou à la doxycycline(29,30), fréquemment utilisée dans la prévention de la toxicité cutanée des anti-EGFR. Ces œsophagites sont favorisées par le contact d’un comprimé avec la muqueuse, surtout lorsqu’ils sont pris en position allongé ou sans eau. En endoscopie, les lésions sont souvent localisées dans le tiers médian de l’œsophage et correspondent dans plus de 80% des cas à des ulcères(31) (Figure 1A) par-fois se faisant face (kissing ulcers). Le trai-tement repose sur les anti-sécrétoires et les antalgiques ; la prévention est essentielle : ingestion des médicaments en position verticale, avec un grand verre d’eau.Les œsophagites radiques compliquent les radiothérapies cervicales (cancers ORL), les radiothérapies thoraciques (cancer broncho-pulmonaire, cancer du sein, can-cer de l’œsophage et lymphomes) ou les radiothérapies abdominales (cancer du pancréas ou du foie). Elles apparaissent dans les trois premières semaines de trai-tement et se manifestent par des douleurs rétro-sternales, une odynophagie, une dys-phagie, parfois un amaigrissement quand les symptômes retentissent sur l’alimen-tation. Elles disparaissent plusieurs jours

après l’arrêt du traitement mais peuvent se compliquer, à distance, de sténoses, de perforations ou de fistules œso-trachéales. Les complications tardives surviennent gé-néralement trois à six mois après la radio-thérapie, mais peuvent se révéler plusieurs années plus tard(32). L’association d’une chimiothérapie à la radiothérapie, une ra-diothérapie accélérée hyperfractionnée ou un rapport dose-volume élevé au niveau de l’œsophage sont des facteurs associés à la survenue d’œsophagites sévères(33-35). Le traitement repose sur les antalgiques, les antiacides et les anti-sécrétoires. Des trai-tements topiques protecteurs muqueux comme le sucralfate (UlcarR), des anesthé-siques locaux de type Xylocaïne visqueuse, ou un régime limitant certains aliments (alcool, café, aliments acides ou épicés) peuvent également soulager les patients(36). Une nutrition entérale par sonde nasogas-trique peut être nécessaire en cas de dénu-trition importante. L’amifostine (EthyolR), traitement radioprotecteur utilisé dans la prévention des mucites radio-induites des

cancers ORL, n’a pas fait la preuve de son efficacité dans la prévention des œsopha-gites radiques(37). Les complications œso-phagiennes tardives de la radiothérapie peuvent être traitées par dilatations endos-copiques (Figure 2) ou endoprothèses œso-phagiennes(38,39).Enfin, les œsophagites peuvent également être d’origine infectieuse, particulièrement lorsqu’elles surviennent dans un contexte d’immunosuppression. La plus fréquente est la candidose œsophagienne, favorisée par une chimiothérapie ou une cortico-thérapie. Elle peut s’associer à des lésions oro-pharyngées facilitant alors le diagnos-tic. L’aspect endoscopique typique corres-pond à des dépôts blanchâtres sur une mu-queuse d’aspect normal ou érythémateuse (Figure 1B). Le traitement repose sur un antifongique, en première intention le flu-conazole (TriflucanR). En cas d’échec, les biopsies endoscopiques peuvent être mises en culture afin de réaliser un anti-fungo-gramme. Les œsophagites peuvent égale-ment être d’origine virale. Les œsophagites à Herpès Simplex Virus (HSV) touchent 5% des patients atteints d’hémopathie maligne, et jusqu’à 15 % des patients après greffe de moelle(40). Les œsophagites à Cytomégalovirus (CMV) correspondent à l’atteinte digestive la plus fréquente du CMV chez les patients immunodépri-més(41). Les symptômes digestifs peuvent alors être accompagnés d’un syndrome pseudo-grippal ou d’une fièvre. L’aspect endoscopique classique peut montrer des vésicules, des érosions polycycliques pour les infections à HSV (Figure 1C), ou un volu-mineux ulcère solitaire dans les infections

Figure 1A. Ulcération causée par un comprimé de tétracycline au niveau de la jonction œso-gastrique

Figure 1B. Dépôts blanchâtres caractéristiques d’une candidose œsophagienne

Figure 2. Dilatation endoscopique d’une sténose œsophagienne

Figure 1C. Vésicules et ulcérations multiples dans une œsophagite herpétique

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Dossier : Prise en charge Des toxicités Digestives

39Reflux gastro-œsophagien, œsophagite et gastrite

à CMV. Les lésions sont généralement situées dans le tiers infé-rieur de l’œsophage. Les biopsies peuvent retrouver des inclusions virales. Le traitement, chez les patients immunodéprimés, repose sur l’aciclovir (ZoviraxR) dans les œsophagites à HSV, par voie orale lorsqu’elle est possible, ou par voie intraveineuse lorsque les symptômes liés à l’œsophagite rendent la prise orale impossible. Dans les oesophagites à CMV, le traitement repose sur le ganciclo-vir intraveineux (CymevanR), relayé secondairement par du val-ganciclovir (RovalcyteR).

La Gastrite

L’estomac correspond à une poche dilatée comportant deux ré-gions, le Fundus et l’Antre, délimitée par deux sphincters, le Cardia ou SIO et le pylore. Sa paroi comporte de grands plis longitudi-naux permettant une distension gastrique importante au moment des repas. La motricité gastrique assure le stockage et le broyage des aliments, ainsi que leur évacuation vers l’intestin, régulée de façon à obtenir un débit énergétique constant. Son épithélium est formé d’une couche unique de cellules à mucus sécrétant des mucines qui protègent la muqueuse contre l’acidité gastrique et contre les enzymes protéolytiques (pepsine). Cet épithélium comporte des invaginations, les cryptes, au fond desquelles s’ouvrent des glandes qui contiennent des Cellules Pariétales produisant de l’acide chlo-rhydrique et du Facteur Intrinsèque (qui permet l’absorption de la Vitamine B12 au niveau de l’iléon), des Cellules Principales res-ponsables de la production de pepsinogène activé dans la lumière gastrique en pepsine par l’acide chlorhydrique, et des Cellules Endocrines produisant la gastrine et la somatostatine(1).La sécrétion d’acide chlorhydrique HCl (pH = 1) nécessite un mécanisme actif qui se produit au niveau du pôle apical des cel-lules pariétales. Les ions K+ présents dans la lumière gastrique sont échangés activement contre des ions H+ intracellulaires par une ATPase (H+/K+). C’est la Pompe à Protons. Parallèlement, les ions K+ retournent dans la lumière gastrique accompagnés d’ions Cl- par un canal Chlore. Le blocage de cette pompe à protons par des molécules inhibitrices de l’ATPase (H+/K+) diminue la sécrétion acide. C’est le mode d’action des IPP.Les gastrites sont fréquentes et englobent des entités multiples et d’étiologies diverses. Elles peuvent être aigues ou chroniques : - Les gastrites aiguës médicamenteuses sont dominées par les

gastrites aux AINS. En oncologie, les AINS sont prescrits seuls ou combinés aux morphiniques dans le traitement des dou-leurs liées au cancer, principalement osseuses, ainsi que dans le traitement des fièvres paranéoplasiques(42-44). Ils inhibent la cyclo-oxygénase responsable de la synthèse de prostaglan-dines qui interviennent dans le maintien de l’intégrité des mu-queuses digestives. Leur toxicité digestive se manifeste le plus souvent par des troubles dyspeptiques, douleurs épigastriques, brulures, nausées ou vomissements. Les lésions endoscopiques peuvent aller de simples érosions à des ulcères hémorragiques, voire des perforations(45). Le traitement repose sur la prise d’antiacides ou d’anti-sécrétoires, éventuellement en associa-tion avec les AINS si leur poursuite est indispensable(46,47). On

recommande également l’éradication d’Helicobacter Pylori lorsqu’il est présent.

- Les chimiothérapies anti-cancéreuses, par leur action délé-tère sur les cellules à renouvellement rapide, peuvent être par-ticulièrement toxiques pour l’épithélium digestif et induire des gastrites médicamenteuses. De nombreuses molécules ont été incriminées, comme le 5 fluorouracile, le méthotrexate, la cy-tarabine, ou les vinca-alcaloïdes(48-51)... Elles peuvent causer des lésions allant de simples érosions à des ulcères, voire d’excep-tionnels cas de perforation(52). Ces gastrites sont responsables de symptômes typiques comme des sensations de brulures ou de douleurs épigastriques, des nausées, parfois des saigne-ments digestifs avec méléna. Une gastroscopie doit être réali-sée. L’évolution des lésions se fait vers la guérison spontanée en 2 à 3 semaines à l’arrêt du traitement, mais l’interruption de la chimiothérapie n’est souvent pas envisageable. Le traitement repose sur la prescription d’antiacides ou d’anti-sécrétoires, éventuellement préventifs sous réserve des éventuelles interac-tions décrites dans le chapitre sur le RGO(48,53)…

- Les gastrites aigues radiques se manifestent par des nausées, des vomissements et des épigastralgies qui peuvent survenir dès les premières séances. Plus rarement, elles peuvent se com-pliquer d’hémorragie digestive. En endoscopie, la muqueuse et érythémateuse, pétéchiale. Le traitement repose sur les anti-acides ou les anti-sécrétoires ainsi que des mesures symptoma-tiques. En cas de gastrite hémorragique, le traitement repose sur les transfusions, et un traitement endoscopique par coa-gulation au plasma argon(54,55). L’oxygénothérapie hyperbare donne des résultats encourageants mais est d’accès limité(56,57). Une corticothérapie orale ou intraveineuse a été proposée avec succès dans quelques cas de gastrite hémorragique induite par la radiothérapie(58,59). En dernier recours, le traitement chirur-gical doit être envisagé en cas d’hémorragie non contrôlée(60).

- Les gastrites aigues peuvent également être d’origine infec-tieuse. Elles sont favorisées par un terrain immunodéprimé. D’origine bactérienne, la gastrite phlegmoneuse est rare mais grave, pouvant évoluer vers la nécrose de la paroi gastrique. Elle nécessite une antibiothérapie IV adaptée aux germes les plus fréquemment en cause (Streptocoques, Staphylocoques, Escherichia Coli…) et parfois une gastrectomie. Les gastrites aigues infectieuses peuvent également être d’origine virale, in-duites principalement par le CMV, mais aussi par l’HSV(61), ou le virus Varicelle-Zona(62). Dans la gastrite à CMV, le principal symptôme est la douleur abdominale. La gastroscopie montre une gastrite érosive diffuse avec suintement de mucus(63). Le diagnostic repose sur la présence d’inclusions virales que l’on peut retrouver à l’analyse histologique des biopsies gastriques et sur la mesure de l’antigénémie CMV par PCR. L’évolution peut être défavorable, la gastrite à CMV pouvant être la pre-mière manifestation d’une infection à CMV généralisée, en particulier chez des patients profondément immunodépri-més(64,65). La prise en charge repose, comme dans l’œsophagite à CMV, sur un traitement antiviral par Ganciclovir.

- Les gastrites chroniques sont très fréquemment liées à

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Helicobacter Pylori (HP). Il s’agit d’une bactérie spiralée, gram négatif, vivant à la surface de l’estomac grâce à son activité uréa-sique qui produit de l’ammoniaque et permet de tamponner l’acidité gastrique. Son rôle pathologique dans l’inflammation gastrique a été identifié en 1983 par Warren et Marshall(66). La transmission directe interhumaine oro-orale ou oro-fécale se produit dans la petite enfance, favorisée par la promiscuité(67). Elle est donc principalement familiale. L’incidence de l’infec-tion varie de 15% dans les régions industrialisées à plus de 80% dans les pays en développement comme en en Asie du Sud-est(68)… La colonisation gastrique par la bactérie s’accom-pagne d’une réaction inflammatoire avec un infiltrat lympho-plasmocytaire et à polynucléaires. L’inflammation peut s’asso-cier à une atrophie de la muqueuse gastrique et à des lésions de métaplasie intestinale. Cette infection chronique peut s’accompagner d’une hypochlorhydrie, ou d’une hyperchlo-rhydrie. En effet, les lésions inflammatoires fundiques peuvent s’accompagner d’une atrophie de la muqueuse avec raréfaction des Cellules Pariétales et diminution de la sécrétion acide(69). A l’inverse, les cytokines libérées au niveau des lésions inflamma-toires antrales inhiberaient la sécrétion de somatostatine et sti-muleraient la sécrétion de gastrine par les cellules endocrines favorisant ainsi la production d’acide chlorhydrique(70,71). Ces modifications du pH gastrique pourraient expliquer l’impact de l’infection à HP sur l’absorption des certains médicaments comme la L-Dopa dans la maladie de Parkinson ou la levo-thyroxine dans l’hypothyroïdie(72). L’infection à HP pourrait donc, au même titre que les antiacides ou les anti-sécrétoires, modifier la biodisponibilité des traitements anti-cancéreux oraux... Le diagnostic d’infection à HP se fait par biopsies an-trales et fundiques (Figure 3), ou par test respiratoire non inva-sif à l’urée C13. Le traitement d’éradication d’HP repose sur un traitement séquentiel de 10 jours associant IPP, amoxicilline,

métronidazole et clarithromycine ou une quadrithérapie à base de Bismuth.

- Les gastrites chroniques chimiques, réactionnelles à un reflux biliaire duodéno-gastrique, sont rencontrées chez les patients opérés d’une gastrectomie partielle et traitées par Sucralfate (UlcarR).

- Enfin, les gastrites chroniques peuvent être d’origine dy-simmunitaire. Dans le cadre de la maladie de Biermer, elles associent anticorps anti-cellules pariétales et anti-facteur in-trinsèque, atrophie fundique sévère, achlorhydrie et anémie macrocytaire par malabsorption de vitamine B12. Dans la maladie de Crohn, une gastrite chronique est fréquemment présente(73). Le développement récent de l’immunothérapie anti-cancéreuse a fait découvrir un nouveau genre d’effets indésirables, inhabituels en cancérologie, de type dysimmu-nitaire. Au plan digestif, il s’agit principalement de colites assez semblables aux Maladies Inflammatoires Chroniques Intestinales (Crohn et Rectocolite hémorragique), mais ces effets indésirables peuvent également toucher l’estomac. Dans une cohorte de 39 patients traités par anti-CTLA4, 9 patients présentaient une gastrite visible en endoscopie et 13 patients présentaient des lésions de gastrite en histologie dont une gas-trite granulomateuse(74).

En conclusion, le RGO, l’œsophagite et la gastrite sont des ma-ladies fréquemment rencontrées chez les patients pris en charge pour cancer. Ils sont souvent au second plan, compte tenu de la priorité donnée au traitement anti-cancéreux. Il faut toutefois gar-der en tête que les symptômes associés à ces maladies altèrent le quotidien des patients ; de plus il y a des formes sévères. Enfin, il est important de connaître les interactions entre ces maladies, leurs traitements et le traitement anti cancéreux, notamment dans le contexte actuel où l’on voit se développer de nouveaux traite-ments anticancéreux comme les TKI ou l’immunothérapie… •

REMERCIEMENTS :• Au Dr Axel Balian (Service d’Hépato-gastroentérologie ; CHU Antoine BECLERE) pour

les photos d’endoscopies digestives.• Au Dr Marie Morcelet (Service d’Anatomopathologie ; CHU Antoine BECLERE) pour la

photo de gastrite à Helicobacter Pylori.

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Figure 3. Biopsies gastriques au grossissement x40 avec coloration au Giemsa

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Dossier : Prise en charge Des toxicités Digestives

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42 #2 - Novembre 2016

L’ascite correspond à l’accu-mulation excessive et patho-logique de fluide dans la cavité péritonéale. Son origine grecque « askos » signifie sac. Bien que souvent observée dans les hypertensions portales liées à des cirrhoses, 7 à 10% des ascites se développent sur des patholo-gies carcinologiques. Plusieurs symptômes apparaissent en lien avec l’ascite et sont à l’origine d’une détérioration de la qualité de vie : dis-tension abdominale, diminution de la mobilité, dyspnée, satiété précoce, nau-sées et vomissements. Selon la présentation clinique et l’espé-rance de vie, une évaluation est néces-saire car elle impacte le pronostic et le traitement.A l’exception des cancers ovariens de meilleur pronostic, la survenue d’une ascite dans un cancer est de mauvais pronostic, avec une médiane de survie de 5 mois.(1)

Etiologies

Les cancers les plus souvent associés à une ascite sont épithéliaux dans 80% des cas. Les localisations les plus fré-quentes sont les adénocarcinomes colo-rectaux, gastriques, pancréatiques, ova-riens et mammaires.Environ 50% des patients avec ascite maligne ont une carcinose péritonéale. Additionnellement, 13% ont une ascite résultant d’une hypertension portale par métastases hépatiques(2).Les ascites malignes se développent à travers plusieurs mécanismes : - blocage du drainage lymphatique de

la cavité péritonéale - production directe de liquide périto-

néale par l’activité cancéreuse - hypertension portale par métastases

hépatiques massives ou thrombose portale.

Par ailleurs, la sécrétion de VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor) par les cel-lules cancéreuses est à l’origine d’une aug-mentation de la perméabilité capillaire et donc à l’accumulation intra-péritonéale de protéines (dont l’albumine).

Prise en charge

DiagnostiqueLes tests clés incluent l’albuminémie, la protidémie avec drainage simultané pour analyse biochimique (albumine, protide) et cytologique avec quantifi-cation des polynucléaires neutrophiles (PNN) et des cellules tumorales. On différencie habituellement les ascites exsudatifs et transsudatifs sur la teneur en protéines dans l’ascite (respective-ment > 25 g/L ou < 25 g/l). Cependant cette distinction n’est pas fiable car 25%

Marc HilmiInterne Oncologie des Hôpitaux de Paris Hôpital Cochin, service oncologie Pr Goldwasser 27 rue du Faubourg Saint Jacques 75014 Paris

Ascites malignes

Figure 1.

Cellules malignes

Ascite maligne

Inflammation Production VEGF

Augmentationperméabilité

capillaire

Accumulationintra-péritonéale

protéines(dont albumine)

Métastases hépatiques

Hypertension portale

Proliférationdans les lymphatiquessous-diaphragmatiques

Obstruction lymphatique

Diminutionde l’écoulement

du liquide péritonéal

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43Ascites malignes

des cirrhotiques ont des ascites exsudatifs et 18% des ascites malignes ont des ascites transsudatifs.Le gradient albumine, obtenu en sous-trayant l’albumine dans l’ascite à l’albumi-némie, est beaucoup plus intéressant. En effet, un gradient > 11 g/L signe une hyper-tension portale dans 97% de cas orien-tant vers une cirrhose, une insuffisance cardiaque, des métastases hépatiques ou une péricardite constrictive. A l’inverse, un gradient <11 g/L signe l’absence d’hyper-tension portale et orient plutôt vers une carcinose péritonéale, ou un syndrome néphrotique(3).Par ailleurs, une concentration élevée de fibronectine dans le liquide d’ascite oriente vers la malignité de ce dernier avec une fia-bilité remarquable(4).Bien entendu le gold standard pour le dia-gnostic d’ascite maligne est la présence de cellules tumorales dans le liquide d’ascite en combinant cytologie conventionnelle et immunohistochimie.

ThérapeutiqueLa prise en charge des patients avec ascites malignes est controversée. Il existe plu-sieurs approches allant de la ponction d’as-cite symptomatique à la chimiothérapie intrapéritonéale ou chirurgie de debulking dans le but de traiter le cancer.En dehors des cas peu fréquemment cura-tifs, la qualité de vie peut être améliorée à travers des procédures palliatives. Il est im-portant de tenir compte du terrain du pa-tient (tumeur primitive, stade, Performans Status, co-morbidités) pour lui proposer les traitements les plus appropriés. Il est important de noter qu’aucun essai randomisé contrôle n’a comparé les traite-ments entre eux d’un point de vue efficacité et toxicité.Ponction d’ascite : C’est la technique la plus utilisée et elle est efficace car près de 80% des patients ont une amélioration de leurs symptômes après le geste. Il est à noter que la quantité de liquide ponctionnée n’est pas corrélée avec l’amélioration des symptômes(5).Cependant son efficacité est transitoire car il y a souvent une récidive. En moyenne, il y a nécessité de la répéter tous les 10 jours(6).Ce geste n’est pas bénin car il peut survenir

des péritonites secondaires à une perfora-tion digestive, des embolies pulmonaires et des hypotensions artérielles. ll n’existe pas de consensus sur la vitesse de drainage du liquide. Par ailleurs, l’hydra-tation concomitante n’a pas été assez étu-diée mais elle semblerait parer au risque d’hypotension artérielle suite à la ponc-tion, surtout en cas de déshydratation ou d’hypotension artérielle(7).Il n’existe également aucune preuve que la perfusion concomitante d’albumine soit intéressante. Des études ont montré que jusqu’à 5 litres de ponction n’affectait pas la fonction rénale ou le volume plasmatique. Diurétiques : Il n’y a aucun essai randomisé évaluant l’efficacité, la dose ou le type de diurétiques dans les ascites malignes. Une étude a mon-tré que les diurétiques sont efficaces dans 45% des cas dans les ascites malignes(8).Les données sont controversées et aucun facteur prédictif de réponse n’a été trouvé en dehors des métastases hépatiques mas-sives.Dans une étude prospective, une réponse aux diurétiques était observée uniquement chez les patients avec un gradient d’albu-mine >11 g/L. Alors que les patients avec un gradient < 11g/L d’albumine avec carcinose péritonéale sans hypertension portale ne répondait pas aux diurétiques(9).Cette option doit donc être considérée in-dividuellement chez chaque patient mais semblerait intéressante particulièrement chez les patients atteints de métastases hépatiques massives responsables d’une ascite par hypertension portale.Shunts péritonéo-veineux :Ils permettent de drainer le liquide d’ascite par pression positive dans une valve reliée à la veine cave supérieure. Cette option est à considérer en cas de ponction d’ascite itéra-tives et d’une espérance de vie raisonnable (plus de 3 mois selon certains auteurs). Les cancers du sein et de l’ovaire sont donc des localisations souvent adéquates, à l’in-verse des cancers gastro-intestinaux(10).Cependant, dans 6% des cas, il y a des complications graves (œdème aigu pul-monaire, embolie pulmonare, coagulation intra-vasculaire disséminée). Les shunts pé-ritonéo-veineux sont contre-indiqués dans les hypertensions portales, les insuffisances

cardiaques ou insuffisance rénales sévères. En effet, il existe des effets secondaires fa-tals pour un bénéfice très modeste. De nouvelles pistes thérapeutiques sont à explorer dans le domaine des ascites ma-lignes. Il pourrait être intéressant de mener une étude de phase III comparant les diuré-tiques et les ponctions d’ascite en étudiant les facteurs prédictifs de réponse.De plus, la thérapie ciblée anti-VEGF est une piste intéressante. En effet, elle a montré un bénéfice chez la souris en diminuant la quantité d’ascite maligne. Il reste maintenant à montrer son bénéfice chez l’Homme(11). •

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Figure 2. Ascite maligne

Ponction évacuatrice et diagnostique

Traitement selon état général+ caractéristiques ascite

Ponctionévacuatrice

DiurétiquesShunt

péritonéo-veineux

• Analyse sanguine : albumine, protides• Analyse péritonéale : albumine, protides,

cytologie (PNN, cellules tumorales)• Calcul gradient albumine

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44 #2 - Novembre 2016

La plus grande partie de l’hépatotoxicité liée aux chimio-thérapies est imprévisible et de type idiosyncrasique. Le spectre des lésions hépatiques induites comprend les atteintes vasculaires, en particulier le syndrome d’obstruction sinusoïdale, mais également stéatose et stéatohépatite. Les nouvelles thérapies ciblées type anticorps anti-CTLA4 et anti-PD1 sont, elles, à l’ori-gine d’hépatites toxiques ou auto-immunes.

Syndrome d’obstruction sinusoïdal

Le syndrome d’obstruction sinusoïdale (SOS) - ou maladie veino-oclusive - a été rapporté à des chimiothérapies telles que : actinomycine D, vincristine, cyclophos-phamide, mitomycine C, busulfan entre autres et à l’irradiation corporelle totale en préparation des allogreffes de moëlle. La présentation typique est celle d’une hépatomégalie douloureuse avec ictère et ascite survenant dans les 20 à 30 jours suivant la greffe de moëlle. Les diagnostics différentiels seront éliminés : hépatites virales, maladie du greffon contre l’hôte (GVH), infections bactériennes, ou autres hépatotoxicités médicamenteuses(1). Le tableau clinique témoigne d’une congestion hépatique liée à l’obstruction des veinules intrahépatiques, liée à l’endothélite en rapport avec les toxicités endothéliales chimiothérapiques et/ou radiques (Figure 1). Les facteurs de risque sont : l’intensité du conditionnement (conditionnement d’intensité élevée : cyclophosphamide et busulfan ou cyclophosphamide avec irra-diation corporelle totale ou cyclophosphamide et etoposide), le type de greffe de cellules souches hématopoïétiques (autologue ou allogénique), l’exposition des femmes aux oestroprogestatifs, la deuxième transplantation myéloablative, une hépatopathie sous-jacente(1). L’incidence peut atteindre 50%, et le taux de morta-lité 45% : les formes majeures sont responsables d’un décès dans environ la moitié des cas. Plusieurs traitements ont été évalués : defibrotide, prostaglandine E1, pen-toxyfylline, héparine, antithrombine et acide ursodésoxycholique, mais aucun n’est recommandé en pratique, en dehors du defibrotide (malgré des essais de qualité méthodologique faible)(1). Ainsi, le meilleur traitement est préventif par la réduction du conditionnement. Il existe également des formes mineures, voire asymptomatiques qui peuvent évoluer secondairement vers une hyperplasie nodulaire régénérative. L’hyperplasie nodu-laire régénérative (HNR) est la conséquence de l’hypoperfusion hépatique, résultant dans cette situation de l’endothélite. Cette régénération vise à compenser la perte de fonction dans le territoire vasculaire atteint. L’ensemble de ces hépatopathies vas-culaires est responsable d’anomalies biologiques hépatiques aiguës ou chroniques, dominées par une cholestase. Dans les formes cliniquement symptomatiques, en dehors de l’hépatomégalie et de l’ascite, voire de l’ictère, on notera la présence d’une insuffisance hépatique parfois mortelle (péliose et maladie veino-occlusive), d’une

Marion Corouge Stanislas PolUniversité Paris Descartes ; Unité d’Hépatologie, Assistance Publique Hôpitaux de Paris, Hôpital Cochin ; Inserm U-1223, UMS20 et Centre de Recherche Translationnelle, Institut Pasteur, Paris, [email protected]

Toxicités hépatiques des chimiothérapies

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46 #2 - Novembre 2016

hypertension portale, certes au stade aigu mais parfois aussi dans les formes d’hyper-plasie nodulaire régénérative pouvant être responsable d’hémorragies digestives par rupture variqueuse. Le traitement en est purement symptomatique(2).Des lésions sinusoïdales (fibrose périsi-nusoïdale, fibrose centrolobulaire, dila-tation sinusoïdale, hyperplasie nodulaire régénérative) ont également été décrites après chimiothérapie néoadjuvante dans le cancer colorectal avec métastases hépa-tiques. Il a été rapporté une association avec les chimiothérapies à base d’oxalipla-tine (jusque 75%), mais aussi avec l’irino-tecan (25-40%) ; le 5-fluorouracile a éga-lement été associé de façon indépendante au développement de lésions sinusoïdales. L’incidence et la sévérité des lésions sont en revanche réduites en cas d’association au bevacizumab. Les manifestations cliniques associées restent modérées à absentes, les patients avec toxicité clinique manifeste ayant pu être contre-indiqués à la chirurgie et donc non recensés(1). Enfin, les données concernant l’impact sur la morbidité pos-topératoire des patients avec atteinte sinu-soïdale sont controversées, et il n’y en a pas sur la mortalité, bien qu’en cas d’utilisation prolongée d’oxaliplatine, des cas isolés de décès liés à l’hypertension portale aient été rapportés(3).

Stéatose et stéatohépatite

Si leur utilisation est associée au dévelop-pement de lésions vasculaires hépatiques, le 5-FU et surtout l’irinotecan ont égale-ment été impliqués dans la survenue de lésions de stéatose et de stéatohépatite. Le 5-FU est associé à une augmentation du risque de stéatose, la stéatose apparaissant comme un facteur de risque de compli-cations infectieuses postopératoires après résection hépatique dans le cadre d’un cancer colorectal métastatique (mais sans hausse de la morbidité majeure et de la mortalité)(3). Plusieurs études ont montré que la chimiothérapie à base d’irinotecan est un facteur de risque de CASH (chemo-therapy associated steatohepatitis) (Figure 2). Il a également été rapporté que la CASH était un facteur de risque de morbidité et mor-talité postopératoires. Tout comme pour la

stéatose induite par la chimiothérapie, un BMI supérieur à 30 kg/m2 est un facteur de risque de développement de CASH(3). Ainsi l’irinotecan devrait utilisé avec prudence chez les patients avec syndrome métabo-lique (obésité, hypertension artérielle, hy-perlipidémie, diabète), en particulier s’ils sont candidats à une résection hépatique majeure(4).

Immunothérapie anti-cancéreuse

Les anticorps monoclonaux anti-CTLA4 (cytotoxic T-lymphocyte-associated antigen  4) et anti-PD1 ou PDL1 (programmed cell death-1/ligand) sont associés à des effets indésirables de type auto-immuns, notam-ment hépatiques. En bloquant l’inacti-vation des lymphocytes T, l’ipilimumab (anti-CLTA4), le pembrolizumab et le ni-volumab (anti-PD1) génèrent une réponse immunitaire anti-tumorale mais peuvent être également à l’origine de manifestations secondaires autoimmunes de type derma-tologique, digestive, hépatique ou endocri-nienne principalement. L’exposition préa-lable à l’ipilimumab ne semble pas avoir d’impact sur la tolérance d’un anti-PD1. En revanche, des données préliminaires sug-gèrent que l’association de deux types de molécules en augmentent l’efficacité mais au prix d’une toxicité majorée(5). Le délai de survenue d’une hépatite auto-immune

au cours d’un traitement par ipilimumab est de l’ordre de 6 semaines, avec une inci-dence de 5% ; au cours des traitements par anti-PD1, il est de 3 mois, et l’incidence semble très faible(6) mais on sait que les patients ayant des marqueurs d’auto-im-munité ont été exclus de la plupart des essais d’enregistrement. Les autres causes d’hépatites aigües, en particulier virales, doivent être éliminées et les anticorps anti-nucléaires et anti-muscle lisse recherchés. Le diagnostic précoce et l’initiation d’un traitement adapté – en pratique, un traite-ment immunosuppresseur type corticothé-rapie – associée à la suspension ou à la ré-duction de l’immunothérapie (transitoire ou définitive en fonction du grade d’hépa-totoxicité) permettent habituellement une

Figure 2. Stéatohépatite induite par la chimitothérapie : stéatose, inflammation, ballonisation hépatocytaire, d’après (3)

Figure 1. Syndrome d’obstruction sinusoïdale lié à un traitement par oxaliplatine dans le cadre d’un cancer colorectal avec métastases hépatiques

A : tranche d’hépatectomie pour métastase, B : trichome de Masson, C : hématéine-éosine, D : coloration à l’argent, * dilatation et congestion des sinusoïdes autour de la veine centrolobulaire. D’après (1).

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Dossier : Prise en charge Des toxicités Digestives

47Toxicités hépatiques des chimiothérapies

réversibilité complète. Dans le cas contraire, cela peut conduire à une toxicité sévère voire au décès(5). Ainsi, l’utilisation de ces nou-velles molécules n’est pas clairement définie chez les patients ayant des antécédents auto-immuns (contre-indication ?) et/ou des trai-tements immunosuppresseurs au long cours (efficacité ?)(5).

Hépatopathies préexistantes : évaluation et adaptation

Le diagnostic d’hépatotoxicité d’un traitement cytostatique est souvent difficile, d’autant plus que tous les traitements en cancé-rologie peuvent avoir une hépatotoxicité, que cette hépatotoxicité peut être favorisée par une hépatopathie sous-jacente, par exemple virale ou alcoolique et également du fait des poly-médications. La démarche diagnostique éliminera toutes les causes d’hépatites aigües, en particulier virale (dont l’hépatite E), les infections bac-tériennes, les autres hépatotoxicités et dans le contexte de la greffe de cellules souches hématopoïétiques, la GVH.L’évaluation préchimiothérapie permet par : 1. un bilan biologique standard (numération formule sanguine, temps de prothrombine, bilan hépatique complet) ; 2. un test non invasif de fibrose (mesure de l’élasticité hépatique par le fibroscan) et 3. l’imagerie hépatique de détecter une éventuelle hépatopathie pré-existante qui pourra justifier, particulièrement en cas de cirrhose, une adaptation des posologies pour éviter une hépatotoxicité accrue, favorisée par l’insuffisance hépatique. Le dépistage des hépatites virales B et C est également systématique, compte tenu des risques de réactiva-tion virale B voire d’exarcerbation virale C, en particulier avec les nouveaux traitements type anti-TNF (Tumor Necrosis Factor) ou anti-CD20 ou d’immunorestauration à distance de l’arrêt du trai-tement.

Dans les situations d’hépatites aiguës avec insuffisance hépato-cellulaire transitoire, il sera justifié, du fait d’une susceptibilité pharmacodynamique accrue d’adapter les posologies des chimio-thérapies. Dans les situations d’hépatopathie chronique, sans insuffisance hépatocellulaire, sans dérivation porto-systémique et sans risque de modification des liaisons aux protéines, il n’y a pas de risque de susceptibilité pharmacodynamique accrue et pas d’indication à une adaptation des posologies des chimiothérapies. Certains agents doivent cependant être utilisés avec une extrême prudence du fait de leur fort risque hépatotoxique: anthracyclines, taxanes, alcaloïdes de la pervenche, et imatinib entre autres(7). Enfin, en cas de cirrhose avec insuffisance hépatocellulaire, dériva-tions porto-systémiques et probable modification des liaisons aux protéines, la susceptibilité pharmacodynamique accrue justifiera une adaptation des posologies et une surveillance spécifique(2). En effet, les données concernant l’incidence, la prévalence et la prise en charge des cancers extrahépatiques chez les patients cirrho-tiques sont limitées. Il est important d’évaluer en préchimiothéra-pie, chez les patients cirrhotiques la cause et la gravité de la mala-die hépatique, notamment l’existence d’une hypertension portale ou d’une ascite, une cirrhose décompensée Child > B7 ou avec ascite clinique contre-indiquant toute chimiothérapie. L’efficacité du traitement et l’apparition de tout signe de décompensation hépatique doivent être surveillées de façon rapprochés au cours de la chimiothérapie (Figure 3)(8).

Conclusion

La caractérisation de l’hépatotoxicité liée aux différents types de chimiothérapie, même si les mécanismes sous-jacents restent souvent peu compris, a des implications cliniques pratiques. S’il n’existe pas encore de facteurs prédictifs de survenue de la toxicité hépatique, peut se poser déjà la question de thérapies personna-lisées : par exemple, en cas de cancer colorectal avec métastases hépatiques, après traitement comportant de l’irinotecan et/ou fac-teurs de risque autres de stéatohépatite, envisager une résection moins étendue, une ablation plutôt qu’une résection voire une embolisation portale… Ainsi, après évaluation de la fonction hépatique, compte tenu des différentes options possibles, et des effets secondaires envi-sageables, il est important de prévenir le risque d’hépatotoxicité et de surveiller de façon rapprochée les tests hépatiques, pour un dépistage et une prise en charge précoces (adaptation des doses voire arrêt du traitement, et dans le contexte de l’immunothérapie, traitement immunosuppresseur type corticothérapie). •

RÉFÉRENCES1. Valla DC, Cazals-Hatem D, Clin Res Hepatol Gastroenterol 2016; 01: 006.2. Pol S, Corouge M, Mallet V, In : Foie et hématologie, Traité de médecine interne,

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Figure 3. Proposition d’algorithme décisionnel pour les patients avec cirrhose et cancer extrahépatique, d’après (8)

Cirrhose compensée : Child A ou B7 sans ascite clinique

Cirrhose décompensée : Child > B7 ou ascite clinique

Envisager la chimiothérapie Ne pas envisager la chimiothérapie

Avant traitement:• Évaluer la cause

et le stade de l’hépatopathie sous-jacente

• Dépister l’hypertension portale

• Prévenir une éventuelle réactivation virale B

• Corriger les facteurs de risque d’hépatopathie modifiables (alcool, diabète, médicaments hépatotoxiques)

Pendant traitement:

• Evaluer l’efficacité de la chimiothérapie et réévaluer le rapport bénéfice-risque en particulier en cas de décompensation

• Dépister et traiter les effets secondaires, en adaptant les doses si possible, plutôt qu’en arrêtant

• Surveiller de façon rapprochée l’hépatopathie sous-jacente (clinique et biologie) afin de détecter et traiter précocément les complications

Prise en charge de la cirrhose décompensée et traitement symptomatique.

Exception possible : lésions étendues situées dans des zones à haut risque (intracrânienne, médiastinale): traitement cytoréducteur à visée symptomatique

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48 #2 - Novembre 2016

L’immunothérapie est une op-tion thérapeutique en plein essor en cancérologie. Les principales molécules d’im-munothérapie sont les anti-PD1/PDL1 et les anti-CTLA4.Les anti-PD1/PDL1 sont représentés par le Nivolumab, ayant l’AMM dans le traitement du cancer bronchique non à petites cellules, le carcinome à cellules claires métastatique et le Pembrolizumab utilisé dans la prise en charge du méla-nome métastatique ou non ressécables non mutés BRAFV600 en première ligne de traitement ou mutés BRAF ayant échappé aux inhibiteurs de BRAFV600 ou présentant une contre indication aux alternatives thérapeutiques. Les anti-CTLA4 comme l’Ipilimumab est indiqué chez les patients suivis pour un mélanome métastatique ou non ressé-cable. Ces molécules en interagissant avec le système immunitaire aboutissent à des réactions auto-immunes principalement cutanées, hépatiques, endocriniennes et digestives.Les toxicités digestives sont principale-ment des toxicités inflammatoires pou-vant aller de la diarrhée non sévère à la colite inflammatoire grave avec risque de perforation intestinale et de décès.Les indications de l’immunothérapie sont amenées à se développer. Leurs effets secondaires doivent être contrôlés afin de pouvoir poursuivre le traitement de façon optimale.Il est nécessaire de savoir informer le patient des symptômes d’alertes devant amener à consulter rapidement. Le cas

présent, il faudra procéder à un examen clinique et paraclinique aboutissant à la poursuite ou non du traitement tout en ayant éliminé toutes les étiologies non iatrogènes.

Mécanisme de l’immunothérapie

Anti PD1/PDL1Le récepteur PD-1 est un régulateur négatif de l’activité des cellules T, qui a montré son implication dans le contrôle des réponses immunitaires. Il potentia-lise les réponses des cellules T, y com-pris les réponses anti-tumorales, par le blocage de la liaison de PD-1 avec PDL-1 PDL-2, qui sont exprimés dans les cellules présentatrice d’antigènes et peuvent être exprimée par les tumeurs ou par d’autres cellules du micro-envi-ronnement tumoral.

Anti CTLA4Les lymphocytes T expriment le CTLA-4 qui à une affinité importante pour les cellules présentatrices d’antigènes. L’inactivation du CTLA-4 induit une inactivation des lymphocytes T, de la prolifération et la survie des lympho-cytes LT ayant pour cible les cellules tumorales. Le blocage de cette voie de signalisation agit donc sur le développe-ment tumoral en le freinant.

Toxicités digestives, présentation

DiarrhéesElles constituent un des principaux effets secondaires de ce traitement et la

Tiphaine LambertService de réanimation médicale Hôpital de Montreuil

Toxicités digestives des immunothérapies

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Dossier : Prise en charge Des toxicités Digestives

49Toxicités digestives des immunothérapies

gradation de ce symptôme est primordiale afin de guider la prise en charge thérapeu-tique (grade CTCAE version 4.0) (tableau 1)L’étude princeps de l’Ipilimumab met en évidence 37% de diarrhées de tous grades et 11% de grade 3-4(1). L’étude de Suzanne L et al, met en évidence des diarrhées de grade 3-4 chez 1% des pa-tients sous anti-PD1 avec 3% de diarrhées de tout grade(2).Un traitement par anti-CTLA4 en associa-tion à un anti-PD1/PDL1 s’avère limité par l’incidence élevée de diarrhées versus une monothérapie. Dans l’étude Postow et al, 45 patients trai-tés par l’association présentaient une diar-rhée tous grade et 10 une diarrhée grade 3-4(3).A long terme, le risque est la déshydrata-tion avec troubles métaboliques et insuffi-sance rénale fonctionnelle.

Colites inflammatoiresLe tableau de colite regroupe une diar-rhée fébrile, des douleurs abdominales qui peuvent perte associées à des signes d’hé-morragie digestive basse. La colite secondaire à traitement par anti-CTLA4 est la toxicité la plus fréquente avec entre 1 à 17% de colite de grade 3-4(4).La phase 3 évaluant le traitement par Pembrolizumab versus Ipilumumab chez les patients suivis pur un mélanome mé-tastatique retrouve entre 1.8 et 3.6% de

colite de tous grades chez les patients sous Pembrolizumab(5).La combinaison anti-CTLA4/anti-PD1 in-duit 23% de colite inflammatoire de tout grade et 17% de grade 3-4(3). Non prise en charge rapidement, ces colites microscopiques peuvent induire un risque de perforation intestinale.

Perforations intestinalesElle se manifeste par des signes d’irritations péritonéaux et un iléus réflexe. C’est une ur-gence médicale mettant en jeu le pronostic du patient à court terme. Cette complica-tion sévère s’est manifestée chez 5,8% des patients traités par Ipilimumab(6). La prise en charge chirurgicale est rare mais une concertation pluridisciplinaire est requise.Ces manifestations graves constituent un facteur limitant de l’utilisation des immu-nothérapies puisque la mortalité liées aux colites inflammatoires est non négli-geable(7).Les signes cliniques apparaissent principa-lement au cours des 2 premiers mois de traitement. Chez les patients traités par Ipilimumab, le délai médian d’apparition est de 6,3 se-maines (0,3-18,9) pour les colites de grade 2 et de 7,4 semaines (1,6-13,4) pour les grades supérieurs(8).

Diagnostic

Pour d’affirmer le diagnostic de colite in-flammatoire secondaire à un traitement par immunothérapie, l’élimination des diagnostics différentiels est la première étape diagnostique. Les principaux diagnostics différentiels sont les colites infectieuses, particulière-ment celles liées aux toxines du Clostridium Difficile, les colites liées aux infections des patients immunodéprimés (CMV, HSV, VZV…), et une progression tumorale res-ponsable des symptômes digestifs.La réalisation d’un scanner abdominal n’est pas indispensable mais peut élimi-ner une progression tumorale. Il retrouve en présence d’une colite auto-immune un épaississement pariétal et permet de mettre en évidence de façon précoce une compli-cation comme la perforation intestinale. Il est indiqué devant l’apparition de douleurs abdominales sévères plus ou moins asso-ciées à des signes péritonéaux et permet de guider l’oncologue pour la discussion chirurgicale.L’examen clef dans l’exploration paracli-nique de la colite est l’endoscopie digestive basse avec réalisation de biopsies multiples. Elle est à réaliser en présence de toxicité digestive de grade supérieur ou égal à 3, de rectorragies ou en l’absence d’amélioration malgré un traitement symptomatique bien

Tableau 1. Grade CTCAE version 4.0

Effets indésirables Grade 1 Grade 2 Grade 3 Grade 4 Grade 5

Colites Asymptomatiquediagnostic clinique ou radiologiquesurveillance

Douleur abdominaleSelles glaireuses ou sanglantes

Douleur abdominale sévère,signes péritonéaux,retentissement sur la vie quotidienneintervention médicale indiquée

Risque de décès à court terme,intervention médicale en urgence

décès

Diarrhées Majoration du nombre de selles <4/jour,légère augmentation de la production de selles par rapport à la normale

Majoration de 4 à 6 selles/jour,augmentation modérée de la production de selles par rapport à la normale

Majoration > à 7 selles/jour,incontinence,hospitalisation indiquée,augmentation sévère de la production de selle par rapport à la normale,

Risque de décès à court terme,Intervention médicale indiquée en urgence

décès

Perforation colique - Symptomatique,altération du fonctionnement gastro-intestinal,intervention médicale indiquée

Symptômes sévères,prise en charge chirurgicale indiquée

Risque de décès à court terme,intervention médicale en urgence indiquée

décès

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conduit pour les grades 1 et 2.L’endoscopie retrouve des signes inflam-matoires aigus ou subaigus diffus et les biopsies, un infiltrat neutrophilique, lym-phocytaire ou mixte touchant plus fré-quemment le côlon descendant.Il est important d’informer le patient qu’une endoscopie négative n’élimine pas le diagnostic et peut être renouvelée si be-soin.

Prise en charge thérapeutique

La prise en charge de ces toxicités est simi-laire pour toutes les molécules. Elle est gui-dée par la gradation des effets secondaires (CTCAE 4.0) (tableau 2).

Ambulatoire ou hospitalière ?Chez les patients avec des symptômes de grade 1 ou 2, le traitement est symptoma-tique et ne nécessite pas d’hospitalisation (à discuter en fonction du terrain et des

comorbidités). Il consiste en un traitement anti-diar-rhéique type loperamide associé à des me-sures hygiéno-diététique telle que l’hydra-tation per os et une alimentation adaptée.Pour les diarrhées de grade 3 ou 4 ou en l’absence d’amélioration clinique suffi-sante pour les diarrhées de grades infé-rieurs, l’hospitalisation est indiquée afin de procéder à une hydratation intravei-neuse avec ré-équilibration hydro-électro-lytique adaptée aux bilans biologiques. L’hospitalisation permettra aussi de réaliser une surveillance rapprochée.

Traitement médicalLes diarrhées de grade 1 à 2 n’évoluant pas favorablement après traitement sympto-matique bien conduit ou présentant des signes endoscopiques majeurs nécessitent de débuter un traitement par corticoïdes per os (Prednisone). Il est recommandé de débuter à 1mg/kg

avec décroissance progressive sur au moins quatre semaines à débuter dés l’amende-ment des symptômes.En l’absence de complications sévères comme une perforation intestinale ame-nant l’oncologue à discuter d’une prise en charge chirurgicale, les toxicités sévères sans signe de gravité requièrent une prise en charge médicale exclusive.Les toxicités de grade 3 ou 4 consti-tuent une indication à débuter rapide-ment une corticothérapie intraveineuse (Methylprednisone) à la dose de 2mg/kg. Le délai de résolution attendue sous corti-cothérapie intraveineuse est de cinq jours maximum.Dés normalisation du système digestif, les corticoïdes sont relayés per os pour une durée minimale de 4 semaines.En l’absence d’évolution favorable, l’ad-ministration rapide d’un traitement par immunomodulateurs de type anti-TNF (Inflixitimab 5mg/kg) se discute.

Tableau 2. Algorithme de PEC des EI d’origine immunologique

Nouvelles immunothérapies du mélanome : mécanismes d’action, efficacité et prise en charge des toxicités, Moural B, Rev.Med.Suisse 2015

Symptômes et signes Evaluation (cause et sévérité) Procédure pour les EI

Tous les niveaux de sévérité :utiliser les antalgiques avec précaution

pour ne pas masquer une péritonite

Colite, diarrhées, rectorragiesDouleur abdominale

Traitements appropriés aux symptômesContinuer le traitement

Diarrhée légère ou coliteGrade 1 ou 2

Thérapie symptomatique

CorticoïdesAmélioration des symptomes :

sevrage sur au moins 4 semaines

Corticoïdes haute doseAmélioration des symptomes :

sevrage sur au moins 4 semaines

Exclured’autres causes

Mesurerla sévérité selon

NCI-CTCAEversion 4.0

SUSPICIOND’EFFET

INDÉSIRABLE ?POURSUITE

POURSUITE

Diarrhée sévère ou coliteGrade 3 ou 4

PAUSE

STOP

Utilisation d’autresimmunosuppresseurs (inflixitinab)

Prophylaxie antibiotique pourles patients immunodéprimés

STOP

PERSISTANCEDES SYMPTOMES

(5-7j)

PAS D’AMÉLIORATION

PAS D’AMÉLIORATION

AMÉLIORATIONGRADE ≤ 1

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Dossier : Prise en charge Des toxicités Digestives

51Toxicités digestives des immunothérapies

Le traitement par Inflixitinab ne doit pas être utilisé par excès et se discute au cas par cas en fonction de l’évolution clinique et de la situation oncologique du patient.Les mesures hygiéno-diététiques liées à l’administration d’une cor-ticothérapie doivent être expliquées au patient.

Traitement spécifiqueL’immunothérapie doit être suspendue lors de l’apparition de toxi-cités digestives de grade 1 ou 2. Elle sera à reprendre dés résolution majeure ou complète des symptômes et dés que la dose de corti-coïdes sera inférieure ou égale à 7,5mg de Prednisone par jour(8).Les toxicités de grade 3 et 4 obligent l’arrêt immédiat de l’immu-nothérapie et la contre-indique à vie(7). (Tableau 2) Il sera alors nécessaire de discuter une ligne ultérieure de traite-ment.

Conclusion

Le traitement par immunothérapie a permis d’améliorer la survie globale des patients atteints de cancers bronchique, cutanés ou rénaux. Ce bénéfice important a motivé la réalisation de nouvelles études actuellement en cours visant à tester ces molécules dans d’autres indications. Ces thérapeutiques apportent, en plus de leur efficacité, de nou-velles toxicités bien différentes de celles connues depuis long-temps par les oncologues. Elles nécessitent que la prise en charge soit multidisciplinaire en collégialité avec gastro-entérologues. De plus, les patients suivant ce type de traitement doivent être édu-qués afin de permettre une observance complète et de consulter en urgence dés l’apparition de signes de toxicité.Plusieurs études ont essayé d’étudier les biomarqueurs impliqués dans le développement de ces colites inflammatoires, pour en pré-dire l’apparition, mais les mécanismes restent mal connus. Leurs résultats sont attendus avec impatience afin de pouvoir mieux sé-lectionner les patients et détecter précocement la survenue de ces complications qui peuvent être fatales. •

RÉFÉRENCES1. Hodi FS, O’Day SJ, McDermott DF, et al. Improved survival with ipilimumab in patients

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Dossier

ECONOMIE ET RECOMMANDATIONS EN ANÉMIE ET NEUTROPÉNIE

Impact médico économique des ASE et GCSF sur la prise en charge des patients atteints de cancer .................... 54

Recommendations on the Management of Anemia in Cancer ................................... 56

Recommandations sur la prise en charge de la neutropénie en cancérologie ............... 60

Gestion anémie et neutropénie, conversation avec les patients ..................... 67

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54 #2 - Novembre 2016

L’introduction des agents sti-mulant l’érythropoïèse d’une part et des facteurs de crois-sance de la granulopoïèse d’autre part a représenté l’une des avancées les plus remar-quables des vingt cinq der-nières années dans la pratique clinique en oncologie. S’agissant des ASE, on sait que ces agents permettent de lutter efficacement contre l’anémie, et notamment l’anémie chimio-induite, sous réserve d’un statut martial bien équilibré. leur utilisation permet l’aug-mentation des concentrations en hémoglo-bine, diminue les besoins transfusionnels et augmente la qualité de vie des patients. Les ASE combattent ainsi la fatigue, qui représente pour les patients l’un des symp-tômes les plus handicapants. Utilisés en prophylaxie primaire ou secon-daire, les G-CSF recombinants humains (filgrastim, lénograstim, pegfilgrastim… ) ont démontré leur capacité à réduire signi-ficativement les durées de neutropénie et le risque d’infection au décours des chimio-thérapies myélosuppressives réalisées dans le traitement des tumeurs solides, avec une diminution du nombre et de la durée des

réhospitalisations nécessaires. Certaines procédures sont allégées voire suppri-mées, telle l’anesthésie générale lors des ponctions de moelle. Les consommations d’antibiotiques sont réduites, et avec elles le risque de favoriser le développement de résistances. L’intérêt dans les neutropénies fébriles a également été établi(1).On conçoit intuitivement que toute amé-lioration du statut et du bien-être du pa-tient, qui lui permet de maintenir ou de reprendre une activité, ne fût-ce qu’à temps partiel, ou tout simplement d’avoir une qualité de vie se rapprochant de la normale aura un impact économique favorable. De même, il est manifeste que réduire les complications, qui nécessitent une prise en charge, et surtout réduire le nombre et les durées des hospitalisations ne peut qu’en-traîner une réduction des coûts globaux de prise en charge des patients concernés.Mais il convient d’étayer ces perceptions d’évidence par quelques éléments chiffrés.La majorité des malades atteints de tu-meurs solides ou hématologiques déve-loppent une anémie qu’il importe de cor-riger pour améliorer tant la qualité de vie que l’observance des chimiothérapies anti-cancéreuses. Au reste, il a été amplement

démontré que l’anémie chimio-induite a un coût élevé. Ainsi, une étude(2) a montré que les dépenses de santé semestrielles des patients anémiques sous chimiothérapie pour cancer étaient 1,7 fois plus élevées que celle de patients traités dans les mêmes conditions, mais ne présentant pas d’ané-mie. L’essentiel de l’écart porte tant sur les soins ambulatoires que sur les dépenses d’hospitalisation. Il est donc légitime de s’efforcer de corriger cette anémie, tant d’un point de vue clinique que d’un point de vue économique.Les érythropoïétines doivent être préférées dans cette indication aux seules transfu-sions, du fait de leur efficacité plus mar-quée et plus durable. Longtemps allégué pour différer le recours à l’EPO, le diffé-rentiel de coût est en fait négligeable. Dans ces conditions, le rapport coût-efficacité, qui mesure l’efficience d’une stratégie thé-rapeutique, semble nettement en faveur des érythropoïétines. Le retard de la prise en charge de l’anémie chimio-induite des patients atteints de cancer entraîne une dégradation majeure de leur qualité de vie et de leur observance vis-à-vis de leur chimiothérapie. Les conséquences éco-nomiques de ce retard sont graves, liées à

Jean-Jacques ZambrowskiUniversité Paris Saclay

Impact médico économique des ASE et GCSF sur la prise en charge des patients atteints de cancer

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Dossier : Prise en charge Des toxicités Digestives

Impact médico économique des ASE et GCSF sur la prise en charge des patients atteints de cancer

l’augmentation des dépenses médicales de prise en charge. Quant au coût des traite-ments par érythropoïétine, il varie selon les doses et les rythmes d’administration.Dans une analyse très complète(3) comme il en fait régulièrement, le NICE britannique liste les bénéfices que l’on peut attendre du traitement par EPO, d’un point de vue clinique mais aussi d’un point de vue éco-nomique. Ainsi, l’économie liée à la dimi-nution du recours aux transfusions est éva-luée à) 17 000£ pour 100 000 habitants. La réduction des hospitalisations, en nombre et en durée, est également mise en avant. Dans sa note d’évaluation, le Comité d’éva-luation du NICE note que le gain mesuré en QALY (années de vie gagnées pondérées par la qualité de vie) avec les ASE a peut-être été sous-estimé étant donné que les avantages potentiels des ASE en rapport avec les transfusions sanguines évitées et la réduction du nombre et de la durée des visites à l’hôpital n’entraient pas dans le calcul des QALY. Dans une étude rendue publique en jan-vier 2015, l’Observatoire dédié au cancer des OMEDITs, Bretagne et Pays de la Loire rend compte du calcul du coût standard, pour un traitement par G-CSF : pour un patient jusqu’à 60 kg, le coût standard de la forme retard observé est 2 fois plus élevé que celui de la forme quotidienne  : Neulasta 1004€, Neupogen de 591€, Granocyte : 578€, biosimilaires : de 536 à 560€. Il faut ajouter à ces coûts, qui représentent le coût d’acquisition des G CSF délivrés en ville, les coûts de la biologie et de l’acte infirmier : - AMI 1.5, déplacement et majoration

acte unique = 8,57€ (prix maximum cotable)

- bilan NFS : B49 = 13,23€ soit au total - Coût d’un bilan et d’un déplacement

infirmier : 8,57 + 13,23=21,80 € - Cout 2 bilans et 5 déplacements infir-

miers : 83€

Le coût d’acquisition d’un médicament est important à prendre en compte, mais il ne résume pas son impact économique. Celui-ci est classiquement évalué par le rapport coût-efficacité, dans lequel le coût

est rapporté au bénéfice clinique obtenu.A titre d’exemple, une étude(4) a comparé deux G-CSF, le pegfilgrastim et le filgras-tim. Les auteurs rappellent que le premier est administré en une injection unique par cycle de chimiothérapie alors qu’il est recommandé pour le second une injection journalière jusqu’à ce que le taux absolu de neutrophile revienne à la normale, soit 11 jours dans certains essais cliniques. L’étude évalue les ratios coût-efficacité incrémen-taux du pegfilgrastim par rapport au fil-grastim (11 ou 6 jours) utilisés en préven-tion primaire chez des femmes atteintes de cancer du sein recevant une chimiothéra-pie à risque modéré de neutropénie fébrile (20 à 30 %) en France. La prise en charge par pegfilgrastim en injection unique s’est révélée moins coûteuse qu’un traitement de 11 jours par filgrastim (5 302 vs 6 752 ) tout en réduisant le risque de neutropé-nie fébrile (7 % vs 12,5 %). Comparé à un traitement de 6 jours par filgrastim, le pegfilgrastim diminue le risque absolu de neutropénie fébrile de 10,5 points (17,5 % vs 7 %) et est associé à un coût supplémen-taire de 10 295 par neutropénie évitée, soit 1 030 pour une diminution de 10 points du pourcentage de risque absolu de neu-tropénie fébrile. Cette stratégie permet un gain de 0,105 années de vie et 0,100 QALY (années de vie cpondérées par la qualité de vie) pour une faible augmentation du coût de 1 081 (5 302 vs 4 221). Cette étude démontre que l’utilisation de pegfilgrastim comparée à celle du filgrastim pendant 11 jours permet de réaliser des économies de coût. Les auteurs concluent que, comparé à une prévention par 6 jours de filgrastim, le pegfilgrastim s’avère plus coûteux mais présenterait un gain en termes de bénéfices cliniques. La stratégie utilisant le pegfilgras-tim est alors coût-efficace. Au-delà de la comparaison de deux médi-caments d’une même classe ou de classes différentes, la pharmaco-économie évalue l’intérêt relatif de diverses modalités d’ad-ministration d’un traitement. Ainsi, on sait que la prévention de la neu-tropénie fébrile par le G-CSF est préconi-sée au cours des chimiothérapie, mais son coût élevé est parfois considéré comme un obstacle à sa mise en œuvre. Une étude(5)

montre que la prévention par G-CSF à

chaque cycle de chimiothérapie est plus efficace et plus onéreuse. Le rapport incré-mental coût-efficacité (ICER) s’établit à 13 112 $ pour les patients ayant reçu 1 à 6 cycles de G-CSF comparé à ceux n’en ayant reçu qu’1 à 2 cycles. C’est donc cette moda-lité qui doit être privilégiée.

Que retenir ?

Pour l’assurance maladie, les dépenses liées à la prise en charge du cancer se montent à un peu plus de 16 milliards chaque année, ce qui correspond à 10 % des dépenses pour soins prises en charge par la sécu-rité sociale. L’essentiel de ces dépenses est lié aux hospitalisations. Les médicaments représentent environ 42 % des dépenses totales, en incluant les chimiothérapies, les thérapies ciblées, l’immunothérapie, l’hormonothérapie et les traitements adju-vants au nombre desquels EPO et G-CSF. Le poids de ces deux dernières classes est donc modeste, au regard du bénéfice qui en résulte pour les patients en termes de qualité de vie, mais aussi d’observance des traitements anticancéreux, gage de leur effi-cacité optimale.Surtout, le recours à ces deux ressources thérapeutiques permet de générer des éco-nomies sur les prises en charge des patients concernés, en raccourcissant ou en évitant complications et hospitalisations. Bien que trop peu nombreuses et manquant d’exhaustivité, les études montrent que les montant économisés dépassent le prix de ces médicaments.Ils font la preuve de leur efficience, ce qui justifie leur emploi. Dans le respect, natu-rellement, des indications validées et des règles de bon usage, on ne saurait donc en omettre ou en différer la prescription dès lors qu’elle est cliniquement et biologique-ment justifiée. •

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Anemia is a common manifes-tation in cancer patients. More than 80 % of cancer patients undergoing chemo-therapy develop anemia (he-moglobin [Hb] level <12 g/dL)(1). Multiple publications report on the prevalence and effects of anemia(2-7). Its cause can be multifactorial mostly due by the cancer itself, chemotherapy treatments, infiltration of bone marrow by cancer cells, hemolysis, nutritional deficiencies, blood loss and inflamma-tion. A major consequence of anemia is fatigue, dyspnea and impairment of of the functional status. Fatigue is a symp-tom that impacts the quality of life of patients, and it can also compromise pa-tients’ compliance with their treatments.Several options are now available to physicians to correct chemotherapy induced anemia: red blood cell (RBC) transfusions, erythropoiesis-stimulating agents (ESAs) and iron.

RBC transfusions

RBC transfusions are reserved for criti-cal situations, when the patient presents with symptomatic severe anemia and requires an urgent correction. A transfu-sion of RBCs causes a sharp increase in Hb level as well as an increase in blood viscosity that varies with the number of units transfused. RBCs may expose pa-tients to potential risks(8) including ex-posure to infectious agents, thrombosis, immunologic complications, transfu-sion-related acute lung injury, iron over-load and, non-immunogenic hemolytic reactions. In addition, there have been recently some alarm signals associated

with their use which are currently being investigated. Of particular concern is the so call RBC storage damage(9,10). RBCs that have been stored for more than 2 weeks in the Blood Bank. Apparently, RBCs while being kept in the Blood Bank experience changes in their mem-brane loosing their ability to cross the capillaries as well as they can also lose some of their oxygen-carrying capacity by the degradation of their RBC en-zymes.

Erythropoietic Stimulating Agents (ESAs)

Human recombinant epoetins were introduced in the early 1990s. The unex-pected finding of low erythropoietin levels in cancer patients by Miller et al. in 1990(11), together with the myelotoxi-city induced by chemotherapy, set the basis for the use of these agents in cancer patients. Currently, there are three ESAs molecules in our pharmacies: epoetin alfa, epoetin beta (a human recombi-nant molecule to the endogenous ery-thropoietin) and a modified erythro-poietin molecule, darbepoetin alfa with much longer plasma half-life. Recently, there have been introduced in Europe three erythropoietin-alfa–biosimilars(12): HX575, XM01 (in reality, this agent is an original if one follows its clinical deve-lopment), and SB309. All these agents receive different trade names in occa-sions with the same agent. For instance, HX575 has been registered as: Binocrit , Epoetina Hexal, and Abseamed. Another biosimilar, SB309, has been registered as epoetin zeta and its trade names are Silapo and Retacrit. The third biosimilar for anemia is epoetin theta. In

Pere GasconHospital Clinic University of Barcelona, Spain

Recommendations on the Management of Anemia in Cancer

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Dossier : Prise en charge Des toxicités Digestives

Recommendations on the Management of Anemia in Cancer

fact, this agent is an original but generally is included in the biosimilar list, probably owing to the timing of its introduction to the market, the same as the real biosimi-lars. Its trade name is Eporatio. Over the last 20 years, more than 20,000 cancer patients with anemia have been enrolled in multiple clinical trials of ESAs to assess the efficacy, safety/side effects, and quality of life. This massive clinical expe-rience with ESAs has demonstrated that they are well tolerated and can effectively increase Hb levels and decrease transfu-sion use(3-7, 13-15). They can be administered weekly, and in the case of darbepoetin-alfa bi-weekly and every three weeks with he-matopoietic response ranging from 55 to 74 %(3-7, 13-15). For the last few years, there has been a debate on the safety of epoetins due to their association with reduced survival and reduced time to disease progression in some reports(16,17), as well as with an increased incidence of thromboembolic events. Many hypotheses have been sug-gested such as the promotion of tumor growth via the presence of EPO receptors in cancer cells, a fact seriously questioned by recent publications. It is now believed that it was due to a laboratory artifact by using a polyclonal antibody. No EpoRs were found when a monoclonal antibody was used instead(18,19). Results from several controlled trials in different types of cancer regarding the effects of ESAs on tumor pro-gression and mortality in cancer have been inconsistent(20). There were many metho-dological differences in the trials. Briefly, in patients receiving chemotherapy (the label indication), analyses have reported no si-gnificant effect on OS by using ESAs(17, 21, 22). However, some analyses that included pa-tients with anemia receiving radiotherapy only or no cancer therapy reported higher mortality risks(17, 21, 22).In the last 8 years, there have been an im-portant number of trials on ESAs in can-cer patients with a variety of outcomes. As a consequence, several meta-analyses have been performed to bring some light to the field. A meta-analysis published by Bohlius J et al.(23) collected the data of 57 trials and 9,353 cancer patients. The ana-lysis included randomized, controlled

clinical trials on treatment as well as on prophylaxis (off-label) and in cancer pa-tients with anemia without concurrent anticancer treatment (off-label). The effect on overall survival gave an HR of 1.08 (95 % CI: 0.99–1.18). In 2009, an individual patient-based meta-analysis was published by Bohlius et al.(24). The number of patients analyzed was 13,933 from 53 trials. The final results on overall survival resulted in a worse outcome for the patients enrol-led in the ESA group (HR: 1.06; 95 % CI: 1.00–1.12). On-study mortality HR for the total group of patients was 1.17 (95 % CI: 1.06–1.30). Interestingly, for the 10,441 patients who received only chemotherapy, the HR for overall survival was 1.04 (95 % CI: 0.97–1.11). In their publication, the au-thors state that ESAs are safe for chemothe-rapy-induced anemia. Six other meta-ana-lyses have been performed: five showing a neutral effect of the ESA group (no signifi-cant effect on overall survival)(21, 25-28) and one(29) showing a worse overall survival in the group who received ESA.Ross et al. analyzed 21,378 patients from 49 studies and found no differences in TEs or mortality between the ESA arm and the control arm (30). Aapro et al.(31) analyzed 1,413 patients from eight studies (epoetin beta, n = 800; control, n = 613). There was a significantly reduced risk of rapidly progressive disease for epoetin beta (RR 0.78; 95 % CI: 0.62, 0.99; P = 0.042). Glaspy et al.(21) evaluated 15,323 cancer patients with anemia receiving chemo-therapy/radiotherapy, radiotherapy-only treatment or anemia of cancer receiving no treatment from 60 studies. Results indica-ted that ESA use did not significantly affect mortality (60 studies: OR = 1.06; 95 % CI: 0.97–1.15) or disease progression (26 stu-dies: OR = 1.01; 95 % CI: 0.90–1.14).In a pooled analysis of individual patient-level data from all randomized, double-blind, placebo-controlled trials of darbe-poetin alfa, Ludwig et al.(22) found that this epoetin did not increase mortality and af-fected neither progression-free survival nor disease progression. Overall survival and progression-free survival seemed to be bet-ter in those patients who achieved Hb >12 or >13 g/dL as compared with those who did not(22). The same authors investigated

the effect of blood transfusions on rates of Hb increase. In the absence of transfu-sions, the percentage of patients with >1 g/dL in 14 days or >2 g/dL in 28 days in-crease in Hb was 68.8 % for darbepoetin alfa and 52.3 % for placebo or 39.1 % for darbepoetin alfa and 19.2 % for placebo, respectively. Interestingly, the results show that an increase of 1 or 2 g/dL in Hb levels resulting from blood transfusions was asso-ciated with an increased risk of death and disease progression. Furthermore, when blood transfusions were excluded from the analysis, the increase in Hb rates was not associated with an increased risk for disease progression or death. In summary, blood transfusions were associated with a greater risk for disease progression and death in both treatment arms and with a greater risk for embolism/thrombosis in the darbepoetin-alfa arm.More recently, Aapro et al. reported results of an updated meta-analysis of 12 rando-mized, controlled studies of epoetin beta conducted in 2,301 patients undergoing cancer therapy(26), including three recently completed trials with longer-term follow-up in patients with head and neck can-cer(32), patients with metastatic breast can-cer(28), and patients with cervical cancer(29). The results of this meta-analysis based on individual patient-level data showed no statistically significant difference between patients receiving epoetin beta and stan-dard treatment in terms of OS. In fact, the authors describe a favorable trend with res-pect to the risk of disease progression for patients receiving this agent(26). Bennett et al.(27) reported a meta-analysis of phase 3 trials comparing ESAs with placebo or standard of care for the treatment of ane-mia in cancer patients. A total of 13,611 patients included in 51 clinical trials were evaluated for survival. Patients with cancer who received ESAs had increased mortality risks (HR = 1.10; 95 % CI: 1.01–1.20) than the placebo or the standard of care arm.Interestingly, over the last few years, several studies have been reported with a major aim being the safety of ESAs. Results show either a neutral clinical outcome or a beneficial one(15, 33-39). A recent meta-analysis by Aapro et al.(40) on the safety and efficacy outcomes of ESAs in

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patients with breast cancer did not show an increased risk for disease progression or recurrence. In any event, a major consequence of the safety concerns raised by some studies on ESAs in the treatment of cancer-induced anemia has been the requirement, by the European regulatory authorities, to intro-duce a warning on the product labels for marketed ESAs to be restricted to a hemo-globin-initiation level <10 g/dL and a Hb target not to exceed 12 g/dL. However, the EORTC treatment updated guidelines recommend the initiation of ESA therapy at Hb levels between 9 and 11 g/dL and the target for treatment with ESAs to achieve a Hb level of ~12 g/dL(41). ASCO guidelines recommend the initiation of ESA therapy at Hb level <10 g/dL and to use ESA to achieve the lowest Hb concentration nee-ded to avoid transfusions(42). ESMO guide-lines also recommend starting ESAs at Hb ≤ 10 g/dL and Hb target not to exceed 12 g/dL (see Table 1)(43)

Two multicenter clinical trials with a major aim in survival were initiciated few years ago. One in breast cáncer using epoetin alfa and the other in lung cáncer using darbe-poetin alfa. The results form the former were recently published(44). Interestingly, the primary end point, PFS based on in-vestigator-determined PD, did not meet noninferiority criteria. However, the PFS based on independent review committee-determined PD met noninferiority criteria. For the clinical point of view the results will not impact in clinical practice. The study in lung cancer still ongoing until the patient recruitment goal is achieved.

Iron

Iron has long been an agent used to cor-rect the anemia of blood loss. Recently, however, the administration of intravenous iron has become more popular, because the new preparations do not provoke the

allergic and anaphylactic reactions seen with the old preparations(45). Intravenous iron is now being used in combination with ESAs to produce faster and more ro-bust corrections of anemia in the so-called functional iron deficiency, a type of ane-mia associated with chronic diseases and inflammation such as in cancer(46). In this condition there is a need for soluble iron, available iron because one of the factors released during inflammation is hepcidin, a peptide produced by the liver upon the action of Interleukin 6 (IL-6). Hepcidin blocks the absorption of oral iron by the duodenum and the release of iron by the macrophages.It is well known that ESAs have a response rate that is suboptimal, ranging from 55 to 74 % in most published clinical trials(47). Several explanations have been found, but in general it is accepted mostly due to functional iron deficiency. The remarkable improvement in the response rate observed with the concomitant administration of intravenous iron to ESAs strongly suggests this possibility. Functional iron deficiency (i.e., lack of bioavailable iron) is a clini-cal entity where erythropoiesis is impai-red owing in part to the sequestration of iron(48) by the macrophages and a blockage of enteral iron absorption mostly mediated

by hepcidin(48). In other words, oral iron is poorly absorbed or not absorbed at all, and bone marrow iron, although present in the bone marrow, is not available to the making of red blood cells. Parenteral iron therapy has subsequently become an important adjunct to obtaining and main-taining adequate Hb levels in patients with cancer who are receiving chemotherapy. However, despite the good results observed with parenteral iron, many oncologists are still reluctant to use it because of the poor safety profile observed in the past with the old iron preparations, particularly high molecular weight dextran (HMWD). The new intravenous preparations (ferric glu-conate, ferric carboxymaltose, iron isomal-toside, iron sucrose) show not only a much better safety profile but a much easier ad-ministration (Table 2).Over the last few years, nine studies on the use of intravenous iron supplementa-tion have been conducted and their results published. In all cases, intravenous iron was delivered concomitantly with ESAs in the treatment of anemia secondary to che-motherapy(49-56). Except in one study, the study by Steensma et al.(56), all others were favorable to the arm of intravenous iron. In this study, the authors compared paren-teral, oral, or no iron supplementation in

Table 1. Summary of evidence-based international guidelines for treating cancer-induced anemia

Recommendation ASCO/ASH (42) ESMO(43) EORTC(46) NCCN(62)

Initiate ESA therapy Hb ≤10 g/dL (clinical decision if Hb 10 to ≤12 g/dL)

Hb ≤10 g/dL Hb 9–11 g/dL (clinical decision if Hb ≤11.9 g/dL)

Hb ≤11 g/dL

Goal of treatment The lowest Hb concentration needed to avoid transfusions

Hb should not exceed 12 g/dL

Target Hb should be around 12 g/dL

Maintain Hb between 10 and 12 g/dL

Table 2. Iron preparations (monopreparations) available in most countries in Europe

Iron compound Iron content (mg/ml)

Registered trade name

Maximum single dose

1. Dextran-based preparations

Fe(3+)-isomaltosidea 100 Monofer® 1000 mg (20 mg/kg body weight)

Fe(3+)-hydroxide dextraneb 50 Cosmofer® 20 mg/kg body weight

2. Non-dextrane-based preparations

Fe(3+)-carboxymaltoseb 50 Ferinject® 1000 mg (20 mg/kg body weight)

Fe(3+)-hydroxyde-saccharoseb 20 Ferrologic® 200 mg

Fe(3+)-hydroxyde-saccharoseb 20 Venofer®

Fe(3+)-hydroxyde-saccharoseb 20 Fermed®

a. Indication: iron deficiency anemia. b. Indication: iron deficiencyAdapted from Ludwig H (45)

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Dossier : Prise en charge Des toxicités Digestives

Recommendations on the Management of Anemia in Cancer

patients with chemotherapy-associated anemia treated with darbepoetin alfa(56). Interestingly, the results contrast with the other six other publications(49-54) and two reported clinical trials(57,58) on the benefits of supplementing iron intravenously in patients receiving a concomitant ESA. It ap-pears that the total dose of iron was lower in the former study. A large body of clinical evidence, with more than 1,000 patients evaluated in clinical trials involving the use of intravenous iron, demonstrates an excellent safety profile and a substantial benefit with the new in-travenous iron preparations. Interestingly, recently a few publications have reported that intravenous iron sucrose alone was given to patients with gynecological can-cer who were receiving chemotherapy; these patients achieved a higher Hb and hematocrit than the control group(59) and had less transfusions requirements(60) and achieved correction of the anemia with fer-ric carboxymaltose alone(61). Some authors state that intravenous iron alone may cor-rect some cases of chemotherapy induced anemia(46). Further research is required to elucidate a future role for intravenous iron in the management of chemotherapy-in-duced anemia in cancer patientsRecently, a new oral preparation of liposo-mal iron with high gastrointestinal absorp-tion and bioavailability seems to be a pro-mising new strategy of iron replacement in particular since it appears that its absorp-tion to be independent of hepcidin. Further

studies in cancer patients are required for a future approval(62).

Summary

ESAs should be given to patients with chemotherapy-induced anemia to reduce blood transfusions and to increase qua-lity of life. ESAs should not be given when there are other treatable causes of anemia, such as iron deficiency anemia or vitamin deficiencies. ESAs should not be given in radiotherapy when this treatment option is the only anticancer treatment or in anemia associated with cancer in the absence of any active anticancer treatment. Despite an ongoing controversy on the safety of ESAs, their safety profile is good as long as they are used according to the label. The use of intravenous iron with the administration of ESAs is now accepted by most societies guidelines (Table 3) in order to obtain a fas-ter and much more robust haematological response. •

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Table 3. International Societies Guidelines on treatment of anemia and iron deficiency in cancer patients for the administration of intravenous iron preparations

Society Recommendations

EORTC Administration of iron should be restricted to patients with AID of FID

ASH/ASCO Iron monitoring is recommended along the treatment. Iron supplementation is recommended in case of iron deficiency, but robust data for detailed recommendations for iron treatment and monitoring are not available.

ESMO Periodic monitoring of iron homeostasis along the treatment is recommended; intravenous iron induces greater increases in Hb than oral iron and reduces transfusion need.

NCCN Monotherapy with intravenous Fe in AID (ferritin <30ng/ml, TSAT <20%) is recommended; no studies on iron monotherapy in FID exist; in patients with ferritin between 30 and 100 ng/ml and TSAT between 20 and 50%, adequate storage iron can be assumed with the exception of patients receiving ESAs which are at risk for FID. In the latter situation iron supplementation is recommended, but consideration of risks/benefits is recommended. Iron should not be administered to patients with active infection (bacteria grow with iron)

a. Indication: iron deficiency anemia. b. Indication: iron deficiencyAdapted from Ludwig H (45)

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La neutropénie fait partie des effets indésirables hématolo-giques des chimiothérapies cytotoxiques, au même titre que l’anémie ou la thrombopénie. Elle est définie par la baisse du taux de polynucléaires neutrophiles circulants en deçà du seuil de 1500/mm3 (1,5.109/L) selon les critères NCI-CTCAE v4.03(1). L’immunodépression induite par la neutropé-nie expose les patients à un risque infectieux accru avec des conséquences majeures sur leur pronostic immédiat et ultérieur(2). La neutropénie fébrile (NF) est définie par l’EORTC(3) comme la survenue d’un épi-sode fébrile supérieur à 38,3°C une fois, ou supérieur à 38,0°C deux fois en 2h, avec une valeur absolue de neutrophiles inférieure à 500/mm3 (0,5.109/L) ou avec une chute attendue de leur valeur sous le seuil de 500/mm3.

La neutropénie en oncohématologie

La toxicité de la chimiothérapie s’effectue à la fois sur les précurseurs granulocytaires en prolifération dans la moelle osseuse mais aussi sur ceux en différenciation et maturation dans le compartiment osseux(4). La prolifération dure de 5 à 7 jours, la différenciation de 7 à 10 jours et la maturation de 4 à 5 jours mais ces durées peuvent être raccourcies en cas de stress infectieux par exemple. Classiquement, le nadir de la neutropénie survient entre le 7e et le 15e jour suivant la chimiothérapie. La combinaison de plusieurs molécules au sein des protocoles modernes de chimio-thérapie augmente la toxicité hématologique de ces traitements. Le risque de neutropénie fébrile des traitements anti-cancéreux (et l’attitude qui en découle) est défini en trois catégories: - Risque élevé : plus de 20% de risque de présenter une neutropénie fébrile, - Risque modéré : entre 10 et 20% de risque de présenter une neutropénie fébrile, - Risque faible : Moins de 10% de risque de présenter une neutropénie fébrile.

Certains protocoles de chimiothérapie présentent un risque majeur (>20%) de neu-tropénie fébrile parmi lesquels nous pouvons citer : Cisplatine-Etoposide (54%)(5), CHOP (50%)(6), R-ACVBP (38%)(7), Cisplatine- Paclitaxel (28%)(8), MVAC (26%) (9). Une présentation non exhaustive du risque de neutropénie fébrile de certaines asso-ciations de thérapeutiques anti-cancéreuses est présentée dans le tableau 1. La liste complète mise à jour a été publiée dans l’European Journal of Cancer en 2010 par Matti Aapro(10).L’accent mis récemment sur le développement des immunothérapies et la multipli-cation des études s’y rapportant ont permis de révéler leur potentiel neutropéniant. Ainsi, l’ipilimumab (anti-CTLA4) a un risque de NF de 21.5%, le nivolumab (anti- PD1) de 16.8% et le pembrolizumab (anti-PD1) de 26.4%(11).

Marc Laurans Florian ScottéUnité Fonctionnelle de Soins oncologiques de Support, Hôpital Européen Georges Pompidou, Pôle Cancérologie Spécialités, 20 rue Leblanc, Paris, France

Recommandations sur la prise en charge de la neutropénie en cancérologie

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Dossier : Prise en charge Des toxicités Digestives

Recommandations sur la prise en charge de la neutropénie en cancérologie

La neutropénie en radiothérapie

La radiothérapie comme la chimiothérapie peut avoir un effet myélosuppressif. Cet effet peut être recherché comme dans le cadre des irradiations corporelles totales en préparation à la trans-plantation de cellules souches dans les hémopathies malignes. En pratique, une neutropénie peut être attendue lors d’irradiation de larges volumes incluant la moelle osseuse hématopoïétique, par exemple dans les irradiations pelviennes ou rachidiennes. La neu-tropénie survient généralement, en fractionnement normal (2Gy/ jour, 1 séance par jour), à partir de la troisième semaine de traite-ment. Si les combinaisons de radio-chimiothérapie potentialisent les effets anti-tumoraux de ces deux modalités de traitement, leurs

risques de neutropénies s’additionnent également. Les stratégies pour limiter les risques de neutropénie fébrile sont donc de deux types : limiter le volume irradié et optimiser la chimiothérapie concomitante. Plusieurs essais du RTOG ont évalué l’apport de la modulation d’intensité (IMRT) dans les irradiations pelviennes concomitantes à la chimiothérapie dans les tumeurs rectales(12) ou gynécologiques(13). L’épargne osseuse obtenue par cette technique moderne de radiothérapie permet de réduire significativement les évènements hématologiques de grade 2 de l’ordre de 10 à 35%. Les tentatives d’utilisation de chimiothérapies moins myélosuppres-sives en concomitance avec l’irradiation se sont révélées décevantes sur le plan de l’efficacité dans les tumeurs rectales(14, 15). Il n’existe pas de recommandation de prophylaxie en radiothérapie.

Tableau 1. Risque de neutropénie fébrile dans les protocoles courants de chimiothérapie

Localisation <10% 10-20% >20%

Sein • CMF• TC• Epirubicine/ Cyclophosphamide, • Vinorelbine, • Eribuline, • Paclitaxel

• AC• AC -> Docetaxel• Doxorubicine/ Vinorelbine• Docetaxel• Capecitabine/Docetaxel• Cyclophosphamide/ Mitoxantrone

• Docetaxel-> AC• Doxorubicine-> Docetaxel• Doxorubicine-> Paclitaxel• TAC• FEC (->D)

Colorectal • Irinotecan, • FOLFOX, • Xelox

• FOLFIRI, • LV5FU

• Docetaxel/Carboplatine• Etoposide/Cisplatine• Cisplatine/ Vinorelbine/ Cetuximab

CBNPC • Paclitaxel/ Carboplatine• Gemcitabine/ Cisplatine• Carboplatine/ Paclitexel/ Bevacizumab

• Paclitaxel/ Cisplatine• Docetaxel/ Cisplatine• Vinorelbine/ Cisplatine

CBPC • Paclitaxel/ Carboplatine • CAV• Carboplatine/ Etoposide• Topotécan/ Cisplatine

• ACE• Topotecan• ICE• VICE• CAV -> PE

Tête et cou • TPF

Ovaire • Paclitaxel/ Carboplatine• Gemcitabine/ Cisplatine

• Topotecan • Docetaxel• Paclitaxel

Estomac, Œsophage

• Docetaxel/Irinotecan• FOLFOX 6• ECX• EOF• EOX

• LV5FU /(Cisplatine)/ (Irinotecan)• DCF• TC(F)• ECF

Prostate, Urothélial, Germinal

• Cabazitaxel, Taxotere • BEP-> EP• Cisplatine/ Etoposide

• Paclitaxel/ Carboplatine• MVAC• VeIP• BOP-> VIP- B46

Sarcome • VIDE• MAID

Maladie de Hodgkin

• BEACOPP• ABVD• CEC• IGEV

LNH / LLC • ACOD• R-CHOP- 21• Fludarabine/ Mitoxantrone• RGemP• RGemOx

• DHAP• ESHAP• R-ESHAP• CHOP-21• ACVBP• R-CVAD• ICE/R-ICE• Stanford V• (R) FC

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Risques liés aux neutropénies fébriles

Les neutropénies fébriles sont responsables d’une morbidité consi-dérable : 20 à 30% des patients présentant des complications re-quérants une hospitalisation avec un taux de mortalité hospitalier d’environ 10%(16). Le coût moyen par hospitalisation des NF dans les pays occidentaux s’élève à 13 500€ en moyenne. De plus, en pratique, la survenue d’un effet indésirable grave comme la NF fait souvent rediscuter le protocole de chimiothérapie initialement mis en place, soit par réduction de la dose, soit par changement du protocole, entrainant une perte de chance pour le patient.D’autres facteurs que le type et l’intensité de la chimiothérapie délivrée ont été associé à l’augmentation du risque de neutropénie fébrile : l’âge élevé du patient, le stade avancé de la maladie, un antécédent de neutropénie fébrile, l’absence de prophylaxie anti-biotique ou de facteur de croissance granulocytaire (G-CSF), une mucite concomitante, un statut OMS (Performance Status) altéré, des antécédents cardiovasculaires. L’addition d’un ou plusieurs fac-teurs de risques cités à un traitement par chimiothérapie à risque de neutropénie doit faire envisager une prophylaxie primaire.

Prophylaxies primaire et secondaire

La prophylaxie par antibiotiques L’antibioprophylaxie a longtemps été le pilier de la prévention des neutropénies fébriles, avec des molécules comme le co-trimoxa-zole puis les fluoroquinolones. La plupart des études montraient alors que les fluoroquinolones réduisaient le risque d’infection ainsi que la mortalité liée aux infections. Cependant, l’émergence de résistances microbiennes à ces traitements rendait caduque le principe d’une telle prophylaxie et impactait l’utilisation de ces molécules dans le traitement de la neutropénie fébrile. En consé-quence, les sociétés savantes n’envisagent l’utilisation de l’antibio-prophylaxie que chez les patients à haut risque de neutropénie fébrile, quand elles l’envisagent. Une méta-analyse récente de la Cochrane recommande encore l’utilisation de la ciprofloxacine ou de la lévofloxacine chez les patients recevant une chimiothérapie intensive(17).

La prophylaxie par G-CSF L’intérêt d’une prophylaxie primaire de la NF par G-CSF a été éva-lué par des méta-analyses, Kuderer(18) en 2007 puis Lyman(19) en 2010 et Cooper(20) en 2011. Ces études démontrent que l’utilisation de G-CSF permet une diminution de la mortalité globale de 10%, une diminution du risque de NF de l’ordre de 46% et la com-plétion du protocole de chimiothérapie initialement décidé dans 90% des cas. Si l’utilisation des G-CSF n’empêche pas la survenue de la neutropénie chimio-induite, elle diminue la profondeur et la durée totale de la neutropénie(21).Emboitant le pas précurseur de Talcott(22) , plusieurs sociétés sa-vantes oncologiques ont alors développé des algorithmes déci-sionnels comme aide à l’introduction de la prophylaxie primaire : MASCC/EORTC, ASCO, AFSOS.Malgré quelques différences d’un arbre décisionnel à l’autre, un

consensus s’établit sur la nécessité absolue de prophylaxie primaire par G-CSF en cas de chimiothérapie avec un risque supérieur à 20% de neutropénie fébrile, et l’absence d’indication dans le cas des chimiothérapies avec un risque inférieur à 10%. Dans le cas des chimiothérapies à risque intermédiaire, entre 10 et 20%, toute la discussion est sur le choix des facteurs de risques intrinsèques au patient : outre les facteurs cités précédemment (âge >65 ans, stade avancé de la maladie, antécédent de NF, absence de prophy-laxie, Etat général altéré (PS ≥ 2), antécédents cardiovasculaires), la MASCC ajoute le sexe féminin, une anémie inférieure à 12g/dL des antécédents hépatiques et rénaux. L’algorithme décisionnel de la MASCC est présenté en figure 1.De plus, l’utilisation des G-CSF peut être envisagée chez les pa-tients avec une faible réserve hématopoïétique, par exemple due à une radiothérapie extensive ou dans un contexte d’infection par le VIH.La prophylaxie secondaire est recommandée systématiquement après un antécédent d’épisode de neutropénie fébrile chimio-in-duit.Les effets indésirables des injections sous-cutanées de G-CSF se limitent en pratique à des douleurs osseuses faibles à modérées soulagées par les antalgiques standards comme le paracétamol.

Pour quels cycles de chimiothérapie ?Le risque de neutropénie fébrile est maximal lors du premier cycle de chimiothérapie mais reste présent lors des cycles suivants, c’est pourquoi lorsqu’une prophylaxie primaire est envisagée, elle doit être poursuivie pour l’ensemble des cycles suivants, sous réserve d’une bonne tolérance des G-CSF par le patient(23).

Quels G-CSF utiliser ?Il existe trois types de facteurs de croissance granulocytaire : Lenograstim (Granocyte©), Filgrastim (Neupogen©, Nivestim©, Ratiograstim©, Tevagrastim©, Zarzio©) et Pegfilgrastim (Neulasta©).Dans la méta-analyse de Kuderer, les trois spécialités sont efficaces en termes de prophylaxie des NF. Leur tolérance est également identique.Leur différence principale tient dans le fait que le pegfilgrastim, constitué d’une molécule de filgrastim pegylée a un mécanisme de libération prolongée et ne nécessite donc qu’une injection de 6mg tous les 14 ou 21 jours quand le lenograstim et filgrastim nécessite des injections quotidiennes. Le lenograstim est stable à tempéra-ture ambiante et permet donc un stockage non réfrigéré, ce qui n’est pas le cas des autres spécialités qui doivent être maintenues à +4°C jusqu’à leur utilisation. Les filgrastims sont conditionnés en seringues pré-remplies et sécurisées, permettant une auto-injection facile par le patient alors que le lénograstim doit être reconstitué avant utilisation.

Quel rythme d’injection ?La posologie du pegfilgrastim est simple et se compose d’une seule injection sous-cutanée de 6mg, au moins 24h après la dernière perfusion de chimiothérapie (idéalement vers la 30ème heure post chimio). Sa fréquence dépend du protocole de chimiothérapie :

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Recommandations sur la prise en charge de la neutropénie en cancérologie

tous les 21 jours pour des protocoles en J1=J21, ou tous les 14 jours pour les proto-coles en J1=J14(24).La question n’est pas clairement résolue concernant la posologie du lenograstim et filgrastim. Les résumés des caractéris-tiques des produits (RCP) font état d’une posologie d’une injection sous-cutanée quotidienne de 30 000 UI (34 000 pour le lenograstim), débutant 24 à 72h après le dernier jour de chimiothérapie et jusqu’à un nombre de neutrophiles suffisants ou stables après le nadir. Les études initiales utilisaient 10 jours d’injections successifs. Il n’existe toujours pas de données dans la littérature justifiant une autre durée de fil-grastim bien que les pratiques varient selon les équipes d’une durée de 7, 5, 3 jours suc-cessifs, voir même 1 jour sur 2.

Pour quel coût ?En France, les G-CSF sont pris en charge à 100% dans leur indication de réduction de

la durée de neutropénie chimio-induite. A la date de publication de cet article, le peg-filgrastim coûte en France 979,08€ l’injec-tion, contre 97,05€ l’injection de lenogras-tim, le filgrastim dispose de biosimilaires dont le prix de l’injection varie d’environ 79€ à 100€.

L’éducation : patient, entourage, soignants.Idéalement, le patient et son entourage doivent être informés du risque de neu-tropénie fébrile lors des consultations d’annonce, par le médecin ou l’infirmière d’annonce. L’ESMO recommande une éducation du patient et de son entourage à l’auto surveillance et à la détection des symptômes d’alerte comme la fièvre. Elle recommande également la remise d’un document écrit résumant les protocoles de l’équipe concernée en cas de suspicion de NF. De la même manière, si le patient est susceptible de se rendre au service d’accueil

des urgences en cas de suspicion de NF, un protocole de prise en charge doit être dis-ponible dans le service.Il n’existe actuellement aucune donnée dans la littérature permettant de justifier des conseils d’éviction de contextes infec-tieux, bien qu’il soit de bon sens médical de les donner aux patients afin de limiter le risque de survenue de neutropénie fébrile : éviter les enfants, la foule, les transports en commun, limiter ses déplacements…

Quid de la vaccination ?Il s’agit d’une question fréquemment posée à la fois par les patients et leurs médecins. En pratique, elle concerne les vaccinations dirigées contre les virus grippaux et les pneumocoques. Des recommandations ont été émises par Melcher en 2005(25) les concernant. Le virus anti-grippal est recom-mandé de début octobre à fin novembre, avant la saison épidémique, si possible au moins 2 semaines avant le début de la

Figure 1. Algorithme décisionnel de la MASCC/ESMO pour l’initiation d’une prophylaxie primaire de la neutropénie fébrile par G-CSF

Etape 1Evaluer la fréquence de neutropénie fébrile (NF) avec le protocole prescrit

Etape 2Evaluer les facteurs qui augmentent la fréquence de NF

Prophylaxie G-CSF recommandée

Risque de NF ≥ 20% Risque de NF 10-20%

Haut risque

Augmentation du risque(Evidence niveaux 1 et 2)

Autres facteurs(Evidence niveaux 3 et 4)

Age > 65 ans

Maladie avancéeAntécédent de NFAbsence de prophylaxie antibiotique, pas de G-CSF

Mauvais état général ou statut nutritionnelSexe fémininHémoglobine < 12g/dLComorbidités hépatique, rénale, cardiovasculaire

Risque de NF < 10%

Risque de NF ≥ 20% Risque de NF < 20%

Etape 3Définir le risque global de NF pour le protocole de chimiothérapie prescrit

Prophylaxie G-CSF non indiquée

ÉVALUERA CHAQUECYCLE

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chimiothérapie ou pendant l’intercure le cas échéant. Si l’efficacité de sa protection est moindre en cours de chimiothérapie(26), sa tolérance est comparable à celle de la population générale(27). Concernant le vaccin anti-pneumococcique, il est recom-mandé quelle que soit la saison, au moins 2 semaines (idéalement 4 à 6 semaines) avant l’initiation de la chimiothérapie. Si ce laps de temps entre la chimiothérapie et la vaccination ne peut être respecté, il est recommandé d’attendre 3 mois avant la fin de la chimiothérapie pour l’effectuer. Le vaccin conjugué semble également plus efficace que le vaccin polyosidique(28). La vaccination chez les patients immunodé-primés étant moins efficace que dans la population générale, il est recommandé de vacciner leur entourage afin de maximiser la protection de cohorte.

Traitement de la neutropénie fébrile.

Prise en charge ambulatoire ou hospitalière ?La MASCC, sous l’impulsion de J. Klastersky a établi en 2000(29) un score permettant de sélectionner les patients à faible ou haut risque de complication. En ce sens, on peut ainsi établir des orientations sur ceux potentiellement éligibles à une prise en charge ambulatoire. Ce score a été validé à maintes reprises prospectivement dans différentes cohortes(30, 31) qui retrouvent des valeurs prédictives positives entre 86

et 98% et des valeurs prédictives négatives entre 81 et 86%. Ce score est présenté dans le tableau 2.Dans tous les cas, un examen physique complet et approfondi est indispensable afin d’identifier un point d’appel infectieux permettant une antibiothérapie la plus ciblée possible.

Patients à bas risque (Score MASCC>21)

Une prise en charge ambulatoire du pa-tient devient de plus en plus séduisante, que ce soit pour des questions de confort du patient, économiques ou de limitation du risque d’infection nosocomiales. En l’absence de point d’appel infectieux, une double antibiothérapie orale par amoxicilline-acide clavulanique (1g trois fois par jour) et ciprofloxacine (500mg deux fois par jour) pendant une durée minimale de 7 jours ou une mono-an-tibiothérapie par moxifloxacine sont classiquement recommandées depuis la démonstration par Kern pour l’EORTC en 2013(32) de leur équivalence.Une réévaluation de l’antibiothérapie à 48h doit être effectuée conformément aux recommandations HAS(33) lors de toute prescription antibiotique.

Patients à haut risque (Score MASC<21)

Leur prise en charge doit être hospitalière avec une antibiothérapie intraveineuse à large spectre devant être débutée dès que possible, le risque de sepsis étant très éle-vé(34).En l’absence de point d’appel infectieux, le choix de l’antibiothérapie de première intention doit dépendre de l’écologie microbienne locale afin d’envisager une éventuelle couverture de germes résistants (SARM, BLSE…). Plusieurs méta-analyses ont conclu à l’absence de différence entre les monothérapies(35) (ceftazidime, cefe-pime, imipinème, meropenème, pipéracil-line-tazobactam) et les associations avec les aminosides(36).

Les infections de cathéter.En cas de suspicion d’infection du cathéter,

pouvant se manifester par un érythème, un écoulement ou des douleurs à son niveau, des hémocultures doivent être prélevées sur celui-ci ainsi qu’en périphérie. Un différen-tiel de pousse de plus de 2h des hémocul-tures prélevées sur le cathéter par rapport à celles prélevées en périphérie est très significativement en faveur d’une infection de celui-ci(37). Le traitement probabiliste doit comporter un glycopeptide comme la vancomycine afin de couvrir les bacté-ries Gram-positives. Le germe le plus fré-quemment retrouvé est le staphylocoque à coagulase négative (SCN). Si un retrait du cathéter peut être évité par réalisation de verrous sur celui-ci lorsqu’effectivement un SCN est retrouvé, cette attitude conser-vatrice est un facteur de risque de récidive d’infection(38), c’est pourquoi un retrait du cathéter reste souvent recommandé.

Les pneumopathies.Si une pneumopathie est suspectée clini-quement ou radiologiquement, le traite-ment antibiotique peut être étendu afin de couvrir les germes atypiques comme les légionnelles ou les mycoplasmes par l’adjonction d’un macrolide ou d’une fluo-roquinolone à une bêta-lactamine. Une pneumocystose doit être évoquée en cas de désaturation ou de tachypnée au moindre effort chez des patients sous corticothéra-pie au long cours, exposés aux analogues des purines, n’ayant pas reçu d’antibiopro-phylaxie par co-trimoxazole(39).En cas d’infiltrat pulmonaire, à fortiori chez les patients en cours de chimiothérapie d’induction pour leucémie aiguë myéloïde (LAM) et chez ceux recevant une greffe de cellules souches hématopoïétique, un trai-tement antifongique ciblant l’aspergillose est nécessaire(40) (voriconazole ou ampho-tericine B liposomale) et un scanner thora-cique doit être réalisé.

Les méningites ou encéphalites.Une ponction lombaire doit être réalisée, si possible avant l’introduction du traitement antibiotique. Les méningites bactériennes doivent être traitées par ceftazidime et am-picilline (en cas de listeriose) ou merope-nème. Les encéphalites virales sont traitées par des hautes doses d’aciclovir.

Tableau 2. Score de prédiction des complications graves des neutropénies fébriles.

Déterminant Points

Gravité de la maladie :Absence de symptômes ou symptômes légersSymptômes modérés

5

3

Absence d’hypotension artérielle 5

Absence de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO)

4

Tumeur solide ou absence d’antécédent infectieux fongique en cas d’hémopathie maligne

4

Patient ambulatoire 3

Absence de déshydratation 3

Age <60ans 2

Légende : Seuil : un score ≥21 (maximum 26) prédit un risque de complication grave <5 %

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Dossier : Prise en charge Des toxicités Digestives

Recommandations sur la prise en charge de la neutropénie en cancérologie

Les infections cutanées.En cas de cellulite ou de dermo-hypoder-mite, l’addition de vancomycine élargi la couverture aux germes cutanés. Si une infection virale est suspectée, par exemple en cas de vésicules, de l’aciclovir doit être débuté après réalisation des pré-lèvements(41). Le ganciclovir ou le foscarnet ne doivent lui être substitué qu’en cas de haute suspicion d’infection à CMV inva-sive(42).

Les sepsis digestif ou pelviens.La suspicion clinique ou microbiologique de sepsis à point de départ intra-abdomi-nal ou pelvien doit faire initier du métro-nidazole. Le carbapénème ou l’association piperacilline-tazobactam sont une alter-native du fait de leur couverture suffisante envers les anaérobies.

Les diarrhées.Des coprocultures sont nécessaires à la re-cherche des toxines A et B du Clostridium difficile et en cas de suspicion, du métroni-dazole ou de la vancomycine doivent être administrés.

Les candidémies.Les patients en cours de traitement myéloa-blatif pour hémopathie maligne ou subis-sant une neutropénie prolongée sont les plus à risque de candidémies. Bien qu’elles peuvent être diagnostiquées par hémo-cultures, leur temps de pousse est long et l’initiation d’un anti-fongique empirique est recommandé en cas d’échec après 3 à 7 jours d’antibiotiques à large spectre. De l’amphotericine liposomale pegylée ou de la casponfongine sont des premières lignes adéquates si le patient a déjà été exposé aux imidazolés ou s’il est colonisé par des Candida non albicans. Si une aspergillose invasive est suspectée, le traitement repose sur le fluconazole.

Surveillance quotidienne et réévaluation du traitement

La sévérité du tableau clinique doit guider la fréquence de la surveillance clinique. Biologiquement, une numération globu-laire et une évaluation de la fonction rénale quotidienne est recommandée jusqu’à

l’apyrexie et une valeur absolue de PNN supérieure à 500/mm3 (0.5.109/L). Un relais oral peut être envisagé si le patient est apyrétique, des PNN>500/mm3, est à bas risque et sans point d’appel retrouvé. En cas de persistance de la fièvre à 48h et d’instabilité clinique, certaines unités d’hé-matologies introduisent un glycopeptide lorsque d’autres changent pour l’imipinem ou le meropenème et un glycopeptide. Ce groupe de patient à très haut risque doit pouvoir bénéficier d’un avis infectiolo-gique rapide et des infections rares doivent être évoquées.

Durée de l’antibiothérapie

Lorsque le patient est asymptomatique, que les hémocultures sont négatives et que les PNN sont supérieurs à 500/mm3, les antibiotiques peuvent être arrêtés.Si les PNN sont toujours inférieurs à 500/mm3 mais que le patient n’a pas eu de complications et qu’il est apyrétique de-puis 5 à 7 jours, l’arrêt de l’antibiotique est recommandé également sauf dans certains cas de leucémie aiguë ou de chimiothéra-pie à haute dose, auquel cas il sera prolon-gé pour 10 jours ou jusqu’à dépassement du seuil de PNN.

Les recommandations-clés de l’ESMO

Les neutropénies fébriles touchent envi-ron 1% des patients sous chimiothérapie et sont associées à une morbidité considé-rable (20 à 30%) et une mortalité élevée (10%).Elles peuvent être prévenues par l’utilisa-tion des G-CSF dont l’usage est recomman-dé chez les patients recevant une chimio-thérapie ayant un risque de NF supérieur à 20% ou chez ceux ayant des comorbidités sévère ou un âge supérieur à 60 ans.Le risque de complication des patients en NF doit être évalué par des scores prédictifs comme celui de la MASCC.Les patients à faible risque de complica-tions peuvent fréquemment être traités de façon ambulatoire si un suivi adéquat est possible.Les patients à haut risque de complications doivent être hospitalisés et traités sans

délai par antibiotique à large spectre. Une surveillance clinique étroite est indispen-sable.  •

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66 #2 - Novembre 2016

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Rencontre avec deux patients et un proche, vendredi 30 sep-tembre 2016, à l’hôpital St Antoine. Le premier patient, Monsieur B., est atteint d’un cancer colorectal avancé. Il a subi 18 chimiothérapies, avec de nom-breux épisodes d’anémie. Du fait de la longueur de son traitement, Monsieur B. vit véritablement dans un état d’immunodépression récurrent en fonction des diffé-rents traitements qu’il a reçus. Il connaît donc bien les inconvénients de la vie d’un immunodéprimé, l’organisation personnelle qu’elle requiert. Monsieur B est venu avec sa compagne, toujours active à ses côtés dans son traitement.Madame B.  est anémiée chronique en raison d’un syndrome d’hémoglobinurie paroxystique nocturne Elle a été diagnostiquée d’un cancer du sein il y a 6 ans et a subi de nombreuses transfusions. Son vécu de l’anémie s’étend sur des années : à anticiper les rechutes, à gérer les symptômes, à s’organiser pour une vie fatiguée.

Neutropénie

De l’intérêt de l’auto-injection« Le plus contraignant c’est les traitements par GCSF sur trois jours d’affilé, car il faut com-poser avec les horaires des infirmier-e-s, qui ne sont pas les nôtres. » Les patients décrivent des levers matinaux, des heures d’attente, des week-ends suspendus. Beaucoup d’at-tente pour deux minutes d’injections.« Quand on travaille c’est un vrai problème. On se réveille aux aurores malgré la fatigue des traitements, mais souvent l’infirmier-e est déjà en retard, et nous prenons du retard pour notre journée par la même occasion. »L’auto-injection est encore vue comme un geste traumatisant. Monsieur B : « L’auto-injection, j’aime pas trop ça. J’ai tout un rituel pour y arriver : je me lève très tôt le matin, je choisis une lumière faible, je vais dans salle de bain, je ferme la porte et je dois vraiment être totalement seul. » Les patients disent ensemble qu’ils ne souhaitent en aucun cas que leur compagnon soit impliqué ou témoin. « Les proches sont déjà accablés, je ne voulais pas rajouter ce poids. » En France, 30% des patients pratiquent des auto-injections de GCSF, quand 99% le font au Canada. Ce geste qui simplifierait tellement la vie des patients est encore perçu comme l’intrusion de l’hôpital chez eux, comme un symbole de la gravité de la maladie : pénible pour eux, fardeau supplémentaire pour les proches. S’injecter n’est pas prendre un cachet : il demeure une vraie barrière culturelle.

Gestion des douleurs osseuses, prévenir de l’intensitéLes patients ont rapidement parlé des douleurs osseuses : « ça fait vraiment très mal, disons 8,5 sur 10. Fémur, genoux, bas du dos ». Ils décrivent des douleurs soudaines, comme un pic. « J’ai appris à le repérer : si j’avais des sueurs froides en journée, je savais que j’aurais un pic de douleur la nuit. » Les deux patients étaient prévenus de ces douleurs ; mais tous deux ont dit qu’ils en avaient sous-estimé l’amplitude. Les médecins les leur mentionnaient sans les

Marie-Line GarciaService d’Oncologie Médicale Hôpital Saint-Antoine Paris

Gestion anémie et neutropénie, conversation avec les patients

Gestion anémie et neutropénie, conversation avec les patients

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prévenir sur le niveau de douleur et donc les précautions à prendre, l’organisation à mettre en place ou les inconvénients pour le som-meil. « La première fois je ne m’y suis pas du tout attendu, j’ai passé une nuit horrible. Et comme le traitement antidouleur est venu trop tard, les jours d’après non-plus n’ont pas été gais ». Ils décrivent tous deux « une énorme grippe ». La prise de paracétamol de façon préventive per-met véritablement d’atténuer la douleur, et d’éviter que celles-ci ne durent 3-4 jours. L’information du patient sur le niveau de douleur possible lui permet de prendre les devants, et d’éviter la panique et l’épuisement psychologique.

Vivre avec le souci des infectionsLes patients ont décrit une véritable psychose autour des microbes. La compagne de Monsieur B nous a raconté : « quand j’ai eu une angine blanche, je suis allée vivre quelques jours chez ma sœur. Et de manière générale, si nous rendons visite à ma sœur, nous nous lavons les mains plusieurs fois par heure par peur des microbes que les enfants pourraient avoir » Les patients décrivent un lavage de main systéma-tique, et l’hyper vigilance dans les transports en commun (mains, contacts, toux). Peut-on leur simplifier la vie dans ces conditions ? Sont-ils suffi-samment informés des risques réels ? Le descriptif d’une psychose laisse penser que non, et qu’une information précise sur les germes et les gestes préventifs reste à faire. Car après tout, où les patients sont-ils les mieux protégés des infec-tions ? Madame B raconte : « une fois j’ai été hospitalisée car mes globules blancs n’étaient pas bons. Au bout de quelques jours, le médecin m’a dit  : « sortez et mettez un masque ; dans tous les cas, au niveau infectieux, vous serez mieux chez vous qu’à l’hôpital. »

Anémie

Une fatigue si particulière à l’anémieLes patients décrivent une fatigue chronique et l’impossibilité de récupérer, même après le sommeil. Une fatigue bien différente de celle qui suit habituellement un effort. « Le problème c’est surtout la concentration, en particulier quand l’anémie est installée, car on lutte vraiment pour rester réveillé. Et quand on se réveille, la forme ne dure pas, on n’est pas reposé. »Si Monsieur B décrit surtout ses problèmes de concentration, Madame B parle plutôt de son essoufflement et de ses douleurs articulaires liées à l’anémie. La journée s’articule entre le lit, des siestes et le canapé, avec des phases d’éveil qui peuvent se limiter à 3 ou 4 heures par jour. Mais tous deux disent ne pas avoir été en situation de dépendance pour autant, et s’astreignaient à certaines activités quotidiennes. Monsieur B  : «  je ne me permettais pas de ballade, oh non, ça c’était impossible ! Mais je me forçais à aller faire les courses, même si c’était épuisant. » Et pour Madame B : « pour ma part, je me forçais à aller chercher ma fille à l’école. Mais je ne pouvais pas faire tellement plus. »

Profiter de la fatigue, savoir l’accepterParadoxalement, les patients admettent aussi que le repos forcé a des bienfaits : « Il faut dire aussi que comme j’en faisais moins, j’avais

moins d’effets secondaires, et je me reposais mieux car je m’endormais facilement.  » Ne serait-il pas utile au fond d’accepter le repos et même de finir par profiter de cette fatigue, pour les personnes dont les vies professionnelle et personnelle peuvent le permettre ? Car la récupération après injection d’EPO est longue, et il est important d’accompagner les patients dans l’organisation de leur vie autour de la fatigue afin de ne pas rajouter de fatigue psychologique à la fatigue physique.

De l’intérêt de mesurer la fatigue« Le médecin a des question types lorsqu’il nous interroge sur notre fa-tigue, mais il ne comprend pas le degré réel de fatigue, et au final nous sommes tout seul à la gérer ». « La visite est une routine, on ne sent aucune réaction en provenance du médecin. »Il est vrai que l’échelle OMS parle peu au patient. Et il n’est pas faux de dire qu’elle nous semble souvent insuffisante. Nous avons découvert, lors de l’entretien-même, que Madame B était incapable de monter ses escaliers deux ou trois jours avant ses transfusions, chose qui n’avait jamais été porté à notre connaissance. Quel intérêt à connaître la fatigue plus finement ? Certains diront qu’il n’y a pas grand-chose de plus à faire pour la limiter. Mais on pourrait arguer qu’à mieux connaître le patient on prend de meil-leures décisions : décider de reporter un traitement, et de manière générale, mieux anticiper la tolérance au traitement et par consé-quent, l’observance. Car le mot «  fatigue  » utilisé par le patient, peut venir qualifier bien des choses : pour certains il montre l’an-goisse, pour d’autres un ras-le-bol, et d’autres encore, une véritable pénibilité physique. Il s’agit d’évaluer au mieux le patient dans son ensemble. Et même si le temps de consultation est restreint, de-mander au patient de décrire son quotidien est parfois révélateur du niveau de tension, et de l’impact des décisions thérapeutiques sur sa vie. Ce qui est crucial pour l’efficacité du traitement.Dans la plupart des cas, nous revoyons le patient pour sa cure, et c’est le moment où il va le mieux ; Si on pouvait le voir in-situ, on sous-estimerait sûrement moins la fatigue. Mais en attendant, une minute en plus dans la consultation permet d’anticiper, surtout face à des patients qui n’ont pas toujours la possibilité de tirer la sonnette d’alarme.Comme Monsieur B l’a dit : « C’est vrai qu’on ne m’a jamais demandé combien de temps je restais allongé. Toute la journée en fait. Et certains jours j’avais 30 minutes de concentration possible, alors que je devais continuer à travailler. »

Conclusion

Les traitements de support requièrent eux aussi un bon niveau d’information. Nous l’avons vu ici avec les douleurs osseuses ou le niveau de fatigue, le patient est livré à lui-même. Certains sauront avancer seuls, d’autres reviendront vers nous avec des réactions imprévues : épuisement psychologique, aversion aux traitements, et dans certains cas, hospitalisations. •

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Dossiers • prise en charge des toxicités digestives • économie et recommandations

en anémie et neutropénie

#2Revue annuelle bilingueNovembre 2016

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nouvelles prises en chargeWWW.TAO-MEETING.COM

7e ÉDITION

30 NOVEMBRE1ER DÉCEMBRE2017