7 - 8 juin 2017 - ehess.fr · au Maroc : comment les chaines d’approvisionnement transforment...

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Conférence internationale Propriété et Environnement dans les Pays en Développement 7 - 8 juin 2017 Muséum National d’Histoire Naturelle, Auditorium de la Grande Galerie de l’Evolution ANR GOVENPRO

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Conférence internationale Propriété et Environnement

dans les Pays en Développement

7 - 8 juin 2017

Muséum National d’Histoire Naturelle,Auditorium de la Grande Galerie de l’Evolution

ANR GOVENPRO

Le comité d’organisation

remercie l’UMR PALOC, l’IRD et le Muséum national d’Histoire naturelle pour leur soutien et tout particulièrement Murielle HONORE (UMR PALOC, IRD-MNHN) pour son professionnalisme et son indéfectible assistance.

Frédéric Thomas ; Sarah Benabou ; Tarik Dahou (UMR PALOC IRD-MNHN) ; Fabien Locher (UMR CRH, CNRS-EHESS), Valérie Boisvert (Université de Lausanne)

Mercredi 7 Juin

Ouverture du colloque

Session 1. Réformes foncières et gestion des ressources naturellesPrésidée par Tarik DAHOU (Chargé de recherche à l’IRD, Anthropologue, politiques et anthropologie de l’environnement, UMR Patrimoines locaux, IRD-MNHN)

09:30-10:00

10:00-10:40

Accueil des participants, présentation de la Conférence internationale Propriété et environnement dans les pays en développementSarah BENABOU (Chargée de recherche à l’IRD, Anthropologue, économie de l’environnement, UMR Patrimoines locaux, IRD-MNHN)

Le défi mexicain : articuler droit de propriété et droit environnementalJade LATARGERE (Doctorante en géographie, laboratoire CITERES, Université François Rabelais, Tours / CEMCA, Mexico)

L’espace qui est dans les lois. Ce que disent les lois foncières et la façon dont elles ont été « fabriquées » sur la (re)création de la propriété au Viêt-Nam et au Cambodge depuis 1980Marie MELLAC (Maître de Conférences en Géographie, Passages, UMR 5319 CNRS-Université Bordeaux Montaigne)

Au Mexique, 21 millions d’hectares (14% du territoire) sont classés en aires protégées, mais 80 % sont des propriétés privées ou collectives. Il en résulte de nombreux conflits entre les politiques nationales de conservation et les droits des propriétaires fonciers. Cette communication examine comment l’Etat essaie dans ce contexte de restreindre les droits des propriétaires sur les ressources par différents outils juridiques (les servitudes) ou économiques (contrats, concessions, etc.) sans remettre en cause la propriété foncière. L’examen de ces outils montre qu’ils sont surtout mis en œuvre sur les propriétés collectives pour limiter les droits des communautés, et beaucoup moins en direction des propriétaires privés.

Les contrastes de finage et de parcellaires constituent un fait paysager marquant entre le Vietnam et le Cambodge particulièrement quand on les observe à la frontière dans une continuité orographique. Cette communication part de l’idée que ces contrastes paysagers sont le produit des régimes de ressources, très différents de part et d’autre de la frontière, institués par les lois foncières nationales. Depuis les décollectivisations, ces lois articulent diverses formes d’appropriation du foncier, allant de la propriété d’Etat à la propriété privée individuelle en passant par l’octroi à longs termes de vastes concessions ou la possession temporaire. Ces articulations sont issues des jeux de pouvoir et de représentations de l’espace qui se cristallisent autour de la fabrique du droit foncier et reflètent la transformation des rapports entre Etat et société.

Mercredi 7 Juin

10:40-11:00

11:40-12:00

12:00-12:30

12:30-14:00

11:00-11:40

Pause caféRestaurant de la Grande Mosquée de Paris, 39 rue Geoffroy Saint-Hilaire

Questions et discussions avec la salle

Clôture de la session 1

Pause déjeunerRestaurant de la Grande Mosquée de Paris, 39 rue Geoffroy Saint-Hilaire

Régimes fonciers et durabilité, à qui appartiennent les plaines inondables du Pantanal brésilien ?Rafael CHIARAVALOTTI (Chargé de recherche à l’Institut de recherches écologiques, Sao Paulo, Brésil)

Gestion sociale de l’irrigation et dynamique de la propriété foncière dans les zones montagneuses du nord du Vietnam Emmanuel PANNIER (Chargé de recherche à l’IRD, Anthropologue, UMR Patrimoines locaux, IRD-MNHN)

La transformation des formes de propriété par le filon de l’huile d’Arganier au Maroc : comment les chaines d’approvisionnement transforment l’infrastructure foncière Bertram TURNER (Directeur de recherche au Max Planck Institute for Social Anthropology, Department of Law & Anthropology, Halle)

Dans le but de combiner la lutte contre la pauvreté et la conservation de l’environnement, les politiques publiques au Brésil ont souvent cherché à octroyer des titres fonciers légaux aux communautés locales (entitlement policy), mais sans toujours obtenir les résultats attendus. Les plaines inondables du Pantanal constituent un exemple éloquent. L’exploitation de leurs ressources faisait l’objet de filières traditionnelles relativement durables mais la protection de ces plaines a déclenché de nombreux conflits entre différents régimes de propriété se chevauchant. Partant de cette étude de cas, l’auteur considère que toute politique visant à formaliser des titres de propriété en vue de conserver l’environnement devrait s’appuyer sur des enquêtes économiques, écologiques et anthropologiques permettant de définir les priorités de ces politiques.

Cette communication vise à présenter quelques facettes des modes locaux de gestion de l’irrigation de rizières en terrasse dans une commune pluri-ethnique (Giáy, Dao, Kinh) de la province de Lao Cai (Nord du Vietnam, à la frontière avec la Chine). Par rapport aux zones deltaïques (delta du Fleuve Rouge et Mékong), l’État intervient peu dans la gestion de l’eau de ces régions et les populations locales gèrent par elles-mêmes les canaux et le partage de la ressource. Il en résulte donc des formes d’organisations collectives locales indépendantes des pouvoirs publics. Mais comme l’articulation entre ces systèmes locaux d’irrigation et les différents régimes de propriété des terres agricoles est forte, les réformes foncières de l’Etat ont profondément touché désormais ces systèmes communs d’irrigation. L’auteur en décrit les effets les plus récents sur la gestion communautaire de l’eau.

Mercredi 7 Juin

Session 2. Gestion communautaire, exclusions et justice sociale et environnementale Présidée par Sarah BENABOU (Chargée de recherche à l’IRD, Anthropologue, économie et anthropologie de l’environnement, UMR Patrimoines locaux, IRD-MNHN)

14:00-14:30

14:30-15:30

IntroductionJustice et théorie des communs : réexaminer la participation des femmes dans la gestion communautaire de l’eau du NépalFloriane CLEMENT (Chercheuse à l’Institut International de gestion de l’eau, IWMI, Kathmandu, Népal)

Justice et reconnaissance des concessions foncières : points de vue depuis le Mozambique postcolonialClara GOMES (Doctorante, School of International Development, University of East Anglia, UK & University of Aveiro, Portugal)

Des mines aux communs : le cas des expropriations ratées en IndeMadhuri KARAK (Doctorant, The Graduate Center, City University of New York, USA)

Depuis plusieurs décennies une “mode” privilégiant la gestion communautaire et la reconnaissance des droits des communautés (et s’inspirant de la théorie des communs) s’est imposée dans de nombreux programme de gestion de l’eau. De nombreux travaux critiques ont montré que cette mode pour le « community-based management » avait de nombreux effets d’exclusion. Partant de ce constat, l’auteure milite en faveur d’un dialogue entre les deux approches. Elle entend pour cela faire progresser la conceptualisation des notions d’équité et d’inclusion dans la théorie des communs en utilisant le cadre analytique de la justice sociale et environnementale et met en œuvre ce programme dans l’étude de cas au Népal de deux programmes de transfert de systèmes d’irrigation vers les communautés.

A la faveur de la crise des prix agricoles des années 2000, le land grabbing est devenu un phénomène de grande ampleur au Mozambique. A partir d’un travail d’enquête dans deux concessions auprès des représentants du gouvernement, des chefs coutumiers, des directeurs des entreprises et de la population locale… l’auteure examine les effets d’exclusion de ces concessions en mobilisant les concepts de la justice environnementale et particulièrement le principe de « reconnaissance » que les populations locales mobilisent beaucoup pour diminuer l’exclusion dont elles sont victimes.

La communication porte sur un mouvement indigène contre une exploitation minière de bauxite dans les montagnes du Sud de l’Odisha en Inde, dont la réussite a été d’opposer l’invisibilité de la ressource – regardée par l’Etat comme un bien public à mettre en valeur – à la visibilité de la forêt et des écosystèmes terrestres qui fournissent des ressources communes sur lesquelles les populations locales ont des droits reconnues. A partir d’une série d’arrêts de la Cour suprême, la communication étudie l’opposition entre les ressources minières comme biens publics ou comme supports d’un bien commun local.

Mosaïque de systèmes fonciers mexicains : Divers chemins dans la conservation de la NatureElena LAZOS (Maître de conférence, Institut de recherche sociale, Université nationale autonome du Mexique UNAM)

Au Mexique les réformes agraires ont été régulièrement mises en échec au cours de l’histoire par les grands propriétaires et l’Eglise. Il en a résulté, en réaction, de très fortes organisations sociales communautaires qui sont devenues des acteurs centraux dans l’organisation de l’exploitation des ressources communautaires. L’objectif de cette présentation est d’analyser les différents régimes de propriétés foncières qui se chevauchent (propriété privée, propriété communautaire et ejido) afin de comprendre le rôle et la complexité de l’articulation des régimes fonciers, des organisations sociales et les politiques agricoles dans les différentes périodes historiques de l’évolution des ressources naturelles.

15:30-15:50 Questions et discussions avec la salle

15:50-16:10 Pause caféRestaurant de la Grande Mosquée de Paris, 39 rue Geoffroy Saint-Hilaire

16:10-16:40 Clôture de la session 2

La question du foncier en Inde Mike LEVIEN (Professeur-assistant, Département de Sociologie, Johns Hopkins University, Baltimore, USA)

Depuis le milieu des années 2000, des “guerres foncières” se multiplient en Inde, particulièrement à cause du développement par les Etats de Zones économiques spéciales qui exproprient des communautés entières. En fait, les phénomènes de dépossessions ont commencé bien avant les années 2000, les politiques de développement industriel pilotées par l’Etat avait déjà entrainé beaucoup d’expropriations, mais c’est aujourd’hui une spéculation foncière de type néo-libérale, sans croissance industrielle, qui est désormais le principale moteur de ces expropriations. En étudiant l’une des plus grandes ZES du nord du pays, l’auteur propose d’analyser les effets du tournant libéral sur cette guerre des terres et notamment l’augmentation des effets d’exclusion sur les populations rurales.

Mercredi 7 Juin

Jeudi 8 Juin

Session 3. Droits des communautés, migrations et conservation des forêtsPrésidée par Fabien LOCHER (Chargé de recherche au CNRS, Historien, CNRS-EHESS, CRH-Grhen)

09:30-10:00

10:00-10:40

IntroductionLa forêt et le mandat : transformer le travail mobile en capital agraireNancy PELUSO (Professeur en sciences et gestion de l’environnement, University of California, Berkeley)

Gouvernement international de l’environnement : Vers de nouvelles formes de propriété privée et de propriété collective des terresAndrianina RAKOTOSOA (Doctorante - Université de Liège & Université d’Antananarivo)

Comment le travail des immigrés transforme-t-il les droits de propriété et d’accès ? Dans les montagnes de Java, où les forêts exploitées et les plantations agricoles datent de l’appropriation coloniale des terres au XIXe siècle, les massifs forestiers sont en train d’être reconfigurés par des sujets inattendus : les femmes et les filles des travailleurs de la forêt sous contrat. Employées comme domestiques à Hong Kong ou dans les autres riches métropoles d’Asie, ces femmes envoient de l’argent chez elles, à Java, sous la forme de mandats. Elles ou leurs époux investissent cet argent dans une nouvelle ressource rurale, le bétail. Doucement, sans réellement l’avoir planifié, ces femmes ont teinté la forêt d’une nouvelle identité de genre, sans toutefois expulser complètement les hommes et l’association masculine entre forêt, coupe du bois et collecte de la résine. Elles ont commencé à se réapproprier la forêt. Cet exposé montrera comment des femmes marginalisées, et exploitées comme domestiques à Hong Kong, ont fini par transformer le visage forestier de Java, à coup de mandats envoyés à leurs familles.

A Madagascar, l’Etat a plus ou moins délégué la gestion de ses ressources naturelles de valeur exceptionnelle aux grandes ONG internationales de conservation, tandis que la gestion durable des ressources ordinaires a été transférée aux communautés locales. Par conséquent, à coté de la gestion coutumière des terres ces nouveaux gestionnaires bénéficient de nouvelles formes de propriété privée ou collective et de la jouissance des ressources résultant de leur mission de conservation. L’auteure montre, à partir d’une étude de cas (zone forestière d’Ankarafantsika et de Morondava), que ces transferts de droits génèrent de nombreux conflits car ils restreignent les droits d’usage coutumier (souvent sans titre), bouleversent les arrangements locaux de la gestion foncière, et ne vont finalement pas toujours dans le sens de la conservation.

Jeudi 8 Juin

Formalisation des régimes fonciers et mesures d’atténuation liées au changement climatique : le cas des projets REDD+ en TanzanieEce MELIS (Post-doctorante, Université de Istanbul Bilgi)

Pour diminuer les impacts du changement climatique, les programmes REDD+ reposent avant tout sur l’échange du carbone forestier. Pour réaliser ce type de transfert de valeur, l’institutionnalisation de titres fonciers est le préalable de tous ces programmes. Il faut en effet reconnaître des “propriétaires” ayant des droits sur les forêts pour pouvoir les payer pour la déforestation évitée. La communication étudie cette formalisation des titres fonciers dans le cadre de la mise en place de programmes REDD + en Tanzanie. Elle montre que la sécurisation des titres fonciers est désormais avant tout orientée vers la réalisation des mécanismes REDD+, ce qui débouche sur des enclosures des forêts communes au détriment des droits des populations locales.

10:40-11:00 Pause caféRestaurant de la Grande Mosquée de Paris, 39 rue Geoffroy Saint-Hilaire

11:00-11:40 La reconfiguration des droits : Pratiques de contestation et production de discours en contexte de recul de l’ÉtatManasi KARTHIK (Doctorant, School of African and Oriental Studies, University of London)

Les communs forestiers et le nouveau paradigme dans la gestion de l’environnement : une coexistence difficile dans les Carpates (Roumanie)Monica VASILE (Directrice du projet Romanian Forest Commons, Institut de Sociologie, Académie de Roumanie, Bucarest)

La loi forestière de 2006 en Inde est considérée comme la loi qui reconnaît pour la première fois aux populations locales un droit sur la gestion forestière (gestion jusqu’ici très étatique). La communication étudie comment cette reconnaissance s’est organisée entre l’Etat, les pouvoirs locaux et la société. La loi exige notamment que les communautés ou les personnes qui revendiquent des droits, soit, appartiennent à des groupes ethniques enregistrés, soit, démontrent qu’elles résident sur place depuis au moins trois générations. Le but de cette communication n’est pas de savoir si cette reconnaissance des populations locales favorise ou non le développement et la conservation des forêts, mais d’observer comment le processus de reconnaissance des droits reconfigure des relations sociales préexistantes.

En Roumanie des centaines de forêts et de pâturages en propriété commune ont été recréées depuis une vingtaine d’années par les réformes successives de la période post-socialiste. Ces créations se réfèrent à l’existence des forêts communales préexistant à la collectivisation des terres en 1948. Bien sûr la résurgence de ces communs dans le contexte néolibéral contemporain en fait tout à fait autre chose que ce qu’elles étaient avant la période collectiviste. Cette communication est basée sur une enquête quantitative portant sur 330 communs forestiers et pastoraux différents. Elle décrit les règles d’accès à la ressource instituées dans ces nouveaux communs particulièrement celles cherchant les équilibres entre optimisation de la production et durabilité de l’exploitation et leur lien avec le nouveau paradigme de la pensée de la conservation : la gestion communautaire des ressources.

11:40-12:00 Questions et discussions avec la salle

Jeudi 8 Juin

14:00-14:30 IntroductionAsymétries de pouvoir, Etats ingouvernables, et faisceaux de droits de propriétéPrakash KASHWAN (Professeur assistant – Département de Sciences politique, University of Connecticut)

La typologie des faisceaux de droits de Schlager et Ostrom a été critiquée par Ribot et Peluso pour trop se focaliser sur les règles et pas assez sur les rapports de pouvoir qui sont à la base de ces règles d’attribution de droits. Bien que cette critique des political ecology studies dépasse le strict cadre de la théorie des communs, son intérêt est bien de rediriger l’attention sur les inégalités politiques et économiques qui construisent les faisceaux de droits. Parmi ces asymétries de pouvoir, celui des Etats de reconnaître et de mettre en œuvre certains types de droits de propriété plutôt que d’autres est particulièrement important. La communication montre comment ce pouvoir affecte le développement de faisceaux de droits de propriété sur les ressources naturelles et étudie particulièrement les arrangements institutionnels qui garantissent la mise en œuvre des droits d’accès des citoyens aux ressources contre les agences d’Etat qui en exercent le contrôle de facto ; et la manière dont les États gèrent leurs propres conflits d’intérêts.

12:00-12:30 Clôture de la session 3

Propriété, modes de faire-valoir et gestion des ressources dans les îles Nicobar, Inde Manish Chandi (Directeur de projet, Andaman & Nicobar Islands Environmental Team)

La théorie des common property resources (CPR) s’attache à décrire les régimes de propriété collective des petites communautés dans leur très grande diversité. Cependant chaque régime est dynamique car les sociétés renégocient en permanence leur agencement. C’est particulièrement le cas lorsque ces CPR sont secouées par des catastrophes naturelles. Cette communication étudie les dynamiques institutionnelles consécutives au Tsunami de 2004 dans les îles Nicobar et particulièrement celles pour faire face aux changements en terme de disponibilité et de rareté des ressources et celles induites par la forte intervention de l’Etat dans la reconstruction des communautés locales.

12:30-14:00 Pause déjeunerRestaurant de la Grande Mosquée de Paris, 39 rue Geoffroy Saint-Hilaire

Session 4. Propriété intellectuelle, savoirs traditionnels, faisceau de droits et nouveaux communs Présidée par Valérie BOISVERT (Professeur assistante, Département de Géographie, Université de Lausanne)

Jeudi 8 Juin

14:30-15:30 Réconcilier les droits de propriété avec les univers (“mondes de vie”) indigènes : Connaissances traditionnelles à l’âge du néolibéralisme et de la marchandisationIndrani BARPUJARI (Expert en conseil et analyse de gouvernance et de gestion de l’environnement, Institut Atal Bihari Vajpayee)

Ujjal Kumar SARMA (Professeur-assistant, Sociologie et développement des communautés, Institut de gestion des forêts, Ministère de l’environnement, des forêts et du changement climatique, Bhopal, Inde)

Brevets, nouvelles enclosures de la biodiversité ? Quelques réflexions sur la récente affaire Quassia amara, Guyane françaiseFrédéric THOMAS (Chargé de recherche à l’IRD, Historien, Histoire des sciences et des techniques, UMR Patrimoines locaux, IRD-MNHN)

Partant du constat que les savoirs traditionnels sont par définition des savoirs partagés dont nul ne peut revendiquer l’exclusivité, est-il possible de les protéger par des droits de propriété intellectuelle exclusifs ? Cette communication entend démontrer que cette compatibilité passe inévitablement par un certain nombre d’ajustements du droit de la propriété intellectuelle. En réponse au pessimisme granscien prédisant qu’en faisant rentrer les savoirs traditionnels dans les rationalités marchandes ils en subiront inexorablement « l’hégémonie culturelle », les auteurs examinent comment la politique indienne permet de transformer ces savoirs en des actifs ayant une vraie valeur d’échange profitable aux communautés autochtones et locales.

Dans un procès en cours, la fondation France Liberté accuse l’IRD (l’Institut de recherche pour le développement qui m’emploie) de biopiraterie pour avoir déposé un brevet sur une molécule ayant des propriétés antipaludéennes provenant d’une plante ordinaire en Guyane française, le Quassia amara, grâce aux connaissances des populations locales, mais sans avoir associé les populations à l’invention. Je mènerai une étude latourienne des recherches en ethnopharmacologie qui ont conduit à ce véritable cas d’école, pour montrer que le problème central que rencontrent les protagonistes est in fine la cosmologie naturaliste du droit des brevets qui prétend délimiter dans les résultats de la recherche ce qui relève de la nature de ce qui n’en relève plus et peut être approprié. Je montrerai que cette doctrine naturaliste du droit des brevets est à bout de souffle, car elle empêche fondamentalement les sociétés de régler la question du partage juste et équitable des bénéfices résultant de brevets sur des gènes isolés ou de “nouvelles” molécules résultant de la purification de composants chimiques. Je proposerai d’y substituer une approche moniste des activités scientifiques pour montrer que ce qui est en jeu, n’est pas de trouver un système de compensation à la “marchandisation” de la nature (ce qu’essaie de mettre en place le protocole de Nagoya), mais de savoir ce que les société décident de garder en commun dans les résultats de la recherche et ce qu’elles acceptent de confier au marché et pourquoi.

Jeudi 8 Juin

En quête des communs urbains : La gestion disputée des déchets dans les émergentsJérémie CAVE (Doctorant, Aménagement urbain, Consultant indépendant en écologie urbaine)

Dans le champ de la political ecology et des sphères de réflexion associées, une attention croissante s’est portée sur les notions de « land grabbing », ou de « déplacement de la conservation ». Ces efforts cherchent, collectivement, à chercher à expliquer comment les enclosures de la conservation ont été façonnées par le développement capitaliste en régime néolibéral, et comment elles ont contribué à celui-ci. Cet exposé suggèrera que ce type d’interrogation peut profiter de l’adoption d’une perspective historique plus longue. Ceci sera illustré à partir du cas de la Tanzanie du Sud-Est entre 1850 et 1950. L’exposé montrera comment la participation des paysans africains à des cycles d’extraction de matières premières a produit les conditions politiques et écologiques qui a permis leurs déplacements. Dans le cas de la Selous Game Reserve, il apparaît clairement que l’accumulation de capital précède les enclosures de la conservation, et non l’inverse, comme la littérature sur le land grabbing l’affirme souvent.

Les déchets constituent de plus en plus une ressource disputée par différents types d’acteurs il en résulte de très nombreux conflits d’appropriation. Les déchets urbains peuvent-ils pour autant être considérés comme une common pool ressource entrant dans le cadre analytique Ostromien ? Cette communication est une étude comparée de la gestion des déchets à Coimbatore en Inde et à Vitoria au Brésil pour éclairer cette question. Les résultats des enquêtes de terrain confirment le caractère rival et non exclusif de la ressource et montrent qu’il existe bien des régimes institutionnels d’attribution de droits qui tendent de plus en plus à exclure les plus pauvres de l’accès à cette ressource.

15:30-15:50 Questions et discussions avec la salle

15:50-16:10 Pause caféRestaurant de la Grande Mosquée de Paris, 39 rue Geoffroy Saint-Hilaire

16:10-17:00 Clôture de la session 4

Marchandisation, accumulation primitive, et déplacement induit par la conservation : Tanzanie 1850-1950Roderick P. NEUMANN (Professeur de géographie à l’Université internationale de Floride, USA)

La question de savoir quelles sont les formes de propriété qui participent le plus efficacement à la conservation et/ou à l’exploitation économique des environnements – de la propriété privée à la propriété d’État, en passant par les différentes formes de propriété collectives, communes ou patrimoniales a suscité des débats théoriques intenses et disputés dans le champ académique (Coase 1960; Hardin 1968; Ostrom 1990). Nous proposons d’embrasser toutes ces théories par le terme – théories environnement/propriété – et d’étudier leur déploiement dans les pays en développement dans la construction de ce qu’on peut appeler des « régimes de ressources » (Vatn 2007, 2015). Nous gageons en effet que loin de s’être imposées de manière monolithique aux cours de phases successives, ces théories ont été mises en œuvre de manière très pragmatique par toute une série d’acteurs nationaux et internationaux pour tenter de les adapter aux usages locaux des ressources naturelles mais en ignorant souvent les conceptions locales de l’appropriation et de la mise en commun.

Ce phénomène a conduit à un réagencement de la propriété qui ne doit pas être seulement compris comme une tendance générale et uniforme à la privatisation de la nature. Durant la période coloniale, par exemple, l’enjeu est certes l’appropriation des ressources par les colons (l’emprise foncière des concessions agricoles, forestières ou minières est extrêmement importante dès les années 1920), mais bien plus encore la montée en puissance de l’Etat, la constitution d’un Domaine public colonial, la création des services techniques, qui visent tous à transformer les modes d’exploitations indigènes de la nature au nom du développement alors appelé « mise en valeur » (Thomas 2009 ; Chouquer 2011). De même, la dénonciation du land grabbing comme une nouvelle forme de colonisation et de privatisation des terres par des firmes étrangères (Merlet 2010 ; TNI 2013) oblitère la nature juridique de ces contrats souvent tripartites entre des bailleurs internationaux, des investisseurs privés et des Etats propriétaires fonciers qui affirment tous, plus ou moins (mal)honnêtement, agir dans l’intérêt des populations locales et du développement économique du pays (Holmen 2015 ; Chouquer 2011). D’autres formes plus insidieuses d’accaparements fonciers consistent à reconnaître des droits “coutumiers” pour gager cette reconnaissance au maintien de pratiques traditionnelles jugées favorables à la conservation des milieux : c’est la logique des programmes de paiement pour services environnementaux – ou PSE (Kosoy and Corbera 2010). On les voit aussi à l’œuvre dans les programmes de développement financés par des grands bailleurs, comme la Banque mondiale. Les prêts sont alors conditionnés à des mesures dites de compensations environnementales à l’origine de la constitution de nouvelles emprises foncières à vocation de conservation de la nature (Benabou 2014). Les grandes conventions internationales sur le climat, la biodiversité, la mer, le traitement des déchets… véhiculent aussi de profondes recompositions de la propriété dans les pays du Sud. L’octroi de vastes concessions à des opérateurs privés s’appuie de plus en plus sur la capacité des acteurs les mieux dotés en capital à répondre aux engagements environnementaux internationaux, à se conformer aux standards dans les processus de production et de “reporting” que ces engagements réclament. Ces mécanismes sont particulièrement visibles dans l’octroi de concessions marines et de droits de pêche qui, adossés aux standards d’exploitation durable des ressources halieutiques, ont de très forts effets d’exclusion des petits opérateurs locaux (Dahou, Elloumi, and Molle 2013).

Rappel des termes de l’appel à communication

Ces grandes conventions environnementales incitent aussi les Gouvernements à définir juridiquement qui sont les ayants-droits traditionnels d’une ressource à partir des usages coutumiers des ressources locales. L’objectif est d’en faire des parties (personnes morales, individuelles ou collectives) dans des contrats de conservation de l’environnement (contrats d’accès et de partage des avantages, REDD+, paiements pour services environnementaux, etc.). Les États leur reconnaissent donc de nouveaux titres qui viennent bouleverser des arrangements plus anciens d’appropriation des ressources naturelles (Thomas 2012, 2014 ; Clement and Amezaga 2013 ; Dahou 2013). Mais, dans un contexte où le droit à l’accès devient plus important que le droit d’exclure (Rifkin 2000 ; Joly 2009), ces contrats consistent plus à ouvrir l’accès des ressources locales à des usages globaux qu’à en réserver l’accès aux populations locales. Il faut par conséquent repenser la propriété comme un « faisceau de droits », et replacer le gouvernement de l’environnement par la propriété dans le champ plus vaste des relations sociales qui contraignent ou permettent de bénéficier de l’usage des ressources (Ribot and Peluso 2003 ; Silva-Castaneda et al. 2014). Dans cette perspective, l’accaparement réfère essentiellement à un « accaparement du contrôle » (control grabbing), c’est-à-dire à un processus de captation du pouvoir de contrôler le foncier et les autres ressources associées telles que l’eau, les minéraux ou les forêts, afin de contrôler les bénéfices liés à leurs utilisations (McCarthy, Vel, and Afiff 2012). Les formes de propriété développées dans les situations post-collectivistes sont de ce point de vue particulièrement intéressantes à analyser. Elles ne produisent pas forcément les mêmes rapports entre propriété, individu et Etat que ceux des démocraties libérales (Verdery 1998). La propriété ne peut donc manifestement pas y jouer le même rôle incitatif dans les politiques de conservation que celui que la théorie standard prédit.

Cependant, si l’on perçoit bien l’importance du phénomène et sa diversité (d’objets et d’échelles), on ne dispose pas de travaux académiques qui permettent d’établir sérieusement une filiation entre les théories environnement/propriété et la succession de modes de gouvernement de l’environnement dans les pays en développement. La périodisation très grossière en trois temps (l’âge de la conservation par la propriété d’Etat et l’extension du domaine public ; l’âge du salut par la propriété privée exclusive ; l’âge du retour à la gestion communautaire) n’est pas satisfaisante. Elle ne permet pas de rendre compte, pour chaque période de l’histoire nationale d’un pays, des diverses manières dont ont pu s’articuler dans le temps les modes d’appropriation privilégiée par ces théories, ainsi que les usages complexes de ces arguments théoriques dans chaque contexte économique, social et culturel. Il est nécessaire, en la matière, de repartir de l’analyse des réalités empiriques de terrain.

Partant de ces constats, le colloque « Propriété et environnements dans les pays en développement » se propose de réunir pour la première fois des spécialistes d’histoire environnementale, d’économie environnementale, d’anthropologie environnementale, de droit de la propriété, etc., pour porter un regard global sur le déploiement des théories environnement/propriété dans le cadre des pratiques de gouvernement des ressources et des environnements dans les pays en développement. Il vise à stimuler de nombreuses communications en vue d’éclairer et de documenter les objectifs suivants :

1. Avoir une meilleure vision de l’histoire de la diffusion de ces théories et des formes de propriété qu’elles privilégient dans les politiques environnementales des pays en développement. Qui sont les principaux acteurs internationaux, quels sont les appuis locaux, quelles sont les sources de cette histoire, etc. ?

2. Confronter ces cadres théoriques et les outils internationaux de leur promotion à la réalité empirique de différentes formes de propriété dans ces pays. On sera particulièrement attentif à rendre compte de la diversité des manières dont les pays du Sud articulent, dans leur tradition juridique et administrative, les grandes catégories propriété privée, domaine public, droit coutumier, patrimoine et propriété collective.

3. Etudier l’impact de la mise en œuvre de ces théories dans les situations de transition vers l’économie de marché. Quelle est l’économie politique de la propriété dans ces situations de transition (notamment dans les situations de post-socialisme) ? Quels sont les effets observables en terme de conservation de l’environnement ?

4. Etudier la dialectique entre la contraction effective de la propriété collective et des droits collectifs dans la gestion de l’environnement et les discours promouvant le «community-based management», les biens publics mondiaux, les valeurs patrimoniales ;

5. Rendre compte de la diversification des domaines/objets auxquels les théories environnement/propriété sont appliquées : des plus territorialisés (comme les droits fonciers, la domanialité, les mécanismes REDD, les paiements pour services environnementaux, etc.) ; aux plus dématérialisés (comme les nouvelles formes d’appropriation des ressources et informations génétiques, les droits des communautés autochtones et locales sur les savoirs traditionnels, etc.).

Références

Benabou S., 2014 — «Making up for lost nature? A critical review of the international development of voluntary biodiversity offsets.» Environment and Society : Advances in Research no. 5:103-123.

Chouquer G., 2011 — «Le nouveau commerce triangulaire mondial. Ou les analogies du foncier contemporain.» Etudes rurales no. 1 (187):95-130.

Clement F., Amezaga J. M., 2013 — «Conceptualising context in institutional reforms of land and natural resource management: the case of Vietnam.» International Journal of the Commons no. 7 (1):140-163.

Coase R. H., 1960 — «THE PROBLEM OF SOCIAL COST.» Journal of Law & Economics no. 3 (OCT):1-44. doi: 10.1086/466560.

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