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33 L’Orthodontie Bioprogressive - décembre 2009 Importance médico-légale Nous devons à nos patients des traitements «consciencieux et conformes aux données actuelles de la science» et une information claire et compré- hensible comprenant les «risques habituels et excep- tionnels». Après avoir relevé des signes mineurs d’une malformation, il faut les exposer au patient car la malformation constitue un facteur de risque. Cela permet de modifier un projet thérapeutique et éventuellement d’en fixer les limites, annonçant une reprise orthodontico-chirurgicale en toute fin de croissance. Tout ceci devra être mentionné dans le consentement éclairé signé par le praticien et le patient ou son représentant légal. Grandes lignes du traitement des malformations L’ODF est une des composantes de la prise en charge pluridisciplinaire des malformations faciales. Par ailleurs, leur plan thérapeutique n’est pas univoque d’autant que leur expression est variable. Nous ne faisons pas de compromis a priori considérant que le patient présentant une malformation devra avoir le même résultat à terme que le patient sans la mal- formation. L’orthodontiste intervient en collabora- tion avec le chirurgien maxillo-facial, le chirurgien- dentiste, l’ORL afin d’assurer des fonctions oro- faciales normales favorisant la croissance et pour assurer à terme une harmonie faciale fonctionnelle et esthétique. Ainsi le traitement ne sera pas conti- nu mais parfois ponctuel et n’épuisera pas le poten- tiel d’adhésion du patient. Syndromes otomandibulaires dont le syndrome de Goldenhar Ces syndromes sont connus sous le nom de «micro- somie hémifaciale» bien que les éléments cliniques puissent se développer de façon bilatérale. Les patients atteints présentent en fonction de l’expres- sion clinique du syndrome une asymétrie faciale d’aggravation progressive. Il existe une hypoplasie : – de la mandibule ; – de l’oreille externe et moyenne avec hypoacousie ; – des tissus mous de la joue. Des appendices prétragiens, des kystes dermoïdes épibulbaires ou une macrostomie peuvent y être associés (fig. 1 et 2). Sur le plan radiologique, l’hypoplasie a été classée en trois stades 2 . En cas d’expression clinique très Syndromes malformatifs à expression faible : un piège pour l’orthodontiste C. PAULUS Conférence présentée le 15 décembre 2008, à Lyon Voir apparaître au décours d’un traitement en période de croissance une asymétrie ou une récidive ou même devoir noter une action orthopédique insuffisante est une déconvenue qu’il vaut mieux prévoir afin de pouvoir informer le patient et ses parents. Les syndromes malformatifs de l’extrémité céphalique ne sont pas toujours très visibles dès le plus jeune âge. Il est nécessaire de connaître leur tableau clinique complet pour que l’œil puisse être attiré par un élément clinique faisant suspecter une telle anomalie. Cela permet de rester vigilant et de dépister les cas à expression faible. Durant la croissance, les signes sont par- fois minimes. L’anomalie s’exprime lors de la poussée de croissance finale et dégrade le résultat orthodontique obtenu. Adresse de correspondance : Christian Paulus, 5 rue Chambovet, 69003 Lyon. E-mail : [email protected]

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Importance médico-légale

Nous devons à nos patients des traitements«consciencieux et conformes aux données actuellesde la science» et une information claire et compré-hensible comprenant les «risques habituels et excep-tionnels». Après avoir relevé des signes mineursd’une malformation, il faut les exposer au patientcar la malformation constitue un facteur de risque.Cela permet de modifier un projet thérapeutique etéventuellement d’en fixer les limites, annonçant unereprise orthodontico-chirurgicale en toute fin decroissance. Tout ceci devra être mentionné dans leconsentement éclairé signé par le praticien et lepatient ou son représentant légal.

Grandes lignes du traitementdes malformations

L’ODF est une des composantes de la prise en chargepluridisciplinaire des malformations faciales. Parailleurs, leur plan thérapeutique n’est pas univoqued’autant que leur expression est variable. Nous nefaisons pas de compromis a priori considérant que lepatient présentant une malformation devra avoir lemême résultat à terme que le patient sans la mal-formation. L’orthodontiste intervient en collabora-

tion avec le chirurgien maxillo-facial, le chirurgien-dentiste, l’ORL afin d’assurer des fonctions oro-faciales normales favorisant la croissance et pourassurer à terme une harmonie faciale fonctionnelleet esthétique. Ainsi le traitement ne sera pas conti-nu mais parfois ponctuel et n’épuisera pas le poten-tiel d’adhésion du patient.

Syndromes otomandibulairesdont le syndrome de Goldenhar

Ces syndromes sont connus sous le nom de «micro-somie hémifaciale» bien que les éléments cliniquespuissent se développer de façon bilatérale. Lespatients atteints présentent en fonction de l’expres-sion clinique du syndrome une asymétrie facialed’aggravation progressive.

Il existe une hypoplasie :– de la mandibule ;– de l’oreille externe et moyenne avec hypoacousie ;– des tissus mous de la joue.

Des appendices prétragiens, des kystes dermoïdesépibulbaires ou une macrostomie peuvent y êtreassociés (fig. 1 et 2).

Sur le plan radiologique, l’hypoplasie a été classéeen trois stades2. En cas d’expression clinique très

Syndromes malformatifsà expression faible :un piège pour l’orthodontisteC. PAULUS

Conférence présentée le 15 décembre 2008, à Lyon

Voir apparaître au décours d’un traitement en période de croissance une asymétrie ou unerécidive ou même devoir noter une action orthopédique insuffisante est une déconvenuequ’il vaut mieux prévoir afin de pouvoir informer le patient et ses parents. Les syndromesmalformatifs de l’extrémité céphalique ne sont pas toujours très visibles dès le plus jeuneâge. Il est nécessaire de connaître leur tableau clinique complet pour que l’œil puisse êtreattiré par un élément clinique faisant suspecter une telle anomalie. Cela permet de restervigilant et de dépister les cas à expression faible. Durant la croissance, les signes sont par-fois minimes. L’anomalie s’exprime lors de la poussée de croissance finale et dégrade lerésultat orthodontique obtenu.

Adresse de correspondance : Christian Paulus, 5 rue Chambovet, 69003 Lyon. E-mail : [email protected]

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faible, une réduction de la hauteur du col du condy-le ainsi qu’une encoche préangulaire prononcée etasymétrique doivent encore attirer l’attention.

Dans certains cas, seuls de petits signes existent.L’évolution tardive conduira inexorablement versune asymétrie faciale avec obliquité du plan occlusaldont le traitement sera orthodontico-chirurgical unefois la croissance terminée (fig. 3).

Syndrome deFrancheschetti/Treacher-Collins

L’association bilatérale de fentes maxillo-zygoma-tique, temporo-zygomatique et fronto-zygomatiqueconstitue ce syndrome également appelé «dysostosemandibulo-faciale». La transmission est génétiqueautosomique dominante1 avec une expressivitévariable. Son incidence est estimée à 1/50 000 nais-sances.

Il associe :

– une hypoplasie du pavillon des oreilles ;

– une atrésie des conduits auditifs externes ;

– une anomalie des osselets avec surdité de trans-mission ;

– une hypoplasie des os malaires et zygomatiquesavec obliquité antimongoloïde des fentes palpé-brales et un colobome de la paupière inférieure avecabsence de cils du tiers externe ;

– une hypoplasie mandibulaire des ramus ;

– une fente palatine.

Paulus C.

Figure 1Syndrome de Goldenhar avec aplasie de la branche mon-tante, macrostomie (les commissures labiales dépassent laté-ralement l’aplomb des pupilles) opérée, aplasie du pavillonde l’oreille, hypoplasie des parties molles de la joue.

Figure 3 a et bMicrosomie hémifaciale à expression faible. Noter lamacrostomie opérée et l’hypoplasie discrète de la branchemontante.

Figure 2Classification de Pruzanski : stade I : hypoplasie du condyle ; stade II : absence de condyle et hypo-plasie de la branche montante ;stade III : aplasie du condyle et de labranche montante.

a

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Ces malformations faciales sont bilatérales et asy-métriques. Le syndrome complet réalise un facièscaractéristique d’expression variable en fonction dela gravité des défects osseux ou des tissus mous(fig. 4 a à d).

La mandibule est en rétrusion avec un menton

osseux fuyant et une brièveté des ramus ainsi qu’uneencoche préangulaire très marquée (fig. 5).

Les fonctions orofaciales sont affectées par la mal-formation et la ventilation est essentiellement orale.La prise en charge devra être pluridisciplinaire avecle chirurgien cranio-maxillo-facial et l’ORL.

Syndromes malformatifs à expression faible : un piège pour l’orthodontiste

Figure 4 a à dSyndrome de Francheschetti aux signes évidents à connaître : colobomes des paupières inférieures, hypoplasie zygomato-malo-mandibulaire, encoches préangulaires majeures bilatérales.

Figure 5 a à cSyndromes de Francheschetti moins complets, noterl’obliquité des fentes palpébrales, l’anomalie palpé-brale, l’encoche préangulaire.

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a b

c

b

c d

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Séquence de Robin

Ce syndrome décrit en 19234 associe à la naissance :

– glossoptose ;

– microrétrognathisme (fig. 6) ;

– détresse respiratoire avec ou sans fente palatine.

Il est présent chez 1 nouveau-né sur 8 000.

Certains nécessitent un séjour en réanimation néo-natale durant les premières semaines de la vie avecparfois une trachéotomie ou une distraction mandi-bulaire précoce.

Tout patient ayant une fente palatine devra êtreexaminé à la recherche de signes en faveur de laséquence de Robin. Également, tout patient ayantété traité pour une fente palatine durant son plusjeune âge est susceptible de présenter une séquencede Robin.

La microrétromandibulie est due à une microramie etune microcorpie (fig. 7 a à c). Il persiste fréquemmentdurant la croissance une apnée du sommeil qui doit

être suspectée, diagnostiquée et traitée. Le traite-ment instauré est fréquemment la ventilation noninvasive en premier lieu (fig. 8) qui gênera le traite-ment ODF et aggravera la rétromaxillie.

Paulus C.

Figure 7 a à cSéquence de Robin avec rétromaxillie et rétromandibulieaggravées par une VNI pour apnée du sommeil.

Figure 6Microrétrognathisme et glossoptose à la naissancenécessitant un séjour en réanimation néonatale.

a

b

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L’occlusion dentaire se fait fréquemment en classe IId’Angle. Les analyses céphalométriques permettentcependant de relever une rétromaxillie avec unerétromandibulie. Il en résulte un encombrementdentaire.

Esthétiquement, il existe une birétrochéilie quiconfirme la birétromaxillie radiologique.

Les traitements orthopédiques de la rétromandibu-lie sont efficaces. Les extractions de prémolaires aumaxillaire auront un effet néfaste en aggravant larétromaxillie et ses conséquences fonctionnelles etesthétiques. Un traitement orthodontico-chirurgicaldoit être envisagé dès le départ.

Dysplasie ectodermique

La dysplasie ectodermique anhydrotique est unemaladie héréditaire5 affectant les structures d’origi-ne ectodermique (cheveux, ongles, peau et dents).L’incidence est de 1/100 000 naissances.

Elle associe donc à des degrés divers :

– hypohydrose, anhydrose ;

– hypotrichose ;

– hypodontie, anodontie par absence de développe-ment des germes dentaires.

Freire-Maia et Pinheiro distinguent deux formes cli-niques. Il existe :

– d’une part, l’association hypohydrose-hypotricho-se-hypodontie, donc avec atteinte des glandes sudo-ripares constituant le syndrome Christ-Siemens-Touraine, maladie héréditaire liée à l’X ;

– d’autre part, le syndrome de Claston, autosomiquedominant, avec hypodontie, hypotrichose, dysony-chose sans atteinte des glandes sudoripares.

L’expression clinique est variable. Sur le plan dentai-re, elle va de la simple anomalie de forme dentaireavec dents pointues à l’anodontie complète.

L’œil sera attiré par ces anomalies de forme faisantrechercher les autres signes, en particulier la peaufine et sèche, l’absence de cils et de sourcils, les che-veux fins (fig. 9) et les dents pointues dans le cadred’une hypodontie (fig. 10).

Après information, le traitement devra tenir comptedes anomalies de croissance et de fonctions qu’en-traîne l’hypodontie plus ou moins importante.

Syndromes malformatifs à expression faible : un piège pour l’orthodontiste

Figure 8Masque de ventilation non invasive en place. L’appui per-manent nocturne exerce une action orthopédique néfas-te. Un propulseur mandibulaire est préférable s’il est effi-cace, ce qui doit être démontré par une polysomnogra-phie avec et sans propulseur.

Figure 9Dysplasie ectodermique avec cheveux fins, peau sèche, pauvreté des cils etsourcils.

Figure 10Signes dentaires avec hypodontie et ano-malies de forme en denture lactéale etdéfinitive.

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Bibliographie1. Edery P. Le syndrome de Francheschetti-Klein.Encyclopédie Orphanet; septembre 2002.

2. Gleizal A, Comiti S, Caquant L, Béziat JL. Étude épidé-miologique et clinique des macrostomies. À propos d’unesérie de dix observations, Ann Chir Plast 2001;51;3:217-222.

3. Levy JP, Princ G. Pathologie maxillo-faciale et stomato-logie. Paris : Masson ; 2004.

4. Solla F. La distraction mandibulaire dans le traitement dela séquence de Robin. Mémoire Université Claude Bernardpour le DU de chirurgie plastique de la face. Lyon, 2008.

5. Soubeyrand S, Nicolas J, Labbé D, Riscala S, Olive L,Compère J-F, Bénateau H. La dysplasie ectodermique anhy-drotique : présentation de quatre observations. RevStomatol Chir Maxillofac 2005;106;6:328-333

Conclusion

Dans la pratique quotidienne, certains petits signesdoivent attirer l’œil du praticien. Il faut garder enmémoire ces syndromes et les suspecter devant untraitement qui se prolonge.

Il est clair qu’il aurait mieux valu reconnaître un syn-drome à expression faible avant le début du traite-ment, mais ce n’est pas toujours possible.

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Syndrome de Binder

Il s’agit d’une synostose3 voméro-prémaxillaireaffectant la base du crâne et le chondro-ethmoïde.La croissance sagittale de l’étage moyen de la faceest gênée avec une évolution vers la classe III parrétromaxillie. Les traitements orthopédiques sontmoins efficaces et il existe un fort risque de récidivedurant la poussée de croissance finale, ce qui doitêtre exposé au patient et à sa famille (fig. 11).

Les signes cliniques sont représentés par :

– la platitude de l’étage moyen de la face ;

– la columelle courte, le nez petit et peu soutenu ;

– l’angle nasolabial creusé (fig. 11).

Dans les antécédents, on note parfois une rhinoplas-tie d’augmentation et l’examen clinique relève l’hy-poplasie de l’ENA et de la cloison cartilagineuse ainsique des os propres du nez. L’examen radiologiqueconfirme cette hypoplasie et l’analyse céphalomé-trique confirme la tendance à la classe III.

Ces éléments doivent faire partie du consentementéclairé constituant des facteurs de risque. La prise encharge orthodontico-chirurgicale en fin de croissan-ce doit être envisagée (fig. 12).

Paulus C.

Figure 11Syndrome de Binder avec platitude del’étage moyen de la face, angle nasolabialcreusé, pointe du nez peu soutenue, hypo-plasie des os propres du nez.

Figure 12Patiente de 20 ans présentant une récidive de classe III après traitementODF en période de croissance (gauche) ; après traitement orthodontico-chirurgical (orthodontiste Dr Christian Demange) et greffe osseuse sous-nasale (centre), après rhinoplastie (droite).

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Glossaire

Anhydrose : absence de sudation.

Anti-mongoloïde : direction de la fente palpébrale vers le bas et en dehors.

Colobome palpébral : défect palpébral congénital résultant d’un défaut d’accord de bourgeon. Il réaliseune encoche du bord libre de la paupière inférieure avec absence de tarse à ceniveau.

Dermoïde épibulbaire : ectopie cutanée sur la conjonctive.

Dysonychose : anomalie de développement des ongles.

Glossoptose : chute de la langue en arrière par rétromandibulie.

Hypotrichose : réduction de la pilosité.

Hypohydrose : diminution de la sudation.

Macrostomie : augmentation de la distance intercommissurale.

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