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Cahier du « Monde » No21531 datéMercredi 9 avril 2014 Ne peut être vendu séparément
L’anonymat,unbienfragileCommentconcilierconfidentialitédesdonnéesprivéesetanalysepertinentedecesinformations ?
Cetteinterrogationestaucœurdel’exploitationdesfichiersmédicaux,fiscauxouéconomiques.Mathématiciensetinformaticienssontmisaudéfi.PAGES 4-5
Matièreà fiction
L’ humanité façonne lamatière pour en fairedes objets qui lui sont utiles. L’améliorationdes techniques de fabrication a toujours étéaccompagnée par la recherche de nouveaux
matériaux, de la pierre taillée aux semiconducteurs.Dès l’Antiquité, les hommes ont rêvé dematériaux fabuleux, comme l’orichalque dont on prétend qu’ilaurait été utilisé par les Atlantes.Les auteurs de sciencefiction n’ont bien sûr pas
manqué d’inventivité à ce propos. L’un des premiersexemples est la cavorite, imaginée en 1901 parH.G.Wells dans son roman Les Premiers Hommes dansla Lune. Ayant la propriété de faire écran à la gravitation, la cavorite permet de construire un appareil sedéplaçant par antigravité.Mais la physique interditl’existence d’une substance opaque à la gravitation carelle permettrait de fabriquer unemachine àmouvement perpétuel.La sciencefiction s’inspire aussi dematériaux réels
mais en déforme ou en amplifie les propriétés. Ainsi,dans Les Fontaines du paradis, Arthur C. Clarke décrit laconstruction d’un ascenseur spatial, très long câble
fixé à la surface de la Terre et permettant d’accéder àl’espace. Clarke nomme «monofilament » lamatièrede son câble et extrapole les propriétés des fibres decarbone ou des fibres polymères à haute résistancecomme le kevlar. Depuis, la physique desmatériaux aprogressé et les physiciens ont découvert le nanotubede carbone. Il s’agit d’un cylindremille fois plus finqu’un cheveu, constitué d’atomes de carbone agencésselon unmotif hexagonal. Ces nanotubes ont les propriétésmécaniques nécessaires à la construction d’unascenseur spatial,mais pour l’instant, on ne sait en fabriquer que des brins ne dépassant pas quelquesmillimètres de longueur…Les supermétaux imaginaires sont aussi couram
ment invoqués pour réaliser armes (pensez aux griffesen adamantiumdeWolverine), armures (lemithrilforgé par les Nains du Seigneur des anneaux) ou coquesde vaisseaux interstellaires (le duracier de StarWars).Malheureusement, la physique nous enseigne qu’ilexiste une limite à la résistance desmétaux, fixée essentiellement par l’énergie de liaison des atomes quiles constituent. Le « neutronium » est un autrematé
riau qui a inspiré la sciencefiction. Le terme fait référence à une forme dematière aussi dense que le noyaudes atomes, que l’on trouve dans le cœur d’une étoile àneutrons.Verronsnous un jour ces fabuleuxmatériaux ?
D’une certaine façon, ils sont déjà là,mais pas où nousles attendions : plantes et animaux produisent desmatériaux organiques impressionnants commeparexemple la sporopollénine, polymère qui compose lesparois des spores, pollens et de certaines algues, capable d’encaisser des chocs et des températures extrêmes. A quand une soie d’araignée artificielle, dont laconfigurationmoléculaire pourrait, comme sonmodèle organique, s’adapter aux changements de température et d’humidité ? Les applications du biomimétisme sont prometteuses : polymères autoréparants,os synthétique, conducteurs organiques, surfacesautonettoyantes, céramiques à hautes performances,nanomatériaux, la liste est longue desmatériaux quivont faire parler d’eux. Ceux que le vivant et la physique nous révèlent sont sans doute en train de transformer la sciencefiction d’hier en réalité d’aujourd’hui ! p
Des algues sous unSoleil violetUn projet français vise à combinerdes capteurs photovoltaïques et desmicroalgues pourmieux absorberl’énergie solaire. PAGE 3
10 000heures sous lesmersRencontre avecMichel L’Hour, patronde l’archéologie sousmarinefrançaise, sur l’AndréMalraux, lenavire dont il avait rêvé. PAGE 7
Réparer les nerfsUne équipeaméricaine est parvenue à susciterdesmouvements volontaires desjambes chez des personnes paralyséesdesmembres inférieurs. PAGE 2
CHRISTOPHE MAOUT POUR « LE MONDE »
c a rt e b l an ch e
RolandLehoucqAstrophysicien,
Commissariat à l’énergieatomique et aux énergies
alternatives(PHOTO: MARC CHAUMEIL)
2 | 0123Mercredi 9 avril 2014 | SCIENCE &MÉDECINE | A C T U A L I T É
Paralysés:desprogrèsàpetitspasn e u r o l o g i e | Uneéquipeaméricaineestparvenueàfaireexécuterdesmouvementsintentionnelsdesjambes
àdespatientsparalysésdesmembresinférieurs
florence rosier
M ardi 8 avril, la revue Brain apublié les saisissants résultats, chez l’homme, d’unestratégie de stimulationélectrique de la moelle épinière. Quatre patients pré
sentant une paralysie complète des membresinférieurs, après un accident survenu deux àquatre ans plus tôt, ont été capables d’exécuterde nouveau desmouvements intentionnels assez précis des jambes. Chaque année en France,de 1 000à 1 500personnes sont victimesde telsaccidents – le plus souventdes adultes jeunes. Ala suite d’une lésion plus oumoins complète dela moelle épinière, elles se retrouvent paralysées à des degrés variables.Chez les quatre hommes suivis dans l’étude
de Brain, une équipe américaine (université deLouisville et université de Californie à Los Angeles) a implanté un module de stimulationélectrique dans « l’espace épidural » (entre laduremère et le canal vertébral) de la régionlombosacrée. Là, précisément, où aboutissentles fibres des neurones qui contrôlent les muscles des jambes.La stimulation continue de ces neurones a
permis aux quatre patients de bouger de façonvolontaire leur hanche, leur cheville, leurs orteils… « Il faut abandonner l’idée qu’aucune récupération n’est possible après une paralysiecomplète », estime Susan Harkema, qui a conduit ce travail, financépar la FondationReeve etles NIH américains. Pour autant, « on ne peutimaginer qu’avec cette seule intervention, ces patients remarcheront un jour dans la rue, tempère le professeur Grégoire Courtine, de l’Ecolepolytechnique fédérale de Lausanne (EPFL).Mais c’est un résultat extrêmement prometteur :avec cette seule stimulation électrique, les quatrepatients testés ont été capables de transformerune entrée auditive, par exemple la demanded’un médecin de bouger leur cheville, en une réponsemotrice spécifique. »
Grégoire Courtine est un spécialiste de« neuroréhabilitation », une stratégie combinant trois approches : une stimulation chimique et une stimulation électrique de la moelleépinière, associées à un entraînement physique. En 2012, son équipe publiait dans Scienceune étude qui a fait grand bruit. Les chercheurs parvenaient à rétablir une marche volontaire chez des rats rendus paraplégiquespar une lésion médullaire de la moelle épi
nière. Ils injectaient dans la moelle, sous la lésion, un « cocktail» de molécules activatrices(adrénaline, noradrénaline, dopamine…). Puisils appliquaient une stimulation électriquesur la moelle épinière. Les rats paraplégiquesainsi stimulés étaient placés sur un tapis roulant, soutenus par un harnais robotisé. Aprèsdeux mois d’entraînement, ils avaient réappris à marcher volontairement – quand la lésion n’était pas complète. « Depuis 2012, nousavons progressé dans l’optimisation des technologies de stimulation électrique et d’entraînement robotique. Nous envisageons de prochains essais chez l’homme, indique GrégoireCourtine.Notre approche ne guérira pas les patients. Mais elle ambitionne d’améliorer leurqualité de vie.»Plusieurs approches complémentaires se con
sacrent à la régénération des neurones. « Pourquoi, chez l’hommeou la souris, les fibres du système nerveux périphérique parviennentelles àrepousser, tandis que celles du système nerveuxcentral [cerveau et moelle épinière] en sont incapables ? », s’interroge le professeur BernardZalc, qui a dirigé le Centre de recherche de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM,UPMC, Inserm,CNRS), à Paris. Unedes réponsesvient de la « myéline », cette gaine qui entoure
certaines fibres nerveuses. « Martin Schwab, del’université de Zurich, a isolé les protéines de lamyéline du système nerveux central. Et montréque l’une d’elles, NOGO, inhibe la repousse del’axone », ce prolongement du neurone quitransporte le message nerveux, souligne Bernard Zalc. Ce qui a conduit à la mise au pointd’un anticorps antiNOGO, inhibant cette inhibition. « Cette approche s’inscrit dans une voie
qui vise à rendre l’environnement neuronal plusfavorable à la repousse des axones », note Geneviève Rougon (CNRSuniversité AixMarseille).Outre la piste de lamyéline, est explorée la voiedes astrocytes », des cellules au rôle ambigu.Tantôt elles semblent entraver la repousse axonale en formant une cicatrice autour de la lésion. Mais selon un travail publié dans Sciencele 1ernovembre 2013, certains astrocytes bénéfiques se différencient à partir de cellules souches présentes dans la moelle épinière lésée.« Si l’on perturbe cette barrière d’astrocytes, il y amoins de récupération fonctionnelle », souligneGrégoire Courtine.Une stratégie de thérapie génique a été pu
bliée le 2 avril dans The Journal of Neurosciences. Une équipe du King’s College, à Londres, ainjecté un vecteur viral dans la lésion médullaire de rats adultes. Ce vecteur contenait legène d’une enzyme : une « chondroïtinase »,qui digère des molécules s’accumulant autourde la lésion. Résultats : la repousse axonale aaugmenté, favorisant la récupérationdes pattesarrière des rats traités.Une autre approche consiste àmodifier géné
tiquement les neurones lésés pour faire repousser leurs axones. « De nombreux laboratoires cherchent à identifier, dans le système nerveux périphérique, les molécules favorisant lacroissance et la régénération axonales. Il s’agitensuite de promouvoir leur fabrication par lesneurones lésés du système nerveux central », ditFlorence Bareyre, de l’université LudwigMaximilians à Munich (Allemagne). A cet égard, lerôle bénéfique d’une protéine, PCAF, vientd’être montré (Nature Communications,1er avril).Toutes ces approches restent très en amont
d’une application chez l’homme. D’autant queplusieurs essais ont été abandonnés. L’intérêtde l’anticorps antiNOGOaainsi été évalué chezl’homme. Mais cet essai, promu par le laboratoire Novartis, semble avoir été stoppé – entoutediscrétion…Demême,des startupaméricaines avaient lancé de petits essais pour évaluer des greffes de cellules souches dans lamoelle épinière de patients paralysés. Ces essais ont été interrompus. « Une étape d’évaluation chez le primate est indispensable », noteGrégoire Courtine. p
FraudescientifiquedanslescellulessouchesHarukoObokata,unechercheusejaponaise,estsoupçonnéed’avoirfalsifiédesrésultatsprésentésdanslarevue«Nature »
paul benkimoun
F autil y regarder à deuxfois lorsqu’une prestigieuse revue scientifiquepublie un article relatant
une percée spectaculaire ? L’inquiétante question mérite d’êtresoulevée à la lumière d’une nouvelle affaire de fraude reprochée àune jeune chercheuse japonaise,premier auteur de deux articlessur une nouvelle méthode pourobtenir facilement des équivalents de cellules souches, parusen janvier dansNature.Directrice d’une unité de re
cherche au réputé Centre de biologie du développement Riken, àKobé (Japon), Haruko Obokata a30 ans et l’image d’une scientifique des plus brillantes. Ellen’avait pas encore 20 ans, quandelle a été admise au départementdes sciences de l’universitéWaseda à Tokyo, puis est passée
par Harvard. Dans Nature du10 janvier, elle expliquait comment elle avait obtenu des cellules pluripotentes – capables de sedifférencier en diverses lignéescellulaires – à partir de cellulesdéjà différenciées, des lymphocytes (globules blancs) de souris.Reprogrammer des cellules dif
férenciées n’est pas inédit. Ha
ruko Obokata affirmait avoirtrouvé une solution simple : rendre plus acide le milieu dans lequel sont cultivés des lymphocytes, voire triturer ces globulesblancs. Les deux textes publiéspar Nature sont cosignés par deschercheurs japonais chevronnésetMartin Vacanti, de la faculté demédecine deHarvard.Problème : ceuxquiont tentéde
reproduire ces travaux n’y sontpas parvenus. D’où une suspicionqui a fait passer au crible les écritsde la chercheuse. Un des coauteurs ademandé le retrait de cettepublication, arguant que les résultats étaient en partie faux. Lecentre de recherche Riken a alorsmis en place une commissiond’enquête sur ces travaux.Mardi 1er avril, le centre a an
noncé que Haruko Obokata avaitdélibérément fabriqué les données permettant d’arriver aux résultats publiés dans Nature. Ces
griefs s’appuyaient sur la base deses « notes de recherches fragmentaires et non datées » et sur laréutilisation d’images déjà employées dans ses travaux pourson doctorat, sur un sujet différent. Le président de la commission d’enquête, Shunsuke Ishii, aindiqué à la presse que « Obokataest la seule responsable de cettefaute professionnelle ». Mme Obokata a rejeté ces conclusions.
« Coupmédiatique »Le directeur du centre Riken a
précisé que le rapport de la commission d’enquête n’avait pas récusé toutes les données obtenuesdans lecadredecetterecherche.Lecentre Riken va donc repartir dezéro pour aumoins une année derecherches, afin de déterminer sile procédé fonctionne et si les cellules obtenues peuvent effectivement se différencier en différentstissus et organes.
Directeurscientifiquedel’IStem(unité Inserm 861) au Genopoled’Evry,Marc Peschanski s’agace del’attitude de la revue Nature. « Latechnique proposée est testable enquinze jours. Il n’était donc pas trèscompliqué de vérifier la solidité deces résultats,maisNatureapréféréfaireuncoupmédiatique. Lesgrandes revues commeNature, Scienceou Cell publient des travaux présentés comme des évangiles sansprendre assez de précaution.Quand une publication représenteune percée spectaculaire, cela justifie de vérifier deux fois plus. »Un avis que ne partage pas
LaureCoulombel, directrice de recherche à l’Inserm (U935) et rédactrice en chef de Médecine/Sciences : « Répliquer les résultatsd’une recherche publiée est essentiel, mais il paraît difficile que lesrevues l’organisent. Commentchoisir ce qu’il faut répliquer ? Lesarticles étaient cosignés par des
auteurs chevronnés. C’était à euxet au laboratoire auquel appartient la chercheuse de s’assurer dela solidité des résultats. »Marc Peschanski souligne un
facteurnouveaudans ce typed’affaire :« Quandces résultats ont étépubliés, très vite de nombreuseséquipes ont essayé de les répliquer,comme cela se fait classiquement.La différence est l’accélération considérable de la circulation de l’information sur les réseaux sociaux.Les premières équipes qui constataient que le procédé ne fonctionnaitpas l’ont indiquésurTwitterendemandant si d’autres y parvenaient. Cela s’est propagé commeune traînée de poudre. »Pour Laure Coulombel, « cette
affaire amène à réfléchir plus globalementà cetattrait du scoop immédiat, qui explique au moinspour partie l’augmentation dunombre d’articles qui font l’objetd’un retrait ». p
« On ne peut imaginer qu’aveccette seule intervention,ces patients remarcheront
un jour dans la rue »professeur grégoire courtine
Ecole polytechnique fédérale de Lausanne
Haruko Obokata.KYODO KYODO / REUTERS
Victime d’un accident demotocross, Kent Stephenson fait partie des volontaires testésà l’université du Kentucky à Louisville.
COURTESY OF THE UNIVERSITY OF LOUISVILLE
C’est une approche extrêmement originale qui est décrite dans une étude publiéedans Science, le 4 avril. Les auteurs sont parvenus à contrôler par voie optique la fonction desmuscles des pattes arrière de souris dont le nerf sciatique avait été lésé– courtcircuitant ainsi le réseaumoteur cérébral. L’équipe d’Ivo Lieberam, duKing’sCollege, à Londres, a d’abord produit des neuronesmoteurs à partir de cellules souches embryonnaires de souris. L’astuce a été d’incorporer dans ces cellules un gènequi produit la rhodopsine2 : un canal ionique sensible à la lumière.Puis les auteurs ont greffé cesmotoneurones – fabriquant ce canal ionique – dans unebranche partiellement dénervée dunerf sciatique de souris adultes. Les cellules greffées ont survécu et établi des connexions au sein dunerf sciatique. En stimulant parlaser l’ouverture de ce canal ionique, les chercheurs ont contrôlé les contractionsmusculaires des pattes arrière des animaux. « On est encore très loin d’une application chezl’homme,mais ce type d’approche est porteur d’un potentiel énorme », commenteGrégoire Courtine (EPFLLausanne).
La lumièreausecoursdesmuscles
A C T U A L I T É | SCIENCE &MÉDECINE | Mercredi 9 avril 20140123 | 3
Ataxie de FriedreichRésultats prometteursd’une thérapie géniqueTestée avec succès chez des souris, unethérapie génique doit bientôt faire l’objet d’un essai clinique chez des patientsatteints d’unemaladie rare, l’ataxie deFriedreich, a annoncé l’équipe françaised’Hélène Puccio (InsermCNRS, université de Strasbourg) et du professeur Patrick Aubourg (Inserm, hôpital Bicêtre,ParisSud), en présentant les résultatspréliminaires.Maladie héréditaire associant des troubles neurodégénératifs,une atteinte cardiaque et un risque accru de diabète, l’ataxie de Friedreich estdue à unemutation d’un gène FXN. Celleci entraîne une baisse de productiond’une protéine, la frataxine, qui perturbel’activité desmitochondries, les usines àénergie de la cellule. Au bout de dix àvingt ans d’évolution, lesmalades se retrouvent en fauteuil roulant, et ils peuvent succomber à des complications cardiaques. Grâce à un virus adénoassociéexprimant la protéine défaillante, administré en une seule injection intraveineuse, les chercheurs français ont obtenu un rétablissement complet ducœur de souris, à un stade avancé deleurmaladie cardiaque. Délivrée plusprécocement, cette thérapie génique apu prévenir le développement de l’atteinte cardiaque.>M.Perdomini et al., « NatureMedicine », 6 avril
UnSoleilvioletpourcultiverlesalguesb i o é n e r g i e | DanslesAlpesMaritimes,chercheursetindustrielsvonttesterlacoproduction demicroalguesetd’électricitésousdesserresexpérimentales
pierre le hir
U ne culture trèsénergétique estsur le pointd’éclore dans uneserre expérimentale inaugurée,
lundi 7 avril, sur la technopole deSophia Antipolis (AlpesMaritimes) : un cocktail de biocarburant et d’électricité photovoltaïque, dont la recette constitueraune premièremondiale. Le projetPurple Sun («Soleil violet»),porté par sept partenaires scientifiques et industriels français,avec un budget de trois millionsd’euros sur trois ans, pourraitmarquer le véritable essor de la filière des carburants issus des microalgues. Une alternative auxbiocarburants actuellement surle marché, qui concurrencent lescultures alimentaires et affichentun mauvais bilan environnemental, comme à ceux tirés dubois et des déchets végétaux, encore en gestation.Les microalgues, dont il existe
plusieurs centaines de milliersd’espèces dans les océans, les lacset les rivières, ont l’avantage depouvoir être cultivées dans desenceintes confinées (des photobioréacteurs), mais aussi dans desbassins à ciel ouvert oumêmedesmarais salants. Leur accumulation de matière végétale par photosynthèse est phénoménale, etelles stockent une grande quantité d’huiles et des sucres à partirdesquels peuvent être élaborés du
biodiesel et du bioéthanol. Enoutre, elles permettent de recyclerdu CO2 industriel et des résidusd’engrais, nitrates ou phosphates,qui dopent leur croissance.Problème : « Les procédés actuels
de culture et d’extraction consomment autant d’énergie que les microalgues en restituent », indiqueOlivier Bernard, de l’Institut national de recherche en informatiqueet en automatique (Inria). Voilàpourquoi ce phytoplancton estaujourd’hui cultivé dans lemondepour des marchés à forte valeurajoutée – compléments alimentaires, cosmétiques ou médicaments –,mais n’offre pas encore larentabilité nécessaire pour satransformation enbiocarburant.« Notre objectif, décrit le cher
cheur, est de combiner production de biomasse algale et production d’électricité, en utilisantsélectivement la lumière. » La nature n’étant pas aussi parfaitequ’on l’imagine parfois, la photosynthèse dont les végétaux tirentleur énergie vitale exploite mal,en effet, la totalité du spectre solaire. Les plantes ne profitent qued’une partie de ce rayonnementet souffrent même d’un excès delumière qui, en détruisant desprotéinesclés de leurs cellules,provoque des phénomènes dephotosaturation ou de photoinhibition délétères pour leurcroissance.
D’où l’idée de partager le flux delumière solaire, c’estàdire les longueurs d’ondes, ou les couleurs.Certaines serviront à faire semultiplier les microalgues, qui tirentsurtout parti du bleu et du rouge– d’où le nom du projet, « Soleilviolet ». Les autres activeront descellules photovoltaïques pour générer de l’électricité. Il y faudra lapose d’un revêtement spécial surles serres.C’est ici qu’intervient la société
Sunpartner Technologies, unejeune PME d’AixenProvence spécialiséedans les filmsphotovoltaïques pour écrans de téléphonesportables et de tablettes, vitragesou panneaux publicitaires. « Nousallons jouer sur les matériaux, latransparence et les zones d’ombrepour répartir au mieux les longueurs d’onde », annonce son responsable technique, Frank Edmé.La première phase a consisté à
tester la réponsedesouchesdemicroalgues aux variations de conditions lumineuses et de température, explique Antoine Sciandra,directeur du laboratoire d’océanographie de VillefranchesurMer(CNRSUniversité PierreetMarieCurie). Les essais se poursuivrontdans la serre photovoltaïque deSophiaAntipolis, de 700 m², etdans un second démonstrateur,de 60 m², installé à VillefranchesurMer. « Rapportée à la surfaced’un terrain de football, la production annuelle escomptée est de50 tonnes de biomasse algale, soit15 tonnes de biocarburant, et de200mégawattheures », calculeOlivier Bernard. Le dispositif deviendrait ainsi « à énergie positive », le surplus d’électricité étantinjecté sur le réseau. Une « étapeclé vers un développement industriel » qui pourrait intervenir « àhorizon de quelques années ».« Le principe des serres photovol
taïques pour microalgues pourraitêtre étendu à d’autres cultures »,pense Christine Poncet, directriceajointe de l’Institut Sophia Agrobiotech (INRACNRSUniversité deNice). Il existedéjà, dans lemonde,entre trois et cinqmillions d’hectares cultivés sous serre. EnFrance, quelque 80 000 hectaresde serres sont recouverts de panneaux solaires.Mais beaucoup de ces installa
tions ne visaient que la rente financière tirée de la revente d’électricité : certaines n’abritaientmême aucune production agricole. A l’avenir, le Soleil pourrait yfaire pousser, en synergie, légumes, fruits etwatts électriques. p
Lesmicroalguesstockent une
grande quantitéd’huiles et dessucres, à partir
desquels peuventêtre élaborésdu biodiesel
et du bioéthanol
Photobioréacteurs destinésà évaluer l’effet d’une lumièrecolorée sur les microalgues.
CHARLOTTE COMBE. LABORATOIRE D’OCÉANOGRAPHIE
DE VILLEFRANCHE-SUR-MER (CNRS/UPMC)
t é l e s c o p e
4 | 0123Mercredi 9 avril 2014 | SCIENCE &MÉDECINE | É V É N E M E N T
DonnéessensiblesL’équationimpossible
n u m é r i q u e
Lecroisementdesfichiersdedonnées– desanté,démographiquesoufiscales –metenpéril l’anonymat.Diversessolutionstechniquessontdéveloppéespourconciliertransparenceetconfidentialité
david larousserie
L a scèneadequoi inquiéter.Devant sonécrand’ordinateur, un patron peu scrupuleux cherche à en savoirplus sur le dossier médicald’un employé fréquemmentmalade. Connecté ausite Web de l’entreprise
Health Aware, il renseigne non pas lenom de son salarié mais le nombre deshospitalisations, lemois et les durées desséjours. Il entre aussi le code postal de laville de résidence, l’âge et le sexe de sa« cible » ; 0,023 seconde plus tard, le service commercial a trouvé l’identité cherchée et, moyennant finance, livre la totalité des connaissances médicales surl’employé…«Mon exemple fictif et ma démonstra
tion ont frappé le public », se souvientDominique Blum, praticien hospitalier àMunster, qui a exposé les failles de l’anonymisation des fichiers de santé lors del’université des correspondants informatique et libertés en janvier 2012. Selon lui,89%despersonneshospitaliséesune foisen 2008 et 100% de celles hospitaliséesdeux fois sont théoriquement identifia
bles grâce au fichier PMSI (Programmedemédicalisation des systèmes d’information), qui contient les données d’hospitalisationdeplusde23millionsde séjours àl’hôpital.Cette conclusion choc a été rappelée
par PierreLouis Bras et André Loth dansleur rapport à la ministre de la santé enseptembre 2013 sur la gouvernance etl’utilisation des données de santé. Lemême Dominique Blum, auditionné endécembre 2013 par un groupe de travailréuni pour faire suite à ce rapport, a récidivé. Cette fois, il a démontré que le fichier des moyens séjours permet, luiaussi, de retrouver des informations cachées comme les dates de séjour, ouvrantla voie à des réidentifications.Comment se faitil que des fichiers ano
nymes ne le soient pas tant que cela ?C’est dû à un théorème démontré en2006 par Cynthia Dwork, chercheusechez Microsoft. Impossible d’assurer uneprotection complète des données dites« sensibles » (maladie, salaire, chiffred’affaires d’une entreprise), dès lors quel’« attaquant » dispose d’informationsannexes dites « quasi identifiantes » quipeuvent être aussi anodines que l’âge, lelieu de résidence, le sexe…
En fait, le problème n’est pas qu’un fichier contiendrait des identités mal cachées. Il vient que celuici permet de retrouver des informations sensibles surun nom bien particulier, en le croisant
avec d’autres registres. Pour reprendrel’exemple des hospitalisations, le rapportBrasLoth cite ainsi le fait que « plusieurshommes nés le même mois de la mêmeannée ont pu être hospitalisés trois joursen février 2010 à l’hôpital X ;mais il n’y ena sansdoutequ’un seul qui ait étéhospitalisé six mois plus tard pendant dix jours à
l’hôpital Y et ait dans l’intervalle consultéplusieurs fois à l’hôpital Z ».Cette gymnastique intellectuelle est
peutêtre fictive pour le PMSI et ses dérivés… mais plusieurs exemples ont déjàmontré la réalité des risques. En 1997, Latanya Sweeney, alors étudiante auMassachusetts Institute of Technology (MIT),identifie le gouverneurduMassachusettsdans un fichier de santé anonymeà l’aided’un fichier d’électeurs, payantmais bienfourni. En 2007, grâce à un échantillon dedonnées du loueur de vidéos en ligneNetflix, des chercheurs de l’université duTexas parviennent à retrouver les préférencesdesutilisateursetdonc leursgoûtspersonnels.En janvier 2013, le généticien Yaniv Er
lich publie dans Science saméthode pouridentifier les personnes à qui appartiennent des séquences génétiques pourtantanonymes. En mars de la même année,une équipe duMITmontre qu’il faut seulement quatre informations sur un utilisateur de téléphone portable pour retrouver l’ensemble de ses traces d’appelslocalisés parmi 1,5million…Ces cas ne paralysent cependant pas les
volontés de diffusion plus larges desdonnées confidentielles. « L’accès à cer
Une première solutionest de restreindrel’accès aux donnéesles plus détaillées
aux administrationsou aux chercheurs
CHRISTOPHE MAOUT POUR « LE MONDE »
É V É N E M E N T | SCIENCE &MÉDECINE | Mercredi 9 avril 20140123 | 5
taines informations est crucial pourl’alerte, la veille, l’action, notamment surles sujets de santé ou d’environnement.L’attente des citoyens est grande », rappelle Corinne Bouchoux, sénatrice (Europe écologie Les Verts) et rapporteusede la mission sur l’accès aux documentsadministratifs et données publiques, quitermine ses auditions.Notant l’intérêt d’un accès plus large,
Avner BarHen et Antoine Flahault, dansLeMonde du 9mars 2013, dénonçaient lemanque de transparence et plaidaientpour autoriser «enfin l’accès aux donnéesde santé en fonction des questions posées,et non à une caste d’experts autorisés.L’avenir de la santé publique et de notresystème social dépend des chercheurs,mais aussi des journalistes, des industrielsou des groupes de citoyens».Il est cependant difficile de concilier les
exigences de confidentialité et de transparence. Pour y voir plus clair, à la suitedu rapport BrasLoth, une commissiondite « open data santé » a été constituéeen novembre 2013 par le ministère de lasanté. Un groupe de travail, piloté par laDirection de la recherche, des études, del’évaluation et des statistiques (Drees), lui
a été adjoint sur le thème spécifique du« risque de réidentification et de mesusage » (RiRe).« Nous avons été surpris de constater
que ce sujet est encoreun chantier relativement neuf. Nous pensions arriver plus viteàdes lignesdedémarcationclaires entre cequi peut être diffusé et ce qui doit rester enaccès restreint », expliqueAndréLoth, responsable de ce groupe de travail et administrateur général à la Drees. Ce groupe apu mener un travail d’évaluation du risque sur des données réelles, notammentissues du PMSI.Une première solution pour éviter ce
risque est de restreindre l’accès aux données les plus détaillées, aux administrations ou aux chercheurs. Plusieurs dispositifs existent. Les EtatsUnis ou l’Allemagne invitent les chercheurs à consulter lesdonnéesdansdes locauxspécifiques, sortes de bunkers. Au Danemark ou auxPaysBas, des logiciels permettant l’accèsaux données et empêchant de les copiersont installés sur lesordinateursdes chercheurs dans leurs laboratoires. En Norvège, des CDRom sont envoyés par courrier ou par le réseau Internet.
La France, qui a aussi des pratiquessemblables à la Norvège pour les sciencessociales grâce au portail du réseauQuetelet, vient de lancer une solution originale : l’accès à distance par boîtier avec lecentre d’accès sécurisé distant (CASD).Dans tous les cas, l’autorisation par différents comités d’éthique est obligatoirepour les données les plus détaillées. Dessanctions pénales pour violation du secret (fiscal, médical…) sont prévues (enFrance, un an d’emprisonnement et15 000 euros d’amende).La seconde solution, non exclusive des
premières, consiste à modifier intelligemment un fichier. Le premier réflexeest d’ôter les noms et de les remplacer parun pseudonyme, mais dans certains cas,notamment pour la santé, il peut être vi
tal de pouvoir faire l’opération inverse etretrouver unnomàpartir du pseudo. Depuis les années 1990, la France a, pour lePMSI notamment, mis au point la méthode FOIN : cette «fonction d’occultation des informations nominatives »consiste à transformer mathématiquement le sexe, ladatedenaissanceet lenuméro d’assuré du patient en une suite decaractères incompréhensibles. Fairel’opération inverse est quasi impossible,sauf à disposer d’une clé de chiffrementmathématique, dont seules disposent lesadministrations.Plusieurs opérations de FOIN sont opé
rées entre le niveau local et le niveau national afin de brouiller les pistes. Ellesaboutissent à l’attribution d’un identifiant chiffré unique à chaque patient.« Cette technique permet de procéder àdes appariements entre fichiers de différentes origines », explique CatherineQuantin, de l’université de Bourgogne,qui a contribué au développement de laméthode FOIN. « Mais si on parvient à retrouver la ligne correspondant à un patient particulier dans le fichier, alors ondispose de toutes les informations surlui », rappelle Dominique Blum, qui suggère de limiter la diffusion de ce « chaînage » entre les informations de séjourshospitaliers, car 95 % des dépositaires duPMSIn’auraientpasbesoin, dans les faits,de cette possibilité.Un autre réflexe est de passer de la
pseudonymisation à l’anonymisationproprement dite. Pour cela, lesmathématiciens ont été imaginatifs. BenjaminFung, de l’université Concordia à Montréal, et ses collègues ont dénombré en2010 une quinzaine de méthodes d’anonymisation et près d’une trentaine d’algorithmes ou de logiciels les utilisant.L’idée générale est de « flouter » oud’« appauvrir » les données.La « kanonymisation », par exemple,
proposée par Latanya Sweeney en 2002,consiste à regrouper des individus detelle sortequ’aumoinsunnombrekd’entre eux soient impossibles à distinguerpar leur quasiidentifiant. Par exemple, lefichier diffusé ne contient pas l’âge exactdes personnesmais un agrégat : « trentenaire », « quadra », « quinqa ». On peutaussi regrouper par départements plutôtque par villes… « La kanonymité peut nepas suffire », constatent Frédéric Cuppens et Nora CuppensBoulahia, enseignantschercheurs à Télécom Bretagne(Brest) et ayant participé au groupe RiRe.En effet, dans notre exemple, tous les
quadras pourraient avoir la même maladie. Auquel cas, si la cible est dans cettetranche d’âge, alors l’« attaquant » dispose d’une information sensible tirée dece fichier pourtant anonymisé. AshwinMachanavajjhala, de l’université de Cornell (New York), a proposé en 2006 d’éviter ce problème par laméthode de la ldiversité. C’est un critère qui assure quechaque « paquet » de kanonymes comporte aumoins l données sensibles.Dans notre cas, lmaladies différentes. Il
faut donc faire de nouveaux regroupements, comme réunir les quadras et lesquinquas, pour rendre plus hétérogène legroupe. Le problème est alors que lesdonnées sont si agrégéesqu’ellespeuventdevenir inutilisables… « Nous avons cependantmontré qu’avec k = 10 et l = 3 (soittrois maladies), il est possible de diffuserdes fichiers à risque extrêmement limité deréidentification », signale André Loth.Qu’à cela ne tienne, d’autres ont pro
posé non pas de « flouter » les fichiers,mais de les « brouiller ». Cynthia Dwork,dans son article de 2006, prône ainsi la
« confidentialité différentielle », qui consiste à ajouter du « bruit ». On ajoute deslignes dans les fichiers ouon en retire, defaçon à ne pas modifier les propriétésstatistiques de l’ensemble.Dans un article de Pour la science de
novembre 2013, les chercheurs TristanAllard, Benjamin Nguyen et Philippe Pucheral l’illustrent avec la grippe. Pour savoir combien de personnes sont grippées parmi 100 dossiers, on peut ajouter1 000 dossiers fictifs auxquels unemaladie parmi quatre est attribuée équiprobablement, dont la grippe. Il suffit alorsde compter l’ensemble des grippés et desoustraire 250 pour avoir le nombreexact.
« Mais il y a évidemment des réticencesdéontologiques àmettre à disposition deschercheurs des données fausses », souligne Roxane Silberman, directrice du réseau Quetelet et directrice scientifiquedu CASD. Et puis à chaque « question » ilfaut adapter laméthode de brouillage, cequi rend la technique peu opérationnelle. « En fait, il n’y a pas d’accord général sur ce qu’est un fichier bienanonymisé.Chacun a ses pratiques », note RoxaneSilberman. « J’ai pu constater aussi unécart entre les “théoriciens”, qui ont debelles idées, et les “praticiens”, qui recherchent l’efficacité », indique un observateur des travaux du RiRe.Nora et Frédéric Cuppens font cepen
dant état de nouvelles approches, encoreplus mathématiques. Voire magiques. Ils’agirait de faire des opérations statistiques sur les données… sans les voir, car
La seconde solution consisteàmodifier intelligemment
un fichier
L es prochains utilisateurs desdonnées de santé très détailléesdevrontmontrer patte blanche.
Cela passera sans doute par une carteà puce, une empreinte digitale et unboîtier réservé à la connexion aux serveurs abritant les précieuses informations. C’est en tout cas de cettemanière que, depuis 2010, plus de600 chercheurs accèdent de leur laboratoire à plus de 21 000 gigaoctets dedonnées confidentielles issues essentiellement de la statistique publique :sur les individus et lesménages, lesentreprises, la justice ou le secteuragricole. En attendant les données fiscales (prévues depuis la loi sur la recherche de juillet 2013), voire de santé.« Longtemps les administrations ont
été réticentes à diffuser leurs fichierspour des questions de sécurité. Grâce àl’innovation technologique, nous sa
vonsmaintenant gérer ce problème. Notre dispositif rassure», explique KamelGadouche, du Groupe des écoles nationales d’économie et statistique (Genes).Il est aussi l’un des trois inventeurs dece système d’accès sur lequel repose leCentre d’accès sécurisé aux données(CASD). Ce dernier, financé notammentpar 4millions d’euros des investissements d’avenir, est devenu en 2012 unedirection du Genes, dont l’Insee assurela tutelle technique. «Nous sommes untiers de confiance entre les producteursde données et les chercheurs. Les demandes augmentent régulièrement au fur etàmesure de l’arrivée de nouveaux fichiers. Le CASD sera naturellement candidat pour fournir ce service aux chercheurs sur la santé », précise AntoineFrachot, le directeur général du Genes.Le dispositif repose sur un petit boîtier
noir connecté au réseau, à un écran et à
un clavier possédant un lecteur de carteà puce et d’empreinte digitale. Une fois lacarte introduite, puis après deux authentifications d’empreinte, la boîte se connecte, par un canal chiffré, aux serveursde données, ce qu’on appelle la « bulle ».Sur l’écran apparaît l’interface familièred’un ordinateur de bureau sousWindows. Sauf qu’il est impossible d’imprimer, demettre une clé USB ou de faireun copiercoller dans les tableaux dechiffres. Le chercheur n’a accès qu’auxdonnées pour lesquelles une autorisation a été accordée.
83 euros par mois« Ce n’est pas la caverne d’Ali Baba »,
lance Kamel Gadouche. L’utilisateur aaussi à sa disposition des logiciels d’analyse et de traitement des données ou debureautique. Il peut demander à avoirses propres programmes ou ses propres
données, après vérification des informaticiens du CASD. «Celamarche très biendans l’ensemble. Nous pouvons notamment croiser des informations entre plusieurs sources », témoigne ThierryMayer, professeur au départementd’économie de Sciences Po à Paris.En fin de projet, le chercheur rassemble
dans un fichier les informations qu’ilsouhaite sortir : analyses, tableaux, descriptif de laméthode, voire article prêt àêtre envoyé à des revues scientifiques. Cefichier est alors envoyé à un service decontrôle du CASD. Des informaticiens vérifient qu’aucune information sensiblen’a été cachée dans les fichiers, parexemple en ajoutant des commentaires àun document. En outre, des statisticienss’assurent du respect des règles déontologiques et en particulier qu’aucune donnée ne peut permettre une identification. Enmoyenne, cela prend environ
trenteminutes. «Le seul souci, c’est le prixqui pourrait dissuader certaines recherches », estime ThierryMayer. Le CASD rétorque que le coût, 83 euros parmois, estmoins élevé qu’à l’étranger.Le système a le vent en poupe avec
près de 200 boîtiers en circulation. Lecentre répondra à un appel d’offreseuropéen pour un accès sécurisé auxbases de données d’Eurostat. «Un projetpilote avec cette organisation, Dara, adéjàmontré notre efficacité», rappelleAntoine Frachot.Kamel Gadouche songe, lui, à la ver
sion suivante du boîtier, intégrant leslecteurs de cartes à puce et d’empreinteset permettant de se connecter aussi auxfuturs serveurs dédiés aux grandesmasses de données (big data) privées ou publiques, le TeraLab (Genes et InstitutMinesTélécom). p
d. l.
Une« bulle »pourprotéger les fichiers
elles seraient toutes chiffrées. C’est leprincipe du chiffrement homomorphe(Le Monde du 6 avril 2013). En 2009, unchercheur d’IBM, Craig Gentry, a montréqu’il était possible de multiplier et d’additionner des nombres cryptés (donc« invisibles »), puis de déchiffrer le résultat pour avoir la vraie valeur. Sans savoirquels étaient les nombres originaux.
Le défaut est que la technique demande des calculs assez longs et qu’ellene peut s’appliquer pour l’instant à tousles types d’opérations statistiques. Néanmoins, dans une veine proche, les chercheurs de Brest ont pu développer unmoteur de recherche permettant de récupérer des documents chiffrés.L’équipe de Philippe Pucheral à l’Insti
tut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) envisageégalement une étape future. « Notre système est ouvert à toutes les méthodesd’anonymisation et nous proposons d’effectuer les calculs de façon décentralisée,c’estàdire de telle sorte que l’autorité centrale n’ait jamais accès aux données individuelles mais puisse faire desopérations tout de même. Chaque patient garderait ses données, commele dossier médical par exemple », explique Philippe Pucheral, qui aimerait bientester à grande échelle son architecturesécurisée.Malgré les innovations techniques et
scientifiques, le sujet reste sensible. L’assurancemaladie anglaise, en février, adû reporter de six mois son projetCare.data de centralisation des donnéesde santé devant de nombreuses critiques. Dans le même pays, l’entrepriseEarthware adû fermer enmarsun site deconsultationdedonnéesde santé car elleétait soupçonnée de s’être illégalementappropriée ces informations.En France, outre la commission « open
data santé », deux missions du Sénatsont en cours sur ces sujets. Une consultation portant sur 260 fichiers de données de santé a aussi été lancée jusqu’au28 avril (Opendatasante.equestionnaire.com). Un projet de loi devrait suivre pour la fin de l’année. Quels fichierssortiront des coffres ? p
Qu’à cela ne tienne,d’autres ont proposénon pas de « flouter »
les fichiers maisde les « brouiller »
Délugeet fuitesd’informations
D eux cents numéros de cartesbancaires récu
pérés par des piratesdans un restaurant duMinnesota aux EtatsUnis. 15 00noms d’étudiants, leurs téléphones,leurs numéros d’assurés,leurs mails, probablement évaporés depuisun serveur infecté deleur université du Wisconsin. 1 079 noms depatients, leurs dates denaissance et des informations médicales perdues sur le portable d’unemployé de l’assurancemaladie anglaise…Tels sont quelques
exemples, enmars, defuites de données recensées par l’Open SecurityFoundation, associationaméricaine à but non lucratif. Depuis 2004, elle
farfouille dans le Web à larecherche d’incidents relatant des pertes de fichierset les enregistre dans sabase de données, Datalossdb.org. Elle collecte également les vulnérabilitésdes systèmes informatiques.
2 164 incidents en 2013Dans son rapport de fé
vrier, l’association a dénombré, en 2013, 2 164 incidents pour 822 millionsde données (un record !).Des cas demalveillancedans 70 % des cas; les 30%restant proviennent dedocuments égarés, de traces laissées sur le Web, deportables perdus… 37 %des incidents révèlent desnoms, identifiants de connexion, mots de passe.Un quart des fuites sont
imputables à des em
ployés des entreprises ouorganisations, comme cesalarié d’un centre d’appeld’Air France, en Floride,qui, enmars 2012, avaitvolé des numéros de cartes bancaires et les nomsassociés.En 2013, 29 incidents ont
été rapportés pour laFrance. Point peu rassurant, 60 entreprises ontsubi plusieurs complications – 260 problèmes ontconcerné des organisations déjà touchées.Le record revient à l’en
treprise Adobe, qui, en octobre 2013, a vu ses ordinateurs attaqués, ce qui aconduit au vol de 152millions de noms, identifiants,numéros de cartes bancaires… Depuis le début del’année, 538 incidents ontdéjà été rapportés. p
d. l.
6 | 0123Mercredi 9 avril 2014 | SCIENCE &MÉDECINE | R E N D E Z V O U S
Q ui n’a pas eu droit à un tournoi de toupies avec ses neveux ? Ce jouet, connudepuis l’Antiquité, est revenu àlamode il y a quelque
temps : il nous fascine enmontrant lastabilité d’un corps en rotation sur lui
même. Deuxphysiciens allemands (Felix Klein et Arnold Sommerfeld) lui ontconsacré un volumineux traité en quatre tomes où ils le désignent commeun « instrument philosophique ». En vérité, la rotation est un concept à la foissimple et encoremystérieux.Il y a un siècle, un grandmathémati
cien français, Elie Cartan, étudied’étranges objets qui ont un lien avecles rotations. Quelques années plustard, on trouve que ces spéculationsabstraites sont réalisées dans la nature,au niveaumicroscopique. Ondit en effet souvent que certaines particulesélémentaires sont commede petitestoupies qui tournent sur ellesmêmes.Toutefois, c’est seulement une image.D’abord les particules, comme le proton ou l’électron, ne sont pas de petitsobjets. Dans de nombreuses circonstances, elles se comportent plutôtcommedes ondes.Parfois, on ajoute alors que ces parti
cules sont dotées d’une propriété, appelée spin, qui n’a pas d’équivalentdans le domaine de nos expériencesquotidiennes. Par exemple, les électrons ont un spin 1/2. Pour être plusprécis, il faudrait avoir recours aux entités découvertes par Cartan, les spi
neurs. Leur propriété singulière estque, si vous prenez un spineur et quevous lui faites faire un tour sur luimême (360degrés) il ne revient pas àl’état initial,mais ses composantessontmultipliées par un facteur − 1. Illui faudra deux tours complets pourrevenir à l’état initial. C’est une toupiemagique !Unpetitmodèle permet de visualiser
la question. Si vous prenez un rectangle de papier, avec un côté très long(par exemple dix fois plus long quel’autre), et que vous collez les deux côtés courts l’un sur l’autre, vous obtenezune rondelle de cylindre. Si, avant decoller, vous avez fait subir une torsiond’un demitour à l’une des extrémités,vous obtenez unobjet plus complexe,appelé ruban deMöbius. Une fourmiquimarche le long du ruban se retrouve, après avoir fait un tour complet, sur le côté opposé à celui d’où elleétait partie, et, tout comme le spineur,il lui faudra deux tours pour revenir àson point de départ.Dans la nature, le spin joue un rôle
fondamental. Par exemple, toutes lesparticules qui forment lamatière,comme les quarks et les électrons,ont un spin 1/2 et se comportent un
peu comme le ruban deMöbius. Lesparticules qui décrivent les interactions fondamentales, comme cellesde l’électromagnétisme, ont un spin 1,et un comportement « normal » parrapport aux rotations. Les premièressont appelées fermions. Face au choixd’un grand nombre d’états libres, lesfermions se répartissent loin les unsdes autres, comme les baigneurs surune plage. Les deuxièmes, appelés bosons, ont au contraire tendance à semasser les unes sur les autres,comme parfois les voyageurs dansune rame demétro.Le spin, qui détermine ce comporte
ment et donc toutes les propriétés delamatière, conditionne ainsi lemondedu quotidien. Invisible, il règne enmaître. Si tout cela vous laisse perplexe, consolezvous. Comme le dit lemathématicien anglaisMichaelAtiyah : « Personne ne comprend complètement les spineurs. Leur algèbre estcomprise formellementmais leur signification estmystérieuse. D’une certainefaçon, ils décrivent la “racine carrée” dela géométrie, et tout comme il nous afallu des siècles pour comprendre la racine carrée de − 1, il pourrait en aller demêmepour les spineurs. » p
L’animalqui valait3milliardsl e l i v r e
Quand les inventionsde la nature inspirentl’innovation
laurent brasier
P sikharpax est capable de parcourirun labyrinthe en reconnaissant lastructure des parois à l’aide de sesvibrisses. Normal pour un rat de la
boratoire, direzvous. Sauf que les organessensoriels de ce rongeur sont en fibre de carbone ! Psikharpax est un ratrobot. L’un destrès nombreux exemples de découvertestechnologiques, robotiques et bioniques lesplus récentes que présentent Agnès Guillotet JeanArcadyMeyer, chercheurs à l’Institutdes systèmes intelligents et de robotique del’université PierreetMarieCurie ParisVI(ISIR), dans un ouvragemalicieusement intitulé Poulpe fiction.Ces recherches bioinspirées – ici limitées
auxmodèles animaux – sont abordées parde vastes catégories taxonomiques :mollusques, crustacés, insectes, poissons, amphibiens, reptiles, oiseaux,mammifères – dontl’homme. Une présentation ludique et pertinente, qui souligne la diversité des travaux etde leurs potentielles applications. Si vousaviez déjà entendu parler de la résistancemécanique du fil de soie des arachnides oude l’intelligence en essaim des insectes sociaux, peutêtre ne saviezvous pas que lamoule et le tofu sont à l’origine de la créationd’un adhésif pour contreplaqués, ou que lestermites sontmaîtresmaçons enmatière declimatisation, inspirant la construction debâtiments économiques.Ce vaste bestiaire robotique est en soi amu
sant à passer en revue.Mais plus intéressantes encore sont les fenêtres ouvertes par cesrecherches enmatière d’applications pourl’homme (unœil inspiré de celui de lamouche pourrait aussi bien servir à un alunissagequ’à l’assistance des personnesmalvoyantes)ou pour la recherche animale : les animauxeuxmêmes peuvent être étudiés par le biaisdemachines, comme cette abeillerobot suivie dans sa danse par de véritables abeilles.Du côté des robots inspirés par l’homme, le
spectre est aussi impressionnant: Robonautseconde les astronautes, des robotsmatonspatrouillent dans les prisons coréennes etune kyrielle de robots jouent les pompiers,les auxiliaires de puériculture, les professeurs ou encore les infirmiers – si possibleavec une tête d’ourson, pour ne pas affolerles blessés par leur « inquiétante étrangeté ».Comment ces trouvailles influenceront
elles le devenir de nos sociétés ? L’ouvragese contente d’ouvrir sommairement quelques réflexions (« roboéthique », « transhumanisme »). Il est en tout cas des choses quine devraient pas varier. Ainsi du football, défini par l’avantcentre britannique GaryLineker comme « un jeu simple» où, « à lafin, ce sont les Allemands qui gagnent» : lorsde la finale de la Coupe dumonde robotiquede football 2013, l’équipe allemande a terrassé les robots nippons 5 à 0, profitant desdifficultés de ces derniers pour se relever defaçon autonome… p
Poulpe fiction. Quand l’animal inspirel’innovation, d’Agnès Guillot et JeanArcadyMeyer (Dunod, 240 p., 19 €).
Lazare, lèvetoietaboie !tente aussitôt de les ressusciter. Oncomprendmieux pourquoi les foxterriers en question sont tous appelésLazare.Le projet est né dans son esprit l’an
née précédente, après que Cornisheut tenté de ramener à la vie plusieurs cadavres, en les allongeant surune planche à bascule. Les techniquesmodernes de réanimation n’existantalors pas, l’idée de ce dispositif consistait à profiter de la gravité pour recréer artificiellement une circulationsanguine en espérant que le déplacement du sang fasse repartir la machine. Aucun des sujets ne ressuscitaet Cornish attribua cet échec au faitque, arrivant entre sesmains desheures après leur décès, ils s’étaienttrop refroidis et qu’aucune de ses tentatives pour les remettre à bonnetempérature (couverture chauffante,bain tiède, pièce à 35 °C) n’avait fonctionné. L’idéal eût été de disposer desmacchabées dans lesminutes suivantleurmort, mais la Camarde a la fâcheuse habitude de ne pas prendrerendezvous.D’où l’idée de provoquer soimême
le passage de vie à trépas sur deschiens. En contrôlant la mort, Cor
nish pense avoir plus de chancesd’arriver à la résurrection. Les foxterriers subissent d’abord une anesthésie fatale avec unmélange d’étheret d’azote. L’équipe attend quelquesminutes après l’arrêt cardiaque puisse met au travail. Piqûre d’adrénalinepour faire repartir le cœur, injectiondans une veine d’unmélange desang de chien, de solution saline etd’un anticoagulant. L’animal estplacé sous oxygène dans une sortede berceau, où on le balance d’avanten arrière pour faire circuler le liquide injecté.On ne sait pas ce qu’il est advenu du
premier Lazare, mais l’absence de résultat est sûrement synonyme demauvais résultat… Pour les deux suivants, Cornish obtient des signes devie, mais les animaux ne sortent pasdu coma et remeurent au bout dequelques heures. Le quatrième fox seréveille après treize jours, mais il setraîne et, souffrant visiblement de séquelles au cerveau, il sera chienzombie pour le restant de ses jours. Lecinquième Lazare sera le bon (tout lemonde n’est pas doué pour ressusciter lesmorts). Il ne lui faut que quatrejours pour se lever, manger, aboyer.
Bref, refaire sa vie de chien.Après ce succès, Cornish veut re
tourner à l’humain. N’ayant pas uneâme d’assassin, il sollicite donc lesgouverneurs du Colorado, du Nevadaet de l’Arizona, trois Etats où les condamnés àmort sont exécutés dansune chambre à gaz. Mais, dénués detout intérêt pour l’avancement de lascience, ces hommes politiques refusent. On imagine d’ailleursmal cequ’ils auraient pu faire d’un détenuressuscité… Le retuer ?L’histoire n’est pas terminée. En
1947, ThomasMcMonigle, installédans le couloir de lamort d’une prison californienne, fait appel à RobertCornish, lui disant qu’il veut bien tenter l’expérience. Mais le directeur del’établissement explique non sanshumour aumédecin que, étantdonné que les gazmettent une heureà être évacués de la pièce, il devraits’installer dans le fauteuil situé à côtéde celui deMcMonigle…L’on raconte que Cornish fut très
mécontent de cette réponse et qu’ilcessa de s’intéresser à ces expériences de réanimation extrêmes. Au lieude cela, il lança samarque de dentifrice. La résurrectionmène à tout. p
Unocéansous laglaced’Encelade ?
Enmesurant des variations infimes de la vitesse de la sonde Cassini lors de trois survolsd’une lune de Saturne, Encelade, les astronomes ont acquis la conviction que celleci abritait un océan sous la couche de glace qui la recouvre, dans la région du pôle Sud (Science du
4 avril). Ces changements de vitesse sont dus àdes fluctuations du champ de gravité liées à laprésence d’unemasse d’eau liquide profondede 10 kilomètres, recouverte par 30 à 40 km deglace. Une hypothèse concordant avec l’éjectionde panaches d’eau salée dans cette zone. p
Destoupiestrèsparticulières
I l y a quatrevingts ans, au printemps 1934, le médecin américain Robert Cornish entreprendune série d’expériences qui, à
l’époque, lui permettent d’incarnerjoliment la figure du savant fou : lechercheur tue en effet des chiens et
RevueEspèces: les ailes de l’évolutionLa revue d’histoire naturelle Espèces inaugure une collection de hors séries sur lesmondes disparus. Le n°1, rédigé en grandepartie par le paléontologue Eric Buffetaut,balaie 160millions d’années d’histoire évolutive des oiseaux, depuis l’ancêtre Anchiornis jusqu’au destin abrégé du dodo. Cettepublication coïncide avec une exposition àPaléopolis à Gannat (Allier).>Hors série «Espèces», avril, 84 p., 8,90€> Paléopolis:http://www.paleopolisparc.com/
Livraison
NASA/JPL/SPACE SCIENCE
INSTITUTE
l e s c o u l i s s e sd e l a pa i l l a s s e
MarcoZitoPhysiciendesparticules,
Commissariatà l’énergieatomiqueetauxénergiesalternatives
PHOTO: MARC CHAUMEIL
improbablologie
PierreBarthélémyJournaliste et blogueur
Passeurdesciences.blog.lemonde.frPHOTO: MARC CHAUMEI)
R E N D E Z V O U S | SCIENCE &MÉDECINE | Mercredi 9 avril 20140123 | 7
MichelL’Hour,patrondel’archéologiesousmarine
r e n c o n t r e | Ce«merrien »anaviguésurtouteslesmersduglobeeteffectuéplusdedixmilleheuresdeplongée
La chèvre, unefinaudequicache son jeu
z o o l o g i e
florence rosier
A ristote les qualifiait d’animaux « vifset versatiles ». Dans l’imaginairecollectif, les chèvres sont agilesmais fantasques, écervelées, capri
cieuses. Lesmots « caprice » et « chèvre »n’ontils pas lamême étymologie latine, capra ?Loin d’être nigauds, les caprins sont plutôt
finauds. C’est ce que révèle une étude publiéedans Frontiers in Zoologie, le 26mars, par uneéquipe de l’université QueenMary à Londres.« Une équipe allemande avait déjà observé queles caprins sont capables de discriminer des formes géométriques, indique Elodie Briefer, premier auteur de l’étude. Et nous avons constatéque les chèvres savent ouvrir le loquet de leurbox. Leur bouche est trèsmobile. »Les auteurs ont évalué l’aptitude de douze
chèvres à apprendre une tâche complexe :ouvrir une boîte avec leur bouche, d’abord entirant un levier, puis en le soulevant pour sevoir délivrer une récompense alimentaire.Résultats : deux des chèvres testées ont optépour laméthode forte. Avec leurs cornes, cesesprits frondeurs ont secoué le dispositifpour accéder à la nourriture. Ces tricheusesont été exclues. Une autre chèvre n’est jamaisparvenue à apprendre cette tâche. Les neufautres, en revanche, ont réussi au bout detreize essaismaximum, soit en trois à sixjours.Les chercheurs ont évalué leur comporte
ment dixmois plus tard, sans qu’elles aient puentretemps interagir avec la boîte. «Mêmeaprès dixmois, nos animaux réussissaient à accomplir cette tâche enmoins de deuxminutes.Les chèvres ont donc une bonnemémoire àlong terme, indique Elodie Briefer. Et elles semblent aimer cet enrichissement cognitif. »L’équipe londonienne a aussi comparé les
performances d’apprentissage des chèvresquand elles pouvaient ou non observer uncongénère accomplir la tâche.Mais les chèvres bénéficiant de ces « démonstrateurs »n’ont pas appris plus vite. « Elles ont apprisprincipalement de façon individuelle », souligne Elodie Briefer.
« Les caprins sont des animaux explorateurs.Ce sont aussi des animaux sociaux, avec unegrégaritémoinsmarquée que celle des ovins etdes bovins. Cela peut expliquer l’absence de facilitation sociale chez les chèvres dans cette expérience, commente Alain Boissy, éthologistedes ongulés domestiques à l’Institut nationalde la recherche agronomique (INRA) deClermontFerrand.Malgré tout, elles savent reconnaître et discriminer différents congénèresfamiliers, même après plusieursmois de séparation. Chez les animaux domestiques, la cognition individuelle ne peut être dissociée de lacognition sociale. »Selon les auteurs, cette forme d’intelligence
expliquerait comment les chèvres parviennent à s’adapter facilement à des environnements rudes, où elles doivent explorer lemilieu pour en extraire leur nourriture. Lescaprins n’ont sans doute pas livré toute l’étendue de leurs talents. Souvenonsnous deDjali,la chèvre savante d’Esméralda : «Une jolie petite chèvre blanche, alerte, éveillée, lustrée », décrite par VictorHugo dansNotreDame de Paris. En 1482, sur la place deGrève (l’actuelleplace de l’HôteldeVille), Djali savait déjàcompter. Samaîtresse lui tend son tambourpour répondre à ses questions. « “A quelmoissommesnous de l’année ?” La chèvre leva sonpied de devant et frappa un coup sur le tambour. On était en effet au premiermois. Lafoule applaudit. “Djali, (…) à quel jour dumoissommesnous ?”Djali leva son petit pied d’or etfrappa six coups sur le tambour. (…) Le peupleétait émerveillé. » p
Ouvrir une boîte avec leur bouche,c’est l’une des nombreuses aptitudes
des chèvres pour apprendreune tâche complexe.QUEEN MARY UNIVERSITY OF LONDON
t é l e s c o p e
viviane thivent
Sur l’«AndréMalraux», envoyée spéciale
L es poings posés sur les hanches,Michel L’Hour considère l’engintéléguidé (ou ROV) qui dégoulineà ses pieds, sur le pont arrière del’AndréMalraux, le navire du Département des recherches archéo
logiques subaquatiques et sousmarines, leDrassm, qu’il dirige depuis 2006.Unposte dedirection pour lequel il s’est, de son propreaveu, battu. Créé en 1966 par AndréMalraux,le Drassm effectue des expertises sur 11 millions de kilomètres carrés d’espaces immergés ainsi que sur les épaves françaises retrouvées dans le monde. « Or, depuis des années,le département périclitait. Son navire, L’Archéonaute, ne naviguait plus. Et le ministèreallait une fois de plus nommer un directeurignorant tout de l’archéologie sousmarine:alors j’aimenacé dedémissionner si l’onnemedonnait pas le poste. »Cequ’il a obtenu. Ainsiquedenouveaux locaux, à l’Estaque, des postes supplémentaires et un bateau de recherche qu’il a conçu avec son équipe, l’AndréMalraux, mis à l’eau en 2012.« Plus opiniâtre que Michel, c’est pas possi
ble, s’amuse Denis Metzger, le capitaine – oupacha – du navire. C’est un fou de boulot… etun vrai Breton!» Une appartenance régionale qu’à 60 ans, le directeur du Drassm revendique toujours. Et peu importe qu’il soitné à Tunis. Sa famille a de l’eau salée dans lesveines, assuretil.Cette posture l’a beaucoup servi, notam
ment lorsque le Drassm l’a chargé de la zoneAtlantique. C’est en effet grâce à ce label breton – il a tout de même grandi à Nantes –qu’il a pu trouver des informateurs et résoudre ses premiers cas depillages d’épaves.Unemarotte qui le suivra toute sa carrière puisqu’aujourd’hui il est, entre autres fonctions,expert pour l’Observatoire international dutrafic illicite des biens culturels.Depuis 2006, toutefois, ce « merrien »passe
moins de temps en mer. Ce qui se voit unpeu. Car à cause « du temps de curé » – comprendreunbeau temps sansvent –qu’il a faittoute la journée, il a pris des couleurs. De celles que seuls les rouxauxyeuxclairs peuventarborer… avec les Anglais. Une comparaisonavec l’«ennemi héréditaire» qui ne plairaitguère au pacha, celui qui est pour MichelL’Hour « ce qu’Albert Falco était à Cousteau,mon complice à la mer, celui des beaux jourset des gros temps ». Celui des galères, des découvertes extraordinaires ou… des prises
d’otages en mer de Chine. « Tous ces moments qui font que l’on sait très exactement ceque les autres ont dans les tripes, place Frédéric Leroy, l’adjoint au directeur du Drassm,que l’on connaît la valeur de chacun. »Ces « chacun » – archéologues, techni
ciens, plongeurs ou photographe – s’affairent justement autour du ROV, en panne cejourlà. Les plus manuels démontent l’en
gin ; les autres échafaudent des plans B oupréparent le matériel de plongée, au cas où.Tous sont reconnaissables aux vêtementsestampillés Drassm. Une idée de MichelL’Hour pour améliorer la visibilité de seséquipes sur le terrain…mais aussi sur les clichés ou films faits pour le grand public. « Ilest primordial que le plus grand nombrepuisse voir les épaves et prendre consciencede notre travail et de l’intérêt de ce patrimoine immergé… », insistetil.« Bon, que faiton ? », intervient le pacha.
Sorti pour une expertise judiciaire, leDrassm doit coûte que coûte inspecterl’épave recherchée avant la nuit. MichelL’Hour tranche : « On retire l’appareil photodu ROV, on l’attache à un câble et on l’envoieau fond. » L’ordre donné, l’équipage s’exécute sans discuter. « C’est lui le patron », explique Frédéric Leroy. Le patron de l’archéologie sousmarine française, voilà qui définitplutôt bien Michel L’Hour. En plus de trenteans de carrière, l’archéologue moderniste anavigué sur toutes lesmers duglobe et effectué plus de 10 000 heures de plongée.Un score chèrement payé puisqu’il est dé
sormais appareillé pour cause de surdité,comme nombre de ses collègues. « Voilàpourquoi je ne fais plongermes équipes que si
c’est nécessaire», confietil en rejoignant lasalle de visionnage. Cela explique aussi qu’iltravaille sur le développement de robotssousmarins capables de remplacer les archéologues au fond des océans. En attendant, un nouveau ROV est en commande.Sur les écrans, le «vert fond vaseux» suc
cède au «vert colonne d’eau». Pendant quele pacha maintient l’AndréMalraux àl’aplomb de l’épave recherchée, l’appareilphoto tourne sur luimême et manque des’enliser. En silence, les archéologues, techniciens, plongeurs ou photographe, cettefois agglutinés dans la salle commune, suivent les déboires de l’instrument… qui finitparmontrer les lignes vagues d’une épave.
Quelques photos sont prises à la voléepuis l’équipe se remet en mouvement,comme si de rien n’était. La complémentarité et l’intimité de cet équipage sont à cemoment précis frappantes. «Je les ai touschoisis pour leurs qualités professionnelles ethumaines. C’est une nécessité en mer», assuretil. Mais c’est sans doute, aussi, une nécessité pour lui. Car lorsqu’on lui demandece qui lui vient en tête lorsqu’il repense à sacarrière, ce sont des visages, des éclats derire, des mots qui inondent sa mémoire. Etnon des épaves. p
« Plus opiniâtre queMichel,c’est pas possible,
s’amuse DenisMetzger,le capitaine – ou pacha – du
navire. C’est un foude boulot… et un vrai Breton ! »
Michel L’Hour,au large de la Corse,à bord de l’« AndréMalraux », en 2012.
TEDDY SEGUIN
8 | 0123Mercredi 9 avril 2014 | SCIENCE &MÉDECINE |
Des capteurs électroniques étirables qui collent à la peau
SOURCE : UNIVERSITÉ DE L'ILLINOISTEXTE : HERVÉ MORIN INFOGRAPHIE LE MONDE
Comment concilier la rigidité descircuits électroniques et la plasticitéde la peau humaine ? La questionse pose pour nombre de capteurs dits« épidermiques », qu’il s'agissed’assurer le suivi d’une personnehospitalisée après son retourà domicile ou d’un nouveau-né dansune unité de soins intensifs oud’enregistrer l’activité d'une personneâgée. Une équipe internationaledirigée par John Rogers (universitéde l’Illinois, à Urbana- Champaign)propose dans Science du 4 avril unesolution originale, encore à l’état deprototype. L’idée est d'immerger lecircuit électronique dans une sorted’enveloppe déformable ettransparente, remplie d’ un liquidevisqueux et isolant (du silicone), touten reliant électriquement chacunde ses composants par le biaisde petits serpentins métalliques.Cet assemblage est étirable, se tord etretrouve sa forme initiale sans pertede fonctions. John Rogers etses collègues ont ainsi testé plusieurstypes de mesures : température,ondes cardiaques (ECG), ondescérébrales (EEG), mouvement (chute).Toutes ces données peuvent êtrefacilement transmises par ondesradio, le tout ne requérant qu'unetrès faible consommation d'énergie,fournie par une pile-bouton ou,sans contact, par induction.
Echelle non respectée
Des fonctions multiplesLes divers capteurs qui équipent le dispositifaccéléromètre, thermomètre, conduction électriquede la peau, etc., ne dépassent pas un millimètred'épaisseur et sont couplés avec un émetteur radioet des systèmes d'alimentation électrique.
L’électronique en geléeLes circuits imprimés sont scellés dansune poche d’élastomère et baignentdans un fluide visqueux de silicone.Cette disposition a pour fonctiond'absorber chocs et déformations, ce quiest aussi rendu possible par le systèmede circuit électrique en serpentinétirable.
Thermomètre
Electronique
Réseaud’inter-connectionflexible
Substrat enélastomère structuré
Couvertureélastomère
Emetteurradio
Normal
Etirement à 50 %
Etirement à 100 %
Circuit électriqueserpentiforme
AmplificateurContactexterne
Capteur
L’ emploi scientifique en France, auCNRS en particulier, estil menacédans notre pays ? Le conseil scientifique de l’organisme a récemmentalerté dans ces colonnes (« Science& médecine» du 18 mars) sur les
« sombres perspectives » auxquelles nous serions irrémédiablement soumis dans les années à venir.Ce tableaune représente qu’une partie de la réalité.Dans la crise des finances publiques que traverse
notre pays, je veux rappeler que le CNRS a réussi jusqu’à présent à préserver en grandepartie les emploispermanents, qu’il s’agisse des chercheurs (ou chercheuses) comme des ingénieur(e)s, technicien(ne)set administratifs, tous indispensables au bon fonctionnement de la recherche. Les départs à la retraite(mais non les départs pour d’autres causes) ont étéremplacés en quasitotalité ces trois dernières années. Peu d’établissements publics ou d’administrations ont eu cette chance.Par ailleurs, au CNRS comme dans la plupart des
entreprises publiques et privées, les départs à la retraite ont diminué ces dernières années. Moins dedéparts à la retraite impliquent moins de recrutements. Nous avons dû en tenir compte.A l’image de l’ensemble de la recherche publique, le
CNRS vit depuis plusieurs années déjà à l’heure debudgets contraints. Cet état de fait est connu de tousdans les laboratoires. Mais il me semble qu’il est àporter au crédit d’un organisme de 34 000 personnes d’avoir été capable de maîtriser sa masse salariale. Nous n’avons jamais eu à quémander une rallonge à notre tutelle pour pouvoir verser les salairesde fin d’année. Et le fameux « GVT » (glissementvieillesse technicité) est pris en compte dans notrebudget. Cette maîtrise est un indice du sérieux aveclequel tout organisme public doit – aujourd’hui sansdoute encore plus qu’hier – gérer l’argent public.A budget et effectifs constants, avec une masse sa
lariale qui s’accroît mécaniquement sous l’effet desprogressions de carrière, notre choix a été de préserver les marges de manœuvre qui nous permettentde soutenir la recherche dans les laboratoires et demaintenir notre apport aux très grandes infrastructures de recherche (TGIR).Afin de contenir la masse salariale, j’ai décidé de
faire porter l’effort pour l’essentiel sur les contrats àdurée déterminée relevant de la subvention d’Etat(etnondes ressourcespropresqui sontdans les laboratoires). Je sais que cette contraction a été ressentiedurement au sein des directions et délégations régionales de l’établissement. Mais il faut faire deschoix.
Dans la compétition mondiale que vit la recherche, nous veillons à rester ouverts aux talents d’oùqu’ils viennent. Le CNRS recrute aujourd’hui 30 %de chercheurs et chercheuses étrangers et c’estpour nous une source de fierté. Nos laboratoiressont des lieux d’accueil pour des dizaines de scientifiques de toutes nationalités qui nous apportentleurs compétences et leur énergie. Ils nous permettent aussi de tenir une place de choix sur le plan international, qui est aujourd’hui le seul terrain dejeu possible pour la recherche. Ainsi, près de 60 %des publications issues des équipes labelliséesCNRS ont pour coauteurs des chercheurs ou deséquipes étrangères.Un seul exemple : un article très récent paru dans
la revueNature relate la fabrication de nanorubansde graphène hautement conducteurs à température ambiante. Il s’agit d’une véritable prouesse expérimentale. Sur la dizaine d’auteurs de cet article,lamoitié travaille dans des laboratoires français, lesautres sont allemands ou américains.
Cette réalitélà nous oblige en termes d’emplois. Ilnous faut participer activement à la circulation descerveaux et des idées, dans un monde scientifiquequi s’ouvre, notamment dans les pays du SudEstasiatique, à de nouveaux acteurs très performants.Il nous faut donc continuer à recruter, fûtce modestement comme aujourd’hui.Une année sans recrutements n’est pas conceva
ble : que le CNRS passe son tour une seule année auguichetmondial des embauches et le voilà pénalisépour de longues années. L’enseignement supérieuret la recherche français ont connu cette situation àla fin des années 1970. Les effets ont été désastreuxet se sont propagés pendant quarante ans avec desconséquences délétères sur le renouvellement desthématiques de recherche, son organisation, les directions des laboratoires, l’attractivité des métiersde la recherche et les carrières, etc.
L’émergence de grandes universités de recherche,garantes d’unemeilleure visibilité de la France auniveau mondial, et auxquelles le CNRS apporte toutson soutien, ne peut pas non plus se concevoir sansrecrutements de haut niveau.Les trois dernières années nous ont appris à vivre
dans des budgets contraints. Le CNRS tire une réellefierté, je le répète, de la maîtrise stricte de son budget. Les Français ne comprendraient d’ailleurs pasque les scientifiques s’affranchissent de toute contrainte à un moment où la crise touche durementtous les secteurs et où il est demandé des efforts àtous. Mais ils ne comprendraient pas davantagequ’on sacrifie l’avenir. C’est ce qui vaut à la rechercheet à l’enseignement supérieur de bénéficier actuellement d’un budget préservé. L’avenir n’est pas écrit etla crise ne sera pas éternelle. En préservant aumieuxnotre potentiel, nous préservons l’avenir.C’est pourquoi je veux lancer un appel aux jeunes
générations pour leur dire : ne désespérez ni de la recherche ni de l’emploi scientifique ! Le climat – quiest une composante importante de l’état d’espritd’un peuple – n’est pas plus morose dans les laboratoires français qu’ailleurs. Notre pays reste et resteraun grand pays scientifique. Nous n’entrons pas dansun hiver de la science.Aux jeunes docteurs, je veux dire aussi que le CNRS
ne fermera jamais ses portes. Bien sûr, cette décisionappartient à la puissance publique – avec laquellenous travaillons d’arrachepied, tous les jours, pourtrouver des solutions – et en particulier au Parlement, qui vote les lois et les budgets. Aux élus, je demande de ne pas céder à la tentation d’un stopandgo en matière de recrutement scientifique quiromprait la continuité dans l’effort qu’exige la recherche fondamentale.Au CNRS de continuer à produire de la science de
base aumeilleur niveaumondial et de contribuer autransfert et à la valorisation des résultats de la recherche fondamentale, comme c’est le cas par exemple avec le matériau inspiré de la nacre, dix fois plustenace qu’une céramique classique, inventé très récemment au sein d’un laboratoire mixte entre leCNRS et l’un de ses fidèles partenaires industriels. Letout en assurant une gestion responsable.Dans ce monde incertain, la qualité de notre re
cherche scientifique, héritage d’un effort soutenude la nation pendant des décennies, est un atoutconsidérable. Nous sommes un des pôles reconnusde la science mondiale multipolaire, et nous devons consolider cette position enviable. Car il n’y apas de nation prospère sans recherche scientifiquede qualité. p
« Aux élus, je demande de ne pas céderà la tentation d’un stopandgo
enmatière de recrutement scientifiquequi romprait la continuité dans l’effortqu’exige la recherche fondamentale »
¶Alain Fuchs est
président du CNRS.
Dansunenvironnementbudgétaire« contraint »,leprésidentduCNRS,AlainFuchs,quivientd’êtrereconduitpourquatreans,assumeseschoixenmatièred’emploiscientifique
«Nousn’entronspasdansunhiverdelascience »| t r i b u n e |
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