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Le Grade de Maître Secret 4 ème degré du Rite Écossais Ancien et Accepté

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Le Grade de Maître Secret

4ème degré

du Rite Écossais Ancien et Accepté

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Le Grade de Maître Secret 4e degré du Rite Écossais Ancien et Accepté

Roger Bonifassi

Ce grade, rejeté le 18 janvier 1782 comme « absolument nul » par la 4° Chambre1 du Grand Orient de France chargée de la rédaction des “hauts grades“, jugé « insignifiant » en 1813 par le Thuileur de Delaunaye2, représente aujourd’hui la base des grades de Perfection dans la Juridiction du Suprême Conseil de France. Il semble, pour beaucoup de ses titulaires, intangible dans son fond comme dans sa forme et sortir tel quel des brumes de l’écossisme. Pourtant, que de transformations dues tant aux diffé-rents « essais » lors de sa constitution, du contexte sociologique des années « positivistes » qu’il a tenté d’accompagner ou encore des transformations de la société dues aux évènements douloureux du siècle dernier. La révision des rituels, entreprise par le Suprême Conseil de France3 au cours de la dernière décennie (1990-2000), est venue redonner à ce degré ses bases traditionnelles sans négliger de conserver toutefois les apports que le temps et nos prédécesseurs avaient introduit en tenant compte de l’esprit traditionnel du Rite. C’est ainsi que le rituel de ce degré est revenu, dans ses grandes lignes, à ce qu’il était en 1783, lorsque Henry Andrew Francken4 (1720-1795) le mit par écrit, comme les 24 autres degrés du Rite de Perfection, à l’intention de David Small, un député inspecteur qu’il venait de nommer. Le plan suivi dans cette étude sera uniquement chronologique et historique et devrait permet-tre, après avoir situé le grade de Maître Secret dans la nébuleuse des grades de l’Écossisme naissant, d’en noter les principales modifications (ajouts, retraits) mais surtout les éléments pérennes qui forment encore aujourd’hui l’ossature de ce grade. Trois paramètres essentiels doivent toutefois être rappelés avant d’entreprendre la lecture de cet exposé :

- La relativité des dates de rédaction des documents qui sont parfois de simples copies ne donnant qu’avec approximation la date réelle de rédaction de l’original ;

- L’absence parfois durable de documents, le phylum chronologique complet des rituels de Maître Secret étant loin d’être établi. C’est ainsi qu’après l’inévitable nébuleuse de ce degré lors de sa naissance au cours de la décennie 1740-1750, apparaît un « trou » de près de soixante ans, entre les années 1810-1820 et 1870 environ.5

- La relative incertitude de certaines illustrations qui ne sont que des reconstitutions possibles basées sur des descriptions des rituels et qui sont signalées, dans l’étude, par le signe « ® ».

1 Les autres chambres étaient celles « de Paris », « des provinces » et « d’administration ». 2 “Thuileur des 33 degrés de l’Écossisme“… Paris 1821. Réédition Éditions d’aujourd’hui – 1979. page 37 3 Le T∴I∴F †Georges Queney étant Président de cette commission de révision. 4 Trois documents sont connus sous le nom de “Manuscrits Francken“, le premier rédigé en 1771, le deuxième en 1783 (comportant ta totalité des rituels dont le Maître Secret), le troisième en 1786. Les deux premiers ont été édités par les Publications Latomia. 5 Des documents publiés à l’étranger (en espagnols ou en anglais) ont tenté de pallier ce manque.

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1 - Les origines du 4e degré.

L’instruction du 4e degré (édition 1997) délivrée aux nouveaux Maîtres Secrets par le Suprê-me Conseil de France relate l’apparition de ce grade sous forme de dialogue.

« D- Quelle est l’origine du 4e degré ? R- la naissance probable de ce degré se situe vers 1750 auprès de la Mère Loge écos-saise de Bordeaux. Il prendra place dans le rite de Perfection organisé en vingt-cinq degrés, par Etienne Morin, à Saint Domingue et à la Jamaïque, dans les années 1760–1770. Le rituel du quatrième degré est issu de la transcription des rituels du Rite de Perfec-tion faite par Francken en 1783. »

Le livret d’instruction du grade répond de façon très rapide -pourrait-il en être autrement en ce genre de document ? - aux questions concernant une gestation et une apparition plus qu’obscures qui méritent d’être examinées. 11 - Les premières gestations. Les premiers documents faisant état des hauts grades de l’Écossisme en France sont : Tout d’abord, les Règlements Généraux de la Grande Loge de France6 du 11 décembre 1743 qui dans son article 20 proclament, pour les combattre ensuite : « depuis peu quelques frères s’annoncent sous le nom de Maîtres Ecossais et forment dans des loges particulières des pré-tentions et exigent des prérogatives…. »

Cette affirmation est relayée à la même époque par deux divulgations françaises. Johel Coutu-ra, dans son Anthologie « Les débuts de la maçonnerie française »7, reproduit la divulgation « la Franc-maçonne » parue à Bruxelles en 1744. Un vieux maître taciturne y dresse à la fin d’une agape, le triste bilan de la Maçonnerie parisienne de l’époque.

« …L’ignorance est si générale, que la plupart des maîtres et des surveillants ne sa-vent pas encore que la maçonnerie est composée de sept grades, et la loge générale même a décidé à l’aveugle, le 11 décembre 1743, qu’elle ne regarderait les maçons du quatrième, c’est-à-dire, les maîtres écossais, que comme de simples apprentis et com-pagnons. »

Idem dans le « Parfait Maçon »6 :

« On débite parmi les maçons qu’il y a encore plusieurs degrés au-dessus des maîtres dont je viens de parler ; les uns en comptent six en tout, d’autres vont jusqu’à sept. Ceux qu’on appelle Maçons écossais prétendent composer le quatrième grade. »

Pourtant, les premiers grades “écossais“ finiront par être acceptés, et dans les statuts8 de sa loge « St Jean de Jérusalem » qui devaient servir de modèle à toutes celles du Royaume, le Comte de Clermont en reconnu bientôt la prééminence. Nous trouvons mention incidente, dans l’article XXXX des statuts5, des grades ainsi reconnus :

« Les Maîtres ordinaires s’assembleront avec les Maîtres, les parfaits et Irlandais trois mois après la St Jean, les maîtres élus six mois après, les Ecossais neuf mois après et ceux pourvus de grades supérieurs quand ils le jugeront à propos. »

6 Cité par Alain BERNHEIM, Contribution à la connaissance de la première Grande Loge de France. VdH n°17 – 1988 7 Éditions « Publication de l’Université de Saint-Etienne » - 1994 8 Adoptés le 24 juin 1745.

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En 1745 nous avons donc connaissance de l’existence de Maîtres Parfaits, de Maîtres Irlan-dais, de Maîtres Élus, d’Écossais ainsi que d’autres grades supérieurs. Ce qui corrobore, pour le nombre des grades, l’affirmation de la « Franc-maçonne » et du « Parfait Maçon », mais il n’est toujours pas question de Maître Secret. 12 - L’arrivée du Maître Secret Bientôt, des documents plus nombreux commencent à préciser, ne serait-ce que par la négati-ve, le grade de Maître Secret. Les voici classés par ordre chronologique, du plus ancien au plus récent. 1- Le Rituel de «Grand Ecossais ou Parfait Elu »9 pratiqué par la « Parfaite Loge d’Ecosse

des Elus Parfaits » de Bordeaux fondée par Etienne Morin en 1745 et daté de 175010, dé-taille les neuf degrés qu’il est nécessaire de posséder pour accéder à celui de « Maître Élu Parfait ou Grand Écossais » (qui a quelques ressemblances avec notre 14e degré). Ce sont les degrés d’Apprenti, Compagnon, Maître, Maître Secret, Maître Parfait, Secrétaire ou Maître par curiosité, Prévôt et Juge ou Maître Irlandais, Intendant des Bâtiments ou Maître Anglais et Maître Elu.

« Quatrième Grade… Maître secret. D'abord, on vous a mis au nombre des sept qui remplacent un seul, et, comme Maître Secret, on vous a ouvert la première porte du sanctuaire, on vous a décoré d'une Clef d'Ivoire, symbole de votre discrétion, on vous a donné rang parmi les lévites ; l'on vous a appris le Mot Gizon, que doivent pronon-cer tous ceux qui, comme eux, veulent entrer dans le saint Lieu et on vous a fait espé-rer les Connaissances les plus sublimes. »

2- Dans une correspondance datée du 16 mai 1750 et émanant de la « Parfaite Loge des Elus parfaits ou anciens Maîtres » située à Paris à la « Parfaite Loge d’Elus parfaits dite (sic) Ecossaise »11 située par 44 degrés latitude Nord, la loge parisienne explique : … « Je n’ai qu’une chose à ajouter c’est qu’il faut etre Elu parfait pour etre chevalier de l’orient, et que pour etre elu parfait c’est a dire ecossais, il faut avoir passe par les 9 degrés de la maçonnerie »12.

3- Dans une correspondance datée du 15e jour du premier mois, l’an de la G. Lumière 5751

(15 juin 1751) et émanant de la « Parfaite Loge des Elus parfaits ou anciens Maîtres » si-tuée à Saint Pierre de la Martinique à la « T.R.& P.L. d’Elu de Bordeaux »13, celle-ci écrit « nous n’avons pas le grade de chevalier du Soleil, de me. Secret, et de me. Parfait par Curiosité ; notre maitre Parfait est le maitre Irlandais. »

4- Enfin, dans une lettre adressée par les Messois à leurs Frères de Lyon14, « A Metz, le 2e

jour de la 2e semaine du 4e mois de l’année de la grande lumière 5761 et de notre calcul ordinaire 1761 » (16 juin 1761), nous apprenons que le grade de Maître Secret était « inconnu à Metz sous ce titre. »

9 Bibliothèque Universitaire de Toulouse repris Publications Latomia 101 10 Voir la datation de ce rituel dans l’article de C. Guérillot et G. Prinsen, Ordo ab Chao n° 30 pages 55-56 11 Collection Sharp, Volume II. Van Gordon Williams Library SC 025 Publications Latomia127 12 Ces neuf degrés sont énumérés dans le rituel du “Grand Écossais, Grand Élu“ 13 Collection Sharp, Volume I, Van Gordon Williams Library SC 025 Publications Latomia126 14 BN Paris FM1 11 folios 117 à 131. Document Latomia 94

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En comparant ces paragraphes, on peut voir que si le grade de Maître Secret fut en premier pratiqué par les Frères bordelais et parisiens, il eut ensuite bien du mal à s’épanouir dans le Royaume (et les colonies) puisqu’en 1751 il n’était pas encore connu des frères de Metz, ni en 1761 des frères de la Martinique. C’est d’ailleurs aux frères bordelais des “Élus Parfaits“ 15que revient d’être suivant l’expression de C. Guérillot « la première puissance écossaise au monde ». C’est en effet le premier Atelier qui eut l’idée de regrouper divers grades16, de les hiérarchiser et de les pratiquer au sein d’un atelier regroupant les diverses loges bordelaises. Or pour que le “Maître Secret“ soit cité en 1750 dans une correspondance et qu’un rituel de la même époque en donne le résumé au cours d’une cérémonie de réception dans un discours fait à l’impétrant où lui sont rappelés ses degrés précédents, il fallait bien qu’il soit apparu depuis quelque temps déjà ! Mais depuis combien de temps ? Entre 1745 et 1750 assurément alors que voient le jour d’autres degrés tels ceux de Prévôt et Juge, d’Intendant des Bâtiments ou de Grand Maître Architecte. Probablement pour as-surer une liaison harmonieuse entre les trois premiers degrés et les hauts grades. C’est donc un degré de transition qui, ainsi que le dit très justement le T∴I∴F∴ Claude Guéril-lot : «reprenait des éléments aux rituels antérieurs, facilitant ainsi l’intégration des nou-veaux Frères »17. Le procédé n’est pas nouveau : le troisième degré s’étant quelques décennies auparavant formé à la fois sur un corpus mythique de base (celui d’Hiram) et l’amputation du deuxième degré dont les cinq points du compagnonnage sont devenus les cinq points de la maîtrise ! 13 - Les sources potentielles du Maître Secret ? 131 - Au niveau des rituels. •D’abord celui d’”écossais parisien”18 non daté, mais selon Claude Guérillot19, « largement antérieur à 1750 » avec qui il partage :

•Le niveau : le grade se situe immédiatement après celui de Maître « le récipien-daire est revêtu de ses décors de maître anglais », c’est-à-dire de ses décors du 3e degré. •L’âge symbolique qui est de quatre-vingt un ans. •Une partie de la légende : « Le corps de notre Très Respectable Maître Hiram

Abif ayant été rapporté à Jérusalem, Salomon le fit inhumer avec la plus grande pompe dans le Saint des Saints, et pour remplacer le grand homme, il nomma sept experts à la tê-te desquels il nomma Adonhiram, fils d’Abda, de la tribu de Nephtali. »

•Les personnages : Salomon et Adonhiram qui est l’unique surveillant. •Les mots sacrés : Jehova et Jakin.

15 Loge fondée en 1745 par Étienne Morin ; elle disparue au milieu des années 1760. Par ses relations personnel-les avec les frères parisiens, Morin contribua aussi à la naissance des loges écossaises parisiennes. 16 Dix degrés y compris les trois degrés symboliques ; le Maître Secret étant le quatrième. 17 La Rose Maçonnique Tome 1 page 258 18 Bibliothèque Nationale FM4 306. Retranscrit dans Renaissance Traditionnelle n°86 (1991) pages 100 à 107 ; Voir aussi Publications Latomia, Manuscrit Bonseigneur. Université Tuslane Nle-Orléans USA 19 La Rose Maçonnique Tome 1 page 190

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•La préparation vestimentaire : au cours de la cérémonie de réception, le récipien-daire a la tête couverte d’un voile de taffetas blanc bordé de noir sur lequel est brodée une étoile flamboyante ayant en son centre les trois lettres J.J.J.

•Ainsi que des éléments de symbolique qui formeront plus tard le cartouche du 4e degré. Nous pouvons les relever dans l’instruction qui suit la réception proprement dite :

D. Qu’avez-vous vu dans cette chambre ? R. Une grande lumière que l’œil avait peine à soutenir. D. D’où provenait-elle ? R. De l’étoile flamboyante. ……… D. Que signifie le cercle qui est dedans ? R. Que Dieu n’a ni commencement ni fin.

• Ensuite, celui d’”écossais parisien des Trois JJJ”20 qui dérive du premier et qui partage avec celui de Maître Secret :

-le lieu de l’action : le Saint des Saints -l’âge ainsi que le mot « Gomes » ou « Gomez » qui sont donnés au cours d’une suite de question-réponse originale : Q. Si l’on vous demandait votre âge et votre nom, que répondriez-vous pour éviter la surprise ? R. Vous les trouverez page 81 de madame de Gomez.

132 - Au niveau des décors. Le bijou du grade se trouvait déjà dans le corpus maçonnique tant anglais que continental. Ainsi, les Old Charges seront les premiers à véhiculer les éléments du symbole axial du 4e degré : la clef d’ivoire. Les premiers manuscrits, tels le Ms Regius c.1290 ou le Ms Cooke c. 1350 sont muets sur ces deux termes, et il faudra attendre trois siècles pour que les manuscrits « Old Charges » de l’extrême fin du XVIIe siècle et du début du XVIIIe fassent mention de ces termes. Et encore, tous ne les mentionnent pas. Parmi les documents consultés21, seuls les plus proches du XVIIIe siècle :

o le Ms d’Edimbourg 1696 o le Ms Chetwode Crawley 1700 o le Ms Dumfries c.1710 o le Ms Trinity College c.1710 o le Ms Kevan c. 1714

mentionnent dans le corps de leur texte les mots “clef“ et “ivoire“. Les réponses aux deux questions qui intéressent notre sujet « Où trouverais-je les clefs de votre Loge ? » et « Qu’est la clef de votre Loge ? » amènent comme réponse que le lieu de dépôt peut être considéré à deux niveaux différents. Un niveau pratique, « …sous un parpaing et une motte verte. » (Edimbourg, Crawley, Kevan), « sous un pavage a trois coins… » (Sloa-ne) et un niveau symbolique « …sous les replis de mon foie, là où gisent cachés tous les se-crets de mon cœur » (Edimbourg, Crawley, Kevan). Toujours dans ces textes la réponse concernant la nature de la clef est sans ambiguïté « une langue bien pendue » se trouvant « dans une boite d’os » (Edimbourg, Crawley, Kevan). 20 Kloss ms XXV-38 21 Les manuscrits consultés ne présentant pas ces entrées sont : le “Graham “, “le Grand Lodge n°1“, le “Sloa-ne“, le “Watson“.

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Mais cette clef n’est encore d’aucun métal comme le montre le Ms Sloane : « Elle n’est faite ni de bois, ni de pierre, ni de fer, ni d’acier, ni d’aucun métal ; c’est la langue du bon renom qui ne dit que du bien d’un frère dans son dos aussi bien que face à face. » Les autres “Old Charges“ consultées, le Ms Dumfries et le Ms Trinity College donnent prati-quement les mêmes réponses. Il faudra attendre le début de la Franc-Maçonnerie « moderne » et plus précisément les an-nées 1724 et 1725 pour que deux divulgations22, « Le grand mystère des Francs-Maçons dé-couverts » et « L’instruction des Francs-Maçons », parues toutes deux à Londres, associent formellement les deux mots “clef “ et “ivoire“. Dans ces deux divulgations anglaises quasi identiques -tout au moins en ce qui concerne notre sujet-, le symbole de la clef, après qu’ait été stipulé son double pouvoir d’ouverture et de fer-meture,

Q. Avez-vous la Clef de la Loge ? R. Oui, je l’ai. Q. Quel est son Pouvoir ? R. Ouvrir et fermer, et fermer et ouvrir.

est associé à la notion d’ivoire de son contenant : Q. Où la gardez-vous ? R. Dans une Boîte d’ivoire, entre ma Langue et mes Dents, ou dans mon Cœur où je garde tous mes Secrets.

Il faudra toutefois attendre le Ms Wilkinson18 c.1724/1730 pour que “clef“ et “ivoire“ soient enfin formellement réunis :

Q. Où gardez-vous vos secrets en tant que Maçon ? R. Dans une boîte d’os qui ne s’ouvre ni ne se ferme sans clé d’ivoire…

Cette nouveauté sera bientôt confirmée par la divulgation de Samuel Pritchard en 173023 dans le tuilage de l’apprenti :

-Quels sont les Mysteres des Maçons ? Des signes, des Preuves & beaucoup de Verbiages. -Où gardez-vous ces Mysteres ? Dans ma Poitrine gauche. -Avez-vous la Clef (laquelle est la Langue) de ces mysteres ? Sans doute. -En quel lieu est elle mise en garde ? Dans une boëtte d'os (qui sont les dents) laquelle ne s'ouvre & ne se ferme qu'avec une clef d'yvoire.

Cette association/réunion de la clef et de l’ivoire n’est toutefois pas définitive puisque nous trouverons encore d’autres associations.

22 “the early masonic catechism“, Douglas Knoop, Londres 1975. Traduction René Désaguiller in Renaissance Traditionnelle n° 79. 23 Masonry Dissected. Questions 67 et 68. Texte cité dans la traduction française de 1743.

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Dans le rituel de Berne de 174024, au grade d’apprenti, nous apprenons que ce sont les colon-nes d’ivoire qui soutiennent la boîte où se trouve la clef :

D. Que gardés Vous? R. Le Secret des Maçons & de la Maçonnerie. D. Ou le gardés Vous? R. Dans le Cœur ou sous la Mamelle gauche. D. En avés Vous la Clef, & ou la gardés Vous? R. Ouï, Et je la garde dans une Boëte faitte en forme d’arche & Soutenuë par deux

rangées de Colonnes d’yvoire. Ce qui est repris par « l’Ordre des Francs-Maçons trahi » de l’Abbé PERAU25, où nous voyons un premier glissement du diptyque clef-ivoire. Celui-ci passe en effet du 1er degré, où il était exposé jusqu’alors, au 3e degré où nous le retrouvons dans l’instruction de ce grade.

D- Ou tenez-vous le Secret des Francs-Maçons ? R- dans le Cœur. D- en avez-vous la Clé ? R- Oui D- Où la tenez-vous ? R- Dans une boête d’yvoire. Cette Clé, c’est la langue ; & la boête d’yvoire, les dents.

Aux environs de cette date, 1745 – 1750, le grade de Maître Secret prend forme et les pre-miers rituels connus datés de la décennie 1760 montreront un grade aux éléments symboliques (bien que variant ou, mieux, évoluant, dans le temps) parfaitement déterminés. Pour quelles raisons poursuivre alors cette enquête concernant la clef et l’ivoire ? Tout simplement parce que l’évaluation d’une date pour un rituel déterminé n’implique en aucune manière que cette date soit celle de l’apparition première de ce rituel. Elle ne corres-pond, ce qui est compréhensible, et en admettant qu’elle soit certaine, qu’à la date d’écriture du-dit rituel. L’exemple du rituel de la Mère Loge écossaise de Marseille étudié ci-après en est un bon exemple ! Une seconde raison est que le glissement de certains symboles d’un degré à un autre, ce qui semble être le cas pour celui de la clef, ne s’effectue pas brusquement, le symbole survivant un certain temps dans ses anciens errements, le temps de s’adapter, voire de devenir une des caractéristiques propres à son nouvel « habitat ». Ainsi, après les années 1750, le diptyque clef-ivoire ne quittera plus, pour les grades symboli-ques, le degré de Maître. Toutefois la clef, toujours assimilée à la langue, sera parfois associée à la couleur corail, celle-ci étant tantôt la couleur de la clef comme dans l’instruction au 3e degré du rituel du Marquis de Gages26 en 1763 :

D.·. Avez-vous le secret des Maçons et où le tenez-vous ? R.·. Oui, je tiens dans une boîte d'ivoire dont la clef est de corail.

24 Cité par A Bernheim. Les débuts de la Franc-Maçonnerie à Genève et en Suisse, Genève, Slatkine, 1994, pp. 471-498 25 Amsterdam 1745, réédition Slatkine 1980, page 100 26 Bibliothèque Nationale, FM4 79. Retranscrit dans Ordo ab chao n° 32bis

« D∴ avevous le secret des maçons et ou letenevous. « R∴ ouy jeletiens dans unne boite d’hivoire donc la clef et de corail »

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tantôt celle des lèvres comme dans le rituel de la mère Loge écossaise de l’Orient d’Avignon27 en 1774 :

D. ou gardér vous le secret de la Maçonnerie ? R. dans le Cœur. D. ou en est la clef ? R. Dans une boite d’ivoire bordée de corail.

Quelques années plus tard, nous retrouverons cette association dans le rituel de réception au grade de Maître d’après le cérémonial de la huitième Province, approuvé en l’an 5787, à l’Orient de St Petersbourg28. A la fin de la cérémonie d’élévation à la maîtrise, le Grand Maî-tre, revêtant le Maître nouvellement reçu de ses décors, dit en lui donnant une clef :

« Voici une clef d’ivoire, suspendue à l’écharpe bleue dont je vous revêts, afin que vous la portiez dans notre assemblée, cette clef vous ouvre l’entrée de toutes les Loges d’apprentis, de compagnons et de maîtres. Portez-là en signe du grade que vous avez reçu de nous. »

La présence de cette clef d’ivoire dans le rituel russe du Rite Ecossais rectifié est d’autant plus précieuse et surprenante que les rituels français29 écrits par J-Baptiste Willermoz30 en 1784 sont absolument muets sur le sujet. Plus tard, vingt-huit ans plus tard, en 1812, le rituel du 3e degré de la mère Loge Écossaise de Marseille31, (cette date est probablement celle de la recopie, par le secrétaire de l’époque, du rituel de la Loge crée, sous le nom de St jean d’Écosse, par un certain Georges DUVALMON en 1751) redonnera la même description de décors de Maître :

«Dans la chambre du milieu, tous les maîtres seront en habit noir, ils porteront un ta-blier blanc doublé en soie bleue et un cordon en bandoulière de la même couleur, au bout duquel sera attaché une gance bleue qui soutiendra une clef en ivoire ; bijou des Maîtres. »

Il en est de même pour l’ « état général de tous les tabliers, écharpes, broderies, placards, cor-dons, et colliers pour chaque grade32 » qui stipule, sans donner toutefois de gravures :

« Les simples Mres. doivent porter à la boutonnière une petite clef d’ivoire attachée à une gance de ruban bleu. »

Nous arrêterons là notre recherche sur les origines des décors du Maître Secret et spéciale-ment sur celui de la clef d’ivoire, celle-ci disparaissent pour toujours des décors et symboles des degrés symboliques alors pratiqués en France. 27 Ms n° 3089 G du Musée Calvet à Avignon. Retranscrit dans Renaissance Traditionnelle n° 61 et Ordo ab chao n° 32bis 28 Ms bibliothèque Lénine – Moscou . Traduit du russe par Claire FOURNIER in Ordo ab chao n° 32 bis 29 Originaux des 4 grades maçonniques pour les archives du Directoire Général de Lyon en 1784 (rectifié en 1785) Ms 5922 Bibliothèque ville de Lyon. 30 Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824) initié en 1750, admirateur de Martinez de Pasqualy puis de Louis-Claude de Saint-Martin, il propage en France la Stricte Observance Templière du Baron de Hundt puis fut l’artisan principal sinon le créateur du Rite Ecossais Rectifié dont il créa lui-même les rituels. 31 « Les sept grades écossais » éd. Les Royat 1977 32 Bibliothèque GLDF. Manuscrit relié sans date.

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2 - Les premiers rituels connus. Nous examinerons sous cette rubrique les rituels dont la datation s’étend du début de la se-conde moitié du XVIIIe siècle (1750 environ) au premier rituel connu du Rite Écossais An-cien et Accepté de 1801. Cette période est en celle de la structuration du Rite. Les deux dates bien connues de 1762 et de 1786 sont certes chacune des jalons importants dans la genèse du Rite Écossais, mais celle de 1762 l’est plus particulièrement pour notre sujet car elle fait passer les divers rituels utilisés par des structures hétéroclites en une série de rituels structurés, c’est à dire définis, stabilisés et hiérarchisés. C’est elle qui, la première, met de l’ordre dans le chaos primordial. Certes, d’autres tentatives du même genre ont pu exister parallèlement ou parfois même avant33, mais nous ne retiendrons que celle-là pour la double raison qu’elle intègre en son système le grade de Maître Secret, et que, malgré ses remaniements ultérieurs, ses effets perdurent encore au-jourd’hui. La date du 1762 (la délibération est datée du 6e jour de la 3e semaine de la 7e lune de l’ère hébraïque 5562), structure en effet le Grade en lui donnant une place définitive, la quatrième, dans un système cohérent, connu sous le nom de “Règlements ou Constitutions de Bor-deaux“34. Ce système, élaboré par neuf commissaires nommés à cet effet par le “Souverain Grand Conseil des Sublimes Chevaliers de Royal Secret et Prince de la Maçonnerie“ édicte en son article 2 :

« L’art royal ou la Société des Maçons libres & acceptés est divisée par ordre en vingt-cinq grades connus et approuvés. Le premier est inférieur au second, le second au troisième et ainsi de suite par progression successive, jusqu’au 25e qui est le Su-blime et dernier grade qui gouverne et commande tous les autres, sans exception. Tous les grades sont distribués en sept classes par lesquelles on ne peut être dispensé de passer, ni de suivre exactement l’ordre des tems et distances entre chaque grade, divisés par nombre mystérieux »35.

La Première Classe comportant les trois degrés symboliques s’échelonne sur 15 ans (3 ans d’Apprentissage, 5 ans de Compagnonnage, 7 ans de Maîtrise).

« La Seconde Classe comporte cinq degrés qui sont :

4e 5e 6e 7e 8e

Maître Secret Maître Parfait Secrétaire Intime Intendant des bâtiments Prévôt et Juge

3 ans 3 ans 3 ans 5 ans 7 ans

Ce qui fait 3 fois sept 21 ans » Ces périodes de temps entre grades sont naturellement à prendre au plan symbolique, le total des années nécessaires pour parcourir les 25 degrés du Rite étant de 81 ans !

33 À Bordeaux avant 1750 et à Paris peu après ; ni l’écossisme de Lyon en vingt-cinq grades, ni celui en sept de Marseille ne contenant le Maître Secret. 34 Nous n’en examinerons ici aucun des éléments encore controversés (son origine -lieu et date, ses différentes rédactions…), ceux-ci n’ayant aucune incidence sur le sujet traité. 35 Extrait du livre d’or de Pyron - 1811

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Les rituels examinés pour cette époque, qu’ils soient de France continentale, des îles françai-ses d’Amérique ou des Etats-Unis d’Amérique sont tous régis par la structure apportée par les dits “règlements de 1762“. Rappelons pour l’histoire que cette année est aussi celle où Étienne Morin (Stephen pour les Anglais) quitta la France pour Saint-Domingue muni de sa fameuse Patente, que 1765 celle où il quitta Saint-Domingue pour la Jamaïque et 1770 celle où il donna ce que nous appelons aujourd’hui le “Rite de Perfection“. 21. Les rituels français. Si l’on excepte le rituel de la « Parfaite Loge d’Écosse des Élus Parfaits » de Bordeaux déjà cité, qui nous donne la première orthographe du mot de passe « Gizon », les premiers rituels connus s’intitulant « Maître Secret » sont actuellement détenus par la bibliothèque de l’université de Tuslane aux U.S.A36 et par celle, privée, du T∴I∴F∴ Claude Gagne. Ces deux documents, pratiquement similaires, doivent dater approximativement de la même époque. La rédaction du manuscrit “C. Gagne “ semblant tout de même antérieure à celle du manuscrit “Bonseigneur “ en raison des archaïsmes de la langue (estes-vous pour êtes-vous ; connoitrai-je pour connaîtrai-je ; appercüe pour aperçue ; yvoire pour ivoire). Le tableau ci-après permet de se faire une idée précise des deux textes.

Manuscrit Bonseigneur Manuscrit C. Gagne Catéchisme de Me Secret

D. Etes- vous Me secret ? R. j’ai passé de l’équerre au compas, j’ai vu le tombeau et j’ai mêlé mes larmes à celles de mes ff. D. Eh bien ? R. on répond par le signe de Me. D. qu’avez vous trouvé dans ce triste lieu ? R. le bon temple (sic) D. qu’alliés vous y chercher ? R. les secrets des maçons et de la maçonne-rie D. les y avez-vous trouvé ? R. on ne m’en a confié qu’une partie D. où les tenez-vous ? R. Dans le Cœur. D. à quoi le connaîtrais-je ? R. au signe, attouchement et à la Parole D. Donnez-moi le signe ? R. Commencez, je le finirai.

Instruction D. estes- vous maître secret ? R. j’ai passé de l’Equerre au compas, j’aiy vu le tombeau d’hyram et j’ai mêlé mes larmes sinceres avec celles de mes freres. D. eh bien ! R. (on fait le signe de maitre.) D. qu’avez vous trouvé dans ce triste Lieu ? R. le bon exemple D. qu’alliez vous y chercher ? R. les secrets des maçons et de la maçonnerie D. les avez-vous trouvé suivant votre désir ? R. on ne m’en a confié qu’une partie D. où les tenez-vous discretement ? R. dans le cœur. D. à quoi le connoiterai-je ? R. au signe, à l’attouchement et à la parole D. Donnez moi le mot ? R. je ne scai ny lire ny écrire, je ne scais

36 Ce rituel fait partie de la collection Bonseigneur, nom d’une famille réfugiée à la Nouvelle-Orléans lors de la révolte des esclaves de Saint-Domingue et dont les documents furent déposés à l’université Tuslane de la Nou-velle-Orléans. La collection est formée de copies, vraisemblablement confectionnées après 1791, de cahiers beaucoup plus anciens et dont les originaux ont dû appartenir à une loge fondée en 1753 par Saint-Jean de Jéru-salem écossaise, du Cap-Français, sur la recommandation d'Etienne Morin (renseignements donnés par le texte de présentation des Publications Latomia). Le « grade d’apprenti maçon » premier rituel du document indique d’ailleurs : « adopté par la r[especta]ble Loge du Prince de Clermont g[ran]d maitre de toutes les loges réguliè-rement assemblées ».

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D. Donnez-moi le mot ? R. Donnez-moi la 1ere lettre, je vous donnerai la 2e. D. que signifie ce mot ? R. j’espère le savoir un jour. D. Donnez-moi la marque ! R. la voilà. D. que signifie cette clef ? R. le silence. D. où l’avez vous appercue ? R. au centre d’un triangle renfermé dans un gd cercle. D. que signifie ce Triangle et ce Cercle ? R. c’est une connaissance dont on ne m’a pas encore jugé digne. D. que représente cette clef ? R. Elle représente la véritable clef de la Ma-çonnerie D. où la tenez-vous ? R. Suspendue sous un Dais de parfait (sic) mosaïque, dans un coffre de Corail entouré d’ivoire. D. de quel métal est-elle pour être si riche-ment ornée ? R. d’aucun, mais elle n’en est pas moins pré-cieuse. D. comment cela ? R. C’est que c’est une langue liée à toutes indiscrétions et que la Circonspection seule peut délier.

qu’epeller, donnez moi la premiere Lettre, je vous donnerai la seconde. Le mot se prononce (Mac-benah-Jehovah.) G. J. S. O. D. que signifie ce mot ? R. j’espère le sçavoir un jour plus parfaitement D. donnez-moi la marque de vôtre vocation ? R. la voilà (on montre la clef qui est sur le ta-bleau) D. que signifie cette clef ? R. le silence et rien autre chose D. où l’avez vous appercüe ? R. au centre d’un triangle enfermé dans 3 cer-cles D. que signifie le triangle enfermé ? R. c’est une connoissance dont on ne m’a pas encore jugé digne. D. que represente cette clef ? R. la véritable clef de la maçonnerie D. où la tenez-vous ? R. suspendüe sous un dais en voute de parfaite mosaique, dans un coffre de corail entouré d’yvoire. D. de quel métal est-elle ? R. d’aucun, mais elle n’en est pas moins pre-cieuse. D. comment cela ? R. c’est une langue uniquement liée à la justice et que la corruption seule peut délier D. quelle heure est-il ? R. il est (commentaire au crayon : comme aux pre-miers degrés)

Ces deux rituels ont en commun le décor analogue à celui de la Loge de Maître « excepté qu’il y a dans le tableau une clef tracée dans l’endroit le plus apparent … ; elle est l’emblème du Maitre Secret », les circonstances de la réception et l’instruction du grade. La clef et l’ivoire ne forment pas encore une même entité et le mot sacré donné par le Ms “C. Gagne“ est un mot composé : « Mac-Benach – Jehova ». Nous apprenons aussi qu’il y a un signe en deux parties37 et un attouchement et une parole, mais ceux-ci ne sont pas spécifiés, et que la Loge se ferme à minuit, « comme au premiers degrés » ainsi qu’il est spécifié dans une surcharge du texte au crayon. Enfin, le Ms “C. Gagne“ semble comporter, dans son avant-dernière réponse, un plaisant lap-sus calami : à la question de savoir comment la langue est précieuse, la réponse est que « c’est une langue uniquement liée à la justice et que la corruption seule peut délier » ! 37 Probablement un signe et contre contre-signe, ce qui sera le cas des rituels postérieurs.

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Un troisième rituel38, plus élaboré et donc, semble-t-il, plus tardif, est conservé par la Biblio-thèque Nationale australienne et fait partie d’un ensemble originel de six volumes. Daté c. 1765 par les responsables des publications Latomia, il présente la particularité d’être accompagné d’un tableau de Loge où figurent à la fois la clef, le triangle et le cercle. Si avec les deux précédents rituels nous avions déjà une idée du cartouche du grade tracé « dans l’endroit le plus apparent du Tableau » : -« une clef enfermée dans un triangle entouré d’un grand cercle » pour le Ms “Bonseigneur“, -« une clef renfermée dans un triangle entourré de 3 cercles » pour le Ms “C. Gagne“,

cartouche du Ms “Bonseigneur“ ®

cartouche du Ms “C.Gagne“ ® Nous en avons, avec ce manuscrit venu des antipodes, la première représentation figurée.

Tableau de Loge du Manuscrit de Maître

Secret des “Cayers Maçonniques“

Ce rituel « australien » donne de nombreux détails sur la cérémonie. • La loge doit être tendue de noir et rouge ; au centre de celle-ci, le tableau de Loge ci contre. Tous les partici-pants sont décorés d’une paire de gants et d’un tablier de peau blanche doublés et bordés de couleur violette lise-rée de rouge, ainsi que d’un large cordon violet (porté en sautoir pour les officiers) au bout duquel pend le bijou qui est une clef d’or renfermée dans un triangle entouré d’un cercle.

« La couleur violette, nous dit l’instruction du grade, nous rappelle le souvenir que nous devons avoir de notre Resble∴ me∴ hiram et le lizeré de rouge, le sang qu’il a

répandu pour avoir été veritablement me∴ Secret »

® • L’ouverture se fait à « midi sonné » et la batterie est celle du Maître, trois fois trois coups.

38 Fonds Clifford, Ms 1097/44 BN Australie. Reproduit in Latomia 101 (Cayers Maçonniques). Ces « Cayers » forment le premier tome d’un ensemble de six. Les cinq tomes suivants, achetés par le Frère André Lerouge (1760-1833), sont actuellement la propriété du GO des Pays-Bas. Le premier tome a été retrouvé en Australie !

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• La réception se fait avec le même discours que précédemment et après avoir fait neuf fois le tour de la Loge. • La fermeture se fait à « minuit sonné » par neuf coups de maillet suivis de la batterie et du baiser de paix. • Le Signe « se fait en levant les yeux au ciel, et portant la main gauche étendüe et les doigts serrés l’un contre l’autre sur le cœur. La réponse à ce signe est de porter de même sur la bouche. » L’attouchement « est de s’empoigner l’un et l’autre la main gauche des quatre doigts et du pouce se la serrant réciproquement en tenant toujours la bouche fermée ». Le mot sacré est « Hadino qui s’épelle comme celui D’app∴ », et ceux de passe sont « Bath et Sabath »39. ⇒ Un autre rituel de la même collection, mais provenant du deuxième volume des documents détenus par le Grand Orient des Pays-Bas, le “Grand Élu de Londres“40 prévoit, au cours de la réception du Récipiendaire, un tuilage sur les tous les degrés précédents. Le Maître Secret, objet du quatrième tuilage présente pour la première fois des éléments nouveaux qui devien-dront, aux variations de forme près, des éléments de fixité du rituel. • La question d’ordre :

D. Etes-vous Me Secret ? R. j’ay passé de l’Equerre au Compas, j’ay vu le tombeau du Respble. Gd∴ Me∴ hi-ram abif, et j’ay joint mes larmes à celles de mes ff∴.

• Le signe d’ordre : « Le signe est celui du Silence repeté, il se fait en portant l’index et le médius sur la bouche repeté de chaque main. »

• L’attouchement et le mot sacré : « L’attouchement. Est de se prendre Reciproquement la main droite en forme de grip-pe, porter en même temps la main gauche sur l’avant Bras, et se balancer 7 fois l’un et l’autre en se donnant le mot qui est zizon. »

22. Les documents iconographiques. Avant de franchir l’océan (atlantique) et de suivre les traces de Morin, deux documents continentaux :

39 Ces mots, qui diffèrent notablement des mots employés couramment, semblent être des hapax en Franc-maçonnerie. Bath et Sabath sont bien des mots d’origine hébraïques signifiant respectivement “fille “ et “sabat“ (jour de repos des juifs), mais Hadino ne semble correspondre à aucun mot hébreu. Peut-on considérer, par réfé-rence à la suite du rituel qui nous apprend « combien nous devons être délicats à garder nos secrets… », qu’il s’agit d’une déformation de l’hébreu “adin“ (ain, dalet, iod, noun final) signifiant “délicat, fin“ ? Où imaginer une grossière corruption du mot Adonaï devenu Hadino ou encore un artifice pour préserver le mot sacré par permutation (euphonique) des voyelles ? 40 Maçonnerie des Hommes, KlossXXXIV-2 Publications Latomia. Il s’agit, dit la présentation du texte par La-tomia, « de copies manuscrites, (…), qui durent être faites vers 1785. Toutefois, les originaux sont beaucoup plus anciens et datent, pour la plupart, d’avant 1765 »

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-- Une brochure41 reliée de 1770 (ne contenant ni rituel, ni instruction, mais une série de ta-bleaux de Loge) intitulée « COLLECTION Complette De Tous Les Tableaux des differents Grades & Loges de la MAÇONNERIE à Jerusalem. VMDCCLXX. »

-- Un tableau peint sur toile du XVIIIe siècle.

Appartenant à la Loge « La Parfaite Union » à l’Orient de Mons (Belgique), ce tableau fait partie d’une série de 17 toiles que les vicissi-tudes de la seconde guerre mondiale ont ame-nées à séjourner de 1939 à 1944 roulées dans un tube de zinc et enfouies sous terre. Cette toile est la deuxième de la série et se situe entre celle de Maître et celle de Maître Par-fait. Son degré de Maître Secret se devine notamment au nombre de lumières sur les chandeliers. Elle reproduit un passage de l’ouverture des travaux avec (autour du tombeau) un frère qui, passé de l’équerre au compas, brandit ce dernier tandis qu’un autre verse des larmes. Les autres personnages, ainsi que le “Prési-dent“, expriment aussi le deuil à leur maniè-re : le personnage au premier plan à gauche en faisant le signe d’horreur ou de détresse.

41 Musée-Bibliothèque de la GLDF 42 Leur énumération montre qu’en 1770, les Règlements de Bordeaux de 1762 n’étaient pas adoptés par tous…

Dans cet opuscule figure, en regard des tableaux des grades recensés dans l’ouvrage42 (Apprenti-Compagnon, Maître, Maî-tre Secret, Maître Parfait, Maître Curieux, Maître Irlandais, Maître Anglais, Élu des neuf, Grand Élu de la Voûte Sacrée, Chevalier d’Orient, Commandeur d’Orient), une description détaillée de chacun d’eux. Ainsi, pour celui de Maître Secret :

Troisième Tableau

1. Clef d’or au milieu d’un triangle Lumineux entouré d’un Cercle. 2. Léquerre. 3. Tapis semé de larmes avec le cerceuil d’H. 4.Le Compas. 5. les trois Chandeliers triangulaires. Les Bijoux et les tentures comme a la loge des Maitre Le Bijou distinctif de ce grade est Une Clef d’hyvoire attachée à l’une des Boutonnierres de l’habit avec un Ruban jeaune.