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NoteFocus N° 21 MAI 2001 CGAP Bâtir des services financiers pour les pauvres Certains groupes de population sont extrêmement pauvres et les activités de microfinance telles qu’elles se présentent habituellement ne répondent pas à leurs besoins. La plupart des études portant sur les programmes de microfinance au Bangladesh montrent que ces derniers ciblent bien les pauvres, en particulier les femmes, qu’ils permettent à leurs clients de saisir des opportunités économiques et d’élargir leur accès à des ressources et qu’ils contribuent à leur donner de l’assurance et à amélio- rer leur bien-être 1 . Toutefois, les pauvres ne forment pas un groupe homogène. Certains sous-groupes ont encore moins d’actifs et moins de possibilités d’emploi, souffrent d’un déficit de consommation plus important et sont davantage exposés à des chocs économiques et sociaux périodiques que les autres. Selon des estimations détaillées, 27 % de la population rurale bangladeshi, soit environ la moitié de la popu- lation classée en dessous du seuil de pauvreté sur la base de son niveau de revenu, vit dans des conditions de « pauvreté absolue » 2 . La plupart des individus extrêmement pauvres souffrent de déficit alimentaire chronique. Beaucoup d’entre eux sont anal- phabètes, ne possèdent aucune terre qu’ils pourraient cultiver et survivent dans des conditions d’insécurité endémique qui débouchent souvent sur leur expulsion, l’ex- propriation de leurs biens et des actes de violence 3 . Les études effectuées ainsi que les observations recueillies laissent penser que les personnes extrêmement pauvres ne bénéficient généralement pas des services des programmes de microfinance ordi- naires 4 . Il existe plusieurs raisons, du point de vue de l’offre, d’exclure les extrêmement pauvres des programmes de microfinance. En effet : AU BANGLADESH, IVGVD CONJUGUE UN PROGRAMME DE MICROFINANCE ET UN PROGRAMME DE PROTECTION SOCIALE POUR AIDER LES PLUS PAUVRES La série des Études spéciales est l’instrument de base utilisé par le CGAP pour faire connaître aux pouvoirs publics, aux bailleurs de fonds et aux institutions privées et financières les meilleures pratiques en microfinance. Le CGAP vous invite à lui faire part de vos commentaires, de vos contributions et de toute demande d’envoi d’autres études de cette série. 1818 H Street, N.W. Washington, DC 20433 Tel : 202 473 9594 Fax : 202 522 3744 Courriel : [email protected] Site Web : www.cgap.org 1 Shahid Khandker, Fighting Poverty with Microcredit: Experience in Bangladesh (New York : Oxford University Press, 1998) ; Syed Hashemi and Sidney Schuler, « Rural Credit Programs and Women’s Empowerment in Bangladesh », World Development (avril 1996) ; Mahabub Hossain, « Credit for Alleviation of Rural Poverty: The Grameen Bank in Bangla- desh » (Washington : IFPRI, 1988). 2 La pauvreté absolue est définie, aux fins de la présente Note, par une consommation maximale de 1 740 calories par jour. 3 Étude intitulée « Rural Poverty: Bangladesh as a Case Study », (New Delhi : Sage, 1995), publiée sous la direction de Hossain Zillur Rahman et Mahabub Hossain. 4 Hassan Zaman, « Microcredit Programs: Who Participates and to What Extent? » et Syed M Hashemi, « Those Left Be- hind: A Note on Targeting the Hardcore Poor », publié sous la direction de Geoffrey Wood et d’Iffath Sharif dans l’ou- vrage intitulé Who Needs Credit? Poverty and Finance in Bangladesh (Dhaka : University Press Ltd, 1997). 33451 Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized Public Disclosure Authorized

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NoteFocusN° 21 MAI 2001

CGAP Bâtir des services financiers pour les pauvres

Certains groupes de population sont extrêmement pauvres et les activités de microfinance telles qu’elles se présententhabituellement ne répondent pas à leurs besoins.

La plupart des études portant sur les programmes de microfinance au Bangladeshmontrent que ces derniers ciblent bien les pauvres, en particulier les femmes, qu’ilspermettent à leurs clients de saisir des opportunités économiques et d’élargir leuraccès à des ressources et qu’ils contribuent à leur donner de l’assurance et à amélio-rer leur bien-être1. Toutefois, les pauvres ne forment pas un groupe homogène.Certains sous-groupes ont encore moins d’actifs et moins de possibilités d’emploi,souffrent d’un déficit de consommation plus important et sont davantage exposés àdes chocs économiques et sociaux périodiques que les autres. Selon des estimationsdétaillées, 27 % de la population rurale bangladeshi, soit environ la moitié de la popu-lation classée en dessous du seuil de pauvreté sur la base de son niveau de revenu, vitdans des conditions de « pauvreté absolue »2. La plupart des individus extrêmementpauvres souffrent de déficit alimentaire chronique. Beaucoup d’entre eux sont anal-phabètes, ne possèdent aucune terre qu’ils pourraient cultiver et survivent dans desconditions d’insécurité endémique qui débouchent souvent sur leur expulsion, l’ex-propriation de leurs biens et des actes de violence3. Les études effectuées ainsi que lesobservations recueillies laissent penser que les personnes extrêmement pauvres nebénéficient généralement pas des services des programmes de microfinance ordi-naires4.

Il existe plusieurs raisons, du point de vue de l’offre, d’exclure les extrêmementpauvres des programmes de microfinance. En effet :

AU BANGLADESH, IVGVD CONJUGUE UN PROGRAMME DE

MICROFINANCE ET UN PROGRAMME DE PROTECTION SOCIALE

POUR AIDER LES PLUS PAUVRES

La série des Études

spéciales est l’instrument

de base utilisé par le

CGAP pour faire connaître

aux pouvoirs publics, aux

bailleurs de fonds et aux

institutions privées et

financières les meilleures

pratiques en microfinance.

Le CGAP vous invite à lui

faire part de vos

commentaires, de vos

contributions et de toute

demande d’envoi d’autres

études de cette série.

1818 H Street, N.W.

Washington, DC 20433

Tel : 202 473 9594

Fax : 202 522 3744

Courriel :

[email protected]

Site Web :

www.cgap.org 1 Shahid Khandker, Fighting Poverty with Microcredit: Experience in Bangladesh (New York : Oxford University Press,

1998) ; Syed Hashemi and Sidney Schuler, « Rural Credit Programs and Women’s Empowerment in Bangladesh », World

Development (avril 1996) ; Mahabub Hossain, « Credit for Alleviation of Rural Poverty: The Grameen Bank in Bangla-

desh » (Washington : IFPRI, 1988).2 La pauvreté absolue est définie, aux fins de la présente Note, par une consommation maximale de 1 740 calories par jour. 3 Étude intitulée « Rural Poverty: Bangladesh as a Case Study », (New Delhi : Sage, 1995), publiée sous la direction de

Hossain Zillur Rahman et Mahabub Hossain. 4 Hassan Zaman, « Microcredit Programs: Who Participates and to What Extent? » et Syed M Hashemi, « Those Left Be-

hind: A Note on Targeting the Hardcore Poor », publié sous la direction de Geoffrey Wood et d’Iffath Sharif dans l’ou-

vrage intitulé Who Needs Credit? Poverty and Finance in Bangladesh (Dhaka : University Press Ltd, 1997).

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2

■ La réussite des opérations de microcrédit estlargement tributaire de la rigueur du proces-sus de sélection de la clientèle, qui a pourobjet d’assurer que l’argent emprunté pourraêtre remboursé. Les membres des groupes oules agents des programmes prennent grandsoin d’éliminer, au stade de la présélection, lesclients qui pourraient présenter des risques.

■ La préférence est donnée aux clients membresde ménages ayant un revenu régulier, plu-sieurs sources de rémunération et quelquesbiens (c’est-à-dire les mieux « nantis » parmiles pauvres) parce que, même si les activitésfinancées ne génèrent pas suffisamment derevenus et de bénéfices, ces clients peuventnéanmoins rembourser leurs emprunts.

■ Une crainte est que les ménages qui viventdans le dénuement utilisent le montant deleurs emprunts ou les revenus tirés des activi-tés financées par ces emprunts pour payer des

dépenses de consommation, ou qu’ils soienttrop pauvres pour pouvoir rembourser surune base régulière des emprunts effectués autitre d’activités qui ne génèrent pas immédia-tement de revenus.

La recherche d’un taux de remboursementélevé et la discipline de groupe incitent donc lesagents des programmes et les membres desgroupes à exclure les personnes extrêmementpauvres. Il est aussi intéressant de noter qu’ilexiste également des facteurs de sélection nonnégligeables du côté de la demande car les trèspauvres se retirent souvent d’eux-mêmes du mar-ché. Ils peuvent juger « ne pas être solvables » oune pas avoir suffisamment de ressources pourgénérer les revenus nécessaires au remboursementd’un emprunt, et ils n’ont souvent pas assezconfiance en eux pour chercher à rejoindre unprogramme de crédit.

Evolution du nombre de participantes à IGVGD

350 000

300 000

250 000

200 000

150 000

100 000

50 000

01988–90 1990–92 1992–94 1994–96 1996–97 1998–99

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Période

Figure 1 Expansion du programme IGVGD

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Certains programmes ont toutefois réussi àétendre la portée de leurs activités. La présentenote est consacrée au programme de générationde revenus pour le développement des groupesvulnérables (Income Generation for VulnerableGroups Development — IGVGD) qui est peut-être, de tous les programmes, celui qui affiche lesmeilleurs résultats. IGVGD est un programmeconçu pour accroître la sécurité alimentaire, menéconjointement par l’État bangladeshi, leProgramme alimentaire mondial (PAM) et leComité du Bangladesh pour le progrès rural(Bangladesh Rural Advancement Committee —BRAC), qui est la plus importante ONG bangla-deshi5. IGVGD cible les femmes bangladeshis deszones rurales qui n’ont pas de ressources et quin’ont guère ou pas de possibilité de dégager desrevenus ; il a fourni une aide sous forme decéréales alimentaires et de services d’épargne et decrédit à près d’un million de participantes au coursdes dix dernières années. Les deux tiers des parti-cipantes ont réussi à « sortir » de la pauvreté abso-lue ; elles sont maintenant clientes de systèmes demicrofinance, et ne se sont jamais retrouvées dansune situation nécessitant un secours de l’État.

Le programme IGVGD : sa structure et ses opérations

LLee ccoonncceepptt IIGGVVGGDD

IGVGD a pour base un programme de protectionsociale donnant lieu à la distribution gratuite decéréales alimentaires, pendant 18 mois, auxménages tenus par une femme qui n’ont pas deressources et risquent le plus de souffrir de la faim.BRAC a pu constater, dans le cadre de ses activi-tés, qu’il lui était difficile d’inclure les très pauvresdans ses opérations de microfinance habituelles etqu’il lui fallait donc trouver un autre « point d’en-

trée » pour faire participer les plus démunis à sesactivités de développement.

BRAC a compris que les dons de céréales ali-mentaires étaient, pour les groupes de populationextrêmement pauvres, une forte incitation à parti-ciper au programme6. Dans le cadre d’IGVGD,BRAC procède à la distribution gratuite decéréales alimentaires pour attirer les extrêmementpauvres en subvenant à leurs besoins de consom-mation immédiats, puis il fournit à ces derniers desformations et des services d’épargne et de créditpour renforcer leurs capacités de développement.Lorsque la période de fourniture gratuite decéréales prend fin, les participantes peuvent pour-suivre des activités génératrices de revenus, deve-nir clientes des programmes de microfinance ordi-naires et, grâce aux compétences qu’elles viennentd’acquérir, dégager des ressources au moins égalesà la valeur monétaire des céréales qu’elles ontreçues. Le projet IGVGD, qui a été lancé à titred’opération pilote en 1985, est maintenant unprogramme d’envergure nationale et a bénéficié àprès d’un million de femmes.

Le cycle d’IGVGD

Le programme IGVGD est géré conjointementpar l’État du Bangladesh et BRAC — par le biaisde son programme de microfinance, c’est-à-dire leProgramme de développement rural (PDR). Ilcomporte trois éléments essentiels : un filet desécurité sous forme de distribution gratuite decéréales alimentaires, un programme de formationet des services financiers d’épargne et de crédit.Les femmes qui doivent recevoir gratuitement descéréales en participant au programme sont sélec-tionnées par des représentants élus localement.BRAC évite ainsi toute dépense de ciblage ainsique les écueils politiques du choix des bénéfi-ciaires. Les ménages sont sélectionnés sur la basede trois critères :

■ Leur chef est une veuve ou une femme aban-donnée

3

5 BRAC opère dans plus de 50 000 des 86 000 villages du Bangladesh.

Son Programme de développement rural (PAR), programme de micro-

finance ordinaire, compte 3,5 millions de membres. BRAC a 35 000

écoles primaires non traditionnelles assurant une éducation à 1,1 mil-

lion d’enfants pauvres. Il poursuit également des programmes de santé

et de population, des programmes d’assistance juridique et des pro-

grammes agricoles. BRAC emploie 25 000 personnes à plein temps et

35 000 personnes à temps partiel.

6 Maya Jessica Tudor retrace de manière intéressante l’évolution du pro-

gramme dans son étude intitulée « An Idea, Its Innovation and Evolu-

tion: BRAC’s IGVGD Program » (polycopié).

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■ Ils possèdent moins de 20 ares de terres■ Leurs revenus mensuels sont inférieurs à 300

taka (6 dollars)

BRAC inclut alors 90 % des femmes bénéficiantde cette aide alimentaire dans son programme enn’excluant que celles qui souffrent des handicapsphysiques les plus graves.

Une fois sélectionnées, les participantes choisis-sent un domaine de formation à partir d’une listecomprenant, notamment, l’élevage de volailles etautres animaux de ferme, l’horticulture maraî-chère, etc. et elles suivent cette formation pendantune période qui, dans la plupart des cas, est ache-vée six mois après leur inclusion dans le pro-gramme. Une fois formées, les participantes sontinscrites dans un centre de BRAC. Elles doiventassister aux réunions hebdomadaires et aussi éco-nomiser, chaque mois, un montant de 25 taka(0,50 dollar) qui est déposé chez BRAC sur uncompte rémunéré au taux de 6 %. Les partici-pantes peuvent effectuer des dépôts plus fréquents(hebdomadaires par exemple) si elles le désirenttant qu’elles épargnent au moins 25 taka parmois. Cette condition est similaire à celle àlaquelle sont assujettis les membres du pro-gramme ordinaire de BRAC qui sont, eux, tenusd’épargner chaque mois 20 taka sur un comptechez BRAC.

Le premier prêt de 2 500 taka (50 dollars) estégalement décaissé dès l’achèvement de la forma-tion et les remboursements hebdomadaires prévusau calendrier commencent immédiatement. Leprêt est assorti d’un taux d’intérêt uniforme de15 % et a une échéance à 12 mois.

Dès qu’elles ont fini de rembourser ce prêt ini-tial, les participantes reçoivent un deuxième prêt,de 4 000 taka (80 dollars). Le cycle de distribu-tion de céréales, qui couvre 18 mois, prend géné-ralement fin avant que le deuxième prêt n’ait étéintégralement remboursé. Lorsque tous les rem-boursements ont été effectués, les « sortantes »d’IGVGD deviennent membres des services demicrofinance ordinaires (le PDR à BRAC). Cetteparticipation est facilitée lorsque la situation éco-

nomique du ménage s’est améliorée. En pratique,80 % des femmes participent à au moins deuxcycles successifs d’IGVGD, et deux tiers desfemmes à au moins trois cycles.

Les formations et les filières propres à

chaque type d’activité

La très grande majorité (environ 85 %) desmembres d’IGVGD reçoivent un appui et une for-mation dans les domaines de l’élevage de volailleset autres animaux de ferme, de l’horticulturemaraîchère, de l’agriculture, de la production pis-cicole ou d’activités liées à la restauration ou àl’épicerie. Les femmes possèdent déjà certainescompétences en ces domaines et il existe desdébouchés assurés pour ces produits. L’élevagedes volailles n’exige que très peu d’investissementsdans des matériels ou dans l’infrastructure, ce quiexplique la place considérable qu’occupe cetteactivité dans le programme de formation assurépar le BRAC dans le cadre d’IGVGD.

Pour promouvoir à la fois les opportunités degénérer des revenus et l’expansion générale du sec-teur de la volaille, BRAC a forgé des liens avec lesservices publics chargés de l’élevage au Bangladeshpour pouvoir bénéficier d’activités de formation etde vaccination et d’un appui vétérinaire. Danschaque village ou groupe de villages, une femmereçoit une formation dans le cadre de laquelle elleapprend à vacciner les animaux et à leur donnerdes soins. Elle est ensuite payée entre un demi takaet un taka par vaccination effectuée ; les vaccins etles médicaments sont fournis gratuitement par lesservices publics chargés de l’élevage.

BRAC offre en outre des formations diversifiéesde manière à intégrer chaque étape du processusd’élevage de volailles (de l’éclosion des oeufs à lavente des poulets) et réduire ainsi les déséquilibresau sein du système. Certaines femmes apprennentà s’occuper des volailles pendant les deux mois sui-vant l’éclosion des poussins. Elles les vendent à lafin de cette période et achètent une nouvelle sériede poussins d’un jour. D’autres femmes appren-nent à élever des poules pondeuses. Elles se lan-cent dans cette activité en achetant 10 poulets

4

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hybrides par l’intermédiaire de BRAC au prix de250 taka. Beaucoup de femmes ramassent lesoeufs pour les vendre aux établissements d’accou-vage ou sur le marché. D’autres encore vendentdes aliments pour volailles. Quelques-unes reçoi-vent une formation qui doit les aider à mettre enplace une couveuse. Ces formations sont assuréescollectivement par BRAC et les services publicschargés des volailles et des animaux de ferme.

Outre l’élevage de la volaille et des animaux deferme, BRAC a décidé de poursuivre certainesinterventions novatrices, telles que la sériciculture.Le tissage de la soie est un art traditionnel danscertaines régions du Bangladesh, mais la concur-rence exercée par le tissage de la soie en usine etles matières synthétiques, ainsi que l’absence denouveaux motifs et d’activités de commercialisa-tion ont provoqué un net déclin de cette branched’activité. BRAC a décidé de relier les différentesétapes du processus de production de soie, d’une

part pour relancer cet art autochtone et d’autrepart pour ouvrir de nouvelles perspectives écono-miques à d’importants groupes de population.BRAC a sollicité des services des ponts et chaus-sées et des collectivités locales l’autorisation deplanter des mûriers le long des routes. Des femmesrecevant des céréales dans le cadre d’IGVGD plan-taient des mûriers et montaient la garde pour éviterque leurs plants ne soient volés ou détruits. Ellesrécoltaient ensuite les feuilles pour les vendre à desséricicultrices qui, pour la plupart, participaientaussi au programme d’IGVGD et s’occupaient desactivités séricicoles du stade de l’oeuf au cocon.Les cocons étaient vendus aux filateurs, qui à leurtour cédaient le fil aux tisseurs. BRAC fournissaitles motifs, assurait le contrôle de la qualité et ven-dait la soie par l’intermédiaire de ses grands pointsde distribution urbains, ou bien l’exportait. Il dis-pensait une formation d’une journée aux plan-teuses/gardiennes des mûriers et une formation

5

Le cycle d’IGVGD

1ere étape : L’administration centrale détermine le nombre de femmes de chaque thana (la circonscription administrative laplus petite) qui recevront gratuitement des céréales alimentaires dans le cadre du programme d’assistance.Cette allocation est fonction du ciblage géographique des zones en situation d’insécurité alimentaire.

Les comités formés au niveau des thanas par des représentants de l’État, des élus et des organisations béné-voles répartissent le nombre de bénéficiaires entre les différentes collectivités locales relevant de la thana (quisont généralement au nombre de huit à dix).

2e étape : Les représentants élus des collectivités locales soumettent le nom des femmes devant recevoir gratuitement descéréales. Ces noms sont approuvés par le comité du thana.

3e étape : BRAC sélectionne, dans la liste des femmes devant recevoir gratuitement les céréales, celles qui participerontau programme d’IGVGD (généralement 90 % du total).

4e étape : Le cycle de 18 mois d’IGVGD commence : 30 kilos de céréales alimentaires sont distribués chaque mois auxparticipantes. Ces dernières et BRAC choisissent leur domaine de formation et les activités de formation com-mencent.

5e étape : La formation est achevée (dans la plupart des cas) le sixième mois, et le premier des deux prêts est décaissé.Les participantes assistent à des réunions hebdomadaires et économisent 25 taka (0,50 dollar) par mois. Ellescommencent immédiatement à rembourser leur emprunt.

6e étape : Le premier prêt est intégralement remboursé et le deuxième prêt est décaissé.

7e étape : Le 16e mois, les participantes peuvent commencer à utiliser leur épargne si elles le désirent.

8e étape : Le 18e mois, le cycle est achevé et la distribution de céréales alimentaires prend fin. Les remboursements sepoursuivent si le deuxième prêt n’a pas été complètement remboursé.

9e étape : Les participantes qui sortent du cycle d’IGVGD sont invitées à devenir membres du programme ordinaire demicrofinance de BRAC.

Source : Maya Jessica Tudor : « An Idea, Its Innovation and Evolution: BRAC’s IGVGD Program » (polycopié).

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de cinq jours aux femmes chargées de l’élevage desvers à soie. Toutefois, les graves inondations de1998 ont détruit la plupart des mûriers et la mala-die a tué un grand nombre des vers à soie, de sorteque BRAC a dû réduire l’envergure de son pro-gramme de sériciculture.

Suivi du programme

Le programme d’IGVGD se caractérise par desinnovations constantes et un suivi attentif des acti-vités à plusieurs niveaux. Le gouvernement et lePAM assument la responsabilité du suivi du pro-gramme en procédant à l’examen des rapportsmensuels et trimestriels de BRAC qui est, quant àlui, tenu de mettre ses documents et ses rapportsà la disposition des agents concernés de l’État et

du PAM. Le personnel du Programme alimentairemondial se rend également plusieurs fois par ansur le terrain pour procéder à des vérificationsponctuelles des progrès accomplis. L’emploi desfonds versés à BRAC à des fins de formation et definancement fait l’objet d’audits annuels réaliséspar des experts comptables nommés par le PAMpour le compte des bailleurs de fonds. La divisiondes études et évaluations de BRAC, qui opère demanière indépendante, procède aussi à des exa-mens périodiques des différents aspectsd’IGVGD7.

6

7 Se reporter, par exemple, à Ghulam Sattar et al, « Food Aid and Sus-

tainable Livelihoods: BRAC’s Innovations against Hunger » et à Dil-

ruba Ahmed, « Poverty Alleviation of the Hardcore Poor in Bangla-

desh » (polycopié, BRAC, 2000).

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80

40

0 Veuves, divorcées,

abandonnées

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INDICATEURS

Clientes d’IGVGD Extrêmement pauvres Zones rurales du Bangladesh

Figure 2 Les grands indicateurs de pauvreté

Source : Hossain Zillur Rahman et Mahabub Hossain, directeurs de publication de Rethinking Rural Poverty: Bangladesh as a Case Study (New Delhi : Sage, 1995) et données des enquêtes menées auprès des femmes participant à IGVGD.

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Les excellents résultats d’IGVGD : du premier contact à la sortie desparticipantes du programme

LLee cciibbllaaggee ddeess ppeerrssoonnnneess

eexxttrrêêmmeemmeenntt ppaauuvvrreess

Une enquête longitudinale d’un échantillonreprésentatif à l’échelle du pays composé de 400membres d’IGVGD a permis de constater l’excel-lent ciblage des extrêmement pauvres par le pro-gramme8. Les indicateurs de base établis au débutdes années 90 montrent que 8 % des ménagesruraux bangladeshis avaient, à l’époque, une femmepour chef, alors que c’était le cas de 44 % desménages couverts par le programme d’IGVGD.Environ 4/5 des femmes participant au pro-gramme ne possédaient aucune terre agricole,contre 16 % des ménages ruraux et 53 % des trèspauvres. Quatre-vingt quinze pour cent desménages couverts par IGVGD étaient pratique-ment sans terre (moins de 0,20 ha) contre seule-ment 49 % des ménages ruraux et 72 % des extrê-mement pauvres. Environ un tiers des ménagesinclus dans le programme d’IGVGD n’avaient pasde biens avant de participer au programme, 87 %ne possédaient pas de couverture (contre 37 % desextrêmement pauvres) et la moitié environ n’avaientpas de lit. Moins d’un cinquième des femmes possé-daient plus de deux saris et 44 % n’avaient ni san-dales ni chaussures. Les ménages des femmesinclus dans IGVGD étaient généralement de tailleplus limitée que la moyenne des ménages bangla-deshis vivant en zone rurale et la proportion defemmes les composant était plus élevée. Lesménages pauvres sont généralement nucléaires,voire même plus petits, et ils comptent un nombreimportant de femmes abandonnées. Dans plus

d’un tiers des ménages retenus pour IGVGD, lesfemmes étaient le principal soutien de famille. Uncinquième des femmes devaient mendier pourobtenir de la nourriture. Environ 90 % des femmesétaient analphabètes et plus de la moitié d’entreelles ne pouvaient compter que jusqu’à 20.

Amélioration de la situation

économique des participantes

L’enquête longitudinale a été complétée par desopérations d’évaluation participatives menées, en1996 et en 1999, auprès de plus d’une centaine departicipantes à IGVGD qui avaient rejoint le pro-gramme en 1994, dans 10 sites différents. Cesévaluations ont montré que les femmes avaientgrandement profité du programme, qui leur a per-mis d’accroître leurs revenus et d’acquérir desbiens. Les participantes ont expliqué que, grâce àla distribution de céréales alimentaires dans lecadre d’IGVGD, il leur avait été possible d’écono-miser les faibles gains qu’elles auraient, sinon, dûutiliser pour acheter des aliments. Les prêts quileur ont été initialement consentis, et les montantsqu’elles ont pu épargner, leur ont permis de selancer dans des activités rémunératrices. Grâce àl’appui sous forme de céréales alimentaires et àl’aide financière dont elles ont bénéficié, elles ontconnu un répit qui leur a permis de réinvestir leursgains dans leur activité et de rembourser leuremprunt. L’élevage de volailles est, de toutes lesactivités, celle qui a donné les meilleurs résultats ;certaines femmes ont réinvesti l’argent qu’ellesont tiré de la vente de poulets (ou d’œufs) pouracheter des chèvres. Quelques autres se sont lan-cées dans des activités différentes, telles que ledécorticage du riz, le petit commerce de rue oul’ouverture d’une boutique.

La majorité des femmes ont indiqué que, lors-qu’elles ont cessé de recevoir gratuitement descéréales au bout de 18 mois, elles ont eu peur dene pas pouvoir continuer à gagner leur vie et ontconnu des moments difficiles. La plupart d’entreelles ont toutefois noté que, si leur niveau deconsommation a réellement chuté à ce moment-là, elles ont néanmoins réussi à poursuivre l’acti-vité rémunératrice qu’elles avaient entreprise grâce

7

8 L’enquête a été réalisée pour le compte du Programme alimentaire

mondial. L'échantillon, composé de 400 femmes réparties sur l’en-

semble du territoire, a été constitué par une méthode d'échantillon-

nage aléatoire à trois niveaux. Les enquêtes longitudinales ont été me-

nées auprès des mêmes femmes à trois dates différentes : en 1994, 400

femmes ont été interrogées alors qu’elles venaient tout juste d’être in-

cluses dans le programme ; en 1996, 398 de ces mêmes femmes ont

été interrogées alors qu’elles venaient de sortir du programme ; enfin,

345 femmes de ce même groupe ont été interrogées en 1999, c’est-à-

dire trois ans après leur sortie du programme.

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Quand son mari est mort de la tu-berculose, Jorimon s'est retrouvéseule avec ses deux filles, sansaucune possession mais avecune dette de 5 000 taka. Elle atravaillé pour des ménages mieuxnantis du village et a survécu engagnant un petit peu d'argent ouen mendiant pour avoir à manger.En 1994, elle a commencé à re-cevoir 31,5 kilos de céréaleschaque mois et est devenuemembre d’IGVGD.

Jorimon a suivi une formation detrois jours concernant l'élevagede volailles. Elle avait déjà élevédes poulets mais, à cette occa-sion, elle a appris comment lesvacciner, les garder propres etleur donner les bons aliments.Elle a aussi appris qu'il était im-portant d'épargner et, pour unefemme, de pouvoir subvenir à sespropres besoins et elle a reçu desconseils sanitaires. Elle a alors

bénéficié d’un prêt de 1 000 takade BRAC qu’elle a utilisé en par-tie pour acheter à BRAC des pou-lets de « race », en partie pouracheter des poulets locaux et enpartie pour investir dans le com-merce d'un vendeur de saris duvillage. Jorimon a bien tiré profitde ses investissements. À la finde la première année, elle avaitrevendu ses poulets, en avaitacheté de nouveaux et grâce àun nouveau prêt, avait achetédeux chèvres.

Lorsque le cycle d’IGVGD a prisfin en 1996, les agents de BRAClui ont demandé de devenirmembre du programme PDR.Ceci fait, elle a obtenu un prêtpour acheter une vache. Audébut, elle a eu du mal à s'ensortir sans les céréales gratuites,mais elle y est quand même par-venue grâce au prêt de BRAC.Jorimon continue d’élever

quelques poulets mais elle élèveaussi des chèvres qu'elle vendchaque année au marché del'Eid. Sa vache lui donne du lait ;elle vent le produit de la traite dumatin mais garde celui de latraite de l'après-midi pour sesfilles. Ces dernières vont àl'école de BRAC. L'année der-nière, Jorimon a reçu une forma-tion pour apprendre à coudreainsi qu'un prêt de BRAC pouracheter une machine à coudre.Elle confectionne maintenantdes vêtements pour enfants etdes blouses pour les femmes deson village. Elle a remboursétous ses emprunts, économisede manière régulière et rêved'avoir une maison à elle.Jorimon est très stricte sur lascolarisation de ses filles. Elleespère qu'elles feront desmariages intéressants et qu'ellesauront des vies prospères.

Celles qui s’en sont sorties…

Rafeza est devenu membred’IGVGD au début du cycle de1994-96. Elle avait perdu sonmari quelques années aupara-vant et avait quatre fils et troisfilles. Deux des garçons et deuxdes filles étaient mariées maisétaient trop pauvres pour assu-mer la charge du ménage deleur mère. Rafeza travaillait pourd'autres ménages et devait sou-vent mendier pour obtenir desaliments et nourrir les deux fils etla fille qui continuaient de vivreavec elle. Les céréales gratuiteslui ont permis de survivre.Refeza se rappelle avoir enfin pu

manger à sa faim. Elle a reçuune formation portant sur l'éle-vage de volailles et a vendu unepartie de ses céréales pouracheter quelques poulets.

À la fin du cycle d’IGVGD, elle aretiré les 300 taka qu'elle avaitéconomisés. Les agents du pro-gramme lui ont dit d'acheter despoulets avec cet argent mais elleavait besoin d'acheter de lanourriture. Elle a eu du mal àsubsister sans les céréales gra-tuites. Elle a continué de tra-vailler pour d'autres ménagesmais, avec l'âge, il lui était de

plus en plus dur de s’acquitter desa tâche. Aucun agent de BRACn’est venu lui demander d'adhé-rer au PDR. Peut-être était-elletrop âgée ; peut-être n’était-ellepas jugée suffisamment active.Elle a réussi à marier sa plusjeune fille. Un de ses fils est partichercher du travail. Rafeza vitavec son fils cadet qui va àl'école religieuse gratuite. Elletravaille quand elle peut et sub-siste grâce à la charité et auxdons des autres. Elle aimeraitbien pouvoir participer de nou-veau au programme de distribu-tion de céréales alimentaires.

… et celles qui n’ont pas réussi

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au crédit. Elles ont ensuite pu contracter de nou-veaux emprunts, qu’elles ont remboursés, et ellesne sont pas retombées dans le dénuement qui étaitauparavant leur lot. À l’opposé, un quart desfemmes ont indiqué qu’elles n’avaient pas pu réta-blir leur situation lorsqu’elles ont cessé de recevoirgratuitement des céréales alimentaires. Elles ontvendu leurs poulets, utilisé le solde de leuremprunt pour financer leur consommation et onteu du mal à rembourser celui-ci. Elles ont indiquéque leur situation est aussi désespérée qu’aupara-vant et qu’elles espéraient vraiment pouvoirrecommencer à bénéficier du programme decéréales alimentaires.

Un peu plus de la moitié des femmes interro-gées dans le cadre des évaluations participativesont indiqué que leur ménage avait pu acquérir cer-tains biens grâce au programme. Un grandnombre d’entre elles ont même pu acheter dessaris et des sandales avec leur propre argent alorsque, dans le passé, elles devaient avoir recours à laZakat (c’est-à-dire à la charité) et porter les vête-ments usagés donnés par les riches. La majorité deces femmes pouvaient faire trois repas par jour,même en période creuse. Quelques femmes ontfièrement annoncé qu’elles avaient installé un toit

en tôle sur leur logement, et une femme a mêmedit qu’elle avait acheté un petit terrain à cultiver.

Plusieurs des femmes interrogées ont fait valoirque, le plus difficile quand on est très pauvre, c’estl’attitude des autres ménages (un peu moins)pauvres. Elles ont dit qu’elles étaient mal traitéeset qu’on leur faisait sentir qu’elles étaient des« moins que rien ». Quelques femmes ont indiquéque, auparavant (c’est-à-dire avant leur participa-tion à IGVGD), elles avaient tenté de devenirmembre de BRAC mais qu’on leur avait réponduqu’elles étaient trop pauvres, qu’elles n’avaient pasles compétences nécessaires pour « s’en sortir »,qu’elles ne feraient que gaspiller l’argent de leuremprunt et, de surcroît, mettraient tout le mondeen difficulté. Le programme d’IGVGD a donné àces femmes davantage confiance en elles et acontribué à améliorer leur statut au sein de lacommunauté villageoise.

L’enquête longitudinale a permis de réunir desdonnées quantitatives sur certains indicateurs éco-nomiques à trois périodes différentes — lors del’inclusion des intéressées dans le programme en1994, à leur sortie du programme en 1996, ettrois ans plus tard en 1999. Si 1994 est l’année debase du programme, 1996 est, à bien des égards,

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Tableau 1 Évolution de la situation économique des ménages

VVaarriiaabblleess

PPaarrttiicciippaanntteess àà IIGGVVGGDD

11999944 ((aavvaanntt lleePPrrooggrraammmmee))

11999966 ((àà llaa ffiinn dduupprrooggrraammmmee)) 11999999 ((++ 33 aannss))

% des ménages sans couvertures 86 n.d. 75

% des ménages sans lits 42 40 36

Revenu mensuel (en Tk) avant l’enquête 75 717 415

% des ménages gagnant plus de 300 taka 7 64 31

% des ménages ayant une épargne auprès d’une ONG 11 34 37

% des ménages mendiant 18 2 0

% des ménages sans terre 78 62 n.d.

% des ménages sans bien de famille 27 13 n.d.

% des ménages quasiment sans terre 94 72 n.d.

n.d. = non disponible

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son point culminant. La distribution gratuite decéréales aux ménages étudiés venait juste de s’ar-rêter mais l’impact de cet arrêt ne se faisait pasencore sentir. En fait, les participantes avaientdésormais accès à leur épargne et venaient d’obte-nir un deuxième financement. Les informationsrecueillies pour 1999 correspondent donc à unepériode de stabilisation et mesurent mieux l’im-pact économique à long terme du programmeIGVGD.

Les données de l’enquête témoignent d’unediminution notable du nombre de ménages qui nepossèdent pas, ou quasiment pas (moins de 0,20ha), de terres et d’une augmentation du nombrede propriétaires de terres familiales entre 1994 et1996. Il est extrêmement intéressant de noter quele pourcentage de femmes obligées de mendierpour survivre est tombé de 18 % en 1994 à 2 % en1996 et est nul en 1999. Le pourcentage deménages possédant des couvertures et des lits aégalement augmenté au cours de cette période decinq ans, pour passer de 14 à 25 % dans le cas descouvertures et de 58 à 64 % dans le cas des lits. Lesrevenus mensuels ainsi que le pourcentage deménages gagnant plus de 300 taka ont fait unbond entre 1994 et 1996 pour toutefois diminuerquelque peu par la suite mais, malgré ce recul, les

revenus ont très fortement augmenté par rapportà leur niveau de 1994. Il semble donc que lesfemmes participant au programme IGVGD aientpu améliorer durablement leur situation écono-mique, qui reste satisfaisante trois ans après leursortie du programme.

La sortie du programme

Le programme d’IGVGD a été conçu dans le butcrucial de permettre aux participantes, qui sontextrêmement pauvres, de gagner accès à des pro-grammes de microcrédit ordinaires et partant, desuivre une trajectoire qui pourra leur permettre deréduire leur degré de pauvreté. IGVGD constituedonc, à divers égards, la première étape d’uneascension économique, et son succès peut êtremesuré en partie par le nombre de femmes quideviennent, à terme, des membres à part entièredes programmes de microfinance.

En avril 2000, 92 % des femmes incluses dansl’échantillon aléatoire initialement établi pour lecycle 1994–96 ont été de nouveau contactées etinterrogées aux fins de la présente étude. Letableau 2 montre que les deux tiers environ de cesfemmes ont réussi à devenir des membres à partentière de programmes de microfinance ordinaires.Bien que la plupart d’entre elles aient adhéré à

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Tableau 2 Adhésion à une IMF

CCaattééggoorriiee

PPaarrttiicciippaanntteess àà IIGGVVGGDD

11999944 ((aavvaanntt lleePPrrooggrraammmmee))

11999966 ((àà llaa ffiinn dduupprrooggrraammmmee)) 22000000 ((++ 44 aannss))

Membres d’une IMF 15 % 28 % 66 %

Répartition des adhérentes*

BRAC n.d. n.d. 65 %

Grameen n.d. n.d. 22 %

Proshika n.d. n.d. 7 %

ONG locales n.d. n.d. 16 %

Autres ONG n.d. n.d. 2 %

* Cette répartition est basée sur les 66 % de clientes incluses dans l’enquête de 1999 qui étaient membres d’une IMF. La somme des pour-

centages est supérieure à 100 % parce qu’une même personne peut être membre de plus d'une ONG-IMF. Aucune donnée sur la réparti-

tion entre IMF n’est disponible pour 1994 et 1996.

n.d. = non disponible

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BRAC, un certain nombre de femmes sont deve-nues membres d’autres institutions de microfi-nance (IMF). Le programme d’IGVGD de BRACjoue donc un rôle très utile en « préparant » uneclientèle pour l’ensemble du secteur des IMF.

La question de la subvention

Selon les estimations de BRAC, la formationd’une femme coûte, en moyenne, 500 taka.BRAC perçoit des intérêts au taux uniforme de15 % sur les prêts qu’il consent aux participantes àIGVGD, c’est-à-dire au même taux que pour lesclients de son programme de microfinance ordi-naire (PDR). D’après ses calculs, le coût de lafourniture de ses services à chacun de ses clientsest de l’ordre de 600 taka. Dans le contexte duPDR, ce coût est financé par le produit des inté-rêts applicables au premier prêt de 4 000 taka. Lepremier prêt accordé à une participante à IGVGDn’est, toutefois, que de 2 500 taka et les intérêtsqu’il génère ne suffisent pas à couvrir le coût duservice. Le montant estimatif de la subvention deBRAC au titre de chaque prêt initial octroyé à uneparticipante à IGVGD est donc de 225 taka. Lasubvention qu’il accorde donc au titre du crédit etdes services de formation est de 725 taka parcliente. Pour l’instant, le PAM fournit gratuite-ment à BRAC les céréales alimentaires que celui-cidistribue pendant 18 mois à chaque participante àIGVGD. Si l’on inclue dans les calculs le coût descéréales (6 000 taka aux prix courants), la sub-vention totale est, pour chaque femme, de l’ordrede 6 725 takas (soit environ 135 dollars). L’Étatet les bailleurs de fonds estiment qu’il s’agit làd’une faible somme si l’on considère que la trèsgrande majorité des participantes au programmed’IGVGD cessent, lorsqu’elles en sortent, d’avoirrégulièrement besoin de secours.

Les subventions qui forment la base du pro-gramme d’IGVGD soulèvent quelques questionsdifficiles car, en règle générale, la fourniture deservices non financiers et de services financiers parune même institution a pour effet de réduire l’ef-ficacité de cette dernière et de compromettre saviabilité. BRAC évite ce problème, pour l’essen-tiel, en séparant les fonctions relatives à ces diffé-

rentes activités. La fourniture et la distribution descéréales alimentaires gratuites sont assurées parl’État dans le cadre d’un programme préexistantdans lequel le programme de microfinance deBRAC n’intervient aucunement. Les formationssont dispensées conjointement par l’ONG et parl’État. Le coût de la fourniture de prêts demoindre montant donne lieu à une subventioncroisée du programme de microcrédit ordinaire deBRAC, mais le suivi financier et la comptabilitéd’IGVGD sont assurés indépendamment du PRDpour qu’il soit possible d’évaluer les subventions.

Il est toutefois fortement recommandé de sépa-rer clairement les opérations relatives à chacune deces activités et, dans la majorité des cas, il est pré-férable qu’une institution de microfinance nefournisse que des services financiers et qu’elleforge des partenariats avec des prestataires pour lafourniture des services non financiers. Toute sub-vention devrait émaner des partenaires, et non pasde l’institution de microfinance, pour que l’objec-tif reste clairement le développement d’une insti-tution viable. Il importe donc de structurer toutesubvention croisée des taux d’intérêt avec le plusgrand soin pour éviter que cette opération n’ait unimpact négatif sur la viabilité financière du pro-gramme ou de l’institution dans son ensemble.

Conclusion

Le programme d’IGVGD de BRAC montre qu’ilest possible d’améliorer suffisamment la situationdes ménages, même ceux qui vivent dans ledénuement le plus complet, pour leur permettred’avoir accès aux services de microfinance. Laprincipale innovation de BRAC tient aux liensnovateurs qu’il a établis entre la microfinance etles filets de sécurité sociaux. Il ne faut toutefoispas croire que cet exemple est unique ou qu’unetelle opération ne peut être assurée que par unegrande ONG. Au Bangladesh, de petites ONG deportée locale (notamment Jagorani Chakra)obtiennent elles aussi de bons résultats dans lecadre d’opérations similaires. D’autres, commeCARE Bangladesh, ont réussi à allier des opéra-tions de microfinance et des mécanismes d’emploigarantis par l’État.

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Syed Hashemi a rédigé cetteNote avec l’appui de Maya Tudor,

étudiante de troisième cycle àStanford University effectuant un

stage à BRAC, et de ZakirHossain, Nagorik Uddyog, à

Dhaka. À la suite de la missionmenée par Elizabeth Littlefield au

Bangladesh au début de 2000 etdes entretiens qu’elle a eus avecFazle Hasan Abed, fondateur etprésident de BRAC, il a été jugé

nécessaire de diffuser pluslargement les résultats obtenus

par BRAC dans le cadre duprogramme IGVGD. L’auteur tientà remercier Salehuddin Ahmed,

Aminul Alam, MushtaqueChowdhury, G M Sattar et RabeyaYasmin (BRAC) des informations,

explications et commentairesqu’ils ont bien voulu lui fournir et

qui lui ont permis de préparercette Note. Elizabeth Littlefield,

Imran Matin, Brigit Helms, DougPearce, Tiphaine Crenn, Rich

Rosenberg and OusaSananikone, tous membres du

CGAP, ont aussi fait part de leursprécieux commentaires. Directrice

de publication : Tiphaine Crenn

N’hésitez pas à faire lire cetteNotes à vos collègues ou à nous

demander des exemplairessupplémentaires de ce numéro ou

d’autres études.

Toutes les études du CGAP sontdisponibles sur le site web du

CGAP : www.cgap.org.

CGAP 1818 H Street, N.W.

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Tél. : 202 473 9594 Fax : 202 522 3744

Courriel :[email protected]

Site Web :www.cgap.org

NoteFocus

N° 21BRAC a permis aux deux tiers des participantes à son programme de devenir desmembres à part entière de programmes de microfinance ordinaires. Étant donnéqu’environ un million de femmes ont participé au programme d’IGVGD depuis lelancement de ce dernier, les deux tiers d’un million de femmes vivant autrefois dansle dénuement sont maintenant membres de programmes de microfinance auxquelselles n’auraient probablement pas pu avoir accès sans IGVGD.

Le programme n’a pas vraiment permis d’améliorer durablement la situation d’untiers des participantes. BRAC exclut également 10 % des femmes recevant descéréales alimentaires d’IGVGD parce qu’elles sont trop âgées ou handicapées. Leprogramme n’est donc pas une panacée pour toutes les femmes couvertes par lesfilets de sécurité sociaux et il reste nécessaire de fournir de manière plus systéma-tique une assistance élémentaire aux plus pauvres.

L’un des risques fondamentaux que courent les programmes qui, commeIGVGD, font intervenir une gamme limitée d’activités économiques, tient à leurvulnérabilité face aux chocs macroéconomiques et extérieurs. Les maladies aviairespeuvent devenir épidémiques, détruire les poulaillers domestiques et forcer ungrand nombre de clients à s’endetter. Les activités de sériciculture et la filière du verà soie d’IGVGD ont énormément souffert des inondations et des maladies du ver àsoie. Il importe donc de veiller à mettre en place des plans pour pallier les problèmesde ce type, par exemple en diversifiant le portefeuille d’activités.

Le succès remporté par le programme d’IGVGD montre à quel point il estimportant d’innover pour mettre la microfinance au service de la lutte contre la pau-vreté. Si la microfinance n’est pas une panacée en matière de réduction de la pau-vreté, et bien qu’elle ait fait l’objet de nombreuses initiatives mal conçues et vouéesà l’échec qui n’ont fait que compromettre le secteur, elle offre néanmoins toujoursdes opportunités considérables pour les pauvres. Si de nombreux praticiens de lamicrofinance ont choisi la facilité en faisant valoir que la microfinance n’est pasadaptée à la situation des extrêmement pauvres, des programmes comme IGVGDpermettent de replacer ces derniers au cœur des débats politiques et de l’agendaopérationnel. IGVGD nous met au défi de mettre en place des mécanismes efficacesd’un bon rapport coût-efficacité pour inclure ceux qui ne sont pas couverts par lesprogrammes ordinaires de microfinance. Assister les populations indigentes afin deles aider à sortir de l’extrême pauvreté a des impacts sociaux trop importants pourne pas saisir les occasions offertes.

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